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éditeur de Mondes Voleur de livres

JUSQU’OÙ IRA LE LIVRE ? ALORS QUE NAISSENT DE NOUVELLES FAÇONS DE DÉJOUER L’HABITUEL

PARALLÉLÉPIPÈDE, UNE PETITE MAISON D’ÉDITION, LE GRAND JE, SE FEND, POUR SA PREMIÈRE PUBLICATION, D’UNE FORME AUSSI RÉAC’ QUE RÉVOLUTIONNAIRE : UN ROMAN FORMAT DIPLO, IMPRIMÉ SUR QUATRE COLONNES, ÉCOLOÉCONOMIE OBLIGE. ÉTONNANT, NON ?

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Hommage au Grand Jeu de René Daumal autant qu’aux grands feuilletonistes du XIXe, voici une nouvelle maison lyonnaise dont la préoccupation sera le style et « où je s’emploie à des récits montrant notre époque et ce qu’elle a fait de nous plutôt que de voir cette première personne se borner à des histoires personnelles ». Préoccupation (comprendre le monde), à laquelle répond admirablement la forme du journal, serait-il, à l’instar de Jean Genet, celui d’un voleur… « La seule confession dont je suis capable est celle d’un enfant enfermé entre deux siècles comme entre deux guerres, dans une génération qui commence par Tchernobyl et devrait se préparer à entrer en conflit avec un capitalisme triomphant. En attendant, c’est la rouille ! On connaît l’expression : l’ennui, l’ennui profond. Celui qu’on ne trompe qu’avec l’art, la drogue, l’alcool, la drague, le vol… » Il y a dans cet incipit d’Hadrien Timon Rouyard du feu follet, du dandy punk, du voyou lettré qui n’eût pas déplu à Jacques Rigaud, à Guy Debord et autres coquillards de Villon. Car il s’agit bien là d’une sorte de journal contant par le menu l’art de la chourave pour survivre – et surtout pour assouvir son goût des belles choses face à l’inanité du matérialisme porté par les classes bourgeoises de notre temps. « De même que l’amour et l’amitié sont des aventures humaines, le vol est une aventure sociale. » Rejet des normes et des usages, exil de la vanité, distinction par le crime. De Lyon-Perrache à Lyon-Mermoz, en passant par Dakar et Paris, les pierreuses et l’héroïne, la peinture, les livres et l’alcool, notre gredin de narrateur dresse le portrait d’une génération désabusée, déniaisée de toute idéologie, pour laquelle il ne reste que la beauté et le désespoir, l’invention quotidienne d’une vie en marge. « Moi je n’ai jamais voulu du bonheur, strictement rien à foutre ! Je ne voulais que toucher à la beauté, inlassablement, et j’ai besoin de toute ma souffrance pour y arriver. Parce que la beauté c’est parvenir à rendre sa souffrance méconnaissable. » Derrière la pose rimbaldo-baudelairienne (Grand Je cherche Autre), qui est Hadrien Timon Rouyard ? Je ne sais. À tout le moins un jeune auteur stylé, culotté, qui, avec le Grand Je, a su trouver à son fond une forme. Et qui fait des débuts prometteurs pour que ce journal finisse, non pas par allumer un feu ou emballer des bibelots, mais dans une bibliothèque…

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