Gottfried Heinrich Bach

Othon Printz

Albert Schweitzer et

GOTTFRIED HEINRICH

BACH « Le musicien génial à l’intelligence arrêtée »

Jean Sébastien Bach avec trois de ses fils Balthasar Denner, vers 1730 Bachakademie Stuttgart

Othon Printz

Albert Schweitzer

GOTTFRIED HEINRICH

BACH « Le musicien génial à l’intelligence arrêtée »

et la Fondation Sonnenhof

Recherches, rencontres, témoignages

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Ces pages sont dédiées Aux résidents de la Fondation protestante Sonnenhof qui, durant près de 30 ans, ont bien souvent éclairé ma vie et guidé mes réflexions.

A toutes les personnes qui œuvrent pour la diffusion de la pensée du Schweitzer.

docteur Albert

A celles et ceux qui, à travers le monde, bravent les difficultés et continuent à travailler pour que sa philosophie du Respect de la Vie reste une pensée engagée au service de l’autre.

Les chemins par lesquels nous avançons vers notre but peuvent encore être voilés de ténèbres : la direction dans laquelle nous devons avancer est claire. Ensemble nous avons à réfléchir sur le sens de la vie, ensemble, nous avons à lutter pour élaborer une conception affirmative de la vie et du monde, dans laquelle notre penchant inné pour l'action que nous ressentons comme nécessaire et précieux puisse se justifier, s'orienter, se purifier, s'approfondir, prendre un caractère éthique, et devenir ensuite capable de concevoir et de réaliser un idéal de civilisation définitif et inspiré d'un humanisme véritable Albert Schweitzer, Verfall und Wiederaufbau der Kultur, C.H. Beck, München, 1923, p. 64.

Traduction proposée par Charles R. Joy, Albert Schweitzer, Une Anthologie, Payot, Paris1952, p. 17.

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PREFACE Lorsque Othon PRINTZ me demanda de préfacer son nouvel ouvrage sur Gottfried Heinrich BACH, fruit de recherches dont lui seul à le secret, avec cette capacité qui est la sienne de décrypter des événements afin d’apporter de nouveaux éclairages sur l’œuvre d’Albert SCHWEITZER, une citation m’interpella : « Un grand génie qui ne se développa pas ! » C’est par cette courte annotation manuscrite sur le résumé des recherches généalogiques effectuées par son père Jean Sébastien BACH, que Carl Philippe Emmanuel qualifia son frère Gottfried Heinrich. Le propos apparait aujourd’hui d’une étonnante modernité. Il reconnait la personne au delà de son handicap. En 1909, le journaliste qui annonçait le premier concert donné par Albert SCHWEITZER à Strasbourg pour commémorer l’anniversaire du décès du Cantor de Leipzig, employa un terme courant en ce début du XXème siècle : « enfant idiot ». Il s’inscrivait alors dans une vision, certes commune à cette époque, qui enfermait la personne handicapée sans reconnaissance de sa capacité d’agir et bien éloignée de celle de Carl Philippe Emmanuel, Celui qui a la chance de vivre ou de travailler avec des personnes relevant du champ handicap psychique, que l’on qualifie aujourd’hui de « personnes ayant des besoins spécifiques », sera lui aussi sensible à cette phrase du XVIIIème siècle. Elle ouvre des horizons nouveaux conduisant à porter un regard différend sur nos concitoyens aux besoins spécifiques. Elle souligne surtout le fait que chaque personne est une personne ressource. Elle vient pour moi en écho à un propos relevé lors d’échanges avec un groupe de personnes bénéficiant d’un accompagnement dans un hôpital de jour en psychiatrie et auxquelles il était demandé quelles étaient leurs attentes. Leur réponse fut lumineuse : « il est temps que nous handicapés sachions ce que nous pouvons faire pour les personnes normales ».

Albert SCHWEITZER lui-même portera un regard particulier sur ceux qui étaient alors qualifiés « d’aliénés ». Dans la conception de son hôpital, le troisième, celui qu’il construisit entre 1924 et 1927 sur le site d’Adolinamongo1 des bâtiments étaient aménagés spécifiquement pour eux2. Au soir du 21 janvier 1927, il termine le transfert des patients vers le nouvel hôpital et il relate l’événement dans son autobiographie3 (3) écrivant « au dernier voyage, j’amenai dans la soirée les malades mentaux. Leurs gardiens ne se lassaient pas de leur répéter que dans le nouvel hôpital, ils auraient des cellules avec des planchers en bois.

Site où se situe encore aujourd’hui l’Hôpital Schweitzer de Lambaréné.

Le bâtiment destiné aux aliénés fut construit avec les fonds réunis par la paroisse de Guildhouse à Londres, en souvenir d’un de ses membres défunt, Mr Ambroise PomeroyCragg.

3 « Ma Vie et ma pensée » pages 240 et 241 Edition AISL mai 2017.

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Dans l’ancien hôpital, le sol était en terre humide….Pour la première fois depuis que je travaillais en Afrique, mes malades avaient un logement digne d’êtres humains ».

Plus tard dans l’organisation de l’hôpital les malades mentaux trouvèrent leur place dans des travaux qualifié depuis d’ergothérapie. Ils travaillèrent aux jardins, à l’entretien du linge ou à l’entretien des bâtiments. Ils étaient reconnus, intégrés et dans une situation où leur esprit pouvait se développer quels que furent leurs handicaps respectifs.

Aujourd’hui encore, tout le travail de celles et ceux qui accompagnent le parcours de vie des personnes à besoins spécifiques consistent à faire que leur génie se développe. Qu’ils en soient remerciés mais surtout encouragé. Mais ils ne manqueront pas de souligner combien en respectant le pouvoir d’agir des personnes leurs vies deviennent plus lumineuses. Je ne doute pas qu’à la lecture des pages qui vont suivre chacun trouvera vous trouverez la même source d’enrichissement personnel.

Damien Mougin Président de l’Association Française des Amis d’Albert Schweitzer

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Introduction A 80 ans passés, je ne pensais pas qu’une figure majeure allait s’ajouter à trois autres qui ont fortement marqué mon parcours de vie.

Il s’agit de Jean Sébastien Bach, non pas du musicien à la célébrité universelle, mais du père touché dans sa chair par un enfant handicapé mental.

Avant de partager le récit de cette découverte, que le lecteur me permette un bref retour sur les circonstances de ma rencontre avec Gottfried Heinrich Bach.

Les rencontres anciennes Albert Schweitzer « Un véhicule magique » m’a permis de le voir A la fin de l'année 1949, j’avais 13 ans. Je préparais le certificat d'études primaires et avais décidé d'apprendre le métier de tailleur. Dans la nuit du 24 au 25 décembre, ce projet est devenu caduc.

Sous le sapin, j'ai trouvé comme cadeau le livre du Docteur Schweitzer : A l'orée de la forêt vierge. Ma nuit fut blanche. Au lever du soleil, j'en avais terminé la lecture et pris une décision que je sentais irrévocable : je ne serais pas tailleur mais entreprendrai des études de théologie pour devenir missionnaire !

L'été suivant, mon frère et moi avons enfourché nos bicyclettes pour un voyage de Rittershoffen, notre village natal, à Gunsbach, dans le secret espoir d'y rencontrer le Docteur Schweitzer.

La chance nous a souri. En fin d'après-midi, accompagné de quelques célébrités, le grand Docteur se rendit de sa maison vers l'église. Bien plus tard, j’ai appris que parmi les invités se trouvait, excusez-moi du peu, la Reine de Belgique !

Nous nous rapprochions du petit groupe pour qu'Albert Schweitzer entende notre très alsacien « Bouchour ! ».

Effectivement il nous remarqua et vint vers nous pour nous saluer en nous tendant la main. J'étais tellement ému que j'ai laissé tomber ma bicyclette et c'est le vieil homme qui ramassa le vélo du jeune homme !

Il nous questionna, en quelques mots, sur le but de notre Albert Schweitzer à l’âge de 20 ans randonnée. ©Archives centrales Schweitzer Gunsbach Dans son regard perçait sa légendaire bonté et peut-être un brin de nostalgie de sa propre jeunesse. Dans Les Souvenirs de mon enfance, il a consacré une page entière au vélo. «…La jeunesse actuelle a de la peine à se représenter quelle importance eut pour nous le développement de la bicyclette. C’était la clef des champs, le véhicule magique qui nous transportait en pleine nature. Pour moi j’en ai profité abondamment et avec délices… » La découverte ultérieure de l’ampleur de sa pensée et de son action est à la base de mon engagement professionnel de médecin, pasteur et directeur de la Fondation protestante Sonnenhof, établissement d’accueil de personnes handicapées mentales et de mes fonctions extra professionnelles, dont, durant huit ans, la présidence du Conseil de Fondation de l’hôpital Schweitzer de Lambaréné.

Par-dessus tout, cette rencontre m’a enseigné que la vraie grandeur est faite d’humilité.

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Carl Gustave Jung De l’étude des mythes à l’inconscient collectif Au cours de mes études de médecine, commencées en 1956, j’ai fait la connaissance d’Hélène Kiener, psychologue strasbourgeoise, qui avait été analysée par C.G. Jung en personne. Cette rencontre a été déterminante dans mon choix de me spécialiser en psychiatrie. Mais, au lieu m’intéresser comme la majorité de mes condisciples au couple royal de l’époque, Freud /Lacan, je me suis inscrit au modeste Cercle d’études jungiennes de Strasbourg.

Depuis, j’ai souvent trouvé, dans la riche, mais exigeante pensée de Jung, un moyen de comprendre en profondeur le monde qui nous entoure.

Le mythe de « David Bach », qui apparaitra dans les lignes qui suivent, sera examiné dans la perspective ouverte par le grand psychiatre de Zurich.

Emma et Carl Gustave Jung

©site Internet C G Jung

Paul Gauguin L’avenir d’une frustration

Il y a plus de 50 ans, j’ai rêvé pouvoir faire mon service militaire comme coopérant chez le docteur Schweitzer à Lambaréné.

Hélas, le docteur Trensz, mon patron de laboratoire, pourtant ancien assistant d’Albert Schweitzer en 1926, plus tard président du Conseil d’administration du célèbre hôpital, s’y opposa résolument. « Vous avez une très haute opinion du Grand Docteur mais ni son hôpital ni l’homme ne correspondent plus à votre idéal ! » Albert Schweitzer avait alors 88 ans et portait, à l’évidence, le poids de son âge.

Ainsi je devins, à Diego Suarez (Madagascar), aumônier de la légion étrangère et stagiaire en médecine tropicale.

A Diego, ma petite famille et moi, avons été accueillis comme leurs propres « zazakely » (enfants) par le missionnaire Jacques Vernier.

Paul Gauguin, dernier autoportrait, 1903, Avec enthousiasme, il m’a souvent parlé d’un Kunstmuseum, Basel. « oncle Paul » qui, missionnaire comme lui, mais à Hiva Oa, aux îles Marquises, a accompagné et soigné le célèbre peintre Paul Gauguin.

Arrivé à l’âge de la retraite, j’ai eu la joie de faire la connaissance du petit-fils de Paul Vernier qui m’a ouvert les riches archives de sa famille. Cette rencontre est à la base de mes publications sur Gauguin et de la découverte d’un homme aux multiples facettes. Ainsi, peu de gens connaissent ses écrits théologiques ou son engagement social qui reposent sur son credo formulé quelques jours seulement avant sa mort : « L’Evangile est la première base (la seule peut-être) de la société dans l’avenir…C’est pourquoi [j’ai] tellement insisté sur ses textes, les répétant sans cesse, m’efforçant de les comprendre, dans l’esprit d’un monde meilleur ». Sa défense des Marquisiens contre les rigueurs du colonialisme entrainera une condamnation à la prison que seule la mort lui évitera de connaitre !

Comment jugerait-il les tableaux, peints avec amour, par les « enfants différents » présentés à la fin de cette étude ?

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Deux nouvelles rencontres Au cours du mois de mai 2018, lors d’une réunion familiale, un ami m’a demandé si je connaissais des textes d’Albert Schweitzer en rapport avec l’orgue du Palais des Fêtes de Strasbourg. Sa question se situait dans le cadre d’une rénovation complète de l’édifice.

Avouant mon ignorance, je me mis néanmoins à chercher… et la moisson se révéla bien plus grande que ce que je pouvais imaginer.4 En août, dans le cadre du « Festival des orgues de Strasbourg 2018 », Pascal Vigneron a offert à son public non seulement une interprétation magistrale des Variations Goldberg mais encore une petite brochure explicative.

Une note de l’opuscule provoqua en moi un choc : « La gématrie (forme d’exégèse propre à la Bible hébraïque) , et le symbolisme rosicrucien sont omniprésents dans toutes les œuvres du Cantor de Leipzig, que ce soit d’une manière consciente ou subconsciente ».5 Intéressé depuis mes études de théologie à cette forme de pensée qui combine lettres et chiffres, je voulais savoir si Albert Schweitzer avait évoqué, dans l’un ou l’autre de ses deux ouvrages sur Bach6, cette thématique.

Si je n’ai trouvé aucune trace explicite d’une référence à la gématrie, j’ai eu la surprise de rencontrer dans ma quête Gottfried Heinrich, le fils handicapé de Jean Sébastien Bach.

Découverte bouleversante pour qui a cheminé sa vie durant avec ces personnes.

Quatre remarques préliminaires encore.  L’expression, « Le musicien génial à l’intelligence arrêtée », est la traduction française proposée par Schweitzer d’une remarque de Carl Philippe Emmanuel Bach, demifrère de Gottfried Heinrich. En complément à un document généalogique original, rédigé par Jean Sébastien Bach lui-même, il écrit : « War ein grosses Genie, welches aber nicht entwickelt wurde ».  Dans les pages qui suivent, il m’importe de mettre le lecteur francophone en contact visuel avec les textes originaux, essentiellement en allemand, écrits ou consultés par Albert Schweitzer. D’où l’usage fréquent de facsimilés même si la lisibilité n’est pas toujours parfaite.  Le tableau reproduit en page de garde, œuvre du portraitiste Balthasar Denner, né à Hambourg en 1685 et décédé à Rostock en 1749, est généralement intitulé Jean Sébastien Bach avec trois de ses fils.

L’imaginaire du peintre l’a, de toute évidence, guidé plus qu’une quelconque recherche de ressemblance.

Aussi je m’autorise à imaginer que le plus petit des enfants correspond à Gottfried Heinrich, appelé par son père à siéger, comme les autres, à la table des grands…7  Les témoignages rapportés dans le dernier chapitre de cette étude ont été publiés dans le JOURNAL DU SONNENHOF, l’organe de liaison de la Fondation avec ses amis. 8 4

Les résultats de cette recherche sont rapportés dans les Cahiers Albert Schweitzer, n° 175.

Stras’Orgues, Festival des Orgues de Strasbourg, Collège Episcopal Saint-Etienne 25 août 2018, Variations Goldberg, Pascal Vigneron, p. 3.

6 Le premier ouvrage a été publié en français en 1905 sous le titre Jean Sébastien Bach, le musicien-poète et le second en allemand, en 1908, plus simplement intitulé J. S. Bach.

7 Voir : H. Börsch-Supan, Gruppenbild mit Musikern. Ein Gemälde von Balthasar Denner und das Problem der Bach-Ikonographie. Kunst und Antiquitäten, 8 (1982 ) Cahier n°3, pp. 22-32.

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La rencontre avec Gottfried Heinrich Bach m’a conduit à ne pas me limiter au cadre d’une recherche strictement historique mais à évoquer des rencontres personnelles avec « des génies à l’intelligence arrêtée » mais dont le langage du cœur m’a révélé bien des choses « cachées aux sages et aux intelligents… » 9 Pour concrétiser ma reconnaissance, je souhaite que le produit de la publication de ces lignes soit affecté à deux projets précis : 1. A la Maison Schweitzer de Gunsbach, où des travaux d’extension des archives sont en cours. L'aménagement extérieur du terrain me tient particulièrement à cœur.

2. Au Sonnenhof de Bischwiller pour l'opération "Un zoo qui crée la rencontre : démarche de travail autour de la médiation animale".

Les responsables des deux établissements fourniront volontiers au lecteur intéressé toutes les explications concernant ces projets.

Deux photos et deux citations montrent combien ils s’enracinent dans la philosophie du Respect de la Vie développée par Albert Schweitzer.

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« Le chemin qui descend entre la maison et les potagers devait être renforcé… Nous avons décidé de faire un enrochement définitif afin de garantir la sécurité à long terme. Ce type d'enrochement permet en plus de créer un habitat pour les nombreux lézards. Le mur en béton qui clôturait le jardin ne sera pas remis, au profit d'une clôture en bois qui offrira une plus jolie vue sur la maison depuis la route. » Jenny Litzelmann, directrice de la Maison Schweitzer de Gunsbach

« Le Sonnenhof a développé depuis 40 ans une expertise unique dans la médiation animale. Les animaux ont été introduits dans les thérapies par le Docteur Othon Printz.

Influencé par Albert Schweitzer il a été convaincu de la pertinence de la médiation animale pour le bien-être et le développement des aptitudes sociales des résidents ».

Caroline Bindou, directrice générale de la Fondation Sonnenhof.

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Etablissement d’accueil pour personnes présentant un handicap mental créé dans le nord de l’Alsace en 1876.

Voir notices plus complètes en pages 13 et 37.

9 Evangile de Luc chapitre 10, verset 21.

10 Photo et texte de gauche : Cahiers Albert Schweitzer n° 174 pp119-125 Photo et texte de droite : Dossier de Presse octobre 2018, La Fondation Sonnenhof, pionnière de la médiation animale.

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INTERFACE La Maison Albert Schweitzer de Gunsbach entre dans une nouvelle ère : Le « Respect de la vie » fut au cœur de la pensée et de l’œuvre du Docteur Albert Schweitzer, prix Nobel de la paix en 1952. Tous nos efforts doivent tendre au respect de toutes les formes de vie, but ultime de la Civilisation. Aujourd’hui, la diffusion de cette éthique à l’échelle internationale est la mission principale de l’AISL (Association Internationale pour l’œuvre du Dr Albert Schweitzer de Lambaréné) fondée en 1930 par Schweitzer lui-même.

C’est dans sa maison à Gunsbach, d’où se sont déployées toutes les activités d’Albert Schweitzer depuis sa construction en 1928, que se situe aujourd’hui le siège de cette association. Elle est également un musée et le centre international des archives depuis 1967 (environ 200 000 documents, objets, lettres, photographies, manuscrits, partitions, disques, enregistrements audio-visuels, médailles, livres… du 16ème au 20ème siècle).

Ce véritable patrimoine de l’humanité entre dans une nouvelle ère : La maison doit être mise aux normes pour des raisons d’accessibilité, de sécurité et de conservation des archives. Le remplacement complet du système électrique, qui date de 1928, est devenu obligatoire pour la sécurité du public et des archives, étant donné les risques élevés d’incendie. Pour des raisons écologiques, économiques et de conservation des archives également, elle doit être mieux isolée.

Jusque-là, pour les besoins de fonctionnement du musée et des archives, les appartements d’Albert Schweitzer et son épouse Hélène ont dû subir des transformations à cause de l’exiguïté des locaux : l’ancienne cuisine a été transformée en accueil-boutique, la salle à manger en bureau/archives, les chambres à coucher en pièces de stockage et salle de projection, pour ne laisser finalement que deux pièces accessibles au visiteur : la chambrebureau du Dr Schweitzer, dans son état d’origine, et le salon de musique, transformé en petit musée avec le célèbre piano tropical à pédalier d’orgue.

Les travaux qui vont commencer en 2019 dans la Maison ont donc aussi pour but de libérer l’espace et de redonner aux appartements de Schweitzer leur apparence et leur cachet d’origine, de les rendre entièrement accessibles et de dévoiler quelques trésors de nos archives.

Le sous-sol de la maison, utilisé également comme lieu de stockage, deviendra un espace muséal dédié à l’œuvre de Schweitzer au Gabon, le village-hôpital de Lambaréné, de sa conception à nos jours.

Cette « libération » et restructuration de la Maison seront rendues possibles grâce à ce qui est la partie la plus importante de ce projet global : la construction d’une extension, qui remplira les fonctions d’accueil, boutique, salon, salle multi-activités, expositions temporaires, avec surtout un nouvel espace muséal, contemporain et dédié à l’éthique du respect de la vie. Cette extension se veut la plus discrète possible, afin de ne perturber ni la maison, ni l’harmonie du paysage et de ses habitants.

Ainsi nous espérons développer les activités de diffusion du respect de la vie, plus que jamais actuel, pour ne pas dire urgent, et toucher un nombre de personnes toujours plus grand.

Jenny Litzelmann, directrice de la Maison Schweitzer de Gunsbach.

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PROGRAMM

1. Praeludium und Fuge in F-moll.

2. a) Choralfantasie über „Mit Fried und Freud ich fahr dahin“. b) Choralfantasie über „Herr Gott nun schleuss den Himmel auf “.

3. Praeludium und Fuge in G-moll.

4. Choralfantasie über „In dir ist Freude“.

5. Praeludium und Fuge in G-dur.

------- Eintritt frei -------Reservierte Plätze à 1 Mk in den Musikalienhandlungen Hug (Spielgasse) und Wolf (Meissengasse) und Abends am Eingang der Kirche.

Am Ausgang wird eine Sammlung zu Gunsten des Heimes für blöde Kinder in Bischweiler veranstaltet. _______________ Praeludium und Fuge in F-moll gehören zu den Schöpfungen in denen Bach in der Art, wie er es allein vermochte, den grossen verklärten Schmerz zum Ausdruck bringt.

In dem Sterbechoral „Mit Fried und Freud‘ ich fahr dahin“ umspielen Motive mit dem charakteristischen Bach’schen Freudenrhytmuss die Melodie und lassen sie von seligem Tode singen.

Der Choral „Herr Gott nun schleuss den Himmel auf“ hebt also an: Herr Gott nun schleuss den Himmel auf, Mein Zeit zu End sich neiget.

Ich hab vollendet meinen Lauf, Des sich mein Seel‘ sehr freut.

Hab’g’nug gelitten, mich müd gestritten, Schick mich fein ein zur E wgen Ruh. Bach gibt den Eindruck der Worte wieder, indem er eine milde Flötenstimme den Choral begleiten lässt und in monoton dahintolperden Bässen die müden Scritte des Pilgers, der zur Himmelstür kommt, vernehmen lässt. .

Praeludium und Fuge in G-moll schuf er in der Vollkraft seines Lebens als Organist zu Weimar.

Mit der majestätisch dahinrauschenden Choralfantasie über „In dir ist Freude“ praeludierte er einst am Neujahrsmorgen und predigte der Gemeinde Glaube und Hoffnung.

Praeludium und Fuge in G-dur sind Ausdruck der übernatürlichen Heiterkeit und Freudichkeit, die in der Meisterseele lebten und ihn über alles Erdenleid hinaushoben.

Das Thema der Fuge entnahm er dem ersten Chor der Cantate „Ich habe viel Bekümmernis“, indem er es aus den Mollbarnischen herausriss und in Durklängen erstrahlen liess, als wollte er das Wort aus der Offenbarung Johannis verkünden: „Und Gott wird abwischen Thränen von ihren Augen und der Tod wird nicht mehr sein, noch Leid, noch Geschrei, noch Schmerz wird mehr sein…“ Programme du concert donné par Albert Schweitzer le 28 juillet 1909 à Saint Thomas, conservé au Musée Schweitzer de Gunsbach.

La mauvaise qualité de l’original m’a amené à le reconstituer.

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Chapitre premier Un concert en souvenir de la mort de Jean Sébastien Bach Enigme autour d’un don Jeudi soir le 29 juillet 1909

Mg. « Je suis dans le train pour ‘uf Colmar’. 12 Ma sœur m'a demandé de 11

venir encore une fois. Elle veut me parler des études de ses garçons. Il est 5h1/2. Je rentrerai à 8h35, car je veux me coucher tôt…

Tel est le début de l’une des nombreuses lettres adressées par Albert Schweitzer à Hélène Bresslau, son amie intime et sa future femme. Puis il poursuit : « Il fait beau. On moissonne. Un soir d'été comme on en rêve. Je pense à l'amie qui connaît maintenant les longues soirées d'été du Nord 13. Quelle en jouisse et se repose… Il me semble que je me repose moi-même en y pensant.

Je suis encore tout saisi de mon concert d'hier. C'était si émouvant de jouer à l'heure de la mort de Bach. Ci-joint un programme. L'église était tout à fait remplie et il y avait énormément de Stimmung14. Quand j'ai cessé, personne n'a osé se lever. Récolte : 300 Mark pour la Blödenanstalt de Bischweiler.15 Presque toute l'université était là. Les Bresslau16 avaient naturellement reçu des billets. Hier encore, le jour du concert, j'ai trouvé moyen d'aller dîner chez les parents Bresslau pour leur dire adieu, puisque je ne les verrai plus avant la fin des vacances. Voici déjà Schlettstadt...17 »

Petite histoire d’une découverte Le premier écho de ce courrier me parvint en 1987, peu de temps après avoir été élu président de la Fondation Internationale de l’Hôpital Schweitzer de Lambaréné.

Rhéna Schweitzer-Miller, la fille d'Albert Schweitzer, qui demeurait alors aux USA, avait trouvé la lettre, parmi beaucoup d'autres, dans l'une des caisses entreposées sur le grenier de son ancienne résidence en Suisse. « Par quel mystère ton père a-t-il choisi le Sonnenhof pour l'attribution de cette somme, fruit du concert donné en mémoire de la mort de Jean-Sébastien Bach » demandais-je à Rhéna. Elle ne sut me répondre.

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Mg abréviation pour Ma grande. « Mon grand » ou « Ma grande » : à partir de juin 1906 Albert Schweitzer et Hélène Bresslau utiliseront très souvent ces deux expressions pour commencer leurs courriers. Ce diminutif affectueux n’empêchera pas Albert d’écrire à d’autres moments Chère Mademoiselle et Hélène Mon ami.

Le français constitue la langue dominante de leurs échanges ; l’insertion d’expressions ou de phrases en allemand, voire en alsacien, est néanmoins très fréquente. Les lettres exclusivement allemandes sont très rares.

12 Alsacianisme pour dire à Colmar.

13 Hélène voyageait seule en Russie ! Cette initiative traduit, pour une jeune femme de l’époque, un grand courage et un sens marqué d’indépendance.

14 Traduction difficile. Je propose atmosphère de recueillement.

15 Littéralement « Institution pour idiots ». Le terme n’avait, à l’époque, aucune connotation péjorative.

J’ai eu l’honneur de servir durant près de 30 ans dans l’établissement comme médecin d’abord, puis comme directeur général et pasteur. Fondée en 1876, cette maison d’accueil pour personnes handicapées mentales prit en 1911 le nom de Sonnenhof, c’est à dire Cour du Soleil. En 1909, date du concert de Schweitzer, l’institution accueillait sur deux sites, à Oberhoffen et à Bischwiller, 192 résidents de tout niveau de handicap et - je le souligne - de toute confession, même si le Sonnenhof était d’obédience protestante,.

16 Il s’agit des parents d’Hélène. Professeur à l’Université de Strasbourg, médiéviste réputé, Harry, le père d’Hélène, était aussi, en 1909, Recteur de la « Kaiser Wilhem Universität zu Strassburg ».

17 Pour Sélestat.

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Depuis, l’ample échange de correspondance entre Albert Schweitzer et Hélène Bresslau, portant sur les années 1901 à 1912, a été largement diffusé.18 Dans la note accompagnant la publication de cette lettre le nom de l’établissement bénéficiaire de la générosité d'Albert Schweitzer a toujours été mentionné mais le pourquoi du geste et du choix du destinataire est resté caché.

Ce n'est qu'en juillet de l’année 2018, qu’au cours d'une recherche consacrée au rôle qu’Albert Schweitzer a joué dans la construction de l'orgue du Palais des Fêtes de Strasbourg que j'ai été, à nouveau, confronté à cette énigme.19 Aujourd’hui le voile commence, me semble-t-il, à se lever.

La piste de la Paroisse Réformée du Bouclier de Strasbourg En 1909, âgé de 34 ans, Albert Schweitzer était ce qu’aujourd’hui on appellerait un homme « sur-occupé ».

Il cumulait les fonctions de professeur-assistant (Privatdozent) à la Faculté de théologie, de pasteur à l’Eglise Saint Nicolas, d’étudiant en médecine, d’organiste de la Société Bach de Paris, de superviseur de la construction de l’orgue du Palais des Fêtes, sans parler de ses travaux de recherche. Il s’intéressait alors particulièrement à l’apôtre Paul.20 Par ailleurs, Albert Schweizer a toujours accordé une grande importance au « relationnel », autre terme moderne qu’il n’aurait sans doute pas beaucoup apprécié.

Dans cette perspective, l’amitié qui le liait à Strasbourg aux deux pasteurs de la paroisse réformée du Bouclier mérite d’être soulignée.

Le premier, Charles Piepenbring (1840-1928), tout en étant pasteur et président du Conseil Synodal, fut aussi un grand théologien, qui s’intéressait, comme Schweizer, aux recherches sur la Vie de Jésus.21 Le second, Édouard Stricker (1852 à 1925), était, à côté de son ministère pastoral, engagé dans la musique d’église et dans le social.

C’est lui qui fonda en1890 la Société Chorale de l’Eglise Réformée de Strasbourg « pour contribuer à embellir les services religieux ». Rapidement, il confia la direction du chœur mixte, à Charles Niesberger.22 Celui-ci, élève, comme Schweitzer, d’Ernest Munch, également fervent admirateur de J. S. Bach, parvint à donner, grâce à son enthousiasme, un très haut niveau à cette chorale.

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En allemand en 1992 d’abord, puis en 2003 en anglais. Enfin, à partir de 2005, Jean-Paul Sorg commença à publier ces lettres, en trois volumes, en France. Ce travail remarquable fut édité chez Jérôme Do Bentzinger à Colmar. Il a un avantage considérable sur les autres parutions : le bilinguisme de ces lettres a été respecté ! Il restitue toute la saveur de ces échanges entre Hélène et Albert.

19 Voir Cahiers Albert Schweitzer n° 176.

20 Le 4 octobre 1909 il adresse de Sarre-Union ce mot à Hélène: « Morgen wird wieder am Paulus geschaft… » (Demain on travaillera à nouveau au Paulus) et le 5 janvier 1910 il lui télégraphie de Turkheim, un village du Haut-Rhin : « Paulus fertig. Grüsse Grand ». (Paul achevé. Salutations. Grand) Pour se faire une idée précise des multiples tâches poursuivies par Albert Schweitzer je recommande au lecteur l’ouvrage de Matthieu Arnold, ALBERT SCHWEITZER, Les années alsaciennes, 1875-1913, La Nuée Bleue, 2013.

21 Dans leurs ouvrages sur le Jésus Historique Piepenbring et Schweitzer se sont réciproquement cités. Cf. A propos de Téolib…Schweitzer et le pasteur Piepenbring, Jean-Paul Sorg, Cahiers Albert Schweitzer n°114, Avril 1999, pp7-9. Cette brève étude est suivie par des Notes complémentaires sur Charles Piepenbring (opus cité pp.

10-12) de François Isch. Professeur de neurologie, ancien doyen de la Faculté de médecine, il fut aussi président de l’Association Française des Amis d’Albert Schweitzer. Arrière-petit-fils de Charles Piepenbring, il était encore arrière-cousin de Ch. Piepenbring junior qui dirigea le Sonnenhof de 1919 à 1934. Dans la mémoire de l’établissement, il survit comme grand amateur de roses dont les plantations égayaient et embaumaient les allées de la Fondation.

22 Edouard Niesberger, le fils de Charles, devint un organiste de réputation mondiale. Il était très lié à Albert Schweitzer. Les deux hommes collaborèrent dans l’édition des œuvres pour orgue de Jean-Sébastien Bach. En 1998, aux Editions de la Nuée Bleue, Niesberger publia Albert Schweitzer m’a dit.

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Au cours de recherches biographiques antérieures23 il m’était apparu qu’en 1909, l’année du concert organisé en souvenir de la mort de Bach, Edouard Stricker fut élu Président du Conseil d’Administration de la « Blödenanstalt ».

Contrairement à ce qui se passait ailleurs, Schweitzer, pasteur luthérien, se sentait très à l’aise dans ses relations avec les deux collègues de cette paroisse réformée.

Cette proximité est-elle à la source du choix de l’établissement comme récipiendaire de la collecte ?

Cette hypothèse me parut plausible, mais il manquait un signe irréfutable de preuve.

La « voie » ou la « voix » de la presse ?

J’en étais là dans ma quête, lorsque l’idée me vint de chercher dans les pages anciennes du quotidien intitulé aujourd’hui Les Dernières Nouvelles d’Alsace d’éventuelles traces de l’annonce du concert donné par Albert Schweitzer.

Facsimilé de l’entête d’un numéro du journal de l’époque

Après des investigations éprouvantes24 une petite lumière surgit. En effet, en date du 27 juillet 1909, le journal notait :

Récital d'orgue en souvenir du jour de la mort de Bach. Nous rappelons une nouvelle fois que demain, mercredi, à 8h30 du soir aura lieu en l’église Saint Thomas un récital d'orgue d’Albert Schweitzer. Le programme, qui comprendra trois grands préludes et fugues ainsi que trois fantaisies chorales, a été choisie en rapport avec le jour de la mort de Jean-Sébastien Bach. La recette de cette rencontre en souvenir du Maître est destinée au centre d’hébergement pour enfants handicapés de Bischwiller. L'entrée est libre. Des places réservées, à 1 Mark, peuvent être obtenues au magasin de musique Hug et Wolf ainsi que le soir à l’entrée de l'église.

23

Othon Printz, Gustave Théodore Stricker 1807-1875. Pasteur, poète, journaliste, un pionnier de l'action en faveur des personnes handicapées et défavorisées, Jérôme Do Bentzinger, Colmar, 2005.

24 L’intégralité des numéros originaux des DNA est conservée à la BNU de Strasbourg. En principe l’accès se limite à des microfilms. Ils sont de qualité médiocre. Après deux heures de consultations, alors que des « mouches » apparaissaient devant mes yeux et que j’allais abandonner, miracle ! La note reproduite ci-dessus surgit ! Pour la suite de mon enquête, Jérôme Schweitzer, le conservateur du patrimoine, mit, faveur exceptionnelle, la version papier à ma disposition. Merci à lui et à ses collaborateurs de la BNU de Strasbourg pour la précieuse aide reçue.

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Le mot « rappel » m‘encouragea. Il y avait donc forcément un « avant ». Par chance il y eut même un « après » ! Voici un extrait de ces deux textes en facsimilé et en traduction.

Sur l’annonce du concert

Bach avait un fils, Gottfried Heinrich, qui était « idiot » et dont la vue lui causait une telle souffrance que la fille aînée du Maître, l'épouse d’Altnikol, l'emmena chez elle à Naumburg durant les derniers mois de la maladie de son père de sorte qu’il avait l’assurance que son fils aurait un foyer après sa mort. Ainsi, la collecte pour le soulagement de la misère des enfants « idiots », lors de la cérémonie de commémoration de la mort du Maître, constitue un hommage à la croix qu'il porta.

Sur le compte-rendu de l’évènement

On peut à peine imaginer un plaisir artistique supérieur à celui d’un récital d’orgue donné par Schweitzer. Toute la pieuse poésie et l'intimité sacrée du maître résonnent dans la magnifique pièce de ce concerto pour orgue. Le choix même des œuvres proposées a suscité un réel plaisir. Parmi les trois puissantes fugues ce fut en particulier celle en sol mineur qui retint l’attention ; toute la vie religieuse personnelle de Bach résonnait dans ces merveilleux accords. De manière sublime et grandiose l'artiste a restituer la Fantaisie Chorale « In Dir ist Freude ». Ceux qui ont pu écouter cette œuvre, dans une exécution aussi accomplie, n'oublieront pas les accords poignants et remercieront de tout cœur la maitrise du jeu de l’organiste.

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Conclusion La capacité d’empathie, doublée d’un grand sens de l’action qui caractérise, au-delà de ses immenses qualités intellectuelles et artistiques, le docteur Schweitzer dès cette époque, éclate dans les propos rapportés par le journaliste. Mais laissons le mot de la fin au concertiste luimême : « La profonde tristesse de certaines cantates nous surprendra-t-elle maintenant que nous savons dans quelles tristes circonstances elles ont vu le jour ?

Si les cantates pouvaient nous raconter toutes ces tristesses, nous connaîtrions, dans toute leur étendue, des douleurs que nous laisse à peine deviner l'inventaire dressé après la mort du maître.

L'aîné des fils d'Anne Madeleine - il s'appelait Gottfried Heinrich - est représenté par un curateur, car il était idiot. Emmanuel prétend qu'il avait du génie, mais qu'à un certain moment son intelligence s'était arrêtée. Altnikol, le gendre de Bach, le prit chez lui dès avant la mort du père ; il ne mourut qu’en 1763».25

Albert Schweitzer à l’orgue de l’Eglise protestante de Bischwiller, le 15 octobre 1922.

Photo offerte à Othon Printz par Rhéna Schweitzer-Miller.

25

Albert Schweitzer, J.S. Bach, Le Musicien-Poète, Editions Foetisch, Lausanne p.77.

15

Ce CD reproduit des œuvres de Bach jouées par Albert Schweitzer sur l’orgue Silbermann de l’Eglise Saint Aurélie de Strasbourg et celui de la All Hollows Church, Barking by the Tower, Londres, entre 1935 et 1937

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Chapitre 2 Prélude au Concert-souvenir de la mort de Bach Werner Zager, grand spécialiste d’Albert Schweitzer, souligne combien l’exégète hautement spécialisé qu’il fut, s’est constamment efforcé à « populariser les résultats de ses recherches consacrées au Nouveau Testament ».26 Ainsi entre 1901 et 1906 on ne compte pas moins de 30 articles publiés par Schweitzer dans son journal favori, l’Evangelischprotestantischer Kirchenbote für Elsass-Lothringen.

Il en va de même pour la musique. Le concert en souvenir de la mort de Bach, évoqué plus haut, a été précédé d’un article qu’Albert Schweitzer a intitulé Zum 28. Juli, dem Todestag Bachs. Il a été publié en 1908 dans un hebdomadaire à grande diffusion appelé Die Gegenwacht – Wochenschrift für Litteratur, Kunst und öffentliches Leben 27 et repris en 1909 dans Deutsche Militär-Musiker-Zeitung! 28 Il m’a paru intéressant de traduire quelques extraits29 de cet article très difficilement accessible à un public francophone.

Facsimilé de l’introduction de l’article d’Albert Schweitzer

©BNU Strasbourg

26

Werner Zager, Albert Schweitzer als liberaler Theologe, LIT Verlag, Berlin, 2009, pp 60 ss.

Jg.37 (1908). 74-76.

28 JG.31, 30.7.1909, S.1 f.

29 Proposés par Wolfgang Näser. (https://wolfgang-naeser-marburg.lima-city.de/htm/schweitzer.htm) 27

17

A l’occasion du 28 juillet, jour de la mort de Bach En 1808, il n’y eut sans doute que peu de gens à se souvenir du jour de la mort de Bach. Certes, six ans plus tôt, la petite biographie enthousiaste de Forkel, l'ami des fils de Bach, était parue ; mais le cercle de ceux qui se sont convertis au Maître était tout petit. Bach faisait encore partie des oubliés. Mais à présent, son heure est venue. Le 28 juillet est un jour de commémoration que pratiquement aucun musicien ne laisse passer sans se souvenir.

Bien des orgues retentissent le soir de ce jour dans une église sombre et vide, car l'organiste se sent poussé à organiser pour lui seul un culte commémoratif comprenant fugues et préludes de Bach. Et quand les accords de la dernière œuvre de Bach, le prélude du choral Wenn wir in höchsten Nöten sind, traversent l'église, c'est comme si l'orgue proclamait, dans la langue des anges, la foi et la paix de l'homme qui se trouve dans la pièce sombre, aux prises avec la mort, entrain de dicter à son fidèle élève et gendre cette Fantaisie.

Zum 28. Juli, dem Todestage Bachs Im Jahre 1808 mögen wohl nicht viele des Todestages Bachs gedacht haben. Zwar war sechs Jahre zuvor die begeisterte kleine Biographie von Forkel, dem Freunde der Söhne Bachs, erschienen; aber der Kreis, der sich dadurch zum Meister bekehren ließ, war ganz klein. Bach gehörte noch zu den Vergessenen. Nun aber ist seine Zeit gekommen. Der 28. Juli ist ein Gedenktag, den kaum ein Musiker unbeachtet vorübergehen lässt. Manche Orgel erklingt am Abend dieses Tages in dunkler, leerer Kirche, weil der Organist sich gedrungen fühlt, in Bachschen Fugen und Choralvorspielen für sich einen Erinnerungsgottesdienst abzuhalten. Und wenn dann die Akkorde von Bachs letztem Werk, dem Choralvorspiel über "Wenn wir in höchsten Nöten sind", in die Kirche hinausziehen, ist es, als ob die Orgel mit Engelszungen den Glauben und den Frieden des Mannes predigte, der im dunklen Zimmer, schon mit dem Tode ringend, seinem treuen Schüler und Schwiegersohn diese Fantasie in die Feder diktierte.

[...] De nombreux interprètes jouent, depuis quelques années du Bach, sans ressentir soi-même l’approfondissement que celui-ci voulait susciter en chaque véritable artiste. La plupart de nos chanteurs et cantatrices sont beaucoup trop tournés vers les aspects techniques pour chanter correctement Bach.

Seuls quelques-uns d'entre eux sont capables de restituer l'esprit de cette musique. Les autres n'ont pas su pénétrer le monde des idées du Maître ; ils ne perçoivent pas ce que Bach veut dire, ils ne peuvent donc pas le transmettre. Et le pire : ils se considèrent comme d'excellents interprètes de Bach sans se rendre compte de ce qui leur manque. Parfois, on se demande comment le public peut ressentir quelque chose de la profondeur de la musique de Bach à travers des représentations aussi dépourvues du sens du sacré.

[...] Sehr viele Interpreten produzieren sich seit einigen Jahren mit Bach, ohne die Vertiefung an sich zu erleben, die Bach in jedem wahren Künstler zu wirken berufen ist. Die meisten unserer Sänger und Sängerinnen sind in der Technik viel zu weit zurück, um Bach richtig zu singen.

Den Geist dieser Musik können nur wenige unter ihnen wiedergeben; die anderen sind in die Ideenwelt des Meisters nicht eingedrungen; sie empfinden nicht, was Bach sagen will, und können es also nicht mitteilen. Und das Schlimmste: sie halten sich für hervorragende Bach-Interpreten und merken nicht, was ihnen fehlt.

Manchmal fragt man sich, wie es dem Publikum bei so weihelosen Aufführungen dennoch möglich ist, etwas von der Tiefe Bachscher Musik zu verspüren.

18

Les connaisseurs de la situation ne considéreront pas ces propos comme trop pessimistes. Notre enthousiasme pour Bach traverse une crise. Il y a un risque que tout cela devienne trop superficiel et que trop de vanité et de complaisance interfèrent…

Nous prétendons l’honorer mais, en réalité, nous nous glorifions nous-mêmes de l'avoir redécouvert, de le comprendre et de rendre sa musique comme jamais auparavant. Un peu moins de bruit, un peu moins de prétentions, un peu plus de savoir-faire, un peu plus de modestie, un peu plus de profondeur et d'intériorisation, un peu plus de simplicité, un peu plus de consécration ... ainsi Bach sera vénéré plus en esprit et en vérité qu’auparavant.

Kenner der Verhältnisse werden diese Aufführungen nicht für übertrieben pessimistisch ansehen. Unsere BachBegeisterung macht eine Krisis durch. Es ist Gefahr, daß sie zu oberflächlich wird und daß sich zu viel Eitelkeit und Selbstgefälligkeit mit einmischt…Wir tun, als wollten wir ihn rühmen, und rühmen in Wirklichkeit uns, dass wir ihn wiederentdeckt haben und ihn verstehen und wiedergeben wie nie zuvor. Etwas weniger Lärm, etwas weniger 'BachRechthaberei', etwas mehr Können, etwas mehr Bescheidenheit, etwas mehr Tiefe und Verinnerlichung, etwas mehr Schlichtheit, etwas mehr Weihe ... so wird Bach mehr im Geist und in der Wahrheit verehrt werden als bisher.

Concluons.

Nul doute qu’en rédigeant ces lignes en 1908, Albert Schweitzer songeait déjà au concert anniversaire de la mort de Jean Sébastien Bach qu’il organisera en 1909 à l’Eglise Saint Thomas de Strasbourg.

Décidé à suivre l’exemple des concerts commémoratifs qui commençaient à être pratiqués ailleurs à partir des années 1900, il lui tenait à cœur de préciser l’esprit de ces manifestations.

Une reproduction de cette plaque de bronze de 48x64 cm figure au catalogue des documents numérisés de la BNU Strasbourg (Cote NIM 17347) avec la mention suivante : Albert Schweitzer, initiateur des Concerts Bach.

28.7.1908.30 Profil à G réalisé par Louis Hesselbarth.

Apposée près des orgues de Saint Thomas à Strasbourg le 28.7.1962.

30

Date erronée. Le premier concert a été donné en 1909.

19

Facsimilés

Gottfried Heinrich Bach [ = 20 a ]

[20] Aria

In d-Moll (= BWV 515) Gottfried Heinrich

[ = 20b] (= BWV 515a) Anna Magdalena Der kunstvoll überarbeitete Bass stammt von der Hand Johann Sebastians.

[ = 20 c]

Extrait du texte manuscrit, peut-être de la plume d’Anna Magdalena

SOURCE : Note établie par Neue Bachausgabe, accessible par internet31 [20] Aria „Sooft ich meine Tobackspfeife“ (BWV 515, 515a). Der Text war auf Flugblättern weit verbreitet, er ist mit sämtlichen Strophen dem Notenbüchlein auf einem gesonderten Blatt von einem unbekannten Schreiber beigegeben [= 20c].

[20a] in d-Moll (= BWV 515) stammt von unbekannter Hand. Laut Dadelsen ist es dieselbe wie [32]. Dadelsen vermutet aus Handschriftenvergleichen die kindliche Handschrift von Gottfried Heinrich Bach.

[20b] (= BWV 515a) bringt dieselbe Melodie, die Anna Magdalena Bach eine Quart aufwärts nach g-Moll transponiert hat, wahrscheinlich um sie dem Tonumfang ihrer Singstimme anzupassen. Der kunstvoll überarbeitete Bass stammt von der Hand Johann Sebastians.

31

Die Neue Bach-Ausgabe (= Johann Sebastian Bach: Neue Ausgabe sämtlicher Werke; abgekürzt NBA) ist eine historisch-kritische Gesamtausgabe aller Werke des Komponisten Johann Sebastian Bach (1685–1750). Sie wurde vom Johann-Sebastian-Bach-Institut Göttingen (Schließung Ende 2006) und vom Bach-Archiv Leipzig herausgegeben.

20

Chapitre 3 Que sait-on de Gottfried Heinrich Bach ?

Notice biographique L’intérêt porté par Jean Sébastien Bach à la généalogie n’est pas très connu. Pourtant, en 1735, âgé de 50 ans, il établit un remarquable document se rapportant à ses ancêtres et à sa famille directe.32 Le texte original comporte 17 feuilles manuscrites où il indique la date de naissance, évoque, s’il y a lieu, celle du décès, et note l’inclinaison artistique ou professionnelle.

Voici la ligne n° 48 qui concerne Gottfried Heinrich :

Aucune restriction concernant les capacités intellectuelles de Gottfried Heinrich n’est mentionnée. Le père souligne au contraire son goût pour la musique, spécialement pour le piano.

L’hypothèse a même été émise qu'il serait l'auteur d'une courte pièce de clavecin, ainsi que de l'air So oft ich meine Tobackspfeife, reproduits dans les Klavierbüchlein, les « petits livres pour piano », d'Anna Magdalena.33 Ci-contre j’ai essayé de restituer les notes qui tendent à montrer l’intervention de Gottfried Heinrich. L’hypothèse de von Dadelsen est convaincante et émouvante.

Notons encore que Forkel, le premier biographe de Bach, ami de deux fils du maître, n’évoque à aucun moment Gottfried Heinrich. 34 La déficience devait pourtant être manifeste. En effet, lors de la signature de l’acte officiel de règlement de la succession du père, un tuteur a été nommé pour le représenter.

C’est Carl Philippe Emmanuel Bach, demi-frère de Gottfried Heinrich, qui en complétant le document généalogique original du père, apposera cette note : « War ein grosses Genie, welches aber nicht entwickelt wurde ». (Fut un grand génie mais qui ne se développa pas.) 35

Note sur Anna-Magdalena, la mère de Gottfried-Heinrich Pour permettre au lecteur de ressentir au plus près les propos rédigés par Albert Schweitzer et son empathie pour son maître Jean Sébastien Bach, nous reproduirons son texte français en fac-similé.

32

Consultable sur www.bach.de/leben/chronik Georg von Dadelsen: Bemerkungen zur Handschrift Johann Sebastian Bachs, seiner Familie und seines Kreises ( Tübinger Bach-Studien 1). Hohner, Trossingen 1957, p. 19. Voir aussi : Über Bach und Anderes, Aufsätze u. Vorträge 1957-1982, Laaber-Verlag, 1983.

34 Forkel, Über Johann Sebastians Leben, Kunst und Kunstwerke, Leipzig, 1802, Chap. VIII p. 45. Traduction française : Johann Nikolaus Forkel, Sur la vie, l'art et l'œuvre de Johann Sebastian Bach : Traduit de l'allemand par Geneviève Geffray, Flammarion, 1981, 198 p. Félix Grenier, commentateur de la traduction, signale l’existence d’un enfant du nom de David Bach.

33

35

Voir Georg von Dadelsen, : Über Bach und anderes. Aufsätze und Vorträge 1957-1982. Laaber-Verag, 1983, p.130. .

21

36

Du Bach français au Bach allemand Dans son livre autobiographique Ma Vie et ma Pensée, Albert Schweitzer note : « Lorsqu’à l’été de 1906, ayant achevé l’histoire des recherches sur la vie de Jésus, je me mis à la traduction du livre sur Bach, je m’aperçus très vite qu’il me fallait tout reprendre à la base et pousser plus loin mes investigations. Fermant le volume, je me décidais à rédiger un ouvrage nouveau et plus complet en allemand. À la surprise et au regret de l’éditeur, les 450 pages prévues devinrent en fin de compte 850 ».37 Les informations concernant l’enfant handicapé de Bach ont profité de cette remise en chantier. En effet, en évoquant la naissance de la légende d’un David Bach, Albert Schweitzer a bien voulu nous fournir ses sources le concernant.

38

36

Opus cité p. 78. Ceux qui connaissent Albert Schweitzer savent que le mimétisme de l’écriture entre le futur « Grand Docteur » et sa secrétaire fut, total !

37 Albert Schweitzer, Ma Vie et ma Pensée, Albin Michel, 1960, p. 75.

38 Bach allemand, p.132. La référence n°35 du texte de Schweitzer indique : Rochlitz, Für Freunde der Tonkunst IV, S. 278 ff.

22

Très tôt, des légendes concernant ce fils virent le jour. Rochlitz, un admirateur de Bach, relate au volume quatre de son ouvrage bien connu « Für Freunde der Tonkunst » (1832), que le Maître avait un fils nommé David, qui, lorsqu’à sa manière il improvisait au piano l’émut souvent jusqu'aux larmes.

Mais aucun fils portant ce nom ne figure dans aucune des généalogies qui ont été conservées.

Et voici le fac-similé du texte de Rochlitz visé par Albert Schweitzer.

Ce don, tous les fils de Sébastien qui ne sont pas décédés avant qu’on ne puisse en juger, le possédaient. Même le fils de douleur et de tristesse, dont je n’ai trouvé aucune trace officielle, ce David, atteint d’idiotie dès le plus jeune âge, en témoignait. Malgré tous les efforts déployés, il ne put atteindre un niveau correct en lecture et en écriture ; par contre en musique, sans aucune formation, hormis quelques exercices sans cesse répétés devant lui, il réussissait, en dehors de quelques maladresses, à émouvoir ses auditeurs et particulièrement son père jusqu’aux larmes par des Fantaisies expressives et mélancoliques jouées au piano. Il décéda à l’âge de 14 ou 15 ans.

23

Quelques observations concernant ces pages.

1. Rochlitz a fait paraitre son ouvrage en 1832. Gottfried-Heinrich n’y est pas cité par

son prénom ; l’auteur précise même qu’il n’a pas trouvé de mention officielle le concernant.

C’est dire qu’il ignorait, du moins dans le détail, le travail généalogique effectué par Bach en 1735 qui nomme expressément Gottfried Heinrich. Il ignorait également la mention portée sur le document par Carl Philippe Emmanuel.

Par contre, il décrit, avec quelques détails, les limites et les capacités d’un enfant qu’il prénomme David. Ces données sont superposables à la note de Carl Philippe Emmanuel évoquée plus haut.

La probabilité que David soit un « surnom » ou mieux « un prête-nom » donné à Gottfried-Heinrich est à mes yeux… une certitude ! J’y reviendrai.

2. L’âge de la mort de « David » à 14 ou 15 ans, avancée par Rochlitz pose problème. Il ne peut s’agir que d’une erreur. En effet, né en 1724, il aurait eu 15 ans en 1739 soit 11 ans avant le décès de son père. Cette thèse ruinerait la certitude historique de l’adoption du frère handicapé par sa sœur Elisabeth et son beau-frère Johann Christoph Altnikol .

3. Altnikol, qui fut élève de Bach, a épousé Elisabeth le 20 janvier 1749. Albert Schweitzer note à ce sujet: « Bach war über diese Ehe äußerst glücklich 39». Or, Bach étant décédé le 28 juillet 1750, c’est au cours de cette période de 18 mois qu’Elisabeth et son mari adoptèrent Gottfried-Heinrich. Il vivra avec eux à Naumburg jusqu’à sa mort survenue le 12 février 1763 à l’âge de 39 ans soit 13 ans après son père.

4. Plusieurs raisons permettent de comprendre cette décision d’adoption.

Jean-Sébastien Bach, dont la vue diminuait de façon inquiétante, avait de plus en plus besoin de l’aide de son épouse.

Anna Magdalena était épuisée par ses nombreuses grossesses et par son travail.

Par ailleurs, en 1749, le premier enfant d’Élisabeth, prénommé Jean-Sébastien, mourut à l’âge d’un jour ! On peut imaginer, qu’en accord avec son mari, reconnaissant à son beaupère de l’avoir aidé à trouver un poste et pour compenser la perte de son enfant, ils prirent en charge Gottfried Heinrich.

5. Pourquoi Anna Magdalena n’a-t-elle pas, après la mort de Jean Sébastien, repris son enfant handicapé ? Écoutons Albert Schweitzer à ce sujet. « Anna Magdalena,elle, survécut à son mari de dix ans, et ce,dans un complet dénuement. Les fils du premier lit la délaissèrent totalement. La seule façon dont ils partagèrent les manuscrits du père avant l’inventaire, ne témoigne guère d’un sentiment bien tendre à l’égard de leur seconde mère. En 1752, deux ans après la mort de Bach, pour pouvoir subsister, elle et ses trois filles, la veuve du maître du demander un secours en argent au Conseil municipal. Et sa misère ne fit qu’augmenter par la suite. Elle vivait d’aumônes et mourut dans une pauvre maison de la Hainstrasse. Personne ne sait où elle est enterrée.

Régine Suzanne, la plus jeune des filles, qui avait huit ans à la mort de Bach, survécut jusqu’en 1809. Rochlitz, le grand admirateur des œuvres de Bach, apprenant sa misère, fit un appel à la générosité de ses contemporains, en faveur du dernier enfant de Bach. Le premier qui lui envoyait un don fut - Beethoven. »40 6. Ce qu’Albert Schweitzer appelle « la légende du David Bach » mérite réflexion mais avant de tenter une interprétation, il me parait utile de revenir sur un ouvrage très souvent cité par Schweitzer. Il s’agit de Philippe Spitta « le grand biographe du Thomas-cantor de Leipzig » magnifié dès les premières lignes du Bach français.

39 40

Bach allemand, p. 137 : « Bach fut extrêmement heureux de ce mariage ».

Bach français p. 79.

24

Voici le propos que nous livre Spitta : Als Bach in die Cantorwohnung am Thomaskirchhofe zu Leipzig im Jahre 1723 mit seiner zweiten Gattin einzog, folgten ihm vier Kinder erster Ehe. Aus zweiter Ehe sind ihm noch sieben Töchter und sechs Söhne geboren worden. Doch nur drei Töchter und drei Söhne sollten den Vater überleben…

Die Mythenbildung ist auch über Bachs Familienleben hergewuchert. Er soll einen blödsinnigen Sohn David besessen haben, der, »in der Musik ganz ununterrichtet, durch seine zwar verworrenen, doch innigen Ausdrucks vollen, melancholischen Phantasien auf dem Claviere die Zuhörer oft bis zu Thränen hingerissen« habe. Man wollte sogar wissen, daß er 14 bis 15 Jahre alt gestorben sei. Diesen David hat es nie gegeben, auch ist kein Kind Bachs in diesem Alter gestorben. Jedenfalls hat Gottfried Heinrich, der erste Sohn zweiter Ehe, zur Entstehung der Fabel Veranlassung geboten. Er war nach Emanuels Urtheil ein großes Genie, das aber nicht entwickelt wurde. In den Gerichtsverhandlungen über Bachs Nachlaß wird er »blöde« genannt und als nicht verfügungsfähig erkannt. Er starb im Februar 1763 zu Naumburg, wohin ihn sein Schwager Altnikol, wie es scheint, schon vor dem Tode des Vaters, genommen hatte. 41

Traduction:

Lorsque Bach s'installa dans l'appartement du Cantor de l’Eglise Saint Thomas à Leipzig en 1723 avec sa deuxième épouse, quatre enfants de son premier mariage le suivirent. De son deuxième mariage il aura encore sept filles et six fils. Mais seulement trois filles et trois fils devaient survivre au père.

La formation d’un mythe s'est également emparée de la vie de la famille Bach. On raconte qu'il avait un fils déficient mental du nom de David qui, « sans aucune instruction en musique s’avéra néanmoins capable d’émouvoir ses auditeurs jusqu’aux larmes par ses Fantaisies mélancoliques au piano, confuses et pourtant expressives ». On prétendait même qu’il serait décédé entre 14 et 15 ans. Ce David n'a jamais existé ; aucun enfant de Bach n'est mort à cet âge. En tout cas, Gottfried Heinrich, le premier fils d'un deuxième mariage, a donné corps à cette fable. Selon le jugement d'Emanuel, il était un grand génie, mais qui n’a su se développer. Dans la procédure judiciaire concernant la succession de Bach, il est qualifié d’idiot42 et reconnu incapable. Il est décédé en février 1763 à Naumburg où son beau-frère, Altnikol, l'avait emmené, semble-t-il, avant même le décès de son père.

41 42

Philipp Spitta, Johann Sebastian Bach, Vol . 2, Breitkopf u. Härtel, Leipzig 1880, p. 962.

Le terme allemand « Blödenanstalt » est traduit à l’époque par « asile pour idiots »

25

Un moment d’espoir… vite déçu

43

J’ai tenu à reproduire cette note trouvée sur internet. Hélas, le tableau correspond à Heinrich Schütz peint par Rembrandt ! Ma frustration a trouvé un peu de consolation auprès d’Albert Schweitzer. En conclusion du chapitre consacré à la physionomie de Bach44 il écrit : « Ces portraits ‘composés’ [de Bach] sont, en quelque sorte des portraits impersonnels, qui réunissent sur la même toile les différents traits du maître, sans même chercher à saisir la personnalité de sa physionomie.

Seul, un artiste de premier ordre eût pu faire le véritable portrait de Bach. Les portraitistes d’alors, tout considérables qu’ils fussent, n’ont donc fait, en réalité, que nous fournir les éléments d’un portrait du maître et ce n’est que quand notre imagination anime ces traits, en leur prêtant un sourire, ou en les illuminant d’un éclair, que nous pouvons évoquer le véritable Bach ».

Réalité, légende ou mythe concernant Gottfried Heinrich Aucun Rembrandt n’ayant fait revivre à travers un portrait le modeste Gottfried Heinrich, seules les remarques collectées au sujet de cet enfant de Bach permettent d’évoquer, avec bien des réserves, un diagnostic médical.

Comme il parlait et était capable d’acquis élémentaires, on peut éliminer le niveau que jadis on qualifiait d’oligophrénie, pour retenir celui de « déficience mentale moyenne ».

L’harmonie de la vie familiale chez les Bach, souvent signalée par Jean Sébastien luimême, permet d’éliminer des troubles majeurs du comportement.

L’ancien concept de « débilité mentale moyenne harmonieuse » peut, à mon avis, être avancé, d’autant plus que, le critère essentiel de l’apparition avant l’âge de 18 ans est ici établi.

Sans portrait le concernant, aucun diagnostic plus précis n’est possible. Que le lecteur m’autorise cependant une hypothèse : la joie de vivre, le sens du rythme et de la musique, la possibilité d’acquérir, dans certain cas, un niveau étonnant dans l’expression orale et même

43 44

Wikipédia : www.google.fr/search?q=Gottfried+Heinrich+Bach Bach français, p. 114.

26

écrite, caractérise une affection jadis appelée mongolisme, puis syndrome de Down et aujourd’hui trisomie 21 45. Gottfried Heinrich a-t-il pu être atteint par cette affection ?

Conclusion Rochlitz, Spitta, et Schweitzer à leur suite, ont tous évoqué un certain « David Bach » pour éliminer la réalité de son existence par les termes de fable ou de légende. Spitta ajoute même: « Die Mythenbildung ist auch über Bachs Familienleben hergewuchert ».46 Ces approches doivent aujourd’hui être tempérées par les découvertes de la psychologie dite des profondeurs, notamment celles de C.G. Jung.

Ce n’est pas ici le lieu pour développer ces théories. Retenons simplement que la figure du « Roi David » dépasse largement ce que nous savons du « David historique ».

David représente, dans l’inconscient collectif, parmi d’autres figures l’archétype de la victoire du faible sur le fort, de la petitesse sur la grandeur.  Jeune berger, il a vaincu avec sa simple fronde, le géant Goliath. (Premier livre de Samuel, chapitre 17.)  Par ailleurs, bien qu’originaire du village de Bethlehem - trop petit pour compter parmi les clans de Juda (Michée (5,1) -, il entre pourtant dans la généalogie du Sauveur d’Israël.

La place de David dans l’œuvre de Bach est éminente. Ecoutons-le magnifier sa lignée dans l’une de ses Cantates : „Da machte sich auch auf Joseph aus Galiläa, aus der Stadt Nazareth, Ainsi Joseph aussi partit de Galilée, de la cité de Nazareth, in das jüdische Land zur Stadt David, die da heißet Bethlehem; dans le territoire juif vers la cité de David, qui s'appelait Bethléem ; darum, dass er von dem Hause und Geschlechte David war: car il était de la maison et de la lignée de David ……

Nun wird mein liebster Bräutigam, Maintenant mon très cher fiancé, Nun wird der Held aus Davids Stamm Maintenant le héros de la lignée de David Zum Trost, zum Heil der Erden Pour le réconfort, pour le salut de la terre “.

La familiarité avec la Bible a pu conduire Jean Sébastien et Anna Magdalena Bach à donner, quelques fois, et affectueusement, le prénom de David à leur « Sorgenkind », étonnamment doué malgré sa fragilité.

D’autres mythes sont nés de la sorte.  Mais peut-être y a-t-il une interprétation encore plus simple. Bach s’était initié à la langue hébraïque. Or, en hébreux David signifie « bien aimé » !

Quoiqu’il en soit, l’idée centrale qui se dégage des lignes qui précèdent rejoint, à mes yeux, l’un des fondements des Ecritures que l’apôtre Paul a résumé par ces mots, chers à Bach, à Schweitzer et à bien d’autres : « Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » (2. Cor, 12,9) ou selon une autre traduction : « Mon miracle s’accomplit dans la maladie ».

45

Sur un plan plus technique on peut ajouter l’existence d’une multiplicité d’expressions de la trisomie 21.

Ainsi, en dehors des trisomies « homogènes » il existe des trisomies « partielles » ou des formes en « mosaïque ». Nous sommes loin du temps où l’on nous enseignait : « Si vous en avez vu un, vous les avez tous vus… ».

46 Littéralement : « La constitution de mythes est venue polluer la vie de famille de Bach ».

27

28

Chapitre 4 Quelques témoignages sur mon compagnonnage avec les « Génies à l’intelligence arrêtée » Albert Schweitzer conclut avec une pointe de scepticisme sa note sur Gottfried Heinrich Bach: «…c’est précisément ce Gottfried Heinrich qui donna lieu à la légende du David Bach, le virtuose handicapé47, dont le jeu étrange touchait, dit-on, les auditeurs jusqu’aux larmes ».

Tous ceux qui ont cheminé longtemps dans la proximité de personnes dites handicapées mentales connaissent ces émotions et peuvent en témoigner.

La chorale du Sonnenhof.

Le premier CD, enregistré en 1975 en vue de la fête du centenaire, illustre et résume la place considérable occupée par la musique dans la prise en charge des résidents de l’établissement depuis son origine en 1876.

Animé par Gerdy Dreyer, un éducateur devenu directeur d’unité par la suite, cet ensemble a animé de nombreux cultes, en Alsace et au-delà, durant une vingtaine d’années. Les témoignages d’auditeurs bouleversés sont conservés au Musée du Sonnenhof et dans le cœur des participants.

47

Schweitzer écrivit « idiot ». Nous avons modifié ce terme devenu désuet et en total contresens avec ce que l’auteur, en 1905, voulait exprimer.

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Extraits du Journal d’un directeur Quand mes partenaires se faisaient théologiens…

Pendant près de 30 ans les résidents du Sonnenhof ont été des guides pour moi. Non seulement leurs besoins, d'êtres fragilisés par le handicap, ont inspiré mes actions et mes réflexions de pasteur, de médecin et directeur, mais encore, et bien souvent, la profonde simplicité de leurs paroles a éclairé ma vie. Quelquefois, à cette époque déjà lointaine, où j'assurais tous les jours les petits cultes du matin, leurs interprétations des Ecritures me sont quelque fois apparues plus fécondes que celles de bien des maîtres à penser…

Ainsi, un jour, alors que je commentais le récit de la résurrection de Lazare, Jean-Claude m'a interrompu : « Docteur tu ne l’aurais pas, par hasard, rencontré ce Lazare durant ton voyage en Israël ? » J'étais interloqué par cette question. Mais bien avant que je ne trouve une réponse satisfaisante, Jean-Claude, percevant mon embarras, a volé à mon secours : « T’en fais pas Monsieur Printz, depuis le temps il est peut-être ‘re - mort’ ce pauvre Lazare. » Une autre fois, Roby a souhaité dire une prière. Je l’entends encore balbutiant : « Mon Dieu, toute l’année tu écoutes avec beaucoup de gentillesse tout ce que les gens demandent ; même les bêtises tu les écoutes... J'espère que s’il devait t’arriver de faire une bêtise il y aura aussi quelqu’un pour t’écouter, toi, mon Dieu... » Lorsque j'ai parlé de cette prière de Roby à Claude Vigée, poète et penseur juif, originaire de Bischwiller mais habitant Jérusalem, il s'est exclamé : « C’est incroyable, la question de la possibilité d’une erreur commise par Dieu - béni soit son nom - se trouve au centre de certains développements les plus profonds de la pensée kabbalistique ! »

La Chapelle du Sonnenhof vue par Jean-Claude

Une autre fois encore j'ai vu Jean-Pierre arrivant avec un magnifique bouquet de fleurs. Le visage éclairé par un grand sourire il me dit : « Tout à l’heure je rentre et çà, ces fleurs, c'est pour ma mère ! Et je lui dirai aussi un bonjour de toi ! » Avec précaution j'ai rappelé à JeanPierre que sa mère était décédée. Mais, animé d'une foi capable de déplacer des montagnes, il me répondit : « Je sais donc, mais au cimetière, sur la tombe de ma mère, je lui dirai quand même un bonjour de toi ! "

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Une avancée œcuménique Depuis quelque temps nous avions décidé, Monsieur le Curé de Bischwiller et moimême, de fêter en commun la première communion et la confirmation dans le cadre de notre chapelle du Sonnenhof. Nous pensions pouvoir cheminer ensemble à tous les niveaux : liturgie, cantiques, prières, prédication, bénédiction....

Seule la célébration de l’Eucharistie, noyau dur de la séparation entre catholiques et protestants, nous posait problème. Afin de respecter les décisions de nos autorités et la liberté des fidèles, nous avions trouvé un compromis. Je prononcerais la bénédiction sur le pain et le vin en même temps que Monsieur le Curé consacrerait, de son côté, les espèces. Nous inviterions ensuite les participants à communier en fonction de leur choix.

Le grand moment de la confirmation - communion arriva. La chapelle était remplie audelà du dernier siège et plusieurs se sont trouvés assis par terre. Ce fut une vraie fête et l’émotion était grande lorsqu’à la fin de l'office nous invitions l'assemblée à communier, qui du côté catholique, qui du côté protestant.

Mais tout d'un coup, le moment solennel fût interrompu par Angèle, l'une de nos résidentes. De sa voix tonitruante, elle déclara que notre façon de procéder était trop compliquée ! Aussi demanda-t-elle à tous ceux qui étaient assis à droite de communier chez Monsieur le curé et à ceux, assis à gauche, chez Monsieur Printz.

La proposition d'Angèle, ou plutôt l’ordre donné par elle, a été scrupuleusement respecté par tous...

Le soir, en rentrant chez moi, j'ai repris l'ouvrage d'un de mes professeurs de théologie intitulé : Le rire du Seigneur.48

Reflet d’une autre fête de confirmation Il était solennel, le culte de confirmation dans notre chapelle du Sonnenhof. Et les enfants étaient rayonnants dans leurs beaux habits entourés de leurs parents et amis. La chorale avait déjà chanté et je commençais à évoquer avec les confirmands les récits bibliques que nous avions médités durant l'année de catéchisme.

Brusquement, la porte de la chapelle s'ouvrit. André, l’un des grands garçons du pavillon Stricker entra, et ne tenant aucun compte la communauté recueillie, annonça à forte voix : « Viens, viens, monsieur Printz, c'est pour Fagour, viens vite! » Pour permettre à l'assemblée de retrouver son silence bien plus que par souci pour Fagour, notre poney aveugle, je quittais la chapelle.

Mon adjoint, ayant sans doute, dans son for intérieur, perçu le danger, me suivit.

Et nous voilà tous deux courants derrière André à travers le Sonnenhof puis à travers les champs jusqu'à la Moder, la rivière qui coule derrière notre institution.

Un triste spectacle s’offrait à nos yeux: Fagour était tombé dans Les poneys du Sonnenhof broutant le soir, vus par Philippe. la rivière et, étant aveugle, ne 48

René Voeltzel, Le rire du Seigneur : Enquêtes et remarques sur la signification théologique et pratique de l'ironie biblique. Edition Oberlin, Strasbourg, 1955.

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trouvait plus la berge. Une corde lancée autour de son cou nous permit de le sauver du danger.

A mon retour à la chapelle, le costume défait, couvert de sueur, l’Assemblée m’attendait déjà pour la prédication que j’étais appelé à prononcer. J'avais prévu de parler du célèbre chapitre 13 de la première Epître aux Corinthiens : « si je n'ai pas l’amour... ».

Mais au vu des circonstances, j’ai cru sentir que le Seigneur m'avait conduit à m’interroger plus humblement sur cet autre texte: « Il prit alors le malade, le guérit et le renvoya. Puis il dit aux légistes et aux pharisiens: ‘ lequel d'entre vous, si son âne ou son bœuf vient à tomber dans un puits le jour du Sabbat, ne l'en retirera aussitôt ? ’ Et à cela ils furent incapables de répondre. »

Je rentre chez mon père Emma, doyenne d’âge de tous les résidents – elle est née en 1896 et entrée au Sonnenhof en 1901 – m’a confié un jour une parole que je trouve merveilleuse.

Parlant du centenaire de la Fondation que nous préparions, elle me disait en alsacien : « Sähn Se, Herr Dokter, do hinne hat sich viel verändert in de Johre, awer changiert het’s nix… Un so werd’s wiedersch gehn bis de Herr Gott uns alli g’holt het ! » « Voyez-vous, docteur, beaucoup de choses se sont transformées dans cette maison au fil des années mais rien n'est changé pour autant…et ainsi les choses vont-elles continuer jusqu'à ce que le Seigneur nous aura tous repris. » Ainsi s'exprime par la bouche d'une femme très simple la relativité de toutes nos entreprises et la tension vers le Royaume qui n’est pas de ce monde. Et la sagesse d'une résidente de notre maison nous permet de mieux saisir la portée de nos mandats: faire tout ce qui nous est ordonné certes, c'est-à-dire enseigner, soigner, éduquer, gérer, construire, mais en sachant que nous sommes et restons des « serviteurs quelconques » (Luc 17,10). Le Christ lui-même nous a tracé cette voie. A travers Emma, il s’est, je le crois, identifié à l’une de ses plus humbles créatures pour nous rappeler sa parole.

Emma nous a quittés en 1986 à l’âge de 90 Emma, deux ans avant de rentrer chez son Père ans après avoir passé 80 ans à la Fondation.

Souvent elle me demandait : « Vous vous plaisez encore chez moi ? » Oui, au cours de toute ma vie professionnelle je me suis plu chez Emma. Mais avant de partir vers le coin de cimetière réservé aux résidentes où, selon l’expression biblique elle a « rejoint » les siens, Emma nous a encore donné une extraordinaire leçon. Hospitalisée à l’infirmerie de la Fondation et ‘ sentant sa mort prochaine ‘, elle nous confia un jour en toute simplicité : « So jetzt geh ich heim zu minem Vater » « Voilà à présent je rentre chez mon Père. » Après ces paroles, Emma s’est retournée et n’a plus prononcé le moindre mot. Trois jours plus tard elle était morte.

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Ambiance Il fait bon ce soir. La journée a été aussi chaude que lourde en responsabilités… Ce fut d’abord l’arrivée des enfants d’autres établissements auxquels, grâce à notre maison de vacances, nous pouvons offrir un séjour en montagne. Ce fut ensuite le départ de notre autobus vers Yquëll, la réorganisation des groupes restant au Sonnenhof, le courrier, l’accueil d’une nouvelle éducatrice bénévole, la visite des chantiers, la réunion du personnel technique de la maison, l’engagement d’un ouvrier pour la ferme, un bref contrôle de la situation budgétaire en ce milieu d’année… bref, toutes les joies et les soucis d’un responsable d’établissement groupant, malades et personnels réunis, plus de 400 personnes, j’ai pu les vivre aujourd’hui d’une manière particulièrement concentrée.

Et pourtant, ce ne sont pas ces activités de manager qui font le prix de cette journée d’aujourd’hui…

Après le dîner, pris en famille, j'ai repris la route pour faire un dernier tour au Sonnenhof. J'ai trouvé là nos résidents de la section " Ruche " groupés autour d'un ami, Albert Huber, photographe éminent, venu avec sa famille vivre une semaine dans l'établissement pour réaliser un montage audiovisuel.

Assis sous l’un de ces arbres séculaires qui font le bonheur de notre maison, ils parlaient ensemble, de tout, de rien, de la vie, de la mort, du bonheur d'être là et des malheurs que cette vie nous réserve, du vol de lapins survenu la veille et de la joie de voir leur nouveau foyer se construire... J’écoutais un bon moment déjà, jouissant de la quiétude de l'instant, heureux aussi de la possibilité donnée à nos garçons de s'exprimer, lorsque tout d'un coup une Le Soleil du Sonnenhof vu par Eric impression très forte s’est imposée à moi: j'ai senti une extraordinaire proximité entre ce que je vivais maintenant, ce soir, et ce qu'il m'était arrivé de vivre auprès de gens très simples en Afrique ou dans le Pacifique Sud. Ici et là-bas, grâce à une atmosphère chaleureuse, difficile à définir, mais sans nul doute liée à la qualité fondamentale de ceux qui sont présents, il m'était donné de saisir quelque chose d'infiniment précieux: je veux parler du sentiment de bonheur, d’être au-delà ou en deçà de mon existence individuelle, membre d’un groupe, élément d’'une communauté qui m’englobe, maillon d'une chaîne qui me lie et me sécurise. On a qualifié de primitif ce sentiment. J’y souscris volontiers, mais à la condition de ne pas donner de valeur péjorative à ce mot. Primitif signifie dans ce cas que le sentiment communautaire répond à une dimension plus profonde, plus authentique de mon être que mon individualisme. Mes travaux de la journée, mon emploi du temps minuté, mes échecs et mes succès sont devenus tout à coup bien relatifs. Que suis-je donc dans ma hâte ? Une paille qui flotte au vent; un être dispersé et angoissé. De la communauté « primitive » de personnes dites handicapées mentales s'est dégagé ce soir un sentiment de calme, de sécurité, de « paix dépassant toute intelligence ».

La parole de l'apôtre a pris pour moi ce soir un singulier relief. Il devait en être ainsi en cette période du christianisme que nous appelons primitive.

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Conclusions  Caché aux sages …

Chantal et Isabelle, sa « petite sœur » Chantal, la jeune artiste handicapée, résidente du Sonnenhof, quasiment illettrée, auteur du portait d’Isabelle, ignorait, à l’évidence, tout du concept appelé aujourd’hui Intelligence émotionnelle… à moins que, à travers d’autres canaux que l’intellect, elle avait tout compris !

Le groupe d’adolescentes appelé les Mésanges comptait en 1978 une dizaine de jeunes filles présentant un niveau de handicap mental et moteur relativement hétérogène.

Grâce à ce mélange, des synergies se sont développées. Ainsi, Chantal, l’une des « meilleures », a véritablement pris en charge Isabelle, la résidente la plus handicapée de la section.

Isabelle ne s’exprimait que par des grognements, marchait en steppant car paralysée d’un côté, et ne voyait que de l’œil droit.

Sur le revers du dessin j’ai inscrit ce commentaire de Chantal : « Tu ne trouves pas qu’elle est belle, docteur Printz ! Et elle sait faire beaucoup de choses même sans l’œil et le bras !».

Isabelle vue par Chantal, Fondation Sonnenhof, 1978

Je n’ai rien à ajouter, ni aux paroles, ni à la peinture, ni à la compassion de Chantal pour « sa petite sœur » Isabelle, si ce n’est mon envie de partager avec les lecteurs de ces pages un texte prononcé par Madeleine Horst le 3 décembre 1985, lors de l’inauguration d’un pavillon qui portera le nom d’Albert Schweitzer.49

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Madeleine Horst, née à Paris le 25 mars 1892, est décédée le 19 juillet à Strasbourg.

Elle reste bien connue comme traductrice. Elle publia notamment en français des textes allemands de Sébastien Brant, Jean Geiler de Kaysersberg et Albert Schweitzer.

En 1913 elle épousa Louis-Paul Horst, pasteur à l'église Saint-Nicolas de Strasbourg, où œuvrait Albert Schweitzer.

Madeleine Horst a été, durant de longues années, Secrétaire générale de l'Association française des amis d'Albert Schweitzer, et également rédactrice en chef des Cahiers Albert Schweitzer.

J’ai trouvé des traces de son premier soutien au Sonnenhof en 1926.

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 Exposé de Madeleine Horst lors de l’inauguration du Pavillon Schweitzer au Sonnenhof Mesdames, Messieurs, chers Amis, Nous sommes réunis ici pour l'inauguration d'un pavillon que vous n'avez pas reconstruit de toutes pièces, mais rénové. Ce pavillon qui était le Pavillon de l'Espérance devient aujourd'hui le Pavillon Albert Schweitzer, lui-même symbole de l'Espérance dont il a été l'incarnation depuis sa jeunesse jusqu'à sa mort.

Son espérance vivante n'était : - ni un simple rêve idéaliste - ni une intuition imaginative débordante mais elle était basée sur l'observation de la réalité objective et la réflexion approfondie.

C'était donc une espérance sans cesse en voie de réalisation, une marche entreprise vers le progrès, soutenue par une volonté inébranlable de réussite.

En dépit des difficultés extérieures qui auraient découragé tout autre que lui, En dépit de la fatigue n'ayant autre repos que le changement de travail, Enfin en dépit du climat épuisant dans un dénuement acétique complet.

La force de son espérance s'était manifestée dès sa prime jeunesse dans son amour de la musique qu'il espérait maîtriser au piano et à l’orgue, et, un peu plus tard dans sa recherche de l'authenticité de Bach, non pas simple contratpointilliste du génie et virtuose, mais musicienpoète animé par une foi profonde.

Puis, l'espérance du Théologien et de l'Historien a été de découvrir le VRAI, aussi bien dans le Nouveau Testament, à travers les problèmes eschatologiques, et les traditions dogmatiques héritées de l'Eglise Primitive, qu'en Histoire, en auscultant les données transmises du passé jusqu'à nos jours.

De même, en Philosophie, il a creusé la pensée, de Socrate jusqu'à notre époque, dans l'espoir de trouver un fondement irrécusable à l'Ethique dont l'humanité aurait besoin pour assurer sa survie.

Lors du grand tournant de sa vie vers la profession médicale, c'est une puissante vague de fond d'espérance qui l’a soulevé, pour venir en aide aux plus déshérités, soulager leur détresse physique en faisant sortir du sol le fameux hôpital qui a fait sa célébrité mondiale.

Jusqu'au dernier jour de sa vie, il a été poussé par l'espérance de laisser à ses successeurs un instrument de travail susceptible de supprimer pour eux les difficultés d'hébergement qui avait été si crucial pour lui.

Mais son espérance la plus vivace était de léguer à l'humanité un esprit nouveau, une Ethique fondée sur le Respect de la Vie et le dévouement à son prochain.

C'est cette espérance que vous voulez symboliser en donnant à ce pavillon le nom d'Albert Schweitzer.

Les éducateurs qui se pencheront avec amour sur l'âme des enfants qui leur seront confiés s'inspireront avec ferveur de la vie et de la pensée d'Albert Schweitzer. Ils s’imprègneront de ses œuvres et chercheront à se documenter : peut-être voudront-ils puiser à la source actuelle de la documentation française dans les « Cahiers Albert Schweitzer » que publie l'Association Française des Amis d'Albert Schweitzer et peut-être voudront-ils renforcer son action en devenant eux aussi des Amis et même des collaborateurs des Cahiers 35

s'ils nous communiquent leurs expériences, vrais miracles de l'amour éclairé.

Ce jour-là, l'espérance incarnée par l'image d'Albert Schweitzer posée dans ce pavillon portera ses fruits, sûrement très appréciés par d'autres et nous vous remercions d'avance.

C’est cette image que nous allons dévoiler ensemble maintenant.50

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Cette mosaïque a été réalisée, avec la collaboration de plusieurs résidents handicapés, par Lily Pfeiffer, éducatrice technique dans l’un des ateliers de l’Unité de vie dite « Unité Schweitzer » dirigée par Frieda Rempp.

Aujourd’hui, la mosaïque orne l’entrée du Musée de la Fondation Sonnenhof créé et animé par Gerdy Dreyer.

Voir : http://www.fondation-sonnenhof.org/public_files/prodyn_img/depliant-musee-ok-b-5.pdf.

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 Le dernier concert du docteur Schweitzer

Pour Harald Schützeichel, Die Konzertätigkeit Albert Schweitzers, Haupt, Bern et Stuttgart, dont ce programme est une copie, il s’agit là l’ultime apparition d’Albert Schweitzer en public. Sa prestation du 18.09.1955 à Wihr-au-Val revêt un caractère privé.

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POSTFACE

Que d’émotions à la lecture de ces lignes !

Voilà cinq ans que j’ai l’honneur de diriger le SONNENHOF. Rien ne me destinait à cette mission et pourtant… Je peux dire que les propos de mon innovant et visionnaire prédécesseur, Othon Printz, résonnent avec force en moi. J’ai découvert un monde extraordinaire, peuplé de bonnes intentions, de bienveillance, d’amour du prochain, vraiment, sincèrement, c’est tout simplement l’Esprit SONNENHOF. Le miroir tendu chaque jour par Angèle, Grettel, Bernard, Serges, Chantal, Sonia, Jacques, Francis, Momo, David, Mourad et tous les autres me fait grandir.

C’est tellement rare, unique, précieux, dans un monde qui vit au rythme des enjeux individuels, qui bannit la différence au profit d’une beauté standardisée, violente et excluante.

Ici, dans l’extra ordinaire monde du SONNENHOF, le beau, l’authentique sont présents partout. C’est un sourire, une main que l’on serre, un regard profond. Ici point de faux semblants, tout le monde est relié par le cœur. On y travaille avec le souci de faire toujours plus pour ceux que la vie a rendu plus fragiles. Les salariés sont créatifs, engagés et se lancent facilement dans des projets, toujours plus audacieux. Grâce à eux, le SONNENHOF aborde les profondes mutations qui s’imposent à notre secteur d’activité, notamment la baisse des moyens publics et un cadre normatif de plus en plus serré, en conservant une réelle liberté d’innover et d’entreprendre. C’est dans cette dynamique entrepreneuriale que le concept d’animaux médiateurs, introduits au SONNENHOF il y a plus de quarante ans par le docteur Printz, se transforme aujourd’hui en Parc Animalier Pédagogique. Le ZOO’N HOF permet aux résidents d’accueillir les enfants des écoles afin de leur présenter leur programme de science. Les enfants réalisent par cette expérience que des personnes en situation de handicap mental peuvent leur apprendre quelque chose. Nous plaçons notre espoir dans ces rencontres pour faire évoluer le regard de notre Société sur la différence. De même, c’est grâce à l’énergie d’un infatigable retraité du SONNENHOF, que le Musée a vu le jour. On y rend hommage à tous ceux qui, depuis Gustave STRICKER, ont bâti ce bel édifice. De génération en génération, nous nous sommes transmis cette flamme, sans que jamais elle ne vacille, même aux heures les plus sombres de notre histoire.

Progressivement le SONNENHOF a grandi, accueillant aujourd’hui plus de 1000 personnes, dans 8 communes du Bas-Rhin, de la naissance à la fin de vie (le plus jeune a à peine quelques mois et notre doyenne 89 ans). Nous proposons différentes modalités d’accompagnement du parcours de vie, le plus inclusif possible. Nous sommes plus de

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800 salariés qui y œuvrons au quotidien et faisons vivre notre Vision : Le Handicap n’est pas une charge pour la Société, mais une Richesse, une formidable opportunité de recréer le lien entre les personnes, de faire Société autrement !

Merci Othon pour tes nombreux écrits qui ancrent nos racines dans la grande Histoire et nous donnent la force de déployer nos ailes pour offrir au monde notre humble témoignage de l’évangile.

Avec tout mon respect et mon amitié,

Anne-Caroline BINDOU Directrice générale du Sonnenhof

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Table des matières Dédicace ………………………………………………………………………………. 2

Préface ……………………………………………………………………………… 3 Introduction ……………………………………………………………. 5 Les rencontres anciennes Albert Schweitzer Carl Gustave Jung Paul Gauguin Deux nouvelles rencontres

Interface ………………………………………………………………… 9 Chapitre premier ……………………………………………………… 11 Un concert en souvenir de la mort de Jean Sébastien Bach Enigme autour d’un don Petite histoire d’une découverte La piste de la Paroisse Réformée du Bouclier de Strasbourg La « voie » ou la « voix » de la presse ?

Chapitre 2 …………………………………………………………….. 17 Prélude au Concert-souvenir de la mort de Bach

Chapitre 3 ……………………………………………………………. 21 Que sait-on de Gottfried Heinrich Bach ?

Notice biographique Note sur Anna-Magdalena, la mère de Gottfried-Heinrich Du Bach français au Bach allemand Quelques observations concernant ces pages Un moment d’espoir… vite déçu Réalité, légende ou mythe concernant Gottfried Heinrich Conclusion

Chapitre 4 ……………………………………………………………. 29 Quelques témoignages sur mon compagnonnage avec les « Génies à l’intelligence arrêtée » La chorale du Sonnenhof Extraits du Journal d’un directeur Quand mes partenaires se faisaient théologiens Une avancée œcuménique Reflet d’une autre fête de confirmation Je rentre chez mon père Ambiance

Conclusions …………………………………………………………… 34 Postface ………………………………………………………………. 37 40

Très peu de personnes, même parmi les spécialistes, savent que Jean-Sébastien Bach avait un enfant handicapé mental. Encore moins connaissent le parcours de vie de ce fils prénommé Gottfried Heinrich.

C'est le Docteur Albert Schweitzer, fondateur du célèbre hôpital de Lambaréné au Gabon, également philosophe, théologien, musicien, qui fut l'un des premiers à évoquer ce garçon étonnant. Dans une biographie consacrée à Bach, parue en 1905 en version française, il le définit comme « musicien génial à l’intelligence arrêtée ».

Le 28 juillet 1909, Albert Schweitzer donna en l'église Saint-Thomas de Strasbourg le premier concert en souvenir de la mort de Bach.

Par compassion pour toutes les familles qui ont un enfant handicapé, il décida d’affecter l’intégralité du produit de la manifestation au Sonnenhof, établissement d’accueil pour personnes présentant une déficience intellectuelle.

C’est le récit de l’engagement d’Albert Schweitzer suivi d’une brève biographie de Gottfried Heinrich Bach que le lecteur trouvera dans les premières pages de cet ouvrage.

Dans une seconde partie, l’auteur, marqué depuis sa jeunesse par la pensée et l'action d'Albert Schweitzer, a évoqué quelques rencontres personnelles avec des personnes dites handicapées.

Son témoignage prend valeur de testament.

Le docteur Othon Printz, né en 1936, a étudié simultanément la théologie protestante et la médecine, avec une spécialisation en psychiatrie. Il a été, durant 30 ans, médecin, puis directeur général de la Fondation Protestante Sonnenhof, grande institution d'accueil pour personnes présentant un handicap mental, fondée en 1876 située à Bischwiller, dans le nord de l'Alsace.

Parallèlement, il a rempli plusieurs mandats, en France, en Europe et Outre-mer, en particulier comme conseiller médical de l’Union Nationale des parents d’Enfants Inadaptés (UNAPEI), responsable de l'association française des aumôniers d'hôpitaux, secrétaire général de la Fédération Internationale de Mission Intérieure et président de la Fondation Internationale de l'hôpital Schweitzer de Lambaréné. Avec son épouse, il a également animé des sessions de formation pour pasteurs en Polynésie.

Durant ses pérégrinations, Othon Printz a découvert l'œuvre de Paul Gauguin. Fasciné par la peinture mais aussi les écrits de ce grand artiste, il lui a consacré quatre livres et plusieurs articles.

Aujourd'hui retraité, Othon Printz reste attentif à ce qui se vit dans le monde associatif. Il s'intéresse particulièrement à la « préhistoire » des institutions dans lesquelles il a servi. Ainsi, en 2003, il a publié une biographie du pasteur Stricker, le concepteur de la Fondation Sonnenhof. En 2004 a paru un ouvrage intitulé « Avant Schweitzer... », qui retrace la vie de ceux qui ont exercé la médecine dans la région de Lambaréné avant la venue du « Grand docteur ».

Le présent écrit relève de ces recherches.