LA REVUE DE PALAIS DES THÉS

Numéro 94 Hiver 2025

LA REVUE DE PALAIS DES THÉS
Numéro 94 Hiver 2025
Ludovic Denoulet
Directeur Retail France
En couv Ertur E
Au fil des étapes de manufacture, les feuilles de thé développent leur complexité aromatique.
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Infuser des céréales comme l’orge et le sarrasin est une pratique qui date de plusieurs siècles en Asie.
S’il est une chose à laquelle nous tenons particulièrement, c’est à vous accueillir en vous offrant une tasse de thé lorsque vous passez le pas d’une de nos boutiques. Pourquoi ? Car chacune de ces tasses est synonyme de convivialité, de partage, d’échanges, de sourires, de découvertes, et de riches conversations ainsi commencées. Mais peut-être et surtout d’un instant réconfortant à s’accorder, quelle que soit la raison de votre visite !
Nous souhaitons que chacun de vos passages soit unique. C’est pourquoi chaque matin, nos Tea Sommeliers sélectionnent le thé qu’ils souhaitent vous faire découvrir. Un moyen de vous donner à voir et à déguster le meilleur du thé, et de partager leur passion avec vous.
Notre mission est finalement de vous transmettre le goût du thé et de vous accompagner dans votre exploration de cette boisson, avec simplicité, générosité et curiosité.
Ainsi, partout en France, mais aussi dans de nombreux autres pays dont depuis peu l’Italie, vous pouvez venir nous solliciter pour en savoir plus sur un Grand Cru fraîchement arrivé comme sur le producteur de votre thé préféré, nous demander des accords gastronomiques ou encore élargir l’horizon de vos habitudes de dégustation ; peut-être en adoptant nos nouvelles Céréales à Infuser…
Et si nous réussissons à vous donner l’envie à votre tour d’accueillir vos proches avec une tasse de thé, alors notre mission est en très bonne voie.
SOMMAIRE
CARNET DE VOYAGE
Par Léo Dugué-Perrin
Vivre le thé en le manufacturant, une aventure humaine en Géorgie
6
CULTURE THÉ
Par Elena Di Benedetto et Camille Lelaurin
Mille nuances de théine
20
RACONTEZ-MOI
Infuser les céréales : le mugicha
30
CONTRIBUTEURS
Léo Dugué-Perrin
Chercheur de Thé, Léo parcourt les plantations pour sélectionner les meilleurs crus et transmet avec passion le fruit de ses voyages et de ses rencontres.
PLANÈTE THÉ
Par Laetitia Portois Qu’est-ce qu’un thé de qualité ?
14
UN GRAND CRU, UN TEA SOMMELIER
Par Elena Di Benedetto La dégustation du Thé noir de Gumati
26
THÉ D’EXCEPTION
Le Shiraore Kuki Hojicha, un thé de tiges torréfiées
32
Laetitia Portois
Laetitia aime particulièrement les thés verts japonais. Elle a plaisir à raconter des histoires et fait chaque jour de son métier une passion.
PLANÈTE THÉ
Offrir un thé de qualité, de la plantation à la tasse !
18
DU THÉ EN CUISINE
Barres de céréales à l’infusion
Brin de douceur
28
ÉBRUITÉ
Toute l’actualité du Palais
37
Elena Di Benedetto
Master Tea Sommelier depuis 2024, Elena est adepte des oolong de Taïwan. Chaque tasse est pour elle source de dépaysement et de découvertes.
Créer une « maison-manufacture » qui permettrait de réunir plusieurs fois par an des collaborateurs : voici l’expérience unique et extraordinaire que Palais des Thés a imaginée. Ouverte à l’innovation, la « perle du Caucase » était l’écrin idéal pour cette aventure en équipe. Une approche sensorielle entre pédagogie et poésie…
Par Léo Dugué-Perrin
C’est François-Xavier Delmas, fondateur de Palais des Thés avec qui je cherche les plus beaux crus, qui m’avait envoyé en éclaireur en Géorgie. Nous étions en juillet 2019, soit trois ans après que la culture du thé émerge de nouveau dans ce petit pays, pourtant producteur depuis le début du xixe siècle. La Géorgie, et l’Azerbaïdjan voisin, qui fournissaient autrefois la majeure partie du thé consommé dans l’ex-Union soviétique, ont vu leurs industries décliner rapidement après l’effondrement de l’URSS. Je traversais alors des campagnes dépeuplées par un fort exode rural. Et c’est la première fois que je vivais en temps réel un renouveau du secteur théicole avec l’envie de participer à cet élan de vitalité.
Dans la région de Gourie, à proximité de la mer Noire, Nika et Baaka font partie de ces producteurs qui, dès 2018, ont saisi l’opportunité, favorisée par les directives gouvernementales, de faire du thé de qualité. Ils ont récupéré de vieux champs abandonnés, recouverts de ronces, et ont fait revivre les théiers ensevelis. Lorsque nous nous sommes rencontrés, ils produisaient seulement un thé vert et un thé noir. Puis plusieurs, toujours meilleurs, encore plus étonnants, à l’image de la créativité débridée qui caractérise la production nationale. L’année suivante, nous proposions leurs premiers thés dans nos boutiques.
La Manufacture accueille chaque collaborateur de Palais des Thés quel que soit son métier : en boutique, à l’entrepôt ou au siège.
En mai 2021, alors que les frontières se réouvraient à la suite de la pandémie, j’avais joué les guides en terres géorgiennes avec François-Xavier Delmas et Frédéric Dieudonné, notre directeur général. Ce dernier avait lancé l’idée d’un endroit convivial où réunir les équipes, associé à un projet de formation autour du thé. Un lieu, qui puisse accueillir quelques collaborateurs pour leur faire découvrir toutes les facettes de la fabrication du thé, de sa cueillette à sa manufacture jusqu’à sa dégustation. Géographiquement et culturellement assez proche de la France, la Géorgie s’est imposée comme une évidence.
De Chercheur de Thé, je suis donc devenu le temps de quelques visites chercheur de… maisons, accompagné de Paul, responsable de formation à l’École du Thé à Paris. Nous ne pouvions espérer meilleurs guides que Nika et Baaka. Car la mission ne fut pas chose aisée : l’escalier de la première
demeure s’effondra sous les pas de Paul, le deuxième terrain se révéla trop insalubre pour imaginer y construire une bâtisse, quand nos amis producteurs nous ont parlé d’une maison autrefois propriété de la grand-mère de Nika. Solide, surplombant la vallée, après quelques aménagements et rénovations, elle sera notre lieu d’accueil. Dans le jardin, bien que rasés chaque année, les théiers de l’époque soviétique repoussaient sous les ronces et les fougères. Résilients, ils n’avaient pas dit leur dernier mot !
Ma seule formation dans le thé est la manufacture. À dix-huit ans, j’ai appris à fabriquer du thé dans des pays producteurs. C’est peut-être ma « voie du thé ». Sensorielle et poétique. Libre et créative. Ces dernières années, ma quête de nouvelles rencontres et de crus de qualité dans le monde m’avait éloigné de ce que j’aime le plus : mettre les mains dans les feuilles. Et je n’avais jamais eu l’occasion de transmettre ce savoir-faire, ou plutôt ce savoir-être. Apprendre le thé par sa manufacture en éprouvant et comprenant les dimensions les plus fines de la transformation de la matière : voilà une approche unique au monde qu’aucune école ou aucun livre ne vous enseigne ! Nos publications et l’École du Thé avaient déjà une vocation pédagogique rare. Comment imaginer, avec nos formateurs, un nouveau chemin pour continuer de transmettre notre passion du thé ? Nous cherchions à passer de l’enseignement par les mots à la pratique concrète : manufacturer son propre thé pour mieux comprendre et pouvoir ensuite partager les étapes de sa fabrication. Une approche que nous avons fondée sur l’émotion et les sens.
C’est en septembre que nous accueillons les premiers groupes, de huit personnes chacun, issues de tous les départements et services de l’entreprise, des boutiques, de l’entrepôt comme du siège. Dans son métier, chacun vit le thé différemment. La plupart n’ont qu’une connaissance théorique de la fabrication et viennent pour la première fois dans un pays producteur. Durant quelques jours, au sein de notre maison-manufacture, nous allons vivre ensemble une expérience humaine, inédite pour tous : fabriquer du thé ! Dans ce lieu de vie et de manufacture, peu de matériel est nécessaire : deux petites rouleuses, un séchoir, un wok – une curiosité pour les Géorgiens qui n’ont jamais vu cet outil –, des plateaux de flétrissage…
Quelques jours dans la peau d’un tea maker
Arrivés à la nuit tombée dans la maison, à Konchkati, nous sommes accueillis par un repas traditionnel : du katchapuri (un pain farci de fromage), l’incontournable salade concombres-tomates aromatisée d’oxalis pourpre du jardin, un ragoût de bœuf… Le tout accompagné de vins géorgiens, la fierté nationale. Il faudra attendre le petit matin pour découvrir la vue sur la vallée verdoyante. Après une présentation du programme, nous nous mêlons aux cueilleuses des plantations de Nika et Bakaa le temps de s’émerveiller de leur dextérité et de leur savoir-faire pour ne saisir que le bourgeon et deux feuilles. Premier contact avec la plante, premières sensations. C’est de ces jardins que proviennent les feuilles fraîches que nous allons manufacturer à la maison.
« On a eu carte blanche pour tester même nos idées les plus folles. Tout était possible mais nous avions tous envie de faire un bon thé ! »
Medhy, adjoint au responsable d’exploitation de l’entrepôt
Notre Manufacture accueillera chaque année une cinquantaine de collaborateurs qui s’essayeront à la fabrication des couleurs de thé.
Le jour suivant, chaque participant va fabriquer du thé vert. Avec Paul, nous leur montrons comment « fixer » le thé ou « tuer le vert » au wok, c’est-à-dire empêcher l’oxydation du thé. Il faudra apprivoiser les hautes températures, jusqu’à 250 °C, et dompter la matière tout en la respectant. Le feu fait peur aux uns quand il fascine les autres. En quelques secondes, les feuilles… et les mains peuvent brûler. Il faut écouter les feuilles : elles ne font pas le même bruit au début du brassage (car gorgées d’eau) que lorsqu’elles commencent à sécher. Le parfum qu’elles dégagent ne sera pas non plus le même. Leur forme va évoluer. Tous les sens sont en éveil. Les craintes laissent place au plaisir du geste artisanal. Les questions fusent : « Que va-t-il se passer si je fais cela ? Est-ce que je peux torréfier un peu plus longtemps ? Peut-on utiliser les feuilles éliminées ? »… À ces interrogations je n’apporte pas de réponse. Chacun trouvera la sienne en faisant ses propres essais. Sans interdits et sans discours théoriques. Que faire avec cette feuille de thé ? Et si nous commencions par la sentir et la goûter. À chaque étape, dans tous ses états. Ce matin-là, alors qu’elle n’est pas encore manipulée, son goût de petit pois d’une grande fraîcheur nous étonne. Demain, elle aura sans doute une saveur différente. Confortablement installés dans le salon, nous buvons un thé en observant les feuilles flétrir ou sécher. Car fabriquer du thé, c’est aussi apprendre à patienter pendant le temps indispensable à chacune des étapes de sa transformation. Une attente propice à la créativité et donc à l’essence même de l’esprit du thé.
Un laboratoire sensoriel
« Nous sommes devenus en quelques jours des artisans du thé. Ce voyage en immersion totale a été une source d’émotions et de gratitude. » —Malika, responsable de la boutique des Frères-Lumière à Lyon
Le lendemain, nos apprentis artisans vont s’essayer à la fabrication du thé noir. C’est l’occasion d’expérimenter d’autres étapes de la manufacture : les temps d’oxydation, le roulage, manuel ou mécanique, plus ou moins fort,
La feuille de thé peut être façonnée de multiples façons : roulée en perle, aplatie, torsadée, etc.
la torréfaction… et l’aromatisation. Pour parfumer nos thés, j’invite les participants à se promener dans le verger au pied de la maison. On y trouve des orangers, des citronniers, des mandariniers, des plaqueminiers*… et bien sûr, de la vigne, omniprésente dans le pays. Nous n’utiliserons que les agrumes. On touche les feuilles, on les sent, on s’inspire de la nature. Les idées infusent et fusent, nourries par les échanges. Tout est possible : utiliser les feuilles entières, les ciseler, les couper grossièrement, mélanger les essences…
La dernière journée, une fois que les grandes étapes de la fabrication des thés verts et noirs ont été acquises, le moment est venu de fabriquer un thé de A à Z en toute autonomie. Si chaque geste (roulage, chauffage…) semble simple, c’est le choix de chaque paramètre (intensité, durée…) qui reste difficile à maîtriser et à prévoir. N’est pas tea maker qui veut ! Car créer, c’est essayer, inventer, se tromper… Chacun est ce jour-là totalement libre de donner l’intention qu’il souhaite à son thé en utilisant toutes sortes de techniques et accessoires. Égouttoir, sèche-cheveux, micro-ondes, bouteille de tchatcha (un alcool local) en guise de rouleau… Les idées les plus farfelues donneront naissance à quelques très bonnes liqueurs ! C’est la magie du thé et son alchimie.
Manufacturer le thé requiert de faire appel aux sens pour savoir quand interrompre les différentes étapes.
* Arbres originaires de Chine, cultivés pour leurs fruits les kakis ou plaquemines.
Au total, de ces esprits fertiles sont nés neuf thés verts et autant de thés noirs, totalement différents, et de multiples thés expérimentaux. Nous avons eu la chance de pouvoir les faire goûter, à l’aveugle, à Nika, Baaka et François-Xavier, de passage en Géorgie. Leur curiosité pour ces « créations » mais également leurs coups de cœur, sans complaisance, ont été autant d’encouragements.
Si la plupart savaient identifier ce qu’est un bon thé selon les critères d’excellence de notre maison, l’expérience géorgienne a offert à chaque collaborateur un apprentissage concret, artisanal. Comme ces feuilles qui ont évolué entre nos mains, les esprits se sont vus transformés. En dehors des chemins académiques, Palais des Thés invitera six fois par an ses collaborateurs à vivre cette immersion pédagogique durant les saisons où les feuilles fraîches des théiers sont récoltées… •
Apprécier la qualité d’un thé est un exercice délicat. Si certains critères nous semblent évidents chez Palais des Thés, ce que l’on considère comme un « bon » thé évolue en réalité d’un pays à un autre, d’une culture à une autre, selon les rapports que l’on entretient avec cette boisson et les attentes que l’on en a.
* Un cultivar est une variété hybride de théier.
Par Laetitia Portois
La production d’un bon thé dépend d’un ensemble de critères objectifs liés au climat, à la culture et à la manufacture du thé. Dès la culture du théier, tenir compte de plusieurs facteurs permet d’obtenir des feuilles aux qualités gustatives prometteuses. Le climat est un critère essentiel. Pour s’épanouir, le théier nécessite une température entre 15 et 30 degrés (en dessous, l’arbre entre en état de dormance), et des précipitations importantes en alternance avec des périodes d’ensoleillement. Pour autant, l’arbre préférera une lumière diffuse à un soleil de plomb.
Ce qui nous mène au deuxième point clé : l’altitude. Le théier s’épanouit lorsqu’il pousse entre 300 et 2 500 mètres d’altitude. L’air se raréfiant et la pression atmosphérique s’abaissant, les feuilles ont tendance à perdre plus d’eau. Pour compenser, les jeunes pousses fabriquent naturellement plus d’essences aromatiques. L’altitude permet également d’installer les plantations sur des sols en pente, ce qui évite que l’eau de pluie ne stagne au niveau des racines (un sol saturé en eau ne délivre pas suffisamment d’oxygène, ce qui entraîne l’asphyxie de l’arbuste).
Enfin, la qualité du sol est un atout majeur pour obtenir des feuilles aromatiques, à condition que celui-ci soit meuble, acide et bien drainé. Comme pour le vin, on retrouve dans le thé la notion de terroir. Ainsi, les différentes variétés de théiers présentent des
Nous avons à cœur de vous proposer des thés de qualité avec une variété aromatique en lien avec notre héritage gastronomique. Les Grands Crus, ces thés rares et éphémères, sont des témoins de l’alchimie entre un théier, un terroir et le talent d’un artisanproducteur. Nos Chercheurs de Thé voyagent plusieurs mois par an en quête de ces thés d’exception, une recherche constante qui nous permet de partager avec vous notre propre vision du « bon », avec des thés à la personnalité gustative unique.
exigences particulières et il appartient au planteur d’identifier le type de cultivar * le mieux adapté aux conditions du milieu dans lequel celui-ci pousse. Par exemple, les théiers à petites feuilles supportent beaucoup mieux les hivers rigoureux, quand les variétés à grandes feuilles s’épanouissent davantage dans les zones tropicales. Le savoir-faire, les choix de culture, les connaissances des producteurs sont donc en réalité les facteurs les plus déterminants, de la plantation du théier, à sa production.
Si l’on peut fabriquer toutes les couleurs de thé à partir de la même plante, réaliser un thé de qualité implique de bien comprendre la feuille que l’on vient de cueillir, et d’élaborer le bon processus de manufacture, celui qui révélera son caractère unique.
Cueillir la feuille à la main : un indispensable
Les normes de la cueillette sont fixées par la manufacture et le planteur. Cela déterminera la qualité du thé à produire. La composition des feuilles évolue selon la période de l’année et en fonction de leur positionnement sur la branche ou « ramille », des différences qui permettent de créer une immense diversité de crus, aux qualités gustatives variables. Une bonne cueillette est avant tout réalisée manuellement pour permettre d’être précis (sauf au Japon, où la cueillette est mécanisée, les producteurs ayant perfectionné leurs machines pour une même exigence).
La cueiLLette impériaLe
On prélève le bourgeon et la feuille qui le suit immédiatement. Cette cueillette doit son nom au fait qu’elle était autrefois, en Chine, réservée aux grands dignitaires.
La cueiLLette fine
On prélève le bourgeon et les deux feuilles qui le suivent. C’est une cueillette d’excellente qualité.
La cueiLLette moyenne
On prélève le bourgeon et les trois feuilles qui le suivent. Cette dernière cueillette, la plus courante, donne des thés de moins bonne qualité que les précédents, mais favorise un meilleur développement du théier.
Le bourgeon constitue l’élément le plus intéressant en matière de qualités aromatiques puisqu’il concentre une grande partie des nutriments et de la théine. Plus les feuilles récoltées se trouvent éloignées du bourgeon, moins elles sont concentrées en huiles essentielles et plus elles sont coriaces ; elles nécessitent donc plus d’étapes de manufacture pour se révéler en thé délicieux (roulage, oxydation…) que des bourgeons qui peuvent se satisfaire d’être seulement séchés. C’est d’ailleurs à partir du bourgeon que l’on détermine les grades du thé (lire « Des grades… » page 17). La maturité de la feuille est également un paramètre à prendre en compte : plus elles vieillissent, plus elles perdent en richesse aromatique. En revanche, cueillies trop jeunes et trop tendres, elles sont trop fragiles pour supporter les manipulations (roulage, torsion, aplatissage, etc.) nécessaires à leur façonnage et ne donneront pas non plus un « bon » thé.
Des choix de manufacture qui s’adaptent à la feuille
Un thé de qualité est en effet un thé pour lequel la manufacture s’adapte à la cueillette. Le processus de fabrication diffère ensuite selon le type de couleur souhaité. Le producteur utilise tous ses sens, pour comprendre et dialoguer avec la feuille fraîchement récoltée à chaque étape de fabrication. Tout l’art du producteur réside ensuite dans la maîtrise de l’oxydation selon la couleur qu’il cherche à obtenir dans la tasse et les notes qu’il souhaite développer. Chaque modification peut donner un thé délicieux ou au contraire, sans intérêt gustatif. Ces savoir-faire hérités de traditions ancestrales sont indispensables pour produire un thé de qualité. De plus, le fait de pouvoir jouer sur les différents paramètres ouvre la voie à la créativité et nous offre une palette presque infinie de crus, qu’il nous appartient de découvrir, de comprendre et d’apprécier en tant qu’amateurs de thé.
La cueillette est la plupart du temps réalisée manuellement, car elle exige une grande précision. Seules les premières feuilles sont récoltées.
* L’umami, généralement traduit par « savoureux », est la cinquième saveur de base avec le sucré, l’acide, l’amer et le salé.
Juger la qualité d’un thé : une appréciation culturelle ?
« Qu’est-ce qu’un bon thé ? » La réponse à cette question intègre une appréciation culturelle et subjective. En effet, le goût pour le thé s’est construit dans les différents pays selon des attentes et des valeurs construites culturellement. Les préférences de chaque pays, plutôt que le recours à un grade, une notation ou la création de labels, ont profondément influencé les critères définissant un thé comme étant de qualité. Chaque pays en a donc une appréciation différente, relative à ses valeurs.
Ainsi, au Japon, un thé de qualité se juge à la puissance de la saveur umami* et à la couleur vert sombre des feuilles de thé en vrac. La diversité de choix aromatiques n’est pas nécessairement recherchée. Les Japonais inscrivent leur rapport au thé dans une recherche de l’harmonie et à un profond respect de la nature. Les techniques de préparation du thé telles que le Senchado ou le Cha No Yu permettent de poursuivre cette recherche jusque dans sa préparation. À l’inverse, en France, notre héritage gastronomique infuse et oriente notre jugement (lire « Vous offrir le meilleur du thé ! » page 14). Un bon thé pour un Français doit avant tout être aromatique, sophistiqué, offrir un équilibre des saveurs, et sans trop d’astringence. Les Anglais apprécient leur thé noir très infusé qu’ils accompagnent d’une pointe de lait. En Inde et au Sri Lanka, on juge la qualité d’un thé à la couleur de son infusion. Elle doit être sombre, sans être troublée. Le thé est ensuite préparé dans de grands contenants. À Taïwan, certains thés peuvent être vendus avant même d’avoir été dégustés, car le critère principal d’un thé de grande qualité réside dans l’altitude à laquelle le théier récolté pousse. On parle de « thé de haute montagne » ou Gao Shan Cha. Pour mettre en valeur la qualité de ces crus, on les infuse de façons successives dans de petits contenants, en sollicitant tous les sens. En Chine et plus particulièrement dans le Yunnan, on cherche avant tout la longueur en bouche, qui apporte une fraîcheur et un côté sucré que vient révéler la pratique du Gong Fu Cha, une technique de préparation où l’on réinfuse successivement une grande quantité de feuilles pendant quelques secondes. Ce prisme du goût influence fortement les perceptions et les croyances autour du thé, et il est aujourd’hui difficile d’établir une seule et même classification pertinente pour déterminer la qualité d’un thé. L’important réside plutôt dans la curiosité, et le respect des fondamentaux de la préparation pour profiter à la dégustation, de tout ce que le thé peut nous offrir. •
Des graDes Du thé pour comprenDre L a quaLité De L a feuiLLe On voit souvent apparaître sur les thés emballés une série d’abréviations, difficiles à décrypter au premier abord, mais qui donnent de précieuses indications sur la qualité des feuilles de thé, en indiquant leur grade. Voici quelques clés de lecture :
OP (Orange Pekoe) certifie que le thé provient d’une cueillette fine ;
T pour Tippy et F pour Finest : plus on rajoute de lettres à gauche, plus la récolte est exceptionnelle ;
B pour Broken et D pour Dust : lorsqu’un B se glisse devant le OP final, les feuilles sont brisées. Le D pour Dust indique une poussière de feuilles.
Dans les pays occidentaux, ce sont ces feuilles brisées que l’on retrouve la plupart du temps dans les sachets. L’une de leurs caractéristiques est de teinter presque instantanément la tasse d’une couleur sombre… mais le résultat gustatif est loin d’être intéressant. Depuis quelques décennies, des maisons comme Palais des Thés proposent une grande diversité de thés de qualité en sachet, où l’on retrouve des feuilles entières. Cela permet de préserver les qualités aromatiques de ces dernières.
Nombreux sont les paramètres à prendre en compte pour réaliser un thé de qualité, les connaître vous permettra d’apprécier vos thés. Car « le thé », écrit Lu Yu dans Le Classique du thé, « a mille et un visages. Lorsqu’on comprend pourquoi un thé est excellent, ou pourquoi il est médiocre, alors seulement on peut l’apprécier à sa juste valeur ».
Le feuillage d’un théier sinensis, sombre et coriace.
La récolte : elle doit être manuelle pour permettre de récolter les feuilles les plus proches du bourgeon. En effet, les cueillettes « impériale » ou « fine » (lire page 15) rassemblent les feuilles qui suivent directement le bourgeon sur la branche, riches en composés aromatiques, particulièrement parfumées une fois infusées.
Le climat et l’altitude : le théier s’épanouit lorsqu’il pousse entre 300 et 2 500 mètres, à une température comprise entre 15 et 30 degrés. L’alternance entre des périodes de pluies et d’ensoleillement favorise des feuilles de qualité.
Le bon théier : il appartient au planteur d’identifier la bonne variété de théier qui s’épanouira pleinement selon les conditions de culture propres à l’environnement dans lequel il pousse.
La qualité du sol : les théiers sont très souvent plantés sur des sols en pente pour faciliter le drainage et éviter que les racines ne soient asphyxiées par l’eau stagnante. Le sol doit également être meuble et acide pour favoriser l’obtention de feuilles aromatiques.
La feuille large, claire et plus souple, d’une souche assamica.
La feuille : il est important de préserver l’intégrité de la feuille de thé. Briser ou réduire en poudre cette feuille revient à détruire toutes ses qualités. Malmenée, elle n’aura qu’un intérêt gustatif faible une fois infusée.
Adapter les choix à la feuille : tout l’art du producteur réside dans la compréhension de la feuille juste cueillie et des conditions de production. Des feuilles récoltées matures et de l’humidité dans l’air sont des conditions idéales pour réaliser un thé noir. Un temps sec et une récolte de bourgeons orienteront davantage vers la réalisation d’un thé blanc.
Un processus artisanal : la présence du producteur à chaque étape est indispensable, car interrompre un processus (de séchage ou d’oxydation) repose sur l’usage des cinq sens dans l’appréciation de l’état de la feuille. Chaque choix influe sur la qualité du thé final obtenu.
La température : infuser à la bonne température est essentiel pour profiter de tout ce que le thé peut offrir. Il existe une température idéale pour chaque thé, notée sur toutes nos étiquettes.
Le mode de préparation : gong fu cha, théière, set à déguster… À chacun de choisir sa technique pour sublimer le thé dégusté : un oolong révélera toutes ses subtilités au gaiwan, quand un bancha ou un thé parfumé s’exprimera pleinement dans une petite théière.
La durée d’infusion : un paramètre qui varie pour chaque couleur de thé. Par exemple, un thé noir s’infuse en moyenne entre 4 et 5 minutes. Au-delà, la feuille libère ses tanins en trop grande quantité, ce qui laisse en bouche une sensation râpeuse.
La théine fait couler beaucoup d’encre : tantôt recherchée ou évitée, cette molécule stimulante est l’objet de nombreux mythes. Partons en quête de ce que le thé doit à la théine…
Par
Thé et théine : leur racine commune ne laisse pas de doute sur leur destinée liée. Si le thé a parfois mauvaise presse auprès de celles et ceux qui se plaignent de troubles du sommeil du fait de sa teneur en théine justement, les réalités de la boisson infusée sont bien plus nuancées.
Quelques repères : la théine, c’est quoi ?
Théine et caféine sont souvent distinguées ; elles sont pourtant une seule et même molécule, un composé chimique aux propriétés énergisantes reconnues. La caféine présente dans le thé se diffuse cependant plus lentement dans l’organisme que celle du café, en raison de la riche teneur en polyphénols et en acides aminés des feuilles de thé. C’est pourquoi le thé est considéré comme un stimulant alors que le café est classé parmi les excitants. De ce fait, une consommation très élevée de thé peut, dans certains cas, troubler le sommeil. En effet, la théine agit sur deux mécanismes régulant ce dernier : le rythme circadien et la pression de sommeil. Le rythme circadien orchestre les cycles de veille et de sommeil, ce qui permet de s’endormir et de se réveiller à des heures régulières d’un jour à l’autre. La théine, par son action stimulante, peut déranger l’endormissement en gardant l’organisme en état d’éveil. En ce qui concerne la pression de sommeil (ou « envie de dormir »), elle est largement dépendante de l’adénosine, une molécule qui favorise le maintien du sommeil. La caféine, en bloquant les récepteurs de l’adénosine, peut perturber ce mécanisme et entraîner un sommeil plus agité. Pour autant, le thé peut également être bénéfique pour le sommeil grâce à sa concentration en L-théanine, un acide aminé qui permet une diffusion plus progressive de la théine dans le corps et détend l’organisme en diminuant les taux de cortisol, l’hormone du stress. Une consommation régulière de thé dans la journée peut donc paradoxalement contribuer à un endormissement plus aisé et à un sommeil de meilleure qualité.
Toutes les boissons issues de Camellia sinensis contiennent de la théine, à des degrés très divers selon que le thé soit composé de bourgeons, de feuilles matures ou encore de branches. Et si la théine est indissociable du thé, c’est plutôt sa quantité et son assimilation dans l’organisme qui interrogent.
La teneur en théine des différentes couleurs de thé est souvent confondue avec leur puissance aromatique, voire l’intensité de leur liqueur. Ainsi, il n’est pas rare d’entendre qu’un thé noir très tannique sera parfait pour
Les craintes vis-à-vis de la caféine et de ses effets notoires ne datent pas d’hier. Déjà au xviii e siècle, certaines communautés religieuses comme les Mormons prônaient l’abstinence envers ces substances « diaboliques » du fait de leur potentiel excitant ! Ces dernières années, les études scientifiques ont démontré que la théine était bénéfique jusqu’à un certain seuil, comme peuvent l’être le sucre ou le sel par exemple. La Food and Drugs Administration aux États-Unis a établi cette quantité sans danger pour la santé jusqu’à 2 000 mg de théine par jour en moyenne pour une personne de 50 kg, soit 30 à 50 tasses de thé !
se réveiller le matin, et qu’un thé vert serait plus léger et donc mieux indiqué pour s’apaiser. Quant au thé blanc, la délicatesse de ses notes le placerait implicitement dans la catégorie des thés faibles en théine…
En réalité, la plupart de ces mythes sont infondés. Pour une raison centrale : c’est principalement la concentration en bourgeons qui fait la teneur en théine du thé, et non pas sa couleur. Car si la robustesse de certains thés noirs, indiens ou sri lankais notamment, est avérée, ce n’est pour autant pas un marqueur de théine. La plupart de ces thés, au contraire, sont issus de feuilles relativement brisées et sont généralement dépourvus de bourgeons, ce qui leur confère ce profil intense et tannique, très adapté à la dégustation avec du lait. Si ces thés consommés en grand volume selon la tradition anglaise ne sont donc pas nécessairement forts en théine, leur richesse en tanins leur confère en revanche des propriétés tonicardiaques qui stimulent le cœur et sont donc propices au réveil. Mais cette lecture ne s’applique pas à toute la famille des thés noirs : certains plus confidentiels sont très riches en théine, du fait de leur composition faisant la part belle aux bourgeons, comme c’est le cas pour les Bourgeons de Yunnan ou les Darjeeling de printemps par exemple.
Infuser le thé à froid sur une longue durée permet de limiter la diffusion de la théine dans l’eau.
Les thés verts sont également ambivalents sur leur potentiel stimulant. Le Japon est un exemple éclairant : ce pays de thé vert produit à la fois le matcha, extrêmement riche en théine, car toute la feuille de thé réduite en poudre est ainsi consommée, et le bancha, issu de feuilles plus matures récoltées à l’été et à l’automne, très faiblement doté en théine ! Aussi, parmi les thés verts, ceux dits « primeurs », récoltés au début du printemps, sont particulièrement riches en bourgeons et donc énergisants, là où ceux récoltés en arrière-saison et issus de plus grandes feuilles et de peu ou pas de bourgeons, seront moins forts en théine.
Délicats et prestigieux, les thés blancs portent souvent une image qui ne leur sied guère : celle de thés faibles en goût et donc légers en théine. Pourtant, ils en présentent la plus haute concentration, du fait de leur forte teneur en bourgeons ! C’est particulièrement le cas pour certaines récoltes exceptionnelles composées exclusivement de bourgeons, comme les Aiguilles d’Argent. Ces thés cachent bien leur jeu auprès de ceux qui n’ont pas connaissance de la force du bourgeon…
Quelle que soit leur couleur, les thés parfumés sont la plupart du temps élaborés sur des bases dépourvues de bourgeons ; effectivement, parfumer la plus délicate et subtile partie du thé serait dommage. Ainsi, les thés parfumés sont souvent relativement peu stimulants, à moins d’être associés à des ingrédients comme le gingembre ou le tulsi*, ou bien lorsqu’il s’agit de quelques rares Grands Crus parfumés.
Des thés faibles en théine ?
Les personnes les plus sensibles à la théine sont souvent orientées vers les infusions de plantes, épices, fleurs et fruits variés, n’incluant pas de feuilles de thé, donc aucune théine. Ces boissons sont privilégiées le soir. Il existe toutefois de nombreuses familles de thé plus discrètes qui se jouent des codes et possèdent bien peu de théine ! C’est notamment le cas des thés de tiges, réalisés à partir de rameaux de théier, souvent torréfiés. Appelés kukicha au Japon, on en trouve des variantes en Corée ou encore en Géorgie. Une belle manière de valoriser tout le théier, en adoptant des habitudes moins théinées (lire « Le Shiraore Kuki Hojicha… » pages 32-33).
La famille des oolong se distingue également par son assez faible teneur en théine. Ces thés semi-oxydés sont issus de grandes feuilles, où la molécule
Juste cueillies, les feuilles de thé sont laissées à l’air libre pour être flétries avant d’être manufacturées.
* Plante adaptogène, aussi appelée « basilic sacré » en Inde.
est moins présente. De même pour les pu erh, ces thés sombres également conçus à partir de feuilles de thé suffisamment grandes pour supporter la compression éventuelle puis la fermentation pendant plusieurs semaines, mois ou années. Autant de variations intéressantes qui mettent en doute les croyances les plus enracinées sur la théine !
À l’instar du café décaféiné, il existe dans le commerce des thés dont la théine a été extraite par un processus chimique exposant pendant plusieurs heures les feuilles à des solvants. Mais si l’on veut éviter ce type d’approche, il est possible de déthéiner soi-même son thé très simplement en employant diverses méthodes.
— Préparer une infusion à froid. La théine présente dans la feuille sèche requiert de la chaleur pour se transférer dans la liqueur pendant l’infusion. En infusant les feuilles à température ambiante pendant 30 minutes à 1 heure, en fonction de la variété et de la couleur du thé, la liqueur obtenue est pratiquement dépourvue de théine. Elle peut être consommée froide ou à température ambiante.
— Jeter la première infusion. Si la méthode consistant à jeter une première infusion très courte a longtemps été plébiscitée, on sait aujourd’hui qu’elle ne permet de se départir que d’environ 5 à 10 % de la théine. Des infusions courtes successives selon la méthode du gong fu cha sont ainsi à privilégier pour profiter de toute la palette aromatique disponible, tout en limitant l’apport en théine. Dans un esprit similaire, il est possible de faire réinfuser les mêmes feuilles dans un généreux volume d’eau tout au long de la journée : au fil des infusions, les liqueurs obtenues seront certes bien moins intenses mais également de moins en moins riches en théine.
— Augmenter le temps d’infusion. Une dernière possibilité vise à augmenter la concentration en polyphénols présente dans la liqueur. Ce sont en effet ces molécules qui, « enrobant » la théine, empêchent l’organisme de l’assimiler rapidement. Il faut à peu près 7 minutes d’infusion pour que 80 % des polyphénols présents dans une feuille de thé se libèrent. Ainsi plus l’infusion est longue, moins la théine sera assimilable par le corps humain. Une infusion trop longue pourra en revanche entraîner un déséquilibre du profil organoleptique du thé, et ne conviendra ni à tous les thés, ni à tous les goûts. Responsable de l’astringence et source d’amertume, les polyphénols sont en effet des composants déterminants dans le goût du thé.
La théine est donc plurielle et ses effets stimulants sont tantôt recherchés tantôt évités. Privilégier des infusions ou des thés sans théine, ou encore opter pour des manières naturelles de tempérer la teneur en théine de sa boisson préférée sont autant de manières de profiter de ces plaisirs infusés, à l’envi. •
Parmi les infusions, les céréales sont d’excellentes alliées. Natures ou en créations parfumées, elles pourront accompagner la journée, du matin jusqu’au soir, avec leurs notes maltées, pyrogénées et toujours gourmandes. Certaines, comme le mugicha à base d’orge torréfié, sont des substituts délicieux au café ou à certains thés noirs !
Partons ensemble pour la Géorgie découvrir un thé noir singulier et métissé qui évoque le qimen chinois autant que le jukro coréen : cacaoté, boisé, fruité… Un Grand Cru que j’aime accorder à toutes les gourmandises et qui propose une évasion dans les champs de ce pays de thé gagnant à être connu.
Par
Elena Di Benedetto
Elena Di Benedetto est Master Tea Sommelier depuis 2024. Passionnée de thé depuis l’adolescence, elle y voit un vecteur de découvertes, de partage et d’introspection. Ses dégustations convoquent l’imaginaire, véritable outil pour rendre le thé accessible à toutes et tous.
Je connais de la Géorgie son écriture à la calligraphie si ondoyante et ses riches spécialités culinaires. J’en connais aussi les récits de mes amies voyageuses. Mais je me suis vraiment familiarisée avec ce lieu en tant que terre de thé en écoutant nos Chercheurs de Thé en parler avec passion et conviction, puis en suivant le développement de notre Manufacture sur place (lire « Carnet de voyage » page 6 sq). Pourtant la Géorgie a été une région productrice majeure au xxe siècle, elle qui fournissait l’URSS en thés noirs pour tous ses samovars ! Les plantations de thé longtemps abandonnées font aujourd’hui l’objet d’un grand projet de revalorisation commencé en 2016, qui permet la naissance de thés exceptionnels et souvent bio, comme le Thé noir de Gumati. Je vous propose de le découvrir ensemble au fil des images que les dégustations peuvent m’évoquer.
Lorsque j’observe ses feuilles si foncées, élégamment torsadées, je trouve un certain mystère à ce thé noir géorgien. Parmi les belles feuilles de ce thé tout en profondeur, quelques reflets d’or se font jour, témoins de la présence de bourgeons fragiles. Quelle manufacture savante ! On sent dans ce façonnage un
soin tout particulier apporté à la précieuse récolte, délicatement traitée, jamais malmenée. Lorsque je me plonge dans la respiration de ces feuilles [1], des images plurielles me viennent à l’esprit. Un nez très gourmand s’exprime, évoquant le cacao comme les fruits compotés, presque acidulés. On se croirait dans une forêt, apercevant au loin une maison accueillante, éclairée et réchauffée par un feu de cheminée. Ce thé s’annonce riche de promesses, et je me réjouis de prendre tout le temps de le déguster.
Je choisis de le préparer au gaiwan [2]. Je remplis à moitié cet objet devenu une évidence dans ma vie de thé, qu’on pourrait
décrire comme une tasse sans anse dotée d’un couvercle. Une petite céramique aux lignes simples et à l’usage aussi fluide que délicat. L’outil pour réinfuser en toute simplicité le thé, une, deux, trois, jusqu’à six fois, afin de lui faire révéler tous ses secrets. Car effectivement, avec le Thé noir de Gumati, chaque infusion est l’occasion d’une histoire qu’on se raconte, d’un accord bienvenu.
La première infusion, qui a duré une vingtaine de secondes à peine, m’évoque un intérieur chaleureux où aurait brûlé un peu d’encens, une fin de journée au cours de laquelle on s’accorderait une petite gourmandise. Ce thé offre une amplitude surprenante ! Pour cette infusion initiale d’une grande onctuosité, je choisis de me concentrer sur toutes les strates qui se déploient sur mon palais : notes de bois, de cacao intense, de fruits rouges acidulés… Toutes se succèdent dans une belle harmonie qui annonce de nombreuses infusions prometteuses.
L’évidence de la gourmandise
Lors de ma deuxième infusion, je retrouve ce caractère mais remarque la prééminence du parfum cacaoté. Quelle gourmandise ! Je m’amuse alors à l’associer avec deux douceurs : tout d’abord avec du chocolat noir à 70 %. L’accord est presque ton sur ton, l’aspect chocolaté se fait encore plus englobant et ce thé devient alors un thé de partage, qu’on imagine aisément siroter lors d’un après-midi passé avec des amis. Ensuite, je l’essaie avec une tartine de pain grillé couverte de confiture de cerises [3]. Une révélation ! Si les notes acidulées se répondent, le côté pyrogéné du pain fusionne avec les parfums de bois et d’encens de ce thé. Soudain, c’est un thé pour un moment privilégié, tôt le matin, lorsque la journée n’appartient qu’à soi. Ce grand thé que j’ai plaisir à déguster à toute heure ne
me donne qu’une envie : me transporter dans les vallées théicoles de l’ouest de la Géorgie pour découvrir ces savoir-faire chaque jour enrichis d’inspirations cosmopolites, qui nous permettent aujourd’hui d’avoir accès à des thés d’une telle qualité… et d’une telle créativité. •
Thé noir de Gumati
Cultivar théier issu de graines de Camellia sinensis
Origine Gumati (Iméréthie) COnseil de préparatiOn → au gong fu cha (gaiwan), infusions successives aCCOrds gOurmands une tartine de pain grillé et confiture de cerise
Cacao, amandes, sarrasin…
Toute la gourmandise de la création Brin de douceur se retrouve dans ces barres de céréales pensées comme des energy balls ! Sans sucre transformé ni cuisson, ces petites douceurs sont un concentré d’énergie pour accompagner les journées actives de tous les gourmands.
Pour 10 barres
10 g de Brin de douceur
10 dattes dénoyautées
180 g de pur beurre de cacahuètes
50 g d’amandes
80 g de sarrasin torréfié (ou kasha)
100 g de chocolat noir à 70 %
1. Faites infuser Brin de douceur dans 20 cl d’eau à 90 °C pendant 5 minutes.
2. Faites gonfler les dattes en morceaux dans 10 cl d’infusion pendant 10 minutes. Égouttez et réservez.
3. Dans un saladier, mélangez le beurre de cacahuètes, les amandes grossièrement hachées, les dattes en morceaux et 70 g de sarrasin entier.
4. Remplissez des moules à financiers de ce mélange en tassant avec le dos d’une cuillère.
5. Réduisez en poudre les 10 g de sarrasin torréfié restants. Réservez.
6. Faites fondre le chocolat noir au bain-marie. Trempez chaque barre dans le chocolat fondu, puis dans la poudre de sarrasin. Réservez sur du papier sulfurisé.
7. Dégustez lorsque le chocolat a suffisamment durci.
Ces barres se conservent jusqu’à une semaine dans une boîte en métal hermétique. Vous pouvez les accompagner d’un latte Brin de douceur réalisé en infusant 5 g d’infusion dans un mug de lait d’amande chauffé pendant 5 minutes.
L’orge est l’une des premières céréales à avoir été cultivée il y a de cela dix mille ans. Sous forme de bouillie, en farine, en risotto, pour faire de la bière ou du whisky, cette céréale propose mille usages et mille visages. Il en est un particulièrement apprécié au Japon : son infusion.
L’orge est la principale céréale produite durant l’Antiquité et constitue la farine de base en Europe au Moyen Âge.
Un engouement récent pour une céréale millénaire
Introduite au Japon par les Chinois au début du xixe siècle, elle est dans un premier temps réservée à la consommation de l’empereur et de sa cour. Habitude est alors prise d’infuser quelques graines d’orge grillées dans de l’eau chaude : on la déguste ainsi dans les salons impériaux. Les temps de guerre se succèdent au pays du Soleil Levant. La boisson se diffuse plus largement au sein de la société japonaise à la fin de l’ère Edo. Le mugicha (mugi signifiant « orge » et cha « thé ») se popularise et se commercialise en période de paix, lorsque les paysans réussissent à circuler de nouveau pour acheminer leurs récoltes vers les villes. Pour qu’ils se désaltèrent de petites échoppes sont montées le long des routes et proposent
ET LE SOBACHA ?
à la vente cette infusion délicieuse. Le « thé d’orge » devient alors peu à peu citadin, les boutiques se multiplient dans le centre-ville de Tokyo, dans les quartiers de Ueno, Asakusa et Ryogoku. Les rues se parent de lanternes portant les mots mugi yu (mugi signifiant « orge » et yu, « eau chaude ») et habillent la ville de terrasses éphémères où l’on déguste une infusion en discutant jusqu’au bout de la nuit.
De la campagne à la ville, le mugicha finit par pousser la porte des foyers japonais, devenant une véritable boisson du quotidien. Particulièrement appréciée pour ses bienfaits désaltérants, l’infusion d’orge grillé est souvent consommée en version glacée, car permettant une bonne hydratation lors des étés chauds et humides que connaît le pays. Nombreuses sont les familles à préparer de grands pichets laissés au frais pour être dégustés à tout moment de la journée et il n’est
pas rare de croiser des enfants emportant à l’école de grandes gourdes remplies de ce « thé d’orge ». D’ailleurs, le mugicha est si populaire qu’une journée lui est même consacrée au Japon : le 1er juin. On célèbre à cette date le moment où les agriculteurs moissonnent l’orge, un jour qui marque également le début de la saison des pluies.
Selon la méthode traditionnelle, l’orge est soigneusement grillée dans un four. Cette technique permet d’augmenter graduellement la température jusqu’à 300 °C et ainsi obtenir un juste équilibre entre torréfaction et goût brut de la céréale, pour retrouver gourmandise et délicatesse dans la tasse. À la dégustation, les notes toastées et sucrées évoquent le sirop d’érable. Une infusion naturellement sans théine, réconfortante en hiver et désaltérante en été, que l’on retrouve dans toutes nos boutiques. •
Friands des céréales infusées, les Japonais raffolent aussi du sobacha, fait de graines de sarrasin décortiquées et torréfiées. Légère et ronde, cette « pseudo-céréale » (le sarrasin n’est pas une vraie céréale mais une polygonacée comme la rhubarbe) est consommée au Japon depuis des siècles. Cette boisson est entre autres servie aux invités pour leur souhaiter la bienvenue. Aux notes de sarrasin s’ajoutent des parfums gourmands de fruits secs et de noisette.
Le Shiraore Kuki Hojicha est un délicieux thé vert grillé japonais. Son profil atypique permet des accords thés et mets aussi originaux que gourmands.
Le Shiraore Kuki Hojicha est un thé unique en son genre : il est en effet réalisé à partir de tiges de théier (kuki) que l’on torréfie (hojicha signifiant littéralement « thé grillé »). Son histoire aurait commencé lorsque des producteurs d’Uji, une ville située au sud de Kyoto, eurent l’idée d’utiliser les tiges du théier pour fabriquer un thé à un prix abordable, qui valoriserait ses parties moins nobles. Jusqu’ici, les feuilles de meilleure qualité étaient en effet réservées à la consommation de l’empereur et de son entourage. Puis, dans les années 1920 à Kyoto, les marchands de thés commencèrent à torréfier
le thé à très haute température pendant quelques minutes. À l’époque, les thés de tiges n’échappent pas à cette tendance et c’est ainsi qu’est né le Shiraore Kuki Hojicha. Aujourd’hui encore, dans les boutiques ou les marchés japonais, on peut observer des commerçants en train de griller des feuilles, et la fumée qui s’échappe de la petite cheminée du four dégage d’entêtants parfums fruités et torréfiés.
À l’inverse de la plupart des pays de thé où la cueillette se fait manuellement, les producteurs japonais récoltent mécaniquement à l’aide d’outils très précis. Le thé de tiges, lui, est issu d’une pratique d’égalisation : entre deux récoltes, les théiers sont taillés au même niveau pour faciliter la prochaine cueillette. Le fruit de cette taille est ensuite envoyé en manufacture, où des machines de tri dotées d’« yeux électroniques » séparent les tiges des feuilles. Ces tiges servent ensuite à la fabrication du Shiraore Kuki Hojicha. On utilise exclusivement des tiges de théiers ombragés, dont les feuilles
Le Japon est l’un des seuls pays de thé à réaliser une récolte mécanique des feuilles, grâce à des machines d’une grande précision.
servent à la fabrication des thés d’ombre comme le kabuse. La spécificité de la fabrication de ce thé réside dans sa torréfaction, réalisée à la manière d’un bancha hojicha. Les tiges encore vertes subissent deux courts passages dans de grandes rôtissoires cylindriques, avant d’être rapidement aérées pour stopper la cuisson. La torréfaction a lieu et avec elle, la réaction de Maillard, une transformation
chimique qui développe une saveur sucrée et des notes caramélisées dans la tasse.
Un thé gourmand et réconfortant
Avec sa belle liqueur acajou, le Shiraore Kuki Hojicha présente des notes boisées, de fruits cuits et de céréales grillées. Ces parfums réconfortants accompagnent le réveil : ils
séduisent les amateurs de café et prolongent les soirées hivernales. Apprécié des personnes sensibles à la théine, car il en contient très peu, il est également doux pour l’estomac, puisqu’il ne présente aucune astringence.
Au Japon, on retrouve le Shiraore Kuki Hojicha à la table de nombreux restaurants. Il peut être préparé chaud l’hiver ou glacé l’été pour un effet
rafraîchissant. Sa versatilité en fait un allié de chaque étape du menu : ses discrètes notes végétales et marines s’accor dent à la perfection avec les poissons ; les parfums toastés et vanillés se marient particulièrement bien avec les fromages à pâte cuite comme le beaufort. Au dessert, il sublime les pâtisseries à base de sarrasin ou de praliné. Un thé multifacette à déguster en toutes occasions ! •
Depuis sa création en 1986, Palais des Thés s’est donné pour mission de faire découvrir le thé et de transmettre les secrets de cette boisson millénaire au plus grand nombre. Pour ce faire, François-Xavier Delmas et Mathias Minet ont créé en 1999 l’École du Thé, un lieu de transmission de la connaissance du thé, de sa culture à sa préparation et dégustation.
Chaque collaborateur de Palais des Thés apprend dans cette institution les connaissances de base, quels que soient son métier et sa fonction au sein de l’entreprise. Une formation exceptionnelle pensée pour répondre à un des objectifs de la maison : rassembler la plus grande communauté d’experts du thé.
La communauté des Tea Sommeliers et des Master Tea Sommeliers Voilà pourquoi Palais des Thés a créé le certificat de Tea Sommelier. Aujourd’hui, la maison compte plus de 140 Tea Sommeliers parmi les 450 collaborateurs. Dans chacune des boutiques en France, vous trouverez au moins un Tea Sommelier et parfois même… un Master Tea Sommelier ! Ces Master Tea Sommeliers (ils sont aujourd’hui une quarantaine) ont passé un diplôme interne encore plus exigeant que le certificat de Tea Sommelier, qui demande une préparation dédiée et un investissement personnel important, car il s’agit de
maîtriser la connaissance technique du thé mais aussi toute la culture qui s’y rattache. « Un Master Tea Sommelier est une personne pour qui le thé a changé la vie ! Au-delà d’une spécialisation professionnelle, c’est une tout autre approche du monde qui se dessine au fil des années », témoigne Yann Sowinski, responsable de l’École du Thé. Chaque année, 5 % de nos effectifs se préparent à passer l’examen. Ces diplômes ont été pensés pour pouvoir enrichir, en boutique, les discussions avec les visiteurs. Chaque conversation initiée est un moyen de partager une histoire, un principe de manufacture, un accord thé et mets ou un conseil de préparation. Au-delà d’un simple choix de thé à aiguiller, l’ambition des Tea
Sommeliers est de transmettre à tous les amateurs le savoir qu’ils ont acquis au fil de leur formation à l’Ecole du Thé.
Un savoir à votre service
Conseils précis et discussions passionnées en boutique, rédaction d’articles pour vous transmettre ces connaissances notamment par le biais de cette revue, partage d’anecdotes sur le thé…
L’expertise des Tea Sommeliers rend les échanges avec vous et dans notre quotidien de travail très riches. À la manière d’un grand sommelier, les Master Tea
Sommeliers sont capables de vous parler de chaque thé en détail, de vous raconter son histoire et son origine, de vous guider dans une dégustation en vous présentant le profil aromatique, de vous proposer de l’accorder avec vos mets préférés, de l’utiliser pour réaliser des cocktails ou de partager avec vous la meilleure façon de le préparer.
Encourager chacun à faire de son métier une passion
Pour Oxana Genel, Master Tea Sommelier depuis 2017 et l’une des responsables de formation à l’École du Thé, accompagner les candidats dans la préparation de l’examen est un moyen de transmettre et d’assister aux transformations des candidats. « Au fil de l’année et à l’approche
Chaque année, les Master Tea Sommeliers se réunissent pour une journée de découverte. Ici, dans les plantations de l’Arieulat dans les Pyrénées orientales.
de l’examen, on observe des transformations chez les candidats. Pouvoir découvrir une passion pour le thé, s’investir et développer une expertise aussi poussée, c’est un peu comme trouver leur mission ». Cette approche a pour ambition de nourrir la curiosité de chacun, et de permettre à tous de faire de son expérience professionnelle un enrichissement au quotidien.
Apprendre
Les connaissances théoriques et la pratique sont au cœur de la formation des équipes. En 2024, Palais des Thés va encore plus loin en permettant aux collaborateurs de s’initier à la fabrication du thé (récolte des feuilles, manufacture des différentes couleurs de thés) dans sa propre manufacture en Géorgie. Plusieurs séjours de formation et d’apprentissage seront ainsi organisés, dont les premiers ont eu lieu en septembre 2024 (lire « Carnet de voyage » page 6 sq). Un projet innovant, qui s’inscrit dans la volonté de Palais des Thés de transmettre l’univers de cette boisson millénaire, en liant la théorie à la pratique de façon très concrète. « Nous avons eu l’impression de vivre deux semaines en à peine trois jours, c’était extrêmement enrichissant, nous avons fait des thés dont nous sommes très fiers », raconte Charlotte Bouville, responsable de la boutique Raymond-Losserand à Paris. •
Les céréales ont regagné ces dernières années leurs lettres de noblesse dans nos assiettes. Bien qu’encore peu intégrées dans le monde des infusions, Palais des Thés s’en est emparé pour façonner une nouvelle collection de Céréales à Infuser : deux infusions traditionnelles de céréales natures et trois créations parfumées inédites ayant comme ingrédient principal une ou plusieurs céréales. Chaudes ou glacées, elles sont une invitation à la douceur le temps d’une pause savoureuse et réconfortante. Brin
Une boîte à remplir avec l’infusion de votre choix !
→ Réf. V422 – 6 €
→ Réf. N004 – 19 €
cl)
Bruits de Palais est une publication de Palais des Thés
Rédaction en chef
Lucile Block de Friberg, Bénédicte Bortoli, Mathias Minet
Direction artistique et mise en page
Prototype.paris
Stylisme
Sarah Vasseghi
Illustrations
Sabine Forget
Photogravure
Key Graphic
Impression Achevé d’imprimer en janvier 2025 sur les presses du groupe Prenant (France)
Palais des Thés
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Crédits photographiques
Guillaume Czerw : couverture, p. 2, 4, 6 ; 10-11, 12, 13, 16, 20-21, 23, 25, 26, 27, 29, 34, 36, 37, 38, 39 • Fonds photographique
Palais des Thés - François-Xavier
Delmas : p. 32-33 • Kenyon Manchego : p. 32 • Louise Marinig : p. 35
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