SOCIALISTES N°62 mai-juin 2013 M e n s u e l d u pa r t i s o c i a l i s t e vau d o i s
SOMMAIRE
E D I TO R I A L
point VD p. 2 Presse romande p. 7 Institutions politiques vaudoises point d’orgue p. 3-6 Emplois et salaires point d’exclamation p. 8 Élucubrations printanières d’un politornithologue
FACE AUX SALAIRES DE RIEN Arnaud Bouverat
JAB 1000 Lausanne 1
secrétaire général, Lausanne
Le tabou bien helvétique sur les salaires va-t-il enfin se briser ? Dans une étude publiée fin avril, l’USS met en évidence l’augmentation des écarts salariaux depuis les années 90. Et la démonstration est édifiante. Alors que l’on imposait à la majorité de la population de se serrer la ceinture, les plus hauts salaires ont augmenté de 30% entre 1994 et 2010. Une réalité qui n’est de loin pas partagée par l’immense majorité des salarié-e-s plus modestes. Les écarts entre le salaire médian et les plus hauts salaires sont passés d’un rapport de 1 à 6 en 1984 à 1 à 43 en 2011. Pendant que les élites se régalent, 11.8% des salarié-e-s vivent avec un salaire inférieur à 4000 francs par mois, menaçant de précarité des salarié-e-s travaillant pourtant à plein temps. Pendant des décennies, on a misé sur le partenariat social pour imposer des salaires minimaux, branche par branche. Avec un peu moins de 50% des salarié-e-s soumis à une CCT (91% en Suède, 80% au Danemark), le partenariat social stagne en Suisse. Et ce n’est pas faute des efforts des syndicats. Les odes au partenariat, refrain patronal, ne se traduisent de toute évidence pas dans les actes. C’est dans ces conditions que le recours à la démocratie directe s’impose fin 2013 et début 2014 pour réduire les écarts salariaux et introduire des salaires minimaux sur le plan légal. Une démarche d’autant plus utile que la libre circulation des personnes n’est concevable qu’avec une meilleure protection des salarié-e-s, de leurs revenus mais aussi de leurs droits en tant que tels. Parce que le combat pour des salaires décents s’inscrit dans une campagne plus large pour davantage de droits pour les salarié-e-s. Les écarts de rémunérations ne seraient pas aussi élevés si les revendications salariales étaient mieux entendues, si les droits syndicaux étaient mieux garantis par la loi et si la participation effective des salarié-e-s à la marche des entreprises n’était pas qu’un slogan cantonné dans les brochures en papier glacé des départements des ressources humaines. L’air de rien, les dirigeants et propriétaires d’entreprise ont, dans une très traditionnelle logique capitaliste, mené depuis la fin des Trentes Glorieuses une politique actionnariale et salariale à leur plus strict profit. Ils se sont servis, et ont offert en parallèle des salaires de rien aux salarié-e-s les plus fragilisés. C’est face à cette irresponsabilité sociale que les initiatives communes du PS et des syndicats sur les salaires s’imposent comme urgentes et nécessaires pour juguler les inégalités.