Architecture du canton de Vaud

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Architecture du canton de Vaud

Presses polytechniques et universitaires romandes

1920–1975

Textes de : Laurent Chenu Jean-Claude Girard Bruno Marchand Marielle Savoyat Eric Teysseire Christine von Büren

sous la direction de Bruno Marchand

Le canton de Vaud détient sur son territoire plusieurs références notoires tels la « petite maison » de Le Corbusier à Corseaux, les bains de Bellerive de Marc Piccard à Lausanne ou encore le siège de Nestlé de Jean Tschumi à Vevey. Il recèle également différents ensembles bâtis et objets architecturaux moins manifestes, mais tout aussi intéressants et représentatifs d’une architecture de qualité. A travers la présentation commentée et illustrée d’un corpus d’environ 350 réalisations, réparties par typologies, cet ouvrage vise à mettre en relief l’architecture du canton de Vaud des années 1920 à 1975. En parallèle, il cherche à sensibiliser le grand public et les différents milieux professionnels aux qualités d’un patrimoine encore trop souvent méconnu et qui, jusqu’à aujourd’hui, n’a jamais fait l’objet d’une publication synthétique.

Architecture du canton de Vaud 1920 –1975 sous la direction de Bruno Marchand

Presses polytechniques et universitaires romandes

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Architecture du canton de Vaud 1920 –1975 sous la direction de Bruno Marchand

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Architecture du canton de Vaud 1920 –1975 sous la direction de Bruno Marchand Coordination : Marielle Savoyat Textes de Laurent Chenu, Jean-Claude Girard, Bruno Marchand, Marielle Savoyat, Eric Teysseire et Christine von Bßren.

Presses polytechniques et universitaires romandes

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Le directeur de la publication et l’éditeur remercient l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne pour le soutien apporté à la publication de cet ouvrage, qui a aussi bénéficié du soutien des communes de Morges, Nyon, Montreux, Yverdon, Renens et Vevey ; de la Ville de Lausanne et du canton de Vaud, Département des infrastructures, Service immeubles, patrimoine et logistique ; ainsi que de la Société suisse des ingénieurs et des architectes, Section Vaud. La collection « Architecture Essais » est dirigée par les professeurs Jacques Lucan et Luca Ortelli L’architrave, le plancher, la plate-forme Nouvelle histoire de la construction Roberto Gargiani (sous la direction de) La colonne Nouvelle histoire de la construction Roberto Gargiani (sous la direction de) Composition, non-composition Architecture et théories, XIXe-XXe siècles Jacques Lucan Histoire de l’architecture moderne Structure et revêtement Giovanni Fanelli et Roberto Gargiani Enseignement d’un temple égyptien Conception architectonique du temple d’Athor à Dendara Pierre Zignani De la forme au lieu + de la tectonique Une introduction à l’étude de l’architecture Pierre von Meiss

Coordination : Marielle Savoyat Recherches documentaires et iconographiques : Jana Vuilleumier-Scheibner Relecture des textes : Arlette Rattaz, Leo Ramseyer Graphisme et mise en page : antidote (www.antidote-design.ch), Lausanne Photolithographie : Esther Delisle, Images3 SA, Lausanne Photo de couverture : Square Mont-Repos à Lausanne (n° 56) : Acm 0010.02.0001, © Max Oettli, 1997. Cet ouvrage est une publication des Presses polytechniques et universitaires romandes, fondation scientifique dont le but est la diffusion des travaux de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne et d’autres universités francophones. Le catalogue général peut être obtenu par courrier aux : Presses polytechniques et universitaires romandes, EPFL-Rolex Learning center, CP 119, CH-1015 Lausanne, par e-mail à ppur@epfl.ch, par téléphone au (0)21 693 41 40 ou encore par fax au (0)21 693 40 27. www.ppur.org Première édition 2012 © Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne ISBN 978-2-88074-924-8 Tous droits réservés Reproduction, même partielle, sous quelque forme ou sur quelque support que ce soit, interdite sans l’accord écrit de l’éditeur. Imprimé en Italie

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Avant-propos Bruno Marchand

L’édition du présent ouvrage comble une lacune évidente. En effet, à notre connaissance, le seul recueil de l’architecture du XXe siècle à l’échelle vaudoise demeure le Guide d’architecture contemporaine édité par la Société vaudoise des ingénieurs et des architectes en 1965. Cette brochure se présente sous forme d’itinéraires et contient une liste des œuvres d’époque, élargie à quelques réalisations marquantes du début du XXe siècle. Elle est de nos jours très méconnue. Une vision d’ensemble actualisée faisait donc défaut : le canton de Vaud détient certes dans son territoire plusieurs références « incontournables » (la petite maison à Corseaux de Le Corbusier ou le siège de Nestlé de Jean Tschumi, entre autres) ; il a cependant également vu naître des œuvres architecturales et des ensembles bâtis moins notoires mais tout aussi importants et intéressants, représentatifs d’une production locale de qualité. Ceux-ci constituent un patrimoine urbanistique et architectural particulièrement fragile car à la merci de transformations et dénaturations de toutes sortes. Cet ouvrage se veut donc être un « portrait » de l’architecture du canton de Vaud entre 1920 et 1975. Il a pour objectifs de pourvoir les autorités cantonales et communales d’un matériel leur permettant l’établissement de critères des mesures de conservation et de protection à prendre, de sensibiliser un large public à la qualité de ce patrimoine, de stimuler la recherche et l’enseignement, et enfin de mettre ces connaissances à disposition des professionnels de l’environnement construit. Il comporte certainement les écueils déjà évoqués par Jean-Pierre Vouga en 1969 dans les pages de la revue Habitation à propos des guides d’architecture : « Pour les uns, l’essentiel est d’être bref, pour les autres, d’être complet ; pour les premiers, il faut être sévèrement éclectique, pour les seconds, largement accueillant ; dans un autre ordre d’idées enfin, un tel guide doit se borner aux objets visitables ou au moins aisément visibles ; il est clair enfin que chacun va trouver sa région, sa ville, ses propres travaux ou ceux de ses amis insuffisamment représentés. » L’esprit qui a présidé à notre approche a été celui d’être « largement accueillant » – en vue de conférer à ce « portrait » de l’architecture vaudoise une véritable dimension cantonale – tout en demeurant « sévèrement éclectique ». Nous avons ainsi essayé d’atténuer l’impact du dernier écueil, celui de la sous-représentation ou de l’objet exceptionnel « qui nous a échappé ». Cet écueil nous paraît pourtant inévitable et, à cet égard, nous ne pouvons qu’espérer l’indulgence des lecteurs.

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Architecture du canton de Vaud. 1920 – 1975

Table des matières

Avant-propos Bruno Marchand

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La modernité essaimée Laurent Chenu

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Il était une fois un recensement architectural… Christine von Büren

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L’architecture du canton de Vaud entre 1920 et 1975 : les « coulisses » de la méthode employée Bruno Marchand et Marielle Savoyat

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Signes d’une autre modernité, « en marge des aventures ». Notes sur l’architecture dans le canton de Vaud entre 1920 et 1975 Bruno Marchand

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HABITER Immeubles d’habitations Bruno Marchand

70

Ensembles d’habitations Bruno Marchand

128

Logements institutionnels Bruno Marchand

160

Villas Marielle Savoyat

170

ENSEIGNER Edifices scolaires Jean-Claude Girard

208

TRAVAILLER Immeubles administratifs et commerciaux Jean-Claude Girard

236

Immeubles urbains et mixtes Jean-Claude Girard

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PRODUIRE Immeubles industriels et artisanaux Jean-Claude Girard

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SE RECUEILLIR Edifices religieux Marielle Savoyat

286

ÉQUIPER Equipements publics Marielle Savoyat

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Ouvrages d’art Jean-Claude Girard

356

LE PETIT PRINCE Eric Teysseire

366

Remerciements

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ANNEXES Sigles et abréviations

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Bibliographie par objet, source des images, crédits photographiques et adresses des objets

373

Index des noms des architectes, des ingénieurs et des communes

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Architecture du canton de Vaud. 1920 – 1975

La modernité essaimée Laurent Chenu

« L’ouvrage d’un regard d’heure en heure affaibli n’est pas plus de rêver que de former des pleurs, mais de veiller comme un berger et d’appeler tout ce qui risque de se perdre s’il s’endort. »1 Au cours de son histoire, le Pays de Vaud a toujours privilégié la primauté de la diversité des lieux de ses terroirs et a toujours montré un intérêt manifeste pour l’expression de ses identités locales. Ce comportement, issu de la ruralité, a permis à son territoire de s’imposer en véritable pays des différences et des complémentarités. A l’image de cette terre millénaire morcelée, composée et souvent écartelée du Pays de Vaud entre le Jura et les Alpes, entre ses campagnes retirées et ses villes lacustres, la modernité du XXe siècle s’y affirme disparate, multiple et diffuse. Disparate : elle essaime pourtant dans ses paysages la différence comme principe et comme affirmation. Multiple : la modernité y retrouve les marques d’un siècle producteur d’icônes formelles souvent imposées dans les régions les plus reculées. Diffuse enfin : l’expression de ce courant majeur du siècle précédent n’y apparaît pas comme révélateur d’un grand mouvement avant-gardiste, mais plutôt comme une référence dont les exemples s’éparpillent au gré des commandes et de la clientèle de l’architecte. Certes, l’éloignement des grands centres de décision et de diffusion de la pensée urbaine, qui se développe de façon patente dès les années 1920 dans les villes majeures de Suisse, ne favorise pas le rattachement immédiat à une culture de la modernité définie par des avant-gardes tonitruantes. Le son de la modernité se fait ici sourd, discret, voire secret, ancré bien plus dans l’interprétation de parangons partagés que révélateur d’expériences démonstratives. Chaperonnée par l’œuvre exemplaire de ses poètes Gustave Roud, Philippe Jacottet ou Jacques Chessex, la modernité en terre vaudoise doit se lire et se comprendre à l’écart du tumulte de l’exposition ostentatoire de ses manifestations habituelles, révélée dans la rigueur et la constance créatrice de la fabrique de l’ouvrage, de ses lieux, de ses propres mondes.

Une stratification historique imbriquée L’architecture de la modernité vaudoise n’échappe pas à la valeur simple et interprétative de l’œuvre de ses poètes, nourrie du mouvement bruissant autour d’elle, mais conserve la parcimonie, la retenue et l’insigne d’une expression arrondie mais affirmée, en contrepoint des angles célébrés par ses voisins. Pas de théorie lumineuse, ni d’école revendicatrice. Le seul exercice du métier d’architecte est pris ici comme expression d’un temps moderne affairé à illustrer ce lien fondateur des formes et des matériaux de l’habitation de l’homme 1

Philippe Jacottet, « L’ignorant, le travail du poète », in L’Encre serait de l’ombre (1957), Gallimard, Paris, 2011, p. 36.

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La modernité essaimée

dans son rapport à la nature, dans cette confrontation permanente de la ruralité des terroirs à l’urbanisme des bourgs et des cités romaines ou médiévales qui composent le paysage millénaire du Pays de Vaud. A l’écart des capitales, les œuvres culturelles et en particulier architecturales vaudoises du XXe siècle fondent leur expression sur la définition qu’en a précédemment livrée Charles Baudelaire : « La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, l’autre moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable. »2 La modernité en Pays de Vaud fait sienne cet assemblage de moitiés, cette complémentarité de pensées, ce double regard de Janus. Des pensées et des manifestations sans véritable rupture dans lesquelles l’histoire lointaine et éternelle, les lieux du village à la ville, rencontrent l’expression d’un idéal du temps contemporain sans lui donner de rôle déclaratif. Ce regard dédoublé atténue, il est vrai, la valeur singulière des affirmations architecturales ou urbanistiques du XXe siècle. Les ouvrages se juxtaposent sans faire table rase, le territoire s’aménage plus qu’il ne se transforme radicalement. La stratification historique s’insère dans le tissu existant, parfois maladroitement, et n’y substitue pas une nouvelle image. Pas de manifeste architectural dominant, ni de Cité radieuse. Plutôt quelques développements dans le cours du siècle qui, à l’échelle locale, ont permis de donner une configuration plus qu’une image à la modernité.

Le territoire balancé Cette période cinquantenaire des années 1920 à 1975 a fait entrer sur le territoire du Pays de Vaud l’identité diffuse d’un paysage différent. A la fois celui de la résistance à la nouveauté pure, celui de l’essaimage de formes et de matérialités modernistes au sein de la géographie des terroirs du canton, celui aussi du mouvement inégal de la répartition des établissements sur l’ensemble du territoire. L’expérimentation privilégiant l’expérience, la confrontation se heurtant à l’accommodement, la volonté se soumettant à la pression. Les véritables transformations modernistes du Pays de Vaud au XXe siècle ne sont pas consécutives à l’introduction répartie de modèles iconiques ou de révolutions matérielles ou programmatiques. La géographie de la modernité vaudoise est avant tout à lire dans l’écartèlement territorial et social de sa configuration géographique. Alors qu’au début du siècle, la diversité du canton accepte l’intégration souvent radicale d’établissements touristiques au sein d’entités constituées comme dans les vallées du Jura, des Préalpes et sur la côte du lac Léman, les années d’après-guerre voient la concentration d’intérêts économiques et sociaux forcer la colonisation de secteurs particuliers aux dépens d’identités territoriales réparties jusqu’ici sur l’ensemble du canton. Dès le siècle entamé, la ségrégation du territoire est à l’œuvre, et la manifestation de la modernité se concentre sur quelques positions privilégiées. Le territoire du réseau rural des entités distinctes devient en quelques décennies le territoire des concentrations post-urbaines. Le poids de cette modernité du développement a déséquilibré l’identité du Pays de Vaud en la transformant en régionalismes à pas variables. Le fractionnement du territoire a creusé des écarts tels que la modernité ne s’est pas ou peu établie sur certaines de ses parties. La principale leçon de ces temps modernes pour le Pays de Vaud, à cheval sur le milieu du siècle, est celle de la modification de l’usage de son territoire et du gommage de l’identité de ses terroirs, au détriment de la valeur du réseau de ses entités territoriales. Au cours de ce XXe siècle, l’urbanité sociale a gagné sur la ruralité composite, jusqu’alors maîtresse des lieux. 2

Charles Baudelaire, « Le peintre de la vie moderne » (1863), in Œuvres complètes, tome 2, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris, 1976, p. 695.

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Architecture du canton de Vaud. 1920 – 1975

Un patrimoine typique Pour beaucoup, le XXe siècle est celui du bouleversement et de la destruction d’un monde ancien. Aloïs Riegl reprend cet état de la transformation du monde et interprète ce passage d’un siècle à l’autre comme une modification de valeurs : «Si le XIXe siècle fut le siècle de la valeur historique, le XXe semble devoir être celui de la valeur d’ancienneté. »3 Avec la modernité, un monde s’écroule, un autre émerge. Au tournant du siècle, et avec la création, par les autorités cantonales, de la première loi en Suisse sur la conservation des monuments historiques (1898), la mise sous protection est consécutive à l’identification de la valeur historique des édifices et des antiquités du canton. La première mesure de classement, du 25 mai 1900, consacre les châteaux, églises et monuments archéologiques dignes de figurer au panthéon de l’histoire culturelle vaudoise. Ce n’est que plus tardivement, au milieu des années 1950, que la valeur de l’histoire cède le pas devant la valeur d’ancienneté, reconnaissant ainsi la prévalence du patrimoine partagé sur le monument unique. La seconde modernité, celle de l’après-guerre, consacre ainsi l’abandon du spectaculaire au profit de la mise en valeur du structurel. Cures, ponts, garages, hôtels de ville, fontaines forment alors le corpus d’une structure territoriale cantonale ancienne, identifiée et reconnue. Ce corpus, étendu à l’ensemble des édifices du canton construits jusqu’en 1925, est la base même du recensement architectural opéré dès le milieu des années 1970 par l’administration cantonale. Rechercher et décrire aujourd’hui le patrimoine du XXe siècle, c’est considérer l’ensemble des ouvrages d’architecture et d’ingénierie non plus du point de vue exprimant la mémoire d’un temps et d’une destination souvent perdue, mais bien à partir d’une attention forte à l’usage actuel de ces structures modernes que sont les écoles, le logement collectif ou encore les bâtiments de loisirs ou d’industrie. Avec la prise en compte de l’architecture du XXe siècle, la catégorie mémorielle du « monument historique » s’étend à celle du « type ». De la logique de l’unicum, le champ de l’architecture moderne nous oblige à traiter dans le corpus patrimonial la logique du typicum4. D’un objet individuel, l’inventaire considère désormais les collections et les ensembles significatifs du champ patrimonial. A cet égard, le Pays de Vaud recèle de façon exceptionnelle une collection de types architecturaux que le présent ouvrage met en évidence. La cartographie des objets recensés trace les contours d’une nouvelle géographie du patrimoine bâti à travers les régions du canton. Le repérage typologique des objets les plus significatifs valide la description territoriale de la modernité vaudoise. Ce portrait du patrimoine du XXe siècle entre 1920 et 1975 permet de désigner, de quantifier, de comprendre, de définir l’identité architecturale significative d’une représentation de la modernité en pays vaudois. Loin des radicalités monumentales de certaines expressions de la modernité, l’architecture vaudoise de ce demi-siècle témoigne avec précision et clarté à la fois des nouvelles formes et matérialités de son bâti, et de la mutation considérable du substrat de son territoire. Au-delà des connaissances nouvelles apportées par l’outil d’inventaire, les choix retenus permettent de dresser une certaine identité architecturale de ce canton. Ils expliquent aussi la difficulté de donner à cette nouvelle image un caractère homogène. Le patrimoine vaudois du XXe siècle est, en ce sens, et s’il est possible de le dire ainsi, parfaitement vaudois. Il colle au passé sans faire de bruit et s’affranchit des effets d’un environnement moderne souvent critiqué et critiquable. 3

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Aloïs Riegl, Le culte moderne des monuments (1903), L’Harmattan, Paris, 2003, p. 69. Traduction et présentation par Jacques Boulet. Voir à ce propos l’excellent ouvrage de Nathalie Heinich, La fabrique du patrimoine, La Maison des sciences de l’homme, Paris, 2009, p. 20.

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La modernité essaimée

Par un travail sur la mémoire culturelle, les précédents inventaires d’architecture monumentale ont eu le privilège d’affirmer la valeur historique des objets emblématiques répartis sur le territoire. Cet ouvrage sur l’architecture du XXe siècle nous apprend, particulièrement dans le Pays de Vaud, à aiguiser notre culture du regard. Ce regard qui, avec le temps raccourci qui nous sépare de ce corpus moderne, nous rapproche aussi de notre propre compréhension de l’environnement contemporain, architectural et territorial, dans lequel nous vivons au quotidien.

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IMMEUBLES D’HABITATIONS Bruno Marchand

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Il est à la fois curieux et intéressant de constater que presque la moitié des immeubles d’habitations illustrés dans ce chapitre date des années 1930. En effet, le boom immobilier qui a eu lieu entre 1929 et 1934, conséquence paradoxale de la crise économique et des investissements massifs dans la pierre, a produit un corpus étendu et exceptionnel en qualité et en diversité. La production de logements collectifs à partir du second après-guerre est certes tout aussi conséquente en termes quantitatifs : mais elle est en grande partie constituée d’ensembles bâtis qui échappent donc au classement des objets architecturaux. Dans l’ensemble, nous sommes confrontés à un large éventail de formes bâties — l’immeuble urbain contigu, l’immeuble de tête, l’immeuble d’angle, l’immeuble en L, l’immeuble sur cour ou square, la barre, la villa locative, la tour, et enfin les « pyramides » — dont nous souhaitons évoquer ici les plus représentatives, groupées sous les termes d’enclos, de linéarités et de ponctualités.

Enclos sur le pourtour : des cours monumentales aux squares rationnels En 1925, Heugène d’Okolski construit à Lausanne l’immeuble du Grand Montriond (n° 1), déployé autour d’un square généreux. La monumentalité de cette réalisation découle à la fois de son langage architectural classique et de la mise en scène d’un espace vert central d’une certaine ampleur, conforme à l’échelle de la « grande ville » cosmopolite. Le contraste est flagrant avec la cour de l’immeuble Avant-Poste (n° 33, 1933) — aussi en forme de U mais implanté dans la pente — dont le statut est plutôt celui d’un espace de service, accueillant notamment des boxes pour les voitures. Dans la majorité des cas de notre corpus, la cour est en effet envisagée comme un dispositif fonctionnel. Il en va ainsi du square ouvert de Montchoisi (n° 21, 1932) de Charles Trivelli et Joseph Austermayer, de celui de Vinet (n° 41, 1934) de Roger Braillard et Jean Haefliger — des squares denses et mixtes, dans la lignée expressive de « l’architecture nouvelle » — et enfin de l’immeuble arrondi édifié par l’ingénieur Quinzani pour le compte de la Société Immobilière (S. I.) Haute Combe (n° 52, 1937). Un renversement des valeurs s’opère avec l’immeuble en U de Maurice Grivel et Jacques de Freudenreich à Morges (n° 23, 1932) : le square ouvert devient un cadre vert et naturel pour les espaces majeurs prolongés par des balcons. Dans un autre registre, la cour de Couchirard (n° 20), construite en 1932 par Gilliard & Godet pour la Société coopérative d’habitation de Lausanne, est « spacieuse et aérée » et, dans un esprit de solidarité et de rapprochement sociaux, est aménagée avec des étendages et des jeux pour les enfants. L’édification d’immeubles à cour ou à square va se raréfier dès le second après-guerre. La forte pente de la parcelle et la haute densité de l’opération de la Cité Bourg Neuf (n° 61, 1952) de Ferdinand Meyrat induisent un travail formel de décrochements et une grande diversité typologique autour d’un espace central exigu. Quant au square Sébeillon (n° 70) de Jacques Favarger et Bernard Murisier, terminé en 1961, son ampleur et sa situation urbaine 71

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Habiter

amènent les architectes à introduire une mixité des fonctions et, en termes architecturaux, à appliquer des systèmes rationnels de distribution et une modularité des façades.

Linéaires : de l’immeuble rationnel académique aux « barres hautes dans le parc » En 1927, Alphonse Laverrière termine à Rumine un immeuble linéaire de six niveaux plus combles (n° 3) qui se caractérise par son rationalisme académique. Il va être le premier d’une série de « barres » lausannoises affichant une « teinte classique » par l’application d’axes de composition dictés par des symétries, de l’équilibre des masses, de la prédominance de la verticalité, enfin de l’expression en façade d’un socle, corps et couronnement. Parmi ces barres, nous citerons le bloc de la Société Immobilière (S. I.) Treyblanc-Les Bruyères S.A. (n° 29, 1933) construit par Eugène Mamin et Paul Lavenex et celui de Charles Brugger à l’avenue du Tirbunal Fédéral (n° 45, 1934), d’autres architectes empruntant encore quelques motifs Art Déco, notamment Grivel & De Freudenreich dans leur bel immeuble à Florimont (n° 26, 1932). La majorité des immeubles linéaires construits dans l’entre-deux-guerres se distinguent par des caractères typologiques appliqués de manière presque récurrente : un plan bilatéral, avec les espaces de services à l’arrière et les pièces représentatives disposées vers l’avant ; des principes structurels et constructifs traditionnels, à prédominance murale ; enfin, une expression différenciée des façades. Les façades arrière sont souvent rythmées par la répétition de la cage d’escalier en saillie à laquelle sont adossés les balcons, comme c’est le cas dans l’immeuble de Charles Zbinden à Mon-Repos (n° 34, 1933) et dans celui situé en contrebas du plateau de la gare de Lausanne (n° 54, 1938), construit par Jean Haefliger. Parfois elles sont séparées de la rue par un système de passerelles, cet étonnant dispositif étant notamment utilisé par Marcel Bussy dans l’immeuble de l’avenue du Rond-Point (n° 31, 1933). Les façades représentatives reçoivent un traitement architectural plus élaboré, souvent composé à partir de l’alternance de pleins et de vides, de loggias, d’oriels et de balcons. Dans l’immeuble arrondi de Fernand Dumas et R. Python au Valentin (n° 30, 1933), elles sont dynamisées par le porte-à-faux des balcons situés à leurs extrémités, alors que l’immeuble construit par Harry Wyss à Vevey (n° 22, 1932) se distingue par les jeux de décalages, en plan et en coupe, de balcons aux extrémités arrondies ; enfin, évoquons le style « paquebot », très prisé pour son langage métaphorique moderniste et qu’on retrouve dans l’immeuble d’Alphonse Schorp situé face aux quais de Montreux (n° 6, 1929). Dès le second après-guerre, les architectes vont s’orienter vers des formes bâties plus radicales, adoptant des « barres hautes » aux formes orthogonales épurées, implantées dans des espaces verts, en conformité avec le modèle de « ville verte » énoncé dans les décennies antérieures. Cette situation « idéalisée » dans un contexte de verdure de nature isotrope et l’allégement de la fonction porteuse des façades vont induire des changements stylistiques notoires : à Lucinge (n° 62, 1952), Frédéric Brugger dynamise la façade orientée vers le parc par les lignes horizontales continues des allèges des fenêtres et des garde-corps des loggias. A Ouchy, Roger Adatte et Pierre Foretay construisent les immeubles Le Pré de la Croix et Le Pré Fleuri (n° 63, 1952 et 1954), deux barres parallèles dont le langage architectural découle de l’expression d’une grille constructive en façade. La faveur accordée à la linéarité provient aussi de son adéquation à la rationalité des méthodes de construction et au « chemin de grue » installé dans le chantier. Roland Willomet, l’un des associés de l’Atelier des Architectes Associés (AAA), construit en 1962 deux immeubles préfabriqués (n° 74) à Renens, selon le modèle des IPLM (Immeubles Préfabriqués 72

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Immeubles d’habitations

à Loyers Modérés) mis au point avec Alin Décoppet. L’expression des façades, inspirée des unités d’habitation corbuséennes, découle du dessin de la trame constructive et de panneaux de remplissage préfabriqués, alors que les typologies des logements, traversantes, sont contenues par des murs de refend et répartissent bilatéralement les chambres à l’est et les espaces collectifs à l’ouest, selon les principes hygiénistes d’usage. D’autres architectes manifestent un intérêt marqué pour les agrégations complexes d’appartements : à Yverdon, dans un registre « brutaliste » et minimaliste, Pierre Buhler construit un immeuble haut, orienté nord-sud et constitué de l’agrégation linéaire de duplex distribués par des coursives (n° 71, 1964). Dans l’immeuble Martinet Parc (n° 66, 1956), construit à Nyon par André et Francis Gaillard, des coursives donnent cette fois-ci accès à des logements organisés spatialement sur trois demi-niveaux ; ces semi-duplex sont aussi adoptés par Bernard Calame (n° 77, 1964) dans un immeuble dont la profondeur est exploitée par l’instauration d’une rue intérieure éclairée par des cours.

Ponctuelles : des villas locatives aux formes pyramidales Les villas locatives sont un type spécifique d’habitat caractérisé essentiellement par des formes ponctuelles et des plans rayonnant souvent à partir de distributions verticales centrales et bénéficiant de plusieurs orientations. Elles ont une longue histoire en Suisse : implantés dès le milieu du XVIIe siècle en limite des centres des villes, ces bâtiments de faible gabarit dénotent une condition de vie suburbaine, entourée de végétation. En 1930, Laverrière et Thévenaz édifient des maisons jumelles au Treyblanc (n° 8), qui constituent un pendant classique au modernisme d’inspiration corbuséenne des Claires Maisons (n° 9, 1929) de Jacques Favarger et Charles Dubois. Les villas locatives dans le quartier du Mont-d’Or (n° 13), terminées en 1930 par Marius Pache et Alexandre Pilet, empruntent un style « streamlining » moderniste pour l’expression des balcons continus du côté sud alors que les villas locatives Le Tamaris et Marie-Louise (n° 14, 1930) de Werner Herzog affichent une sobriété toute « loosienne », dans la lignée des magnifiques « villas cubiques » yverdonnoises d’Albert Brunner, Horace Décoppet et Jean Hugli (n° 19, 1931 ; n° 32, 1933 ; n° 47, 1936 ; n° 48, 1937). Henri Robert von der Mühll construit successivement La Chandoline (n° 40, 1934) et la villa Foetisch (n° 46, 1935) selon un registre plastique minimaliste, les proportions des surfaces crépies et lisses étant déterminées par des tracés régulateurs. On retrouve le même esprit classique dans la composition symétrique de la villa locative de François Volet à Vevey (n° 43, 1934), dont la particularité est d’accueillir des activités au niveau du socle, dans un corps bas. Les réalisations de villas locatives deviennent moins fréquentes dès la fin du second après-guerre, les préoccupations des architectes se tournant résolument vers la question du logement de masse. Signalons les deux villas locatives de Ferdinand Meyrat (n° 61, 1952), reliées par un hall vitré qui ferme une cour d’entrée d’apparat, renouant ainsi avec un dispositif typique de l’hôtel particulier ; et encore celle construite en 1960 à Pully (n° 68) par Jean-Pierre et Bernard Vouga, dont la plastique découle de l’expression d’un volume cubique surplombant un socle en retrait, qui génère une « figure en lévitation » typique de ces années-là. Enfin, dans les années 1970, on va assister à l’émergence de solutions nouvelles, tel l’immeuble La Margeride (n° 81, 1972), réalisé à Montreux par Jean Serex qui implante dans la pente et face à la vue un volume pyramidal entouré de terrasses, dans un retour à des formes archaïques agrémentées de technologies de pointe et de l’intégration des arts.

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1 Immeuble du Grand Montriond à Lausanne Eugène d’Okolski

1925

Ce bâtiment en forme de U, de quatre étages plus attique, contient de spacieux appartements disposés autour d’un square généreux. Son langage architectural est manifestement d’inspiration classique et rappelle l’expression de certains bâtiments genevois de la même époque de Maurice Braillard. Les façades adoptent la stratification verticale canonique en socle maçonné, corps de bâtiment et couronnement. Sur rue, l’axe central de la composition symétrique, rehaussé en façade par deux loggias en saillie et un large fronton, détermine la position du passage sous bâtiment vers le square.

2 Immeuble de La Promenade à Lausanne Charles Brugger, Charles Trivelli

1927

Situé le long de l’avenue de Rumine, cet immeuble imposant accueille des appartements d’un standing élevé qui bénéficient d’une vue panoramique. Les architectes tirent parti de la pente prononcée du terrain pour créer deux étages supplémentaires situés dans le soubassement. Le détachement de l’immeuble du mur de rétention et l’accessibilité par des ponts créent les conditions nécessaires à l’éclairage de l’arrière de ces logements. Le langage architectural, d’inspiration classique, est agrémenté d’éléments Art Déco, comme on le voit dans les reprises en biais du porte-à-faux des loggias.

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Immeubles d’habitations

3 Immeuble de Rumine à Lausanne Alphonse Laverrière

1927

Le plan d’aménagement du square de Bellefontaine prévoyait trois bâtiments disposés autour d’une cour ouverte au sud, dont un seul a été réalisé, qui introduit un souffle de « modernité tempérée » à proximité du centre de Lausanne. Linéaire, le bâtiment accueille des commerces et des bureaux dans le socle, au-dessus duquel s’érigent des étages de logements. Le salon et la salle à manger sont disposés de part et d’autre d’un hall central, orné d’une cheminée, qui donne aussi accès aux chambres. Les deux façades principales, revêtues en pierres de Savonnière et crépies, se caractérisent côté lac par l’horizontale des balcons contenus par des saillies pleines, et côté rue par le rythme vertical des entrées.

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4 Immeuble d’habitation à Lausanne Charles Thévenaz

1928*

Par sa forme légèrement en U, cet immeuble urbain forme une cour d’entrée du côté de la rue. Deux cages d’escalier situées aux angles donnent accès à quatre appartements par étage distribués par de longs vestibules. Les pièces représentatives, disposées en enfilade, s’orientent vers le jardin ou sont situées dans les faces extérieures des ailes latérales. Le langage architectural, classique, est à la fois sobre et « décoré », les façades étant dans l’ensemble rythmées par des ouvertures reliées verticalement par des encadrements et, côté sud, par deux bandes verticales de loggias superposées.

5 Immeuble d’habitation et de commerce à Lausanne Marius Pache, Alexandre Pilet

1928*

Implanté perpendiculairement à un axe de circulation, ce bâtiment linéaire accueille des magasins au niveau du sol. Sa silhouette se dresse sur quatre niveaux plus attique, la composition asymétrique de la façade sur l’avenue étant issue du retournement de deux façades principales distinctes. A l’est, trois corps de bâti articulés et en excroissance signalent les entrées alors que la façade ouest se caractérise par le contraste entre la verticalité de loggias en saillie « habillées » de listes horizontales en simili pierre et l’horizontalité des balcons en porte-à-faux. 76

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Immeubles d’habitations

6 Immeuble d’habitation et de commerce à Montreux Alphonse Schorp

1929

Ce bâtiment, en forme de triangle allongé, adossé à la pente, termine un îlot qui fait face aux quais. Le rez-de-chaussée accueille des commerces au-dessus desquels s’érigent quatre étages de logements. La reconnaissance d’une façade privilégiée, orientée vers le lac, se fait par la présence de balcons filants en porte-à-faux, entrecoupés uniquement par une bande verticale de loggias vitrées. La dynamique de l’expression architecturale ressort du « streamlining » de ces lignes horizontales et des extrémités arrondies qui évoquent l’architecture navale.

7 Immeubles d’habitation à Lausanne Charles Brugger, Charles Trivelli

1929

Ces deux bâtiments linéaires et similaires, implantés perpendiculairement à la pente, sont reliés entre eux par un socle. Partiellement excavé, celui-ci accueille des garages et forme une terrasse supérieure, prolongée vers le centre par un jardin vert arborisé. Des axes de symétrie déterminent l’implantation des bâtiments ainsi que la composition des façades. Le langage architectural, sobre et issu de la répétition de fenêtres presque identiques, est rehaussé par la présence de loggias sur rue, de balcons côté jardin, et par le décor « néoclassique » appliqué. 77

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8 Villa locative du Treyblanc à Lausanne Alphonse Laverrière, Charles Thévenaz

1930

Laverrière et Thévenaz, possédant deux parcelles contiguës, s’accordent sur un même programme pour l’édification de ces « maisons jumelles des architectes » de trois niveaux disposés sur un socle qui rattrape la pente. Au rez-de-chaussée, on trouve les ateliers des architectes et des petits logements d’appoint ; aux étages, les appartements accessibles par des cages d’escalier en façade et distribués par un hall central qui se prolonge par un salon généreux. Le langage architectural, très élégant, basé sur une composition symétrique, des fenêtres hautes alignées, des bandeaux horizontaux et une corniche aux moulures fines en léger débord, présente des similitudes avec l’architecture de Josef Hoffmann.

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Immeubles d’habitations

9 Les Claires Maisons à Lausanne Jacques Favarger, Charles Dubois

1929

Séparées par un mur de refend central, les « Claires Maisons » comportent au rez-dechaussée des services et un atelier prolongé par une terrasse couverte, les deux étages supérieurs abritant des appartements orientés essentiellement vers la vue et le sud. L’utilisation d’une ossature en béton armé dicte la trame modulaire des espaces, perceptible dans les fins meneaux qui séparent une ligne continue de fenêtres horizontales « corbuséennes » au premier étage. La plasticité provient de la forme d’éléments secondaires, tels les demi-cylindres en saillie des cages d’escalier situées de part et d’autre de l’entrée et les balcons en porte-à-faux, côté jardin, qui créent un dynamisme dans une façade équilibrée par un axe de symétrie.

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10 Immeuble d’habitation et de commerce à Vevey Adrien van Dorsser, Henri Buisson

1930

Cet immeuble est constitué de deux niveaux inférieurs de commerces au-dessus desquels s’érigent quatre étages de logements et un attique en retrait. Son gabarit imposant et l’expression travaillée de l’angle contribuent à la définition de l’espace de la place de l’Hôtel-de-Ville, avec l’appui de l’immeuble Rialto de Jacques Favarger et Charles Dubois (n° 11), construit en diagonale sur le côté adjacent. Le traitement architectural des façades, découpées par des bandeaux et des corniches ornées, répond à la hiérarchie urbaine : sobres du côté de la rue, expressives et avec des loggias généreuses du côté de la place.

11 Immeuble Rialto à Vevey Jacques Favarger, Charles Dubois

1930

L’une des qualités majeures de cet immeuble urbain réside dans sa relation à l’espace public. Situé sur la place de l’Hôtel-de-Ville, il contribue, avec l’immeuble de van Dorsser & Buisson (n° 10) se trouvant en vis-à-vis diagonal, à la définition spatiale de celle-ci, à la fois par l’alignement des façades, la présence de magasins sur rue et le traitement architectural d’éléments singuliers comme les avant-corps et les angles arrondis. L’occupation de l’îlot se fait par un plan rayonnant autour d’une cour intérieure lumineuse, dont l’expression simple contraste avec le vocabulaire architectural recherché des façades principales. 80

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Immeubles d’habitations

12 Immeuble d’habitation et de commerce à Lausanne Charles Zbinden

1930

La configuration en L de cet immeuble prend appui sur un socle de deux étages, arrondi à son extrémité ouest et qui occupe l’entier de la parcelle triangulaire en pente par des magasins et des bureaux. L’implantation du bâtiment selon les deux orientations a pour conséquence l’ouverture des pièces principales des appartements vers la lumière du midi et du soir. Des bandeaux stratifient horizontalement les façades, uniquement interrompues par la verticalité des cages d’escalier. Le dessin raffiné des barrières métalliques des balcons est particulièrement relevant.

13 Villas locatives à Lausanne Marius Pache, Alexandre Pilet

1930

Alignés et disposés l’un à côté de l’autre, ces deux bâtiments surprennent par leur plasticité. Du côté nord, l’articulation des volumes est accentuée par des formes demi-cylindriques en saillie qui contiennent les w.c. La verticalité de cette figure qui se prolonge en toiture est juste entrecoupée par une série de frises en relief qui relie les fenêtres des sanitaires et stratifie celles des cages d’escalier. Du côté sud, ce sont des bandes horizontales qui prédominent et qui créent une impression dynamique accentuée par le retournement en porte-à-faux des balcons situés aux deux extrémités. 81

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14 Villas locatives Le Tamaris et Marie-Louise à Lausanne Werner Herzog

1930

La coupe tire parti de la déclivité du terrain pour ménager la vue à ces deux villas locatives, implantées dans une parcelle en longueur, perpendiculaire à la pente. Celle du haut accueille des activités dans son socle allongé au-dessus duquel s’érigent trois niveaux de logements. Chaque étage contient deux appartements, distribués par une cage d’escalier située en façade et par un hall central. La volumétrie est cubique et articulée alors que le langage architectural, dans l’ensemble sobre et mural, s’allège, côté lac, par des ouvertures et des loggias d’une certaine ampleur.

15 Immeuble d’habitation et de commerce à Lausanne Marius Pache, Alexandre Pilet

1930

Avec sa forme en L, cet immeuble de cinq étages de logements plus attique érigés audessus d’un entresol de commerces faisait partie, à l’origine, d’un projet d’ensemble bâti plus ample définissant les limites nord et est de l’îlot. Sa situation au point de convergence d’une avenue et du trajet de la « ficelle » amène les architectes à aborder le thème de l’angle, exprimé par des balcons arrondis généreux. Par leur amplitude, ceux-ci contribuent à dynamiser le langage architectural des façades basé essentiellement sur l’alternance soutenue et régulière des pleins et des vides. 82

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Immeubles d’habitations

16 Immeuble La Muette à Lausanne Marcel Bussy

1930

Cet immeuble à cour intérieure, situé dans le quartier sous-gare lausannois, a un gabarit imposant, déterminé par des règles et alignements urbains. Il s’adapte à la pente en disposant des commerces et des bureaux dans les deux étages d’un socle en marbre noir, le corps du bâtiment étant constitué de quatre étages de logements avec un attique en retrait, construits en maçonnerie crépie. Il en ressort le sentiment d’un volume bâti dense et puissant, doté d’encadrements et « creusé » de bandes verticales de loggias arrondies aux angles.

17 Immeuble de l’Esplanade à Lausanne Georges Epitaux

1931

L’architecte cherche à exploiter la situation particulière de cet immeuble de standing en modelant une tour d’angle, surélevée par rapport au gabarit et embellie par un bossage en simili pierre continu sur toute la hauteur. Le bâtiment contient des commerces au rezde-chaussée et quatre étages plus attique contenant chacun un seul appartement. Très amples, ceux-ci se composent des trois parties typiques du logement bourgeois : les espaces de service, les chambres et les multiples pièces représentatives, disposées ici autour de l’angle de manière à bénéficier de la vue et de la lumière.

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ENSEMBLES D’HABITATIONS Bruno Marchand

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Les premiers ensembles recensés dans ce chapitre proviennent des milieux coopératifs : en 1920, la Société coopérative d’habitation de Lausanne mandate les architectes Frédéric Gilliard et Frédéric Godet pour la construction d’une cité-jardin à Lausanne, au lieu-dit Prélaz (n° 83). Il s’agit de la concrétisation d’un idéal de mode de vie dont les coopérateurs veulent faire bénéficier la classe ouvrière par le biais de parts sociales. En comparaison de la cité-jardin de Bellevaux (n° 84), réalisée par les mêmes architectes en 1928 pour la Société coopérative de la Maison Familiale et constituée uniquement de rangées de maisons en ordre contigu, la cité-jardin de Prélaz est un modèle hybride, comportant deux immeubles collectifs. Cette déviation d’une règle en principe immuable permettra à Gilliard & Godet, tout en poursuivant une plaidoirie en faveur de la cité-jardin, d’appliquer les résultats de leur recherche de « procédés et de matériaux de constructions économiques » dans de futures opérations coopératives qui, notamment pour des raisons économiques, s’orienteront vers des formes pourtant décriées pour leurs carences sociales, les « casernes locatives ». Plusieurs de ces « casernes locatives » cherchent à disposer les bâtiments autour d’un espace central sous forme de cour ouverte, semi-privée, à l’image de ceux des groupes implantés à Cour (n° 85, 1924–1926) et à la Borde (n° 86, 1928–1932 et n° 87, 1929–1931). Ces espaces extérieurs font l’objet d’aménagements paysagers soignés — jardinets, pelouses, plantations d’arbres — et accueillent souvent des jeux d’enfants et des surfaces d’étendage à disposition des habitants. Les villas locatives font parfois l’objet de plans d’ensemble dus à l’initiative privée. Leur configuration est variable : soit elles génèrent des figures linéaires suivant les axes de communication, introduisant ainsi un ordre dans le paysage, comme à Risoux-Noirmont (n° 90, 1933–1934) ; soit elles sont simplement groupées autour d’un square ouvert, comme à Secrétan-Bellevue (n° 93, 1935). Par leur conception coordonnée et harmonisée, elles créent un contrepoint fragile aux nombreux îlots de villas locatives, dénoncés par Hans Bernoulli, dont la forme aléatoire découle de l’exploitation maximale des droits à bâtir d’un parcellaire préexistant. Le quartier de Pecos (n° 89, 1930–1935), dans les hauts de Lausanne, est un exemple intéressant (et presque unique) de la promotion immobilière d’une « pièce urbaine » dans les années 1930, constituée d’îlots denses et élevés, organisés autour de cours à usage privé et alignés le long des voies publiques. Dans un registre différent, plutôt progressiste, René Bonnard commence en 1933, à Bellevaux-Dessous (n° 92), l’édification d’une série d’immeubles linéaires, équidistants et orientés perpendiculairement aux voies de circulation. Cet ensemble, régi par des principes hygiéniques, consacre l’idée corbuséenne de la fin de la « rue-corridor » et de la dissociation entre le bâti et les réseaux de circulation.

Plans de quartier et zeilenbau Plusieurs quartiers planifiés dans l’immédiat second après-guerre selon le Règlement concernant le plan d’extension de 1942 — le groupe de la Harpe (n° 95, 1946) construit par 129

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Frédéric Gilliard et le quartier des Pyramides (n° 96, 1947–1948) de Jacques Favarger et Bernard Murisier — sont de taille modeste et n’intègrent pas encore d’équipements collectifs d’importance dans leur périmètre. Œuvres d’architectes de la première génération, ils se caractérisent par la répétition équidistante d’un même bâtiment — selon le principe du zeilenbau que l’on avait déjà vu mettre en pratique dans les années 1930 à Bellevaux-Dessous. L’application de ces règles apparaît en effet comme un reflet tardif des préoccupations de l’entre-deux-guerres, témoin en est encore l’opération, cette fois-ci d’une certaine envergure, de valorisation du domaine de Valency (n° 98, 1949–1959), vaste propriété située à Prilly et dominée par un château, ses dépendances et son parc. Ce dernier demeurera une promenade publique, le reste du terrain accueillant une série de barres alignées le long de l’axe de circulation ou étalées en couches parallèles dans la pente. Quelques figures sont générées à partir de la variation d’un tel agencement, comme l’alternance de barres alignées et sérielles des Prés-du-Lac à Yverdon-les-Bains (n° 99, 1952–1955), une configuration qui offre des perceptions diversifiées et des espaces extérieurs fluides. D’autres sont plutôt d’inspiration classique, déterminées par des symétries axiales et l’instauration de centralités, à l’image de l’ordonnance fermée du groupe de Montoie (n° 97, 1948–1950) et de celle en éventail de l’ensemble Mont-Goulin à Prilly (n° 103, 1954–1963).

Compositions paysagères et unités de voisinage Le modèle prédominant dans le second après-guerre sera celui de « l’unité de voisinage » anglaise, confirmé par l’application du Règlement sur les plans de quartier instauré en 1942. Il faudra pourtant attendre le milieu des années 1950 pour que l’augmentation de la taille des opérations, la disponibilité de grandes parcelles d’un seul tenant et l’introduction de systèmes de subventionnement public aboutissent à la planification coordonnée d’ensembles résidentiels intégrant des équipements scolaires et des centres commerciaux, envisagés comme des centralités pour l’éclosion sociale des habitants. Plusieurs des architectes de ces quartiers sont issus de l’Ecole d’architecture et d’urbanisme de l’EPUL à Lausanne, fondée en 1943 et dirigée par Jean Tschumi qui les oriente vers des compositions paysagères où l’angle droit prédomine et où la recherche plastique et l’art des volumes se combinent à la topographie, à la vue et à l’orientation. Bien qu’il demeure difficile d’évaluer de façon précise l’impact de cet enseignement, des preuves existent néanmoins de l’intervention directe ou indirecte du « patron » dans la conception de certaines réalisations notoires. En effet, Tschumi est membre, en 1955, du jury du concours pour la mise en valeur du domaine de Valmont (n° 102, 1955–1962*), sur les hauts de Lausanne. Le projet définitif, élaboré par Nicolas Petrovitch-Niegoch (élève de Tschumi) avec le Service d’urbanisme de la ville de Lausanne, prévoit l’implantation de trois tours décalées et de deux barres en périphérie du domaine de façon à préserver la vue et une grande partie du parc où sont implantés une école enfantine, un centre commercial et une piscine. Lors du projet de quartier de l’Ancien-Stand (n° 108, 1961–1967), dont le plan-masse a été conçu par Alin Décoppet et Léopold Veuve (membres de l’AAA) en collaboration avec le Service d’urbanisme, Tschumi a, semble-t-il, fait des critiques stimulantes à ces anciens élèves. Plastiquement, le parti final adopté repose sur des critères d’équilibre et de contraste entre des masses verticales et horizontales selon une composition générale qui associe une tour à des barres disposées autour d’un espace central voué aux loisirs et aux équipements collectifs. D’autres « unités de voisinage », situées pour la plupart à proximité des jonctions autoroutières, sont planifiées par des architectes dont la formation et les horizons diffèrent. Les plans masse de la Cité-Parc à Aigle (n° 106, 1960–1965), de Jean Serex, du quartier 130

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Ensembles d’habitations

de Pré-Maudry (n° 109, 1960–1968) à Morges et de la Cité-Ouest (n° 114, 1965–1975) à Gland, projeté par Bernard Murisier, adoptent pourtant systématiquement des compositions « beaux-arts » de tours et de barres, en privilégiant l’orthogonalité, le jeu des volumes et l’équilibre des masses.

Influences organiques Même s’ils demeurent une exception, dans un climat architectural où la rationalité prédomine, il est toujours intéressant d’évoquer les quelques exemples « teintés » d’une sensibilité organique. L’influence de l’architecture d’Alvar Aalto est clairement perceptible dans les tours de la Borde (n° 107, 1960–1968) réalisées à Lausanne par Frédéric Brugger. Au Bois du Caudray (n° 119, 1970–1975) à Renens, Bernard Murisier dessine un ensemble d’immeubles linéaires légèrement incurvés, constitués à partir de l’assemblage d’unités de hauteur variable. L’implantation de ces immeubles, parmi les arbres dans un nouveau cadre de verdure, suit rigoureusement la topographie du terrain, ce qui génère une variété des espaces extérieurs. Ensembles modulaires A partir du milieu des années 1960, la critique toujours plus incisive envers les grands ensembles, décriés notamment pour leur gigantisme et leur monotonie architecturale, va infléchir la conception des nouveaux quartiers. Dans la lignée de certaines expériences des membres du Team 10, comme « La Citadelle » à Bagnols-sur-Cèze (1956) de Candilis, Josic & Woods, les formes rigides aux géométries primaires sont ainsi progressivement écartées au profit d’une articulation plus accentuée des volumes. Tant à la Levratte à Nyon (n° 112, 1964–1976) qu’au Pont-des-Sauges (n° 113, 1965–1970) et à la Bourdonnette (n° 116, 1966–1973) à Lausanne, les masses bâties sont fragmentées à partir d’unités modulaires de logements décalées en plan et en hauteur. Ces physionomies en « dents de scie » confèrent aux masses bâties une échelle plus retenue et vont de pair avec l’affirmation de centralités qui, conformes aux préceptes des « unités de voisinage », se matérialisent encore une fois dans des équipements scolaires, civiques ou commerciaux. Constructions traditionnelles Les ensembles modulaires qu’on vient d’évoquer sont tous bâtis selon des méthodes industrielles de construction, le chantier du quartier du Pont-des-Sauges étant reconnu pour son efficacité maximale dans la planification des opérations et dans l’application de la coordination modulaire et de la préfabrication lourde. Pourtant, dès le début des années 1970, on va assister à un « revival » des modes de construction traditionnels dans plusieurs opérations de logement, un « revival » en grande partie dû au désenchantement des architectes face à la précarité des bienfaits du progrès technique et de l’industrialisation de la construction. En parallèle, l’intérêt toujours plus marqué pour les qualités humaines et sociales de l’habitat traditionnel et le retentissement des travaux des architectes londoniens influent la conception et la réalisation de deux ensembles du bureau AAA, sous l’impulsion d’Alin Décoppet. A Penthalaz (n° 120, 1970–1975), le tissu contigu de bas gabarit joue sur des décalages et des décrochements autour de places de jeux, générant une diversité morphologique et typologique qui fait écho au contexte villageois dans lequel elle s’insère. Le quartier Grangette Praz-Séchaud (n° 121, 1970–1977) s’inscrit dans la continuité en privilégiant la diversité des formes et la variété des appartements, tout en favorisant la polyvalence des appropriations par une expression architecturale neutre. 131

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Habiter

83 Cité-Jardin de Prélaz à Lausanne Frédéric Gilliard, Frédéric Godet

1919–1921*

« Etre chez soi, dans sa maison, avec un jardin à sa porte » : Frédéric Gilliard est un fervent partisan de ce mode de vie pour la classe ouvrière et, avec son associé, construit pour la Société coopérative d’habitation de Lausanne ce qui peut être considéré comme l’un des exemples du « modèle helvétique de la cité-jardin », émanation des théories de Hans Bernoulli. La disposition des quatre rangées de maisons familiales contiguës et des deux immeubles collectifs de cet ensemble est régie par une composition symétrique dont une placette occupe le centre. Le langage architectural est traditionnel et les éléments de construction sont standardisés, dans un effort d’économie qui n’exclut pas le soin des détails et un certain confort.

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Ensembles d’habitations

84 Cité-Jardin de Bellevaux à Lausanne Frédéric Gilliard, Frédéric Godet

1920–1928*

Edifiées pour le compte de la Société coopérative de la Maison Familiale, ces maisons en rangées représentent l’idéal de vie que les coopérateurs souhaitaient pour leurs adhérents. Destinée à des familles nombreuses, chaque maison comporte une cuisine habitable, quatre chambres (dont deux sont disposées sous les toits) et pas de salle de bain, une baignoire étant simplement installée dans la buanderie, à la cave. L’ambiance domestique et « coquette » de la cité-jardin ressort notamment de la petite échelle du bâti, du vocabulaire architectural conventionnel (toitures à pans recouverts de tuiles, fenêtres à volets) et des prolongements extérieurs généreux, sous forme de jardins potagers et d’espaces de transition du côté des entrées.

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Habiter

85 Groupe de Cour à Lausanne Frédéric Gilliard, Frédéric Godet

1924–1926*

Ces immeubles de trois niveaux plus combles habitables, construits par la Société coopérative d’habitation de Lausanne, se dressent au-dessus d’un socle et encadrent un espace central, fermé sur rue et aménagé pour l’étendage et les jeux des enfants. L’économie provient de la rationalisation et standardisation des éléments de construction. L’expression architecturale, simple et dépouillée, est juste rehaussée par un « motif décoratif » constitué d’une ouverture ovale et d’une couverture cintrée en zinc qui couronnent les bandes verticales des cages d’escalier.

86 Groupe de la Borde I–II à Lausanne Frédéric Gilliard, Frédéric Godet

1928–1932*

La Fondation Le Logement Ouvrier bénéficie de la mise à disposition gratuite d’un terrain communal pour édifier trois bâtiments (de nos jours démolis) groupés autour d’une cour ouverte, aménagée avec des jardins privatifs sur le pourtour et un espace de jeu pour enfants en son centre. Soumis à des impératifs économiques rigoureux, les architectes rationalisent les plans à partir de l’agrégation de pièces identiques et du regroupement des pièces d’eau et adoptent un même type de fenêtres à volets dont la répétition constitue le fondement d’un langage architectural d’une extrême sobriété.

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Ensembles d’habitations

87 Groupe de la Borde à Lausanne René Bonnard

1929–1931*

Trois immeubles orientés vers une cour ouverte : construit pour le compte de la Société coopérative La Maison Ouvrière, ce groupement a la même disposition que celui qui lui est attenant, réalisé par Gilliard & Godet. Les appartements, tous traversants, sont distribués par deux cages d’escalier situées en façade. La construction et le vocabulaire architectural sont simples et économiques, les toitures étant à quatre pans et les façades, composées à partir d’un nombre limité d’ouvertures, étant juste animées par des bandes horizontales et des balcons en saillie.

88 Groupe du Pré de Cour à Lausanne Charles Trivelli

1930–1932*

Dû à l’initiative privée, ce groupe de logements collectifs est constitué de trois bâtiments de quatre niveaux disposés autour d’une cour. Celle-ci, ouverte au sud et légèrement surélevée par rapport à la rue, contient des jardins privés attenants au bâti, qui encadrent un espace commun planté. L’expression architecturale, réglée par des symétries simples, repose sur des registres contrastés : les façades arrières, lisses, sont juste rythmées par les bandes vitrées verticales des cages d’escalier ; celles donnant sur cour sont, à l’inverse, travaillées en relief avec les loggias et balcons en saillie.

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LOGEMENTS INSTITUTIONNELS Bruno Marchand

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Le terme « logements institutionnels » recouvre plusieurs programmes — depuis les établissements pour personnes âgées, les maisons d’étudiants ou de jeunes jusqu’aux pensionnats de jeunes filles — et ont un statut hybride étayé par leur vocation à la fois collective (lieux d’échanges sociaux) et individuelle (espaces privés, lieux d’intimité). La plupart des exemples publiés ici s’inspirent de modèles bâtis rationnels, adoptant le principe canonique de distribution par un corridor d’une suite de cellules disposées en ligne et appliquant des méthodes industrielles de construction. La Cité Val Paisible (n° 123, 1958) de René Keller et H. Wyden et la Cité Val Fleuri (n° 129, 1966) de Jean-Pierre Cahen font partie des ensembles pour personnes âgées dépendantes réalisés avant l’adoption, en 1967, du Plan hospitalier vaudois et du terme actuellement en vigueur d’établissement médico-social (EMS). Censés répondre aux besoins toujours croissants en matière d’hébergement et de soins, ce sont encore essentiellement des « cités pour vieillards », composées de barres en béton préfabriqué, disposées dans des espaces verts et distribuées par des coursives extérieures ouvertes, un dispositif particulièrement prisé dans l’entre-deux-guerres. Les problèmes des gens âgés auraient-ils pour pendant ceux de la jeunesse ? En effet, dès la fin des années 1950, une pénurie de logements d’étudiants se fait aussi sentir dans le canton de Vaud, induite par le développement des institutions universitaires et polytechniques et le nombre toujours plus élevé de jeunes faisant des études. Pour pallier cette pénurie, la Fondation des maisons pour étudiants de l’Université et de l’EPFL, créée en 1961, met rapidement en œuvre la maison des étudiants à Vidy (n° 126, 1962) — dans un premier temps elle abritait le bureau de construction de l’Expo’64 — de Jean-Pierre Cahen et Roger Oguey, un ensemble comportant deux barres basses sur pilotis, métalliques, modulées et standardisées selon le système mis au point par le Centre de rationalisation et d’organisation des constructions scolaires (CROCS), reliées par un corps bas. A Vidy, les différents types de chambres sont desservis par des « rues intérieures » comme au Centre universitaire catholique (n° 124, 1961) de Jacques Dumas, un bâtiment linéaire en béton brut à l’esthétique corbuséenne. Le pensionnat de jeunes filles (n° 125, 1961) réalisé dans les hauts de Lausanne par le bureau Richter & Gut s’inspire du couvent de la Tourette du même Le Corbusier : les cellules sont desservies par des couloirs qui déambulent autour de patios, selon une organisation horizontale des étages haussés par des pilotis et couronnés par une toiture-terrasse ponctuée d’objets plastiques. Si Rémy Ramelet construit, en 1957, deux barres pour héberger des infirmières (n° 122) dans l’enceinte du Centre hospitalier universitaire vaudois, quelques années plus tard, en 1965, William Vetter adopte le modèle de la tour (n° 128) sur le même site et pour un programme en plusieurs points semblable. Ardent défenseur de l’industrialisation du bâtiment, Vetter construit ce bâtiment haut en ossature en béton et panneaux préfabriqués accordant une vibration aux façades par des volets coulissants qui dénotent les modules des chambres. Enfin, la maison d’étudiants et le foyer éducatif réalisés à Lausanne par l’atelier d’architecture Henri Collomb SA, respectivement en 1964 (n° 127) et en 1972 (n° 130), témoignent d’une autre sensibilité : des agrégations d’unités différenciées qui prennent parti du relief du terrain, soit reliées par des couloirs linéaires, soit déployées en boucle et exprimées par un modelage plastique des formes en béton brut. 161

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Habiter

122 Hôpital Cantonal, bâtiment du personnel à Lausanne Rémy Ramelet

1957

Deux barres de six niveaux, parallèles, orientées pratiquement est-ouest et disposées dans un espace vert en pente : la construction de ces bâtiments à la fin des années 1950 est rendue nécessaire par l’accroissement important du personnel infirmier qu’il faut loger à proximité immédiate des établissements hospitaliers. Les chambres individuelles, équipées d’une salle de bain et d’une rangée d’armoires groupées le long d’une bande servante, sont desservies linéairement à chaque étage par une « rue intérieure » qui se termine au sud par un solarium. Elles s’affichent en biais en façade, créant une modulation et une vibration contenues par les horizontales filantes des dalles des balcons et des garde-corps tubulaires métalliques.

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Logements institutionnels

123 Cité Val-Paisible à Lausanne René Keller, H. Wyden

1958

Implantées de façon alternée, selon l’orientation, et adaptées à la topographie naturelle du terrain, ces quatre barres ont des hauteurs variables. Chacune comprend des locaux communs, des agrégations linéaires d’appartements minimaux desservis par des coursives et des bains groupés au sous-sol notamment pour des raisons de surveillance. Le langage architectural des façades, contrasté, ressort d’un côté des horizontales des coursives et de l’autre de l’abstraction géométrique d’une grille constructive. Les volumes bâtis, simples et orthogonaux, sont dynamisés par l’élancement vertical des cages d’escalier extérieures et le porte-à-faux des loggias encadrées et contenues par des garde-corps préfabriqués à l’expression « pointilliste ».

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Habiter

124 Centre universitaire catholique à Lausanne Jacques Dumas

1961

Longeant un boulevard du quartier sous gare lausannois, cet immeuble haut accueillait à l’origine de jeunes apprentis et des étudiants, ce qui a induit le parti d’établir des entrées indépendantes et des circulations verticales séparées. La coupe comprend deux niveaux de soubassement voués aux locaux communautaires au-dessus desquels se dresse un étage administratif et trois niveaux de chambres desservis par une « rue intérieure ». L’expression du bâtiment, d’inspiration à la fois corbuséenne et « brutaliste », ressort du fort contraste entre la façade nord, murale et en béton brut, et la façade sud, ouverte vers le lac par des pans vitrés et la modénature variée des garde-corps des balcons et des brise-soleil préfabriqués.

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Logements institutionnels

125 Pensionnat de jeunes filles à Lausanne Max Richter, Marcel Gut

1961

S’inspirant du modèle de couvent que Le Corbusier avait revisité à la Tourette, les architectes ont organisé le plan de ce pensionnat à partir de plateaux horizontaux disposés autour de deux patios intérieurs. Ils tirent parti de la pente du terrain pour échelonner deux étages au-dessus d’un niveau de pilotis, le tout étant couronné par une toiture-terrasse panoramique. Les chambres sont conçues comme un lieu de repos et de travail individuel et se prolongent par des loggias encadrées par les éléments en béton préfabriqués des façades. Le traitement plastique des éléments en saillie de la toiture-terrasse crée un contrepoint à l’horizontalité générale du bâtiment dont l’échelle contenue se veut proche de celle d’une grande maison.

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Habiter

126 Maison pour étudiants à Lausanne Jean-Pierre Cahen, Roger Oguey

1962

Situés à proximité du lac, ces deux bâtiments linéaires de trois étages sur pilotis ont d’abord abrité des locaux pour l’Expo’64. Parallèles et légèrement décalés, ils sont reliés par un corps bas qui accueille des fonctions collectives. Aux étages, les divers types de chambres sont disposés de part et d’autre d’une « rue intérieure » à laquelle on accède par une cage d’escaliers centrale groupée avec un hall commun. L’ossature d’acier, soudée et modulée selon le système CROCS, supporte des dalles en béton coulé sur des tôles ondulées. L’expression des façades légères repose sur un dessin de grille constitué de la structure apparente, des fenêtres coulissantes et de panneaux en tôle d’acier plié avec des revêtements en Eternit.

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Logements institutionnels

127 Maison pour étudiants aux Falaises à Lausanne Henry Collomb, Manfred Kreil, Raphaël Abbet

1964

L’implantation le long d’une falaise abrupte a non seulement dicté le parti architectural mais impliqué aussi des choix constructifs conséquents, dont l’ancrage du bâtiment par des piliers et sommiers précontraints. L’exploitation d’une géométrie à 30°, matérialisée par un pavillon hexagonal situé dans la place d’entrée, génère un plan articulé. Le travail en coupe contribue aussi à la décomposition du volume bâti, les étages inférieurs s’étalant en gradins le long de la pente, surplombés par un corps droit de hauteur et d’expression architecturale variables, d’inspiration « brutaliste ».

128 Tour de l’Ecole d’infirmières, d’infirmiers et de sages-femmes à Lausanne William F. Vetter

1965

Disciple d’Auguste Perret, William Vetter se confronte ici à l’édification d’une tour préfabriquée de douze étages, élancée audessus d’un corps bas qui contient des locaux communs et des salles de cours. Clairement orientée sur deux côtés, elle est couronnée par un attique vitré en retrait qui accueille une salle de repos prolongée par une terrasse panoramique. L’expression de la tour cherche, malgré sa taille, à retrouver une « touche » domestique par l’intégration d’éléments secondaires tels les volets extérieurs coulissants qui permettent d’obscurcir chaque module de chambre du corps infirmier.

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VILLAS Marielle Savoyat

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Le thème de ce chapitre est la maison individuelle que nous avons appelée villa, renvoyant ainsi à son origine propre à la Rome antique. La villa représente en soi un idéal de vie à la campagne ou dans des contextes suburbains où la nature prédomine, des lieux qui s’opposent par leurs qualités souvent bucoliques aux conditions de vie urbaines. La villa est aussi un programme particulier, servant souvent de laboratoire aux architectes, qui profitent des conditions exceptionnelles de la commande pour tester des spatialités inédites, de nouveaux matériaux et mises en œuvre qu’ils transposent dans d’autres projets et réalisations, notamment de logements collectifs. C’est dans la construction de villas que l’architecte peut laisser le plus libre cours à son imagination ; elles sont souvent réalisées pour lui-même ou pour des membres de sa famille, ou alors comme une partition « à quatre mains » avec le maître d’ouvrage. Nous avons élargi le champ aux villas contiguës, ensembles de villas et maisons de vacances qui se développent dès le second après-guerre, avec l’affirmation de la société des loisirs et l’essor de la mobilité individuelle. On peut en effet constater qu’à partir du milieu des années 1950, la grande majorité des réalisations de villas se situe dans des lieux périurbains, suite à la généralisation de la voiture et à l’accroissement du confort et de la mécanisation des équipements domestiques, entre autres.

Des chefs-d’œuvre à la généralisation de « l’architecture nouvelle » La période de l’entre-deux-guerres est jalonnée d’objets qui témoignent de la généralisation progressive d’une modernité tempérée inspirée de réalisations radicales, dont deux chefsd’œuvre de « l’architecture nouvelle » implantés en terre vaudoise, face au lac Léman, dans une situation effectivement bucolique : la petite maison de Le Corbusier à Corseaux (n° 131, 1925) qui contient déjà trois des « Cinq points d’une architecture nouvelle », et la villa Kenwin à La Tour-de-Peilz (n° 132, 1930), conçue par les architectes berlinois Alexander Ferenczy & Hermann Henselmann (réalisée par Henry Python) et manifestement inspirée de la modernité allemande. Les jalons de la nouvelle architecture étant posés, l’architecture des villas des années 1930 se développe sous cette influence : façades saillantes, jeux de volumes simples et cubiques, de pleins et de vides, toits plats, toitures-terrasses… Une architecture émanant de tendances multiples à dominante corbuséenne — comme la villa de Jacques Favarger et Charles Dubois au chemin du Levant à Lausanne (n° 134, 1932) —, de l’architecture cubique allemande — les villas d’Horace Décoppet à Yverdon-les-Bains (n° 138, 1935 ; n° 139, 1936) —, ou encore dénotant un accent loosien — la villa Champod de Jean Hugli à Bercher (n° 135, 1933). Il faut cependant reconnaître que les réalisations de cette décennie affichent encore une expression architecturale de « l’entre-deux », tempérée, qui intègre les caractéristiques « d’une ère nouvelle » tout en gardant un pied rassurant dans l’architecture traditionnelle, notamment en ce qui concerne la configuration des plans, souvent encore classique et peu innovante. 171

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Habiter

Des programmes variés Il est intéressant de remarquer que les villas, dont le programme est essentiellement de nature domestique, accueillent parfois d’autres fonctions, artistiques, culturelles ou tout simplement des lieux de travail. Par ces prolongements programmatiques, elles acquièrent une autre dimension qui leur confère, entre autres, la patine des ateliers ou la rationalité des espaces de bureaux. Les exemples qui suivent sont parlants. Commandée par un couple d’artistes, les McPherson (cinéaste et écrivaine), la villa Kenwin (n° 132, 1930), déjà évoquée, accueille par ses dimensions généreuses un espace de réception spécialement conçu pour les projections cinématographiques et tend à se métamorphoser en un lieu de création et de travail. Par ailleurs, les frères De Grandi demandent à Alberto Sartoris de leur dessiner une maison (n° 140, 1939) abritant des espaces de vie minimums et un grand atelier pour leurs activités de peintres. La villa « A Rajada » (n° 149, 1961), conçue par Robert Frei et Christian & Jakob Hunziker à Gland, comprend elle aussi un espace dédié à la création artistique : un pavillon de sculpture situé dans le jardin. Dans un registre plus courant, la villa de Michel Burky, Alfred Damay et Jean Montessuit à Lussy-sur-Morges (n° 154, 1963) est divisée en deux volumes, dont l’un contient des studios et un appartement réservés à l’accueil d’hôtes. Quelques années plus tard, Bernard Vouga conçoit à Lausanne une villa (n° 162, 1970) comprenant des espaces de bureaux pour lui-même, tout comme Pierre Foretay installe son propre atelier d’architecte au rez inférieur de sa villa, à Vufflens-le-Château (n° 165, 1973). Résonances américaines Comme énoncé plus haut, après la Seconde Guerre mondiale, les commandes de villas abondent. Dans ce contexte, se fait forte l’influence de l’architecture américaine et du rêve de l’American Way of Life qui incarne tout le confort moderne, avec notamment les cuisines équipées ou les grands séjours ouverts sur le paysage environnant dont les images inondent les revues spécialisées. Dans la villa Notz (n° 142, 1953*) à Gland, François Maurice reprend clairement certains préceptes de Frank Lloyd Wright, dont les matériaux bruts et naturels (pierre, bois), la grande cheminée et la toiture à pans. Jean-Marc Lamunière, dans la villa Marc Lamunière (n° 148, 1960) à Lausanne, s’inspire du langage architectural miesien dans l’utilisation du verre et du métal. A Epalinges, Jacques Felber construit une villa (n° 152, 1963) en structure métallique, toute en longueur et complètement ouverte sur la vue et le paysage, à la manière de Richard Neutra. Consonances organiques Quelques réalisations témoignent de la sensibilité organique des architectes. Telle une sculpture, la villa « A Rajada » (n° 149, 1961, considérée par ailleurs comme appartenant au mouvement de l’architecture-sculpture) a été conçue par Robert Frei & Jakob & Christian Hunziker et modelée directement sur le chantier en collaboration avec un sculpteur et avec les ouvriers. Une plasticité organique s’en dégage. La villa Aloha (n° 156, 1963), construite deux ans plus tard à Bussy-Chardonney par les mêmes architectes, semble elle aussi sculptée dans la matière. Les pièces de la villa « En Coulet » (n° 141, 1954) à Saint-Prex, dessinée par Otto Senn au milieu des années 1950, se déploient en une agrégation complexe face au paysage. A Saint-Prex également et à la même époque, la villa Payot (n° 146, 1956) de Pierre Bonnard et Jacques Favre (collaborateur du bureau Bonnard) prend la forme d’un demi-cercle autour d’un jardin-terrasse, tandis qu’un petit volume cylindrique accueille le logement du personnel de maison. 172

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Villas

Du toit plat aux toitures élancées Dès le milieu des années 1950, exploitant les possibilités du béton armé et des structures métalliques, un grand nombre de villas adoptent systématiquement le toit plat (ou à un pan incliné), mettent en scène par de grandes ouvertures le cadrage de la vue et, par des jeux de volumes, « lévitent » au-dessus du sol. C’est le cas de la villa Rinderknecht de Jean Serex à Morges (n° 144, 1956), de la villa Cosandey de Jacques Felber à Lausanne (n° 145, 1956), de la villa de Bernard Calame à Ecublens (n° 150, 1959*), de la villa de Jean Serex à Tolochenaz (n° 155, 1960), de la villa Huber d’Alberto Sartoris à Saint-Sulpice (n° 153, 1962) et de la villa de René Pythoud à la Tour-de-Peilz (n° 157, 1964). Par contraste, le territoire vaudois accueille également diverses réalisations aux jeux de toitures relevants, ce qui s’observe particulièrement bien à l’échelle de la villa individuelle. Des couvertures élancées et dynamiques prennent forme sur la villa d’Ernst Neufert à Bugnaux-sur-Rolle (n° 155, 1963*) et sur la villa de Gilles Barbey et Georges Berthoud à Colombier-sur-Morges (n° 161, 1967). Une autre forme de couverture, la « toiture-masse » protectrice et abritant les espaces de vie intime — chambres et salles de bain — caractérise la villa de Richter & Gut à La Russille (n° 163, 1970). La villa de l’Atelier des Architectes Associés (AAA) à Gollion (n° 159, 1966) utilisait déjà le même principe : les chambres s’insérant sous cette toiture semblent flotter sur le rez-de-chaussée. Pour sa villa à Vufflens-leChâteau (n° 165, 1973), Pierre Foretay utilisera le concept de la « toiture qui sort de terre ». De l’économie à la rationalité ou des lotissements de vacances aux ensembles de villas Le développement des loisirs et des congés payés pour tous dans les années 1960 donne jour à différents lotissements de logements de vacances d’un nouveau genre. La possibilité de loger des familles dans un cadre de détente, avec tous les équipements souhaités, prend de l’importance par rapport aux hôtels traditionnels, coûteux et peu adaptés aux nouveaux modes de vie. Ainsi, des pavillons de vacances (n° 167, 1960) sont construits au bord du lac de Neuchâtel par Roland Studer. A Leysin, un ensemble de pavillons (n° 168, 1960) et un village de vacances (n° 169, 1960) sont réalisés dans une même optique par l’AAA (MichelRobert Weber, Nicolas Petrovitch-Niegoch), Rudolf Schoch et René Möller. Des préoccupations de nature économique vont induire la construction de plusieurs ensembles de maisons individuelles en territoire vaudois. Citons tout d’abord l’ensemble de maisons ouvrières, le « Coin de Terre » (n° 170, 1955), réalisé par Julien Mercier à Yverdonles-Bains. Ces logements simples et fonctionnels sont placés en biais par rapport à la rue, ce qui les dote du confort d’un espace de jardin privatif et diminue les vis-à-vis. Dès la fin des années 1960, cette systématique de rationalisation des coûts de construction prend de l’ampleur et, pour ce qui concerne les villas, permet aux classes moyennes d’accéder au logement individuel. Ainsi, à Romanel-sur-Lausanne, un ensemble d’une vingtaine de villas (n° 171, 1969) est réalisé par Pierre Grand et André Gold dans l’objectif de diminuer les coûts incombant aux propriétaires. A Lausanne, Richter & Gut conçoivent trois villas contiguës au chemin de la Fauvette (n° 172, 1968), les frais relatifs aux parties communes étant ainsi répartis entre les trois familles. Dans les années 1970, le quartier de la Mottaz de William et Claude Cruchet à Apples (n° 173, 1971), ainsi que les villas contiguës de Christian Eicher à Bussigny (n° 174, 1973) rationalisent radicalement les coûts de construction : un nouveau genre d’habitat, contigu, est né d’un mélange entre villas individuelles avec jardin privatif et appartements en duplex ou triplex avec voisinage adjacent.

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Habiter

131 Villa à Corseaux Le Corbusier

1925

« Le plan en poche » : selon Le Corbusier, la « petite maison », construite pour ses parents au bord du lac Léman, était d’ores et déjà dessinée avant que le terrain soit trouvé. Cette œuvre de ses débuts de carrière est pourtant radicale, appliquant trois des « Cinq points d’une architecture nouvelle » : la fenêtre en longueur, le plan libre et le toit-jardin. Régi par un parcours périphérique, le plan s’organise en enfilade du côté sud, là où les espaces (salon, chambre et salle de bains) s’orientent vers le lac, cadrés par une fenêtre en bande de onze mètres de long ; celle-ci contraste avec l’ouverture du mur rustique du jardin clos, dans une mise en scène savante et conjointe de la tradition et de la modernité.

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Villas individuelles

132 Villa Kenwin à La Tour-de-Peilz Alexander Ferenczy, Hermann Henselmann, Henry Python

1930

Conçue pour un couple d’artistes, les McPherson (cinéaste et écrivaine), par deux architectes berlinois, Alexander Ferenczy et Hermann Henselmann, cette villa fut finalement construite sous la direction d’Henry Python (Lausanne). D’architecture avant-gardiste et inspirée par la modernité allemande, elle est destinée à l’habitation, au travail, à la création cinématographique et aux réceptions. Les dimensions généreuses du volume général reflètent notamment celles de la pièce de réception — en double hauteur avec une mezzanine — qui a été spécialement conçue pour la projection de films. Les terrasses, les coursives, la cage d’escalier monolithe, ainsi que les couleurs rouge blanc noir font référence à l’architecture navale.

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ÉDIFICES SCOLAIRES Jean-Claude Girard

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L’instauration, fin XIXe siècle – début XXe siècle, de l’école primaire obligatoire et la mise sur pied du cycle secondaire vont s’effectuer autour de valeurs multiples, hygiéniques, pédagogiques et législatives. L’esprit progressiste qui préside à cette action est soutenu par des architectes comme Henry Baudin, diffuseur infatigable des nouvelles tendances scolaires par le biais de ses deux ouvrages, Les Constructions scolaires en Suisse (éd. d’Art et d’Architecture, Genève) publié en 1907 et, dix ans plus tard, Les Nouvelles Constructions scolaires en Suisse (éd. d’Art et d’Architecture, Genève, Paris). L’ensemble des constructions scolaires du canton de Vaud érigées entre 1920 et 1975 témoigne de cet esprit, à la fois de l’évolution remarquable de la représentation de l’institution dans la société et du changement notable de la configuration des modèles scolaires, à partir de la recherche de solutions nouvelles fortement soutenue par une active politique publique de concours.

De l’école-caserne à l’école pavillonnaire Le collège classique cantonal de Béthusy, construit en deux étapes (n°177, 1937 et n° 185, 1960) distantes de plus de vingt ans par Charles Thévenaz (associé à Pierre Prod’hom pour la deuxième), est un parfait exemple de cette évolution d’une école urbaine monumentale (l’école-caserne), contenant le programme scolaire dans un bâtiment unitaire et symétrique implanté au milieu de la parcelle, vers une fragmentation pavillonnaire s’adaptant à la topographie du terrain. Cette évolution ne se fait pourtant pas du jour au lendemain. Elle est le fruit d’une expérimentation qui débute à l’entre-deux-guerres par la construction d’écoles utilisant les principes de « l’architecture nouvelle » pour les mettre au service de la pédagogie. L’école des Croix-Rouges (n° 176, 1937), édifiée à Lausanne par Gustave Hämmerli, est conçue selon des préceptes hygiénistes et favorise au maximum le contact des élèves avec l’environnement. Equipées de grandes baies coulissantes, les salles de classe peuvent s’ouvrir sur toute leur longueur vers des balcons et le toit terrasse est aménagé pour la pratique de la gymnastique. L’école des Métiers (n° 175, 1929–1930) de Dubois, Favarger et Gilliard & Godet, dans un registre plus classique, cherche, par le dessin des ouvertures, à amener un maximum de lumière aux espaces et utilise la toiture plate comme un prolongement extérieur pour l’enseignement en plein air. Si ces deux exemples sont remarquables par le soin apporté au rapport direct entre les classes et l’environnement, il faut cependant reconnaître que leur situation urbaine a obligé les concepteurs à chercher une certaine compacité et à limiter l’emprise du bâtiment pour économiser le terrain. Une étape importante vers le type pavillonnaire souhaité par la nouvelle pédagogie est franchie lorsque Marius Amman réalise le collège de Montoie (n° 178, 1949) à Lausanne. Le programme est fragmenté en petites unités reliées par des passages couverts qui s’adaptent à la topographie du terrain. Les salles de classe, distribuées par des couloirs et par conséquent mono-éclairées, sont orientées au sud-ouest et les espaces entre bâtiments se prolongent à l’intérieur par de généreux préaux couverts. 209

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Enseigner

Le collège de la Sallaz (n° 181, 1955), construit moins de dix ans plus tard dans les hauts de Lausanne par Robert Loup et Louis Roux, reprend plusieurs principes établis par Alfred Roth dans son ouvrage canonique La Nouvelle Ecole (Girsberger, Zurich, 1950) : l’attention accordée à une architecture adaptée à l’enfant, une flexibilité permettant de répondre aux différents modes d’enseignement, un intérêt pour l’échelle pavillonnaire et pour le rapport privilégié avec la nature. A la Sallaz, des salles spéciales complètent le programme standard, le nombre d’élèves par classe est diminué, les espaces sont conçus de manière à offrir un maximum d’appropriations différentes et le bâtiment des classes s’incurve et s’ouvre sur un préau protégé de la route, qui constitue un lieu d’enseignement à part entière. Une cage d’escalier distribue deux classes par le biais d’un grand hall faisant également office de lieu d’activités. Cette agrégation permet aux classes de s’ouvrir au sud-est du sol au plafond par des vitrages coulissants tandis que de l’autre côté elles profitent de la lumière par des vitrages horizontaux. Marc Piccard va également réaliser deux bâtiments où il intégrera certains des principes exposés dans La Nouvelle Ecole. Le premier est le groupe scolaire du Belvédère (n° 180, 1954) où le pavillonnaire est utilisé afin de permettre la séparation des différents niveaux scolaires demandée dans le programme du concours, les corps de bâtiment s’articulant autour de cours rattachées aux divers degrés d’enseignement. Le deuxième, de plus petite dimension, est le collège de Pierrefleur (n° 186, 1962) pour lequel un même principe d’implantation en pavillons est utilisé, les classes étant éclairées, comme à la Sallaz, de manière bilatérale grâce à la distribution par de grands halls desservis chacun par une cage d’escalier unique. La topographie lausannoise va favoriser le fractionnement des programmes scolaires de grande dimension afin de les intégrer à la pente naturelle des terrains où ils s’implantent. C’est notamment le cas du collège secondaire de l’Elysée (n° 187, 1961–1964*) dont le projet de Charles et Frédéric Brugger est désigné lauréat d’un concours organisé en deux tours. La déclivité est ici mise à profit pour offrir aux divers bâtiments, traités comme des volumes autonomes reliés par des portiques couverts, des vues dégagées sur le paysage. L’Elysée marque également le passage vers l’usage de plus en plus systématique du béton armé brut de décoffrage pour les façades des bâtiments scolaires. Apprécié pour ses qualités économique et structurelle, ce matériau est également utilisé pour son potentiel plastique et pour sa capacité à façonner de grandes ouvertures, telles les baies vitrées ou les fenêtres en longueur.

De la grille à l’individualisation de la classe Dans le cas de l’école du Riolet (n° 188, 1964) de Jacques Dumas, un volume géométrique pur en béton armé apparent, les percements sont différenciés en fonction du programme : ceux des façades nord et est sont réalisés par des ouvertures ponctuelles creusées dans la masse et créant une composition subtilement articulée, alors que les façades sud et ouest sont partiellement ou complètement dessinées au moyen d’une grille ouverte aux angles. La grille sera également un élément dominant des façades du Centre d’enseignement professionnel de Lausanne (n° 182, 1955), construit par Charles et Frédéric Brugger, Jean Perrelet, Laurent Stalé, et Pierre Quillet, un parallélépipède haut disposé perpendiculairement au vallon du Flon et composé, selon une symétrie axiale, de deux volumes bas d’ateliers disposés en aval. A partir du milieu des années 1960, un nouveau dispositif va avoir la faveur des architectes : la modularisation à partir de la salle de classe. Dans la garderie d’enfants de Montelly (n° 189, 1965) de Frédéric Brugger et François Guth, la répétition d’un même module de classe, éclairé par un grand vitrage en façade et un lanterneau en toiture, est à la base de la morphologie du bâtiment — dans l’esprit du multicellularisme d’Alberto 210

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Edifices scolaires

Camenzind appliqué à l’Expo’64 ou des structures modulaires du Team 10, adoptées dans l’orphelinat d’Aldo van Eyck à Amsterdam. Dans le collège secondaire de Chantemerle (n° 191, 1965) à Orbe, construit par Daniel Gudit et Marc Vogel, le module de la classe est aussi clairement identifiable en façade. Le béton armé permet un jeu de décalages, en plan et en coupe, évitant la monotonie que pourrait engendrer la répétition des salles d’enseignement. Le même procédé est utilisé par ces architectes dans le collège Léon-Michaud (n°200, 1975) à Yverdon-les-Bains, ainsi que dans l’école de Belmont-sur-Lausanne (n° 195, 1972). Le béton armé est ici pleinement exploité, dans tout son potentiel plastique et statique, générant une image « en redents ». Une variation de la morphologie en redents est perceptible dans le pavillon scolaire de Pré-Maudry (n° 192, 1967) de Jean Serex. Edifié au milieu d’un quartier de logements, le bâtiment est traité comme une terrasse depuis laquelle on accède aux classes situées en dessous. Celles-ci sont clairement identifiables par leur décalage en plan qui permet de créer pour chacune d’elles des prolongements extérieurs individualisés. Paul Waltenspühl va encore pousser plus loin le principe de la modularité en proposant, à l’école intercommunale de Coppet (n° 194, 1971), un système de blocs de classes assemblés selon les besoins du programme et les contraintes de la topographie. Cette école correspond à la suite des recherches qu’il avait développées, notamment, dans l’étude sur la planification de la commune de Lancy en 1969, qui visait à la mise en place d’équipements scolaires bénéficiant d’une flexibilité maximale.

Les limites de la rationalisation : les écoles CROCS Dans le paysage de l’architecture scolaire suisse, les écoles construites selon le système CROCS (Centre de rationalisation et d’organisation des constructions scolaires) sont une spécificité typiquement vaudoise. En effet, répondant entre autres à une forte poussée démographique et à des prix de la construction en hausse, la ville de Lausanne met en place, en 1965, une stratégie qui permettra l’édification rapide d’écoles dont les coûts sont fortement diminués par l’utilisation de la préfabrication (pour plus de détails voir n° 201). L’efficacité du système CROCS est confirmée par la rapidité d’exécution et par le nombre d’écoles construites durant cette période, dont six exemples vaudois sont illustrés dans ce chapitre. Mais ce procédé à aussi certaines limites : ainsi la hauteur des bâtiments scolaires ne peut dépasser quatre niveaux et le module sur lequel est basé l’ensemble des éléments de la construction va très vite conduire à une uniformisation des bâtiments, particulièrement dans le dessin des façades et dans l’organisation du plan. La flexibilité recherchée au niveau de la construction et des installations techniques sera en réalité peu efficiente, les travaux de transformation étant par la suite très coûteux. Il s’avérera également plus tard que ces bâtiments nécessitent des investissements conséquents pour pallier les problèmes d’étanchéité et d’isolation, qui contredisent l’idée même d’économie de la construction et démontrent encore une fois les faiblesses du système. Progressivement mis de côté dès la fin des années 1970, le système CROCS restera pourtant un exemple de rationalité en phase avec son époque, qui de plus a permis d’apporter une solution efficace à la demande urgente de locaux scolaires lors des décennies antérieures.

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175 Ecole des Métiers à Lausanne Charles Dubois, Jacques Favarger, Frédéric Gilliard, Frédéric Godet

1929-1930*

Construit en béton armé, ce bâtiment (partiellement transformé et détruit) interprète certains points de « l’architecture nouvelle », comme la fenêtre en longueur et le toit terrasse qui, dans ce cas, sert à l’enseignement en plein air. Visant une flexibilité maximale du plan, la structure est constituée de poteaux, les cloisonnements non porteurs des locaux étant en briques. Le vocabulaire architectural adopte des principes de composition classiques — telle la symétrie exprimée par le corps central en saillie, revêtu de pans de briques de verre, de la cage d’escaliers — et se rapproche, par l’utilisation de matériaux économiques, d’une esthétique industrielle et de l’image de l’usine. 212

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Edifices scolaires

176 Ecole des Croix-Rouges à Lausanne Gustave Hämmerli

1937

Cette école est constituée de deux volumes organisés en limite d’un socle surélevé par rapport à la rue : un corps principal qui contient les classes et un corps bas, perpendiculaire, qui accueille la salle de gymnastique. Tout est mis en œuvre pour offrir aux élèves une saine hygiène de vie : les couloirs bénéficient d’un apport de lumière naturelle alors que les salles de classe, orientées au sud, sont éclairées par des baies vitrées s’ouvrant en guillotine sur des balcons. Le langage architectural repose sur ces grandes fenêtres entre lesquelles s’intercalent des pans de murs verticaux, les façades arrière étant scandées par des bandes horizontales d’ouvertures. La toiture terrasse est utilisée pour les récréations et les exercices physiques.

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Enseigner

177 Collège classique cantonal à Lausanne Charles Thévenaz

1937

Première étape du collège classique cantonal de Béthusy, ce bâtiment se situe à l’emplacement de l’ancien pénitencier et occupe le milieu de la parcelle, ce qui a permis de créer un préau bordé d’arbres et, à l’arrière, un terrain de jeu. Le plan est rationnel, les classes, distribuées par un couloir le long duquel sont placées les armoires de vestiaires, étant orientées au sud, alors que les escaliers et les espaces de services se trouvent au nord. Le volume se caractérise par un traitement sobre de la forme et une grande rigueur dans la composition et la maîtrise des proportions. Les façades sont scandées par la superposition de bandes continues de fenêtres verticales, le centre étant rehaussé par un portique délimité par des arcs.

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Edifices scolaires

178 Collège de Montoie à Lausanne Marius Amman

1949

Le collège de Montoie s’implante dans un flanc de colline ; dans la composition de l’ensemble, l’architecte tire parti du terrain en positionnant trois ailes parallèlement à la pente, reliées par un corps principal perpendiculaire, la salle de gymnastique étant située à l’opposé des classes. Il en résulte des espaces extérieurs placés à des altitudes différentes et reservés au préau de chaque degré scolaire. Trois généreux halls contenant les escaliers se trouvent à l’articulation des volumes et relient les distributions intérieures. Le vocabulaire architectural est traditionnel.

179 Collège de Verdeaux à Renens Frédéric Gilliard, Jean-Pierre Cahen (coll.)

1953

Issu d’un concours, le collège de Verdeaux est composé d’un bâtiment principal dans lequel se trouvent les classes et, placé perpendiculairement, d’un volume plus bas qui abrite l’administration et l’appartement du concierge à l’étage, et le préau couvert d’entrée au niveau du rez-de-chaussée. La salle de gymnastique se situe à l’autre extrémité du corps principal. La nature instable du terrain a conduit à utiliser une construction sur pilotis que l’on retrouve en façade par le dessin d’une grille en béton apparent dans laquelle sont insérées les fenêtres basculantes des classes.

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IMMEUBLES ADMINISTRATIFS ET COMMERCIAUX Jean-Claude Girard

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La représentativité est une notion qui caractérise la majeure partie des immeubles administratifs et commerciaux de ce chapitre. En effet, elle se manifeste, de façon paradoxale, soit à travers la neutralité du langage architectural adopté, soit au contraire par la recherche d’une expressivité qui devient en quelque sorte la vitrine de l’activité qu’ils accueillent. Certains bâtiments commerciaux situés en milieu urbain, comme le magasin Manor (n° 208, 1952) de James et Rémy Ramelet et l’immeuble Frey (n° 213, 1958) de Charles et Frédéric Brugger à Lausanne, reflètent la neutralité évoquée : ils se dénotent par des grilles modulaires revêtues de pierre en façade, ce qui permet une bonne intégration au contexte historique et leur confère une « prestance » classique. La maroquinerie Chamay (n° 205, 1935) que Henri Robert von der Mühll a aménagée à Lausanne est, en revanche, un exemple de l’utilisation de l’architecture comme une mise en scène de la marchandise exposée — tout comme le garage Arc-en-Ciel (n° 211, 1956) de Jacques Favarger où une marquise ondulée en porte-à-faux et une arche en béton créent un signe reconnaissable et évoquent le monde technique de la voiture et de la vitesse. Jusqu’au début des années 1950, les immeubles administratifs se caractérisent généralement par une architecture influencée par le classicisme structurel d’Auguste Perret : c’est le cas notamment de la Maison de la Radio (n° 204, 1933) de Charles Brugger. Charles Thévenaz, tant dans l’extension de la Banque cantonale (n° 206, 1947, en association avec Charles Brugger et Marcel Maillard) que dans l’immeuble de « La Suisse » assurances (n° 209, 1952, en association avec René Bonnard) reprend, dans un même esprit, le thème de la grille modulaire de façade de manière à conférer une représentativité académique aux bâtiments. A la recherche de l’expression exacte de la corporate architecture, Jean Tschumi va successivement réaliser l’immeuble de l’Assurance mutuelle vaudoise (n° 210, 1954), le siège de Nestlé (n° 216, 1960) à Vevey et l’immeuble André & Cie (n° 217, 1960). Dans ces exemples, la transparence et la générosité de l’espace d’accueil, le traitement plastique de l’escalier d’apparat et la création d’espaces collectifs participent à l’image de l’entreprise, avec l’adoption d’un langage architectural lié à la technicité de pointe — notamment dans les façades-rideaux en aluminium. Dans une même perspective, la tour des Imprimeries réunies (n° 215, 1959) de Jean-Marc Lamunière et Pierre Bussat est représentative de l’influence directe de l’architecture des gratte-ciel américains transposée à l’échelle de Lausanne. Dans une logique miesienne, la structure porteuse est constituée de poteaux positionnés à l’extérieur du bâtiment et d’un noyau de circulation en béton armé situé au centre. Les bureaux, libres de tout cloisonnement, sont un parfait exemple des nouveaux concepts d’aménagement paysager des espaces de travail. Enfin, dans les années 1960, certains architectes vont se servir de la mise en œuvre de matériaux nouveaux pour façonner l’image de représentativité de l’entreprise qui les commercialise : c’est le cas de l’immeuble Eternit (n° 219, 1962) de Charles et Frédéric Brugger, qui se revêt de plaques de fibrociment sur tout son pourtour, dans une peau tendue qui allège un bâtiment à la volumétrie imposante, juste marqué par une toiture en V qui en fait un signe dans le paysage industriel de l’ouest lausannois. 237

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Travailler

202 Marché couvert à Vevey Maurice Schobinger, Marcel Taverney, Robert Gétaz

1930

Cet ensemble a fait l’objet d’un concours d’architecture, suite auquel la Municipalité a finalement décidé de confier la réalisation du projet aux auteurs ayant remporté le troisième prix. La construction, qui devait abriter le marché et des activités sportives et culturelles, est constituée d’une grande halle (aujourd’hui partiellement transformée) flanquée de deux corps latéraux de trois étages. La structure en béton armé a été dessinée par l’ingénieur Alexandre Sarrasin et s’inspire peut-être des halles de Reims d’Eugène Freyssinet. La halle est constituée d’une fine voûte à grande portée supportée par huit nervures groupées par deux, entre lesquelles sont placées des bandes de pavés de verre. Une marquise, constituée d’une dalle champignon reposant sur deux piliers, couvre l’entrée et un parc à voitures.

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Immeubles administratifs et commerciaux

203 Immeuble de la Société romande d’électricité à Clarens Alphonse Schorp

1930

Constitué d’un corps principal de deux étages, qui abrite l’administration et les services, et d’un corps bas perpendiculaire qui contient le stockage, ce bâtiment est le résultat d’un concours à deux degrés. L’entrée du bâtiment et la zone d’accueil du public, couvertes par une marquise, se situent dans l’angle. La structure est constituée de dalles en béton armé et corps creux, soutenues par des piliers disposés selon une trame régulière, accordant une flexibilité maximale des espaces. Les façades, composées à partir d’un même modèle de fenêtre, sont revêtues de plaques de béton bouchardé.

204 Maison de la Radio à Lausanne Charles Brugger

1933

La Maison de la Radio a été construite pour remplacer les studios trop exigus du Grand-Chêne. Ayant subi de nombreux agrandissements, elle est, à l’origine, composée de trois corps de bâtiment séparés entre eux par des murs de refends. Le premier abrite l’entrée et l’administration, le deuxième les studios et les locaux techniques et le troisième le grand studio avec le foyer au rez-de-chaussée. La façade du grand studio, en grande partie borgne, est soulignée par une colonnade surmontée de vases, selon un registre monumental jugé, déjà à l’époque, peu adéquat à la fonction.

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205 Maroquinerie Chamay à Lausanne Henri Robert von der Mühll

1935*

Pendant la réalisation de l’immeuble La Chandoline, Von der Mühll se voit confier le projet d’aménagement de la maroquinerie Chamay (aujourd’hui démolie). Il adopte un langage dans la lignée de l’architecture nouvelle par l’emploi du verre et du métal ainsi que par l’usage de la transparence. La vitrine est utilisée comme une grande fenêtre donnant à voir les produits installés au fond du local. Disposés sur deux étages en galerie, ils deviennent partie intégrante de l’aménagement, comme un décor, une volonté exacerbée par une photo de nuit, également utilisée par l’architecte dans une publication sur l’étalagisme.

206 Banque cantonale vaudoise à Lausanne Charles Brugger, Charles Thévenaz, Marcel Maillard

1947*

L’agrandissement de la Banque cantonale vaudoise occupe l’arrière du bâtiment principal, auquel il est relié par une passerelle, l’entrée se faisant par une placette située en haut du terrain. En plan il s’organise autour d’une cour, alors qu’en coupe il s’adapte à la forte déclivité du site. La structure en béton armé est constituée de dalles pleines reposant sur une ossature qui permet un maximum de flexibilité de l’aménagement intérieur. Le revêtement en pierre, similaire à celui du bâtiment principal, permet d’unifier les différentes interventions à l’expression architecturale classique.

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Immeubles administratifs et commerciaux

207 Immeuble administratif des CFF à Lausanne Alphonse Laverrière

1949

Implanté dans une parcelle allongée et étroite, cet immeuble administratif est occupé par un garage aux deux niveaux inférieurs qui sont prolongés par une station service couverte par deux marquises en porte-àfaux, de hauteur et de forme différentes et reposant sur deux piliers. Les trois niveaux de bureaux sont desservis par une cage d’escalier unique, positionnée en retrait de la façade pour être inclue dans la trame des fenêtres. Dernière œuvre de l’architecte, ce bâtiment se signale par un langage architectural classique et austère, juste rehaussé par une corniche « décorée », en léger débord.

208 Magasin Manor à Lausanne James et Rémy Ramelet

1952

Le magasin Manor, situé au centre ville, est bordé par trois rues auxquelles il est connecté à différents niveaux, tirant ainsi parti de la déclivité pour multiplier les accès et induire des parcours différenciés à l’intérieur. Le vocabulaire architectural ressort d’une grille de meneaux horizontaux et verticaux en pierre naturelle entre lesquels sont placées les menuiseries et les allèges des fenêtres. Sur la place Grand-St-Jean, la façade est caractérisée par une courbe concave, soulignée par un couronnement et par une marquise en porte-à-faux qui accentue le sentiment d’accueil des clients.

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IMMEUBLES URBAINS ET MIXTES Jean-Claude Girard

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Les immeubles urbains analysés dans ce chapitre sont pour la plupart situés à Lausanne et leur programme est caractérisé par une mixité de fonctions qu’il a fallu intégrer dans une ville à la déclivité très marquée. Le dessin du socle et de son lien avec le reste du bâtiment est dès lors devenu une thématique que les architectes ont incluse dès le début des études et qui les a amenés à proposer des solutions diverses, soit unitaires, soit tendant vers des expressions distinctes. La tour Bel-Air Métropole (n° 225, 1932), construite par Alphonse Laverrière, est le premier exemple de « gratte-ciel » avant-gardiste de construction métallique en Suisse et, malgré le langage classique de ses façades, demeure certainement la réalisation de l’entre-deux-guerres qui marque l’image de la ville. La complexité du programme et de la situation urbaine est réglée par l’élancement d’une tour dressée au-dessus d’un bâtiment organisé autour d’une cour reposant sur un socle qui gère la différence de niveau entre la place Bel-Air et le quartier industriel du Flon. Malgré la différence des ouvertures due à la présence d’équipements dans le socle, l’expression d’ensemble est homogène, tout comme dans les galeries Sainte-Luce (n° 226, 1933) construites à la même époque par Trivelli & Austermayer. La structure en béton armé, œuvre de l’ingénieur Alexandre Sarrasin, sera dans ce cas exploitée par la mise en place d’un socle commercial en saillie abritant des escalators et des colonnes lumineuses qui, tout en générant une ambiance métropolitaine, restent intégrés dans une expression d’ensemble unitaire. Dans l’immeuble locatif et garage à la rue Etraz (n° 231, 1953), Charles Thévenaz prend au contraire le parti de séparer clairement le socle du garage de la partie logement. L’usage du béton armé permet encore une fois la mise en place de grandes portées autorisant la superposition des fonctions aux besoins dimensionnels spécifiques et aux langages architecturaux différenciés. Dans la tour de Georgette, construite par Bonnard & d’Okolski (n° 236, 1961), un immeuble commercial bas forme une galette adaptée à la topographie des rues qui l’entourent et au-dessus de laquelle s’élance une tour de bureaux, articulée par un étage en retrait accueillant un restaurant. Les deux parties sont clairement dissociées par leur volumétrie, à la fois horizontale et verticale, et ceci malgré l’usage du béton et du métal en façade qui tend à accorder une certaine unité à l’ensemble. Un parallèle peut être établi avec l’immeuble administratif et commercial de Cahen, Jaquerod, Ramelet, Schaffner et Schlupp à la rue Saint-Martin (n° 237, 1961), qui façonne un socle avec une série de terrasses horizontales échelonnées dans la pente, au-dessus desquelles se dresse un édifice en hauteur. Enfin, cette attitude de séparation prend la posture la plus affirmée dans l’ensemble administratif de Roland Willomet et Paul Dumartheray à Chauderon (n° 238, 1974), dans lequel deux volumes de bureaux sont littéralement suspendus audessus d’un socle abritant notamment des parkings et des espaces tertiaires en façade. L’expression architecturale est ici totalement différenciée entre les immeubles hauts revêtus de façades métalliques et le soubassement en éléments de béton armé préfabriqués partiellement plantés. 257

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225 Tour Bel-Air Métropole à Lausanne Alphonse Laverrière

1932

La tour Bel-Air Métropole, édifiée en charpente métallique soudée sur place, est, semble-t-il, le premier gratte-ciel suisse d’influence américaine. Implantée à la tête du Grand-Pont, elle est composée d’un immeuble haut et de deux corps bas appuyés sur un socle qui relie la vallée du Flon à la place Bel-Air. Le programme comporte des commerces, des bureaux, des logements et une salle de cinéma-théâtre desservie par un foyer circulaire se déployant sur quatre niveaux. Le revêtement extérieur en pierre et la composition des façades, avec notamment la symétrie de la tour, dénotent un certain classicisme alors que les techniques mises en œuvre, comme la ventilation, les ascenseurs et la structure métallique, sont à la pointe pour l’époque.

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Immeubles urbains et mixtes

226 Galeries Sainte-Luce à Lausanne Charles Trivelli, Joseph Austermayer

1933

Cet immeuble multifonctionnel et dense a été construit durant une période de crise économique et immobilière. Il s’implante en bas de la rue du Petit-Chêne, dans un terrain à forte déclivité, et enjambe le tunnel du métro qui passe latéralement sous le site, ce qui a créé des difficultés structurelles dont la résolution technique a été confiée à l’ingénieur Alexandre Sarrasin. Le programme est composé d’une galerie marchande, abritant des commerces, des restaurants et un cinéma, surmontée d’un corps de logements distribué par une cour centrale partiellement couverte d’une verrière. L’architecture de la galerie, d’inspiration allemande, est constituée notamment d’escalators et de colonnes lumineuses qui lui confèrent un caractère métropolitain.

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227 Immeuble St-François / Grand-Chêne à Lausanne Jacques Favarger

1933

Dans cet immeuble urbain, situé dans une position d’angle, un socle en majorité vitré abrite des commerces couronnés par une marquise faisant également office de terrasse pour une brasserie. Les façades supérieures encadrant des bureaux et des appartements, revêtues de plaques de pierre de taille, sont constituées de fenêtres ponctuelles alignées verticalement qui s’accordent avec l’architecture des bâtiments voisins. La structure est en béton armé pour le soubassement et métallique aux étages. L’escalier principal est éclairé par des plots de verre donnant sur une courette intérieure.

228 Immeuble d’habitation et cinéma à Nyon Louis Genoud

1933

La coupe de ce bâtiment de quatre niveaux superpose des logements à une salle de cinéma occupant les étages inférieurs. En raison de sa situation entre deux murs pignons, il a fallu imaginer un dispositif qui puisse répondre aux exigences de sécurité relatives aux sorties de secours. Le parcours du spectateur, enrichi de cette contrainte, est constitué d’une enfilade de foyers et d’escaliers se connectant à différents niveaux et générant une impression d’espace. La façade sur rue est complètement occupée par les différents accès au cinéma, à l’exception de la cage d’escalier qui mène aux logements.

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Immeubles urbains et mixtes

229 Galeries Benjamin-Constant à Lausanne Marcel Mayor, Robert Baehler

1950

Situé en tête d’îlot, cet immeuble de logements, commerces et activités affirme son urbanité par un socle commercial constitué d’une galerie sur deux étages. Un passage public intérieur relie la rue BenjaminConstant à la rue Saint-Pierre et mène à une cage d’escalier centrale qui dessert tous les étages. Celle-ci est éclairée par une paroi de briques de verre donnant sur une courette centrale. Les façades, dont la principale donnant sur la place est légèrement arrondie, se composent selon la partition verticale suivante : portique, entresol vitré, corps de bâtiment et attiques en couronnement.

230 Immeuble Ile Saint-Pierre à Lausanne Oswald Zappelli

1950

Le plan triangulaire de ce bâtiment situé au centre ville et accueillant une mixité de fonctions découle de son adéquation à la géométrie de l’îlot et de l’application des règlements en vigueur. Sa position urbaine est perceptible dans la coupe typique de « boulevard » — magasins au rez et entresol vitré — et dans la présence d’un passage public qui relie le hall d’entrée et l’escalier hémicycle aux deux rues adjacentes. La forme est soulignée aux angles par des arrondis concaves et convexes et par des grilles de façade en porte-à-faux constituées de la répétition d’un même module de fenêtre.

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IMMEUBLES INDUSTRIELS ET ARTISANAUX Jean-Claude Girard

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La grande variété d’ouvrages industriels et artisanaux présentés dans ce chapitre s’explique en partie par leur dissémination sur l’ensemble du territoire vaudois. Il n’y a pas, à proprement parler, d’industrie dominante qui génère une certaine homogénéité typologique ou constructive, mais au contraire des ouvrages répondant à des demandes et contextes divers. Si on analyse un peu plus précisément ces exemples, on remarque que l’attitude des maîtres d’ouvrage vis-à-vis d’un bâtiment à vocation purement utilitaire varie, oscillant entre la construction répondant aux besoins programmatiques et l’utilisation de l’image architecturale comme moyen de communication publicitaire. Dans le silo construit par Jean Tschumi et Armand Cavin à Renens (n° 24, 1959), la façade côté chemin de fer a été traitée avec une dynamique formelle qui renforce son élancement vertical. Le couronnement de la marquise au sommet participe également à l’image globale de cet ouvrage et contribue au détachement de sa silhouette élégante et élancée de l’environnement industriel et ferroviaire où il est implanté. Le plan de l’usine Keller d’Alberto Sartoris à Saint-Prex (n° 248, 1960), est basé sur trois parties distinctes et orthogonales, traitées selon des proportions et des ouvertures différentes. L’image globale qui en résulte est celle d’un assemblage volumétrique et rationnel qui se démarque des bâtiments voisins par l’unité formelle générée. Le bâtiment des Imprimeries réunies Mayer & Soutter, construit par Jean-Marc Lamunière à Renens (n° 252, 1962), vise à une grande abstraction plastique et à une pureté volumétrique d’inspiration miesienne, basées sur l’utilisation d’une trame qui gère l’architecture en verre et acier des deux grandes halles et de la cheminée du chauffage. Par contraste, l’usine de meubles de Frei & Hunziker à Renens (n° 253, 1966) pousse à l’extrême la recherche d’une forme plastique en longueur articulée par la mise en place de redents couronnés de verrières, ce qui crée un effet d’optique saisissant. L’attitude de certaines industries fabriquant des matériaux va également dans le sens d’une recherche plastique, mais basée cette fois-ci sur l’utilisation des matériaux de construction et de leur mise en œuvre. Le centre de distribution Gétaz (n° 250, 1964) de l’AAA est conçu comme une démonstration des potentialités des matériaux de construction qu’il abrite. De grandes dalles en béton armé caissonnées sont supportées par un système de poteaux préfabriqués, alors que le revêtement extérieur est constitué d’éléments préfabriqués en béton armé alternant avec des vitrages. L’usine Eternit (n° 244, 1956) est sans doute l’exemple le plus connu de cette catégorie. Tout le site de production est construit au moyen de l’article fabriqué sur place, des plaques de fibrociment, montrant son potentiel d’utilisation. Certaines pièces, comme les recouvrements de la grande halle de production, sont spécialement conçues pour répondre à l’expression recherchée. Les architectes, Waltenspühl et Brera, vont cependant faire plus que la simple démonstration des qualités de ce matériau en conférant une dimension plastique très forte à l’usine. La grande halle de production se caractérise ainsi par un système de verrières emboîtées les unes dans les autres, créant une image qui restera l’emblème de l’usine Eternit dans les nombreuses publications dont elle fera l’objet. 271

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239 Usine Leclanché à Yverdon-les-Bains 1909 -1959* Charles Coigny, P. Landry, Horace Décoppet, René Dormond, Jacques du Pasquier, Pierre Bornand L’ensemble de bâtiments de l’usine Leclanché est le résultat d’un développement qui s’étend sur cinquante ans. Fondée en 1909, la société sera une des plus importantes d’Yverdonles-Bains et emploiera plus de 800 employés à son apogée. L’usine est répartie sur plusieurs parcelles en deux parties principales distinctes : le noyau d’origine constitué d’édifices avec des toitures à deux pans et des murs crépis, et le groupe de bâtiments des piles et des centrales, œuvre d’Horace Décoppet, dont la construction débute dans les années 1950 et qui est caractérisé par l’usage du béton armé.

240 Usine Paillard centre Saint-Roch à Yverdon-les-Bains Horace Décoppet, Michel Polak

1900 -1965*

L’usine Paillard est, après l’usine Leclanché, la deuxième grande industrie marquante du début du XXe siècle à Yverdon-les-Bains. Elle produit notamment des machines à écrire, des caméras et des calculatrices et répond à l’augmentation de la demande par différentes extensions, la principale étant effectuée au début des années 1940. L’ensemble est constitué de longs corps de bâtiment reliés entre eux et articulés par des espaces extérieurs. Malgré les agrandissements et transformations successifs, le complexe garde une grande homogénéité, grâce notamment à un langage architectural unitaire.

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Immeubles industriels et artisanaux

241 Usine de boulons Kocher à Nyon Louis Genoud

1934

Une esthétique qui s’apparente plus à celle d’un immeuble de logements qu’à un lieu de production : telle est la particularité de cette usine, de nos jours démolie. En effet, la façade principale est constituée d’une série d’ouvertures et d’une corniche en débord qui confèrent au bâti une échelle domestique. La cage d’escalier est mise en valeur par des motifs Art Déco. La composition du volume est particulièrement étudiée, notamment par un jeu précis de décrochements en plan et en coupe, et est soulignée par des éléments architecturaux comme les tablettes horizontales qui en accentuent la plasticité.

242 Halle de montage de l’usine Bobst à Prilly Charles Thévenaz, Désiré Florio

1956

La halle de montage et de production fait partie d’une série d’extensions de l’usine existante. Constituée de trois travées, elle est exécutée en construction soudée, ce qui permet un jeu plastique des porteurs adaptés aux efforts statiques, liant ainsi structure et architecture. La travée centrale est plus élevée et supporte une toiture surmontée d’un lanterneau qui assure l’éclairage au centre de la halle. Alors que l’intérieur se caractérise par le dessin « organique » des colonnes et sommiers en fer profilés, l’expression extérieure est utilitaire, constituée de vitrages et de murs crépis.

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243 Atelier et appartement d’ébénistes à Lausanne Charles et Frédéric Brugger

1955

Implanté au nord de Lausanne, ce bâtiment est constitué d’un corps haut qui contient l’atelier au rez-de-chaussée et un appartement à l’étage, et d’un corps bas, perpendiculaire, qui abrite la salle des machines. L’utilisation des matériaux dénote les différentes fonctions : l’appartement, accessible par un escalier extérieur et qui se prolonge à l’une des extrémités par un balcon en porte-à-faux, est revêtu d’un bardage en bois ; l’atelier, bien éclairé par de grands vitrages orientés au sud, est entouré de murs en brique apparente. La distinction se fait aussi à travers la forme des toitures, celle du corps haut étant à un seul pan, alors que celle de l’atelier a deux pans décrochés permettant d’amener la lumière au centre de la halle.

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Immeubles industriels et artisanaux

244 Usine Eternit à Payerne Paul Waltenspühl, Georges Brera

1956

Le jeu plastique de cette usine découle certainement des contrastes entre les longues horizontales de certains éléments constructifs, comme le vitrage des ateliers, et les verticales des éléments de stockage (silos). Mais son élément majeur demeure la grande halle de fabrication caractérisée par un système de sheds qui structurent la toiture et qui redescendent verticalement le long des façades, créant une nouvelle image emblématique à l’extérieur. La linéarité et les dimensions de celle-ci proviennent de l’interprétation du processus de production. L’utilisation de plaques ondulées Eternit comme revêtement extérieur exprime la volonté d’afficher l’image d’une corporate architecture et de montrer le potentiel technique de ce matériau.

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ÉDIFICES RELIGIEUX Marielle Savoyat

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Le chapitre des édifices religieux englobe les lieux de recueillement, tels les églises, les temples, les chapelles, mais également les centres funéraires, les crématoires et les cimetières. Si quelques exemples des années 1930 ont été repérés pour leurs qualités, l’essentiel des ouvrages remarquables se situe pourtant dans les années 1960, dans un esprit de renouveau de l’art sacré qui a donné lieu à une liberté créative remarquable. Deux thèmes récurrents traversent cependant ces périodes distinctes : le premier concerne la création de seuils entre l’espace public et l’espace sacré, sous forme de terrasses, de portiques, de patios ou de cours, avec l’intention de créer des espaces de transition propices au recueillement ou à l’échange entre fidèles ; le deuxième concerne la recherche d’une ambiance spirituelle dans les espaces de culte, calme et inspirante, et caractérisée dans une grande majorité des exemples par une lumière contrôlée, souvent indirecte ou zénithale. Si en terre vaudoise, ces thèmes ont laissé dans les années 1930 une trace significative dans des architectures comme celles de Fernand Dumas et de Paul Lavenex, ils peuvent être considérés comme un programme « phare » du second après-guerre, jalonné notamment par des œuvres de Jean-Pierre Cahen, de Jacques Dumas, de Louis Dumas, ou encore d’Henri Beauclair et de Marcel Taverney.

De l’ébauche de « l’architecture nouvelle » à l’affirmation de la « modernité tempérée » En termes d’architecture religieuse, les années 1930 gardent encore les signes de l’architecture traditionnelle : toitures à plusieurs pans, petites ouvertures ordinaires, parfois en ogive, et plans rectangulaires. C’est le cas de l’église Saint-Martin de Fernand Dumas à Lutry (n° 258, 1931) et de l’église de Louis Genoud à Saint-Cergue (n° 259, 1934*), dont les clochers se démarquent en volume et en hauteur. Paul Lavenex réalise à cette époque le temple de Renens (n° 261, 1934), une agrégation de volumes bas à la composition épurée et sobre mais qui, dans leur langage, restent encore très ancrés dans une expression architecturale classique, voire domestique. Le temple de Saint-Luc à Lausanne – de Lavenex également –, construit juste après (n° 260, 1935), tend de façon plus affirmée vers « l’architecture nouvelle », tout au moins dans l’expression de la façade principale constituée de volumes massifs et orthogonaux, même s’il conserve une organisation du plan traditionnelle et symétrique. Réalisé au début des années 1950, le temple de Saint-Marc de Pierre Bonnard et Edouard Boy de la Tour à Lausanne (n° 264, 1950) reste dans cette lignée. Dans les années 1950 et au début des années 1960, les édifices religieux expriment leur « modernité tempérée » par un langage plus affirmé que dans les décennies antérieures. Charles Pellegrino s’inscrit clairement dans la lignée du classicisme structurel d’Auguste Perret avec une chapelle à Morges (n° 266, 1958) et l’église Saint-Nicolas-de-Flüe à Lausanne (n° 274, 1962), qui exploitent les potentialités du béton armé. Jean-Pierre Cahen conçoit avec Frédéric Gilliard l’église du Christ scientiste à Lausanne (n° 263, 1951), de composition orthogonale et dont la façade se base sur une grille abstraite. Un patio introverti et surélevé par rapport à la rue prolonge ici l’espace religieux. Dans cet édifice, les 287

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architectes vont tester différents types d’apports de lumière naturelle latérale, comme le font aussi Louis Dumas à l’église Sainte-Thérèse à Clarens (n° 267, 1960), Jean Antonetti au centre paroissial catholique de Prilly (n° 265, 1956) et René Keller à l’église du Coteau à Pully (n° 269, 1961).

Les années 1960 : un nouveau tournant C’est durant la décennie des années 1960 que s’est construit le plus grand nombre jamais atteint d’édifices religieux dans le canton de Vaud. Deux larges tendances se dessinent : des compositions rationnelles, orthogonales, calmes et aux toitures plates, en parallèle avec une architecture qui génère des formes exceptionnelles, organiques et aux toitures élancées. Dans cette dernière, la symbolique et l’atmosphère sacrées se matérialisent souvent par des volumes s’élevant en direction du ciel, créant d’astucieuses prises de lumière zénithale. Relevons encore une troisième forme qu’on peut considérer comme « mineure », même s’il faut reconnaître qu’elle a inspiré des réalisations particulièrement intéressantes : celle de la grande toiture protectrice, sous laquelle s’insèrent les espaces religieux, comme c’est le cas à l’église de Juriens conçue par Paul Lavenex (n° 281, 1966) et à la chapelle des Tuileries de Julien Mercier à Grandson (n° 282, 1967). Cependant, dans la ligne générale, il semble que l’architecture religieuse vaudoise de cette décennie dérive sans ambages vers un éclectisme confirmé, explorant différentes typologies de plans, de volumes et de matériaux, dans des registres architecturaux contrastés, grandioses et monumentaux ou, à l’opposé, sobres et discrets. Dans tous les cas, la recherche de l’émotion par le traitement de la forme et de la lumière semble déterminante dans la conception des espaces sacrés. Rationalisme versus organicité Dans le registre de l’architecture rationnelle, Jean-Pierre Cahen réalise plusieurs édifices religieux exemplaires, dont le temple de Sévelin à Lausanne (avec Jean-Pierre Margot ; n° 270, 1960) et le temple de Montriond à Lausanne (n° 279, 1964). Dans l’environnement urbain lausannois, encombré et chaotique, ces deux réalisations misent sur le calme des volumes orthogonaux et la sobriété des façades, comme symboles de l’appel au recueillement. A une échelle plus petite, dans le même contexte urbain, l’église néo-apostolique et salle de réunion de Hans Schaffner et Fritz Schlupp à Lausanne (n° 273, 1962) s’exprime également par la sobriété des façades et des matériaux, ainsi que par la simplicité du volume, un cube d’une arête de quinze mètres. Dans un contexte rural cette fois-ci, la petite chapelle de Jean Serex à Apples (n° 275, 1963) est étonnante de simplicité dans son volume, sa structure et ses matériaux. D’autres architectes exploitent quant à eux des formes plastiques, des volumes aux courbes organiques et dynamiques, des typologies de plans innovantes et surprenantes, dans le but de susciter émotion, appel au recueillement et inspiration du sacré. Ainsi, la chapelle catholique conçue par Bruno Schmidt et Richard Knecht à Cossonay (n° 272, 1961), l’église de Paul Tardin et Fonso Boschetti à Cully (n° 284, 1965) et l’église catholique d’Aldo et Silvio Dolci à Grandson (n° 285, 1969) jouent sur des toitures élancées en direction du ciel qui laissent passer la lumière zénithale de différentes manières : selon l’heure de la journée, l’intensité et la direction de celle-ci varient, tout en la laissant sacralisée par l’architecture. L’utilisation de formes plastiques et sculpturales est l’occasion de créer des espaces spéciaux et inhabituels, propres à évoquer la spiritualité. Pierre Dumas conçoit pour l’église Saint-Fançois à Renens (n° 277, 1963) un mur convexe d’un côté et un voile en béton armé incurvé en guise de couverture de l’autre côté. Ces deux surfaces créent un volume intérieur 288

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Edifices religieux

complètement orienté vers le haut. L’église de Gilamont d’Eugène Blauer à Vevey (n° 280, 1965*) est formée d’un voile en béton à plusieurs pans. La lumière naturelle est filtrée par une série de très petites ouvertures triangulaires disséminées sur les façades. L’effet créé à l’intérieur s’avère très particulier et donne l’impression de se trouver dans un kaléidoscope – ou tout au moins dans un monde à part. Le centre funéraire de Montoie de Frédéric Brugger à Lausanne (n° 283, 1969) est composé de formes courbes qui se replient sur une cour aux angles arrondis. Un patio semi-enterré éclaire la distribution des chambres funéraires. L’effet dynamique qui s’en dégage évoque la vie et le mouvement et confère un caractère particulier à ce lieu destiné aux cérémonies funèbres. L’expression architecturale de la chapelle édifiée par Jacques Dumas à Granges-près-Marnand (n° 276, 1963) ainsi que du temple Saint-Matthieu de Marc Wuarin à Lausanne (n° 288, 1974-1976*) se base sur des volumes s’enroulant en spirale – ou tout au moins sur l’idée de la spirale. Dans ces deux cas, la symbolique sacrée se dessine de manière évidente par les volumes. Le temple de Fontenay d’Henri Beauclair et Marcel Taverney à Yverdon (n° 278, 1963) marque une exception et représente certainement le chef-d’œuvre de ce chapitre. A cheval entre une architecture rationnelle, à la fois simple et radicale, et un volume sculptural, cet édifice semble effectuer la synthèse des contraires, des principes opposés. Un parcours architectural guidé par un plan d’eau mène à l’intérieur d’un volume borgne, éclairé sur son pourtour par une lumière naturelle zénithale. L’aménagement intérieur, basé sur un plan carré, concentre tous les bancs au centre, les circulations et l’autel étant situés en périphérie.

De la rue à l’espace sacré A l’image de ceux du temple de Fontenay, et comme nous l’avons déjà évoqué, les aménagements extérieurs des édifices religieux sont souvent traités avec beaucoup d’attention, faisant office de seuil entre l’espace public collectif et l’espace semi-public communautaire. Le fidèle emprunte ainsi un savant parcours architectural au temple Saint-Matthieu de Marc Wuarin à Lausanne (n° 288, 1974-1976*), qui le mène de la rue au cœur de l’édifice. L’utilisation de grandes terrasses avec vue souligne l’exceptionnel d’un lieu et de sa situation, comme nous pouvons l’observer à l’église Saint-Jacques (centre paroissial, école et garderie) de Marcel et Jacques Maillard à Lausanne (n° 287, 1970) ou à l’église catholique d’Aldo et Silvio Dolci à Grandson (n° 282, 1969). Claude et Anne Raccoursier redessinent une place du village à l’occasion de la conception de l’église de Gland (n° 286, 1967). Les réalisations spécialement destinées aux cérémonies funèbres semblent privilégier les cours pour favoriser les rassemblements et les échanges. Le bâtiment du crématoire réalisé par Maurice Schobinger, Marcel Taverney et Robert Gétaz à Vevey (n° 262, 1938) est précédé d’une cour-place, cadrée par la façade principale et un déambulatoire couvert. Le centre funéraire de Montoie de Frédéric Brugger à Lausanne (n° 283, 1969) est composé de plusieurs corps de bâtiments qui forment une cour, depuis laquelle on accède aux différentes chapelles et chambres funéraires ainsi qu’aux services administratifs, et dans laquelle on se rassemble avant ou après une cérémonie. Il va sans dire que l’aménagement paysager du cimetière du Bois-de-Vaux dessiné par Alphonse Laverrière à Lausanne (n° 257, 1920-1950*) prévoit une série d’espaces extérieurs destinés au recueillement, à la déambulation et aux marches funèbres.

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257 Cimetière du Bois-de-Vaux à Lausanne Alphonse Laverrière

1920-1950*

L’expansion démographique du XIXe siècle et le développement de la ville de Lausanne ont vite rendu obsolètes les cimetières de Montoie et de la Sallaz. Un concours d’idées pour la réalisation d’un nouveau cimetière est organisé par la Municipalité en 1919. Alphonse Laverrière, gagnant du concours, dirige le chantier, réparti en quatre étapes, pendant plus de trente ans. Ce parc-cimetière paysager est conçu comme une véritable pièce urbaine se développant en même temps que la ville. Structuré par la force d’une allée centrale de cyprès, le parc est architecturé par différents éléments en béton (murs de soutènement, escaliers, bancs) et ponctué de places et d’allées secondaires qui offrent des vues spectaculaires sur le paysage. 290

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Edifices religieux

258 Eglise Saint-Martin à Lutry Fernand Dumas

1931

L’église catholique de Saint-Martin est le résultat d’une collaboration de Fernand Dumas avec des artistes du groupe de Saint-Luc (collectif d’architectes, d’artistes et d’artisans qui se réclament d’un art sacré renouvelé, empreint de latinité), dont le peintre Alexandre Cingria. Ce dernier se charge du décor intérieur dont la richesse surprend car, vue du dehors, l’église reste relativement sobre. Construite sur un remblai, elle comprend une nef unique et un clocher placé de manière asymétrique. Les ouvertures, petites, ne laissent passer que peu de lumière à l’intérieur, ce qui crée une ambiance intimiste.

259 Eglise à Saint-Cergue Louis Genoud

1934*

Cet ouvrage a vu le jour grâce à la générosité d’une famille de l’aristocratie française qui a fait don du terrain à la paroisse. Le plan de l’église, aux lignes simples et à la géométrie orthogonale, compose avec un clocher à base carrée, situé en aval et qui, par sa forme, crée un élancement vertical à l’édifice, tout en lui conférant une assise solide sur un terrain à la déclivité marquée. Une nef unique structure l’espace intérieur principal. Les ouvertures en arcs brisés des façades latérales, flanquées de vitraux non figuratifs, tamisent la lumière et créent un sentiment d’introversion.

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ÉQUIPEMENTS PUBLICS Marielle Savoyat

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Le XXe siècle représente la scène et le cadre de la démocratisation des loisirs, des transports, de la santé et du bien-être, une orientation qui prend son origine dans l’hygiénisme développé dès le milieu du siècle précédent. C’est ainsi que beaucoup d’équipements sportifs – et spécialement un grand nombre de bains et piscines – ont vu le jour, dans l’optique de favoriser une meilleure santé et un nouvel art de vivre. Les programmes liés aux divertissements et à la culture, comme les cinémas, les salles de spectacle, aulas ou kiosques à musique, ont été construits en nombre durant cette période. Les services à la personne (santé, transports…) ont été développés par la construction nouvelle d’hôpitaux, de pouponnières, de gares et d’infrastructures routières (pour plus d’informations à ce sujet, voir le chapitre concernant les ouvrages d’art). Enfin, la généralisation des congés payés a engendré la réalisation de plusieurs espaces d’accueil touristiques : hôtels, motels, résidences de vacances (à ce propos, consulter le chapitre concernant les villas, la partie dédiée aux maisons de vacances). Le présent chapitre regroupe ainsi plusieurs types de programmes (équipements institutionnels, culturels, médico-sociaux, sportifs, hôteliers, urbains et de transport), ce qui couvre une grande diversité d’échelles, d’architectures et de sites, répartie de manière relativement équilibrée sur les différentes décennies qui nous intéressent (excepté les années 1940, marquées par la Seconde Guerre mondiale). Les équipements publics favorisent la vie sociale et facilitent les services à la population. Il n’est donc pas étonnant que plus de la moitié des objets soit situé dans le plus grand centre urbain du canton : Lausanne. Le caractère institutionnel de ces programmes a souvent engendré des architectures « exceptionnelles » où la fonction se lit dans la forme, dans l’esprit de « l’architecture nouvelle », comme c’est le cas au vélodrome de Georges Chessex et Charles-François Chamorel (n° 311, 1923), aux bains de Bellerive de Marc Piccard (n° 303, 1936), ou encore à la piscine-patinoire de Montchoisi de Gaston Gorjat, Robert Baehler, James Ramelet & fils, Pierre Bonnard et Edouard Boy de la Tour (n° 306, 1937). De l’inspiration des grands maîtres à l’expérimentation du béton L’influence des grands maîtres est particulièrement palpable dans les bâtiments publics, peut-être parce que ces édifices ont un rôle de représentation qui appelle justement un caractère fort. Le classicisme structurel de Perret a ainsi inspiré, à Lausanne, la conception du club de tennis de Daniel Girardet (n° 315, 1950), du service de chirurgie de l’Hôpital cantonal de William Vetter et Jean-Pierre Vouga (n° 301, 1947*) et même un tant soit peu celle du stade de la Pontaise de Charles-François Thévenaz (n° 316, 1950). La main de Le Corbusier se reconnaît dans le centre de détention pour adolescents de Marx Lévy et Pierre Foretay à Lausanne (n° 293, 1969), dont la filiation avec le couvent de la Tourette est évidente. Le principe multicellulaire appliqué à l’Expo’64 et les structures ouvertes modulaires préconisées par le Team 10 ont pu inspirer la forme pavillonnaire de plusieurs piscines vaudoises, dont celle de Mario Bevilacqua, Jean-Daniel Urech et Hansjörg Zentner 315

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à Prilly (Fleur-de-Lys ; n° 309, 1968) ou celles de Jean Serex à Morges (n° 308, 1963) et à Nyon (En Colovray ; n° 310, 1970). On peut aussi détecter une interprétation personnelle des structures extérieures à grande portée miesiennes dans les salles de spectacle et de gymnastique de Jean-Pierre Merz et Jean Miéville (Groupe 61) à Crissier (n° 318, 1966). Enfin, d’autres exemples sont représentatifs d’une tendance confirmée dans le second aprèsguerre, qui mêle l’intérêt de l’architecte pour les formes plastiques en béton à celui de l’ingénieur pour les structures complexes : les plus spectaculaires sont, à Lausanne, les voiles en béton du jardin d’enfant Nestlé (Expo’64) de Michel Magnin à la Vallée de la Jeunesse (n° 330.10, 1964), de l’aula de l’Ecole polytechnique de l’Université de Lausanne (EPUL) de Jean Tschumi (n° 290, 1959), de la serre l’Orangerie de Rémy Ramelet (n° 326, 1960), ou encore les voûtes en béton qui couvrent la gare aux marchandises de Sébeillon de Charles Zbinden (n° 327, 1953) et la coque en béton du kiosque à musique du crêt de Montriond de Charles Thévenaz (n° 325, 1953). Des loisirs aux services Intéressons-nous maintenant un peu plus précisément à quelques catégories d’équipements choisies. Les salles de spectacle présentées ici, la salle Métropole d’Alphonse Laverrière (n° 295, 1967) et la salle du Capitole de Charles Thévenaz et Charles Melley (n° 294, 1930*), ont chacune été prévues à l’origine autant pour le cinéma que pour le théâtre. Les intérieurs prestigieux témoignent de l’époque faste où le cinéma, devenu parlant, prenait de plus en plus d’ampleur. En ce qui concerne les équipements sportifs aquatiques, les bains et piscines, la typologie des plans d’ensemble utilisée est soit de type cellulaire, soit de type linéaire cernant un périmètre face à l’eau du lac Léman – ou tout au moins orientant l’espace extérieur dans cette direction. Un grand nombre de ces équipements a été réalisé dans l’entre-deuxguerres, quand les préoccupations hygiéniques et sociales étaient importantes. Dans le cas des bains Corseaux-Plage d’Otto Zollinger et Henry Python à Vevey (n° 302, 1929), les constructions courent tout au long du périmètre externe et délimitent l’espace en plein air. Dans le cas des bains de Bellerive de Marc Piccard à Lausanne (n° 303, 1936), le bâtiment s’allonge côté ville et sépare l’espace des bains de la route. Aux bains de Nyon de FernandLouis Dorier (n° 305, 1937), le bâtiment s’oriente le long des courbes de niveau de la pente, face au lac. Aux bains Montreux-Plage d’Otto Schmidt à Villeneuve (n° 304, 1930*), la ligne dessinée par les vestiaires délimite l’espace de la plage. Les piscines, elles, sont toutes situées soit en milieu urbain, soit au bord du lac. Tandis qu’à Lausanne la piscine de Montchoisi (n° 306, 1937) se voit caractérisée par un certain fonctionnalisme et la piscine et réservoir de Montétan d’Eugène Mamin (n° 307, 1959) affiche un rationalisme affirmé, d’autres répondent au type pavillonnaire modulaire évoqué plus haut. Les autres types d’équipements sportifs appartiennent à différentes périodes et différents courants. Le béton apparaît souvent comme le matériau adéquat, même si ce n’est pas systématiquement le cas. Dans les années 1920, nous observons une architecture néoclassique au stade de Vidy de Charles Dubois et Jacques Favarger (n° 312, 1927) et une architecture typique du fonctionnalisme au vélodrome de Lausanne de Georges Chessex et Charles-François Chamorel (n° 311, 1923). Par la suite, jusqu’à la fin des années 1950, l’expression et les possibilités du béton armé seront expérimentées. Les tribunes de ChaillyMontreux de Louis Dumas (n° 313, 1932*) et celles du stade de Pierre Buhler à Yverdon-lesBains (n° 314, 1959) misent sur l’expression forte de la structure en béton armé. Le stade olympique de Charles-François Thévenaz à Lausanne (n° 316, 1950) exploite largement les 316

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Equipements publics

possibilités de ce même matériau. Le club de tennis conçu par Daniel Girardet à Lausanne (n° 315, 1950) est réalisé sous l’influence d’Auguste Perret. Dans les années 1960, d’autres courants et matériaux seront explorés. Le centre équestre conçu par Frédéric Brugger à Lausanne (n° 317, 1962) cultive les qualités du bois sous l’influence régionaliste des toits en pente des grandes fermes, alors qu’au même moment, Alberto Sartoris matérialise son affinité pour la rationalité architecturale avec le motel Les Blonnaisses à Cully (n° 322, 1966) et sa façade basée sur le principe de la grille. Les équipements hôteliers présentés sont tous réalisés dans les années 1960 et tirent parti du paysage naturel, comme la tour de l’hôtel Eurotel-Riviera de Roland Gonin à Montreux (n° 323, 1966) – qui fonctionne comme repère et offre des points de vue spectaculaires sur le lac –, ou s’intègrent dans ce paysage, comme l’hôtel Reine-Fabiola des architectes Max Mennel, Walter Rüdt, Hans Schaffner et Fritz Schlupp à Leysin (n° 321, 1967), dont la forme ondulatoire suit les courbes de niveau. Les deux motels que nous avons sélectionnés, témoins de l’essor de la mobilité, s’insèrent de manière très différente au bord de la route : celui réalisé par Alberto Sartoris à Cully (Les Blonnaisses ; n° 322, 1966) longe la route directement et suit la pente du terrain, alors que celui conçu au Chaletà-Gobet par Oswald Zappelli (n° 320, 1960) se base sur de petits groupes pavillonnaires éloignés des nuisances de la route et proches de la nature. La plupart des équipements médico-sociaux présentés ici datent des années 1930 ; ils jouent tous sur des superpositions de balcons, dont l’expression horizontale crée une architecture calme et rassurante, ouverte au soleil, qui convient bien à ce type d’établissement. C’est le cas, à Lausanne, de la pouponnière Saint-Vincent de Roger Adatte (n° 300, 1956), de l’hospice Sandoz-David de Charles Brugger (n° 296, 1929*) et de l’hôpital Nestlé de Georges Epitaux (n° 298, 1933), et à Rolle de l’hôpital de Jean Hugli et Pierre Teysseire (n° 297, 1935). La pouponnière Nestlé d’Ernest Comte et Marc Franel à Vevey (n° 299, 1937-1938*), de volume bas, affiche elle aussi une forte expression horizontale, marquée cette fois par une terrasse unique. La même forte horizontalité se retrouve dans le service de chirurgie de l’Hôpital cantonal de William Vetter et Jean-Pierre Vouga à Lausanne (n° 301, 1947*), marquée par une loggia vitrée en saillie de type domestique. Les équipements urbains, de petite échelle, quant à eux, sont pour la plupart conçus sur la base de formes courbes. Si le kiosque du débarcadère d’Ernest Gribi à Montreux (n° 324, 1920) affiche encore un certain néoclassicisme, à Lausanne le kiosque à musique du crêt de Montriond de Charles Thévenaz (n° 325, 1953) et la serre l’Orangerie de Rémy Ramelet (n° 326, 1960) mettent en valeur les potentiels formels du béton armé.

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289 Salle communale à Nyon Alphonse Laverrière

1930

Issue d’un concours organisé par la Commune de Nyon, la salle communale est implantée le long de la place Perdtemps. L’espace est dévolu aux manifestations et événements publics et peut être divisé en deux selon les besoins. La rationalité du plan, une succession d’espaces principaux longitudinaux (vestiaires, foyer, salle, terrasse) que l’on traverse dans la largeur, est d’une efficacité remarquable. Si on accède à la salle par le foyer côté rue, on peut en sortir directement sur la place par cinq grandes portes. Les espaces de services sont relégués au sous-sol. Les volumes simples, dénués d’ornement, de caractère plutôt fermé ainsi que l’usage de la symétrie confèrent une certaine monumentalité au bâtiment.

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Equipements institutionnels

290 Aula de l’Ecole polytechnique de l’Université de Lausanne (EPUL) Jean Tschumi

1959

Partie intégrante d’un agrandissement de l’EPUL (aujourd’hui EPFL) qui occupait les locaux de l’ancien hôtel Savoy, cette impressionnante superstructure abrite un grand auditoire ellipsoïdal, un espace d’exposition pour les travaux d’étudiants et des salles de commission. Un voile de béton précontraint, soutenu uniquement par deux appuis de chaque côté, s’élance côté lac dans un spectaculaire porte-à-faux, utilisant des techniques de pointe pour l’époque. Le foyer, à travers de grandes baies vitrées, et la terrasse extérieure bénéficient ainsi d’une vue sur le parc et le paysage lacustre. La coque se soulève également côté rue et offre un couvert à l’entrée du bâtiment. 319

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291 Hôtel de Ville à Aigle Atelier des Architectes Associés (AAA, Michel-Robert Weber, Nicolas Petrovitch-Niegoch), Aloïs Chappuis

1963

Réalisé suite à un concours pour pallier au manque d’espace des services de la commune, l’Hôtel de Ville est composé de deux volumes principaux reliés entre eux : l’un comprend les locaux administratifs communaux et des logements en attique, l’autre les services judiciaires. Une tour utilisée pour le séchage des tuyaux des pompiers complète cette composition. Le hall du bâtiment administratif est traversant et relie la place du Marché au jardin aménagé à l’arrière. La simplicité des volumes orthogonaux est rehaussée par le rythme régulier de la façaderideau en aluminium et verre.

292 Grande salle à Epalinges Jacques Longchamp, René Froidevaux

1967

Réalisé suite à un concours, le programme de la grande salle d’Epalinges comprend une salle polyvalente et l’auberge communale. Le langage est d’inspiration nordique, notamment par l’expression des toitures à pans inversés qui s’élancent au-dessus de la salle polyvalente et permettent, sur la façade principale, une prise de lumière latérale au-dessus du balcon des spectateurs. Les déplacements du public se font de manière fluide et directe depuis la place jusque dans la salle en passant par le foyer. L’auberge et son restaurant sont placés de manière latérale le long de la place.

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Equipements institutionnels

293 Centre de détention pour adolescents à Lausanne Marx Lévy, Pierre Foretay

1969

Ce centre de détention pour adolescents relève manifestement de l’influence architecturale du couvent de la Tourette de Le Corbusier. Les architectes ont réinterprété la typologie à cour, avec les cellules réparties sur le pourtour. Le centre est un déambulatoire à ciel ouvert. Les façades, avec des claustras et des pare-soleil en béton brut apparent, affirment un caractère austère et fermé. Tirant parti d’une différence de niveau importante, un espace de plein air, contenu par de hauts murs de soutènement, est aménagé en bordure du bâtiment. Donnant sur cet extérieur clos, des appartements partagés sont aménagés au niveau inférieur pour les adolescents en semi-liberté.

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OUVRAGES D’ART Jean-Claude Girard

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La construction des ouvrages d’art dans le canton de Vaud, marquée par trois événements – l’électrification de la ligne CFF, la construction du réseau autoroutier et l’édification des barrages hydroélectriques –, répond à des contraintes techniques et économiques qui influencent notoirement leur construction et leur esthétique. Dans les années 1920, la Régie fédérale des chemins de fer (CFF) décide de reprendre l’électrification de son réseau commencée en 1902 et interrompue par la Première Guerre mondiale. En 1928, plus de la moitié de ses lignes est ainsi électrifiée, avec pour objectif de répondre au manque de charbon en Suisse et de créer de nombreuses usines électriques et autant d’emplois en pleine période de crise. La conséquence de ces travaux est une augmentation du poids et de la vitesse du trafic nécessitant le renforcement ou le remplacement des ponts existants. Deux viaducs sont touchés par ces mesures, le viaduc de la Paudèze de l’ingénieur Victor Amaudruz (n° 333, 1923*) et celui du Day (n° 334, 1925*), situés sur la ligne Lausanne-Sion. Dans les deux cas, le renforcement s’avère impossible et implique une reconstruction complète en pierre, un matériau jugé économique et qui permet l’utilisation de ressources locales, en matériel et en personnel. L’esthétique de ces deux ouvrages est ainsi marquée par l’utilisation d’arches massives traditionnelles. La construction du tronçon autoroutier Lausanne-Genève, inauguré en 1963, génère l’édification de nombreux ponts afin de franchir les différents vallons que l’autoroute traverse. Il en sera de même, et de manière encore plus spectaculaire, pour le tronçon Lausanne-Aigle qui longera le lac Léman à flanc de coteau. Les ouvrages de cette époque sont marqués par l’utilisation systématique du béton armé et de la précontrainte, une technologie brevetée déjà en 1928 par Eugène Freyssinet et qui permet de franchir des portées plus grandes par une mise en tension du béton tout en économisant de la matière, allégeant ainsi les charges sur les piles. La position de ces dernières, dans la recherche d’une diminution de l’impact au sol, est souvent l’enjeu d’études approfondies de la part des ingénieurs et des entreprises, comme ce fut le cas pour le pont sur la Pétause (n° 337, 1964*) de l’ingénieur Georges Roubakine ou pour le pont de la Bahyse (n° 340, 1973) de Renaud Favre. Dans les viaducs de Chillon (n° 342, 1966-69) de Jean-Claude Piguet et Maurice Tappy, le tracé adapté au fort vallonnement empêche la mise en place d’échafaudages et oblige à limiter le nombre de piles, ce qui implique la solution d’un pont en encorbellement. D’autres solutions, comme le pont lancé appliqué lors de la construction du pont sur la Veveyse (n° 339, 1971) par les ingénieurs Christian Menn et Per Christian Aesheim, pallient l’impossibilité de construire des échafaudages. L’essor économique qui suit la Seconde Guerre mondiale génère une grande demande électrique. Afin d’y répondre, plus de 80 barrages seront construits en Suisse entre 1950 et 1970, le plus marquant étant certainement la Grande Dixence, terminée en 1961 et considérée comme le plus grand barrage-poids du monde. Moins d’une dizaine de barrages seront édifiés dans le canton de Vaud. Parmi ceux-ci, celui de l’Hongrin (n° 343, 1969*), en dessus de Montreux, représente un exemple d’intégration paysagère par l’utilisation d’une double voûte dont l’épaisseur réduite répond à des contraintes économiques et permet de donner à l’ouvrage un impact visuel minimal. 357

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Equiper

333 Viaduc de la Paudèze à Paudex Victor Amaudruz (ing.)

1923*

L’électrification de la ligne ferroviaire a imposé aux CFF le renforcement ou le remplacement des ponts du tronçon Lausanne-Sion. L’ancien viaduc de la Paudèze ne pouvant pas être renforcé, il a été décidé d’en reconstruire un nouveau. Sur la base d’analyses techniques et financières, le choix s’est porté sur une construction massive en maçonnerie ordinaire en lieu et place des solutions en béton armé ou métal. Outre son avantage économique, cette option, jugée plus esthétique, a permis de donner du travail aux carrières voisines, frappées par les conséquences économiques de la guerre.

334 Viaduc du Day à Vallorbe Service des ponts de la direction générale des CFF

1925*

A l’instar du viaduc de la Paudèze, le nouveau viaduc du Day remplace l’ancien pont métallique qui ne pouvait pas être renforcé, pour répondre aux nouvelles contraintes de l’électrification de la ligne CFF. La solution choisie en maçonnerie de pierre conserve les piles existantes. Le viaduc est composé d’une arche principale de 44,60 mètres de portée pour une hauteur de 31,19 mètres et de deux arches latérales plus petites qui font la connexion avec la topographie. La longueur totale du viaduc, de construction massive et d’expression classique, est de 161,25 mètres.

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Ponts et viaducs

335 Viaduc sur l’Aubonne à Etoy Alexandre Sarrasin (ing.)

1960*

Ce viaduc fait partie du nouveau tronçon autoroutier Lausanne-Genève construit à l’occasion de l’Exposition nationale de 1964. D’une longueur de 250 mètres, correspondant à l’étendue du vallon de l’Aubonne à cet endroit, il marque le début de l’utilisation généralisée de la précontrainte dans les ouvrages d’art et est constitué de deux tabliers supportés par quatre poutres maîtresses entretoisées de 2,4 mètres de haut. Celles-ci sont reliées au niveau des appuis par une dalle inférieure qui donne un dessin de sous-face particulièrement intéressant. Pour des raisons de sécurité, le viaduc sera élargi par un dédoublement des piles diminuant la transparence de l’ouvrage, notamment la vue de dessous.

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336 Viaduc du Ponty à Aigle François Panchaud, Marc-Henri Derron, Jean-Pierre Stucky (ing.)

1965*

Constitué d’un viaduc d’accès et d’un pont-arc, cet ouvrage, édifié au moment de la correction de la route des Mosses, est un remarquable exemple de dissociation des éléments structurels, qui lui accorde une grande légèreté et élégance. D’une longueur totale de 212 mètres, sa construction, entièrement en béton, met en valeur la séparation des éléments qui le composent, rappelant ainsi les modes constructifs de la charpente métallique. Pour supporter le tablier, une série de colonnes de hauteur variable et écartées de 8 mètres s’appuient sur les deux arcs jumelés qui constituent la voûte du pont et qui viennent ensuite s’encastrer dans le rocher par l’intermédiaire de culées.

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Ponts et viaducs

337 Pont sur la Pétause à Jouxtens-Mézery Georges Roubakine (ing.)

1964*

Le pont sur la Pétause fait partie de l’autoroute de contournement de Lausanne. Il est le troisième pont construit pour enjamber des gorges creusées par des cours d’eau. La longueur totale de 130 mètres est franchie au moyen d’un pont-poutre constitué d’un caisson qui supporte la dalle de roulement, celle-ci débordant de 2 mètres de chaque côté. Deux piles en V sont ainsi construites permettant le franchissement de la Pétause tout en diminuant l’impact au sol et en donnant à la sous-face un grand dynamisme plastique.

338 Pont du Cabinet à Villeneuve Compagnie d’études de travaux publics CETP (Lausanne)

1969*

Considéré par la presse spécialisée de l’époque comme étant de « conception classique », ce pont autoroutier, d’une longueur totale de 113 mètres, est situé entre le viaduc de Chillon et le viaduc de la plaine du Rhône. Il est constitué de trois poutres continues en béton précontraint de 1,30 mètre de haut chacune, dont l’étayage a été effectué avec une charpente tubulaire métallique. Ces poutres reposent sur trois piles au moyen de joints néoprènes, et la portée maximum est de 20 mètres. Le caractère de l’ouvrage, de nature minimaliste, ressort de l’expression de ses éléments constitutifs.

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Architecture du canton de Vaud

Presses polytechniques et universitaires romandes

1920–1975

Textes de : Laurent Chenu Jean-Claude Girard Bruno Marchand Marielle Savoyat Eric Teysseire Christine von Büren

sous la direction de Bruno Marchand

Le canton de Vaud détient sur son territoire plusieurs références notoires tels la « petite maison » de Le Corbusier à Corseaux, les bains de Bellerive de Marc Piccard à Lausanne ou encore le siège de Nestlé de Jean Tschumi à Vevey. Il recèle également différents ensembles bâtis et objets architecturaux moins manifestes, mais tout aussi intéressants et représentatifs d’une architecture de qualité. A travers la présentation commentée et illustrée d’un corpus d’environ 350 réalisations, réparties par typologies, cet ouvrage vise à mettre en relief l’architecture du canton de Vaud des années 1920 à 1975. En parallèle, il cherche à sensibiliser le grand public et les différents milieux professionnels aux qualités d’un patrimoine encore trop souvent méconnu et qui, jusqu’à aujourd’hui, n’a jamais fait l’objet d’une publication synthétique.

Architecture du canton de Vaud 1920 –1975 sous la direction de Bruno Marchand

Presses polytechniques et universitaires romandes

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