{Talents}
PIERRE-FRANÇOIS Garcier
«Je ne vends pas le futur de l’artiste, mais son histoire»
P
assionné depuis son enfance par l’art, Pierre-François Garcier voulait être commissairepriseur. Il sera marchand. Après des stages chez Sotheby’s et Christie’s, il décide de se lancer: «Je me suis rendu compte que ce qui était vraiment intéressant dans ce métier, c’était de défendre les artistes qu’on aime.» Il débute en achetant dans les brocantes des peintures des années 1950-1960. En ce début des années 2000, la cote de ces artistes s’est effondrée. Plus personne ne leur prête attention… Sauf Pierre-François! Le hasard va lui faire rencontrer l’artiste Michel Thompson, un peintre de l’aprèsguerre dont il va racheter le fonds d’atelier. Bien lui en prend: d’autres artistes de la même génération ou leurs héritiers viennent à la rencontre de ce jeune galeriste dynamique et enthousiaste. Pierre-François Garcier a une démarche à l’inverse des galeries contemporaines il ne parie pas sur l’avenir mais sur le passé. «Ils ont eu leur heure de gloire dans les années 1960-1970. J’ai envie de les remontrer et de les faire redécouvrir. De les relancer comme s’ils étaient des contemporains. Sauf que je ne vends pas le futur de l’artiste, mais son histoire.» Complètement à contre-courant, et pourtant ça marche. Ses clients? Des particuliers âgés de 25 à 45 ans. Une génération qui veut rester dans des prix raisonnables et s’acheter un peu de ces années-là. «Ce qui n’était pas au mur chez eux lorsqu’ils étaient enfants, maintenant, ils peuvent l’avoir!» Pierre-François Garcier commence toujours par l’œuvre qui lui tape dans l’œil ; après vient le temps de la recherche. Tel un héros de Jean Echenoz ou Patrick Modiano, il remonte le passé, rencontre ceux qui ont connu l’artiste et déroule le fil jusqu’à lui ou ses descendants pour arriver au fonds d’atelier qui dort depuis longtemps, comme un trésor oublié. Une de ses plus singulières trouvailles est le peintre Windorf, un dénommé Pierre Ducellier, qui, durant plus de quarante ans, a peint des tableaux d’une modernité inouïe et sous
pseudonyme sans jamais exposer. Si l’artiste en question, décédé en 2007, reste toujours une énigme, la postérité lui aura donné le meilleur des marchands. «Désormais, les réseaux sociaux amènent une vitrine unique au monde. Une circulation qui n’existait pas avant. Les œuvres et leurs images vont voyager, enfin! Et ce dans le monde entier.» Garcier, ce «ré-artnimator» des années pop, veille sur le passé et commence déjà, dans sa galerie-appartement sur rendez-vous, à écrire le futur. ANTOINE LAURAIN www.instagram.com/galeriepfgarcier www.pfgarcier.com Œuvres de Gustav Bolin, Michel Thompson, René Roche et Jean Coulot.
PA L AC E COS T E S J U I N / J U I L L E T / AO Û T / 2 0 1 8
94