Mémoire de Master : Reconversion des immeubles de bureaux des années 70 en logements.

Mémoire de master

LA RECONVERSION DES IMMEUBLES DE BUREAUX EN LOGEMENTS

Pauline FASCIALE

Encadré par Elodie NOURRIGAT - Professeur

ENSAM Année 2020-2021

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 -1-

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 -2-

La reconversion des immeubles de bureaux vacants en logements Paris-Bruxelles

En quoi la reconversion des immeubles de bureaux vacants en logements est un défi pour aujourd’hui et demain ?

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 -3-

PRÉAMBULE Ce mémoire est dédié à un thème qui est de plus en plus ancré dans ma conscience, celui des enjeux de la ville de demain.

Grâce à mon échange universitaire à l’Université Libre de Bruxelles durant mon master 1, des enseignements étaient proposés sur la durabilité. Naturellement, je me suis dirigée vers ce cours, nommé Architecture Écologies Durabilités, afin d’enrichir mes connaissances. Étaient mis en avant des données sur l’état projeté du monde en 2050, mettant en exergue une population mondiale de plus de 9 milliards de personnes et une augmentation certaine de 2 degrés de la température moyenne. Cet enseignement faisait un état des lieux des solutions pour s’adapter et limiter le changement climatique à l’échelle urbaine et architecturale. Dans un second temps, j’ai sélectionné une autre matière nommée Docomomo, qui proposait une analyse approfondie d’immeubles de bureaux bruxellois des années 70. Cet enseignement m’a provoqué beaucoup d’engouement de découvrir un thème qui m’était inconnu et qui s’est révélé très riche.

Abasourdie par ce que l’avenir nous réserve, il était important pour moi d’étudier une voie qui permettrait de concevoir et construire la ville de demain plus durable. La réhabilitation était un thème qui m’a toujours attirée, mais j’ai voulu approfondir cet axe en le projetant dans les problématiques actuelles. Dans une dynamique d’engagement et de volonté d’apprendre, j’ai alors décidé d’étudier la reconversion des immeubles de bureaux en logements, afin d’appréhender le monde de demain par un certain prisme.

Ainsi, ce mémoire met en avant deux capitales européennes, Paris et Bruxelles. À l’origine, je souhaitais travailler exclusivement sur Bruxelles, car j’avais des bases solides sur le sujet. Mais il m’a paru plus intéressant de la confronter à une

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 -4-

ville française de son envergure, qui m’apportera encore plus de connaissances sur le territoire où je vais exercer.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 -5-

SOMMAIRE PRÉAMBULE………………………………………………………………………

p4

INTRODUCTION…………………………………………………………………

p8

CHAPITRE I – Les immeubles bureaux des années 60-70

p 14

I.1. La morphologie architectonique des immeubles de bureaux……

p 15

I.1.a. Les dimensions…………………………………………………………..

p 15

I.1.b. Les noyaux………………………………………………………………..

p 19

I.1.c. Les façades………………………………………………………………..

p 21

I.1.d. Les gaines techniques…………………………………………………..

p 33

I.2. Le parc immobilier : les enjeux………………………………………….

p 37

I.2.a. L’obsolescence et la vacance des bureaux…………………………..

p 37

I.2.b. La crise du logement…………………………………………………...

p 42

I.2.c. Vers un moyen de production de logements……………………….

p 44

CHAPITRE II – Les défis d’une reconversion

p 50

II.1. Les remises aux normes du bâtiment…………………………………..

p 51

II.1.a. Sanitaires………………………………………………………………….

p 51

II.1.b. Thermiques………………………………………………………………

p 55

II.1.c. Sécurité incendie………………………………………………………...

p 58

II.2 II.2. La production de logements………………………………………………

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 -6-

p 63

II.2.a. L’adaptation à la structure : les typologies…………………………...

p 63

II.2.b. Les défis face à la qualité de vie……………………………………….

p 68

II.3. Les bénéfices et les enjeux d’une reconversion……………………..

p 71

II.3.a. Les bénéfices écologiques……………………………………………..

p 71

II.3.b. Les enjeux financiers……………………………………………………

p 74

II.3.c. Les enjeux réglementaires et les limites……………………………...

p 77

CHAPITRE III – Les défis de demain : la réversibilité

p 82

III.1. Vers un nouveau mode de penser……………………………………..

p 83

III.1.a. La mutation des méthodes de travail………………………………...

p 83

III.1.b. Penser l’architecture et l’urbanisme………………………………….

p 90

III.2. Une nouvelle architecture pour une ville…………………………….

p 92

III.2.a. Les méthodes……………………………………………………………

p 92

III.2.b. Les exemples de bâtiments réversibles…………………………......

p 103

CONCLUSION……………………………………………………………………… p 112

BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………… p 116

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 -7-

INTRODUCTION

Le monde actuel est en perpétuelle évolution due à une augmentation continue de la population. La population mondiale en 1960 était de 3 milliards d’hommes et en 2019 elle s’élève à 7,7 milliards, en 2050 elle est estimée à 9,7 milliards selon l’ONU. Cette augmentation induit que cette nouvelle population doit être logée. Afin de loger cette nouvelle masse, il est nécessaire d’obtenir plus de mètres carrés. Estil encore raisonnable à notre époque, où la conscience écologique est progressivement acquise, de continuer à investir des sols vierges et à faire avancer les villes sur le monde rural ? L’étalement urbain est un phénomène visible dans la majorité des villes à travers le monde. Ce mémoire mettra en parallèle deux capitales européennes : Paris et Bruxelles.

L’étalement urbain à Paris est conséquent, à l’image du phénomène mondial.

En 1800 Paris comprenait 500 000 habitants (intramuros)1, contre 2,20 millions d’habitants en 20172 et 6,8 millions à Paris et sa première couronne (départements 75, 92, 93, 94) en 20193. Dans les années 1850 le baron Haussmann sous la demande de Napoléon III, remodèle la ville qui était insalubre, l’air était irrespirable, la ville était une concentration de microbes et la Seine s’apparentait aux égouts. La volonté ultime était de relier les gares au centre-ville, pour cela des grandes percées ont été faites et ont bouleversées la ville, qui ressort avec un tout autre morphologie, cadrée et directe. Entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle Paris connaît une extension rapide du centre-ville et de sa banlieue. Les zones péri-urbaines sont fortement investies à la seconde moitié du XXème siècle. Depuis les années 80 la

1

Selon The Atlantic Cities

2

Selon l’INSEE, populations légales en 2017

3

Selon l’INSEE

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 -8-

population d’Ile de France privilégie la banlieue à Paris même4. Aujourd’hui Paris a une superficie de 105 kilomètres carré5, et Paris et la première couronne forment 762 kilomètres carré.

L’urbanisation de Bruxelles est semblable à celle de Paris. En effet au début du XIXème siècle la ville souffrait d’insalubrité due à la Senne, fleuve qui traverse Bruxelles. La Senne était dédiée à l’évacuation des eaux usées de la ville. Elle était alors un incubateur de maladies et microbes. En 1866 Bruxelles a été touché par une épidémie de choléra6. En 1867, le bourgmestre de la ville : Jules Anspach, décida de voûter la Senne. Bruxelles devient alors une ville construite sur l’eau. Avec l’implantation de trois gares (Midi, Nord et Luxembourg) la ville développe sa périphérie. De grandes percées sont aussi élaborées afin de quadriller la ville et de pouvoir relier les gares au centre-ville. Avec l’apparition des moyens de locomotions, un réseau ferroviaire très dense et l’industrialisation bien ancrée, la ville s’est développée dans la périphérie, dans ses faubourgs. Aujourd’hui Bruxelles est composé de 19 communes (semblables aux arrondissements parisiens) et forme dans l’ensemble la Région Bruxelles Capitale en 1989. Bruxelles s’étale sur 162 kilomètres carré, la population est de 1,2 millions d’habitants (selon ONU) en 2019, alors qu’en 1830 on comptait environ 200 000 habitants.

La tertiarisation a également accompagné le phénomène d’étalement urbain.

Dans les années 70, les deux capitales connaissent un boom dans la construction d’immeubles de bureaux.

A Paris, les autorités souhaitaient renouveler le parc immobilier des immeubles de bureaux. C’est dans les années 50-60 que cet engouement a été réalisé, par une série de démolitions constructions. Au début des années 1950, le

4

Selon l’étude de The Atlantic Citites

5

Libération

6

https://jeretiens.net/histoire-urbanisme-bruxelles-evolution-ville/

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 -9-

marché de l’immobilier des bureaux était largement moins actif que celui des logements7. Le premier plan d’investissement était de viser les quartiers résidentiels bourgeois qui se dépeuplaient, pour la construction d’immeubles de bureaux en 1948. Mais le rythme de modernisation était trop faible face aux demandes du traité de Rome (1957). Dans les années 1960, la construction d’immeubles de bureaux sont concentrés dans la banlieue (+1 million de mètres carré8). On observe également une série de transformations d’immeuble de logements en immeubles de bureaux en banlieue (environ 420 000 mètres carré transformés, à Neuilly-surSeine et Boulogne). Évidemment en 1958 la première tour est inaugurée par le Général de Gaulle, au quartier d’affaire La Défense. En 1970, les tours deuxième génération sortent de terre, comprenant des surfaces de plus de 100 000 mètres carré, culminant à 184 mètres. Ainsi, les immeubles de bureaux des années 60-70 sont concentrés dans les banlieues parisiennes.

Pour le cas de Bruxelles, cet engouement de construire des immeubles de bureaux se justifie par une impulsion d’une croissance économique et par l’influence britannique. Ils ont été très investis dès les années 60 et surtout depuis 1973, lors leur insertion dans la communauté européenne. Ces immeubles de bureaux se caractérisent par leur style moderniste. Bruxelles investit une nouvelle fois son tissus urbain lors de la construction du quartier européen (avec le siège de la Commission Européenne 1967, le Parlement Européen 1989, siège de l’OTAN 1967). Ou également lors de la construction du quartier d’affaire au nord (avec les sept tours du World Trade Center 1972, dont trois construites) mais aussi le développement de l’Avenue Louise (avec de grandes entreprises telles que ITT 1971, Generali 1965).

La fin des années 1960 et les années 1970 sont un tournant pour la ville de Bruxelles, qui enrichie considérablement son parc immobilier avec une telle construction

7

ARU : Le renouvellement des immeubles de bureaux. Le cas d’Île de France. Isabelle Chesneau, p.67.

2004 8

Observatoire de Bureaux de Paris. 2014.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 10 -

d’immeubles de construction, on appelle cela : la bruxellisation (+172%9 sur la décennie 1960). Cette architecture est marquée par le style internationaliste, moderniste.

Ainsi, on remarque que ces deux villes ont un parc immobilier très riche et abondant. Cependant, tous ces immeubles de bureaux ne sont pas occupés. Paris et Bruxelles connaissent une vacance (cf. I.3.a). On recense 3,3 millions10 de mètres carrés vides à Paris soit 6,3 % (pour 52 millions mètres carrés de bureaux) et 950 000 mètres carrés vides soit 7,5% des 12,7 millions mètres11 carrés de bureaux à Bruxelles. Liés à une pénurie de logements (cf. I.3.b) et un bouleversement de la méthode de travail (télétravail, coworking, mutualisation), les mètres carrés inutilisés des bureaux semblent être une aubaine pour pallier le manque de logement. Ces bureaux vacants pourraient changer de nature et devenir des logements. En effet, pourquoi un bâtiment devrait être monofonctionnel ? Un bâtiment ne pourrait pas avoir plusieurs vies12 ? Ce mémoire va donc interroger la question de la reconversion d’immeubles de bureaux en logements. La reconversion est un enjeu majeur immédiat, puisqu’il tend à pallier la pénurie de logements directe, mais c’est aussi un enjeu d’avenir, afin de se préparer à accueillir la nouvelle population. Ces enjeux sont d’autant d’aspects à mettre à l’abri la population comme des enjeux techniques et environnementaux.

En quoi la reconversion des immeubles de bureaux vacants en logements est un défi pour aujourd’hui et demain ?

9

LASSERRE Christian, LACONTE Pierre, BÖHLKE Anders, DOOREMAN Béatrice. Bureaux du passé, habitants du présent. La transformation d’immeubles de bureaux en Région de Bruxelles-Capitale.

10

Observatoire de bureaux Paris. 2014

11

Observatoire des bureaux, état des lieux 2016, 2017 et pipeline. Sous la direction de HYS Gert. N°38.

Perspective.brussels. Bruxelles. 2019. 80p.

12

RAMBERT Francis. Un bâtiment combien de vies ? La transformation comme acte de création. Silvana Editoriale/Cité de l'architecture & du patrimoine. 2015.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 11 -

Dans un premier temps nous étudierons les immeubles de bureaux des années 60-70, dans leurs formes architectoniques, techniques et analyserons le parc immobilier dans les deux capitales Paris et Bruxelles. Puis nous verrons comme se déroule une reconversion et quels sont les bénéfices et les risques à en tirer. Enfin, nous aborderons la question de la réversibilité des bâtiments, une nouvelle forme de bâti hybride pour le futur.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 12 -

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 13 -

CHAPITRE 1 : LES IMMEUBLES DE BUREAUX DES ANNEES 60-70

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 14 -

Siège CBR, Bruxelles Photo personnelle

I.1. La morphologie architectonique des immeubles de bureaux I.1. A. Les dimensions

Les immeubles de bureaux sont définis d’abord par leur typologie. On retient trois types de gabarits : -

Isolé

-

D’angle

-

Mitoyen

Isolé

D’angle

Mitoyen

Figure 1 : Morphologie des bureaux. Source personnelle.

En effet, on compte une majorité d’immeubles de bureaux mitoyens avec une profondeur de 20 mètres, en Belgique.13 En France, les épaisseurs les plus courantes sont de 13 mètres et 18 mètres 14

La profondeur des immeubles dépend de leur moyen de circulation horizontale.

LASSERRE Christian, LACONTE Pierre, BÖHLKE Anders, DOOREMAN Béatrice. Bureaux du passé, habitants du présent. La transformation d’immeubles de bureaux en Région de Bruxelles-Capitale.

13

14

https://www.lemoniteur.fr/article/les-sept-principes-a-s-approprier.1953879

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 15 -

Depuis les années 60, la profondeur des étages sont de l’ordre de 13 mètres ou de 18 à 20 mètres. Les deux mesures diffèrent selon si l’immeuble contient un couloir central ou un double couloir distributif. Ce sont donc les distributions horizontales, la morphologie urbaine et l’emplacement qui définissent l’épaisseur de l’immeuble. Plus précisément, dans un système avec un couloir central distributif, l’épaisseur est de l’ordre de 13 à 15 mètres. Tandis que dans un système avec deux couloirs distributifs ou une distribution centrale, l’épaisseur est de l’ordre de 15 à 20 mètres.15

Couloir central Immeubles de 13 à 15 m

Circulation dédoublée Immeubles de 15 à 20 m

Figure 2 : Situation des couloirs. Source personnelle

Le procédé constructif généralisé est : poteau dalle en béton. En effet, ce principe constructif est le plus répandu dans les années 60-70 dans le monde. Il est intéressant car le système poteau dalle permet d’obtenir des plateaux vides, c’est ce qu’on nomme le plan libre. Le plan libre est un concept inventé par les modernistes, notamment incarné par Le Corbusier. Le plan libre est un des cinq points de l’architecture moderniste. Ainsi, les plateaux en plan libre nécessitent seulement des travaux de second œuvre pour restructurer l’espace, avec un travail de

15

LASSERRE Christian, LACONTE Pierre, BÖHLKE Anders, DOOREMAN Béatrice. Bureaux du passé, habitants du présent. La transformation d’immeubles de bureaux en Région de Bruxelles-Capitale.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 16 -

cloisonnement. Cela est donc intéressant, car les entreprises peuvent revoir à l’infini leur organisation spatiale.

Les poteaux sont positionnés de manière rigoureuse, suivant une règle définie, la trame. La trame est la distance entre deux poteaux. L’ensemble des poteaux forment un quadrillage régulier, définit par la trame. Ils sont tous alignés, longitudinalement et perpendiculairement à l’axe. Le schéma est répété à tous les niveaux, afin que tous les éléments porteurs plombent les uns sur les autres, pour permettre la descente des charges et assurer la stabilité.

La trame en plan

La trame en axonométrie

Figure 3 : Plan et axonométrie d'une trame. Source personnelle.

Dans une morphologie d’immeuble de bureaux à simple couloir, soit 13 mètres de profondeur, la trame est de 7,5 mètres. Pour les immeubles de 15 à 20 mètres, la structure est généralement positionnée sur une trame de 5 mètres.

La dalle de béton a généralement de 18 à 22 centimètres.

On retrouve d’autres systèmes constructifs, rencontrés plus rarement, comme le système de voiles béton, appelés communément murs porteurs. À l’inverse du système poteaux dalle qui offre un plan libre, les voiles béton eux compartimentent l’espace intérieur du plateau. Ils imposent une organisation spatiale immuable et ne proposent donc pas une modularité.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 17 -

La hauteur sous plafond est également standardisée. Dès les années 60, la hauteur libre exigée était placée à 2,60 mètres ou même 2,50 mètres. Mais les années plus tard, entre les années 60-90, les immeubles de bureaux sont construits avec une hauteur sous plafond de 2,90 à 3,00 mètres. On estime la hauteur nécessaire à 3,30 mètres, décliné dans cet ordre : 30 centimètres de dalle, 2,70 mètres de hauteur libre, 20 centimètres de faux plancher et 10 centimètres de plafond froid.

Globalement les immeubles de bureaux ont une profondeur de 15 à 20 mètres selon le type circulation horizontale.

Focus sur les dimensions des logements : La profondeur des immeubles de logements mono-orientés sont standardisés à 15 mètres.

La hauteur est fixée à 2,50 mètres.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 18 -

I. 1. B. Les noyaux

On définit les noyaux principalement par leur nature distributive, ils assurent la circulation verticale. On y retrouve donc au sein, les escaliers de secours encagés et les ascenseurs.

Ces

noyaux

ont

également

une

fonction

structurelle.

Construits

systématiquement en béton, les noyaux assurent la stabilité et le contreventement de l’édifice.

D’autre part, ils peuvent contenir les gaines techniques, auxquelles souvent on associe le bloc sanitaire.

La place de ce ou ces noyaux est fondamentale dans le plan des immeubles de bureaux. Sa place a une conséquence sur le procédé de distribution horizontale et de quels types d’espaces intérieurs on va retrouver.

En Belgique, les immeubles de bureaux des années 70, sous l’influence des promoteurs et investisseurs britanniques, les noyaux sont le plus souvent décalés, accolés le long d’un mitoyen16. Les noyaux décalés permettent donc d’avoir un plateau entièrement dégagé, en plan libre, pouvant accueillir des bureaux paysagers. Cette méthode de bureaux paysagers est fort développée aux États-Unis.

De plus, ces noyaux décalés, permettent d’obtenir des rez-de-chaussée vastes et dégagés.

On retrouve d’autres typologies de noyaux, notamment ceux extérieurs ou encore les centraux. De plus, selon la superficie des plateaux, il est possible que ces noyaux se multiplient. On compte un noyau de distribution pour 400 mètres carrés de bureaux.

16

LASSERRE Christian, LACONTE Pierre, BÖHLKE Anders, DOOREMAN Béatrice. Bureaux du passé, habitants du présent. La transformation d’immeubles de bureaux en Région de Bruxelles-Capitale.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 19 -

Noyau désaxé

Noyau extérieur

Noyau central

Figure 4 : Situation des noyaux. Source personnelle.

Focus noyaux des logements : Les noyaux de circulations sont majoritairement sur l’axe central de l’immeuble de logements, avec un couloir distributif.

Les noyaux se trouvent aussi souvent sur la façade avec un système de coursives distributives.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 20 -

I. 1. C. Les façades

On peut également définir les immeubles de bureaux en fonction de leur typologie de façade. En effet, depuis le XXème siècle, grâce aux avancées techniques, les façades se sont réinventées.17

Dans les années 30 à 50, on retrouve des façades lourdes, traditionnelles en Belgique (pierre de taille, gros appareils, maçonnerie).

En période d’après-guerre, entre 1945 et 1960, les façades sont de plus en plus industrialisées. Les façades de cette période sont définies par des éléments préfabriqués en béton, on appelle cela du béton architectonique.

Les années 60, 70 marquent un tournant avec les façades rideaux.

Ces typologies de façades sont l’incarnation de la maîtrise progressive technique et industrielle de deux familles de matériaux : métallique (acier, aluminium…) et plus récemment la famille composite (béton) 18.

Les façades lourdes, est une typologie répandue en Belgique, notamment à Bruxelles. Elles sont caractérisées par une prédominance des éléments structurels face à la surface du vitrage. Cela forme alors un maillage massif, lourd. Ainsi, il est clair que dans cette typologie la façade est porteuse, participant alors à « l’équilibre » du bâtiment.

17

LASSERRE Christian, LACONTE Pierre, BÖHLKE Anders, DOOREMAN Béatrice. Bureaux du passé, habitants du présent. La transformation d’immeubles de bureaux en Région de Bruxelles-Capitale.

18

postwarbuildingmaterials.be

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 21 -

Figure 5 : Photographie d'une façade lourde, 13 place du samedi, Bruxelles. Source : personnelle.

Cette photo, montre une des nombreuses façades qu’on peut retrouver autant à Bruxelles qu’à Paris. Datant de 1955, cette façade présente un rythme régulier. Le bâtiment a été conçu par les architectes De Ridder19. Les éléments structurels sont massifs et prennent l’avantage dans la lecture de façade. On lit nettement le plancher et les éléments porteurs verticaux. La pierre de taille donne une fois de plus du corps, un poids sur le tableau de façade.

Les façades préfabriquées sont le reflet de la reconstruction post-guerre. En effet, dans l’élan de la reconstruction, l’étude et la technicité quant au béton se sont

19

LASSERRE Christian, LACONTE Pierre, BÖHLKE Anders, DOOREMAN Béatrice. Bureaux du passé, habitants du présent. La transformation d’immeubles de bureaux en Région de Bruxelles-Capitale, p.125

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 22 -

approfondies. L’année 1945 marque un tournant dans la stratégie de construction.

En 1950 le préfabriqué assoit sa place dans le monde du bâtiment, et fleurit dans toute l’Europe20. À partir des années 50, les entreprises de béton préfabriqué ne cesse d’augmenter. Les chantiers sont beaucoup plus rapides, grâce au principe du préfabriqué. En effet, les éléments lourds, comme des blocs de façades, de planchers, de murs porteurs sont fabriqués en usine, acheminés sur le chantier et assemblés sur place. Les pièces sont donc démultipliées, standardisées et on obtient pour la plupart du temps une façade très rythmée et homogène. Les usines sont à proximité des deux capitales européennes. La préfabrication signe donc une avancée et une très bonne connaissance technique du béton. C’est un nouveau système, qui rompt avec les images de façades du XIXème siècle. Cette méthode offre donc un gain de temps énorme : une optimisation du temps de conception et un raccourcissement de temps de chantier. Le béton architectonique est une voie du béton préfabriqué qui vise à obtenir des détails de conception.

La Tour Tondeur Diffusion à Bruxelles, est un bâtiment emblématique qui représente la typologie des façades préfabriquées. Pensée par l’architecte François Roos et construite en 1967, elle se situe au 9 avenue Frans Van Kalken, 1070 Anderlecht. Elle mesure 62 mètres et comprend 9 étages.

20

postwarbuildingmaterials.be

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 23 -

Figure 6 : Photo de la Tour Tondeur Diffusion. Source : DELISSE Laurens & MAYEUR Fanny.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 24 -

Figure 7 : Plan d'un étage courant. Source : ARCHITEAM BVBA.

Figure 8 : Façade Principale (Nord-Est). Source : ARCHITEAM BVBA.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 25 -

La façade de la Tour Tondeur Diffusion, anciennement les imprimeries ASAR, est très rythmée. On observe aisément le module préfabriqué, qui est répété sur la quasi-totalité de la façade principale (hormis le rez-de-chaussée et l’étage supérieur) mais également sur toutes les autres façades. La tour possède seulement un noyau central et aucun autre mur porteur, c’est un bâtiment assez fin.

Le module est riche et fort détaillé, comprenant des variations d’épaisseur du béton en biseau, une morphologie de fenêtre en arc brisé et un appui de fenêtre très fin. Enfin la finesse et la multiplicité de cet élément, donne un rythme fort et à la fois subtil sur la façade. Cette tour représente donc en tout point le béton architectonique.

Figure 9 : Axonométrie et axonométrie éclatée du module préfabriqué. Source : DELISSE Laurens & MAYEUR Fanny.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 26 -

Les façades rideaux sont révolutionnaires, apparues dans les années 60-70, elles marquent un tournant dans les mentalités constructives.

En effet, les façades rideaux sont associées à un système constructif précis, qui est généralement celui du système poteaux/dalles. L’avantage de ce système est la résultante interne : un plan libre. De plus, ce qui est favorable à ce nouveau principe de façade, c’est que l’on retrouve ponctuellement des éléments structurels verticaux en façade. Ainsi, la façade rideau n’est pas un élément porteur, c’est un élément fixé au nez de dalle et éléments porteurs qu’on retrouve en façade (comme des poteaux). Cette peau qu’on vient ajouter est, une fois de plus des éléments préfabriqués. Cette fois-ci, la famille constructive la plus sollicitée est le métal, les matériaux le plus souvent utilisés sont l’acier et l’aluminium (moindre coût et grande longévité).

Ces façades ont pour conséquence d’avoir une surface vitrée largement supérieure aux surfaces pleines. Le développement de ces façades n’est pas un hasard, étant donné que c’est à cette période que le double vitrage est complétement maîtrisé et prend son essor. En Belgique, qui connaît une grande histoire industrielle, accueille en son sein une entreprise rayonnante nommée Glaverbel. En 1941, ils lancent le vitrage Thermopane, le premier double vitrage mais c’est en 1960 qu’ils connaissent le vrai essor avec un produit beaucoup plus abouti et performant (-50% de transfert de chaleur), ce qui marque donc un tournant dans l’industrie.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 27 -

Figure 10 :Brochure sur le Thermopane. Source : http://postwarbuildingmaterials.be

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 28 -

La Tour ITT à Bruxelles est une juste représentation des façades rideaux, elle va encore plus loin dans le principe avec son exosquelette. Elle est construite en 1971 et pensée par Walter Bresseleers. La tour s’inscrit dans le style international.

Haute de 102 mètres, elle est pourvue de 25 étages. Comme la théorie l’indique, la tour est pourvue d’un système constructif en béton poteaux/dalles et d’un noyau extérieur participant à la stabilité du bâtiment. L’ossature de la façade rideau est en aluminium noir et possède du vitrage Thermopane.

Figure 11 : Façade Tour ITT. Source personnelle.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 29 -

Figure 12 : Façade principale Nord-Ouest. Source personnelle.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 30 -

La façade de la tour ITT est d’une grande finesse. La lecture est aisée, on voit clairement les éléments structurels : dalle (nez de dalle) et poteau (flanc de poteau).

Ces éléments sont recouverts d’une couvertine en aluminium noir. Entre les verticaux on retrouve une grande surface vitrée (en thermopane).

Ce qui fait la richesse de ce projet c’est cet exosquelette en aluminium noir débordant de 50 centimètres de la façade. Il vient donner du rythme et de l’ascension à la tour.

Suite au développement du moyen de ventilation nommée : éjectoconvecteur (cf I.1.D), les châssis des façades rideaux sont fixes. La ventilation est exclusivement mécanique.

Figure 13 : Détail de façade. Source personnelle.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 31 -

On retrouve donc trois grandes familles de façades : -

Façades lourdes dans les années 1930-1950

-

Façades préfabriquées dans les années 1945-1960

-

Façades rideaux dans les années 1960-1970

La généalogie des façades témoigne de l’avancée de la connaissance et de la maîtrise des matériaux comme le béton et les métaux.

Avec l’invention des ejecto-convecteur, tous les châssis sont fixes.

Les logements ont besoin de châssis ouvrants.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 32 -

I. 1. D. Les gaines techniques Les immeubles de bureaux, comme tout autre édifice, sont soumis à des contraintes techniques telles que les gaines techniques. On reconnaît une grande quantité de réseaux, de flux : air, eau, électricité, gaz, ils peuvent être gravitaires ou non, pouvant être dans les planchers ou non…

Comme évoqué dans le paragraphe I.1.B, les immeubles de bureaux sont pourvus de noyaux techniques, dans lesquels on retrouve les espaces de circulations verticales (escaliers, ascenseurs). De plus, ces noyaux sont porteurs d’éléments techniques.

Prenons exemple de nouveau sur la Tour ITT de Walter Bresseleers. Cette tour met en exergue ces éléments techniques. Composée de deux tours, l’une technique et l’autre de bureaux, l’édifice met en avant le système structurel et technique.

Figure 14 : Plan étage courant. Source : AG Real Estate.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 33 -

La tour technique, est composée des éléments de circulations verticales : cage d’escalier et cages d’ascenseurs. Les ascenseurs ont leur propre gaine, comprenant les mécanismes de fonctionnement. On prévoit une cage de 1,60 mètres par 1,80 mètres21, où l’on a la cabine d’ascenseur et les mécanismes.

On retrouve également l’espace sanitaire, avec les gaines gravitaires comprenant les eaux usées, l’eau propre. On a les gaines de ventilation, servant à renouveler l’air interne. Ces éléments sont groupés dans une gaine commune dans les sanitaires. Ces éléments doivent rester verticaux, ils ne sont dévoyés qu’en cas de non autre possibilité. Il n’existe pas de standard de dimension, étant donné que les diamètres sont choisis en fonction de l’usage.

Toujours dans la tour technique, on retrouve le placard électrique. Cet élément fonctionne comme un cœur, un réseau capillaire se développe dans les planchers pour fournir le reste du bâtiment en électricité.

Dans la tour de bureaux, on retrouve deux noyaux : un comprenant les escaliers de secours et des gaines techniques et le second consacré uniquement aux gaines techniques. Évidemment, ces deux derniers participent à la stabilité du bâtiment.

Les eaux de pluie sont récoltées dans la cage d’escaliers de secours. Les autres gaines sont dédiées aux flux d’air. En effet la façade étant composée uniquement de châssis fixes, il est nécessaire de renouveler l’air interne. La technique utilisée est celle de l’ejecto-convecteur. Ce principe permet de climatiser et de chauffer l’air. Pour cela il est nécessaire d’avoir un double réseau : eau et air.

L’eau régule la température et l’air propulse le nouveau flux d’air. L’air est pulsé dans le moteur et crée un phénomène d’induction. L’air est par la suite diffusé et éjecté au sein des pièces22. Ici l’éjecto-convecteur, se situe dans le plancher et le faux

21

OTIS

22

energieplus-lesite.be

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 34 -

plafond, on retrouve une grille sur le plancher et est contenu dans le faux plafond de l’étage inférieur.

La technologie des éjecto-convecteurs est emblématique des immeubles de bureaux des années 70.

Par conséquent, le besoin en faux plafond ou faux plancher est fondamentalement nécessaire, pour installer tous les réseaux. Ce faux plafond peut être utilisé également comme stratégie acoustique, grâce à des panneaux acoustiques.

De plus, la tour présente un niveau entièrement dédié aux éléments techniques, il se situe à l’étage 19. Ce niveau permet de peser l’importance de l’impact de ces éléments. Ici, la stratégie architecturale n’est pas de réfuter ces éléments mais de les faire participer dans l’image architecturale, où est développé un autre type de façade.

Figure 15 : étage 19. Source : AG Real Estate

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 35 -

Figure 16 : Détail technique de la façade. Source personnelle.

Dans les bureaux on retrouve des gaines techniques, qui doivent pour la plupart plomber sur tous les niveaux.

-

Eaux : eau propre, eau pluviale, eau usée. Les gaines sont gravitaires.

-

Air : air sortant, air entrant, ejecto-convecteur. Les gaines sont verticales et horizontales.

-

Électricité : courant fort, courant faible. Réseau vertical et réseau capillaire horizontal.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 36 -

I.2. Le parc immobilier : les enjeux I. 2. A. L’obsolescence et la vacance des bureaux

L’obsolescence, par définition, veut dire : « fait d’être périmé » ou « dépréciation d’un matériel ou d’un équipement avant son usure matérielle ». 23 Ici en architecture, dans le cas des immeubles de bureaux des années 70, certains immeubles sont obsolètes. Ils sont définis par ce terme car le bâtiment ne correspond plus aux attentes d’aujourd’hui. Le bâtiment n’est plus aux normes, sa morphologie ne se prête plus à celle exigée aujourd’hui. Par conséquent, le bâtiment est vide, ne trouvant pas d’investisseur pour le remettre à l’état, ou ne trouve pas simplement acheteur ou locataire.

Les années 60 et 70, ont été l’époque d’un véritable renouvellement du parc immobilier de bureaux à Bruxelles et Paris. Les deux villes dans les années 60 connaissent un agrandissement phénoménal de leur superficie de bureaux : + 1 million de mètres carrés à Paris24 et + 172 % à Bruxelles25. Cet investissement répond à la pression émise par le traité de Rome en 1957, demandant à la ville de Paris de moderniser son parc de bureaux. À Bruxelles, cette conséquente avancée est motivée par l’arrivée de grandes entreprises internationales souhaitant installer leur siège, mais surtout grâce au statut politique de la Belgique au sein de l’Union Européenne, membre fondateur. La ville accueille en son sein des fonctions européennes comme le Parlement Européen (1989), le siège de l’OTAN (1967) et la Commission Européenne (1967). Par l’influence politique qu’attise Bruxelles, la ville décide d’investir dans son parc de bureaux.

23

Larousse

24

Observatoire de Bureaux de Paris. 2014.

Observatoire des bureaux, état des lieux 2016, 2017 et pipeline. Sous la direction de HYS Gert. N°38.

Perspective.brussels. Bruxelles. 2019. 80p.

25

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 37 -

Néanmoins, aujourd’hui les bureaux sont touchés par une importante vacance. On définit la vacance comme étant un état figé où les bureaux sont vides, dépourvus de fonction en son sein. On recense 3,3 millions26 de mètres carrés vides à Paris soit 6,3 % (pour 52 millions mètres carrés de bureaux) et 900 000 mètres carrés vides soit 7% des 12,7 millions mètres27 carrés de bureaux à Bruxelles. Les chiffres émis, concernent les bureaux vacants commercialisés, c’est-à-dire ceux qui sont mis sur le marché de la vente, ainsi ne sont pas comptabilisés ceux qui ne sont pas commercialisés. Cette vacance touche le plus les bureaux des années 60-70.

L’obsolescence accélérée pousse les immeubles de bureaux à être sur le banc de touche. Néanmoins, « obsolescence ne veut pas dire vétusté. Cela veut dire que le produit n’est plus adapté au marché » dit Joachim Azan, Président Fondateur du groupe Novaxia. À Bruxelles, parmi le stock de bureaux vacants, 42% des surfaces commercialisées sont touchées par une vacance persistante, soit depuis 5 ans les propriétaires ne trouvent pas d’occupant. Ainsi, plus le temps passe, moins le bâtiment correspond aux critères du marché28. On appelle cela le stock de vacance structurelle. En France la vacance structurelle se compte à partir de 4 ans sur le marché. En Île-de-France on compte 932 000 m2 de vacance structurelle en 2018 soit 31 % du stock selon l’Observatoire Régional de l’Immobilier d’Entreprise (ORIE).

On peut donc se demander par quels biais ces bureaux sont-ils vacants.

Plusieurs réponses justifient la vacance.

26

Observatoire de bureaux Paris 2014

Observatoire des bureaux, état des lieux 2016, 2017 et pipeline. Sous la direction de HYS Gert. N°38.

Perspective.brussels. Bruxelles. 2019. 80p.

28 DEMEUTER Pierre, DOORNAERT Alain, HANSSENS Bart, BOSWELL Ralph. Observatoire des bureaux, vacance 2016 à Bruxelles et zoom sur le Quartier Midi. N°37. Perspective.brussels. Bruxelles. 2017. 28p.

27

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 38 -

En effet, l’état du bien en vente ou location est très regardé pour les acquéreurs29, les exigences quant à la qualité sont recommandées. En effet, selon l’échelon de qualité, plus ou moins ou pas de travaux s’imposent, ce qui fait pencher la balance. Bien entendu, les bureaux des années 70 ne sont pas les seuls sur le marché de l’immobilier, d’autres bâtiments neufs sont construits et créent une concurrence. Naturellement, ces bâtiments neufs sont à la pointe comparés aux immeubles de 40 ans. Les bâtiments neufs représentent 15 à 20 % de l’offre mais comptent pour 75 % de la demande, dit Joachim Azan. Les bâtiments plus anciens, eux ne retrouvent pas généralement de repreneurs durables. Les immeubles des années 60-70 sont moins chers que les bureaux neufs.

De plus, des aspects fondamentalement architecturaux engagent une forme de réticence à l’achat/location du bien. Un immeuble qui est désuet, qui n’est plus considéré comme beau, gagne le terrain de la vacance structurelle30. Ou des bureaux dont les intérieurs, ne répondent plus aux besoins actuels, lumière, agencement de l’espace. Ou de manière plus grave, où le bâtiment n’est plus aux normes thermiques, structurelles31. En 2014, sur 3,9 millions de mètres carrés de bureaux vacants en Ile-de-France, 2,2 millions étaient impossibles à louer, selon l’Observatoire régional de l’immobilier d’entreprise (ORIE).

D’autre part, un aspect fiduciaire fait effet également dans la vacance.

Notamment à Paris le prix au mètre carré est très élevé32. Les loyers augmentent de 6,6%, en 2019, le prix moyen du mètre carré par an était de 467 € hors taxe et hors charge selon Le Figaro. À Bruxelles, le loyer moyen des bureaux les plus chers est de 254 € par mètre carré par an en 2019 selon Les Echos.

29

innovapresse.com

30

Observatoire des bureaux, état des lieux 2016, 2017 et pipeline. Sous la direction de HYS Gert. N°38.

Perspective.brussels. Bruxelles. 2019. 80p.

31

innovapresse.com

32

www.immoz.info

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 39 -

En outre, la crise financière de 2008 a freiné la croissance économique, mais également a poussé un grand nombre d’entreprises à faire des économies comme dans l’immobilier d’entreprise. Les nouvelles technologies, dues au « New Way of Working », a réduit les besoins en espace. Mais également les nouvelles méthodes de travail, comme le coworking ou le télétravail ont fait réduire les besoins d’espace une nouvelle fois.

De plus, ce qui encourage la vacance c’est le confort économique, en effet les propriétaires sont exonérés de la taxe foncière. Cette exonération est possible en cas d’inexploitation du bien commercial ou industriel. Cependant pour être déclaré sans exploitation il faut remplir trois conditions : -

L’inutilisation doit être indépendante de la volonté du contribuable.

-

Les locaux doivent être vacants depuis plus de trois mois consécutifs.

-

La totalité du bien doit être concernée par la vacance.

Ainsi, ces objectifs sont facilement atteignables, ce qui pousse l’exonération fiscale comme un des premiers moteurs à la vacance33.

La crise sanitaire de 2020 de la COVID-19, a poussé les employés, pour ceux qui le pouvaient, à travailler de chez soi, pendant deux mois (mars 2020 à mai 2020).

Cela implique donc une vacance forcée des bureaux, donnant des millions de mètres carrés sans usage. Aujourd’hui, la situation étant toujours instable, les bureaux sont plus ou moins réinvestis, certains salariés reviennent travailler en présentiel, d’autres sont encore sur les deux tableaux : présentiel et télétravail.

33

http://www.fiscalonline.com/Les-locaux-inutilises-ou-vacants,8287.html

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 40 -

Les deux villes ont un stock de bureaux vacants.

-

Paris compte 3,3 millions de mètres carrés vacants et 900 000 pour Bruxelles.

Plusieurs causes induisent une vacance : -

L’état (structurel, thermique, réaménagements obligatoires)

-

Le prix

-

La beauté

-

Une location/vente qui ne trouve pas d’acquéreur

-

Les aléas

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 41 -

I. 2. B. La crise du logement

Bruxelles connaît une arrivée de plus de 300 000 habitants depuis les vingt dernières années34. La capitale visait du logement de luxe, ce qui n’a pu satisfaire qu’une petite partie de la population. Ainsi, sur le haut de gamme les demandes sont multiples, néanmoins, concernant les demandes plus raisonnables, elles sont rares, il manquerait 50 000 logements décents. On retrouve sur le marché peu d’offres pour des logements aux tranches basses et non vétustes. Par conséquent beaucoup de familles les plus démunies sont obligés de se tourner vers des logements indécents (entresols, combles réaménagés…)

où les loyers sont

exorbitants.

Le prix du mètre carré s’élève dans les communes huppées (Châtelain, Uccle) de 3 500 à 5 000 €35.

Paris connaît également une pénurie de logements. En effet, d’année en année les offres de ventes diminuent, mais les prix, eux, augmentent. Les ventes d’appartements sont en bernes, en 2019 moins 3 % qu’en 2018, soit moins 9 % qu’en 201736. Les prix augmentent depuis 15 ans, soit + 6,6 %, pour un prix du mètre carré à 10 210 € à la fin 2019. Même si le record de ventes a été atteint en 2019 (176 580 ventes), les offres sont rares. L’augmentation des prix de vente incite les propriétaires à conserver plus longtemps leur bien, pour profiter d’une plus-value et la transformation d’une partie du parc immobilier en logements sociaux sont l’uns des leviers de la rareté d’offre de logements à Paris.

34 « Carte blanche : À Bruxelles, quand la qualité du logement baisse, son loyer monte ». Le Soir. 24 juillet 2019 35

Logic-Immo

« Immobilier : Il n'y a pas de « bulle » en Ile-de-France mais une pénurie de logements » Les Echos. Elsa Dicharry. 27 février 2020 36

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 42 -

Les deux villes connaissent une pénurie de logements.

Bruxelles a un gros manque de logements accessibles décents et Paris a des offres rares et des prix exorbitants.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 43 -

I. 2. C. Vers un moyen de production de logements

Un des moteurs de la reconversion des bureaux en logement est la croissance démographique : + 68 000 habitants à Bruxelles, soit + 6,2 %37. Cette augmentation du nombre de ménages, augmente la demande de logements.

Nous venons d’apprendre globalement que dans les deux capitales européennes est recensé un stock de bureaux vacants et que les villes sont touchées par une pénurie de logement. D’autant plus que les prix des logements augmentent lors de la baisse de la valeur des bureaux des années 60-70. Il est naturel de combler le manque avec les ressources disponibles. Reconvertir les bureaux vacants en logements est de prime à bord une aubaine. On surnomme ce concept comme « faire la ville sur la ville ».

Les villes lancent des programmes de reconversion de bureaux en logement.

En premier temps est lancée, une enquête de terrain visant à répertorier tous les bureaux vacants et de sélectionner ceux susceptibles de pouvoir être reconvertis.

La mairie de Paris et le ministère du Logement ont lancé le plan sur l’ensemble du territoire : Action Logement. Le programme vise à situer tous les bureaux vacants, identifier les potentiels reconvertibles. En France, la loi ELAN en 2017, libère la législation afin de permettre plus aisément de reconvertir les immeubles de bureaux en logements, là où la demande est forte. En effet, propulsé par l’idée de construire plus, mieux et moins cher, le gouvernement promeut la reconversion des bureaux vides en logement. Pour cela, l’État s’engage à introduire un bonus de constructibilité (qui passe de 10 % à 30 %), un ajustement des normes pour simplifier les reconversions. Le gouvernement se pose comme objectif

37

ING. Rapport d’enquête - Plus de logements en Belgique grâce à la reconversion. Bruxelles. 2018. 40p.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 44 -

d’atteindre 500 000 mètres carrés reconvertis d’ici 205038. Ainsi, 1,7 milliards d’euros sont investis pour transformer les bureaux en logements39`.

La situation de la région Île-de-France semble particulièrement propice à cette évolution puisqu'elle concentre plus de 54 millions de m² d'espaces de bureaux dont plus de 3,3 millions sont vacants40. Un rapide calcul théorique permet d'estimer qu'à raison de 60 m² par appartement, ce seraient 55 000 logements nouveaux qui pourraient être créés. L’appel de l’Action Logement a été clos en février 2020 et retient 300 000 mètres carrés sur le territoire, soit environ 5 000 logements éventuels41. Les trois quarts des immeubles sont implantés en Ile-de-France.

Tous les projets ne seront pas retenus, ils sont tous examinés en fonction de leur potentiel de transformation, selon leur état, leur localisation, leur prix… Cependant, une quinzaine d’opérations sera lancée dès cette année, comprenant un tiers de logements sociaux, un tiers de logements intermédiaires et un tiers de logements libres.

Joachim Anza, Président Fondateur de Novaxia, associe l’obsolescence des bureaux à un gisement de transformations potentiels palliant la pénurie de logements. Novaxia, est une société d’investissement immobilier, leader dans la reconversion de bureaux en logements. Depuis 2006, Novaxia a transformé 400 000 mètres carrés. Le Président affirme que la reconversion n’est pas la solution pour la pénurie mais un moteur.

38

www.gouvernement.fr

« 1,7 milliards d’euros pour transformer des bureaux vides en logements ». Les échos. Elisa Dicharry. 3 mars 2020.

39

40

Observatoire de Bureaux de Paris. 2014

41

« 1,7 milliards d’euros pour transformer des bureaux vides en logements ». Les échos. Elisa Dicharry. 3

mars 2020.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 45 -

À Bruxelles c’est plus de 860 00 mètres carrés qui ont été reconverti en logements de 1997 à 2017. Les immeubles de bureaux les plus reconvertis datent des années 60-7042.

Figure 17 : Conversions de bureaux, autorisées de 1997 à 2017, par type de destination et décennie de construction. Source : Observatoire de bureaux -38

Les conversions sont la preuve que l’immobilier résidentiel est en concurrence avec l’immobilier de bureaux. Il constate un effet de pression sur les prix des bureaux en raison d’un taux d’inoccupation plus élevé et d’autre part à la hausse des prix des logements du segment moyen43.

Ce qui initient les

reconversions à Bruxelles comme Paris sont soit : une hausse du prix des logements qui poussent à la transformation dans un quartier, dans le cas de Bruxelles dans le centre. Soit la baisse des prix des bureaux couplée à un manque de connexion aux transports entrainent une transformation, dans le cas de Bruxelles dans la deuxième couronne. On appelle ça l’inversion de valeur44.

42

Observatoire des bureaux, état des lieux 2016, 2017 et pipeline. Sous la direction de HYS Gert. N°38.

Perspective.brussels. Bruxelles. 2019. 80p.

43

Observatoire des bureaux, état des lieux 2016, 2017 et pipeline. Sous la direction de HYS Gert. N°38.

Perspective.brussels. Bruxelles. 2019. 80p.

44

LASSERRE Christian, LACONTE Pierre, BÖHLKE Anders, DOOREMAN Béatrice. Bureaux du passé, habitants du présent. La transformation d’immeubles de bureaux en Région de Bruxelles-Capitale.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 46 -

De plus, ce qui rend la reconversion encore plus attractive c’est la localisation des bureaux. En effet, ils se situent en centre-ville ou en zone péri-urbaine. Ils connaissent tous une bonne visibilité grâce aux connexions aux axes routiers et transports en communs. D’autre part, ce qui motive une reconversion c’est aussi

le manque de terrain libre pour des constructions neuves. En effet, les villes s’étalent mais cherchent aussi à se densifier, la reconversion répond à cette pathologie de pénurie de terrain comme est touchée Bruxelles45.

En outre, le gain de temps est un facteur d’enjeux pour la reconversion auprès des promoteurs, en effet, le temps de chantier est raccourci pour la majorité du temps, car le gros œuvre est déjà existant. Ainsi, ils peuvent réduire leurs pertes de loyers, en conservant un maximum la structure porteuse.

Cependant, parfois ce gain est rattrapé par la réalisation de travaux de remises aux normes, comme sanitaires, avec le désamiantage.

Sur un aspect urbanistique, la reconversion projette des bienfaits sur la ville. En effet, les bureaux se trouvent majoritairement dans des quartiers tertiaires. Ici, en injectant du logement, cela crée une mixité de programme46. La mixité, est la diversification des programmes urbains : logements, commerces, équipements publics, bureaux… Cette mixité est aujourd’hui souhaitée et recommandée par les villes, alors qu’auparavant les villes fonctionnaient plus sur un mode binaire et sectorisé. Alors, la reconversion montre une fois de plus ses avantages.

45

ING. Rapport d’enquête - Plus de logements en Belgique grâce à la reconversion. Bruxelles. 2018. 40p.

46

ING. Rapport d’enquête - Plus de logements en Belgique grâce à la reconversion. Bruxelles. 2018. 40p.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 47 -

Les bureaux vacants semblent de prime abord être une aubaine pour pallier la pénurie de logements dans les deux capitales.

Les villes sont impliquées dans ces démarches et tentent de simplifier la tâche aux acteurs, grâce à l’Action Logement à Paris et la Loi ELAN qui libère la législation des reconversions.

La baisse des prix des bureaux corrélée à la hausse des prix et de la pénurie des logements sont des facteurs moteurs de reconversion.

La situation géographique des bureaux associée aux transports est un autre atout.

Les bureaux répondent à des questions de pénurie de terrain et un gain de temps de chantier.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 48 -

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 49 -

CHAPITRE 2 : LES BÉNÉFICES D’UNE RECONVERSION

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 50 Charenton-le-Pont, Moatti-Rivière Source Moatti-Rivière

II. 1. Les remises aux normes du bâtiment II. 1. A. La remise aux normes sanitaires

Les immeubles de bureaux des années 60-70 sont construits à une époque où la connaissance de nouveaux matériaux étaient limitée ou cachée au grand public. Cependant certains matériaux, comme l’amiante, étaient utilisés.

L’amiante était un matériau très utilisé dans les années 60 à 80. Les dangers face à ce minerai étaient à cette époque méconnus ou alors cachés. L’amiante a un fort impact sur la santé, il provoque des amiantoses (dégradation des alvéoles pulmonaires), des cancers du poumon et des mésothéliomes (cancer du revêtement des poumons).

Ce matériau était utilisé pour ses capacités calorifuges et isolantes. Il était également recommandé pour ses caractéristiques d’insonorisation, utiles pour les immeubles de bureaux notamment. On retrouve donc ces fibres dans de nombreux matériaux, isolants, carreaux de faux-plafonds et sols, revêtements, placo…

Dès lors le diagnostic connu : si cinq fibres d’amiante par litre d’air sont détectées, une intervention de désamiantage doit être exécutée sous trente-six mois47.

Le projet à Charenton-Le-Pont, en région parisienne, a reconverti un immeuble de bureaux vacants de 9 500 mètres carrés48 en une résidence intergénérationnelle et en bureaux à louer. Cette opération a été menée par l’agence d’architecture de Moatti-Rivière et le bailleur social 3F, et a été livrée en

47

https://www.desamiantage.org/le-desamiantage.html

48

« Des bureaux reconvertis en logements ». Les Echos. Marion Kindermans. 9 novembre 2016.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 51 -

2016. L’immeuble date des années 7049. Il se situe en bordure de l’A4, il a été acheté en 2013 par le bailleur à 16,3 millions d’euros.

Figure 18 : Bureaux à l'acquisition. Source : https://www.moattiriviere.com/projets/logement/90-logements-bureaux-charenton-pont-94

Figure 19 : Bureaux après interventions. Source : https://www.moattiriviere.com/projets/logement/90-logements-bureaux-charenton-pont-94

Le bailleur certifie que le prix au mètre carré des travaux était moins cher que le neuf, ils annoncent que le coût était de : 1 436 € le mètre carré. Les travaux pour la transformation ont été estimés à 5,35 millions d’euros. Cependant, de l’amiante a

49

« À Charenton-le-Pont, le bureau se (re)convertit ». Le Moniteur. Jacques-Franck Degioanni.

15 septembre 2016.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 52 -

été détecté. Ainsi, 630 000 euros (hors taxe) ont été nécessaires pour des travaux de curage et désamiantage. Les interventions ont duré seize mois.

Sont connus deux types d’interventions pour retirer l’amiante : le curage et le désamiantage, comme a subi le projet de Moatti-Rivière.

Le curage est technique qui démolit partiellement des éléments contaminés.

C’est un nettoyage qui consiste à retirer des structures spécifiques contaminées comme le béton contenant de l’amiante50. Il existe trois méthodes pour faire le curage : par percussion, par hydrodémolition et par scarification.

-

La percussion est réalisée avec un marteau piqueur ou brise-béton ou un brise-roche, pour une surface réduite.

-

L’hydrodémolition se fait avec un jet d’eau pour venir à bout d’un béton de surface. Il a une précision plus efficace.

-

La scarification permet un travail de fond grâce à des pointes métalliques sur un rouleau, pouvant enlever des couches de béton conséquentes.

Le désamiantage lui se décline sous plusieurs étapes : -

Le dépoussiérage : nettoyage et protection des zones d’interventions.

-

Le confinement et test au fumigène : rendre étanche à l’air la zone afin d’éviter la propagation de substance.

-

L’enlèvement de l’amiante : le retrait, l’encapsulage et le recouvrement (collage d’un revêtement contre la zone d’intervention).

-

Le nettoyage fin : aspiration des surfaces avec un filtre.

-

Les contrôles : vérification du taux d’amiante.

-

La gestion des déchets : acheminement des déchets dans des centres de gestion spécialisés51.

50

http://cogetrad.com/curage-batiment-definition/

51

https://www.desamiantage.org/le-desamiantage.html

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 53 -

L’amiante représente un des principaux risques sanitaires dans les bureaux. On retrouve d’autres risques comme le plomb ou des problèmes liées à des maladies comme la légionellose.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 54 -

II. 1. B. La remise aux normes thermiques

Plus on avance dans le temps plus les immeubles ne répondent plus aux objectifs thermiques. Les enveloppes sont de moins en moins performantes face aux nouveaux matériaux et aux nouvelles exigences. Les immeubles de bureaux, notamment des années 60-70 ont progressivement une obsolescence thermique.

Lors d’une reconversion d’un immeuble de bureaux vacant en logement, il est donc nécessaire de remettre l’enveloppe aux exigences thermiques. Ces travaux passent plusieurs méthodes : -

Ré-isoler : par l’intérieur ou par l’extérieur. Les deux cas de figures ont de forts impacts sur la morphologie du bâtiment. L’isolation par l’intérieur implique un épaississement des murs périphériques et engendre donc une réduction de la surface intérieure. L’isolation par l’extérieur, elle, implique de devoir intervenir et éventuellement à modifier la façade. Rentre alors en jeu, la question patrimoniale et identitaire.

-

Changer les vitrages : les immeubles de bureaux des années 70 ont été pourvu des premiers doubles vitrages. Ce n’est pas tant la qualité des vitrages qui pèsent dans la balance mais les châssis, qui souvent isolent mal.

Par simplicité, l’ensemble de la fenêtre est changé.

-

Détecter les ponts thermiques : les ponts thermiques sont la rupture ponctuelle de la ligne d’isolant. Lorsqu’ils sont ciblés il faut intervenir pour pallier si possible le problème.

Le projet parisien de Moatti-Rivière et 3F, a reçu le premier prix de la transformation de bureaux en logements par La Maison d’Architecture d’Île-de-

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 55 -

France. Le projet a été distingué également par la certification Patrimoine, Habitat et Environnement, objectif Étiquette énergétique C52.

En effet, le projet propose une stratégie thermique intéressante.

D’une part, les architectes déploient sur la façade sur rue orientée plein sud, une frange de loggia dans l’épaisseur du bâti, à 70 centimètres de la façade initiale.

Les loggias donnent l’opportunité d’avoir de la profondeur. Cet espace tampon permet de réguler la température en été et créer une meilleure ventilation. De plus, cette épaisseur implique un retrait de la façade et par ce biais un meilleur traitement de l’isolation. L’isolant est placé à l’extérieur, avec un mur porteur en béton et un revêtement extérieur en mélèze. Cette option est l’une des meilleures stratégies d’isolation thermique. Les vitrages de la façade d’origine sont évidemment ôtés et de nouveaux sont installés sur la nouvelle façade intérieure, avec du triple vitrage et châssis en aluminium.

Figure 20 : Plan d'étage courant. Source : https://www.exemagazine.fr/transformation-vertueuse-acharenton-le-pont-par-moatti-riviere-a941

52

https://www.moatti-riviere.com/projets/logement/90-logements-bureaux-charenton-pont-94

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 56 -

En cœur d’îlot, d’autres logements sont créés, encore une fois avec le même principe structurel et thermique. De plus, la parcelle est investie par un grand jardin collectif de 14 par 24 mètres53, celui-ci contient des arbres de moyenne tige permettant de limiter l’apport solaire dans les logements.

Figure 21 : Coupe longitudinale. Source : https://www.lemoniteur.fr/article/a-charenton-le-pont-le-bureause-re-convertit-au-logement.1307449

Ce projet développe plusieurs stratégies pour améliorer la condition thermique dans ce bâtiment des années 70 : isolant, morphologie, végétation.

53

https://www.exemagazine.fr/transformation-vertueuse-a-charenton-le-pont-par-moatti-riviere-a941

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 57 -

II. 1. C. Remise aux normes : sécurité incendie

Les immeubles de bureaux ont une norme incendie bien différente de celle des logements. Un certain nombre de réglementations régit la sécurité incendie.

D’une part, En France, les bâtiments d’habitation sont répartis en plusieurs catégories, appelées familles, en fonction de leur hauteur.

-

La 1ère famille, les maisons individuelles en rez-de-chaussée, isolées ou en bande.

-

La 2ème famille, les habitations isolées ou en bande avec au plus trois étages sur le rez-de-chaussée.

-

La 3ème famille est divisée en deux sous-catégories : A et B, limitée à 28 mètres de haut. o A, comporte plus de sept étages, la porte palière la plus éloignée doit être à 7 mètres de l’escalier de secours, l’accès à l’escalier en RDC doit être possible par la voie. o B, si une des prescriptions de la famille A n’est pas respectée, le bâtiment passe en famille B et l’accès à l’escalier en RDC doit se faire au maximum à 50 mètres de d’une voie ouverte à la circulation.

-

4ème famille, la hauteur est limitée de 28 mètres à 50 mètres entre le plancher bas et haut. Les escaliers en RDC doivent être accessibles au maximum à 50 mètres d’une voirie ouverte à la circulation (comme en troisième famille B).

Voir schéma si ci-dessous.

-

IGH, concerne les immeubles de plus de 50 mètres.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 58 -

Figure 22 : Schéma explicatif de la quatrième famille. Source : https://www.wincotech.com/wordpress/wp-content/uploads/2017/07/Classification-des-b%C3%A2timentsdhabitation-selon-le-risque-incendie.pdf

En Belgique, on retrouve seulement trois catégories : -

Bâtiment élevé (BE), h> 25 m

-

Bâtiment moyen (BM), 25 > h > 10 m

-

Bâtiment bas (BB), h > 10 m

En fonction de chaque catégorie, les réglementations diffèrent, comme le temps de coupe-feu, le nombre d’escaliers de secours, leur distance aux portes palières, les sas de sécurité, accessibilité PMR (Personne à Mobilité Réduite) …

La reconversion de Lobjoy & Bouvier & Boisseau à Paris, 19ème arrondissement, concerne un immeuble de bureaux de 1969, vacant depuis 2007, suite à une épidémie de légionellose due à une non-conformité aux

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 59 -

réglementations54. La reconversion nommée Pixel, a été livrée en 201755. Le bâtiment présentait des prédispositions à être transformé, comme une épaisseur de 13 mètres, un couloir central, des travées latérales et une structure adaptée. Le bâtiment s’inscrit dans la famille IGH. De plus, l’édifice possède une façade rideaux.

Figure 23 : Avant après interventions. Source : https://lbb-architecture.com/portfolio/logementsboulevard-macdonald-paris

La façade pose problème quant aux réglementations incendie pour la catégorie IGH. En effet, les façades sont soumises à une règle nommée : C+D, elle régit la propagation verticale du feu par la façade. Le C+D demande une allège de 1 mètre (hauteur entre le plancher et la base d’une ouverture) en dessous d’un ouvrant sur la façade. Pour contrebalancer la réglementation, l’agence propose de déployer des balcons, formant le C+D, et qui plus est, sont indispensables à un immeuble de logement.

54

Communiqué de presse de Pixel, 2016.

55

https://lbb-architecture.com/portfolio/logements-boulevard-macdonald-paris

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 60 -

Figure 24 : Détail technique du dispositif formant le C+D. Source : https://lbbarchitecture.com/portfolio/logements-boulevard-macdonald-paris

Lors de la reconversion les escaliers de secours ont été conservés, seuls les ascenseurs ont été changés. Le couloir a été séparé en deux permettant d’obtenir des logements traversants et de répondre à la distance de la dernière porte palière aux escaliers de secours.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 61 -

Figure 25 : Plan d'étage courant, avant après interventions. Source : https://lbbarchitecture.com/portfolio/logements-boulevard-macdonald-paris

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 62 -

II. 2. La production de logements II. 2. A. L’adaptation à la structure : les typologies

Comme évoqué dans la première partie, les bureaux sont très diversifiés en terme de morphologie. La finalité de la reconversion est bien évidemment d’intégrer des logements dans l’ossature des bureaux. Étant donné la diversité typologique des bureaux, il n’existe pas de solution générique quant aux typologies de logements à absorber. En somme, la solution d’agencement ne se fait qu’au cas par cas.

En effet, grâce à la première partie introduisant les morphologies de bureaux, nous avons vu l’importance de l’emplacement des noyaux. Ils sont effectivement décisifs dans l’agencement intérieur : -

S’ils sont centrés, peuvent être intégrés deux logements traversants et un ou deux logements mono-orientés56.

-

S’ils sont en mitoyen, peuvent être intégrés un traversant et deux à quatre logements mono-orientés.

-

S’ils sont en façade, cela impacte l’accès à la lumière.

A Bruxelles, les immeubles de bureaux des années 60 et 70, ont généralement un noyau de circulation verticale désaxé, juxtaposé à un mitoyen, a contrario des logements où le noyau est centralisé la majeure partie du temps. Cette décentralisation du noyau ajoute une complexité d’aménagement intérieur. En effet, il est plus difficile de produire des logements traversants du fait de la grande profondeur57.

56

LASSERRE Christian, LACONTE Pierre, BÖHLKE Anders, DOOREMAN Béatrice. Bureaux du passé, habitants du présent. La transformation d’immeubles de bureaux en Région de Bruxelles-Capitale.

57

LASSERRE Christian, LACONTE Pierre, BÖHLKE Anders, DOOREMAN Béatrice. Bureaux du passé, habitants du présent. La transformation d’immeubles de bureaux en Région de Bruxelles-Capitale.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 63 -

Pour illustrer l’adaptation à la structure des immeubles de bureaux, nous allons étudier une reconversion qui a eu lieu à Bruxelles en 2008 par Corbisier et associés. Le bâtiment se situe sur l’avenue Louise (une des principales avenues bruxelloises, considérée comme les Champs-Élysées de Bruxelles). Il a été bâti en 1966 par J.E Dumont58.

Le bâtiment est composé de neufs niveaux hors-sol (2 880 mètres carrés), dont les deux premiers niveaux sont consacrés à des commerces (612 mètres carrés). On retrouve également un étage en sous-sol dédié à huit places de parking.

Figure 26 : Façade avant intervention. Source : LASSERRE Christian, LACONTE Pierre, BÖHLKE Anders, DOOREMAN Béatrice. Bureaux du passé, habitants du présent. La transformation d’immeubles de bureaux en Région de Bruxelles-Capitale, p.100.

Suite à la reconversion, dix-neuf logements de haut standing ont été créés, dont six T2, douze T3 et un penthouse, soit une surface de logement globale de 1 961 mètres carrés.

58

LASSERRE Christian, LACONTE Pierre, BÖHLKE Anders, DOOREMAN Béatrice. Bureaux du passé, habitants du présent. La transformation d’immeubles de bureaux en Région de Bruxelles-Capitale. p.101.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 64 -

Le bâtiment a une ossature béton composée d’une façade rideau, des murs périphériques porteurs et deux travées de poteaux intermédiaires en béton. Cidessous, le plan d’étage courant avant intervention.

2

Av en ue L

ou ise

1

Chaussée de Vleurgat

Figure 27 : Plan d'étage courant avant intervention. Source : LASSERRE Christian, LACONTE Pierre, BÖHLKE Anders, DOOREMAN Béatrice. Bureaux du passé, habitants du présent. La transformation d’immeubles de bureaux en Région de Bruxelles-Capitale, p.102.

On constate donc l’emplacement du noyau qui est en périphérie (1), sur le mitoyen. Comme vu précédemment, les noyaux désaxés engendrent des défis pour produire des logements traversants. De plus, on remarque un joint de dilatation (2) séparant ainsi les deux espaces de bureaux.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 65 -

La proposition de Corbisier est d’intégrer trois logements par niveaux, aux

Chaussée de Vleurgat

Av en ue L

ou ise

larges volumes.

Figure 28 : Plan d'étage courant après intervention. Source : LASSERRE Christian, LACONTE Pierre, BÖHLKE Anders, DOOREMAN Béatrice. Bureaux du passé, habitants du présent. La transformation d’immeubles de bureaux en Région de Bruxelles-Capitale, p.102.

Sont alors conservés l’escalier de secours et l’emplacement de la gaine d’ascenseur et la façade rideaux qui a été partiellement maintenue sur l’angle de l’avenue Louise et la chaussée de Vleurgat.

On retrouve sur un niveau deux T3 et un T2. Leur superficie est très généreuse, respectivement : 92 à 126,5 mètres carrés et 66,7 mètres carrés. Les deux T3 sont multi-orientés, un est un logement d’angle (comprenant une double orientation), le second est traversant mais bénéficie d’une double orientation, il est donc tri-orienté. Le T2 est mono-orienté à l’ouest.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 66 -

Le noyau de circulation verticale dessert un couloir donnant sur les trois logements. Le T2 reprend la trame intermédiaire de poteaux et se cale par rapport au joint de dilatation. Le T3 tri-orienté est la résultante du T2, reprenant une travée de poteaux intermédiaires pour y loger une chambre parentale. Le T2 et T3 bénéficient sur la chaussée de Vleurgat d’un jardin d’hiver, crée dans l’épaisseur du bâtiment, de la façade à la première ligne de poteaux intermédiaires. Ceci apporte un confort thermique et de vie supplémentaire et non négligeable.

Ici, le parti-pris est de privilégier la qualité à la quantité. En effet, l’immeuble se situe à un croisement des deux axes majeurs de la ville de Bruxelles, où il n’était pas commun d’intégrer du logement. D’une part dû à la représentation de la ville par l’avenue Louise, pourvue majoritairement de bureaux. D’autre part, car ces axes sont très fréquentés par la voiture, créant alors une nuisance sonore.

Figure 29 : Photographie après intervention. Source : personnelle

Finalement dans les reconversions, les réponses, à l’adaptation à la morphologie, sont singulières et non standardisées.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 67 -

II. 2. B. Les défis face à la qualité de vie

Lors de la reconversion, le bâtiment conserve généralement son enveloppe intégrale. Néanmoins, les besoins en qualité de vie de bureaux et du logement sont bien différents. De plus, la qualité de vie s’exprime sous plusieurs formes et s’inscrit sous plusieurs échelles.

La qualité de vie peut provenir de l’environnement, correspondant à l’échelle urbaine, comme la proximité à des commerces, aux transports en commun comprenant la connectivité et les nuisances sonores. Elle peut également se décliner à l’échelle du bâti même, comme un accès à l’extérieur : jardin ou terrasse…

Le projet de reconversion à Bruxelles, à la rue Beau-Site 21-23, a été réalisé en 2004 par Emmanuel Bouffioux. On constate alors que ce sujet ne date pas d’aujourd’hui.

La reconversion intervient sur un immeuble de bureaux de l’année 1958, réalisée par Robert Goffaux, architecte fonctionnaliste belge. L’édifice a une surface 1 342 mètres carrés. Les bureaux proposaient une façade rideaux et un rez-dechaussée sur pilotis, éléments forts de l’architecture moderne. Les bureaux étaient vides car ils n’étaient plus adaptés aux besoins du jour59.

Les architectes ont considéré que le bâtiment était apte à accueillir des logements de type loft. La façade est, sur rue beau séjour a été complétement repensée, mais partiellement reprend la morphologie des fenêtres des façades rideaux. Tandis que la façade sur cœur d’îlot a été conservée, simplement les vitrages ont été remplacés.

59

http://www.baeb.eu/projects/housing-bs/

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 68 -

Figure 30 : façade avant et après transformation. Source : http://www.baeb.eu/projects/housing-bs/

Chaque plateau a une surface d’environ 230 mètres carrés. Les architectes ont alors intégré des loggias dans l’épaisseur du bâti, permettant d’apporter un confort d’usage mais également un confort thermique. Cet espace tampon régule les températures en été comme en hiver mais également éloigne la façade de la rue permettant de se protéger des nuisances sonores.

Figure 31 : plans avant et après interventions. Source : LASSERRE Christian, LACONTE Pierre, BÖHLKE Anders, DOOREMAN Béatrice. Bureaux du passé, habitants du présent. La transformation d’immeubles de bureaux en Région de Bruxelles-Capitale, p.58.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 69 -

Ainsi, sept logements aux volumes très généreux ont été intégré dans l’ossature. Sont répertoriés : un T2, un T3, quatre T4 et un duplex de trois chambres.

Au dernier étage, on retrouve un penthouse en duplex. Ce dernier bénéficie d’une vue imprenable sur Bruxelles.

`

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 70 -

II. 3. Les bénéfices et les enjeux d’une reconversion II. 3. A. Les bénéfices écologiques Les avantages écologiques de la reconversion sont visibles à deux échelles : à l’échelle urbaine et du bâtiment.

En effet, le principe de la reconversion d’immeubles de bureaux vacants en logements, est d’utiliser des bâtiments inutilisés pour leur rendre une fonction active. On appelle ça donc la densification des villes, faire la ville sur la ville. Ce procédé de densification contre balance l’étalement urbain des villes. Un phénomène qui touche les villes tant la population croît. L’étalement urbain est la première cause de l’imperméabilisation de sols sains. Ainsi, la densification, limite cet étalement et par conséquent la dégradation de sols en périphérie et milieu rural.

En ce qui concerne, l’échelle du bâtiment, lorsque l’on sait qu’en Île-deFrance, 60 % des déchets proviennent du BTP, il est urgent de s’alarmer60.

La reconversion est évidemment un principe qui présente énormément de points positifs sur le domaine durable et écologique. On définit le développement durable selon trois piliers : social, économique et écologique. Les projets qui s’inscrivent dans le développement durable doivent répondre à des problématiques issues de ces trois piliers.

Un bâtiment n’est pas soumis à avoir qu’une seule fonction, qu’une seule vie.

Au cours de sa vie, un bâtiment peut changer de fonction, une ou plusieurs fois, c’est donc la reconversion, la réutilisation. Ainsi, en changeant la fonction d’un bâtiment de bureaux en logements, le bâtiment entre dans une seconde vie, une seconde histoire.

60

« Immobilier : coup d’accélérateur pour la transformation de bureaux vacants en logements ». Les Echos.

Elsa Dicchary. 20 novembre 2019.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 71 -

La reconversion a recours au démantèlement des espaces intérieurs, pour débuter sa seconde vie. Le point majeur est la réutilisation quasi totale de la structure primaire, soit le gros œuvre. Cette mise en place du gros œuvre représente un coup majeur de l’énergie grise lors d’un chantier pour une construction neuve.

On définit l’énergie grise comme la somme de toutes les énergies nécessaires au cycle de vie d’un objet61. Ces énergies s’étendent de l’extraction de la matière première, de la fabrication, de l’emballage, du stockage, de la vente, de la distribution, de l’utilisation, de l’entretien et du recyclage en fin de vie.

Si l’on pousse l’idée de la durabilité, les projets peuvent s’inscrire dans l’idée de déconstruction : « démontage d’un bâtiment en procédant à la dépose et au tri sélectif des matériaux » 62. À Paris et Bruxelles, on retrouve deux collectifs, pionniers, engagés dans la durabilité : Encore Heureux pour la France et Rotor pour la Belgique. Ce sont des défricheurs, ils remploient des matériaux.

Ainsi, en ayant recours à la déconstruction voire au démantèlement, le bâtiment se voit éventuellement vidé de matériaux nocifs, comme l’amiante. Ce matériau était utilisé pour une « meilleure » isolation durant les années 70. Reconnu pour des effets néfastes sur la santé, les bâtiments pourvus de ce matériau sont considérés comme inutilisables.

Enfin, d’un point de vue de consommation au niveau du bâtiment, grâce à la reconversion et donc à l’amélioration générale de l’état du bâtiment, l’édifice gagne en économie de consommation d’énergies. De plus, l’immeuble de bureaux est remis aux normes actuelles, il doit donc atteindre les performances décrétées. Avec une meilleure isolation, des vitrages plus performants, des matériaux de meilleures

61

https://total.direct-energie.com/particuliers/parlons-energie/dossiers-energie/comprendre-le-marchede-l-energie/qu-est-ce-que-l-energie-grise 62

Canal Architecture. Construire réversible. Canal Architecture. Paris. 2017, p.11.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 72 -

qualités le bâtiment atteint de meilleurs objectifs énergétiques. Finalement, le bâtiment se refait une jeunesse et entre dans sa seconde vie.

La reconversion a des bienfaits sur deux échelles : urbaine et l’échelle du bâtiment. À l’échelle urbaine, le réemploi permet de densifier la ville et donc de limiter l’étalement urbain, soit l’imperméabilisation des sols. À l’échelle du bâtiment, la reconversion emploi le démantèlement, voire la déconstruction, ce qui impacte largement et positivement l’énergie grise du bâtiment.

De plus, la reconversion permet d’amélioration l’enveloppe du bâtiment et donc d’obtenir de meilleurs résultats énergétiques.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 73 -

II. 3. B. Les enjeux financiers

La reconversion des immeubles de bureaux en logements semble être donc un bon investissement. Comme vu précédemment, cette méthode permet une grande économie de matériaux, d’énergie…

Mais en fin de compte, cette méthode ne serait pas une niche fiscale. En effet, très peu d’investisseurs (majoritairement des promoteurs immobiliers ou bailleurs) se lancent dans ces grands projets de reconversion, il semblerait que ce soit difficilement rentable. On peut donc se demander pourquoi ces projets qui de premiers abords semblent rentables trouvent peu d’investisseurs ?

Dans un premier temps, ces projets nécessitent un temps considérable d’études de faisabilité. En effet tous les bureaux vacants ne sont pas reconvertibles en logements. Il faut étudier le bâtiment dans ses moindres détails : l’état de structure, l’état sanitaire, l’état thermique, typologie de structure compatible ou non à des logements… Enfin de compte, ces réalisations demandent une étude au cas par cas, il n’existe pas de « recette magique » qui fonctionne pour toutes les reconversions. C’est donc un premier gros investissement d’étude complexe, qui fait reculer une part de potentiel investisseurs.

Notons que globalement, suite à une reconversion, les immeubles de bureaux perdent 15 % de leur surface rentable63, dus à l’aménagement des espaces communs, de circulations, et des cages d’escaliers supplémentaires. Mais, ce pourcentage est contre balancé par les 30 % supplémentaires de constructibilité, émis par la loi ELAN. Les coups des travaux de reconversions sont moins importants que des travaux de bâtiments neufs. Appuyons-nous sur un projet de reconversion sur Paris

63

https://www.cartefinancement.com/portfolio/la-loi-elan-facilite-la-transformation-de-bureaux-enlogements/

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 74 -

d’un immeuble de bureaux des années 70, porté par le bailleur 3F. Le bâtiment a été acheté 16,3 millions d’euros pour 9 500 mètres carrés. Les coûts des travaux étaient de 6,2 millions d’euros, soit 1 436 euros le mètre carré64. Néanmoins, les prix des travaux de la reconversion restent très proches de ceux d’une construction neuve. Ainsi, reconvertir coûte presque aussi cher que du neuf.

En revanche, à Bruxelles, les travaux de reconversions sont tellement aperçus comme radicaux, qu’ils sont considérés comme une construction neuve.

Mais, dans de tels projets le terrain et le bâtiments soumis au régime des droits d’enregistrement, l’acheteur peut effectuer ses travaux à une TVA de 6% au lieu de 21%, et peuvent bénéficier d’une prime à la rénovation65. En France, il y a une possibilité de réduction de la TVA à 10% mais seulement si les opérations comptent 20 à 50% de logements sociaux66.

Dans ce genre de travaux de reconversion, les chantiers offrent parfois des surprises. Il est donc important dans l’étude de faisabilité de faire une marge dans le budget pour pallier ces éventuels coûts. Les coûts supplémentaires sont généralement à hauteur de 10 ou 15 %67, mais fluctuent évidemment selon les pathologies.

La rentabilité se trouve donc dans la différence du prix d’achat par les prix des travaux et de la revente. Le but donc est que la décote du bâtiment obsolète couvre le prix des travaux.

Néanmoins, cette rentabilité ne s’applique pas à tous les immeubles. Le prix de vente dépend de l’état du bâtiment, plus il est vétuste plus le prix sera bas.

64

« Des bureaux reconvertis en logements ». Les Echos. Marion Kindermans. 9 novembre 2016.

65

https://www.lecho.be/monargent/immobilier/21-de-tva-pour-un-appartement-neuf-pasnecessairement/9950668.html 66

« Transformer des bureaux en logements reste complexe, malgré les incitations de la loi ELAN ». Le Moniteur. Marie-Noëlle Frison. 25 mars 2019 67

ING. Rapport d’enquête - Plus de logements en Belgique grâce à la reconversion. Bruxelles. 2018. 40p.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 75 -

Cependant à Bruxelles, les immeubles à vendre sont encore en bon état, c’est dans la démarche de négociation entre le propriétaire et le potentiel acquéreur.

Novaxia, leader de ce marché de niche, a transformé 400 000 mètres carrés depuis 2006, soit 2 milliards d’euros d’opérations68. Cette société de financiers dans l’immobilier s’est donné 3 critères lors d’un achat de bureaux vacants, le bâtiment doit être situé à moins de 800 mètres d’un transport, il doit offrir une décote de 30 à 40 % par rapport au prix du marché et enfin il doit être d’une taille importante, plus de 1 000 mètres carrés avec un minimum de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires.

La rentabilité d’une reconversion n’est pas toujours possible.

Le prix d’achat de bureaux vacants est décisif dans la rentabilité, en effet, la décote peut permettre plus ou moins de couvrir les frais de travaux.

L’investissement sur le long terme est également le plus rentable.

En France, la rentabilité est augmentée par les 30 % de constructibilité supplémentaire.

Pour les deux pays, une baisse de la TVA est possible.

Ce qui encouragent la reconversion.

68

https://www.lecourrierfinancier.fr/partenaires/novaxia

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 76 -

II. 3. C. Les enjeux réglementaires et les limites

Jusqu’à lors, il était systématiquement plus rentable de détruire un immeuble de bureaux et de reconstruire pour faire un immeuble de logements neuf.

Cependant pour le cas de la France, la loi ELAN de 2018, a permis de faire une grande avancée dans la simplification des reconversions de bureaux en logements. La loi a pour but de construire lus vite, mieux et moins cher.

En effet, la loi propose de passer le bonus de constructibilité de 10 % à 30 %, pour augmenter la rentabilité des opérations et équilibrer financièrement les opérations. Cette modification de loi, était réclamée depuis une longue date par les professionnels qui souffraient d’une perte de 15 % de surface rentable lors de la reconversion69.

De plus, dans certains cas, où les villes ne souffrent pas de carence en logements, il y a une possibilité d’échapper au pourcentage de 25 % de logements sociaux dans la nouvelle opération. En effet, la morphologie des bureaux avec leur grande hauteur sous plafond et une profondeur plus large, les logements résultants proposent de grands volumes, et donc moins compatibles aux logements sociaux.

Cette loi propose donc de supprimer l’objectif de mixité sociale, seulement dans les communes non carencées70.

D’autre part, une baisse de la TVA peut être envisageable, passant de 21 % à 10 %, si l’opération compte entre 20 à 50 % de logements sociaux71. Également, concernant le permis de construire, en cas de changement de destination d’un bâtiment, le permis de construire est nécessaire que s’il y a des

69 « Des logements pour un plateau » le moniteur. Jacques-Franck Degioanni, Marie-Douce Albert, Milena Chessa, Christiane Wanaverbecq et Bertrand Verfaillie. 1 février 2019.

70

« Des logements pour un plateau » le moniteur. Jacques-Franck Degioanni, Marie-Douce Albert, Milena Chessa, Christiane Wanaverbecq et Bertrand Verfaillie. 1 février 2019.

71

« Des logements pour un plateau » le moniteur. Jacques-Franck Degioanni, Marie-Douce Albert, Milena Chessa, Christiane Wanaverbecq et Bertrand Verfaillie. 1 février 2019.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 77 -

changements sur la structure porteuse et la façade. Sinon dans le cas échéant, une simple déclaration préalable suffit72.

En outre, la loi Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique, a créé une nouvelle catégorie de bâtiment : IMH, « Immeuble de Moyenne Hauteur », entre 28 et 50 mètres de haut, pour les programmes mixtes, logementsbureaux. Ainsi, les deux natures ne sont plus soumises à deux réglementations incendies différentes. Une nouvelle règle mutualisée quelle que soit la nature, favorise donc la mixité et la réversibilité73.

Pour le cas de Bruxelles, les politiques défendent une démarche plus durable. Ainsi, la ville tend à proposer des solutions et des libertés pour encourager ces démarches. En effet, la ville soumet des possibilités de subventions74.

La ville permet de contourner les règlements d’urbanisme qui n’autorisent plus après démolition de bureaux, une construction neuve de son précédent gabarit. Ainsi, grâce à la reconversion, on peut obtenir un rendement plus important de logements que s’il y avait eu reconstruction75.

De plus, il est important de vérifier que la reconversion hors zone résidentielle et mixte est possible. Pour cela il faut consulter les règlements d’urbanisme autorisant la reconversion. Toutes fois, même si les règlements d’urbanisme ne le permettent pas, il est envisageable de consulter les possibilités de modifier les prescriptions urbanistiques76. De plus, il est important de vérifier si la reconversion est soumise à un permis environnement. Les normes de stationnement, performances énergétiques, les charges d’urbanisme ou le quota de logements

72 « Des logements pour un plateau » le moniteur. Jacques-Franck Degioanni, Marie-Douce Albert, Milena Chessa, Christiane Wanaverbecq et Bertrand Verfaillie. 1 février 2019.

73

« Des logements pour un plateau » le moniteur. Jacques-Franck Degioanni, Marie-Douce Albert, Milena

Chessa, Christiane Wanaverbecq et Bertrand Verfaillie. 1 février 2019.

74

ING. Rapport d’enquête - Plus de logements en Belgique grâce à la reconversion. Bruxelles. 2018. 40p.

75

ING. Rapport d’enquête - Plus de logements en Belgique grâce à la reconversion. Bruxelles. 2018. 40p.

76

ING. Rapport d’enquête - Plus de logements en Belgique grâce à la reconversion. Bruxelles. 2018. 40p.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 78 -

abordable, en vigueur, doivent être vérifiés, ce qui pourraient influencer considérablement la faisabilité d’un projet de reconversion.

Cependant, ces aménagements de lois visent à encourager les reconversions dans le but de pallier la pénurie de logements dans les zones tendues, mais également de construire plus vite, moins cher et mieux. Ce mieux, qui a aussi une consonance écologique. Mais, malgré ces propositions de lois qui semblent alléger le tableau noir et complexe des reconversions, des freins sont toujours présents, comme : -

La sécurité incendie différente entre bureaux et logements, car en effet tous les immeubles ne correspondent pas à la catégorie IMH. Cela pose donc des problèmes de conceptions.

-

Les aspects financiers, font partie des enjeux. Malgré les subventions et les bonus, l’investissement n’est pas toujours rentable.

-

L’étude préliminaire pour déterminer la faisabilité de la reconversion est complexe et mal rémunérée (selon la loi MOP, les missions d’esquisse pour un bâtiment neuf et de diagnostic d’un bâtiment ancien sont rémunérés également, à 4 %, alors qu’un diagnostic devrait être rémunéré à 40 %77)

-

Les enjeux techniques, sanitaires peuvent avoir des surprises sur le chantier, causant des retards importants.

-

Un administratif qui complexifie les démarches tels qu’un dépôt de permis de construire.

77

« Transformer le bâti est réjouissant » Patrick Rubin, architecte, cofondateur de l'atelier Canal. Le Moniteur. Marie-Douce Albert. 11 septembre 2019.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 79 -

La législation les deux pays tentent de libérer ce marché de niche qu’est la reconversion.

En France, la loi ELAN, propose des nouvelles lois permettant d’encourager la reconversion, relançant la rentabilité comme : -

Un bonus de constructibilité qui passe de 10 % à 30 %

-

Une suppression possible du quota de logements sociaux dans les zones non carencées

-

Une baisse de la TVA, à 10 % (6% en Belgique), si l’opération compte 20 à 50 % de logements sociaux

-

Une nouvelle famille de bâtiment : IMH, offrant une sécurité incendie commune pour les bureaux et les logements.

Cependant, il y a encore des limites persistantes qui bloquent les investissements, comme : -

Des lois encore trop réductrices

-

Des défis techniques et réglementaires

-

Une complexité administrative avec un dépôt de permis de construire si changement sur la structure et la façade.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 80 -

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 81 -

CHAPITRE 3 : LES DÉFIS DE DEMAIN : LA RÉVERSIBILITE

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 82 -

Paris XVIIème, LAN Source Archdaily

III. 1. Vers un nouveau mode de penser III. 1. a. La mutation des méthodes de travail

Les modes de travail ont conséquemment évolué depuis les années 70. Ces années sont l’âge d’or des open-space.

Cependant, les méthodes de travail évoluent constamment, au gré des innovations et des nouvelles technologies. De nouvelles formes prennent le dessus sur les méthodes ancrées. On retrouve : -

Le coworking : est une méthode de travail où plusieurs salariés de différentes entreprises, ou des indépendants, travaillent ensemble dans des locaux, ainsi partagés. Les utilisateurs de ces espaces partagés n’ont pas obligation d’être issus du même secteur de travail. Ces espaces sont souvent utilisés par des jeunes indépendants, qui n’ont pas besoin de leurs propres locaux. Ce système vise à produire un réseau, mais également à partager les frais, à créer un soutien et une ambiance de travail avec des personnes de plusieurs horizons.

-

Le cool-office : cette méthode de travail est à l’origine développée par les grandes entreprises comme Apple ou Google. La méthode est retranscrite dans l’aménagement des espaces intérieurs dont le but est de rendre à l’aise tous les employés. En effet, des canapés, des grandes tables à multifonctions, des espaces plus intimistes, de la végétation et des salles de jeux sont mis à disposition aux salariés pour qu’ils se sentent bien au travail et qu’ils puissent donner le meilleur d’eux-mêmes. Ce modèle d’entreprise s’est largement diffusé dans le reste du monde.

-

Le télétravail : cette méthode consiste à travailler à distance depuis un autre endroit que le siège, généralement chez soi, on appelle cela également le home-office.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 83 -

Depuis moins de deux décennies, la façon de travailler à évoluer, et tend à se délocaliser mais surtout à se dématérialiser. Avec internet qui est omniprésent, il est possible pour la plupart des cas de travailler de partout. De plus, le télétravail est de plus en plus inscrit dans les mœurs de travail d’aujourd’hui. Ce qui par conséquent, floute les limites entre le travail et les logements. La dématérialisation du travail pousse à regarder vers un nouveau mode de travailler, une nouvelle enveloppe. Les bureaux ne sont plus autant essentiels à la vie de travail quotidienne. Les bureaux connus aujourd’hui sont pour la plupart obsolètes face à ce nouveau mode de travailler.

Avec la crise sanitaire de 2020, les méthodes de travail ont été soudainement bouleversées. Ce virus, a propulsé tous les salariés qui le pouvaient, à travailler de chez eux pendant a minima deux mois. Les limites entre le travail et la maison ont été complètement transgressées. À ce jour, les méthodes de travail anté-COVID n’ont pas été retrouvées. Des stratégies sont développées, oscillant entre présentiel et télétravail. Ces stratégies sont régulièrement réévaluées au gré des nouvelles qui frappent le monde, qui demandent un télétravail fortement conseillé ou au contraire une détente, qui permet de faire revenir les salariés au siège.

Depuis donc mars 2020, les méthodes de travail sont réactualisées. Les bureaux tertiaires sont pour la plupart à Paris et Bruxelles vidés de leurs usagers, qui parfois reviennent, en effectif réduit retrouver les locaux pour une journée. La nouvelle génération (18-25 ans), est donc naturellement la tranche actuelle qui sera la plus touchée par les conséquences du coronavirus au travail. Cette génération est totalement connectée aux outils numériques. C’est pourquoi, une enquête a été menée, par mes soins, afin de comprendre comment cette tranche, qui a un fort impact sur la société, ressent les nouvelles mesures de travail qui leurs sont imposées (télétravail et présentiel).

L’enquête vise donc la population travaillant à Paris et Bruxelles, dans des bureaux. L’échantillon est de 28 individus, on retrouve ainsi, 64 % de Parisiens et 36 ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 84 -

% de Bruxellois. L’enquête est concluante quant aux réponses extrêmement proches.

RÉPARTITION DE L'ÂGE DE LA POPULATION 18-25 ans

26-35 ans

36 ans et plus

36 ans et plus 0% 26-35 ans 27%

18-25 ans 73%

Figure 32 : Graphique de la répartition de l'âge de la population. Source : personnelle.

On retrouve donc une population jeune, avec 73 % de 18 à 25 ans et 27 % de 26 à 35 ans. Dans cet échantillon, 85 % n’a pas besoin d’être en présentiel, fournissant un travail uniquement dématérialisé, et grâce aux outils de communication en ligne, il n’est pas essentiel qu’ils soient en contact physiquement avec les autres salariés. On retrouve donc 15 % de l’échantillon qui a besoin de travailler en présentiel. La grande majorité de l’échantillon a repris le travail en présentiel. Reprendre le travail en présentiel n’implique pas que les salariés travaillent tous les jours au siège, on retrouve ci-dessous, la fréquence de travail en présentiel (J signifie jour et P : présentiel) :

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 85 -

FRÉQUENCE EN PRÉSENTIEL POST COVID 40% 35% 30% 25% 20% 15% 10% 5% 0% 1 J P / sem

2 J P / sem

3 J P / sem

4-5 J P /sem

1 sem / 2

Tous les jours

Figure 33 : Graphique de la fréquence du présentiel post COVID. Source personnelle.

Nous nous intéressons maintenant à la morphologie des bureaux. Nous allons essayer de comprendre si la morphologie des bureaux a un impact sur la volonté de travailler en présentiel ou non. On catégorise deux sortes de typologies : -

Les bureaux partagés.

-

Les bureaux individuels.

Seulement 3% travaillent dans des bureaux individuels. 92 % pensent que la

morphologie des bureaux influe sur l’envie de venir travailler au siège. Les autres pensent que ce ne sont pas les typologies qui impactent l’envie et la motivation d’aller travailler en présentiel, mais le trajet (78 % des locaux se trouvent en ville et 22 % en périphérie). Parmi, ceux qui affirment que la morphologie impacte la motivation de venir travailler en présentiel, on retrouve deux sous catégories : -

Un impact positif : 62 % pensent que les locaux partagés permettent une bonne communication avec l’équipe, ils permettent également de retrouver une bonne ambiance de travail.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 86 -

-

Un impact négatif : 38 % pensent que les bureaux partagés représentent un risque de diffusion du virus étant donné la proximité et le port du masque obligatoire est une gêne.

Ainsi, 57 % pensent qu’il est viable d’associer son domicile à son travail, mais

qu’une limite est nécessaire, elle peut être physique comme temporelle. 89 % ne souhaiteraient pas travailler uniquement en présentiel et 92 % ne souhaiteraient pas non plus travailler uniquement en télétravail, ce qui implique que 96 % de l’échantillon souhaiterait jongler entre les deux. L’enquête aboutit sur l’étude d’une fréquence souhaitée, qu’on retrouve ci-dessous (J signifie jour et TT signifie télétravail) :

FRÉQUENCE DE TRAVAIL SOUHAITÉE 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 0 J TT

1 J TT

2 J TT

3-4 J TT

1 sem / 2

/

Figure 34 : Graphique de la fréquence de travail en télétravail. Source personnelle.

On remarque donc un pic sur la fréquence deux jours en télétravail et trois jours en présentiel. Ce modèle ravit plus de 60 % de l’échantillon qui souhaitent avoir une certaine souplesse et liberté d’organisation de leur semaine de travail.

Travailler trois jours en présentiel n’implique pas que l’effectif soit au complet dans les locaux, un roulement est possible. Ainsi, ce rythme est intéressant car il ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 87 -

permet de perpétuer une cohésion dans les équipes et une bonne communication mais aussi d’obtenir une certaine liberté, économie de temps et d’énergie en travaillant en distanciel (néologisme, dérivé de l’anglais distantial). Ce nouveau modèle

de

rythme

de

travail

bouleverse

les

méthodes

« sacrées »

monofonctionnelles. Il fait évoluer les relations d’ancrage et de mobilité, entre physique et virtuel78.

Ces propos sont appuyés par la philosophe spécialiste en management, Julia de Funès. Elle explique que le travail en présentiel est moins performant qu’en distanciel car il est soumis à une pression due à une visibilité omnisciente79. Les salariés agissent comme s’ils étaient vus, observés. Ils sont dans une sorte de comédie, de représentation de l’action de travail, une partie de leur esprit est donc accaparé par cette représentation. Tandis qu’en distanciel, les employés sont libérés des contraintes des entreprises, libérer psychologiquement, puisque les résultats, la performance priment sur l’apparence de travail. Cette méthode de travail en distanciel ne fonctionne seulement d’un commun accord avec l’employeur afin de trouver un équilibre entre la culture d’entreprise et les besoins individuels de chacun. Pour elle, le rythme idéal est d’alterner entre télétravail et distanciel. Un télétravail généralisé n’est pas envisageable, le numérique ne doit pas supplanter le réel. Selon Julia de Funès, le rythme idéal est : un ou deux jours de télétravail par semaine et le reste en présentiel, on tend vers une hybridation.

Ainsi, on se rend compte que les bureaux sont clairement obsolètes pour ce nouveau modèle de travail hybride. Tous ces mètres carrés pouvant accueillir tous les employés, sont-ils encore utiles ? Des locaux réduits permettant un roulement et de faire des réunions ne sont-ils pas simplement suffisant ? Une chose est certaine,

78

Canal Architecture. Construire réversible. Canal Architecture. Paris. 2017, p.51

79

Brut. Podcast : Penser le télétravail avec la philosophe Julia de Funès, 17 juillet 2020.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 88 -

les bureaux d’aujourd’hui ne sont plus compatibles aux besoins d’aujourd’hui et demain. « Et si le bureau n’était plus le meilleur endroit pour travailler ? À condition de ne pas exacerber un nomadisme destructeur, harcelant. Le bureau, l’usine, les lieux d’études ne sont plus des bulles imperméables ; les limites entre maison et travail, loisirs et transports deviennent nettement plus floues. »80

80

Canal Architecture. Construire réversible. Canal Architecture. Paris. 2017, p.5

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 89 -

III. 1. b. Penser l’architecture et l’urbanisme

Suite aux parties précédentes, nous avons pu nous rendre compte des limites des reconversions des immeubles de bureaux obsolètes. À l’origine ces bureaux obsolètes sont des bureaux vacants, si l’on reprend la définition, ces bureaux sont donc inutilisés. Pourquoi le sont-ils ? Généralement cela est dû à un bâtiment qui ne répond plus aux besoins et aux modes de travail actuels, comme vu précédemment avec l’enquête sur la COVID-19 et le télétravail. Mais la reconversion, ici de bureaux en logements, représente une telle complexité. Ces bâtiments vides qui ponctuent la ville, sont comme des points morts et rompent le tissu urbain. Ces points noirs, à cause de leur complexité de reconversion, limite la densification des villes, ce qui encourage alors l’étalement urbain. Mais, les villes ont besoin de bâtiments qui évoluent à mesure que le monde avance.

Un bâtiment ne peut pas avoir qu’une vie, une seule fonction. Les bâtiments développent de telles consommations d’énergies (intellectuelles et physiques), qu’il est de moins en moins concevable de devoir détruire ou reconvertir difficilement des

bâtiments

pour

leurs

donner

un

second

souffle.

Ces

bâtiments

monofonctionnels ne sont pas modulables et sont encore moins l’avenir, ce vers quoi l’urbain aspire. On peut donc se demander pourquoi il n’existerait pas des bâtiments qui puissent évoluer, changer de fonctions, d’usagers beaucoup plus aisément

qu’aujourd’hui ?

Cela

représenterait

une

aubaine

économique,

écologique et urbaine.

C’est sur quoi le cabinet parisien Canal se penche. Ils développent des pensées, des stratégies et des solutions pour « développer des constructions neuves qui à court ou long terme pourront changer de programme, à moindre coût, suivant les besoins de la ville »81. Ce principe se nomme la réversibilité. Canal définit : « Penser réversible », c’est anticiper l’évolution d’un édifice avant même sa

81

Canal Architecture. Construire réversible. Canal Architecture. Paris. 2017, p.3

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 90 -

construction, pour alléger au maximum les adaptations et leur coût, lors de sa transformation82. Dans leur essai : Construire Réversible, ils tentent d’apporter la première pierre à l’édifice de l’élaboration d’un courant de pensées et de champs d’actions. Ce livre est libre d’accès pour tous, permettant de s’approprier les idées et de les faire germer.

Cet ouvrage met donc un point d’orgue sur le fait que les immeubles vacants sont donc la preuve de la nécessité d’avoir dans le parc immobilier des bâtiments capables de subir un changement de destination. La réversibilité paraît être une réponse à des défis durables : économiques, environnementaux et sociaux. Ce procédé indique donc d’avoir une vision à long terme, c’est un engagement sur plusieurs décennies (même si c’est le cas tous les bâtiments), ils sont soumis à d’autant plus d’enjeux que les bâtiments communs. Ils doivent être pensés pour des usages au présent mais également au futur, ils doivent simplifier la reconversion totale ou partielle. La réversibilité c’est rendre la ville mutable83.

Rendre la ville mutable c’est lui laisser l’opportunité d’évoluer. La réversibilité peut rendre à la ville une souplesse, qu’aujourd’hui elle ne connaît guère. Même si actuellement ce principe est encore une hypothèse, il esquisse des lignes favorables vers le développement durable, ce vers quoi les villes tendent d’année en année.

Comme dirait Suzel Brout, architecte : « La durabilité d’un bâtiment est d’abord structurelle ».

82

Canal Architecture. Construire réversible. Canal Architecture. Paris. 2017, p.2

83

« Bureaux vides, logements manquants ? Vers des bâtiments tous usages.» Libération. Sybille Vincendon.

16 juin 2016.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 91 -

III. 2. Une nouvelle architecture pour une ville III. 2. a. Les méthodes

L’agence parisienne Canal, en collaboration avec d’autres multiples acteurs a produit, une charte de bâtiment réversible. Des années d’études ont permis de mettre sur pied une liste de caractères pour définir et bâtir un bâtiment réversible.

Cette étude a engagé plusieurs corps de métiers : architectural, juridique, social et a été effectué en étroite collaboration avec Vinci Construction. Ils présentent donc la méthode Conjugo.

Précédemment, nous avons vu qu’un bâtiment réversible avait donc la capacité de changer de fonction en conservant sa structure primaire. La réversibilité touchera principalement les domaines du logement, bureaux et commerces. Nous avons donc largement remarqué que les normes diffèrent très nettement entre destinations (hauteur, profondeur, largeur, sécurité incendie, besoin en lumière…), les gabarits classiques ne sont pas compatibles d’une fonction à l’autre. Canal a donc procédé à une stratégie de mis en lumière des points de non-concordance pour émettre un compromis dit gratifiant, qui tendent à rendre les fonctions compatibles dans un même gabarit.

Canal a su dégager une définition aboutie d’un bâtiment réversible. Le gabarit de l’immeuble réversible est pensé sur un foncier fictif. C’est une idée et non une réalisation. Ce n’est pas une réponse formelle mais un principe qui est libre à chacun de se réapproprier.

Ainsi, le bâtiment fictif mesure 60 mètres de long sur 13 mètres de large comprenant 6 niveaux (soit R+5). La charte est régie sur 7 principes fondateurs84 :

84

-

Épaisseur (1)

-

Hauteur (2)

Canal Architecture. Construire réversible. Canal Architecture. Paris. 2017, p.36-37

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 92 -

-

Circulation (3)

-

Procédé constructif (4)

-

Distribution des réseaux (5)

-

Enveloppe (6)

-

Doubles niveaux (7)

Figure 35 : Schémas en plan et coupe des 7 principes de la réversibilité. Source : Canal Architecture.

Construire réversible. Canal Architecture. Paris. 2017, p.51

Ces schémas montrent la différence d’aménagement intérieur et de façade entre la typologie bureau et la typologie logement. Deux cages d’escaliers suffisent à la distribution tant des bureaux que des logements. La cage d’escalier sur la façade donne l’opportunité de produire des coursives extérieures et par ce biais de distribuer des logements traversants. Des doubles hauteurs ponctuent le bâtiment offrant soit une mise à disposition de stockage ou de possibilité de duplex par exemple.

Quant aux principes fondateurs, on retrouve en premier lieu :

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 93 -

-

L’épaisseur, fixée ici à 13 mètres, à l’origine les bureaux trouvaient une épaisseur d’environ 18 mètres, avec une bande centrale, contre 15 mètres environ pour les logements. Cette épaisseur incite à avoir des plateaux plus flexibles et d’éviter les couloirs distributifs, ce qui limite ainsi les logements mono-orientés. Les logements à multiples orientations sont gratifiants dans une opération, tant en termes de confort que de durabilité (avec une ventilation traversante).

-

La hauteur d’étage, est définie à 2,7 mètres de haut. On retient une hauteur moyenne pour les bureaux à 3,3 mètres et 2,5 mètres pour les logements.

Ainsi, ces dimensions équivalent à 20 centimètres de plus pour les logements et une réduction de 60 centimètres pour les bureaux. Ces modifications dimensionnelles impliquent indépendamment un gain de confort, de lumière pour l’un et pour l’autre des faux -plafonds et faux-planchers sont évités. En effet, grâce à la suppression des faux-plafonds pour les bureaux, l’immeuble est densifié verticalement, car à partir du quatrième étage, un étage est gagné (60 x 4 = 240 cm, globalement un étage). Ce bénéfice est non négligeable et permet une économie et un gain général dans l’opération.

Figure 36 : Schéma de comparaison des hauteurs entre les trois typologies de bâtiments.

Source : Canal Architecture. Construire réversible. Canal Architecture. Paris. 2017, p.38

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 94 -

-

La circulation : lorsque que l’ossature est réglée, il faut s’atteler aux normes de sécurité, telles que celle de l’incendie. On sait que les bureaux et les logements fonctionnent différemment en terme de sécurité incendie. Le problème de comptabilité est solutionné par une « placette » extérieure (positionnée sur chaque palier) contenant les escaliers et les ascenseurs. Cet espace correspond alors à une issue de secours. Celle-ci pour les logements doit être à une distance maximum de 15 mètres tous azimuts contre 40 mètres pour des bureaux. Naturellement les issues de secours se trouvent à 15 mètres, répondant aux deux fonctions.

Les circulations, dites placettes sur chaque palier, contiennent les éléments de circulations verticales mais également des gaines techniques, qui sont tous alors protégés car la placette est couverte. Ainsi, une fois la réversibilité enclenchée, les éléments techniques verticaux ne sont pas impactés étant donné leur positionnement sur le palier.

Figure 37 : Perspective mettant en exergue l'aménagement des noyaux de circulation. Source : Canal Architecture. Construire réversible. Canal Architecture. Paris. 2017, p.38

Ces placettes jouent un rôle d’accessibilité aux plateaux pour les bureaux et aux portes palières des logements. Ces noyaux de circulation sont appuyés

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 95 -

par des coursives extérieures qui d’une part acheminent aux autres portes palières (offrant la possibilité de logement traversant et d’un espace bonus) mais servent également de terrasses pour les bureaux (permettant des réunions informelles, de prendre une pause à l’extérieur sans être obligé de descendre au rez-de-chaussée).

-

Procédé constructif : le bâtiment réversible est soumis au système constructif poteaux/dalles, comme présenté dans le I.1.a, ce système permet d’obtenir une grande liberté d’aménagement intérieur. La dalle a une épaisseur de 22 centimètres et les poutres sont noyées dedans, offrant une sous-face nue. De plus, le plafond libre avantage l’inertie thermique. Rappelons que l’épaisseur du bâtiment est de 13 mètres, une seule file de poteaux intermédiaires est alors utile. On retrouve donc des grandes portées de plus de 7,5 mètres, car le poteau est légèrement décentralisé, ce qui offre donc une fois du plus une grande liberté d’aménagement. Le pas longitudinal est également fixé à 7,5 mètres étant donné que la façade est réglée à 1,5 mètres.

Figure 38 : Dimensionnement de la trame d'un immeuble réversible.

Source personnelle.

-

Distribution des réseaux : comme vu dans le I.2.a, les gaines techniques sont verticales et pour la plupart gravitaires. Nous avons vu que les colonnes techniques étaient à proximité des escaliers et ascenseurs, sur le palier, ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 96 -

comprenant les fluides (eaux, air, courant fort, courant faible…). La diffusion de ces réseaux au sein des plateaux est possible par la connexion ponctuelle aux colonnes verticales. En partant d’un point commun, les réseaux (connectique, aéraulique et câblage) se regroupent à l’intérieur formant une dorsale filante et centrale. Cette file très accessible est relayée en peigne par des antennes mobiles, ainsi les postes seront toujours disponibles à être modifiés. Quant aux logements, ils sont régis par le même principe. Les éléments qui diffèrent pour les logements sont les pièces humides, elles sont cependant pensées pour être alignées sur un axe et ce pour faire filer des gaines gravitaires d’étage en étage. La structure de la dalle permet de faire des percements sans reprise de charge. Les réservations sont déjà effectuées.

Figure 39 : Transformation d'aménagement intérieur. De bureaux à logements. Source : Canal Architecture. Construire réversible. Canal Architecture. Paris. 2017, p.41

-

Enveloppe : en s’inscrivant dans un nouveau système architectural, à consonance hybride, les façades ne décrivent plus une typologie précise. La façade devient alors générique, convenant à tous types de destinations en assurant les performances énergétiques. Cependant, la typologie de façade doit pouvoir convenir aux exigences des logements tant à des bureaux. Ici, ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 97 -

Canal développe un système de façade se déclinant de cette manière : « La vêture de la façade est dressée sur une ossature bois, protégée par un complexe de composants. Les matériaux apparents, exposés à la lumière, offrent une variété de finitions »85. Ainsi, en cas de mutation, c’est seulement 30 % des composants la façade qui seront amenés à être modifiés.

Généralement, ce sont simplement des modules d’accès aux façades qui demandent à être remplacés. Une reconversion dans un immeuble réversible s’apparente plus à des interventions de second-œuvre. Le coût d’une reconversion par un immeuble réversible est estimée à un surcout de 20 %86

-

Doubles

niveaux :

comme

définit

précédemment,

cette

typologie

d’immeuble réversible est à s’approprier dans une écriture architecturale plus personnelle et à intégrer dans un contexte urbain. C’est pourquoi, il faut initier une relation à l’urbain au rez-de-chaussée, cela peut passer par le biais de mettre en évidence le seuil grâce à une double hauteur au rez-dechaussée pour des bureaux ou commerces, afin de créer un socle dynamique. Cette double hauteur peut également apporter des avantages en logements permettant d’obtenir un confort de maison donnant sur le jardin, par exemple. On peut également retrouver cette mouvance de villa en toiture. Ainsi, l’agence Canal laisse libre cours l’appropriation de leur essai.

85

Canal Architecture. Construire réversible. Canal Architecture. Paris. 2017, p.42

86

« Les immeubles réversibles : il faudra du temps pour passer de la théorie à la pratique ». Les échos.

Marie Bidault. 30 novembre 2016.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 98 -

Figure 40 : Possibilité d'aménagement du volume capable. Source : Canal Architecture. Construire réversible. Canal Architecture. Paris. 2017, p.43

Évidemment la modularité ne s’applique uniquement pas au stade architectural isolé du bâtiment, mais également à son gabarit dans le milieu urbain.

Un bâtiment réversible peut être sous forme de plot, de barre ou d’îlot. Un bâtiment réversible doit anticiper par sa forme les fonctions et usages à venir. La réversibilité est une promesse à l’avenir.

D’autres acteurs comme Bouygues Immobilier en collaboration avec R&D, ont développé ce concept avec Office Switch Home ou encore le principe « d’immeuble à destination indéterminée » par Icade et l’architecte Anne Démians.

La réversibilité ne date pas d’aujourd’hui. En effet, Le Corbusier en 1914 avait déjà développé un principe générique, nommé Dom-Ino. Pour pallier la reconstruction d’après-guerre en Flandres, il propose un système unique en béton qui remplirait la fonction de logement, qui pourrait être démultiplié. Le Corbusier développe une ossature composée de poteaux, de dalle et d’escaliers. Le système est déconnecté des plans de la maison. C’est une structure répondant à des usages

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 99 -

hybrides. Cependant, elle est destinée à du domestique. L’aménagement hybride permettait une multiplicité de combinaison d’aménagements87.

Figure 41 : Maquette de principe du Dom-Ino, Le Corbusier, 1914. Source : http://www.fondationlecorbusier.fr

Ce module répété pouvait obtenir cette morphologie :

Figure 42 : Croquis du Corbusier représentant un quartier de logements. Source : http://www.fondationlecorbusier.fr

87

http://www.fondationlecorbusier.fr

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 100 -

Néanmoins, penser que la réversibilité aujourd’hui est une solution miracle est utopique. Comme dans tous les cas de figures, des freins se manifestent. Des aspects financiers et administratifs ralentissent la pratique : -

Une TVA non récupérable pour les immeubles de logements.

-

Un permis de construire qui est délivré pour une destination unique88.

Selon Hervé Manet, président du directoire Héracles Investissement : « Les aspects réglementaires et fiscaux sont des questions d'adaptation, pour lesquelles des solutions seront trouvées […] Il faudra en revanche un long travail de conviction pour aboutir à la création d'un "permis mixte" car les obligations sont aujourd'hui très différentes... ». Ainsi, la réversibilité est un projet d’avenir, des efforts seront encore à fournir pour offrir une ville plus durable qui se meut à la vitesse du développement.

Selon José Ibanez, avocat associé au sein du cabinet LVI, la priorité est « la réversibilité des droits à construire ». Créer un permis en deux temps faciliterait un changement de destination89, un temps un permis de construire structure et second temps un permis de construire destination. L’agence parisienne Canal Architecture, a développé un projet réversible sur Evry, utilisant un nouveau permis sans affectation, pour le Village olympique. L’État développe une loi test : JO 2024 (mars 2018), qui correspond à un permis à double détente pour des destinations pendant et après les Jeux Olympiques à Paris en 202490.

Marc Bertrand, Président de La Française Real Estate Managers, manifeste sa réticence : « Il y a des freins partout. Et nous n’avons pas encore assez de recul pour voir les éventuelles économies d’une conversion en logements. »91

88

« Les immeubles réversibles : il faudra du temps pour passer de la théorie à la pratique ». Les échos. Marie

Bidault. 30 novembre 2016.

89

« Les immeubles réversibles : il faudra du temps pour passer de la théorie à la pratique ». Les échos. Marie

Bidault. 30 novembre 2016.

90

Challenges, 06.12.2019, Transformer des bureaux en logements ? Pas si simple.

91

Challenges, 06.12.2019, Transformer des bureaux en logements ? Pas si simple.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 101 -

En effet, ce qui manque de visibilité c’est la stratégie d’investissement. Les investisseurs doivent se positionner sur la durée. Selon Fabrice Bonnifet92, directeur développement durable du groupe Bouygues, « aujourd’hui, la stratégie d’investissement est la seule limite de ces projets. Si l’investisseur est purement spéculatif et veut revendre son bien après trois ans, le surcoût généré par une conception plus sophistiquée n’aura pas beaucoup de sens pour lui. Par contre, s’il a comme objectif de conserver les biens sur le long terme, il s’y retrouvera à tous les coups ». Ainsi, on peut dire que le meilleur investissement est sur le long terme, il permet d’amortir les coups mis en place pour la reconversion.

Cependant concernant la rentabilité, la méthode Conjugo propose de pallier la nouvelle compacité des bureaux (passer de 18 mètres à 13 mètres) par une diminution de la hauteur sous plafond (3,3 mètres à 2,7 mètres), permettant de gagner un niveau à partir du quatrième étage. De plus, le rééquilibrage financier, tient compte d’une optimisation des coûts d’adaptation de sécurité incendie en proposant de positionner les circulations à l’extérieur du bâtiment93.

92

Challenges, 06.12.2019, Transformer des bureaux en logements ? Pas si simple.

93

AMC, n°262 Septembre 2017, p. 57

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 102 -

III. 2. b. Les exemples de bâtiments réversibles

Les développeurs comme Canal et Vinci Construction ou Anne Démians et Icade, investissent pour faire sortir de terre des bâtiments réversibles. C’est donc depuis peu, que les villes se voient pourvues de ce type d’édifice. Le recul est donc trop peu important pour avoir une idée de l’impact réel positif ou négatif.

Anne Démians et le maître d’ouvrage Icade, ont développé une opération de grande envergure nommée à Strasbourg sur la presqu’île Malraux, nommée Black Swan. Le projet mixte et réversible comprend 3 bâtiments, de type paquebot, représentant 40 000 mètres carrés. Les édifices reprenant la forme de cygne ont été livrés en 2019.

Ce projet est un des rares à avoir déjà connu une réaffectation, en effet le concours prévoyait initialement des bureaux qui sont devenus des logements en phase de réalisation (dont une résidence sénior, étudiante et un hôtel).

Pour tenir le budget établit à 55 millions d’euros hors taxe, le projet a été industrialisé et à chercher à obtenir une répétition. Pour cela, le projet s’inscrit dans une réalisation massive. Black Swan propose une double peau en aluminium, plus ou moins élargie et resserrée permettant de produire soit une coursive d’entretien pour des bureaux ou un balcon ou loggia pour des logements. Cette double peau fait office de garde-corps comme de brise-soleil ou encore de filtre.

Le bâtiment fait une épaisseur de 19 mètres pour 2,90 mètres sous plafond.

La trame est de 2 x 0,74 mètres (correspondant à la largeur d’un panneau de façade).

La trame définit donc les fonctions internes. En effet, une règle a été posée qui détermine le nombre de trame pour la fonction, ainsi 4 trames correspondent à un bureau ou une chambre et 6 trames suffisent à un séjour. De ce fait, « En la

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 103 -

reproduisant 9 fois on obtient la trame générique de la façade de 6,66 mètres » Anne Démians94.

Figure 43 : Vue générale montrant la forme de cygne. Source : https://www.annedemians.com/projets/black-swans/

Figure 44 : Photographie mettant en exergue la double peau. Source : https://www.annedemians.com/projets/black-swans/

94

Le moniteur, Le bâtiment réversible, programmé pour muter, 9 mars 2018.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 104 -

À Lyon, le quartier Confluence est en pleine expansion. Deux projets réversibles sont sortis de terre très récemment, un de David Chipperfield et un de Diener & Diener et Clément Vergély, suivant le master plan d’Herzog & de Meuron.

L’édifice de Chipperfield se nomme Work #1, sera livré fin 2020. Il met en pratique le concept Office Home Switch développé par Bouygues Immobilier et R&D. Le bâtiment est composé de 8 étages, représentant 5 442 mètres carrés. Work #1 est pensé pour la première partie de sa vie comme des bureaux et pourra aisément se convertir en logements dans les années futures95. Le bâtiment présente une façade très sobre, comprenant des loggias déjà intégrées qui rendront aisée le changement de destination, apportant également une plus-value aux bureaux. La façade met en exergue également le procédé constructif : béton. Le système structurel est : poteau plancher dalle béton comprenant des faux-plafonds pour passer tous les réseaux. Ainsi la hauteur sous plafond passe de 3,3 mètres à 2,7 mètres.

Figure 45 : Work #1 depuis le Rhône. Source : Vue générale de l'opération, montrant la forme des cygnes. Source : https://www.annedemians.com/projets/black-swans/

95

https://www.le-tout-lyon.fr/linkcity-innove-avec-un-batiment-reversible-a-la-confluence-9678.html

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 105 -

Comme énoncé plus haut, un autre projet réversible a été érigé en 2017, conçu par Diener & Diener et Clément Vergély. Le bâtiment comprend neuf étages avec un programme mixte où le rez-de-chaussée est investi par des commerces, six étages sont logements en accession et les deux derniers niveaux sont des bureaux96. Évidemment, les destinations peuvent évoluer. Ce réaménagement est possible par une série de poteaux en périphérie, des noyaux de circulations et trois poteaux intermédiaires portant les planchers béton-bois. La hauteur sous plafond est de 2,85 mètres. Les deux cages d’escaliers sont situées en façade arrière, bénéficiant d’un éclairage naturel. L’épaisseur du bâtiment est donc de 19 mètres avec les balcons filants sur les deux versants, donnant une épaisseur intérieure de 14,20 mètres, la longueur est d’environ 50 mètres. La façade légère en bois développe le balcon comme obstacle au feu (règle du C+D), ainsi les fenêtres peuvent être placées sans contrainte. A l’avant, des colonnes torsadées en béton et une double hauteur cernent le bâtiment lui offrant une identité forte. Ces caractéristiques architecturales permettent de compenser les standards du tertiaire comme la trame de 1,35 mètres.

Figure 46 : Façade de l'îlot B2. Source : http://www.vergelyarchitectes.com/ilot-b2-lyon-confluence/

96

AMC, n°262, septembre 2017

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 106 -

Figure 47 : Plan courant de l'aménagement des bureaux. Source : AMC, n°262, septembre 2017.

Figure 48 : Plan courant de l'aménagement de logements. Source : AMC, n°262, septembre 2017.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 107 -

Le bâtiment de LAN se situe à Paris au XVIIème arrondissement. Ce projet est une ode à l’architecture haussmannienne. En effet, destinée à des logements, cette typologie a déjà su démontrer sa capacité à changer de nature : bureaux, commerces, écoles… Cette aisance est due à une morphologie présentant une flexibilité comme une structure claire, un rez-de-chaussée ouvert, un rythme et une richesse d’ouverture, une hauteur d’étage variable, une juste épaisseur et une forte compacité97. Ainsi, LAN s’inspire du savoir des bâtiments anciens.

Le lot 4.2, est composé de huit niveaux d’une hauteur de 3,2 mètres de haut.

L’immeuble est mixte, il est investi au rez-de-chaussée par du commerce, afin de se connecter à l’urbain, et les étages supérieurs ont des fonctions mixtes : logements et bureaux, sur les mêmes niveaux.

Figure 49 : Photographie du lot 4.2 dans son contexte. Source : https://www.lan-paris.com/fr/projects/paris-xvii#text

97

LAN, Dossier de presse, février 2015, p.1

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 108 -

Le bâtiment est stabilisé par un noyau central (comprenant les circulations) et une façade porteuse. La trame générale reprend celle des bureaux : 1,35 mètres. La façade intègre des loggias. De ce fait tous les logements bénéficient d’une loggia, offrant également un confort thermique et d’usage. Les appartements sont donc très qualitatifs grâce à des larges baies. 40 logements allant du studio au T5 duplex sont créés.

Figure 50 : Coupe et plans perspective montrant les usages. Source : https://www.lanparis.com/fr/projects/paris-xvii#text

La façade est très sombre et contemporaine, elle suggère que très peu de matériaux : béton poli et lasuré noir, aluminium laqué noir pour les menuiseries et verre. Ici la sobriété est gage de pérennité. La façade est rythmée, alternant entre plein et vide, opaque et transparence, noir et verre. Un bandeau filant vient souligner les étages importants comme dans les immeubles haussmanniens.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 109 -

Figure 51 : Photographie mettant en exergue la façade. Source : https://www.lanparis.com/fr/projects/paris-xvii#text

Le bâtiment s’intègre et s’adapte à tous les niveaux : -

Au tissu urbain en reprenant les codes haussmanniens et à la morphologie parcellaire,

-

Au temps grâce à son écriture sobre et intemporelle,

-

Aux usages au moyen de la réversibilité.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 110 -

Les bâtiments sont dotés de fonctions mixtes, notamment bureaux et logements. Les édifices garantissent donc l’usage des deux. Ainsi les caractéristiques des logements et des bureaux sont intégrées dans la typologie, offrant donc une plus-value pour l’un comme pour l’autre : les logements sont très ouverts et les bureaux bénéficient d’espaces extérieurs, pour exemple.

Ce florilège de projets réversibles démontre que la réversibilité n’est pas synonyme d’hybridation de la ville. Les morphologies et les façades ont une écriture variée suivant les caractéristiques du tissu urbain. Cependant, les bâtiments doivent adopter une mentalité de sobriété garantissant sa pérennité esthétique. Les édifices se doivent d’être avant-gardes car ils dialogueront avec l’urbain sous plusieurs langages.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 111 -

CONCLUSION La reconversion des immeubles de bureaux en logements signe un défi à deux temps : cette méthode pallie la pénurie de logement d’aujourd’hui et produit des logements pour la nouvelle population de demain. Ce système est viable tant que le stock existe. Ce stock est épuisable car tous les immeubles bureaux ne sont pas bons à reconvertir. Mais dans les temps à venir, le stock continuera à s’agrandir à mesure que les méthodes de travail évoluent et que le travail se domicilie, rendant alors les immeubles de bureaux obsolètes ou bien trop nombreux et vastes pour les besoins. En effet, nous avons vu que les modes de travail peuvent être bousculées très rapidement. La pandémie mondiale du coronavirus a été un des exemples de crise sanitaire qui a ancré le processus de télétravail (lorsqu’il l’était possible), jusqu’à lors peu développé dans le système d’entreprise. Cette crise marque les esprits et cette nouvelle méthodologie restera très certainement une des plus favorisée, faisant alors trembler le marché d’immobilier d’entreprise.

La reconversion s’inscrit donc dans une boucle de durabilité. Ce réemploi d’immeubles vacants est nouvelle fois un défi à deux échelles, d’une part à l’échelle urbaine en limitant l’étalement urbain, fléau de la ville durable. Ce système contrebalance l’étalement en densifiant les villes. D’autre part, le défi durable se retrouve à l’échelle du bâtiment, en réduisant drastiquement l’énergie grise.

La reconversion est une solution d’urgence en somme et présente de nombreuses contraintes pour être finalisée. D’une part, le projet mérite d’être longuement étudier pour juger la capacité, qu’elle soit structurelle, sanitaire, thermique ou financière, du bâtiment à être reconverti. Le côté juridique complexifie également le traitement. En effet, la reconversion est relativement une nouvelle méthode, les textes de loi ne sont pas encore au clair sur le sujet. Mais des éveils, comme Action Logement font que les réglementations bougent. Des nouvelles lois comme, la loi ELAN en France, promeut la reconversion et tente d’assouplir les textes en vigueur. Le juridique n’est pas le seul frein, l’aspect financier fait reculer les ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 112 -

investisseurs, même si certains promoteurs et bailleurs deviennent experts et trouvent leur rentabilité. Les immeubles de bureaux le plus reconvertis sont ceux des années 60-70. À cette époque étaient utilisés des matériaux aujourd’hui reconnus néfastes pour la santé, comme l’amiante, ces derniers ralentissent les chantiers et gonflent le budget. La réglementation de la sécurité incendie entre des bureaux et des logements est différente, dégageant alors une complexité de remise aux normes. La remise aux normes ne touche pas que la sécurité incendie mais également les normes thermiques, demandant aux bâtiments de respecter les nouveaux objectifs énergétiques. Ces difficultés font partie intégrante de la reconversion, représentent un enjeu à plusieurs niveaux et peuvent faire froid aux dos des investisseurs.

De plus, le réemploi permet de sceller un nouveau dialogue avec le tissu urbain. Les immeubles de bureaux des années 60-70 sont souvent situés dans des quartiers dédiés à cette fonction, en apportant une nouvelle destination, les quartiers deviennent mixtes. Actuellement, la mixité est de plus en plus recherchée dans les villes. En effet, une rupture de pensée d’urbanisme se crée, entre la ville d’hier des années 70 binaire avec la ville d’aujourd’hui mixte. La mixité apporte une dynamique et un brassage au sein de la ville.

Nous avons étudié la reconversion des immeubles de bureaux en logements, mais ce procédé s’applique à d’autres natures d’édifices. Tous les points morts d’une ville sont bons à être examinés. Les bâtiments vacants pullulent dans les villes comme des friches industrielles, des entrepôts, des écoles… Le sujet étudié est recentré sur les immeubles de bureaux mais de nombreuses reconversions ont déjà été menées à bout sur des bâtiments de fonction différente. La reconversion dans le sens bureaux, logements n’est donc pas la seule solution.

Cependant, la reconversion soulève des questions quant au patrimoine. Cet acte a souvent de très forts impacts sur les façades et donc sur l’identité. Les bâtiments sont les témoins du temps et du savoir-faire. Des défenseurs sont totalement contre cet engouement de reconversion, car elles sont destructrices ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 113 -

d’histoire et de patrimoine. Mais des questions de priorités sont ouvertes, faut-il préserver le patrimoine ou densifier les villes ? La question est extrême mais généralise la problématique.

Le thème mettait en parallèle deux capitales européennes à fort rayonnement : Paris et Bruxelles. Nous constatons que Bruxelles a une idéologie durable plus ancrée, sur la frise chronologique, que Paris, où les reconversions sont plus anciennes. Juridiquement il est difficile de se positionner sur quel État est le plus favorable aux réemplois, mais là n’est pas la question. L’enjeu était de toucher du doigt des mentalités, des théoriciens ou investisseurs qui diffusent l’idée de reconversion. Nous pouvons considérer Bruxelles comme pionnier, en affirmant leur identité durable. La capitale européenne a certainement transmis son souffle et ses ambitions dans le vieux continent.

La complexité du système de reconversion nous fait prendre conscience que nos villes sont obsolètes et inadaptées aux changements. La reconversion n’est pas une solution viable, et n’est pas non plus l’unique solution pour densifier les villes, limiter l’étalement urbain, loger la nouvelle population et rendre les villes durables.

Les villes actuelles sont difficilement mutables. C’est pourquoi des architectes, urbanistes ont mis sur pied des théories, des méthodes de bâtiments réversibles, qui pallieraient l'obsolescence progressive des villes. Les modes de vie et les usages évoluent très rapidement et la ville doit être en capacité de les absorber. La réversibilité offre donc l’opportunité aux villes de pouvoir se réinventer beaucoup simplement qu’aujourd’hui, grâce à une structure, une trame et une façade communes adaptées à plusieurs destinations. Ce procédé fait adhérer les villes à une durabilité en leurs permettant de s’inscrire dans un schéma circulaire, de réutilisation.

L’énergie

grise

lors

d’un

changement

de

destination

est

considérablement réduite, car sont effectués des travaux exclusivement de gros œuvre, grâce à cette ossature hybride.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 114 -

De plus, la structure unique apporte des conforts d’usage à toutes les destinations : des balcons pour des bureaux et des grands volumes et larges baies pour les logements.

Néanmoins, le danger de la réversibilité est de faire tomber les villes dans une hybridation. De plus, les réglementations pour cette nouvelle typologie sont encore récentes et doivent encore être approfondies et étudiées, afin de promouvoir cette architecture.

Enfin, la reconversion d’immeubles de bureaux en logement est un défi pour aujourd’hui mais sa petite sœur la réversibilité en est un pour demain.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 115 -

BIBLIOGRAPHIE -

Ouvrages

LASSERRE Christian, LACONTE Pierre, BÖHLKE Anders, DOOREMAN Béatrice.

Bureaux du passé, habitants du présent. La transformation d’immeubles de bureaux en Région de Bruxelles-Capitale. AATL. Bruxelles Capitale. 2013. 146p.

RAMBERT Francis. Un bâtiment combien de vies ? La transformation comme acte de création. Silvana Editoriale/Cité de l'architecture & du patrimoine. Paris. 2015. 336p.

DEMEUTER Pierre, DOORNAERT Alain, HANSSENS Bart, BOSWELL Ralph.

Observatoire des bureaux, vacance 2016 à Bruxelles et zoom sur le Quartier Midi.

N°37. Perspective.brussels. Bruxelles. 2017. 28p.

Observatoire des bureaux, état des lieux 2016, 2017 et pipeline. Sous la direction de HYS Gert. N°38. Perspective.brussels. Bruxelles. 2019. 80p.

Observatoire de Bureaux de Paris. 2014.

Canal Architecture. Construire réversible. Canal Architecture. Paris. 2017. 51p.

Canal Architecture. Transformation des situations construites. Canal Architecture.

Paris. 2020. 178p.

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 116 -

ING. Rapport d’enquête - Plus de logements en Belgique grâce à la reconversion, Bruxelles. 2018. 40p.

-

Revues

A+, A+270. Février Mars 2018.

AMC, n°262. Septembre 2017.

Les Annales de la Recherche Urbaine. Renouvellement urbains. Le cas d’Île de France. ARU n°97. Avril 1997 Dossier de presse. LAN Architecture. Paris XVIIème. 2015.

Communiqué de presse. Lobojoy & Bouvier & Boisseau. Paris XIXème. 2016.

-

Podcast

Brut. Podcast : Penser le télétravail avec la philosophe Julia de Funès, 17 juillet 2020.

-

Articles Web

« Les immeubles réversibles : il faudra du temps pour passer de la théorie à la pratique ». Les échos. Marie Bidault. 30 novembre 2016. https://www.lesechos.fr/2016/11/immeubles-reversibles-il-faudra-du-temps-pour-passer-de-la-theorie-ala-pratique-234046

« Bureaux vides, logements manquants ? Vers des bâtiments tous usages ».

Libération. Sybille Vincendon. 16 juin 2016. https://www.liberation.fr/france/2016/06/16/bureaux-vides-logements-manquants-vers-des-batimentstous-usages_1459691

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 117 -

« 1,7 milliards d’euros pour transformer des bureaux vides en logements ». Les échos. Elisa Dicharry. 3 mars 2020. https://www.lesechos.fr/industrie-services/immobilier-btp/immobilier-17-milliard-deuros-pourtransformer-des-bureaux-vides-en-logements-1181300

« Immobilier : il n'y a pas de « bulle » en Île-de-France mais une pénurie de logements » Les Echos. Elsa Dicharry. 27 février 2020 https://www.lesechos.fr/industrie-services/immobilier-btp/immobilier-il-ny-a-pas-de-bulle-en-ile-defrance-mais-une-penurie-de-logements-1180193

« Transformer des bureaux en logements ? Pas si simple. » Challenges. 6 décembre 2019. https://www.challenges.fr/immobilier/transformer-des-bureaux-en-logements-pas-si-simple_688333

« Le bâtiment réversible, programmé pour muter ». Le moniteur. 9 mars 2018. https://www.annedemians.com/parution/batiment-reversible-programme-muter/

« Transformer le bâti est réjouissant » Patrick Rubin, architecte, cofondateur de l'atelier canal. Le Moniteur. Marie-Douce Albert. 11 septembre 2019. https://www.lemoniteur.fr/article/transformer-le-bati-est-rejouissant-patrick-rubin-architectecofondateur-de-l-atelier-canal.2103214

« Des logements pour un plateau ». Le Moniteur. Jacques-Franck Degioanni, MarieDouce Albert, Milena Chessa, Christiane Wanaverbecq et Bertrand Verfaillie. 1 février 2019. https://www.lemoniteur.fr/article/des-logements-sur-un-plateau.2017955

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 118 -

« Transformer des bureaux en logements reste complexe, malgré les incitations de la loi ELAN ». Le Moniteur. Marie-Noëlle Frison. 25 mars 2019 https://www.lemoniteur.fr/article/la-transformation-de-bureaux-en-logements-reste-complexe-malgre-lesincitations-de-la-loi-elan.2028950

« Des bureaux reconvertis en logements ». Les Echos. Marion Kindermans. 9 novembre 2016. https://www.lesechos.fr/2016/11/des-bureaux-reconvertis-en-logements-226970

« Immobilier : coup d’accélérateur pour la transformation de bureaux vacants en logements ». Les Echos. Elsa Dicchary. 20 novembre 2019. https://www.lesechos.fr/industrie-services/immobilier-btp/immobilier-coup-daccelerateur-pour-latransformation-de-bureaux-vacants-en-logements-1149250

« À Charenton-le-Pont, le bureau se (re)convertit ». Le Moniteur. JacquesFranck Degioanni. 15 septembre 2016. https://www.lemoniteur.fr/article/a-charenton-le-pont-le-bureau-se-re-convertit-au-logement.1307449

« Carte blanche : À Bruxelles, quand la qualité du logement baisse, son loyer monte ». Le Soir. 24 juillet 2019 https://plus.lesoir.be/238251/article/2019-07-24/carte-blanche-bruxelles-quand-la-qualite-du-logementbaisse-son-loyer-monte

-

Sites Web :

https://www.le-tout-lyon.fr/linkcity-innove-avec-un-batiment-reversible-a-laconfluence-9678.html https://www.cartefinancement.com/portfolio/la-loi-elan-facilite-la-transformationde-bureaux-en-logements/

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 119 -

https://total.direct-energie.com/particuliers/parlons-energie/dossiersenergie/comprendre-le-marche-de-l-energie/qu-est-ce-que-l-energie-grise http://www.baeb.eu/projects/housing-bs/ https://lbb-architecture.com/portfolio/logements-boulevard-macdonald-paris https://www.exemagazine.fr/transformation-vertueuse-a-charenton-le-pont-parmoatti-riviere-a941 https://www.moatti-riviere.com/projets/logement/90-logements-bureauxcharenton-pont-94 https://www.desamiantage.org/le-desamiantage.html www.logic-immo.com www.gouvernement.fr http://www.fiscalonline.com/Les-locaux-inutilises-ou-vacants,8287.html www.innovapresse.com www.immoz.info energieplus-lesite.be postwarbuildingmaterials.be http://www.fiscalonline.com/Les-locaux-inutilises-ou-vacants,8287.html https://www.lecourrierfinancier.fr/partenaires/novaxia http://cogetrad.com/curage-batiment-definition/

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 120 -

ENSAM – Mémoire Master – FASCIALE Pauline – 2020/2021 - 121 -