Mettre les pieds dans le plat

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Les enjeux pour une paysagiste Ce paysage ne m’est pas particulièrement agréable… Il ne m’est pas toujours désagréable non plus… Des hauts, des bas attisent ma curiosité à son sujet. Ce paysage n’est pas le paysage collinaire d’où je viens. Un premier enjeu sera de comprendre ce qui fait la qualité d’un paysage antinomique au paysage de relief que j’apprécie habituellement. Y’a-t -il des qualités à un paysage plat ? Quels sont les ressorts de sa valeur ? Pour définir sa valeur, il y a deux qualificatifs que je lui attribuerais. Ordinaire et sublime. Ordinaire ? Cette apparence qu’on retrouve aux quatre coins de France. Je pressens ce lieu en danger. Sa banalité le met en danger, elle résonne comme un appauvrissement culturel, un manque de dynamisme, d’initiatives qui ne permet pas la revendication d’une quelconque singularité. Le risque majeur pour ce paysage : être secoué par des projets malveillants avides d’espaces libres, négligeant ses fondations, changeant son statut dans un sens non reconnaissable par tous. Sublime? Cet état de confusion dans mon esprit, cette perte du discernement. L’état de platitude révélé par les champs le long de la plaine de l’Ariège, crée l’effet d’une étendue sublime. Ce vide permet tout à l’esprit, l’hébétude comme la fascination. Se confronte à lui un autre état, qui est en train de faire basculer l’étendue, dans autre chose. L’étalement des villes agit comme cet empâtement que décrit Paul Valéry, venant appauvrir ce qu’il appelle la «divine platitude»¹. La confrontation des deux systèmes (plat et ville) dans la forme actuelle de leur rencontre n’engage plus cette sublimation. Sous quelles conditions le sublime apparaît ? A-t-il encore sa place sur ce territoire ? A-t-il un intérêt ici ?

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