EST-CE NORMAL DE NE PAS AVOIR DE DĂSIR SEXUEL ?
Angoisses, doutes, idĂ©es noiresâŠ
EST-CE NORMAL DE NE PAS AVOIR DE DĂSIR SEXUEL ?
Angoisses, doutes, idĂ©es noiresâŠ
EXPĂRIENCE DE MORT IMMINENTE QUAND LâESPRIT SE DĂTACHE DU CORPS
SANTĂ ARRĂTER DE FUMER GRĂCE AUX ONDES MAGNĂTIQUES
HARCĂLEMENT SCOLAIRE LES PHRASES QUI FONT DU BIEN AUX VICTIMES
PEOPLE PLEASERS CES PERSONNALITĂS QUI NE SAVENT
JAMAIS DIRE NON
N° 164
p.14-16
Carissa Wong
Docteure en immunologie, contributrice des revues Nature et New Scientist, elle rĂ©vĂšle comment les injections dâhormone de croissance contaminĂ©e ont provoquĂ© des cas de maladie dâAlzheimer.
p.52-57
David Gourion
Médecin psychiatre et docteur en neurosciences, il décrypte le fonctionnement de nos ruminations et propose plusieurs approches pour les neutraliser.
p. 58-65
Bruno Humbeeck
PsychopĂ©dagogue, docteur en sciences de lâĂ©ducation, chargĂ© dâenseignement Ă lâuniversitĂ© de Mons et responsable du Centre de ressource Ă©ducative pour lâaction sociale, il o re un regard nouveau sur le harcĂšlement scolaire.
p. 68-74
Allison Parshall
Journaliste scientiïŹque Ă la revue ScientiïŹc American, elle a enquĂȘtĂ© sur la montĂ©e de lâasexualitĂ© comme nouvelle orientation sexuelle Ă part entiĂšre.
Rédacteur en chef
Des nouvelles de lâĂąme
Dans les tombes de la XIIIe dynastie Ă©gyptienne, il y a plus de 4 000 ans, on voit des dessins montrant un oiseau survolant une momie. Câest lâĂąme, le ba, qui se dissocie du corps aprĂšs la mort. Cette idĂ©e fera forĂšs dans la plupart des religions, christianisme en tĂȘte. Mais aussi dans la philosophie de Platon, pour qui lâĂąme, avant notre naissance, a cĂŽtoyĂ© les dieux dans le monde immatĂ©riel des idĂ©es. Et peut se rĂ©incarner, comme dans les religions hindoues. Des siĂšcles plus tard, Descartes perpĂ©tuera cette notion de sĂ©paration du corps et de lâesprit Ă travers son fameux dualisme. DâoĂč vient lâuniversalitĂ© de cette croyance ? Certains psychologues arguent que notre esprit est incapable de se reprĂ©senter ce quâest lâabsence de conscience, car pour ce faire il lui faudrait ĂȘtre conscient. Dâautres font valoir que la mort nous fait peur et que nous prĂ©fĂ©rons la nier. Mais il existe une autre explication : lâĂąme ne serait quâun tour que nous joue notre cerveau. Celui-ci peut, dans certaines circonstances, nous montrer notre corps de lâextĂ©rieur. Câest ce quâon appelle lâ« expĂ©rience de sortie du corps », oĂč certaines personnes se sentent fotter jusquâau plafond et observent leur propre corps du dessus. Ce type dâexpĂ©rience arriverait Ă environ 10 % dâentre nous au cours de leur vie. Et, surtout, elle sâexplique assez simplement par des mĂ©canismes perceptifs que lâon peut reproduire en laboratoire et que vous pourrez dĂ©couvrir en page 22 de ce numĂ©ro.
Ce petit coquin de cerveau nous aurait peut-ĂȘtre ainsi jouĂ© un tour qui aurait donnĂ© naissance Ă des religions, dont le poids sur lâhistoire du monde a Ă©tĂ© immense. Mais je suis sĂ»r que tout le monde ne sera pas dâaccord. ÂŁ
p. 6-44
p. 6 ACTUALITĂS
Sucre, graisses : votre estomac vous manipule !
Les vacances requinquent le couple
Les arbres chassent lâanxiĂ©tĂ© des enfants
LâĂ©cran, tĂ©tine virtuelle ?
Des cerveaux au service de lâIA
Coup de chaud sur la dépression
Addiction Ă la musique : quand devient-on accro ?
Plus dâinĂ©galitĂ©s, plus de cupiditĂ©
p. 14 FOCUS
Des cas dâAlzheimer liĂ©s Ă lâhormone de croissance ?
Il y a plusieurs décennies, des injections mal contrÎlées auraient transmis la maladie à certains patients.
Carissa Wongp. 18 NEUROTECHNOLOGIE
Neuralink : que fait lâimplant cĂ©rĂ©bral dâElon Musk ?
La société fondée par le milliardaire technophile a inséré sa premiÚre puce dans un cerveau humain. Avec quels résultats ?
Ben Guarinop.
p. 22 NEUROSCIENCES
Sortie de corps : un « bug cérébral » ?
Se sentir ïŹotter au-dessus de son corps, sâĂ©lever jusquâau plafond : ces sensations semblent rĂ©sulter dâune panne de traitement des informations dans notre cerveau.
Janosch Deeg
p. 30 INFOGRAPHIE
Texte : Anna von Hop garten
Illustration : Yousun Koh
p. 32 ADDICTION
La stimulation magnétique transcrùnienne fait la preuve de son e cacité en matiÚre de sevrage tabagique.
Simon Makin
p. 40 NEUROANATOMIE
Notre « petit cerveau », maßtre des émotions et du mouvement
LogĂ© Ă lâarriĂšre de notre cerveau, le cervelet fait bien plus que gĂ©rer nos mouvements.
Douglas Fields
p. 45
p. 46 SCIENCES COGNITIVES
Assez de tourner encore et toujours dans votre tĂȘte les mĂȘmes pensĂ©es angoissantes ?
La méthode de « suppression de pensées », validée par des expériences récentes, est faite pour vous.
IngridWickelgren
p. 52 SANTĂ MENTALE
Restructuration mentale, TCC, mĂ©ditation, rĂ©orientation de lâattention : un vaste Ă©ventail dâapproches peut ĂȘtre mis en Ćuvre pour cesser de ressasser les mĂȘmes pensĂ©es. Entretien avec David Gourion
p. 18 p. 22 p. 32 p. 40p.
58 p. 68 p. 80 p. 66 p. 76 p. 86 p.
p. 58-78
p. 80-91
p. 92-98
HarcÚlement scolaire : comment réagir ?
Cette forme « dâagressivitĂ© hiĂ©rarchique » ne se rĂ©glera pas par lâexclusion dâun individu.
Bruno Humbeeck
p. 66 RAISON ET DĂRAISONCrĂšme quantique : le « marketing pseudoprofond »
La publicité pour la derniÚre crÚme de Guerlain tend un piÚge à vos neurones !
p. 68 SEXUALITĂ
Pas de dĂ©sir sexuel : et si câĂ©tait normal ?
LâasexualitĂ© est en passe de devenir une orientation sexuelle Ă part entiĂšre.
Allison Parshall
p. 76 LâENVERS DU DĂVELOPPEMENT PERSONNELYVES-ALEXANDRE THALMANN
Pensez-vous comme un arbre ?
Penser « en arborescence », signe de haut potentiel intellectuel ? Rien de plus faux.
p. 80 PSYCHOLOGIE COMPORTEMENTALE
« People
pleasers
» :
quand on ne sait pas dire nonâŠ
Ils disent toujours oui quand on leur demande un service, nâosent pas exprimer leur dĂ©saccord en public : les people pleasers en oublient qui ils sont ! Hanne Peeters
p. 86 LâĂCOLE DES CERVEAUX
JEAN-PHILIPPE LACHAUX
Le par-cĆur, câest bon pour le cerveau !
Ce mode dâapprentissage crĂ©e des « ponts neuronaux » qui amĂ©liorent la rapiditĂ© et la crĂ©ativitĂ©.
p. 90 LA QUESTION DU MOIS
Les femmes enceintes ont-elles un odorat plus développé ?
5 N° 164 - Avril 2024
p. 92 SĂLECTION DE LIVRES
LâInconscient freudien : y a-t-il quelque chose Ă sauver ?
LâAddiction, comment sâen sortir ?
Parents animaux
LâEnvers du divan
Le Guide parental pour comprendre son ado
Sâestimer et sâoublier
p. 94 NEUROSCIENCES ET LITTĂRATURE
SEBASTIAN DIEGUEZ
Troll : psychologie de ceux qui pourrissent internet
Docteure en immunologie et contributrice des revues Nature et New Scientist
NEUROSCIENCES
Selon une Ă©tude rĂ©cente, des injections dâhormone de croissance rĂ©alisĂ©es il y a plusieurs dĂ©cennies pourraient avoir favorisĂ© lâapparition de la maladie dâAlzheimer chez certains patients.
Des injections dâhormone de croissance prĂ©levĂ©e sur des cerveaux de personnes dĂ©cĂ©dĂ©es (une pratique aujourdâhui abandonnĂ©e) auraient transmis la maladie dâAlzheimer Ă certains patients : telle est la conclusion dâune Ă©tude rĂ©cente parue dans la revue Nature En effet, des chercheurs af rment avoir identi Ă© de nouvelles preuves lâappui dâune hypothĂšse controversĂ©e, selon laquelle les protĂ©ines lâorigine dâagrĂ©gats qui sont la signature de la maladie dâAlzheimer peuvent ĂȘtre transmises dâune personne lâautre par le iais de certaines procĂ©dures chirurgicales.
Les auteurs de cette Ă©tude, ainsi que dâautres scienti ques consultĂ©s, soulignent que ces travaux de recherche reposent actuellement sur un petit Ă©chantillon dâindividus et quâils portent sur des pratiques mĂ©dicales qui nâont actuellement plus cours. Ces travaux ne suggĂšrent pas que les formes de dĂ©mence telles que la maladie dâAlzheimer pourraient ĂȘtre contagieuses.
NĂ©anmoins, « nous aimerions prendre des prĂ©cautions lâavenir
Cet article a Ă©tĂ© publiĂ© initialement dans la revue Nature du 29 janvier 2024 sous le titre « Signs of âtransmissibleâ Alzheimerâs seen in people who received growth hormone ». www.nature.com
© Springer Nature Limited
pour rĂ©duire ces rares cas », signale le neurologue John Collinge, de lâUniversity College London, qui a dirigĂ© cette recherche publiĂ©e dans la revue Nature Medicine datĂ©e du 29 janvier.
UNE DĂMENCE ANORMALEMENT PRĂCOCE
En quoi a consistĂ© cette enquĂȘte ? Depuis dix ans, John Collinge et son Ă©quipe ont Ă©tudiĂ© des patients au Royaume-Uni qui, pendant leur enfance, ont reçu de lâhormone de croissance dĂ©rivĂ©e dâhypophyses de personnes dĂ©cĂ©dĂ©es [comme cela a pu ĂȘtre fait en France au cours de la mĂȘme pĂ©riode, oĂč des centaines dâenfants ont eu des injections de cette hormone de croissance contaminĂ©e par des protĂ©ines du mĂȘme type responsables de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, ndlr] pour traiter des problĂšmes mĂ©dicaux tels quâune taille trop petite. La derniĂšre Ă©tude rĂ©vĂšle que, des dĂ©cennies plus tard, certains de ces patients ont dĂ©veloppĂ© des signes de dĂ©mence prĂ©coce. Les symptĂŽmes, tels que les troubles de la mĂ©moire et du
Dans le cerveau de personnes dĂ©cĂ©dĂ©es aprĂšs avoir reçu des injections dâhormone de croissance contaminĂ©e, sont apparues des lĂ©sions vasculaires annonciatrices de la maladie dâAlzheimer.
langage, ont Ă©tĂ© diagnostiquĂ©s cliniquement et, chez certains, sont apparus en mĂȘme temps que des plaques du peptide ÎČ-amyloĂŻde dans le cerveau, une caractĂ©ristique de la maladie dâAlzheimer. Les auteurs avancent que cette protĂ©ine, prĂ©sente dans les prĂ©parations hormonales, aurait Ă©tĂ© « ensemencĂ©e » dans les cerveaux et aurait causĂ© les dommages que lâon constate aujourdâhui.
LâHORMONE DE CROISSANCE CONTENAIT DE LâAMYLOĂDEâŠ
Ces travaux sâappuient sur des investigations antĂ©rieures de la mĂȘme Ă©quipe, qui portaient alors sur des individus ayant reçu de lâhormone de croissance prĂ©levĂ©e sur des morts, une pratique laquelle le Royaume-Uni a mis fin en 1985 [et la France en 1988, ndlr]. En 2015, lâĂ©quipe de John Collinge a dĂ©crit la dĂ©couverte post-mortem de dĂ©pĂŽts de peptide ÎČ -amyloĂŻde dans le cerveau de quatre personnes qui avaient
Ă©tĂ© traitĂ©es avec lâhormone de croissance. Elles Ă©taient dĂ©cĂ©dĂ©es, un Ăąge moyen, de la maladie neurologique mortelle de Creutzfeldt-Jakob, qui est causĂ©e par des protĂ©ines infectieuses mal repliĂ©es appelĂ©es « prions ». Ces derniers Ă©taient prĂ©sents dans les lots dâhormone de croissance.
Les quatre cas analysĂ©s dans cette Ă©tude sont dĂ©cĂ©dĂ©s avant que les signes cliniques liĂ©s lâaccumulation de peptide ÎČ -amyloĂŻde nâaient pu ĂȘtre observĂ©s. Mais la prĂ©sence de ces plaques dans les vaisseaux sanguins de leur cerveau suggĂšre quâils auraient dĂ©veloppĂ© une maladie appelĂ©e « angiopathie amyloĂŻde cĂ©rĂ©brale » (AAC) â qui provoque des hĂ©morragies dans le cerveau et est souvent un prĂ©curseur de la maladie dâAlzheimer.
LâĂ©quipe de chercheurs a Ă©galement localisĂ© et examinĂ© des lots archivĂ©s de lâhormone de croissance obtenus postmortem. Dans une Ă©tude de 2018, ils ont
rapportĂ© que certains lots de la prĂ©paration hormonale contenaient du peptide ÎČ -amyloĂŻde et que, lorsque ces prĂ©parations Ă©taient injectĂ©es des souris, cela se traduisait par le dĂ©veloppement de plaques amyloĂŻdes et lâapparition dâAAC chez ces animaux.
LâĂ©quipe de John Collinge sâest donc demandĂ© si les prĂ©parations hormonales contaminĂ©es auraient Ă©galement pu provoquer lâapparition de la maladie dâAlzheimer chez les patients qui les avaient reçues, les plaques amyloĂŻdes Ă©tant censĂ©es provoquer la perte de neurones et de tissus cĂ©rĂ©braux.
Dans sa derniĂšre Ă©tude, elle a constatĂ© que cinq personnes sur huit ayant reçu le traitement hormonal dans leur enfance â mais sans dĂ©velopper la maladie de Creutzfeldt-Jakob â ont prĂ©sentĂ© des signes comportementaux de dĂ©mence prĂ©coce plus tard dans leur vie, entre et ans. es scienti ques af rment que ces cinq individus que
les chercheurs ont Ă©tudiĂ©s en clinique ou par le biais de dossiers mĂ©dicaux et de scanners cĂ©rĂ©braux â rĂ©pondaient aux critĂšres de diagnostic de la maladie dâ l heimer dĂ© ut prĂ©coce.
UN ALZHEIMER TRANSMISSIBLE ?
La maladie dâAlzheimer prĂ©coce est gĂ©nĂ©ralement causĂ©e par certaines variantes gĂ©nĂ©tiques, mais les chercheurs nâont pas dĂ©tectĂ© ces derniĂšres chez trois des patients qui prĂ©sentaient des signes dâAlzheimer et dont les Ă©chantillons dâADN Ă©taient disponibles pour des tests. « Ce constat est cohĂ©rent avec le fait que ces patients ont dĂ©veloppĂ© une forme de maladie dâ l heimer la suite dâun traitement pendant lâenfance avec cette hormone hypophysaire contaminĂ©e », dĂ©clare John Collinge. Prises dans leur ensemble, ces Ă©tudes suggĂšrent que, dans de rares cas, la maladie dâAlzheimer pourrait ĂȘtre transmise par un transfert de matĂ©riel biologique, af rment les auteurs.
Toutefois, la petite taille de lâĂ©tude limite la soliditĂ© des rĂ©sultats, explique Tara Spires-Jones, neuroscienti que lâ nstitut ritannique de recherche sur la dĂ©mence, lâuniversitĂ© dâĂdimbourg. « Les traces de peptide ÎČ-amyloĂŻde issues du traitement hormonal jouent-elles un rĂŽle dans le dĂ©veloppement de la dĂ©mence ? l est dif cile de le dĂ©terminer sur la seule base dâun Ă©chantillon de huit personnes », reconnaĂźt-elle.
Selon Mathias Jucker, neuroscienti que au Centre allemand des maladies neurodĂ©gĂ©nĂ©ratives, de TĂŒbingen, il nâest pas exclu que certains patients aient pu dĂ©velopper une dĂ©mence indĂ©pendamment du traitement hormonal. « Ces personnes prĂ©sentaient de nombreuses pathologies diffĂ©rentes qui auraient pu augmenter le risque de dĂ©velopper une maladie neurodĂ©gĂ©nĂ©rative comme la maladie dâAlzheimer », explique-t-il. Les chercheurs se
Cinq personnes sur huit ayant reçu le traitement hormonal contaminé dans leur enfance ont développé des signes comportementaux de démence précoce entre 38 et 55 ans.
demandent Ă©galement si les cas atteints de dĂ©mence Ă©taient rĂ©ellement touchĂ©s par la maladie dâAlzheimer, indĂ©pendamment des diagnostics cliniques.
« De frĂ©quentes erreurs sont commises dans le diagnostic du type de dĂ©mence dont souffre un patient de son vivant », reconnaĂźt Andrew Doig, chercheur en neurosciences lâuniversitĂ© de Manchester, au Royaume-Uni. En stricts termes de santĂ© publique, il nây a pas lieu de sâinquiĂ©ter aujourdâhui dâune dĂ©mence transmissi le », af rme ainsi Tara Spires-Jones, qui rappelle que ce traitement nâexiste plus aujourdâhui.
Bibliographie
G. Banerjee et al., Iatrogenic Alzheimerâs disease in recipients of cadaveric pituitary-derived growth hormone, Nature Medicine, 2024
Alors, beaucoup de bruit pour rien ? MalgrĂ© les limites de lâĂ©tude, la recherche permet de mieux comprendre les maladies neurodĂ©gĂ©nĂ©ratives, de lâavis des scienti ques. « Je suis heureux que des gens poursuivent des recherches aussi minutieuses pour nous aider mieu comprendre lâensemencement des maladies neurodĂ©gĂ©nĂ©ratives par le peptide ÎČ -amyloĂŻde », rĂ©sume Tara Spires-Jones. Et selon Mathias Jucker, « de nombreux autres scienti ques vont maintenant chercher des preuves supplĂ©mentaires pour explorer lâidĂ©e dâune maladie dâAlzheimer transmissible ». ÂŁ
â N° 163 (mars.24)
⚯ 9,40 ⏠= , âŹ
â N° 157 (sept.23)
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â N° 162 (fĂ©v.24)
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â N° 156 (juil.-aoĂ»t 23)
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â N° 161 (janv.24)
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â N° 155 (juin 23)
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â N° 160 (dĂ©c.23)
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â N° 154 (mai. 23)
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â N° 159 (nov.23) ⚯ 9,40 ⏠= , âŹ
â N° 158 (oct.23)
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Cet article est paru initialement en anglais dans la revue Nature, sous le titre Brainzapping technology helps smokers to quit , le 7 juin 2023.
© Springer Nature Limited
Envoyer des ondes Ă©lectromagnĂ©tiques dans le cerveau pour aider les gens Ă dĂ©crocher de la cigarette : il sâagit dâun nouveau traitement par stimulation magnĂ©tique transcrĂąnienne rĂ©pĂ©titive, ou rTMS. Les rĂ©sultats sont prometteurs, mais il reste de nombreuses mises au point Ă rĂ©aliser pour que la technique soit e cace pour chaque fumeur.
Par SimonMakin, neuroscientiïŹque et journaliste scientiïŹque pour ScientiïŹcAmerican et New Scientist.
ÂŁ La stimulation magnĂ©tique transcrĂąnienne (rTMS) consiste Ă stimuler des rĂ©gions prĂ©cises du cerveau Ă lâaide dâun casque et dâune bobine posĂ©s sur la tĂȘte, de façon non invasive et sans e ets secondaires notables.
ÂŁ Un premier essai clinique a montrĂ© que la technique serait assez e cace pour arrĂȘter le tabac, car elle ciblerait le rĂ©seau cĂ©rĂ©bral impliquĂ© dans les addictions.
ÂŁ Mais il sâagit encore de prĂ©ciser les rĂ©glages et les protocoles de la stimulation pour que chaque fumeur puisse en bĂ©nĂ©ïŹcier.
alit Blecher nâa jamais voulu commencer Ă fumer. Mais lors de son service militaire en IsraĂ«l, elle a craquĂ©. « Tout le monde fumait dans lâarmĂ©e israĂ©lienne. » Elle a tenu bon plus dâun an jusquâĂ ce quâon lâaffecte dans le dĂ©sert, oĂč sa dĂ©termination sâest brisĂ©e. « Je faisais trois heures de route au milieu de nulle part, plusieurs fois par semaine. Je mâendormais. »
De retour Ă la vie civile, elle a arrĂȘtĂ© de fumer Ă deux reprises avec lâaide dâun antidĂ©presseur de la gamme des psychotropes appelĂ© « bupropion » â commercialisĂ© entre autres sous le nom de Zyban. Ce mĂ©dicament est connu pour rĂ©duire les envies de consommer la drogue â le craving, en anglais â et faciliter le sevrage. Mais la jeune IsraĂ©lienne a repris la cigarette Ă chaque fois. Puis,
en 2017, elle a participĂ© Ă un essai clinique pour tester un nouveau traitement destinĂ© aux personnes ayant essayĂ© dâarrĂȘter le tabac plusieurs fois, en vain. Elle nâa jamais plus fumĂ© depuis. « AprĂšs le Zyban, jâavais toujours envie dâune cigarette lorsque je voyais dâautres fumeurs⊠Mais cette fois, je suis vraiment dĂ©goĂ»tĂ©e par le tabac, je ne supporte plus lâodeur. »
UN TRAITEMENT APPROUVĂ
AU PREMIER ESSAI
Ce fameux traitement qui a libĂ©rĂ© Galit de sa dĂ©pendance est nommĂ© « stimulation magnĂ©tique transcrĂąnienne rĂ©pĂ©titive, ou rTMS ». Il utilise des champs magnĂ©tiques pour stimuler des rĂ©gions du cerveau impliquĂ©es dans lâaddiction. Le taux dâarrĂȘt du tabac au cours de cet essai a Ă©tĂ© modeste, mais comparable Ă celui obtenu avec le bupropion, un composĂ© qui bloque les rĂ©cepteurs de la nicotine dans le cerveau. Ce qui a suf pour convaincre la Food and Drug Administration (FDA) â lâagence amĂ©ricaine du mĂ©dicament â dâapprouver, en aoĂ»t 2020, lâutilisation de la rTMS pour aider les patients Ă arrĂȘter de fumer.
outefois, les scienti ques qui travaillent sur cette nouvelle approche de sevrage tabagique ne sont pas au bout de leurs peines, car la maniĂšre de lâadministrer dĂ©pend dâun grand nombre de variables. Les chercheurs du monde entier sâefforcent donc de mettre en commun leurs connaissances a n de standardiser la technique et de soutenir le maximum de fumeurs. En cela, ils sont aidĂ©s par une comprĂ©hension de plus en plus prĂ©cise des rĂ©seaux cĂ©rĂ©braux impliquĂ©s dans lâaddiction, ce qui leur permet de rendre la rTMS plus ef cace. Certains dâentre eu tentent mĂȘme dâutiliser lâimagerie cĂ©rĂ©brale pour bien adapter le traitement au cerveau de chaque individu.
Galit Blecher faisait partie des 262 individus dĂ©pendants Ă la cigarette recrutĂ©s pour cet essai clinique. « Il sâagissait de personnes qui fumaient beaucoup et depuis de nombreuses annĂ©es », e plique raham angen, neuroscienti que lâuniversitĂ© Ben-Gourion du NĂ©guev, en IsraĂ«l, qui a dirigĂ© lâĂ©tude. LâexpĂ©rience a consistĂ© Ă administrer Ă la moitiĂ© des volontaires une stimulation cĂ©rĂ©brale rĂ©elle, grĂące Ă un casque contenant une bobine Ă©lectromagnĂ©tique, et, Ă lâautre moitiĂ©, une stimulation ctive la o ine factice produisait des sons et des vibrations semblables aux sensations que lâĂ©lectroaimant provoque sur le cuir chevelu, mais sans Ă©mettre de champ magnĂ©tique.
Les rĂ©gions cĂ©rĂ©brales ciblĂ©es par la stimulation Ă©taient le cortex prĂ©frontal latĂ©ral, situĂ© sur la face antĂ©rieure et externe du cerveau, et lâinsula, enfouie plus en profondeur. LâintensitĂ© Ă©tait rĂ©glĂ©e Ă 120 % de celle nĂ©cessaire pour provoquer un mouvement du pouce de chaque participant. Pour que la stimulation cĂ©rĂ© rale soit ef cace, il faut utiliser des intensitĂ©s et des frĂ©quences Ă©levĂ©es », annonce Abraham Zangen. Câest assez inconfortable pour les sujets. « Câest comme un choc Ă©lectrique Ă la tĂȘte ; vous sentez votre mĂąchoire se serrer. Ce nâest pas trĂšs douloureux, mais ce nâest pas agrĂ©able. »
Les gros fumeurs ont dâabord reçu le traitement chaque jour pendant trois semaines, puis une fois par semaine au cours des trois suivantes. Dâune durĂ©e de trente minutes, chaque sĂ©ance dĂ©butait par la prĂ©sentation, aux patients, dâindices de rĂ©activation, par exemple un paquet de cigarettes ou leur odeur, a n de susciter en eu lâenvie de tabac. De fait, cela activait leurs rĂ©seaux cĂ©rĂ©braux mis en jeu dans cette sensation. « Lorsquâun circuit est actif, il est ensuite plus facile de le reconfigurer », explique le
chercheur. Puis, un psychothĂ©rapeute formĂ© aux addictions dĂ©livrait aux volontaires un bref discours a n de les motiver arrĂȘter de fumer.
Durant les quatre semaines suivantes, les scientifiques surveillaient rĂ©guliĂšrement la consommation de tabac des sujets, Ă la fois selon leurs dires et en recherchant dans leurs urines la prĂ©sence de cotinine, un produit de dĂ©gradation de la nicotine par le foie. Les personnes qui nâavaient pas replongĂ© Ă ce stade ont Ă nouveau su i des tests dou e semaines plus tard. Ă©sultat 28 % des fumeurs ayant reçu le vrai traitement Ă©taient toujours abstinents, contre 12 % de ceux ayant eu la stimulation ctive. es personnes sevrĂ©es par rTMS ont aussi annoncĂ© quâelles ne ressentaient plus du tout le besoin de fumerâŠ
« Si lâon considĂšre la part des participants qui a arrĂȘtĂ© le tabac, elle nâest pas trĂšs importante », dĂ©clare Abraham Zangen. Dâautres traitements, comme les substituts nicotiniques, ont Ă©tĂ© approuvĂ©s par la FDA avec de meilleurs taux de sevrage. Mais souvent, ces thĂ©rapies de substitution Ă©taient testĂ©es chez des fumeurs moins addicts, qui nâavaient pas tentĂ© â et manquĂ© âdâarrĂȘter aussi souvent que les volontaires de lâĂ©tude dâAbraham Zangen. Par ailleurs, ces rĂ©sultats se fondaient uniquement sur les dĂ©clarations des participants ou sur des mesures de leur consommation de tabac Ă partir du monoxyde
Les personnes sevrĂ©es par rTMS ne ressentent plus du tout le besoin de fumerâŠ
dâa ote dans lâhaleine, qui ne sont ef caces quâune heure aprĂšs la derniĂšre bouffĂ©e. « En revanche, on peut dĂ©tecter dans lâurine des traces de cotinine jusquâĂ une semaine aprĂšs une seule cigarette fumĂ©e, explique le chercheur. Nos taux de succĂšs sont faibles, car nos critĂšres dâarrĂȘt du tabac sont trĂšs stricts. Mais ils sont tout Ă fait signi catifs sur le plan clinique. »
Qui plus est, ce nouveau traitement par rTMS comporte peu dâeffets secondaires. Au cours de lâessai clinique, les plus frĂ©quents Ă©taient des
maux de tĂȘte, des malaises transitoires et de la fatigue. NĂ©anmoins, on ne peut administrer la stimulation que sous surveillance mĂ©dicale, en raison dâun risque non nul de crises dâĂ©pilepsie. Aucun des participants Ă cette Ă©tude nâen a fait. Mais des travaux antĂ©rieurs concernant dâautres pathologies ont rĂ©vĂ©lĂ© quâenviron 1 personne sur 5 000 recevant une thĂ©rapie par rTMS pouvait souffrir dâune telle crise.
Certains organismes dâassurance maladie aux Ătats-Unis couvrent dĂ©jĂ la rTMS pour le traitement de la dĂ©pression, mais pas encore contre le tabagisme, explique Abraham Zangen. « Pourtant, ils devraient le faire, car le coĂ»t des hospitalisations et des journĂ©es de travail perdues pour cause de bronchopneumopathie chronique obstructive, de cancer ou autre maladie liĂ©e au tabac est beaucoup plus Ă©levĂ©. » Actuellement, le traitement est disponible dans plus de 50 centres et cabinets de psychiatrie aux Ătats-Unis, mais aussi en Europe, en France (voir lâentretien page 39) et en Inde. Les psychiatres et les mĂ©decins peuvent orienter une personne vers un centre pratiquant la rTMS pour aider leurs patients Ă se sevrer du tabac.
Câest en 2008 que la rTMS a Ă©tĂ© approuvĂ©e pour la premiĂšre fois comme traitement, a n dâaider les personnes atteintes de dĂ©pression. Dix ans plus tard, câĂ©tait pour soigner les troubles obsessionnels compulsifs. Son utilisation contre
Le neuroscientiïŹque Abraham Zangen (Ă droite) et deux de ses Ă©tudiants avec une premiĂšre version de leur casque de stimulation magnĂ©tique transcrĂąnienne rĂ©pĂ©titive (rTMS).
les addictions ne fait que commencer lâĂ©tude laquelle Galit Blecher a participĂ© Ă©tait le premier essai dit « contrĂŽlĂ© randomisĂ© » de stimulation cĂ©rĂ©brale non invasive pour le traitement dâune addiction, quelle quâelle soit dâailleurs [ce qui signi e quâun groupe de participants Ă©tait traitĂ© par r M et lâautre par une stimulation ctive, sans que ces derniers ni les expĂ©rimentateurs ne sachent qui recevait quoi, ndlr]. « Le fait de cibler certains circuits cĂ©rĂ©braux impliquĂ©s dans des sympt mes prĂ©cis sâest dĂ©j rĂ©vĂ©lĂ© ef cace pour le traitement de divers troubles mentaux », explique Michael Fox, neurologue Ă la Harvard Medical School de Boston, dans le Massachusetts. « Et nous sommes optimistes quant Ă la possibilitĂ© dâaider des patients souffrant dâaddiction. »
La dĂ©pendance nâest pas un comportement simple ni unique câest un cycle de rechutes frĂ©quentes. Un cycle se caractĂ©rise par une sensibilitĂ© croissante aux signaux associĂ©s Ă la drogue (par exemple une soirĂ©e entre amis, la prĂ©sence de tabac, dâalcool, une ambiance particuliĂšreâŠ) et Ă lâanticipation de la rĂ©compense quâelle va procurer, et par un Ă©moussement de la sensibilitĂ© Ă cette grati cation lorsquâelle survient es personnes addicts souffrent aussi dâune perte de maĂźtrise de soi, elles sont davantage stressĂ©es et ressentent plus souvent des Ă©motions nĂ©gatives.
es neuroscienti ques ont identi Ă© de nom reuses rĂ©gions cĂ©rĂ©brales associĂ©es Ă ces sensations et Ă ces comportements. En particulier, le cortex prĂ©frontal, qui contrĂŽle entre autres les Ă©motions et les impulsions, et lâinsula, dont on pense quâelle lie les Ă©motions Ă la motivation et serait donc Ă lâorigine de la sensation de manque.
Au dĂ©but de sa carriĂšre, Abraham Zangen a Ă©tudiĂ© le fameux rĂ©seau cĂ©rĂ©bral dit « de la rĂ©compense » [dont font partie le cortex prĂ©frontal et lâinsula, ndlr] chez des animaux de laboratoire, au National Institute on Drug Abuse, Ă Baltimore, dans le Maryland. Il a dĂ©couvert que la stimulation Ă©lectrique du cerveau de rats avait un effet opposĂ© Ă celui de la cocaĂŻne sur les rĂ©cepteurs cĂ©rĂ©braux impliquĂ©s dans ce rĂ©seau. « Je me suis demandĂ© si la stimulation de zones prĂ©cises dans le cerveau des animaux devenus dĂ©pendants pouvait provoquer des changements de leur comportement », explique-t-il. Et en 2007, alors quâil travaillait Ă lâinstitut Weizmann des sciences de ehovot, en sra l, il lâa en n dĂ©montrĂ©. « Il sâagissait de la toute premiĂšre Ă©tude scienti que rĂ©vĂ©lant que la stimulation cĂ©rĂ© rale, chez des rats, diminuait leur comportement de recherche de drogue, explique-t-il. En parallĂšle, je rĂ©fĂ©chissais des stratĂ©gies pour transposer ces expĂ©riences de lâanimal Ă lâhomme. »
ors des premiĂšres Ă©tudes scienti ques sur le sevrage tabagique, la rTMS ciblait donc le cortex prĂ©frontal des fumeurs ; les effets furent encourageants⊠mais Ă©phĂ©mĂšres. Ă la recherche dâune mĂ©thode pour les prolonger, Abraham Zangen et ses collĂšgues se sont intĂ©ressĂ©s Ă lâautre rĂ©gion plus centrale du cerveau impliquĂ©e dans ces pro lĂ©matiques lâinsula. ne Ă©tude rĂ©alisĂ©e en 2007 avait en effet montrĂ© que
Juho Joutsa, neurologue Ă lâuniversitĂ© de Turku, en Finlande, tente avec ses collĂšgues de stimuler le « rĂ©seau cĂ©rĂ©bral de sevrage » pour aider des fumeurs Ă arrĂȘter le tabac.
des personnes ayant subi des lĂ©sions de cette aire avaient plus de chances dâarrĂȘter le tabac que des sujets ayant souffert de dommages ailleurs dans le cerveau. Les chercheurs ont donc supposĂ© que la stimulation de cette rĂ©gion aurait des rĂ©sultats similaires, en interfĂ©rant avec lâenvie de fumer. « Si nous diminuons lâactivitĂ© du cortex insulaire, nous devrions rĂ©duire lâattirance pour la cigarette. »
TROUVER LES BONNES BOBINES ET LES BONNES FRĂQUENCES
Toutefois, les bobines standard des stimulateurs (en forme de 8) utilisĂ©es lors de ces premiers essais chez lâhomme ne permettaient pas aux ondes de pĂ©nĂ©trer assez profondĂ©ment dans le cerveau pour modi er complĂštement lâactivitĂ© de lâinsula. Les chercheurs ont donc expĂ©rimentĂ© un nouveau modĂšle de casque capable dâatteindre cet objectif et quâAbraham Zangen avait contribuĂ© Ă mettre au point lors de son sĂ©jour aux Ătats-Unis. Le brevet de cet Ă©lectroaimant est dĂ©sormais dĂ©tenu par BrainsWay, une sociĂ©tĂ© de technologie mĂ©dicale de Burlington, dans le Massachusetts, qui fournit maintenant lâĂ©quipement de stimulation Ă de nombreux centres mĂ©dicaux (Abraham Zangen y est consultant scientique . Par ailleurs, dâautres chercheurs Ă©tudient comment les bobines Ă©laborĂ©es par le neuroscienti que et ses collĂšgues pourraient ĂȘtre utilisĂ©es pour cibler dâautres rĂ©gions cĂ©rĂ©brales.
Les recherches dĂ©jĂ rĂ©alisĂ©es sur la rTMS avaient montrĂ© quâune stimulation Ă haute frĂ©quence a tendance Ă exciter la rĂ©gion cĂ©rĂ©brale ciblĂ©e, et les basses frĂ©quences Ă lâinhiber. Comme Abraham Zangen et son Ă©quipe cherchaient Ă supprimer les envies de fumer, ils sâattendaient Ă ce quâune stimulation Ă basse frĂ©quence dirigĂ©e contre lâinsula ait lâeffet dĂ©sirĂ©. Mais, Ă leur grande surprise, câest le contraire qui sâest produit la stimulation haute frĂ©quence sâest rĂ©vĂ©lĂ©e ef cace.
Comment expliquer ce rĂ©sultat contre-intuitif ? Si lâeffet Ă court terme dâune rTMS Ă haute frĂ©quence est bien dâaugmenter lâactivitĂ© de la zone ciblĂ©e, Ă long terme, ce serait lâinverse. « Si nous stimulons les rĂ©seaux pathologiques quotidiennement, pendant plusieurs jours, nous perturbons probablement le traitement de lâinformation dans son ensemble, explique le chercheur. Câest une façon de lâexpliquer. »
Mais ce nâest pas la seule. « Lâautre thĂ©orie est que nous nâatteignons pas vraiment lâinsula⊠» LâidĂ©e que la stimulation exciterait une autre rĂ©gion du cerveau est Ă©tayĂ©e par une Ă©tude publiĂ©e en 2022. LâĂ©quipe du neurologue Juho
Joutsa, de lâuniversitĂ© de Turku, en Finlande, a en effet cartographiĂ© le cerveau de 129 fumeurs qui ont su i des lĂ©sions cĂ©rĂ© rales diverses 34 dâentre eux ont subitement arrĂȘtĂ© le tabac juste aprĂšs leurs dommages au cerveau. Et ils nâont plus jamais eu envie de cigarettes depuis.
Les lĂ©sions de ces personnes sevrĂ©es ne se trouvaient pas toutes dans lâinsula (voir la fgure ci-dessus). « De nombreuses anomalies qui ont produit un arrĂȘt de la dĂ©pendance au tabac nâont pas touchĂ© cette rĂ©gion profonde, ce qui signi e quâon ne connaĂźt pas encore toute lâhistoire⊠», dĂ©clare Juho Joutsa. Toutefois, les zones endommagĂ©es appartenaient toutes Ă un mĂȘme circuit cĂ©rĂ©bral que le neurologue aime appeler « rĂ©seau de sevrage » [mais qui aurait de nombreux points communs avec le rĂ©seau de la rĂ©compense, ndlr]. Dans ces derniers, de nombreuses aires du cerveau sont interconnectĂ©es au niveau de diffĂ©rents « nĆuds ». Certains nĆuds sont dits « positifs », câest-Ă -dire que leur activitĂ© provoque une excitabilitĂ© ailleurs dans le rĂ©seau ; dâautres sont dits « nĂ©gatifs », car ils rĂ©duisent lâactivitĂ© du circuit, probablement grĂące Ă des connexions inhibitrices.
Cette dĂ©couverte va certainement avoir des consĂ©quences considĂ©rables sur notre comprĂ©hension du mode dâaction de la rTMS contre le tabagisme. Elle suggĂšre que, pour aider les personnes addicts, il faudrait stimuler les nĆuds nĂ©gatifs. Dâailleurs, Juho Joutsa a examinĂ© les rĂ©sultats dâ raham angen et de ses collĂšgues il pense que câest exactement ce que fait leur thĂ©rapie par rTMS. « Ils ont eu la gentillesse de partager le modĂšle de champs magnĂ©tiques produit par leur bobine de stimulation profonde, et la stimulation la plus intense se situait en fait dans le cortex frontopolaire mĂ©dian, explique le chercheur, le plus grand nĆud nĂ©gatif du rĂ©seau de
sevrage. Leurs résultats correspondent parfaitement à une excitation de ce dernier. »
Selon Hamed Ekhtiari, psychiatre Ă lâuniversitĂ© du Minnesota, Ă Minneapolis, aux Ătats-Unis, ces donnĂ©es indiquent que le cortex prĂ©frontal dorsolatĂ©ral est une cible clĂ© du traitement. « Lorsque nous exposons des personnes dĂ©pendantes Ă des stimuli Ă©vocateurs de leur drogue, la rĂ©gion prĂ©frontale de leur cerveau sâactive aussi », explique-t-il. Qui plus est, ce cortex est non seulement connectĂ© Ă lâinsula quâAbraham Zangen avait lâintention de cibler, mais aussi Ă plusieurs aires du systĂšme limbique, comme lâamygdale et le noyau accumbens. « Ces rĂ©gions interviennent dans la motivation Ă lâĂ©gard des drogues et, de fait, dans lâenvie de consommer », ajoute le psychiatre. La stimulation de cette zone du corte pourrait donc modi er lâactivitĂ© de nombreuses autres rĂ©gions impliquĂ©es dans lâaddiction. « Mon idĂ©e est que lorsque nous stimulons la rĂ©gion prĂ©frontale, nous modi ons des noyaux sous-corticaux [rĂ©gions du cerveau enfouies plus en profondeur sous le cortex, ndlr] de fa on Ă©nĂ© que », ajoute t il.
DES EXPLICATIONS PARTIELLES⊠mesure que les scienti ques apprennent oĂč et comment stimuler le cerveau de façon optimale, les traitements par rTMS deviennent de plus en plus complexes. Des dispositifs capables de cibler plusieurs rĂ©gions cĂ©rĂ©brales de diffĂ©rentes façons sont dĂ©jĂ en cours de dĂ©veloppement. « Câest sur ce point que le domaine Ă©volue lentement », explique Juho Joutsa. Il se pourrait quâil faille exciter certaines rĂ©gions et, au contraire, en inhiber dâautres. Selon Abraham Zangen, BrainsWay travaille sur un stimulateur multicanal. « Jâen ai un prototype dans mon laboratoire », prĂ©cise-t-il.
La rĂ©gion ciblĂ©e nâest pas la seule variable dâajustement de la r M la frĂ©quence,
Certaines personnes ont subitement arrĂȘtĂ© de fumer aprĂšs une lĂ©sion cĂ©rĂ©brale touchant leur cortex frontopolaire mĂ©dian A . Par ailleurs, lâanalyse des zones activĂ©es lorsquâon cible lâinsula avec des ondes magnĂ©tiques B montre que cette derniĂšre est idĂ©alement placĂ©e pour stimuler le cortex frontopolaire C Ce qui pourrait expliquer lâe cacitĂ© de la rTMS contre lâaddiction au tabac.
lâintensitĂ©, la durĂ©e et le mode de stimulation peuvent aussi infuer sur les rĂ©sultats, tout comme le nombre de sĂ©ances de traitement. La plupart de ces aspects ont Ă peine Ă©tĂ© explorĂ©s, et encore moins optimisĂ©s. « LâĂ©tendue des paramĂštres Ă calibrer est Ă©norme, dĂ©clare Juho Joutsa. JâespĂšre que nos rĂ©sultats aideront Ă diminuer lâerreur spatiale, afin que nous sachions au moins oĂč stimuler⊠»
Lâincertitude quant Ă la meilleure façon dâadministrer la rTMS pour traiter les addictions a conduit Ă une grande variĂ©tĂ© de schĂ©mas de stimulation, ce qui explique en partie pourquoi une synthĂšse des travaux rĂ©alisĂ©s Ă ce sujet (une mĂ©taanalyse), pourtant favorable Ă ce traitement et publiĂ©e en 2022, prĂ©sentait toutefois une mise en garde les preuves disponi les ne permettaient pas aux auteurs dâavoir un niveau de confiance Ă©levĂ© dans leur Ă©valuation. Pour rĂ©soudre ce problĂšme, de nombreux chercheurs ont dĂ©cidĂ© de collaborer sous la banniĂšre de lâInternational Network of tES/TMS Trials for Addiction Medicine (INTAM). Leurs objectifs sont de partager leurs protocoles de stimulation pour proposer de bonnes pratiques, mieux comprendre les mĂ©canismes cĂ©rĂ©braux en jeu dans les dĂ©pendances et trouver des traitements efcaces grĂące Ă la rTMS. « Nous avons besoin dâun village dâexperts travaillant ensemble pour rĂ©soudre ce problĂšme », explique Hamed Ekhtiari, auteur principal dâun article de consensus que le groupe de scienti ques a pu liĂ© en 2019. « Nous essayons dâharmoniser nos efforts pour que chacun sache ce que font les diffĂ©rents laboratoires dans le monde entier. »
EN CIBLANT LA STIMULATION
Le psychiatre tente aussi dâoptimiser le traitement par rTMS dâune autre maniĂšre â en la personnalisant. « Les cerveaux diffĂšrent beaucoup dâun individu Ă lâautre », explique-t-il. Ce qui signi e que lâendroit e act oĂč stimuler de façon optimale le cortex prĂ©frontal dorsolatĂ©ral peut varier selon les patients. Son Ă©quipe essaie donc dâutiliser lâimagerie cĂ©rĂ©brale pour caractĂ©riser ces diffĂ©rences et accroĂźtre la prĂ©cision du ciblage. Un groupe de recherche de lâuniversitĂ© Stanford, en Californie, a dĂ©jĂ rĂ©alisĂ© cette prouesse au cours dâun essai clinique en utilisant un protocole nommĂ© SAINT (Stanford accelerated intelligent neuro odulation t erapy , les neuroscienti ques ont constatĂ© une rĂ©duction de 53 % des symptĂŽmes de dĂ©pression chez les patients traitĂ©s par rTMS personnalisĂ©e (avec imagerie cĂ©rĂ©brale), contre 11 %
Chaque sĂ©ance de 30 minutes commence par la prĂ©sentation au fumeur dâindices qui vont Ă©veiller en lui lâenvie de tabac. Des ondes magnĂ©tiques viennent ensuite stimuler les rĂ©gions cĂ©rĂ©brales responsables de cette envie et les remodĂšlent.
Bibliographie
B. Petit et al., Non-invasive brain stimulation for smoking cessation : A systematic review and meta-analysis, Addiction, 2022
A. Zangen et al., Repetitive transcranial magnetic stimulation for smoking cessation : A pivotal multicenter double-blind randomized controlled trial, World Psychiatry, 2021
H. Ekhtiari et al., Transcranial electrical and magnetic stimulation (tES and TMS) for addiction medicine : A consensus paper on the present state of the science and the road ahead, Neurosci. Biobehav. Rev., 2019
dans le groupe ayant re u une stimulation ctive â un rĂ©sultat qui a conduit la FDA Ă approuver ce traitement antidĂ©presseur en septembre 2022. « Câest lâidĂ©e que nous avons aussi pour le tabac et pour dâautres types dâaddiction », dĂ©clare Hamed Ekhtiari.
En effet, de nombreux chercheurs espĂšrent que la r M sera ef cace non seulement pour le sevrage tabagique, mais aussi pour le traitement de diverses dĂ©pendances Ă des substances, voire Ă des comportements. Juho Joutsa et ses collĂšgues ont dĂ©jĂ constatĂ© que les lĂ©sions cĂ©rĂ©brales associĂ©es Ă un risque plus faible dâabus dâalcool prĂ©sentent des schĂ©mas de connexions semblables Ă ceux du rĂ©seau « tabagique ». « Cela ne prouve pas que les rĂ©sultats sont exactement les mĂȘmes dans lâalcoolisme, mais cela suggĂšre quâils pourraient ĂȘtre pertinents pour dâautres substances addictives », dĂ©clare Juho Joutsa.
Il est trop tĂŽt pour dire si la rTMS aura lâimpact escomptĂ© par ses partisans en addictologie. Toutefois, mĂȘme sous sa forme actuelle, la technique est dĂ©jĂ utilisĂ©e pour aider des personnes Ă arrĂȘter la cigarette. Certes, le nombre de fumeurs sevrĂ©s ainsi est encore modeste, mais, pour ces derniers, les Ă©nĂ© ces sont considĂ©rables. « Je suis vraiment soulagĂ©e dâavoir arrĂȘtĂ© le tabac, dĂ©clare Galit Blecher. Ă cause de lâodeur, et pour mes enfants et mon mari, qui nâaime pas ça. Sans compter, Ă©videmment, les problĂšmes de santĂ©. Je ne reviendrai jamais en arriĂšre. » ÂŁ
SOMMAIRE
p. 46
Dites stop aux pensées négatives
p. 52 Interview
« Les ruminations sont un tour que nous joue notre cerveau »
Et si câĂ©tait la troisiĂšme guerre mondiale ?
Si la situation internationale dĂ©gĂ©nĂ©rait encore plus, que les Ătats-Unis se dĂ©solidarisaient de lâOtan et que Poutine attaquait la Pologne ? Vous ĂȘtes dans votre lit et vos pensĂ©es tournent en boucle aprĂšs avoir vu les nouvelles du soir. Puis, vous pensez Ă votre ado qui veut partir en Jordanie lâĂ©tĂ© prochain avec un garçon que vous nâavez jamais vu. Est-ce quâil nây a pas eu des attentats rĂ©cemment en Jordanie ? Vous devez vous renseigner. Et puis zut ! Il y a encore ce ïŹchu projet Ă prĂ©senter demain aprĂšs-midi, vous ĂȘtes sĂ»r que ça va mal se passer. Ăa va encore ĂȘtre la catastrophe⊠Notre cerveau est une machine Ă envisager les di Ă©rents scĂ©narios possibles â y compris les pires â, nous explique le psychiatre David Gourion dans ce dossier. Parce que cela a augmentĂ© nos chances de survie, il y a bien longtemps, dans un monde peuplĂ© de prĂ©dateurs. Mais aujourdâhui, mĂȘme sans prĂ©dateurs dans les parages, il continue Ă fonctionner de cette façon. Et quand il a vĂ©cu des Ă©pisodes di ciles, voire traumatisants, il ne cesse de nous repasser les images en boucle. Heureusement, ce dossier nous apprend que si lâon se force rĂ©guliĂšrement Ă ne plus penser Ă une chose, cela ïŹnit par marcher. Et en sâentraĂźnant Ă avoir des pensĂ©es rassurantes, on revient Ă une vision plus rationnelle des problĂšmes. Les stratĂ©gies antiruminations sont nombreuses et il faut se tester pour trouver celle qui nous convient le mieux. Autrement dit⊠il y a une solution pour tout le monde !
Sébastien Bohler
Vous en avez assez de tourner encore et toujours dans votre tĂȘte les mĂȘmes pensĂ©es angoissantes ? Vous voulez en ïŹnir avec un souvenir traumatisant ? Une nouvelle mĂ©thode fait ses preuves : sâentraĂźner Ă chasser ces pensĂ©es de son esprit Ă chaque fois quâelles se prĂ©sentent.
£ La « suppression cognitive » consiste à chasser volontairement de sa conscience les pensées qui nous tourmentent.
ÂŁ Contrairement Ă ce quâon a longtemps supposĂ©, les pensĂ©es ainsi refoulĂ©es ne reviennent pas forcĂ©ment Ă la charge.
ÂŁ Selon des donnĂ©es scientiïŹques rĂ©centes, les ruminations diminuent et lâon se porte mieux.
Zulkayda Mamat est une habituĂ©e des souvenirs traumatiques. Dâorigine ouĂŻgoure, elle a quittĂ© la Chine Ă lâĂąge de 12 ans Ă la suite dâune rĂ©volte dans la rĂ©gion du Turkestan oriental, oĂč vit toujours la plus grande partie de sa famille. Plus dâun million de OuĂŻgours ont Ă©tĂ© dĂ©tenus de maniĂšre arbitraire dans des camps et prisons dâ« Ă©ducation politique », comme on les appelle. « Je connais des personnes dans ces camps. Jâai vu des familles se briser, des vies modi Ă©es en profondeur », relate avec Ă©motion la jeune femme, qui vient tout juste dâobtenir un doctorat en neurosciences cognitives Ă lâuniversitĂ© de Cambridge.
u l des annĂ©es, la chercheuse a o servĂ© comment les plus rĂ©silients des OuĂŻgours rĂ©ussissaient Ă surmonter leur traumatisme. Leur solution semble simple : ils chassent de leur esprit leurs plus mauvais souvenirs. Zulkayda Mamat elle-mĂȘme est douĂ©e pour cet exercice. « Câest presque intuitif pour moi de contrĂŽler mes pensĂ©es », explique-t-elle.
Supprimer ses pensĂ©es nĂ©gatives pourrait pourtant sâavĂ©rer contre-productif, selon de nombreux psychologues cliniciens : aprĂšs un temps, elles reprendraient de plus bel et conduiraient Ă aggraver la santĂ© mentale de la personne. La psychanalyse propose donc, plutĂŽt que de bloquer ces idĂ©es noires, dâen chercher lâorigine et la signi cation mĂȘme quand elles ont Ă©tĂ© enfouies au plus profond de notre esprit.
a neuroscienti que ul ayda Mamat apporte nĂ©anmoins aujourdâhui des donnĂ©es qui confortent son intuition. Dans son article publiĂ© le 20 septembre 2023 dans la revue Science Advances, elle et son directeur de thĂšse, Michael Anderson, chercheur en neurosciences cognitives Ă lâuniversitĂ© de Cambridge, dĂ©montrent que la santĂ© mentale des participants Ă cette Ă©tude
dont la majoritĂ© prĂ©sentaient des trou les mentau sâamĂ©liore aprĂšs quâils ont Ă©tĂ© entra nĂ©s supprimer leurs pensĂ©es nĂ©gatives. « Faire dispara tre ses idĂ©es noires, ien loin de reprĂ©senter un danger, sem le au contraire Ă©nĂ© que, en particulier pour celles et ceux qui en ont le plus besoin : les personnes souffrant de dĂ©pression, dâanxiĂ©tĂ© ou de stress post-traumatique », dĂ©clare Michael Anderson.
Leurs travaux remettent ainsi en question le prĂ©supposĂ© selon lequel les individus souffrant de troubles mentaux seraient incapables de chasser leurs mauvaises pensĂ©es. Selon Zulkayda Mamat, ce nâest pas le cas, bien au contraire. « La majoritĂ© des personnes prises en compte par notre Ă©tude quâelles aient ou non un pro lĂšme de santĂ© mentale ont Ă©tĂ© surprises de constater quâelles pouvaient apprendre Ă rĂ©duire au silence certaines de leurs pensĂ©es indĂ©sirables. »
Cette technique prĂ©sente des similitudes avec les thĂ©rapies comportementales classiques, explique Charan Ranganath, chercheur en psychologie et neurosciences Ă lâuniversitĂ© de Californie. Dans les deux cas, les patients sont confrontĂ©s Ă des situations ou des Ă©lĂ©ments qui provoquent chez eux un sentiment de peur ou dâanxiĂ©tĂ©. Comme le fait dâĂȘtre placĂ© face au vide pour quelquâun qui a le vertige. Lâobjectif est alors dâapprendre Ă inhiber ces rĂ©actions de peur. La nouveautĂ© de cette approche ? Le patient apprend Ă stopper lâirruption de ses propres pensĂ©es nĂ©gatives. « Le simple fait de dire au sujet de bloquer ces pensĂ©es est suf sant en soi. l sâagit dâun fait Ă©tonnant qui pourrait ĂȘtre utile dans de nombreuses thĂ©rapies », ajoute le chercheur.
Cette approche, pour autant, ne fait pas lâunanimitĂ©. Pour certains, elle comporte des risques. Pour dâautres, il y a peu de chances quâelle devienne un outil thĂ©rapeutique ef cace. Mais si des recherches plus approfondies venaient Ă balayer ces critiques, il serait alors possible de sâentra ner supprimer ses mauvaises pensĂ©es de plusieurs façons : soit seul, soit Ă lâaide dâune thĂ©rapie cognitivo-comportementale, ou encore dâune thĂ©rapie dâexposition (le patient est exposĂ© Ă une situation angoissante de maniĂšre rĂ©pĂ©tĂ©e, a n quâil sây ha itue progressivement , en croire Michael Anderson.
Un tel discours contraste avec la vision conventionnelle selon laquelle il serait inef cace, voire dangereux, de vouloir chasser volontairement ses idées noires. Dans les années 1980, le psychologue américain Daniel Wegner, de
lâuniversitĂ© Harvard, a popularisĂ© cette idĂ©e grĂące Ă sa cĂ©lĂšbre « expĂ©rience de lâours blanc ». Celle-ci Ă©tait menĂ©e sur deux groupes de sujets, le premier ayant pour consigne de penser Ă un ours blanc et le second, de ne surtout pas y penser. RĂ©sultat : ayant reçu ces instructions, les sujets du second groupe pensaient encore plus que les premiers Ă un ours blanc. Le psychologue en a conclu que lorsquâon essaie de ne pas penser Ă quelque chose, câest lâinverse qui se produit : la pensĂ©e de cette chose revient encore plus fort, par « effet rebond ».
Ces o servations ont eu une infuence considĂ©rable en psychologie clinique. Mais, depuis maintenant deux dĂ©cennies, les travaux de Michael Anderson et son Ă©quipe suggĂšrent que, pour les souvenirs nĂ©gatifs, il nây a pas forcĂ©ment dâeffet rebond, et sâefforcer de les tenir Ă distance permettrait ef cacement de les estomper, et donc de les rendre moins pĂ©nibles. Leurs expĂ©riences ont pour objectif dâĂȘtre au plus prĂšs de la rĂ©alitĂ©, oĂč les gens sont souvent exposĂ©s Ă des situations qui leur rappellent des scĂšnes angoissantes vĂ©cues, et oĂč ils ont le choix de sây attarder ou non.
JusquâĂ prĂ©sent, Michael Anderson nâavait pas encore eu lâoccasion de tester lâef cacitĂ© de cette approche, quâil appelle « suppression de la rĂ©cupĂ©ration », en tant que thĂ©rapie Ă grande Ă©chelle Notamment au prĂ©texte que les personnes atteintes de trou les mentau a priori les plus Ă mĂȘme de Ă©nĂ© cier de cette thĂ©rapie seraient incapables de suivre cette mĂ©thode en raison dâun fonctionnement cĂ©rĂ©bral diffĂ©rent. Bien que
La nouveautĂ© de cette approche tient au fait que le patient apprend Ă bloquer lâirruption de ses propres pensĂ©es indĂ©sirables.
certaines donnĂ©es con rment cette idĂ©e, ul ayda Mamat nâen est pas convaincue. Elle pense que nâimporte qui peut ĂȘtre capable dâapprendre Ă ma triser ses pensĂ©es si on lui montre comment sây prendre.
En mars 2020, elle souhaite en avoir le cĆur net. Seul problĂšme : en cette pĂ©riode, le Covid interrompt toutes les recherches en cours, y compris le projet dâimagerie cĂ©rĂ©brale que la neuroscienti que entend mener ien. Elle propose alors Ă son directeur de thĂšse de tester cette thĂ©rapie de « suppression » en ligne, sur internet. Dâautant plus que le Covid et ses multiples connements ont engendrĂ© une forte vague dâanxiĂ©tĂ©, de dĂ©pression et de nombreux autres problĂšmes de santĂ© mentale sur la population.
Elle lance alors un vaste appel aux participants. Nâimporte quel adulte anglophone peut se porter volontaire Ă condition de ne pas ĂȘtre daltonien, de ne pas souffrir de troubles neurologiques et de ne pas avoir de dif cultĂ©s de lecture. 120 personnes issues de 16 pays diffĂ©rents rĂ©pondent Ă cet appel. Parmi ces volontaires, un grand nombre rencontrent des problĂšmes de santĂ© mentale. 43 % prĂ©sentent des niveaux dâanxiĂ©tĂ© cliniquement prĂ©occupants, 18 % des symptĂŽmes dĂ©pressifs importants et 24 % un trouble pro a le de stress post traumatique P .
Avant de commencer la thĂ©rapie, la chercheuse demande aux participants de citer quelques Ă©vĂ©nements nĂ©gatifs par e emple, des faits venir quâils redoutent de voir arriver , mais aussi dâautres neutres comme des tĂąches et activitĂ©s routiniĂšres , et des Ă©vĂ©nements positifs, tels des
La mĂ©thode de suppression de pensĂ©es testĂ©e par Michael Anderson Ă lâuniversitĂ© de Cambridge consiste Ă regarder des mots-clĂ©s qui font surgir systĂ©matiquement des pensĂ©es stressantes (par exemple le mot « hĂŽpital », qui fait penser au Covid). Dans un deuxiĂšme temps, dĂšs que la pensĂ©e parasite surgit, il faut sâe orcer de la chasser en se focalisant sur le mot-clĂ© uniquement. EnïŹn, au bout de plusieurs rĂ©pĂ©titions de cet entraĂźnement, la pensĂ©e stressante cesse de revenir.
espoirs prochains qui apportent au sujet joie et excitation. Pour chacun de ces Ă©vĂ©nements, le participant doit fournir un indice, câest-Ă -dire un mot qui sây rĂ©fĂšre spĂ©ci quement comme h pital » pour Covid » . vant de commencer le test, les chercheurs mesurent en n le niveau dâan iĂ©tĂ©, de dĂ©pression et de bien-ĂȘtre des participants.
LâexpĂ©rimentation proprement dite a ensuite pu commencer. Elle a consistĂ© Ă exposer, douze fois par jour et pendant trois jours, 61 des participants Ă des indices qui correspondaient Ă leurs peurs futures. Pour reprendre lâexemple prĂ©cĂ©dent, une personne inquiĂšte que ses parents soient hospitalisĂ©s Ă cause du Covid avait pour indice le mot h pital ». u cours de leur entranement, les sujets avaient pour consigne de se rappeler lâĂ©vĂ©nement reliĂ© Ă lâindice pendant quelques secondes, puis de bloquer toutes les pensĂ©es ou images qui pouvaient sây rapporter. Si jamais une pensĂ©e leur venait Ă ce sujet, ils devaient la chasser immĂ©diatement de leur conscience et reporter leur attention sur lâindice. En outre, ils avaient interdiction de penser Ă autre chose qui aurait pu les distraire, les chercheurs souhaitant dĂ©montrer lâef cacitĂ© de la suppression des pensĂ©es » et non dâune stratĂ©gie de « remplacement ». Un groupe contrĂŽle de 59 personnes a suivi le mĂȘme entra nement, la diffĂ©rence que les indices se rapportaient cette fois Ă des Ă©vĂ©nements neutres. Lâindice « opticien » leur Ă©tait par exemple prĂ©sentĂ©, se rĂ©fĂ©rant Ă lâĂ©vĂ©nement neutre dâune visite che lâopticien. la n de ces entra nements, la santĂ© mentale et le ien ĂȘtre des sujets Ă©taient Ă nouveau testĂ©s.
Comme les chercheurs sây attendaient, la suppression des pensĂ©es nĂ©gatives a rĂ©duit lâintensitĂ©
des peurs des participants. ls se sont souvenus de maniĂšre moins dĂ©taillĂ©e des Ă©vĂ©nements concernĂ©s que dâĂ©vĂ©nements nâayant fait lâobjet dâaucune consigne spĂ©ci que. utrement dit, lorsque les patients bloquaient leurs pensĂ©es, les souvenirs concernĂ©s sâestompaient ! Mieux encore : ceux qui avaient repoussĂ© leurs pensĂ©es relatives aux souvenirs nĂ©gatifs ont vu leur santĂ© mentale sâamĂ©liorer, bien plus que les participants du groupe tĂ©moin. Les niveaux dâanxiĂ©tĂ© et de dĂ©pression mesurĂ©s Ă©taient Ă la baisse, Ă lâinverse du niveau de bien-ĂȘtre qui a quant lui augmentĂ©. Cet entra nement semble permettre aux patients de stopper le dĂ©ferlement de pensĂ©es nĂ©gatives », Ă©nonce Charan Ranganath.
SâENTRAĂNER Ă NE PLUS Y PENSER, ĂA FONCTIONNE !
Supprimer ses pensĂ©es nĂ©gatives est donc Ă©nĂ© que, mais peut on o tenir le mĂȘme effet en engendrant plus dâimages positives ? Pour le savoir, les scienti ques ont mis sur pied une e pĂ©rience complĂ©mentaire. Cette fois, les participants, exposĂ©s Ă des indices relatifs Ă des Ă©vĂ©nements positifs ou neutres, ont eu pour consigne, Ă lâinverse de la premiĂšre expĂ©rience, de crĂ©er des pensĂ©es positives ou neutres. Ă la grande surprise, les expĂ©rimentateurs constatĂšrent que cela nâeut aucun effet Ă©nĂ© que sur la santĂ© mentale des sujets. Produire des pensĂ©es positives serait donc ien moins ef cace que loquer ses pensĂ©es nĂ©gatives, selon Michael Anderson.
Par ailleurs, les chercheurs ont dĂ©montrĂ© quâavec cette approche de « suppression de pensĂ©es », celles-ci ne refont pas surface, contrairement Ă ce que laissaient penser les expĂ©riences sur lâours blanc du psychologue Daniel Wegner. Et, quand bien mĂȘme lâanxiĂ©tĂ© ou la dĂ©pression de certains sujets se seraient aggravĂ©es chez certaines personnes aprĂšs la thĂ©rapie, ces cas Ă©taient moins nombreux dans le groupe de « suppression nĂ©gative » que chez les sujets qui bloquaient les pensĂ©es neutres. Pour Charan Ranganath, la qualitĂ© mĂ©thodologique de cette Ă©tude a permis de dĂ©montrer que cette thĂ©rapie de « suppression » nâavait pas dâeffets indĂ©sirables.
Trois mois aprĂšs le dĂ©but de lâĂ©tude, les scores de dĂ©pression ont continuĂ© Ă baisser pour lâensemble du groupe. Toutefois, en ce qui concerne les mesures de lâanxiĂ©tĂ© et de lâĂ©tat de stress posttraumatique, les effets Ă©nĂ© ques de la thĂ©rapie nâont Ă©tĂ© mesurĂ©s que pour les personnes qui Ă©taient dĂ©primĂ©es, anxieuses ou qui prĂ©sentaient des signes dâĂ©tat de stress post-traumatique au dĂ©but de lâĂ©tude. « Les sujets qui souffraient dâun
82 %
des personnes sou rant de syndrome de stress post-traumatique ont rĂ©duit leur niveau dâanxiĂ©tĂ© par la mĂ©thode de suppression des pensĂ©es.
mal-ĂȘtre avant que la thĂ©rapie ne commence ont montrĂ© des rĂ©sultats positifs constants », expose Michael Anderson. l sem le dâailleurs que plus une personne prĂ©sentait des symptĂŽmes anxieux ou dĂ©pressifs, plus elle Ă©tait susceptible dâutiliser la technique de suppression des pensĂ©es nĂ©gatives aprĂšs la formation les chercheurs nây avaient pourtant pas invitĂ© les sujets aprĂšs la pĂ©riode de formation de trois jours. Parmi les individus souffrant probablement dâun syndrome de stress posttraumatique, par exemple, 82 % ont rĂ©duit leur niveau dâanxiĂ©tĂ© et 63 % ont dĂ©clarĂ© que leur humeur sâest amĂ©liorĂ©e. Ces changements, les participants les ont justement attribuĂ©s Ă la thĂ©rapie de suppression quâils ont jugĂ©e utile. « Ce sont ces personnes qui ont constatĂ© Ă quel point la suppression pouvait leur ĂȘtre Ă©nĂ© que », relĂšve le chercheur.
Les sujets ont Ă©galement indiquĂ© que la formation avait amĂ©liorĂ© leur capacitĂ© Ă chasser de leur esprit certaines de leurs pensĂ©es la n des trois jours dâentra nement, ils ont Ă©valuĂ© leur compĂ©tence comme Ă©tant bien plus Ă©levĂ©e quâau premier jour. Les trois quarts ont ainsi dĂ©clarĂ© avoir Ă©tĂ© surpris par leur nouvelle facultĂ© : « Je ne parvenais pas croire que cela pouvait ĂȘtre aussi ef cace. Jâai vraiment constatĂ© Ă quel point mon cerveau Ă©tait puissant », commente lâun dâeux.
Cette approche continue toutefois de susciter des critiques. « Ces travaux pourraient conduire certaines personnes Ă vouloir supprimer les souvenirs dâun Ă©vĂ©nement traumatique rĂ©cemment vĂ©cu, ce qui, dâaprĂšs les recherches, augmenterait le risque de dĂ©velopper un syndrome de stress post-traumatique », dĂ©clare ainsi Amanda Draheim, psychologue au Goucher College, de Baltimore.
La validitĂ© de cette technique nĂ©cessite donc encore un essai clinique contrĂŽlĂ© et randomisĂ© avec plusieurs centaines de participants, ce que Michael Anderson envisage de faire. Zulkayda Mamat a dâores et dĂ©jĂ mis au point une application pour smartphone qui pourrait ĂȘtre exploitĂ©e dans le cadre dâune telle expĂ©rience, et qui, elle lâespĂšre, sera un jour disponible pour une utilisation gĂ©nĂ©ralisĂ©e.
Bibliographie
Z. Mamat et M. C. Anderson, Improving mental health by training the suppression of unwanted thoughts. Science Advances, 2023.
Pour sa part, la jeune neuroscienti que ressort grandie de cette expĂ©rience. Au cours de son Ă©tude, elle a appris conna tre chacun des participants, en leur parlant Ă distance pendant des heures depuis son appartement. Lâun dâeux a fondu en larmes en lui con ant que cette e pĂ©rience avait changĂ© sa vie. Un autre a dĂ©crit la « suppression » comme un « superpouvoir » et souhaite lâenseigner Ă ses enfantsâŠÂŁ
HĂ©lĂšne a aidĂ© Alice Ă donner aux jeunes de 5 collĂšges les moyens dâagir pour la planĂšte.
HĂ©lĂšne verse chaque annĂ©e 1% de son chiffre dâaffaires Ă des associations agréées 1% for the Planet dont For my Planet. onepercentfortheplanet.fr
Professeur de psychologie au collĂšge Saint-Michel et collaborateur scientiïŹque Ă lâuniversitĂ© de Fribourg, en Suisse.
Penser « en arborescence » serait un signe de haut potentiel intellectuel ! Rien de plus faux. Mais savoir faire la di érence entre pensée convergente et divergente est trÚs utile.
Pensez-vous comme un arbre ? La question est plus sĂ©rieuse quâil nây paraĂźt : rien Ă voir avec une insulte dĂ©nigrante, ni une nouvelle mode de dĂ©veloppement personnel vantant le retour Ă la nature. Pas plus quâune mĂ©taphore sâinspirant de la subtilitĂ© des interactions et symbioses au sein du monde vĂ©gĂ©tal. Pour lâheure, il ne me semble pas que lâon vende des stages pour dĂ©velopper notre « intelligence sylvestre » (alors que, par ailleurs, certains auteurs nous encouragent Ă penser et Ă vivre comme des chats). En revanche, lâexpression « pensĂ©e en arborescence » est incontournable dĂšs lors que lâon parcourt la littĂ©rature populaire consacrĂ©e au haut potentiel intellectuel (HPI). Il existe en effet plĂ©thore dâouvrages, de sites internet et de formations en lien avec la surdouance. Dont eaucoup af rment que le HPI se caractĂ©rise par un mode de
pensée spécifique et différent de la norme dite « neurotypique » : la pensée en arborescence. La science valide-t-elle cette conception ?
Commençons par un petit rappel. Il y a plus dâune centaine dâannĂ©es, le psychologue lfred inet sâest vu con er la mission de dĂ©pister les Ă©lĂšves prĂ©sentant un risque de rencontrer des dif cultĂ©s dans leur scolaritĂ©. l a créé cette n lâĂ©chelle mĂ©trique de lâintelligence, qui servira plus tard Ă David Wechsler pour mettre au point un test dâintelligence toujours utilisĂ© de nos jours et permettant de calculer le quotient intellectuel (QI). Le QI Ă©tait â et est toujours â un excellent prĂ©dicteur de la rĂ©ussite scolaire. Du point de vue mathĂ©matique, le QI au sein dâune population adopte une distribution gaussienne, ou en cloche : la plupart des gens ont une intelligence proche de la moyenne le score moyen est Ă© , et plus on
sâen Ă©carte, moins il y a de reprĂ©sentants. Ainsi, 68 % de la population tĂ©moigne dâune intelligence comprise entre 85 et et environ dâun situĂ© entre et . n au del de est considĂ©rĂ© comme trĂšs supĂ©rieur Ă la norme et entre dans la catĂ©gorie du haut potentiel. Cela concerne un peu plus de 2 % de la population â taux qui ne peut pas varier puisque les normes du test sont constamment mises Ă jour : si nous devenons tous plus intelligents, les barĂšmes Ă©voluent, mais la moyenne reste Ă©e et il nây aura pas plus dâindividus au del de . n individu ayant un haut potentiel intellectuel est donc quelquâun dont le score dĂ©passe au test de actuellement, les spĂ©cialistes parlent davantage de « zones de haute potentialitĂ© », tant il est vrai quâune personne peut obtenir des notes trĂšs Ă©levĂ©es pour certains indices du test, comme la comprĂ©hension verbale,
et plus modestes pour dâautres, comme la vitesse de traitement ou la mĂ©moire de travail). VoilĂ pour lâaspect scientique de la question. Mais, on sâen doute, la surdouance prĂ©sente dâautres enjeux, notamment auprĂšs des jeunes scolarisĂ©s. Car une intelligence plus vive nâest pas forcĂ©ment synonyme dâa sence de difcultĂ©s scolaires, mĂȘme si statistiquement la rĂšgle qui prĂ©vaut en matiĂšre dâintelligence est : le plus, le mieux, le QI Ă©tant positivement corrĂ©lĂ© aux moyennes dâexamens. Et comme on peut sây attendre, un marchĂ© forissant dâaccompagnements dâenfants HPI a vu le jour, moyennant espĂšces sonnantes et trĂ©buchantesâŠ
âune des spĂ©ci citĂ©s et en mĂȘme temps pierre dâachoppement du HPI
serait justement la pensĂ©e en arborescence. En clair, il sâagirait dâune dif cultĂ© Ă linĂ©ariser sa pensĂ©e, Ă la contraindre Ă des transitions logiques strictes, de faible « distance sĂ©mantique », câest-Ă -dire sans sauter du coq Ă lâĂąne : la pensĂ©e A amĂšne la pensĂ©e B qui elle-mĂȘme dĂ©bouche sur la C, et ainsi de suite. ne pensĂ©e en arborescence suivrait un autre dĂ©veloppement, lâimage de la rami cation des branchages dâun arbre. Elle stimulerait des associations proli ques et au sens parfois trĂšs distincts, ces associations Ă©tant elles-mĂȘmes Ă lâorigine de nouvelles, toujours plus Ă©loignĂ©es de la pensĂ©e initiale.
Par exemple, lâimage dâun bateau fait naĂźtre celle dâun navire de croisiĂšre, mais aussi dâun habit de la marque Petit Bateau. Le bateau active Ă©galement lâidĂ©e de tempĂȘte, mais aussi celle de fret maritime, qui fait penser au commerce
mondialisĂ© et par association au rĂ©chauffement climatique. Quant Ă la marque dâhabits, elle renvoie Ă lâenfance, puis Ă lâinsoucianceâŠ
l est Ă©videmment dif cile de dĂ©crire une pensĂ©e en arborescence par du texte, puisque justement lâĂ©crit oblige Ă linĂ©ariser la pensĂ©e. Mais lâanalogie de la rami cation des ranches est elle vraiment adĂ©quate pour dĂ©crire le mode de pensĂ©e HPI ? On peut en douter ! Les recherches sur lâattention sont catĂ©goriques sur ce point : lâattention ne peut se diviser. Comme une lampe torche, son faisceau ne peut Ă©clairer que dans une seule direction la fois. Ce qui signi e que lâon ne peut parcourir quâune branche de lâarbre Ă la fois. Et faire des sauts de branche en branche⊠e concept scienti que qui se cache derriĂšre la pensĂ©e en arborescence est la notion de divergence. En effet, les
ĂCLAIRAGES Lâenvers du dĂ©veloppement personnel
PENSEZ-VOUS COMME UN ARBRE ?
associations dâidĂ©es spontanĂ©es peuvent ĂȘtre de nature plutĂŽt convergente ou divergente, suivant la distance sĂ©mantique entre les pensĂ©es. Par exemple, la chaĂźne chien â balle â niche â os â collier morsure peut ĂȘtre quali Ă©e de plus convergente que chien â chat â lait âchocolat â carie â dentiste. Il se pourrait que les personnes dotĂ©es dâun HPI manifestent naturellement une pensĂ©e plus divergente. Ou alors que celle-ci soit plus rapide, ce qui est aussi une possibilitĂ©, et donc que davantage dâassociations soient effectuĂ©es par unitĂ© de temps, emmenant ainsi le sujet plus loin dans ses divagations mentales spontanĂ©es.
Cependant, plutĂŽt quâune caractĂ©ristique de lâindividu, ou de son intelligence, la divergence semble surtout dĂ©pendre de son Ă©tat dâhumeur. Les recherches du professeur Moshe ar, lâuniversitĂ© Bar-Ilan, en IsraĂ«l, ont formellement Ă©tabli quâil existe un lien causal entre lâhumeur et le degrĂ© de divergence mentale. Des personnes quâon met de bonne humeur, par exemple en leur faisant visionner des dessins animĂ©s ou des lms comiques, o tiennent de meilleurs scores de divergence que dâautres quâon a exposĂ©es Ă des nouvelles tragiques. La pensĂ©e divergente Ă©tant un Ă©lĂ©ment de la crĂ©ativitĂ©, cela explique pourquoi on conseille dâĂȘtre plutĂŽt de bonne humeur avant de se lancer dans des tĂąches visant lâoriginalitĂ©. es travau de Moshe ar ont Ă©galement identi Ă© un phĂ©nomĂšne surprenant le lien causal entre humeur et divergence sâexerce Ă©galement dans lâautre sens. Se forcer Ă penser de maniĂšre divergente entraĂźne une lĂ©gĂšre amĂ©lioration de lâhumeur. Car il est tout Ă fait possible de sâentraĂźner Ă penser de façon plus divergente. l suf t pour cela de se poser rĂ©guliĂšrement des questions associant des termes a priori Ă©trangers : quel est le point commun entre un pingouin et un aspirateur ? Quâest-ce qui relie un cafĂ© au Cervin ? Quelle analogie y a-t-il entre la Joconde et un boulon ?
Imaginer que nos idĂ©es peuvent se diviser en plusieurs branches est totalement irrĂ©aliste. Si on essayait, on ne pourrait parcourir quâune branche de lâarbre Ă la fois. Et, Ă la limite, faire des sauts de branche en branche.
Lâesprit procĂšde par association dâidĂ©es. Certains semblent sâadonner Ă des associations plus divergentes que dâautres, donnant lâimpression dâune rami cation plus foisonnante. De lĂ Ă en faire une caractĂ©ristique dâun type dâindividus, il y a encore un pas Ă franchir ! En revanche, si les associations divergentes se traduisent par plus de plaisir, elles vont naturellement ĂȘtre renforcĂ©es, et donc favorisĂ©es. Sâil est plaisant de laisser diverger sa pensĂ©e, la linĂ©ariser peut au contraire paraĂźtre contraignant et peu attractif. Laisser son esprit vagabonder peut ainsi devenir une ha itude, qui plus est dif cile Ă contrer. Apprendre Ă penser linĂ©airement, ce qui est essentiel quand il sâagit de se faire comprendre dâautrui, nĂ©cessite un effort laborieux. On ne rĂ©pĂ©tera jamais assez les vertus de la lectureâŠ
PlutĂŽt que dâassocier une pensĂ©e prĂ©tendument en arborescence Ă une intelligence supĂ©rieure, il serait plus juste de dire que lâintelligence consiste prĂ©cisĂ©ment Ă savoir penser de maniĂšre plutĂŽt divergente ou convergente selon les contextes et les impĂ©ratifs des tĂąches Ă effectuer. En dâautres termes, apprendre penser de maniĂšre fe i le et dynamique. Tout le contraire de la mĂ©taphore de lâarbre ! ÂŁ
Bibliographie
J. Reilly et al., What is semantic distance ?
A review and proposed method for modeling conceptual transitions in natural language, Psychology and Psychiatry Journal, 2022.
S. Brasseur et C. Cuche, Le HPI en questions, Mardaga, 2017.
M. F. Mason et M. Bar, The e ect of mental progression on mood, Journal of Experimental Psychology, 2012
PRENONS UNE LONGUEUR DâAVANCE SUR LE CANCER
QUI RESTE LA 1ĂRE CAUSE DE MORTALITE PREMATUREE EN FRANCE
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Crédit photo : @ Sylv a GALMOT
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Statistiquement, il y a un peu plus de 1000 nouveaux malades par jour, parmi lesquels 600 vont guérir et 400 vont mourir.
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Psychologue et chercheuse au Centre interdisciplinaire de lâodorat et du goĂ»t Ă la clinique universitaire Carl-Gustav-Carus, Ă Dresde. (un peu comme si un chant dâoiseau faisait subitement lâeffet dâun grincement de porte). La diffĂ©rence ne se situerait donc pas au niveau du nez, mais dans le cerveau !
ne nuit, alors que jâĂ©tais enceinte de mon premier enfant, jâai senti une odeur bizarre et pĂ©nĂ©trante. Jâavais beau me retourner en tous sens dans mon lit, je ne comprenais pas dâoĂč elle venait et mâĂ©tonnais dâune telle puissance. Ma surprise a clairement redoublĂ© quand jâai dĂ©couvert son origine : câĂ©tait lâodeur de mon mari !
Pourtant, je tiens Ă souligner quâil a une odeur tout Ă fait normale. Mais câĂ©tait ma perception olfactive qui avait changĂ© ! Et les femmes qui attendent un enfant sauront de quoi je parle. On a lâimpression que notre nez est devenu plus sensible. Et cela peut aller jusquâĂ donner la nausĂ©e. Des sondages rĂ©cents montrent que les trois quarts des femmes enceintes ont la sensation dâavoir lâodorat exacerbĂ©. Pour beaucoup, câest une odeur particuliĂšre qui devient marquante ou quelques-unes ien identi Ă©es un parfum, du ta ac, ou du fumet de poisson.
Mais, dans les faits, ce nâest pas lâodorat qui devient plus sensible. orsquâon tente de quanti er cette prĂ©tendue hypersensibilitĂ©, elle Ă©chappe aux mesures. Ainsi, des chercheurs ont demandĂ© Ă des femmes enceintes de sentir des bĂątonnets olfactifs imprĂ©gnĂ©s
dâarĂŽmes divers, de lâananas Ă la cannelle. RĂ©sultat : elles nâont pas Ă©tĂ© plus aptes que dâautres Ă percevoir ou nommer les diffĂ©rentes notes olfactives quâon leur prĂ©sentait. En 2022, une Ă©quipe dirigĂ©e par Shaley Albaugh, de la facultĂ© de mĂ©decine de lâuniversitĂ© de Chicago, a rĂ©alisĂ© une synthĂšse globale des Ă©tudes sur ce sujet, pour conclure quâen moyenne les femmes enceintes rĂ©ussissent mĂȘme un peu moins bien que les autres Ă dĂ©tecter les odeursâŠ
LâĂVALUATION SUBJECTIVE DES ODEURS EST MODIFIĂE
Quand jâai parlĂ© de ces rĂ©sultats Ă ma sĆur, qui est mĂšre de deux enfants, elle nâa pas voulu en dĂ©mordre. Rien Ă faire, pour elle son odorat avait dĂ©cuplĂ© pendant sa grossesse. En dĂ©pit de dĂ©monstrations expĂ©rimentales diamĂ©tralement opposĂ©es. Alors, dâoĂč vient ce paradoxe ?
Ce nâest pas le traitement sensoriel qui change, mais lâĂ©valuation subjective que les femmes enceintes ont des odeurs. Autrement dit, elles ne les dĂ©tectent pas avec une sensibilitĂ© accrue, comme une personne Ă lâouĂŻe trĂšs ne percevrait le moindre son, mais elles les trouvent plus dĂ©sagrĂ©ables
Ăč interviennent de telles modi cations ? Ă ce jour, on ignore encore avec prĂ©cision quelles modi cations neuronales sont Ă lâorigine de ce processus. Des recherches sont en cours pour Ă©lucider ce point. Mais il est probable que la grossesse modi e le fonctionnement de zones cĂ©rĂ©brales intervenant dans le traitement des stimuli olfactifs. En lâoccurrence, il sâagit du cortex piriforme (une section du cortex cĂ©rĂ©bral qui reçoit les informations odorantes depuis les cellules situĂ©es dans la muqueuse nasale et le bulbe olfactif intermĂ©diaire) ou encore de lâamygdale et de lâhippocampe, des zones du systĂšme limbique impliquĂ©es dans les Ă©motions et la mĂ©moire. Le cortex orbitofrontal, rĂ©gion antĂ©rieure du cerveau oĂč convergent les informations sur lâodeur et le goĂ»t, doit probablement jouer aussi un rĂŽle.
Une dĂ©couverte rĂ©cente que nous avons rĂ©alisĂ©e plaide en faveur dâune telle explication. En effet, nous avons observĂ© que la perception de substances telles que le piment, la menthe ou
Ce nâest pas le traitement sensoriel qui change, mais lâĂ©valuation subjective que les femmes enceintes font des odeurs qui les environnent.
lâeucalyptol, qui provoquent respectivement une sensation de brĂ»lure, de picotement et de fraĂźcheur, est Ă©galement diffĂ©rente chez les femmes enceintes. Celles-ci ont rĂ©agi de maniĂšre nettement moins sensible Ă ces stimuli piquants et les ont dĂ©crits comme moins douloureux et moins intenses que ne lâont fait des femmes qui nâĂ©taient pas enceintes. LâĂ©valuation subjective des sensations, quâil sâagisse dâodeur ou de piquant, sem le donc el et ien modi Ă©e.
Un constat étonnant, car la sensation de brûlure occasionnée par les
substances piquantes passe par le nerf trijumeau, censĂ© protĂ©ger contre les toxines. Mais il est possible que cet effet soit un sous-produit dâune rĂ©action de stress attĂ©nuĂ©e : physiologiquement, les femmes enceintes se laissent moins facilement dĂ©stabiliser. Il sâagit lĂ aussi dâun avantage Ă©volutif, car de grandes quantitĂ©s dâhormones de stress pourraient provoquer une naissance prĂ©maturĂ©e⊠On le voit, les mystĂšres de lâodorat et dâautres sens au cours de la grossesse sont encore des sujets en gestation. ÂŁ
Bibliographie
S. L. Albaugh et al. Olfaction in pregnancy : Systematic review and meta-analysis, Chemical Senses, 2022
P. Duarte-Guterman et al., The long and short term e ects of motherhood on the brain, Frontiers in Neuroendocrinology, 2019
K. T. LĂŒbke et al., Pregnancy reduces the perception of anxiety. ScientiïŹc Reports, 2017
p. 92 Sélection de livres p. 94 Troll : psychologie de ceux qui pourrissent internet
LâInconscient freudien : y a-t-il quelque chose Ă sauver ?
Dominique Campion
Odile Jacob, 2023, 208 pages, 23,90 âŹ
Que penser dâa rmations comme celles du psychanalyste GĂ©rard Pommier, qui claironnait que la science valide la pensĂ©e de Lacan ? Câest ce quâexamine le psychiatre Dominique Campion dans cet ouvrage, oĂč il se penche sur une sĂ©rie de thĂ©ories psychanalytiques portant sur lâinconscient et le refoulement, mais aussi sur lâautisme ou la schizophrĂ©nie. Chacun de ces thĂšmes est lâoccasion dâune enquĂȘte scientiïŹque, oĂč lâauteur dĂ©voile progressivement quelles donnĂ©es de la gĂ©nĂ©tique et des neurosciences appuient ou invalident les thĂ©ories de la psychanalyse.
Concernant le refoulement â la dissimulation Ă la conscience dâun souvenir toujours prĂ©sent â, Dominique Campion conclut en dĂ©faveur du freudisme. On peut certes exhiber maints arguments empiriques pour avancer que certains souvenirs sombrent dans lâoubli et que la conscience nâest quâune fraction de ce que fait un cerveau, laissant aux processus inconscients la part belle. Il est aussi vrai que certains souvenirs disparaissent ou deviennent inaccessibles, parfois par le passage impitoyable du temps ou Ă la suite dâun traumatisme. Toutefois, si tout cela semble Ă©voquer la doctrine du psychanalyste viennois, on en reste trĂšs loin. Car le refoulement freudien nâest pas de lâoubli, mais une rĂ©tention de souvenir intentionnelle et motivĂ©e, orchestrĂ©e par un inconscient personniïŹĂ©, capable de volontĂ© et de prise de dĂ©cision. Or, de cela, les neuroscientiïŹques ne trouvent nulle trace. Les conceptions de Lacan sur la schizophrĂ©nie ne rĂ©sistent pas davantage aux rĂ©sultats de la gĂ©nĂ©tique et des neurosciences. Mais quâil sâagisse de Freud ou de Lacan, on retiendra surtout du livre la description accessible de belles dĂ©couvertes apportĂ©es par la gĂ©nĂ©tique et les neurosciences. On en ressort convaincu de lâintĂ©rĂȘt de ces disciplines pour Ă©tudier des matiĂšres aussi Ă©thĂ©rĂ©es que les Ă©motions ou lâinconscient. Bien plus quâun rĂ©quisitoire contre la psychanalyse, câest donc un superbe plaidoyer pour la science que nous o re lâauteur. En cela, son ouvrage est bien plus riche que son titre ne pourrait le laisser croire.
Nicolas Gauvrit est enseignant-chercheur en sciences cognitives Ă lâuniversitĂ© de Lille.
ADDICTION
LâAddiction, comment sâen sortir ?
Caroline Chiron et al. De BĆck SupĂ©rieur 2023, 192 pages, 19,95 âŹ
Ce qui rend ce livre particuliĂšrement e cace, câest son organisation trĂšs structurĂ©e. Chaque chapitre dĂ©taille une facette importante du traitement, par exemple lâapprentissage de la rĂ©gulation Ă©motionnelle, et se subdivise en une sĂ©rie de rubriques standardisĂ©es : point sur les idĂ©es reçues, tĂ©moignages de patients, exercices Ă accomplir, conseils de psychologues spĂ©cialisĂ©s⊠On y navigue donc trĂšs facilement, que ce soit pour apprendre Ă surmonter son addiction ou pour mieux accompagner un proche touchĂ©. Les professionnels du soin y trouveront Ă©galement de prĂ©cieux outils.
PSYCHOLOGIE
ANIMALE
Parents animaux
Raymond Nowak
Humensciences
2023, 360 pages, 22 âŹ
Au milieu de la profusion actuelle dâouvrages sur la parentalitĂ©, en voilĂ un qui adopte un angle original : lâexplorer chez nos cousins animaux.
Entre blattes qui allaitent, singes papas poules et mamans crocodiles qui accourent au moindre cri de leurs petits, on dĂ©couvre la fascinante diversitĂ© de cette relation Ă travers le monde vivant. Tout en apprenant Ă relativiser le don de soi quâelle implique pour nous : chez certaines araignĂ©es, la mĂšre se laisse littĂ©ralement dĂ©vorer par sa progĂ©niture. Les scientiïŹques parlent de « soin maternel suicidaire » !
LâEnvers du divan Delphine Py et Juliette Mercier Leduc
2024, 160 pages, 20,90 âŹ
Si vous envisagez dâentamer une thĂ©rapie mais nâosez pas franchir le pas, ou si vous ĂȘtes tout simplement curieux de ce qui se passe dans le cabinet des psys, cette bande dessinĂ©e est pour vous. Au grĂ© dâune galerie de portraits attachants, la psychologue Delphine Py nous y prĂ©sente quelques-uns de ses patients et raconte ses consultations avec humour. En plus de dĂ©mystiïŹer les psychothĂ©rapies, cet ouvrage donne une idĂ©e prĂ©cise et concrĂšte des techniques employĂ©es pour soigner les troubles psychiques.
Le Guide parental pour comprendre son ado Florence Brami De BĆck SupĂ©rieur 2024, 208 pages, 19,90 âŹ
Contrairement Ă ce que lâon a trop souvent tendance Ă croire, les ados ne viennent pas dâune autre planĂšte et ne sont pas fondamentalement irrationnels. Câest en substance le message de Florence Brami, psychologue et docteure en psychologie. Forte de sa longue expĂ©rience clinique, elle distille ici des conseils et informations proïŹtables pour maintenir â ou rĂ©tablir â la communication avec sa progĂ©niture, et lâaccompagner au mieux. Ă commencer par quelques notions de vocabulaire. Pour savoir comment rĂ©agir quand son ado se dit « en bail » ou perturbĂ© par un « DM »⊠encore faut-il comprendre ce que cela signiïŹe !
Sâestimer et sâoublier
Christophe AndrĂ© Odile Jacob, 2024, 400 pages, 22,90 âŹ
ans ce nouvel ouvrage, on retrouve Christophe AndrĂ© tel quâon le connaĂźt : psychiatre sensible et pĂ©dagogue, volontiers philosophe, voire poĂšte, et toujours lumineux. Il entend ici nous aider Ă trouver le juste Ă©quilibre en matiĂšre dâestime de soi, aïŹn de mieux nous tourner « vers plus intĂ©ressant encore que nous-mĂȘme : le monde, les autres, la vie ». En deux mots, Sâestimer et sâoublier.
Lâauteur nous o re un abĂ©cĂ©daire foisonnant, Ă lire et Ă relire. Il y distille des repĂšres fort utiles (allez voir, par exemple, aux entrĂ©es « AntidĂ©presseurs » ou « Comparaisons, mode dâemploi »), des conseils dâa rmation de soi et de psychologie positive, ainsi que des stratĂ©gies issues des thĂ©rapies comportementales et cognitives (notamment pour apprendre Ă mieux tolĂ©rer lâincertitude). Il nous fait part dâune multitude dâanecdotes personnelles, comme un ami nous conïŹerait ses leçons de vie (lâentrĂ©e « Sourire » en est une trĂšs belle illustration), et de son expĂ©rience de la notoriĂ©tĂ© â quâil qualiïŹe humblement de « petite et passagĂšre » â, dont il a tirĂ© de riches enseignements. EnïŹn, il nous Ă©claire sur les travers de notre Ă©poque, Ă commencer par lâimmense toxicitĂ© des rĂ©seaux sociaux pour lâestime de soi, et nous explique comment nous en prĂ©munir. En tant que psychiatre spĂ©cialiste de la thĂ©rapie dâacceptation et dâengagement, je suis particuliĂšrement sensible aux mĂ©taphores, qui reprĂ©sentent une des clĂ©s de voĂ»te de cette mĂ©thode (pour faire comprendre la notion dâacceptation, mieux vaut Ă©voquer un nageur pris dans un fort courant avec lequel il doit faire corps plutĂŽt que de se livrer Ă de tortueuses explications). Et Christophe AndrĂ© propose prĂ©cisĂ©ment une mĂ©taphore qui rĂ©sume admirablement la nature et les enjeux de lâestime de soi. Celle-ci, nous dit-il, est comme la quille dâun bateau : invisible, elle nous permet de rester stables malgrĂ© une mer agitĂ©e et dâavancer face aux vents contraires. Cet ouvrage vous sera alors prĂ©cieux pour contrĂŽler ce qui se passe sous votre ligne de ïŹottaisonâŠ
François Bourgognon est psychiatre et spĂ©cialiste de la thĂ©rapie dâacceptation et dâengagement.
Docteur en neurosciences, auteur, enseignant et chercheur Ă lâuniversitĂ© de Fribourg, en Suisse.
La description du troll informatique livrĂ©e par EirĂkur Ărn Norddahl dans son dernier roman rend compte assez ïŹdĂšlement des donnĂ©es scientiïŹques sur la personnalitĂ© de ces semeurs de discorde.
Si on a pu croire un instant que les nouvelles technologies de communication allaient favoriser lâĂ©change dâinformations, la transmission de la connaissance, le rapprochement des individus et mĂȘme lâessor des valeurs dĂ©mocratiques, force est de constater quâil a fallu dĂ©chanter. Malheureusement, il est aujourdâhui devenu impossible dâĂ©chapper Ă la toxicitĂ© dâinternet et des rĂ©seaux sociaux, et en particulier lâomniprĂ©sence dâune gure redoutable et dĂ©routante : le troll.
e terme sem le Ă©merger dĂšs les premiers al utiements dâinternet, la n des annĂ©es , et son Ă©tymologie reste clivĂ©e entre deu sources possibles. On pense dâabord Ă©videmment aux crĂ©atures difformes et cruelles du folklore scandinave, censĂ©es se dissimuler sous des ponts et poser Ă leurs victimes des questions ardues, dont la rĂ©ponse dĂ©terminera leur sort. Mais le trolling
ÂŁ Le roman de lâĂ©crivain islandais met en scĂšne un fervent adepte du trolling sur internet.
ÂŁ Sa motivation principale semble ĂȘtre un besoin de chaos permanent, typique de ce quâont identiïŹĂ© les recherches sur le sujet.
ÂŁ Il est en outre bien Ă©tabli que le comportement en ligne des trolls ne rĂ©sulte pas seulement de lâanonymat du web, mais sâancre dans une personnalitĂ© particuliĂšrement dĂ©sagrĂ©able.
est aussi une technique de pĂȘche la ligne, qui consiste appĂąter ou faire rĂ©agir » les poissons en laissant tra ner un l derriĂšre un ateau et de fait, les trolls cherchent ferrer » les ons poissons, ceu qui rĂ©agiront sincĂšrement leurs interventions, dâoĂč la recommandation de « ne pas nourrir le troll ».
Mais qui sont-ils au juste, ces cyberperturbateurs qui nous pourrissent le quotidien ? Comment sây prennent-ils, et quâest-ce qui les motive ? Doit-on attribuer leur comportement aux structures pernicieuses des environnements virtuels, ou refĂšte t il simplement le fond de la nature humaine, dont les plus bas instincts ont trouvĂ© un terrain de jeu idĂ©al ?
Pour ceux que le philosophe américain ndre Morgan appelle les trolls stratégiques »
ou idĂ©ologiques », lâo jectif est Ă©vident : orienter le dĂ©bat public Ă des ns de propagande ou de dĂ©sta ilisation câest typiquement ce quâon observe avec les fameuses « fermes Ă trolls » russes. Mais pour tous les autres, ceu qui agissent sans soutien politique ou nancier ? a ction peut nous aider Ă mieux comprendre leurs motivations, car le troll est devenu, aux cĂŽtĂ©s du hackeur et autres cybercriminels, un personnage littĂ©raire part entiĂšre. âĂ©crivain islandais EirĂkur Ărn Norddahl en a mĂȘme fait un hĂ©ros particuliĂšrement comple e dans son roman Troll, paru en . HĂ©ros ou hĂ©roĂŻne ? La particularitĂ© du troll de Norddahl est prĂ©cisĂ©ment de se jouer des questions aujourdâhui ardentes autour du concept de genre, et ce faisant dâenrayer les schĂ©mas, attentes et prĂ©jugĂ©s qui norment les dĂ© ats politiques et culturels en gĂ©nĂ©ral. Et pour cause, lmur h ll est nĂ©e hermaphrodite, assignĂ©e au genre fĂ©minin et Ă©levĂ©e comme une petite lle, avant de se renommer, lâĂąge adulte,
ans l r. el est Ă©galement un e troll autorevendiquĂ© e le personnage et le roman utilisent lâĂ©criture inclusive, notamment les pronoms iel », lea » ou ellui » , qui ne recule devant aucune provocation pour revendiquer Ă la fois sa transidentitĂ© et⊠quoi dâautre, exactement ?
Dif cile dire, car ce qui frappe dans le roman, câest lâĂ©clectisme et le caractĂšre nausĂ©a ond des causes » revendiquĂ©es par ans BlĂŠr, allant de la dĂ©fense dâun potentiel violeur Ă de multiples croisades homopho es, racistes et grossophobes (voir lâextrait). En cela, et malgrĂ© le pro l trĂšs particulier du personnage principal, le roman Ă©claire nombre dâaspects psychologiques et sociau du trollage » contemporain. De fait, les trolls sont souvent associĂ©s Ă lâextrĂȘme droite, ou Ă lâalt-right, une de ses rami cations trĂšs active sur internet. ans BlĂŠr, qui devrait a priori ĂȘtre du cĂŽtĂ© de lâouverture et de la tolĂ©rance, se complaĂźt au contraire Ă dĂ©boussoler le public en prenant fait
« AU MOMENT LE PLUS INOPPORTUN »
LâidĂ©e nâĂ©tait pas forcĂ©ment dâĂȘtre mĂ©chant·e â Hans BlĂŠr nâĂ©tait pas le troll le plus ordurier, et les propos quâiel tenait nâavaient gĂ©nĂ©ralement rien de haineux ni de condamnable. Iel Ă©tait un·e farceur·se. Un diablotin. Pas tant dans la teneur de ses propos que dans la maniĂšre, et le moment oĂč iel les tenait â iel sait toujours quoi dire au moment le plus inopportun. [...]
Hans BlĂŠr avait encouragĂ© Ă voter pour le directeur accusĂ© de viol dâun centre pour personnes dĂ©pendantes Ă lâĂ©lection de lâhomme de lâannĂ©e de la radio nationale, iel avait fait fermer le Blue Lagoon « en raison dâune Ă©pidĂ©mie imminente de sida », inscrit lâactrice BryndĂs Schram sur Tinder « en quĂȘte de satyres en rut », dĂ©butĂ© et entretenu un interminable ïŹl de discussion sur Facebook pour savoir qui des policiers ou des musulmans Ă©taient les plus nombreux en Islande, et qui gagnerait sâils venaient Ă se battre [âŠ], iel avait rendu publiques les coordonnĂ©es de la directrice de lâAssociation contre la grossophobie et lui faisait envoyer des pizzas, des gĂąteaux et des vĂȘtements moulants de trop petite taille [...]
Un vrai troll â un troll avec de lâambition, le seul qui mĂ©rite ce qualiïŹcatif â Ă©tait une performance visant Ă rĂ©vĂ©ler les contradictions dâune Ă©poque, lâhypocrisie et la bienveillance teintĂ©e dâarrogance, tout en divertissant les masses.
Troll, de EirĂkur Ărn Norddahl, traduit de lâislandais par Jean-Christophe SalaĂŒn, 2018, MĂ©tailiĂ©, pp. 168-176.
Arrogant, manipulateur, cynique : le troll prend plaisir Ă provoquer et observer la sou rance chez autruiâŠ
et cause contre la ien pensance », en se faisant lâalliĂ© des forces rĂ©actionnaires qui le soutiennent et le suivent dans ses frasques.
Comment expliquer ce paradoxe ? Câest que le troll ne cherche pas particuliĂšrement dĂ©fendre des idĂ©es prĂ©cises : son but est plutĂŽt de crĂ©er une situation de dĂ©sordre si confuse quâil devient impossible de sây retrouver et dâargumenter, câest dire un rejet pur et simple des normes ordinaires du dialogue et des valeurs dĂ©mocratiques. Une Ă©quipe danoise a ainsi identi Ă© un facteur psycho logique clĂ© pour comprendre son agressivitĂ© tous a imuts le esoin de chaos. Lors de vastes enquĂȘtes menĂ©es auprĂšs de plusieurs milliers de personnes, les chercheurs ont montrĂ© que celles qui ont des pratiques en ligne douteuses dĂ©sinformation, partage de contenu e trĂ©miste, etc. ont davantage tendance se dĂ©clarer dâaccord avec des af rmations comme : « Je fantasme sur lâĂ©radication dâune grande partie de lâhumanitĂ© », l faudrait dĂ©truire la sociĂ©tĂ© pour tout reprendre Ă©ro » ou « Jâaime le chaos et le dĂ©sordre, sans cela je mâennuie ».
Dâautres facteurs ont Ă©tĂ© identiĂ©s la solitude, lâanonymat autorisĂ© par les rĂ©seaux, la prĂ©sence dâautres trolls, un dĂ© cit dâempathie affective, des expĂ©riences difciles dans lâenfance, une idĂ©ologie centrĂ©e sur le besoin de hiĂ©rarchie et de domination, et le atagĂ©lasticisme savoir la joie Ă©prouvĂ©e se moquer dâautrui).
Certaines Ă©tudes ont poussĂ© plus loin lâanalyse des trolls qui se revendiquent comme tels. l appara t quâils dĂ©rivent de leur pratique des « rĂ©compenses associĂ©es au pouvoir social nĂ©gatif », câest dire un plaisir spĂ©ciquement liĂ© au fait dâĂ©nerver les gens ou de les mettre dans lâem arras, ou simplement de les « faire rĂ©agir ». ans l r, encore jeune adolescente identifiĂ©e comme femme, « sâĂ©tait rapidement rendu compte de la facilitĂ© avec laquelle on pouvait choquer les gens si le c ur nous en disait, et sâen Ă©tait tout de suite dĂ©lectĂ©e câĂ©tait comme si elle sâenivrait de voir ses interlocuteurs perdre leur sang froid ».
Pour justi er leur cruautĂ©, les trolls dĂ©veloppent un processus subtil de rationalisation : tout dâabord ils minimisent la gravitĂ© de leurs actes câest juste pour sâamuser , et ensuite ils renvoient la responsabilitĂ© Ă leurs victimes. Ce sont elles, aprĂšs tout, qui ont prĂȘtĂ© le fanc au trolling par leur attitude ridicule. En dâautres termes, elles lâont bien cherchĂ©. Pour dĂ©testable quâil soit dĂ©jĂ , il faut noter en plus que ce processus encourage la poursuite du trolling et son exacerbation : si ce nâest pas grave et que les victimes nâont que ce quâelles mĂ©ritent, pourquoi se retenir dâaller toujours plus loin ?
On retrouve bien cette attitude che ans l r, qui nâhĂ©site pas, comme beaucoup de trolls, Ă expliquer quâ iel » est un mal nĂ©cessaire pour rendre la sociĂ©tĂ© meilleure. Un sentiment de supĂ©rioritĂ© et une tendance Ă sâoctroyer des droits sur autrui typiques du narcissisme et de
Pourquoi jâai aimĂ© ce livre
Corrosif, drĂŽle et palpitant, Troll est sans doute lâunique roman qui mettra tout le monde dâaccord sur lâĂ©criture inclusive. Ici, son usage est non seulement pleinement justiïŹĂ©, mais nĂ©cessaire, contribuant Ă la fois au style, Ă lâintrigue et Ă la logique du rĂ©cit.
La joyeuse perturbation qui en rĂ©sulte rĂ©pond Ă merveille aux thĂ©matiques abordĂ©es et lâauteur jongle si adroitement avec les dĂ©bats contemporains quâon ne sait plus trĂšs bien sâil est lui-mĂȘme un troll ou un gĂ©nie de la satire. Ă liker et partager sans modĂ©rationâŠ
Sebastian DieguezBibliographie
S. Rasmussen et al., The o ine roots of online hostility : Adult and childhood administrative records predict individual-level hostility on Twitter, PNAS, Ă paraĂźtre.
A. Morgan, When doublespeak goes viral : A speech act analysis of Internet trolling, Erkenntnis, 2023
E. Buckels et al., Internet trolling and everyday sadism : Parallel e ects on pain perception and moral judgment, Journal of Personality, 2019
la psychopathie. De fait, dĂšs les premiĂšres Ă©tudes sur le sujet en , il est apparu que les trolls rĂ©pondent au pro l de la tĂ©trade som re » de la personnalitĂ©, câest-Ă -dire que, outre des penchants psychopathes et narcissiques, ils ont aussi de fortes tendances machiavĂ©liques et sadiques la psychopathie et le sadisme Ă©tant les traits les plus marquĂ©s). En dâautres termes, ce sont majoritairement des individus arrogants, manipulateurs et cyniques qui prennent plaisir engendrer et o server la souffrance che autrui.
ET PAS SEULEMENT ODIEUX EN LIGNE !
Cette observation est Ă prĂ©sent rĂ©pliquĂ©e par une dou aine dâĂ©tudes dans plusieurs pays occidentaux. Lâune dâelles a mĂȘme trouvĂ© que lâhostilitĂ© af chĂ©e en ligne, en particulier sur des questions politiques, Ă©tait liĂ©e Ă la probabilitĂ© dâavoir dĂ©jĂ Ă©tĂ© condamnĂ© par la justice. De fait, Hans BlĂŠr, dans le roman, est poursuivi par les autoritĂ©s pour avoir abusĂ© de victimes de viol dans un centre thĂ©rapeutique, Ă travers un dispositif particuliĂšrement pernicieu proposer une pseudo-thĂ©rapie oĂč il faut avoir une relation sexuelle sous anesthĂ©siant, prĂ©tendument pour retrouver con ance en les autres
On le voit, si les trolls ont mauvaise rĂ©putation en ligne, câest quâils sont Ă©galement odieu en vrai ». ls jaugent dâailleurs leur succĂšs la porositĂ© de leurs actions avec la vie rĂ©elle de gens ordinaires, câest dire lorsque soudain leurs lagues puĂ©riles ou leur acharnement trouvent Ă se manifester en dehors des forums et logs con dentiels oĂč ils sont gĂ©nĂ©ralement con nĂ©s. Dans Troll, cette intrusion dans la rĂ©alitĂ© va trĂšs loin, puisque le personnage ne se cache mĂȘme plus derriĂšre lâanonymat son identitĂ© mouvante lui suf t se dissimuler derriĂšre de nom reu masques) et prĂ©sente son propre talkshow dans un mĂ©dia traditionnel. Quâil devienne Ă son tour la cible de haters en meute nâest dâailleurs pas une surprise⊠£
p. 86
à retrouver dans ce numéro
MĂ©moriser la gĂ©nĂ©alogie des rois de France servirait de « portemanteau » pour y suspendre chaque nouveau fait historique que les Ă©lĂšves apprennent (en lâassociant Ă un rĂšgne). Le par-cĆur structure les apprentissages !
p. 80
Les personnes qui sont toujours dâaccord avec leur interlocuteur souffriraient dâune angoisse de rejet et feraient tout pour plaire aïŹn dâĂȘtre sĂ»res dâĂȘtre acceptĂ©es : on les appelle les « people pleasers ».
p. 32
p. 22
p. 66
La conscience est un champ quantique de prĂ©sence au monde qui reïŹĂšte notre singularitĂ© existentielle. Ce genre de phrase qui ne veut rien dire suscite souvent â bizarrement ! â des rĂ©actions admiratives. Les psychologues appellent ce phĂ©nomĂšne « bullshit pseudoprofond ».
« Câest comme un choc Ă©lectrique Ă la tĂȘte ; vous sentez votre mĂąchoire se serrer. Ce nâest pas trĂšs douloureux, mais ce nâest pas agrĂ©able. » Abraham Zangen, universitĂ© Ben-Gourion, IsraĂ«l.
10 %
de la population aurait dĂ©jĂ vĂ©cu une expĂ©rience de « sortie du corps », oĂč lâon se voit soi-mĂȘme de lâextĂ©rieur depuis un point de vue en hauteur (souvent au-dessus de son lit).
p. 58
La mĂ©thode de « suppression des pensĂ©es » (se forcer Ă ne pas penser Ă une chose) reconditionne le mental au point que les idĂ©es noires, prĂ©occupations ou angoisses inutiles ïŹniraient par sâestomper.
Les mesures consistant Ă exclure un Ă©lĂšve harceleur de son Ă©tablissement seraient vaines : le harceleur Ă©tant gĂ©nĂ©ralement entourĂ© dâun groupe de suiveurs, ceux-ci se retournent ensuite contre la victime.
p. 40
65 MILLIONS
de neurones dans le cervelet, contre 20 millions dans le « vrai » cerveau. Mais les neurones de ce dernier représentent 80 % de la masse à cause de leurs axones plus longs, de leurs dendrites et de leurs synapses plus nombreuses.
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