La pierre dans l'architecture contemporaine : représentations et usages

Mémoire de recherche

LA PIERRE DANS L’architecture CONTEMPORAINE - Représentations et usages -

Ombeline THIERRY

Couverture : collage d’un paysage de pierre, source personnelle

Mémoire de fin d’étude

Juin 2020

LA PIERRE DANS LA CONSTRUCTION CONTEMPORAINE - Représentations et usages -

Ombeline THIERRY sous la direction de Olivier Chadouin École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux

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Avant-propos

Depuis plus de cinq ans maintenant que je suis installée à Bordeaux, j’ai pu expérimenter la vie dans une ville de pierre. L’unité et l’harmonie de la métropole m’envoûtent toujours après tant de temps passé à Bordeaux. Des balades dans les ruelles cachées de mon quartier, je découvre chaque fois de nouvelles surprises. Un véritable émerveillement face à ses découvertes architecturales m’emplit chaque fois. L’ambiance de la ville tient beaucoup de sa matérialité. La poétique de la pierre dans le tissu dense de la ville porte comme un vent de fraîcheur sur les promeneurs. La pierre par sa texture, sa couleur, son acoustique plonge le visiteur dans une véritable expérience sensorielle. De cette expérience découle une émotion forte qui confère une identité singulière au lieu. La ville de Bordeaux ne ressemble à aucune autre ville ; sa pierre blonde et ses fameuses échoppes lui dessinent un paysage typique. C’est donc de cet émerveillement pour la ville en pierre qu’est née la genèse de mon sujet de recherche.

De plus, mes quelques voyages, réalisés dans des paysages où la roche façonne l’horizon, m’ont encore plus engagée dans cette voie. Mon affection toute particulière pour les paysages minéraux bretons, où je passe une grande partie de mes étés, m’a aussi entraînée dans cette aventure. À travers ces voyages, c’est toujours la recherche du beau qui m’a motivée. En effet, quoi de plus beau que la nature et la matière qu’elle nous donne. De fait, les matériaux naturels sont sources d’émotion pour moi en architecture.

Pourtant, après cinq années d’enseignement à l’école d’architecture, pas un seul cours n’a été dédié à ce matériau. J’ai toujours pensé que la matérialité constituait la majeure partie du projet d’architecture. Elle permet l’incarnation de la conception, le passage de la théorie à la pratique. Par la matérialité le projet peut naître et exister.

Un lien très fort persiste entre l’atmosphère d’un espace et sa matérialité. Et pourtant, cette matérialité est souvent abordée sous le prisme du coût de construction.

De ce fait, la pierre ne semblait pas avoir sa place dans nos cours.

C’est donc poussée par l’émerveillement d’un côté et une curiosité grandissante de l’autre, que le choix final de mon mémoire s’est fait. J’avais soif d’apprendre sur ce matériau ancestral. Au-delà de son esthétique, j’étais curieuse de découvrir tous les atouts de la pierre. Sa symbolique forte et sa capacité à m’émouvoir n’ont pas arrêté de m’encourager tout au long de l’écriture de ce mémoire. Il était très intéressant pour moi alors de porter un regard d’architecte sur cette affection que je porte à la pierre. Ainsi, je me suis penchée sur les travaux d’architectes qui utilisent la pierre dans l’architecture contemporaine tout en tentant d’y poser un regard critique. Il n’est pas question dans ce mémoire d’expliquer les techniques de construction qui utilisent la pierre, ni de faire une liste exhaustive des travaux existants ; mais plutôt à travers quelques exemples de comprendre quels sont les usages et les représentations de la pierre dans l’architecture contemporaine.

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CORPUS

Centre éducatif fermé Combas architectes - Marseille - 2017 CENTRE GALICIEN Alvaro Siza - Saint Jacques de Compostelle (Espagne) - 1993 MUSÉE D’ARTS Aires matéus - Tours - 2012 EHUNdura Leibar et Seingneurin - Nantes - 2011 STONE HOUSE Carl Fredrik Svenstedt - Lubéron - 2012 LA CAPITELLE Rudy Ricciotti - Le crès - 2014 MDSI SAINT MICHEL Moon Safari - Bordeaux - 2014 OBK - logements sociaux Barrault Pressacco - Paris - 2017

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01 02 03 04

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SOMMAIRE INTRODUCTION

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REMISE EN CONTEXTE

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La pierre dans l’imaginaire collectif

L’abandon de la pierre en construction Un retour au naturel en expansion

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LA PIERRE COMME OUTILS DE POUVOIR

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La monumentalité

L’image du monolithe Usage de la pierre

41 51 59

LA PIERRE DANS L’ARCHITECTURE VERNACULAIRE IDENTITAIRE

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Ressources locales

Esthétique et culture régionale Usage de la pierre

67 73 79

LA PIERRE EN RÉPONSE AU MOUVEMENT ÉCOLOGIQUE

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Processus d’usage de la pierre

Qualités environnementales

Fin du cycle de vie Usage de la pierre

89 95 98 103

CONCLUSION

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BIBLIOGRAPHIE

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ANNEXES

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INTRODUCTION GÉNÉRALE Des premières cahutes aux cathédrales, du Parthénon aux immeubles haussmanniens ; notre Histoire s’est construite sur la pierre. En effet, pendant des centaines d’années, l’homme a érigé un paysage de pierre au milieu de la nature.

Aujourd’hui, des villages en campagne ou des villes entières comme Bordeaux sont les témoins de la richesse minérale que nous offrent les sous-sols français.

Des maisons de granite en Bretagne jusqu’au calcaire clair du Sud-Ouest, la pierre de nos villes donne à voir la richesse des ressources présentes dans nos régions.

Elle offre un paysage vernaculaire unique qui nous renvoie directement à l’identité du lieu. La pierre qui porte littéralement notre histoire semble alors être chargée de symbolique. En effet, l’utilisation de la pierre fait tout de suite appel à notre mémoire individuelle ou collective. Je peux me souvenir de tel hôtel de ville en pierre, de telle maison, de tel château… Tous ces monuments sont inscrits dans ma mémoire et représentent un souvenir particulier pour chacun. La pierre est alors capable de nous émouvoir, de nous surprendre, peut être même de nous révolter.

Sa masse et son fort d’ancrage dans le sol ne passent pas inaperçus. La pierre peut aussi embellir, unifier, ornementer la ville. Quoi qu’il en soit, elle ne semble pas laisser beaucoup de promeneurs indifférents.

Cependant, si la pierre a été pendant plusieurs siècles, le matériau de référence en architecture, aujourd’hui c’est en béton que la plupart des constructions se font.

En effet, celui-ci tient la première place dans l’industrie du bâtiment relayant la pierre à un usage secondaire. Le vent de liberté architecturale naissant il y a plus d’un siècle semble avoir balayé la pierre de la construction actuelle. La découverte alors de matériaux tels que l’acier ou le béton a pris le dessus. Seul l’architecte Fernand Pouillon se serait frayé un chemin dans cette époque du tout béton. En effet, par ces bâtiments et ses écrits, l’architecte nous témoigne de son affection pour la pierre. Il parle avec émotion du matériau dans son livre les pierres sauvages où il décrit notamment la beauté de l’abbaye de Toronnet.

Cependant, on assiste depuis plusieurs années à un retour en vogue de la pierre ainsi qu’aux matériaux naturels de manière générale en construction. On sublime les ruines, on « retape » de vieilles bâtisses, les murs en pierres apparentes refont leur entrée… Que ça soit par le parement ou la pierre massive, l’esthétique du matériau semble être appréciée du grand public. De fait, dans les grandes villes on voit de nombreuses opérations apparaître utilisant un revêtement de pierre. Le matériau noble enveloppe alors la structure cachée.

De plus, l’épuisement récemment annoncé des matières premières tel que le sable (composant indispensable du béton), semble faire évoluer les mentalités. Il invite à repenser les modes de construction contemporaine. Le secteur de l’industrie du bâtiment étant le plus polluant, chaque architecte devrait se soucier de l’impact qu’ont ses constructions sur l’environnement et chercher des alternatives au béton. Dans cette mouvance, on constate que les architectures en bois sont de plus en plus nombreuses. Véritable effet de mode ou prise de conscience de la part des constructeurs, elles occupent une place grandissante dans le secteur du bâtiment et sont récompensées chaque année1. Cependant, l’utilisation de la pierre massive comme réponse à ce souci reste frileuse et semble réservée à une minorité.

1. Chaque année le magazine AMC présente les 100 architectures marquantes de l’année ainsi que les œuvres sélectionnées pour le prix d’architecture du Moniteur

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Quelle qu’en soit sa mise en place, utiliser la pierre n’est plus anodin aujourd’hui. Si dans le temps, son usage a pu être considéré comme banal, la pierre étant l’équivalent d’une sorte de parpaing, aujourd’hui ça n’est plus du tout le cas.

Nous pouvons donc affirmer que construire avec la pierre aujourd’hui est un acte fort posé. La pierre qui porte toute notre histoire est chargée de souvenirs et de symbolique. L’utiliser aujourd’hui, c’est donc faire charge de cette mémoire. De cette observation, est né l’axe de recherche de mon mémoire. Il s’agit pour moi de comprendre dans quelle mesure l’architecte utilise la pierre. Je m’intéresse alors à l’attitude de l’architecte vis-à-vis du matériau. Je me suis donc penchée sur l’architecture contemporaine en pierre. Pour cela, j’ai étudié l’architecture des 20 à 30 dernières années, c’est-à-dire de la fin du XXe siècle au XXIe siècle. Le sujet n’est pas de comprendre comment on construisait avant, ni de s’intéresser à la restauration du patrimoine mais bien de voir qui construit en pierre aujourd’hui de manière contemporaine et pourquoi. De plus, je ne parlerais pas de l’usage de la pierre dans les travaux publics où elle est encore majoritaire, mais seulement de projets d’architecture construits.

Le sujet de recherche de ce mémoire portera donc sur la symbolique et l’usage de la pierre. À travers la connaissance de l’image pierre, je m’interrogerais sur ce que cherchent à mettre en valeur les architectes qui construisent en pierre aujourd’hui.

Ma problématique finale est alors : quels sont les usages et les représentations de la pierre dans l’architecture contemporaine ?

Par usage, on entendra la mise en œuvre de la pierre en construction : que ça soit la pierre de taille, en structure porteuse, la pierre dans des constructions hybrides mêlant plusieurs matériaux (béton+ pierre+ acier…) ou la pierre en parement. Et par représentation, on cherchera à comprendre quelle image de la pierre l’architecte donne-t-il à voir, à quel imaginaire renvoi le matériau pour lui. Le tout sera alors de comprendre quelle corrélation il y a entre usage et représentation. La représentation de la pierre par l’architecte a-t-elle une influence sur son usage et inversement.

Le corpus choisi découle d’un choix plutôt intuitif. Il s’est fait naturellement au fil de mes recherches. Il dépend, cependant, des ressources accessibles trouvées sur les projets. Les nombreuses interviews postées et la documentation autour des projets choisis m’ont aidée à les étudier et à les comprendre. Dans chaque architecture présentée, la pierre est un élément porteur du projet. Quelle qu’en soit sa mise en œuvre, elle vient unifier le projet et le rend spécifique. Chaque fois, un ou plusieurs des attributs spécifiques de la pierre sont mis en évidence par le projet. La méthode de travail consistera donc à décortiquer ces projets afin de trouver quelles représentations et quels usages spécifiques l’architecte a voulu donner à voir.

Le travail commencera par une première partie de remise en contexte. Ensuite, nous entrerons dans le vif du sujet. À travers un corpus riche, nous verrons alors trois grandes parties : la pierre comme outils de pouvoir, la pierre en réponse au souci écologique et la pierre dans l’architecture identitaire vernaculaire.

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REMISE EN CONTEXTE

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Cette première partie est dédiée à la remise en situation du sujet de travail. Elle a été mon point de départ pour la réflexion générale du mémoire. Elle constitue une sorte d’état de l’art de mon sujet. Ce travail de remise en contexte répond à différentes questions. En premier lieu, il m’est paru important de sonder l’avis général à propos de la pierre. Il s’agit alors de connaître l’opinion des personnes sur le matériau de la pierre ainsi que des représentations qu’elles en font. Ensuite, le sujet a été de chercher pourquoi le matériau de la pierre a été délaissé en architecture pour comprendre enfin en quoi son engouement est en vogue.

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1. REPRÉSENTATIONS communes DE LA PIERRE Le matériau de la pierre est chargé de représentations, il suffit d’interroger ses proches pour le comprendre. En effet, la France est un pays bâti sur la pierre, elle ne peut donc nous laisser indifférents. La pierre nous renvoie sans cesse à notre histoire et notre passé. Nous visitons ou parfois même nous vivons dans des villages ou villes construites en pierre massive présentes depuis plusieurs siècles.

Tous ces monuments témoins de notre histoire que nous croisons alors régulièrement modèlent une forme d’imaginaire autour du matériau de la pierre. L’essence même de la pierre nous porte d’ailleurs à l’émotion par sa texture, sa couleur, sa sonorité elle éveille nos sens. C’est donc en étant certaine que la pierre n’est pas un matériau anodin, que j’ai voulu sonder l’opinion générale à propos de celle-ci.

C’est donc dans ce contexte que j’ai réalisé une enquête1 pour connaître l’opinion générale à propos des constructions en pierre. C’est au travers d‘un questionnaire que celle-ci s’est effectuée. C’est alors que j’ai pu prendre conscience de ce que représentait la pierre dans l’imaginaire collectif.

1. Un matériau du passé Les constructions en pierre nous renvoient tout de suite à notre passé, à une architecture porteuse de mémoire. Des villes fortifiées médiévales à l’élévation des cathédrales, la pierre nous rappelle le passage de nos ancêtres. Il est fascinant de voir que le patrimoine historique architectural est profondément ancré dans les mémoires. En effet, au cours de mon enquête, en demandant aux personnes interrogées d’exprimer librement ce qu’elles pensent quand on parle de pierre, on constate que, pour beaucoup, la pierre renvoie aux monuments historiques tels que les châteaux, les églises ou les cathédrales.

Nous avons tous à l’esprit, le souvenir de la visite d’un édifice en pierre quel qu’il soit : le fronton d’une église romane en granite s’imposant sur la petite place d’un village breton, la majesté d’une cathédrale gothique dominant sa ville, l’évocation de la maison familiale de campagne… Je peux, en effet, décrire aisément comme la visite de la cathédrale de Nantes a pu me marquer et me bouleverse à chaque fois que j’y retourne. La monumentalité de sa façade est frappante, accentuée par ces tours qui semblent toucher le ciel, le tout mis face à la place semi-circulaire créée par le retrait des immeubles s’effaçant devant la majesté du bâtiment sacré. À l’élévation de l’architecture semble se mêler l’élévation de l’âme.

Les colonnes intérieures sont comme des filaments de pierre sur lesquelles repose la voûte céleste dans laquelle le chant mélodieux d’un chœur se propage et emplit l’espace de toutes ses tonalités. L’architecture vibre et s’éveille quand les hommes se rencontrent. D’ailleurs, combien d’artistes, peintres, auteurs ou poètes ont consacré des pages entières à la description ou la reproduction des traits fascinants d’une architecture en pierre.

C’est donc sans surprise, que j’ai pu remarquer que la pierre était, pour une grande majorité, considérée comme un matériau du passé et certainement peu propice à la construction dans les dizaines voir centaines d’années à venir. En effet, seulement 42 % des personnes interrogées considèrent la pierre comme un matériau du futur.

1. Questionnaire réalisé du 18 au 24 mars 2020 portant sur la place de la pierre dans l’architecture contemporaine. L’enquête contient 13 questions auxquelles 74 personnes ont répondu. Voir questionnaire en annexe.

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« L’architecture est le témoin incorruptible de l’histoire » - Octavio Paz

Association de la pierre à la civilisation ancienne de l’Égypte - Thèbes, Ramesseum , Watercol.by David Roberts (https://www.repro-tableaux.com/a/david-roberts/thebenramesseum-2.html)

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D’autre part, on associe aisément la notion de pérennité au fait que la pierre est un matériau du passé. De fait, une des questions primordiales de mon enquête pour sonder l’opinion des personnes interrogées, a été de demander trois qualificatifs que la pierre leur évoque. Parmi les réponses, on voit alors émerger très distinctement les notions d’authenticité, de robustesse et de charme (mais cette dernière sera traitée plus tard). Les qualificatifs sont nombreux : on parle d’ancien, de sobre, de majestueux… d’un côté tandis que de l’autre les termes de résistance, fiabilité, pérennité et durabilité sont récurrents.

En effet, c’est à juste titre que l’architecture en pierre, témoin de l’Histoire des hommes, nous semble fiable car elle est toujours présente des millénaires après pour nous conter ses légendes. Sa résistance dans le temps et sa pérennité nous renvoient à notre courte existence, nous rappelant les milliers d’années d’Histoire qui nous précèdent. En effet, si notre vie s’écoule rapidement et ne laisse pas de trace, les édifices en pierre, eux, résistent et s’ancrent dans le sol.

Victor Hugo nous dit « Les grands édifices, comme les grandes montagnes, sont l’ouvrage des siècles »2. En parlant des cathédrales, il nous précise qu’elles sont comme « le dépôt que laisse une nation ; les entassements que font les siècles ; le résidu des évaporations successives de la société humaine ; en un mot, des espèces de formations. Chaque flot du temps superpose son alluvion, chaque race dépose sa couche sur le monument, chaque individu apporte sa pierre. »2 Ce sentiment de monumentalité non seulement dans l’espace mais aussi dans le temps semble donc partagé par tous et depuis longtemps, en témoignent les nombreux écrits d’auteurs. De plus, il est accentué par l’utilisation systématique de la pierre pour des usages sacrés ou funéraires. La pierre est alors associée à quelque chose de plus grand qui surpasse l’homme et son temps.

C’est pourquoi, pour beaucoup ce matériau serait inatteignable. Mis sur un piédestal, il semble réservé à une élite supposant la richesse et le prestige. En effet, une autre question, ayant pour rôle de révéler à quels usages les personnes associent la pierre, nous montre que pour 89 % d’entre eux ; elle est rattachée aux lieux culturels (théâtre, musée…). La pierre est aussi associée aux logements individuels (pour 75,3 %) tandis qu’elle ne semble pas compatible avec les logements collectifs (26 %), les services (15,1 %) et les équipements (9,6 %).

Alors, pour la majeure partie des personnes, la pierre est donc associée aux grands travaux portés par la ville autour de la culture. Ou alors réduite à son usage de fortification dans le génie militaire, la pierre est relayée à un passé révolu.

2. Victor Hugo, Notre Dame de Paris, 1831, Édition Pocket classique, p 160

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2. Une esthétique largement validée Pourtant ce passé nous rend nostalgique. Combien d’amis m’ont demandé pourquoi on ne construit plus de beaux édifices en pierre aujourd’hui. Alors que les édifices en béton et en acier divisent souvent l’opinion, la pierre semble être un matériau apprécié par une majeure partie de la population. De fait, c’est sans surprise que la quasi-totalité des personnes interrogées (99 %) a répondu de manière positive à la question : « trouvez-vous les constructions en pierre esthétiques ? » Par ailleurs, je parlais précédemment d’une troisième notion émergeant quant à la qualification de la pierre : le charme. En effet, nombreux ont été les qualificatifs donnés à la pierre autour de ce thème : esthétique, beau, élégant, pure, harmonieux, naturel… On peut donc aisément dire que l’esthétique de la pierre fait l’unanimité aujourd’hui.

Les villes anciennes attirent les visiteurs et inspirent le respect. Nous avons nombre d’exemples rien qu’en France avec Paris, Bordeaux ou Toulouse qui sont des villes très touristiques. Leur histoire nous plonge dans une atmosphère particulière. En effet, la pierre est un matériau mais aussi une matière qui donne une ambiance à un lieu. On parle de la ville blonde de Bordeaux par exemple. Par sa couleur, sa texture, sa résonance elle crée un environnement porteur de souvenir.

Et c’est d’ailleurs grâce au questionnaire que j’ai pu remarquer que pour beaucoup, la pierre était évocatrice d’une sensation, d’un souvenir parfois même d’un sentiment particulier. Il existe un réel attachement sensible aux bâtiments en pierre. La question était alors simple : quel est le lieu en particulier que la pierre vous évoque ? À cela nombre de réponses ont été : ma maison de campagne, la maison de ma grand-mère, la petite chapelle durant un camp d’été, les refuges lors de randonnées entre amis… Toutes ces réponses introduisent un lien affectif autour d’un édifice en pierre.

De fait, l’appréciation de la pierre se fait grâce à tous nos sens. Que ça soit de manière visuelle, acoustique ou thermique, il existe une réelle interaction sensorielle avec la roche. La chaleur ou la fraîcheur délivrée par le matériau crée une ambiance. De plus, la singulière résonance des murs en pierre la différencie des constructions en béton ou en acier. On peut apprécier cette acoustique particulière lors de chants polyphoniques donnés dans les églises, par exemple, alors que ces dernières étaient conçues comme de véritables caisses de résonance.

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L’esthétique du village de Saint-Émilion (Gironde) attire chaque année des milliers de visiteurs, village construit en calcaire tendre, source personnelle

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3. Apaisement et silence de la pierre La pierre reste aussi synonyme d’apaisement et nous renvoie à des ambiances silencieuses. On pense alors au recueillement que l’on peut trouver dans certaines chapelles, à la sérénité et au calme qui émanent des murs d’une abbaye…

On peut alors ressentir toute la fraîcheur de l’édifice ainsi que le silence qu’il dégage.

Cette image de la pierre a même poussé l’atelier Combas Architecte à faire ce choix de matériau naturel pour un centre éducatif fermé à Marseille. C’est en 2013 que l’agence remporte le concours. Souvent assimilé à une prison pour adolescents, le programme est délicat à traiter. Il se compose alors d’une dizaine de chambres, d’une salle de travaux pédagogiques, d’une salle de classe, d’une salle informatique, d’un dojo et des locaux administratifs. Avec une forte volonté de sortir des clichés, les architectes tentent de créer une architecture apaisante et agréable à vivre pour les usagers mais aussi pour les riverains. « Ce sont des programmes qui appellent généralement la réalisation d’univers confinés et clos. Nous avons pris le parti inverse. Nous avons proposé un édifice qui, sur la longueur, s’ouvre sur le paysage. Nous voulions également que la clôture disparaisse pour affirmer ce rapport à la vue », explique l’architecte. « Ce n’est pas une prison », répète-t-il à l’envi. »3 Dans cette interview, l’architecte nous montre bien tout l’enjeu de l’édifice et la volonté qu’il a d’adoucir les mœurs à travers le projet. C’est dans ce contexte que la pierre est apparue comme le matériau évident. « Entre les lignes d’un programme technique, Combas a donc deviné une « question cachée » exigeant une « réponse sensible ». « Nous devons gérer des situations de détresse mais aussi des accès d’extrême violence. Ce centre devait être doux et tendre mais aussi robuste », souligne Mathieu Grenier. « Sécurité » et « Sérénité » se sont fait les maîtres mots ; « lumière » et « matériaux », les outils adéquats. »3 En effet, en plus de ses vertus apparemment apaisantes, la pierre confère à l’architecture une certaine pérennité. De plus, elle s’insère dans la continuité des logements sociaux de Fernand Pouillon construit en pierre dans le Nord de Marseille.

Enfin, l’architecte nous enseigne que la pierre semble inspirer du respect ; le centre n’ayant pas été tagué comme ses voisins.

3. Jean-Philippe HUGRON, Combas contre la violence, Le courrier de l’architecte, 4 octobre 2017 (https://www.lecourrierdelarchitecte.com/article_7854)

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CONCLUSION Vues générales du centre éducatif fermé (CEF) à Marseille (http://www.ingenierie84.fr/realisation/etablissement-de-placement-collectif-epc-a-marseille)

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Après la réalisation de cette enquête, il m’est paru évident que la pierre plaît et que son utilité n’est pas remise en cause. On peut alors se demander pourquoi il y a si peu de constructions en pierre aujourd’hui. En effet, au cours de mes recherches, je me suis rendu compte en feuilletant notamment le magazine AMC, qui reste une référence pour la plupart des architectes, que très peu d’architectures en pierre, voire aucune, certaines années, n’y figurent. Cette revue, nominant les meilleures architectures de l’année, est bien démonstratrice du peu d’intérêt porté à la pierre en ces temps. Elle nous prouve que la pierre a été oubliée et relayée au passé. En épluchant les revues d’AMC, une année d’architecture en France de 2009 à 2018, j’ai pu dresser la liste exhaustive de toutes les œuvres en pierre (massive et parement) mise en lumière par la revue. Aucune œuvre n’est nommée pour les années 2009 et 2010. De plus, on remarque que peu d’architectures en France utilisent la pierre comme élément porteur. Au fil de ses recherches, j’ai pu remarquer que si l’engouement pour les matériaux naturels tels que le bois ou la brique est visible, il semblerait que l’utilisation de la pierre soit encore assez frileuse. De plus, excepté l’architecte lyonnais Gilles Perraudin qui a fait de la pierre son matériau de prédilection, l’utilisation de cette dernière semble être réservée aux commandes publiques.

Ce constat fait par le milieu connaisseur vient bien confirmer l’opinion générale révélée par le questionnaire réalisé sur des personnes lambda : la pierre n’est pas un matériau de notre époque et quand elle est utilisée elle semble réservée à une élite.

Pour bien comprendre comment on en est arrivé là, il est nécessaire de faire un retour en arrière afin de mettre en lumière les raisons de la disparition de la pierre dans la construction. En effet la question est légitime : comment avons-nous pu abandonner la pierre alors qu’elle a été le matériau de référence durant des siècles d’Histoire ?

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2. L’ABANDON DE LA PIERRE EN CONSTRUCTION Depuis plus d’un siècle, l’industrie du béton tient la première place en construction. En effet, le secteur du logement en est très représentatif : la part de production en béton de logements individuels est de 96,6 % alors qu’en logement collectif, elle atteint 98,49 % pour l’année 20184. Ainsi, le nombre de carrières s’est vu fortement diminuer ces dernières années. Le nombre d’entreprises exploitantes de roches ornementales et de construction a chuté de plus de 23 % de 1995 à 2017.

Aujourd’hui, il nous paraît réellement évident d’utiliser le béton pour tous types de constructions : logements, équipements, ponts, travaux publics… Le béton semble être accepté comme le matériau le plus pratique, le plus résistant et le plus rentable.

Évolution du nombre d’entreprises exploitant les roches ornementales et de construction de 1995 à 2017 - Source : données Unicem

Cependant, il est étonnant de voir ce basculement alors que pendant des centaines voir des milliers d’années l’avantage était donné à la pierre. On pourrait alors croire que le matériau a fait ses preuves et que le savoir-faire grandissant a permis aux bâtisseurs de faire évoluer sa technique. Pourtant, la pierre de taille a quasiment disparu de la construction en France. De fait, cette diminution peut s’expliquer par différents processus émergeant au XXe siècle notamment. On constate, dans un premier temps, une forte augmentation du prix de la pierre par rapport aux matériaux bon marché. De plus, dans un contexte d’après guerre où il faut reconstruire rapidement et en quantité, la pierre ne semble plus adaptée. « Les méthodes de bâtir dites traditionnelles ne pouvant satisfaire aux besoins très importants et urgents de la Reconstruction, il est devenu indispensable d’appliquer au bâtiment les méthodes de l’industrie : en utilisant l’énergie mécanique sur les chantiers lorsque l’homme n’est pas nécessaire ; en centralisant la plupart des opérations de construction par préfabrication d’éléments normalisés ; en employant des matériaux nouveaux - soutient le Génie Civil au début de 1945 »5

4. D’après Batiactu.com 5. André Guillerme (1991) Techniques Et Matériaux de construction XIXE‐XX siècle, une introduction, p 173

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120 110 100 90 80 70 60 50 40 30

Évolution du prix des pierres pour la construction entre 1990 à 2012 (indices, base 100 en 2010) Source : données Insee

De plus, il semblerait que les idéologies portées par le XXe siècle aient aussi participé à l’abandon progressif de la pierre en construction. En effet, il y a eu un point de rupture dans l’évolution de l’architecture, il y a de ça environ une centaine d’années, avec l’émergence du mouvement moderne. Je vais tenter d’expliquer ce mouvement tout en le corrélant avec un certain délaissement de la pierre. Cependant, cette hypothèse que je fais ne prétend pas être la seule possible. De plus, toute la richesse et la diversité du Modernisme ne pourraient être résumées en seulement quelques lignes, j’essaye donc de me concentrer sur les points principaux tout en les résumant.

Les prémisses du mouvement moderne, aussi appelé modernisme, apparaissent à la fin du XIXe siècle (suite à la révolution industrielle et ses fulgurantes avancées techniques) pour atteindre son apogée au milieu du XXe siècle. Le mouvement suit l’influence de l’école du Bauhaus, qui naît en Allemagne, et souhaite révolutionner l’apprentissage des arts en les regroupant avec l’artisanat. De cette idéologie naît une architecture plus épurée au décor minimal et à la géométrie fonctionnelle. Le modernisme trouve aussi sa place en s’opposant à l’éclectisme de l’Art nouveau présent à la fin du XIXe siècle. Le mouvement se caractérise aussi par l’éclatement de ces genres et de ces styles créant un mélange riche et varié. Désir de liberté, rejet des groupes et des étiquettes, affirmation de l’individualisme en sont alors les thèmes principaux. Et cette progression architecturale se caractérise donc par différents points qui semblent avoir favorisé la disparition de la pierre.

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1. Émergence de nouveaux matériaux Je l’évoquais précédemment, le contexte des guerres mondiales et leurs conséquences, ont bouleversé le processus de construction. De cette situation, de nouveaux matériaux font leur apparition. Avec la découverte de l’acier quelques années auparavant, on découvre une nouvelle manière de construire. L’architecte moderne se sent enfin libre de sortir de la forme du cube et laisse libre cours à sa créativité.

Le béton déjà présent dans la construction d’ingénierie, pour les ponts par exemple où ses qualités de résistance sont appréciées, est de plus en plus popularisé. Les Modernistes découvrent une nouvelle liberté architecturale avec l’émergence de ces nouveaux matériaux. Ils délaissent alors peu à peu la pierre trop contraignante et devenue très chère. En effet, cette dernière ne permet pas de faire de porte-àfaux ni de long linteau. Elle est donc mise à l’écart. Ce mouvement s’accompagne d’un nouveau vocabulaire architectural exprimé par le Corbusier selon 5 principes : le e terrasse, le pilotis qui libèrent le sol pour la circulation, la fenêtre en longueur ou « en bandeau » et la façade rideau.

Le béton armé est de plus en plus massivement utilisé par les architectes. Il permet notamment l’aménagement de plans libres donnant une nouvelle appropriation de l’espace intérieur libéré de toutes contraintes spatiales. On entre alors dans une véritable ère à la conquête de la hauteur avec les premiers gratte-ciel notamment à Chicago. Le béton devient alors une véritable expression architecturale et non plus une structure utilitaire cachée.

Avec ce bouleversement de matériau, s’accompagne un changement du processus de fabrication. L’industrialisation du béton, qui fournit maintenant des éléments préfabriqués, révolutionne radicalement la manière de construire. Les fameuses dalles-champignons de l’entrepôt Giesshübel à Zurich en sont un parfait exemple. L’industrie permet un gain de temps immense grâce à des produits standardisés. On construit ainsi en quantité et plus rapidement.

Après la seconde guerre mondiale, alors que le pays est en grande pénurie de matériau, l’État tente d’industrialiser la production de pierre. Dans cette dynamique, le ministère de la reconstruction subventionne alors les carrières ; le but étant de lancer une pierre pré-taillée standardisée pour rentabiliser sa production. Malheureusement ce projet tombe à l’eau, seul l’architecte et urbaniste Fernand Pouillon s’inscrit dans cette dynamique alors que ces contemporains se ruent sur le béton tant glorifié. Il choisit alors la pierre : « au regard de la profondeur de la tradition »6.

6. HUGRON Jean-Philippe, Fernand Pouillon, la pierre sans mystique, Le courrier de l’architecte, mars 2013

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Schéma simplifié de l’évolution des matériaux utilisés pour les murs par période de constructionSource : d’après Apur atelier parisien d’urbanisme, Mots clés

2. Rupture avec le passé Un des concepts forts qui caractérisent cette période est sa rupture avec le passé. En effet, les Modernistes défendent un renouveau naissant d’une « tabula rasa », ce qui signifie littéralement table rase. Ce concept emprunté à la philosophie, affirme la volonté de crise et de rupture forte. On cherche alors à sortir des schémas prédéfinis et à s’émanciper des traditions. « En effet, la Modernité industrielle se définit comme nécessairement « positive », elle désigne un processus de renouveau continu, vers une amélioration progressive du monde humain, et vers le triomphe de la raison, qui serait la condition d’un état d’harmonie ultime des sociétés (et marquerait la fin de l’Histoire) : vision dans laquelle les post-modernes voient avant tout un récit idéologique. La « nouveauté » moderniste c’est aussi l’effort continu d’arrachement aux traditions, la « tabula-rasa » du Mouvement Moderne, exacerbée dans les arts, l’architecture et le design par les avant-gardes. »7 On conçoit alors aisément, dans ce contexte, que la production de pierres ait pris un coup. En effet, celle-ci souvent associée à la noblesse et à la tradition semble incompatible avec l’idéologie naissante.

7. L. PANDELLE, Design / Humanisme / Modernité, février 2012

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3. Rejet de l’ornement « Le Style sans ornements est la fois l’expression d’une crise idéologique, celle de l’architecture et de l’art moderne du début du XXe siècle et une tentative de réponse à cette crise par la formation d’une nouvelle idéologie. (…) Pour Perret, l’idée que l’art décoratif apporte une rénovation est fausse ; créer un style à partir de l’ornement est une hérésie, une impasse. L’architecture peut seule apporter le style souhaité parce qu’elle ordonne tous les arts. »8 En effet, il apparaît au début du XXe siècle, que l’ornement doit disparaître. Cette conviction semble d’abord portée par l’architecte et designer Adolf Loos dans son essai « Ornement et crime » publié en 1908. Puis, à sa suite, on retrouve Le Corbusier dénonçant celui-ci comme « un stigmate moral et un parasite économique ».

L’architecte, alors à la tête du mouvement moderne affirme : « Il faut l’éradiquer au profit d’un art pur, honnête et vrai. »9. Cette violente condamnation accompagne l’évolution incessante de l’architecture. On recherche alors un idéal de pureté. On valorise le support au détriment du décor. La volonté de créer uniquement des formes et des volumes prend le dessus. L’utilisation de matériaux bruts, sans revêtement devient majoritaire dans une recherche toujours plus profonde de vérité architecturale.

CONCLUSION Le XXe siècle est une période riche en styles et genres variés. Du Fonctionnalisme au Naturalisme en passant par le Brutalisme ; les enfants du Modernisme sont nombreux. Ce siècle de troubles et de perpétuelle évolution, a favorisé l’abandon de la pierre. Celle-ci étant considérée comme incompatible avec l’évolution fulgurante que connaissait l’architecture. Sur le plan structurel, en direct concurrence avec les nouveaux matériaux tels que le béton ou l’acier, elle semble ne pas faire le poids. Mais aussi, sur le plan idéologique, où elle est trop associée à une utilisation traditionnelle en contradiction avec la volonté de renouveau et de modernité des architectes de cette époque. C’est ainsi, que le siècle dernier a vu disparaître petit à petit l’utilisation de la pierre en architecture et avec elle la perte du savoir-faire.

8. LAURENT Christophe, Quand Auguste Perret définissait l’architecture moderne au XXe siècle, Revue de l’Art, 1998, n°121, p 64 9. Dossier pédagogique, L’ornement est un crime, collection design du musée d’art moderne et contemporain de Saint-Etienne métropole de 1910 à 1970, la cité du design, p 3

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3. Un retour au naturel en expansion

Bien que le béton reste le matériau dominant en construction, on peut noter un certain engouement pour la pierre aujourd’hui. Prouvée par son appréciation du grand public évoquée précédemment, elle semble être « en vogue ». Évidemment il existe toujours un écart entre l’opinion générale et l’utilisation d’un matériau en construction car cette dernière est contrainte par le temps et l’économie, cependant, il semble que la pierre soit dans les tendances actuelles. « La Beauté est en rapport avec la vérité. Une pierre doit ressembler à une pierre, et une brique à une brique. Si nous utilisons les matériaux en fonction de leurs caractéristiques naturelles, le résultat est forcément beau. » Laurie Baker

1. Tendance du matériau brut En effet, depuis quelques années, nous assistons à un grand retour des matériaux bruts en décoration et en architecture. Comme un goût croissant pour l’authentique semble se développer. Déjà avec l’arrivée des lofts aux États-Unis dans les années 70, on découvrait un style rustique dont les matériaux nus étaient la principale caractéristique. Des murs en briques défraîchis dans un salon au style industriel. Pas de revêtement, ni de bardage ; seul le matériau compte ! Tout est apparent : des gaines et de la plomberie, on privilégie la simplicité et le rustique.

En France, on fait tomber les crépis qui recouvrent les façades en pierres et ainsi on les révèle. Cette tendance devient rapidement un effet de mode tant et si bien que l’on voit apparaître toutes sortes de stratagèmes pouvant reproduire cette ambiance comme des papiers peints imitant un mur de brique ou de pierre. On va jusqu’à délabrer artificiellement les murs pour donner du cachet à l’architecture.

On recherche alors l’esthétique du matériau nu, de l’usure. On met sur un piédestal le mur vieillit qui a vécu.

De fait, aujourd’hui cette esthétique de l’usure et cette recherche de l’authentique sont ancrées dans beaucoup de projets d’architecture. On voit alors apparaître différents projets ou concours qui cherchent à mettre en valeur une ancienne architecture ou des ruines. Ainsi, l’intérêt pour la pierre, symbole d’une histoire, est grandissant. De plus, Les architectes semblent être à la recherche d’une expression franche, on associe à la forme simple l’utilisation exclusive de matériaux bruts.

L’architecture doit être forte, nette et assumée. On avance alors vers une sorte de « vérité constructive » où le matériau est mis en valeur pour lui-même et dans son entièreté. Outre la position de l’architecte, l’intérêt est aussi de réduire l’entretien de ces façades à terme ainsi que de limiter les coûts de revêtement.

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Transformation d’une hacienda en ruine au Mexique par AS Arquitectura. Au lieu de tout restaurer, les architectes prennent le parti d’intervenir le moins possible pour préserver l’intégrité du bâtiment - Source : Darmon Olivier, Habiter les ruines, Édition Alternative, Collection Architecture Alternative, 2016

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2. Vision de la pierre dans le temps Cependant si cette volonté de montrer le matériau nu semble récente, elle existe tout de même depuis le XIXe siècle. En effet, « lors des restaurations du XIXe siècle (…) on pensait qu’il fallait mettre à nu blocages et pierres et montrer les murs dépouillés »10. La pierre est alors révélée dans son plus simple appareil sans artifice et sans revêtement. La tendance est alors au matériau nu et brut.

Aujourd’hui, il nous semble quasiment évident que la pierre est un matériau fini. C’est un matériau noble et beau donc on ne considère pas qu’elle peut être recouverte.

Cependant, ça n’a pas toujours été le cas. Au Moyen Âge, celle-ci était davantage considérée comme un matériau primaire qui a besoin de finition et nécessite un revêtement. Beaucoup d’écrits en témoignent ainsi que des recherches sur les édifices de cette époque. Ainsi, Aubert Marcel, historien de l’art du XXe siècle, nous enseigne : « Les monuments apportent la confirmation de cette habitude que l’on avait au Moyen Âge de couvrir d’un enduit de chaux ou de plâtre l’intérieur des édifices et même parfois l’extérieur et d’y tracer à la truelle, et plus souvent au pinceau, un appareil fictif, blanc sur fond ocre jaune ou plus généralement brun rouge sur fond blanc ou jaune pâle. Les lignes sont filées au pinceau sur de grandes surfaces, simples, parfois doubles, surtout dans les joints verticaux, accompagnées ou non de fleurettes stylisées ou d’ornements qui font ressortir les bandeaux moulurés et les faisceaux de colonnes dont les bases, les chapiteaux et souvent les fûts sont relevés de couleurs, à l’intérieur comme à l’extérieur »8.

En remontant encore plus loin, on se rend compte qu’à l’instar des édifices du Moyen Âge, le Parthénon était richement décoré à l’intérieur comme à l’extérieur.

La frise et les sculptures étaient entièrement peintes.

Finalement, la vision de la pierre comme matériau fini et brut est donc assez récente et représentative de notre époque. Elle fait partie du mouvement contemporain de pensée et n’est pas une image traditionnelle.

3. Retour aux sources et au naturel Dans ce retour à la simplicité, une autre caractéristique semble émerger : le souci écologique. En effet, l’épuisement récemment annoncé des matières premières tel que le sable (composant indispensable du béton), invite à repenser les modes de construction contemporaine. Une recherche d’alternative au béton émerge alors. En effet, en plus de puiser dans les ressources fossiles, la préparation du béton demande une énergie folle et son bilan carbone est catastrophique, pour reprendre les mots de Gilles Perraudin11.

10. AUBERT Marcel, Les enduits dans les constructions du Moyen Âge, In : Bulletin Monumental, tome 115, n°2, année 1957. pp.111-117 11. « Et tant pis si ce béton qu’ils aiment tant est une catastrophe environnementale. » Gilles Perraudin lors d’une interview sur l’éloge de la pierre en architecture, Arts & Seine, 9 mars 2016 ( https://www.telerama.fr/scenes/eloge-de-la-pierre-en-architecture,139296.php )

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Pour rappel, la composition du béton se fait grâce à trois éléments : l’eau, les granulats (sable, gravier) et le ciment. Or, l’industrie du ciment est une des plus polluantes en France. De fait, le ciment, principal ingrédient du béton et fine poudre agissant comme liant, nécessite une cuisson à plus de 1450°C. Il est donc le résultat d’un mélange précis et finement broyé de calcaire, d’argile et de sable dans un four rotatif. Mais ça n’est pas tout, après cette étape, il en résulte le clinker, produit intermédiaire dans la fabrication du ciment. Celui-ci est refroidi puis finement broyé pour obtenir la poudre que nous connaissons comme ciment.

Cette approche environnementale place la question du matériau au centre des débats. Et dans cette question, la place des matériaux d’origine naturelle est primordiale. On trouve alors le bois, la paille, la terre et la pierre. En effet, tous ces matériaux sont directement extraits de leur milieu naturel et ne subissent aucune transformation structurelle. Ils n’ont qu’un calibrage dimensionnel. Si la paille et la terre servent principalement en isolant ou revêtement, la pierre et le bois peuvent être utilisés structurellement dans la construction. Le but étant de limiter le bilan carbone dans les transports et la transformation de la matière, une étude de site et des ressources locales est donc nécessaire afin de réaliser une architecture vernaculaire.

Aujourd’hui, on voit émerger de plus en plus d’architectures responsables avec des matériaux locaux et un bilan carbone qui diminue. C’est au cours de l’épluchure des magazines AMC : une année d’architecture, que j’ai pu l’observer.

Beaucoup d’architectures en ossatures bois y sont nominées. Cependant, au fil de ses recherches, j’ai pu remarquer que si l’engouement pour les matériaux naturels tels que le bois ou la brique est visible, il semblerait que l’utilisation de la pierre soit encore assez restreinte. Pourtant, d’après le dossier de presse « Pierre : révéler la ressource, explorer le matériau »12 réalisé pour une exposition au pavillon de l’arsenal, le processus d’utilisation de la pierre semble plus simple que celui du bois ou du béton (cf. schéma). Cet essai autour de l’utilisation de la pierre en région parisienne, nous révèle tout son potentiel et le compare pertinemment avec celle du bois et du béton de la fabrication à la mise en œuvre en passant bien sûr par la transformation. « J‘essaye d‘utiliser des matériaux qui ne sont pas épuisables, et qu‘on n‘a pas épuisés une fois qu‘on les a utilisés. Le bois, la terre, mais surtout la pierre.

Un matériau universel, au sens propre : si on y réfléchit, la Terre — notre planète !

— devrait s‘appeler la Pierre puisque, comme la Lune, Mars, ou l‘ensemble des corps qui constituent notre univers, elle est en pierre. Il y en a partout sous nos pieds, même à Paris qui, en sous-sol, est un vrai gruyère tant ces pierres ont été extraites pour construire la ville. Construire et reconstruire : combien de temples, de châteaux, d‘abbayes ont ainsi au fil de l‘histoire servi de carrières pour en faire d›autres ? Jumièges, Cluny, Chaalis… » - Gilles Perraudin13

12. Pierre : Révéler la ressource, Explorer le matériau, Pavillon de l’Arsenal, Paris, exposition du 23 octobre au 2 décembre 2018 13. PERRAUDIN Gilles, interview sur L’éloge de la pierre en architecture, Arts & Seine, 9 mars 2016

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Schéma du processus de transformation du béton, de la pierre et du bois - Source : Pierre : Révéler la ressource, Explorer le matériau, Pavillon de l’Arsenal, Paris, exposition du 23 octobre au 2 décembre 2018

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Dans cette interview pour Arts & Seine, l’architecte lyonnais Gilles Perraudin, qui a fait depuis une bonne dizaine d’années de la pierre son matériau de prédilection, explique la raison de son engouement lié au respect de l’environnement. Il est intéressant de voir que dans aucun des livres, conférences, interviews du « dinosaure de la pierre », comme il est appelé par d’autres architectes, celui-ci n’évoque l’esthétique du matériau mais bien au contraire à chaque fois le ramène au souci écologique. De Plus, une notion intéressante émerge de cette discussion : la question du réemploi. C’est un argument que l’architecte amène souvent : selon lui, une architecture en pierre peut être démontée et remontée autre part puisqu’elle n’utilise aucune colle (c’est ce qu’il avait proposé pour son projet Patrimonio inutilisé en Corse). Ou alors l’architecture peut servir de carrière : il est presque devenu à la mode de fabriquer du béton cyclopéen avec des murets de pierres déjà présents sur site.

COnclusion Bien que son utilisation reste assez frileuse en architecture aujourd’hui, on voit émerger de plus en plus de monuments en pierre. Évidemment, le recours à la pierre en parement est devenu bien plus fréquent que la pierre de taille. Cette mise en œuvre semble rassurer les maîtres d’œuvre et leur permet d’utiliser des matériaux industrialisés en structure. Il existe des exemples de ce type d’architecture à la pelle en France, et nous pouvons le remarquer tout particulièrement à Bordeaux où la pierre de parement a remplacé peu à peu la pierre massive dans la construction contemporaine afin de se fondre dans l’héritage historique de la ville. Du côté des moins nombreux bâtiments en pierre de taille, différentes utilisations existent : certains bâtis traditionnellement n’utilisant que ce matériau, d’autres tentant des structures hybrides mêlant béton ou acier et pierre. Dans ce retour foudroyant au naturel, on voit émerger un architecte en particulier, vous l’aurez compris, Gilles Perraudin est un incontournable de la pierre dans l’architecture contemporaine mais il n’est pas le seul ; des cabinets comme Barrault Pressaco ou StudioLada ont su habillement intégrer la pierre dans certains de leurs projets. Beaucoup d’articles autour de cette thématique sortent chaque année recherchant les potentiels de la pierre : certains tentent de mêler technologie et utilisation du matériau alors que d’autres cherchent à retrouver le savoir-faire oublié. Les plus grands magazines d’architecture y consacrent de longues pages voir des volumes entiers : D’Architecture, Cahiers techniques du bâtiment, L’Architecture d’Aujourd’hui… Après avoir été abandonné par nos prédécesseurs modernistes, le matériau refait surface.

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La pierre comme outils de pouvoir

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Introduction L’architecture, témoin de la société, se met régulièrement au service du pouvoir ; pouvoir politique, pouvoir religieux, pouvoir citoyen. Son langage permet la mise en forme d’une idée forte qui devient intelligible et visible par tous. Contrairement aux autres arts, on ne peut ignorer l’architecture : elle nous entoure, elle nous protège ; elle est omniprésente dans nos vies. Si je n’apprécie pas la musique alors je n’écouterai pas la radio et je n’irai pas à l’opéra ; si je suis hermétique à la peinture, je n’irai pas au musée ; mais si je n’aime pas l’architecture, je ne peux pas m’en passer ! Je me meus dans un espace composé d’architecture, je vis et j’évolue au sein de ces constructions. En cela, l’architecture peut être un outil pertinent dans les mains de celui qui la dirige pour influencer la société et changer les états d’esprit. On pense alors aisément à l’architecture des régimes totalitaires tels que le nazisme ou le communisme où celle-ci était un véritable outil de propagande ; mais elle peut aussi être un instrument de paix et avoir un idéal d’apaisement des tensions.

En effet, le patrimoine architectural est souvent indicateur de la puissance d’un pays. Ainsi, les dernières décennies ont vu arriver un véritable phénomène de course à la hauteur dans les pays du Moyen Orient par exemple. La grandeur des buildings traduit alors la force du pays. Mais ce phénomène ne date pas d’hier, déjà les temples grecs étaient symbole de pouvoir et démontraient la grandeur de la civilisation ; tout en y ajoutant un aspect spirituel lié au culte d’un dieu. Chaque civilisation a ainsi construit des monuments à l’effigie des différents pouvoirs qu’elle portait.

Ce pouvoir de l’architecture ne peut cependant pas exister sans contraste : à l’édifice exceptionnel se soustrairont des alentours banals1. C’est l’image de la cathédrale qui s’élève dans le ciel face aux maisons n’excédant pas les trois quatre étages : le monument surplombe de sa majesté la ville et la regarde d’en haut. Qu’en sera-t-il de son pouvoir, de sa prestance si chaque maison la dépassait ? De même, l’incroyable chantier des pyramides de Gizeh en Égypte n’en serait-il pas moins grand s’il ne faisait face au désert de sable ?

De plus, à cette représentation s’ajoute bien volontiers la valeur du matériau choisi. Chaque matériau n’est pas perçu de la même manière par le public. En effet, la perception du matériau généralement liée à ces représentations lui est propre. Évidemment, cette notion est complexe et les représentations dont nous parlons seront certainement liées à des questions culturelles et sociales. Quand l’acier renvoie à une époque industrielle où l’on découvre une structure plus fine ; le béton, lui, nous amène à une ère sûrement plus récente : aux guerres mondiales, à la reconstruction, au modernisme… Chaque matériau porte ses propres représentations et son imaginaire. C’est pourquoi certains sont plus enclins que d’autres à traduire tel ou tel pouvoir. Ainsi, la pierre, symbole d’authenticité de robustesse et de charme ; comme nous avons pu le constater précédemment, n’est pas un matériau anodin.

Son utilisation est tout à fait adéquate pour une architecture de pouvoir et nous allons voir ensemble pourquoi.

1. CHADOIN Olivier, « Les formes informent » : le retour du symbolique dans la fabrique de la ville néolibérale, 2014, p. 21-39

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1. MONUMENTALITÉ

S’il est une qualité qui peut être assimilée aux édifices en pierre, et qui est attribuée d’emblée comme représentation, c’est bien leur monumentalité. En effet, ne parle-t-on pas des édifices tels que le Parthénon, la cathédrale de Paris ou encore le Colisée de Rome comme des objets monumentaux ? Il est alors nécessaire de revenir sur la définition même de la monumentalité. Celle-ci désigne quelque chose « qui est remarquable par sa taille imposante, ses proportions, son caractère grandiose. »2. Toutes ces qualités sont bel et bien porteuses d’une architecture qui s’impose. Le monument proclame la valeur d’une nation. Par sa grandeur, il fait l’éloge de l’économie, de la religion, de la richesse…

Parce que la pierre est chargée de représentations, elle peut renvoyer à une certaine monumentalité. Ces représentations permettent aux architectes l’adhésion du public dans l’implantation de leurs édifices. Nous allons alors voir comment les architectes contemporains et leurs maîtres d’ouvrage usent des images mentales que renvoie la pierre pour créer des architectures.

1. la masse Avant d’être un matériau, rappelons que la pierre est une matière naturelle issue de la Terre. La roche crée par l’écorce terrestre ne devient matériau qu’après son extraction faite en carrière. La pierre devient alors un produit de construction prêt à l’emploi. D’ailleurs, depuis fort longtemps, l’homme a su exploiter la richesse de ses sols à des fins constructives et ainsi transformer la matière en matériau. Les prémisses furent des abris rudimentaires, puis des logements de plus en plus spacieux pour ensuite faire des édifices monumentaux. Les constructeurs ont alors su apprécier les propriétés spécifiques de la pierre conférées par les milliers d’années passées sous le sol. Ces qualités étant la résistance, la densité et la porosité.

En effet, sa résistance à la compression en fait un matériau très fiable cependant ne fonctionnant quasiment pas en traction. Même aujourd’hui, avec les moyens techniques dont nous disposons, il n’est pas facile de faire de grandes ouvertures et impossible de faire des porte-à-faux en pierre.

2. D’après le TLFi : Trésor de la langue française informatisé

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La pierre fonctionne donc uniquement en compression or, pour augmenter la stabilité d’un mur en pierre, il suffit de jouer sur sa masse physique. En effet, plus le mur sera lourd, plus celui-ci sera stable répartissant ainsi son propre poids. Il est donc logique de trouver de nombreux édifices en pierre de taille d’une épaisseur de mur oscillant entre les 50 cm et le mètre. Ainsi, le bâtiment, même s’il n’est pas majestueux, dégagera une certaine prestance, une assise forte portée littéralement par son poids.

Alvaro Siza - Centre Galicien- Saint Jacques de Compostelle Construit en 1993, le Centre Galicien d’art contemporain est situé à Saint Jacques de Compostelle en Espagne. En plein centre-ville, il se fond dans l’ambiance minérale de la ville réputée pour être le lieu d’arrivée de nombreux pèlerins.

Le centre dispose de nombreuses salles d’expositions permanentes et temporaires, d’un auditorium, d’une bibliothèque, d’une cafétéria et de salles administratives.

Le plan est alors construit comme deux L qui s’emboîtent afin de créer une cour intérieure. L’architecte portugais, Alvaro Siza fait alors le choix de la pierre et de la monumentalité. En effet, le bâtiment s’apparente à plusieurs immenses blocs de pierre quasi totalement fermés. Ses grands pans de murs aveugles augmentent l’aspect imposant du bâtiment.

On note cependant, à l’entrée du musée, une grande ouverture comme une fente dans la continuité de la façade avant. De cette cassure naît un véritable bouleversement de l’équilibre. En effet, l’enveloppe en pierre ne forme plus une masse ou un bloc supporté par ses fondations. L’architecte renverse volontairement le poids du bâtiment par ce soulèvement de masse. Il crée une ambiguïté entre la structure et l’aspect extérieur. Il joue et use des codes de représentation de la pierre et de ses attributs pour donner de la prestance à son bâtiment. C’est l’image du matériau lourd et compacte de la pierre qui crée cet effet de compression et qui confère par là, la monumentalité, la prestance et le caractère imposant du bâtiment.

L’architecte choisi alors la pierre pour ce qu’elle projette en tant que matériau et non pour ces capacités techniques. Il fait l’éloge de la compression et de la masse, tout en voulant bénéficier des qualités des matériaux nouveaux. Ainsi, il utilise une pierre de parement sur une structure légère mêlant béton et acier dont il reconnaît les qualités structurelles14.

Il questionne alors lui-même : « Quel rapport trouver entre un matériau et son expression ? Puisque la pierre est plus légère, elle peut être suspendue. Quelqu’un de très rationnel et d’un peu pervers sans doute, pourrait dire alors que cette architecture ment, qu’elle est un mensonge et qu’elle est inacceptable. Je me demande au fond si l’architecture ne s’est pas, depuis toujours, appuyée sur des mensonges. »3

3. Alvaro SIZA, Des mots de rien du tout, traduction de Dominique Machabert, publication de l’université de Saint-Etienne, 2002, p 125

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Centre Galicien, Alvaro Siza, Santiago de Compostello (Espagne), photo de Fernando Guerra

https://www.archdaily.com/875977/alvaro-sizas-galician-center-of-contemporary-art-through-the-lens-of-fernando-guerra

Par ce musée d’art, l’architecte Alvaro Siza nous montre bien comme la représentation de la pierre comme matériau massif et pesant, au sens scientifique du terme, donne de la prestance à son édifice. Évidemment, la monumentalité de ce dernier tient aussi des volumétries particulières imaginées par l’architecte, cependant, celle-ci est fortement renforcée par le choix du matériau.

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2. L’ÉPAISSEUR Nous disions donc précédemment que les édifices en pierre de taille présentent une image massive et ce, grâce à leur épaisseur. Cette épaisseur bien remarquée sur les anciens monuments augmente l’aspect fermé du bâti. En effet, la construction étant massive, elle marque bien la différence entre l’intérieur et l’extérieur.

Ainsi, pas de doute, le bâtiment impose ses volumes et délimite très clairement la rupture qui existe entre les environs et son espace intérieur. Cette épaisseur et cette masse se font d’autant mieux sentir quand le visiteur la traverse. En effet, comment puis-je appréhender l’épaisseur du bâtiment s’il est fermé ? Ainsi, les portes et les fenêtres deviennent alors les lieux privilégiés du ressenti de la monumentalité. Le visiteur qui passe sous un linteau effleurant le mètre d’épaisseur sera certainement plus marqué par la masse du bâtiment et lui confèrera ainsi une monumentalité certaine.

Ce code d’architecture massive donné par la profondeur et expérimentale par le franchissement est souvent repris dans l’architecture contemporaine. Ainsi elle confère au bâtiment une force et une prestance.

Aires Mateus - Centre d’art – Tours C’est en 2012 que l’agence d’architecture Aires Matéus remporte le concours international de la construction d’un centre d’art contemporain à Tours. Les frères portugais réalisent alors un bâtiment d’une surface de 4500 m2 composé de quatre lieux d’exposition. En plein centre-ville historique et le long de la Loire, le nouveau musée s’apparente à un parallélépipède de pierre blanche rattaché à l’entrée de l’ancienne école des beaux-arts, seule construction conservée du site.

La première chose à remarquer de ce projet est son envergure. En effet, la nouvelle construction est de grande taille : 29 m de long sur 11 m de large. Son statut public est alors facilement admis grâce à cette monumentalité.

De plus, l’édifice s’apparente à une masse en pierre que l’architecte serait venu creuser par endroits. L’image du monolithe est alors omniprésente. Un premier jeu d’équilibre ou de déséquilibre semble alors émerger du projet. À l’instar du Centre Galicien d’Alvaro Siza, le bâtiment semble vouloir transgresser les lois de l’apesanteur par un subtil jeu de masse. En effet, le bloc de pierre semble en lévitation au-dessus du sol grâce à un rez-de-chaussée transparent. Les architectes mettent alors en opposition cette masse volante au-dessus du vide et l’ancienne entrée des beaux-arts ancrée dans le sol. Ainsi, on retrouve ce jeu de masse dont nous avons parlé précédemment.

Mais ça n’est pas le seul aspect de l’architecture qui utilise les codes de la monumentalité. De fait, par les excavations précédemment évoquées, les architectes attribuent une épaisseur à leur bâtiment. Cette épaisseur est donnée à voir par des creusements de forme cubique environnant le mètre de profondeur. Cette profondeur donnée à l’enveloppe accentue fortement l’idée de masse et de bloc monolithique portée par l’architecture. Cependant, en regardant les plans techniques de la construction, on observe que la pierre de Tercet utilisée n’est qu’un revêtement.

Cette épaisseur est donc artificielle et permet du stockage technique au niveau des ouvertures en profondeur. C’est donc avec astuce que les architectes jouent encore une fois des attributs de la pierre pour conférer une masse, une force à leur bâtiment. Ainsi, l’édifice devient monumental.

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Centre d’art, Aires Matéus, Tours

https://divisare.com/projects/336008-aires-mateus-benoit-fougeirol-olivier-debre-contemporary-art-center#lg=1&slide=5

C’est donc en utilisant la représentation de la pierre comme matériau « épais » que les architectes portugais ancrent ici leur bâtiment dans une forme de monumentalité. Cette monumentalité est donnée à voir, tout particulièrement dans ce projet, par les creusements et ouvertures de l’édifice. Leurs grandes profondeurs confèrent au musée une épaisseur artificielle.

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3. Durabilité et pérennité Comme nous l’avons vu à de nombreuses reprises, la pierre est synonyme de durabilité et de pérennité. Tout le monde s’accorde pour lui conférer des qualités de robustesse qui ont su faire leurs preuves au cours de l’Histoire. Or, la notion de monument et donc de monumental inclut bien cette idée de perpétuer la mémoire.

Quel matériau serait alors plus propice à cette tache que la pierre puisqu’elle est le matériau le plus résistant dans le temps ?

Tout architecte utilisant la pierre aujourd’hui, que ça soit de manière massive ou en parement, a donc cette image de robustesse d’un matériau qui résiste. La pierre devient alors un excellent moyen d’ancrer son architecture dans la longévité. L’intervention est forte et durable.

Leibar et Seigneurin – bureaux « Ehundura » – Nantes En 2011, situé sur l’île de Nantes, atelier de création de l’architecture contemporaine, un complexe de bureaux émerge. Le bâtiment composé de deux entités distinctes et opposées fait plus de 4500 m2. Les architectes basques Leibar et Seigneurin proposent alors un bâtiment divisé en deux ailes rejoint par un volume intermédiaire. En tout point ses ailes s’opposent : l’une est en pierre blanche de Lens et propose des ouvertures aléatoires de forme carrée tandis que l’autre est en pierre bleu de Chine et ses ouvertures régulières plus sages sont rectangulaires. Les deux volumes sont liés par un socle commun minéral. Les deux blocs proposent le même programme c’est-à-dire des bureaux pouvant évoluer en open space du côté du volume blanc et en trame rigide de l’autre côté. Le volume intermédiaire est, quant à lui, un espace vertical de circulation présentant un hall grandiose évidé sur toute la hauteur du bâtiment.

Dans une interview, Xavier Leibar nous dit : « La question de la matérialité est centrale ; la question de la pierre renvoie à la fois à une forme de stabilité et de pérennité »4. En effet, le nom donné au projet « Ehundura » signifie texture en basque.

De fait, la texture est un élément fort de leur projet avec cette opposition de matériau. De plus, en ci penchant de plus près, on peut observer que le calepinage est différent d’un volume à l’autre. D’un côté, un module de pierre est dessiné et répété étant de même dimension que les ouvertures ce qui lui donne un aspect très rigoureux. Alors que de l’autre côté, la pierre semble posée en strates qui varient d’épaisseur à chaque niveau laissant croire à un hasard du dessin.

4. Interview de Xavier Leibar par Cityscape sur le projet Ehundra, Nantes (http://www.cityscape.fr/fr/batiment/ehundura)

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Dans un quartier en constante mutation portée par l’air du temps, les architectes, pourtant férus défenseurs du béton brut, font donc ce choix du revêtement en pierre.

Leur but est d’inscrire leur édifice dans le temps et la pierre en est alors un outil parfait. D’ailleurs ce choix n’est pas influencé par l’intégration au paysage comme pour le Centre Galicien à Saint-Jacques-de-Compostelle. De fait, l’île de Nantes foisonne de projets architecturaux plus extravagants les uns que les autres donnant un paysage éclectique aux matérialités variées. La pierre est donc choisie pour ce qu’elle renvoie en tant que matériau durable et pérenne d’après les architectes.

Mais elle est peut-être aussi choisie pour son authenticité et permettrait alors de démarquer le projet des autres immeubles avec un matériau hors du temps. À travers ce projet, les architectes semblent nous demander : quel sera le volume le plus résistant ; celui qui met en place la rigueur de la construction ou celui qui fait appel à la créativité et au hasard ?

Cependant on peut se demander à quel point l’image de la durabilité peut être tronquée puisqu’ici la pierre utilisée seulement en revêtement n’a plus ses qualités structurelles qui ont permis à tant d’édifices de résister au temps. La structure en réalité en béton est cachée du visiteur. Retour en arrière au grand damne des modernistes qui se sont battus pour une vérité architecturale ou simplement choix esthétique ?

Opposition entre les textures des deux ailes du projet « Ehundura », Leibar et Seingneurin, Nantes

https://www.plataformaarquitectura.cl/cl/02-285993/ehundura-leibar-seigneurin/5200194ae8e44e6db0000004-ehundura-leibar-seigneurin-photo?next_project=no

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Conclusion Toutes ces caractéristiques propres aux édifices en pierre de taille, restent associées au matériau de la pierre, quelle qu’en soit sa mise en place aujourd’hui.

Ses années de résistance au temps et les monuments qui en résultent ont modelé un imaginaire autour d’une architecture imposante et forte cependant acceptée de tous. Même si elle est utilisée en parement, elle confère à l’architecture des qualités de monumentalité. Que ce soit par l’effet de masse, par une épaisseur donnée à voir à travers un percement ou pour sa durabilité ; la pierre ancre le projet dans l’espace urbain de manière forte. Elle crée une architecture imposante et assumée. Dans les cas d’étude que nous avons vus, la pierre intervient dans le processus architectural comme unifiant le projet. Elle renvoie souvent à l’idée d’une masse ou d’un bloc.

Dans beaucoup d’architectures contemporaines, la pierre est donc utilisée pour ses projections et non plus pour ses qualités structurelles primaires. Ainsi, la mise en place en parement est devenue plus fréquente que l’utilisation massive. De fait, cette mise en place permet certainement une plus grande liberté architecturale en s’appuyant sur des matériaux modernes : possibilité de porte-à-faux, grandes ouvertures… Les architectes gardent alors les qualités structurelles et économiques d’une ossature en béton ou en acier puis la recouvrent d’une fine peau de pierres.

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Dolmen de Ballykell, Irlande

https://www.guide-irlande.com/sites-touristiques/dolmen-de-ballykeel/

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2. L’IMAGINAIRE DU MONOLITHE Le monolithe, d’origine grecque qui signifie littéralement « fait d’une seule pierre », a traversé les époques et a toujours influencé l’art et l’architecture. De fait, de l’utopie du « Château des Pyrénées » de René Magritte à la construction de l’église Sainte Bernadette de Claude Parent ; il y a un langage commun. Le mythe du monolithe inspire l’architecte et lui partage l’imaginaire d’une monumentalité, de la pureté d’un matériau naturel et l’unité parfaite de la masse.

Le monolithe est synonyme d’unité ; à la base il vient d’un bloc unique et d’un seul matériau. Les monolithes dits naturels sont donc les massifs rocheux formant une seule masse émergente. Un exemple de monolithe naturel serait celui de Ben Amira dans le désert de Mauritanie.

Cependant c’est très tôt que l’homme a repris cette force naturelle pour venir la tailler et parfois la déplacer. De fait, l’architecture monolithique est une des plus ancienne de l’histoire de l’architecture. Les premiers monolithes datent de la Préhistoire avec l’apparition des menhirs et des dolmens. Ce sont alors de simples pierres, dites mégalithiques, érigées verticalement ou horizontalement, seule ou à plusieurs pour former un monument. Dès le début, ces constructions ont une symbolique forte souvent à vocation funéraire. Les menhirs auraient une dimension sacrée de protection et éloigneraient les mauvais esprits.

Petit à petit, le monolithe évolue et désigne plutôt des œuvres ornementales. On note alors différentes mises en place d’une architecture monolithique. La première est la taille d’un bloc de pierre sans le déplacer. L’homme creuse alors les falaises et les massifs rocheux pour en faire émerger une architecture. C’est le cas de la fameuse cité de Pétra en Jordanie dont les monumentales façades ont été taillées à même la roche ou encore les églises creusées dans le roc de Lalibela en Éthiopie. Une autre mise en place possible du monolithe est la taille d’une masse puis son déplacement à un endroit donné. C’est l’exemple des célèbres obélisques, du sphinx et bien d’autre encore.

Aujourd’hui, l’architecture monolithique est devenue un véritable thème d’inspiration très en vogue. Déjà, au XIX siècle, le monolithe fascinait les romantiques par son côté mystérieux et poétique. Puis au XX siècle, il fut l’objet de nombreuses théorisations notamment à travers le fonctionnalisme ; en témoignent les dessins d’Etienne-Louis Boullée ou encore Claude Nicolas Ledoux. « Enfermant un vide infini, point d’origine ou cénotaphe, il {le monolithe} engage l’histoire et la représentation. Drainant tout un imaginaire, la « non-forme » du monolithe traverse ainsi le XXe siècle en questionnant l’architecture dans son rapport à la fondation, à l’espace et au temps. »5

5. Monolithes ou l’architecture en suspens (1950—2010), exposition au FRAC centre, Orléans, 18 septembre 2010 - 30 janvier 2011, p 5

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Aujourd’hui encore, les grands architectes s’inspirent de son imaginaire. Les références sont nombreuses : le cube en acier rouillé de Jean Nouvel posé sur le lac Morat en Suisse, le mémorial enfouit de Rivesaltes de Rudy Ricciotti, l’université d’art de Santiago, le monolithe du quartier confluence à Lyon par MVRDV… De fait, on voit émerger, depuis quelques années, dans les médias de l’architecture comme dans les écoles européennes de nombreuses formes monolithiques. Elles s’inspirent des volumes design modernes, avant-gardistes, voire futuristes. Plus forcément taillées dans la pierre, elles sont surtout le symbole d’une architecture forte et imposante, synonyme de pouvoir.

Monolithe au cœur de verre, Université d’art, Elemental, Santiago

http://archicree.com/realisations/un-monolithe-au-coeur-de-verre/

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Le cube, Jean Nouvel, Expo Morat’ 02, Suisse, 2000-2001

https://fr.wikiarquitectura.com/b%C3%A2timent/expo-morat-02/#

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1. rapport plein vide Bien sûr le monolithe inclut, peut être inconsciemment, la notion de monumentalité que nous avons expliquée précédemment ; mais ça n’est pas son seul attribut réutilisé dans l’architecture moderne de pouvoir. Un des codes importants d’une architecture monolithe est son rapport plein vide. Nous disions que le monolithe est à la base un bloc de pierre, donc pour en garder l’aspect, l’architecte va limiter ses ouvertures. En effet, le monolithe ne présentera pas d’ouverture ou très peu souvent à l’image des meurtrières du Moyen-Âge : ouverture fine et étroite dans laquelle seule une flèche d’archer passe. Ainsi la masse construite sera plus oppressante que le vide donnant un poids, une prestance, une compacité au bâtiment.

Aujourd’hui, on qualifie souvent les Blockhaus devenus indestructibles de monolithe. Bien qu’ils ne soient taillés dans la pierre, ces constructions militaires en béton ne présentent presque pas d’ouvertures. Leur rapport plein/vide associé alors à leur monumentalité en font bien des monolithes modernes. Leur imaginaire va inspirer de nombreux édifices, notamment la fameuse église Sainte Bernadette du Banlay à Nevers. Construite en 1966 d’après les plans de Claude Parent et Paul Virilio, cet édifice s’apparente à une énorme masse de béton. Le projet semble à la croisée de la dimension cryptique du bunker, de la grotte de Lourdes et de la fonction oblique dont les architectes sont à l’origine6.

Église Saint Bernadette de Banlay, Claude Parent et Paul Virilio, Nevers, France, 1963-1966

https://i.pinimg.com/originals/01/b8/ae/01b8ae6d76e7d16b7f6ee3a8a35f9b69.jpg

6. Monolithes ou l’architecture en suspens (1950—2010), exposition au FRAC centre, Orléans, 18 septembre 2010 - 30 janvier 2011, p 7

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2. Enveloppe continue

Si l’architecture qualifiée de monolithique aujourd’hui n’est plus réellement taillée dans un bloc de pierre, elle garde tout de même cet aspect d’une enveloppe continue. Ce continuum de matière permet en effet de créer l’unité du volume.

On ne différencie plus toiture et façades. L’enveloppe se retourne sur le dessus du volume pour englober tout l’édifice. Ainsi, l’architecture est comparable à un objet autonome posé. L’architecture renfermée sur elle-même devient presque une sculpture indépendante en milieu urbain. Elle ne semble pas dialoguer avec ses alentours mais vient plutôt s’imposer. C’est tout à fait le cas des blockhaus renfermés sur eux-mêmes, parfois présents en milieu urbain comme les bases sous-marines de Bordeaux ou Brest symboles de la puissance militaire nazie. « Si l’autonomie disciplinaire de l’architecture semble être plus que jamais mise en doute à travers des recherches interdisciplinaires sur l’énergie, l’écologie, la mobilité etc., on assiste paradoxalement au retour des notions d’« autonomie de l’architecture » et l’appel au caractère « absolu » de certaines formes architecturales. (…)

Cette recherche d’une architecture absolue et autonome peut-elle être qualifiée de simple phénomène de mode, ou bien est-ce une tendance plus profonde, exprimant un besoin d’arrêt, d’immobilisation et de suspension de la réalité ? »7 En effet, dans cet extrait tiré de « Aldo Rossi et le temps suspendu », l’auteur fait bien émerger les notions de recherche d’autonomie et d’absolu des architectures monolithiques exprimées par cette enveloppe continue. Ces deux idéaux architecturaux plongent le concepteur dans une sorte de fantasme où son projet serait hors de l’espace-temps. L’architecte rêve alors de tendre vers une architecture indépendante de tout environnement. Le monolithe s’assimile alors à un repère temporel gage de stabilité dans ce monde en perpétuel mouvement.

7. Can Onaner, « Aldo Rossi et le temps suspendu », Les Cahiers de la recherche architecturale et urbaine, 28 | 2013, mis en ligne le 12 septembre 2017, p 72 URL : http://journals.openedition.org/crau/500 ; DOI : https://doi.org/10.4000/crau.500

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3. Symbolique Le monolithe a une symbolique forte. S’il est une inépuisable source d’inspiration et un espace privilégié d’expérimentation architecturale, c’est bien parce qu’il est porteur de sens.

En effet, à la base le monolithe à une dimension sacrée, j’expliquais précédemment le rôle des menhirs dans la croyance bretonne. Puis, ce sont les autres cultures qui ont fait du monolithe le signe d’une puissance religieuse. Intériorité forte et protégée, enveloppe épaisse et massive, objet architectural imposant ; le monolithe présente toutes les qualités nécessaires pour faire un lieu de culte. Ainsi naissent les premières églises monolithiques, les sanctuaires troglodytes. En allant plus dans le détail, on remarque bien que même à l’intérieur de ces lieux sacrés, le mobilier est monolithique. Les autels consacrés aux dieux souvent taillés d’une seule pierre sont synonymes d’unité et de force. De la civilisation maya à l’hindouisme, chaque spiritualité développe ses représentations du sacré à travers des statues monolithiques.

De plus, le monolithe a une essence commémorative. Sa spatialité et sa matérialité en font un objet qui dure dans le temps. L’architecture monolithique nous témoigne alors d’un passé qui résiste et veut traverser les siècles. Cette notion rejoint directement le développement effectué précédemment sur la pérennité et la durabilité de la pierre. C’est pourquoi beaucoup de monuments aux morts ont un aspect monolithique. Les immenses blocs de pierre sur lesquels sont inscrits les noms d’hommes et de femmes morts pour la patrie s’élèvent et semblent immuables.

En effet, on n’aurait pas idée de faire cela avec un matériau léger comme le bois.

Ainsi, les noms gravés dans la roche sont immortels. Le travail du photographe Jan Kempenaers en est un très bon exemple. Ce dernier a traversé l’ex Yougoslavie pour immortaliser ce qui reste des monuments érigés sous le régime de Tito dans les années 60-70. Son projet intitulé « Spomenik : The End of History », est donc un panel de mémoriaux étranges. Ses clichés nous montrent alors d’immenses monuments en granit ou en béton érigés en hommage à la résistance communiste sous l’occupation nazie.

Pour finir, nous dirons que le monolithe a un aspect atemporel. En effet, tantôt associé à des formes primitives, tantôt inspiré d’un imaginaire classique ; le monolithe semble hors du temps. Comme nous l’avons développé précédemment, l’architecture monolithique semble à la recherche d’une autonomie et d’un absolu qui l’éjecte de son contexte temporel et physique. Hors d’échelle, les objets monolithiques semblent en suspend. « L’expression de ces monolithes égarés semble interrompre le mouvement qui nous environne. Ils exposent leurs formes isolées, esseulées et inactuelles, et viennent en contre-pied des nouvelles réflexions autour de la mobilité, de l’énergie durable, ou encore des nouvelles technologies de conception et de production. »8

8. Can Onaner, « Aldo Rossi et le temps suspendu », Les Cahiers de la recherche architecturale et urbaine, 28 | 2013, mis en ligne le 12 septembre 2017, p 71-72 URL : http://journals.openedition.org/crau/500 ; DOI : https://doi.org/10.4000/crau.500

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Spomenik : Photographs of the Monuments of Former Yugoslavia by Jan Kempenaers, 2006 - 2009

https://www.fowler.ucla.edu/exhibitions/spomenik/

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CONCLUSION

C’est donc à travers l’image du monolithe que la pierre renforce une fois encore sa symbolique. Elle lui donne de nouvelles représentations dont les architectes contemporains savent user. Celles-ci se manifestent à travers une continuité de l’enveloppe ou un rapport plein vide déséquilibré. Même si ces codes sont réinterprétés et réutilisés dans l’architecture contemporaine, avec une pierre de parement ou simplement un autre matériau que la pierre par exemple, leur symbolique n’en reste pas moins grande. Ce sont donc les dimensions de sacré, de mémoire et d’atemporel qui intéressent tant les architectes aujourd’hui dans l’objet monolithique.

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3. USAGE DE LA PIERRE Nous avons donc vu, à travers ces deux premières parties, toutes les représentations qui pouvaient y avoir derrière l’utilisation de la pierre pour des architectures de pouvoir : la monumentalité et l’image du monolithe avec tous leurs attributs. Nous allons voir maintenant comment ces architectures mettent en place la pierre.

Tout d’abord, rappelons que l’utilisation de la pierre n’est pas anodine à notre époque ; n’étant pas le matériau privilégié de construction mais ayant de multitudes de représentations de par ces siècles passés d’utilisation. L’avantage, cependant, pour un architecte d’utiliser la pierre est qu’elle est un matériau largement accepté et dont les qualités esthétiques sont tout à fait admises.

1. Maîtrise d’ouvrage Au cours de nombreux siècles, l’architecture en pierre a souvent été synonyme de pouvoir. Nous avons montré précédemment sa symbolique forte portée par de nombreuses représentations, il s’agit maintenant de comprendre qui use de ce symbole et pourquoi.

La masse et le poids d’un édifice conférés par les différentes représentations de la pierre ne peuvent inspirer que du respect sinon de la crainte. Même si l’architecture du pouvoir a évolué et ne présente plus les codes passés : extravagants parfois et souvent très ornementé, symbole de richesse ; elle garde quelques caractéristiques. Celles-ci sont une architecture monumentale, imposante, renvoyant parfois à l’imaginaire du monolithe, hors du temps.

Ainsi, on remarque, dans les projets présentés tout au long de ce chapitre, que la commande a été passée par une autorité publique ou alors privée cherchant à mettre en avant une certaine notoriété. À travers une symbolique marquante dans une logique de « marketing territorial », ces autorités recherchent une forme de distinction sociale. Celle-ci se fait alors par l’intervention de la pierre mais peut aussi passer par la signature d’une « starchitecte » comme Aires Matéus.

Que ce soit dans le centre d’art des frères Aires Matéus ou pour le centre galicien d’Alvaro Siza ; on constate que la maîtrise d’ouvrage est respectivement représentée par les villes de Tours et de Saint Jacques de Compostelle. Les musées sont alors les témoins de la puissance culturelle de la ville matérialisée ici par l’utilisation de la pierre. En revanche, dans le projet Ehundura de l’agence Leibar et Seigneurin, la maîtrise d’œuvre est une société immobilière : SCI LANOUE. Il faut alors chercher du côté du programme pour comprendre. De fait, le projet accueille dans ses bureaux deux cabinets : l’un juridique, l’autre spécialisé en design et marketing. L’édifice fait alors l’éloge de ces cabinets prestigieux et devient symbole de puissance économique.

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2. Mise en œuvre

Si le matériau de la pierre est choisi pour ses représentations nombreuses que nous avons vues et pour ses attributs, il est évident que sa mise en place en découlera. En effet, celle-ci est choisie pour ses projections et non pour sa valeur en tant que matière. Toutes les qualités structurelles de la pierre sont alors mises de côté. Dans l’architecture de pouvoir contemporaine, seule l’imaginaire semble compter et non la structure en elle-même. Il est alors normal de trouver une mise en place de cette pierre en parement. La pierre alors épaisse de seulement quelques centimètres, est agrafée à la structure porteuse en béton, parpaings ou autre.

Dans les exemples que nous avons pu détailler précédemment, on voit bien que la pierre est utilisée uniquement pour son esthétique. Son choix n’est pas fait au vu de ses qualités structurelles profondes et la mise en place qui en découle est superficielle. Elle est alors relayée au rang de symbole. En effet, dans ce cas, elle ne vante pas une architecture vernaculaire identitaire, d’ailleurs la pierre choisie n’est pas souvent locale : utilisation de la pierre de Chine et de Lens dans le projet Ehundura de Leibar et Seigneurin à Nantes. Les autres qualificatifs de la pierre tels que sa résistance à la compression, ses qualités acoustiques ou encore son inertie ne sont pas exploités.

On en arrive à un véritable déséquilibre entre le matériau et son expression.

L’architecte ruse, camoufle, joue avec ce rapport matériau/ expression. Il veut ancrer son architecture dans le temps par le choix de la pierre, mais sa mise en place étant superficielle, cet ancrage est imaginaire. On joue alors entre la réelle pérennité d’une construction, surtout quand on connaît la durée de vie des immeubles aujourd’hui en béton armé, et ce qu’elle renvoie : sa représentation. Il est alors juste de se poser la question du mensonge architectural comme l’a soulevé Alvaro Siza9.

La représentation prime-t-elle sur la mise en place du matériau ? L’architecte doit alors peser le pour et le contre.

9. Alvaro SIZA, Des mots de rien du tout, traduction de Dominique Machabert, publication de l’université de Saint-Etienne, 2002, p 125

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La pierre dans l’architecture identitaire

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INTRODUCTION L’architecture, mélange de volumes et d’idéologies, a toujours été le défenseur privilégié de l’identité d’un lieu. Elle met en évidence par sa matérialité, son savoir-faire et sa typologie, la culture locale. Comme une émergence dans le paysage, elle est un excellent moyen de communication pour transmettre une identité visuelle. Cependant, le terme d’identité est assez large parfois même polémique, et pourrait englober une très grande partie de l’architecture. Sa définition stricte est : « Caractère permanent et fondamental de quelqu’un, d’un groupe, qui fait son individualité, sa singularité »1. Nous entendrons alors par architecture identitaire, une architecture qui défend une appartenance à un lieu de manière visible. Nous parlerons alors d’ancrage dans un lieu ou d’architecture située.

Pour ce faire, l’architecture identitaire est étroitement liée avec l’architecture vernaculaire. Cette dernière désigne une architecture propre à un pays, à une région ou à ses habitants. De fait, c’est par l’architecture vernaculaire que je peux savoir où je me situe. En effet, que je sois dans le Sud de la France ou dans le Nord, l’architecture ne sera pas la même. En effet, les maisons en granite, toiture double pente revêtue d’ardoises, et ses murs pignons me rappellent directement la Bretagne alors que les maisons à colombage dont les volets sont rouges étincelants et le revêtement à la chaux d’une blancheur éclatante me renvoient directement au Pays Basque. Ainsi, chaque région porte son architecture et à travers celle-ci son identité propre.

De plus, à la notion d’identité est reliée directement celle de la matérialité.

Autrefois, les villes étaient construites avec les ressources locales. Les matériaux vernaculaires étaient piochés dans les ressources naturelles présentes à proximité du site : forêt, massif rocheux, terre… Or, le sol français est rocheux, c’est pourquoi la France a été principalement bâtie en pierres. En effet, la richesse de nos sols est immense : il regorge de toutes sortes de roches. Des roches sédimentaires (en grand nombre) aux roches magmatiques en passant par les plutoniques ; nos sous-sols regorgent de gisement de pierre. Ainsi, nous avons en France une grande quantité de calcaire, tuffeau et craie étalée sur tout le territoire ; une concentration de granite en Bretagne et en Auvergne ainsi que la présence de marbre sur la côte méditerranéenne. Chaque région est caractérisée par ses ressources locales et l’architecture qui y est bâtie les met donc en évidence.

Cependant, l’architecture contemporaine semble s’être détachée de cet ancrage au site et de cet aspect identitaire. Un débat persiste autour de la globalisation dont le sujet voir le risque serait celui de la banalisation de l’architecture. Ainsi, le mouvement aurait favorisé la mise en place d’une architecture mondiale généralisée. Ainsi, de l’Amérique à l’Afrique en passant par l’Europe, le béton devient le matériau de référence en architecture. Au détriment des industries locales, on fait l’éloge des nouvelles techniques de construction et leur rapidité de mise en place.

Cette nouvelle architecture parfois plus soucieuse de l’esthétique absolue de ses volumes que de l’insertion dans le paysage fait fi de toute l’histoire qui modèle le lieu de son implantation.

1. D’après TLFi : Trésor de la langue française informatisé

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Ainsi dans une démarche de réconciliation du site et de l’architecture, la pierre semble être l’outil adéquat reconnectant les sols naturels à l’architecture moderne. En effet, l’architecte qui défend une démarche identitaire aura bon usage de la pierre qui lui confèrera un aspect local. Nous allons donc voir à travers différents exemples comment la pierre peut défendre une architecture identitaire vernaculaire.

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Principe d’Absorbing Identity 1914 - 2014 selon Rem Koolhaas

https://architectureau.com/articles/rem-koolhaas-unveils-plans-for-venice-biennale/#

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1. LES RESSOURCES LOCALES L’architecture identitaire est étroitement liée à l’architecture vernaculaire, nous l’avons dit. Or, il est évident que l’architecture vernaculaire va dépendre des ressources présentes sur le site. Ainsi, une architecture locale dépendra de trois éléments importants : la matière disponible sur place, le climat et l’environnement.

1. La matière Nous l’avons vu précédemment, la pierre est une matière naturelle issue de la Terre. Sans tomber dans un nouveau chapitre autour de la géologie, sujet absolument passionnant, je souhaiterais faire un retour sur l’origine de la pierre et les différents types de pierre qui existent et foisonnent en France. En effet, nombreux sont les écrits qui expliquent en détail la formation de la pierre, mon travail ne prétend donc pas s’y comparer mais juste faire un bref rappel.

Donc la matière de la pierre ou roche apparaît à la surface de la Terre, c’est-àdire dans l’écorce. Elle peut alors y être sous différents aspects : roches meubles comme le sable ou l’argile ou bien roches consolidées comme le granite, le marbre ou encore le calcaire bien présent dans nos régions. C’est au cours de milliers d’années de formation sous terre, avant d’émerger à la surface, que la roche acquière certaines propriétés particulières que l’homme sait très tôt exploiter. Ses propriétés étant principalement sa résistance, sa densité, sa porosité… Les géologues décomposent les roches en trois grandes familles : les roches sédimentaires, les roches magmatiques, et les roches métamorphiques. Chacune de ces familles ayant sa formation propre, elle donne les différentes pierres que nous connaissons bien aujourd’hui.

Les roches sédimentaires sont créées par l’accumulation de sédiments terrestres et marins à la surface de la Terre. Elles se déposent en strates plus ou moins épaisses puis durcissent sous leur propre poids. On y retrouve souvent la présence de fossiles. Les roches sédimentaires sont abondantes et uniquement présentes à la surface de la Terre, elles en recouvrent 75 %. Elles sont souvent présentes dans des bassins (exemple bassin Aquitain). Les principales roches sédimentaires sont le calcaire, la craie, le sel ou encore l’argile.

Les roches magmatiques proviennent du refroidissement puis de la solidification d’un magma. Ce durcissement peut s’effectuer en surface (pour les roches volcaniques) ou en profondeur (pour les roches plutoniques). Les roches magmatiques les plus courantes sont le basalte et le granite reconnu pour sa dureté exceptionnelle.

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Les roches métamorphiques viennent de la transformation d’une roche sédimentaire ou magmatique sous l’effet de la pression ou de la température. Cela peut arriver avec la formation de montagnes ou la coalition de deux plaques tectoniques.

Les principaux types en sont les schistes, les gneiss ou les marbres.

Ceci étant dit, on peut ensuite dresser la carte des roches abondant la surface du sol français et ainsi comprendre quels en sont les principaux types. On remarque alors une prédominance des roches sédimentaires tels que le calcaire, le tuffeau ou la craie sur l’ensemble du territoire. Une concentration de roches magmatiques est aussi présente en Bretagne et Auvergne avec de nombreuses carrières de granite. Enfin, on notera la présence de roches métamorphiques comme le marbre dans le sud de la France. Cette répartition nous donne à voir la couleur de l’architecture identitaire vernaculaire française. carrières de calcaire (296) carrières de granite (115) carrières de schiste (48) carrières de marbre (37) carrières de grès (35) carrières de lave (16) carrières de gneiss (12)

Carte simplifiée des principales carrières de roches massive D’après : Memento industries français roche ornemental et de construction du BRGM (2014)

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2. Le climat Ensuite, on peut noter que l’architecture vernaculaire dépend fortement du climat prédominant. En effet, les régions à forte pluie ne développeront pas le même type d’architecture que les régions sèches. De même, l’architecture des régions montagneuses aura appris à se protéger de la neige quand la côte Atlantique se protégera plutôt du vent.

Ainsi, on peut noter quatre types de climats principaux en France. Le premier est le climat océanique présent sur la moitié Ouest du territoire : ses hivers sont doux et ses étés sont frais avec des précipitations fréquentes toute l’année. Ensuite, un climat plus continental prend place dans la moitié Est de la France : les étés sont chauds et les hivers plus rudes. Autour du bassin méditerranéen, au Sud, un climat méditerranéen est présent avec des pluies irrégulières, une sécheresse l’été et une végétation aride. Et enfin, dans les Pyrénées et les Alpes, un climat de montagne s’installe, il est caractérisé par une forte variation de température et des pluies abondantes.

Ainsi, chaque climat conférera une architecture différente au lieu, reconnaissable par son adaptation à ce fameux climat ; l’orientation ainsi que la typologie en découleront.

Océanique Continental Semi-océanique

Montagnard

Méditerranéen

Carte des climats principaux de France

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3. L’environnement De plus, si la matière et le climat jouent un rôle essentiel dans la mise en œuvre de l’architecture vernaculaire, l’environnement, lui aussi, est très important. En effet, toutes ses caractéristiques peuvent être exploitées. Ainsi, sa topographie, sa géologie, son hydrographie… peuvent devenir des éléments porteurs de projet.

Mais ce sont aussi les restrictions du site ou le PLU qui peuvent stimuler paradoxalement la créativité des architectes. Nous allons voir ensemble comment l’environnement a pu être porteur d’une architecture identitaire vernaculaire dans le Lubéron.

Carl Fredrik Svenstedt – Stone House - Lubéron C’est en 2012 que l’architecte suédois Carl Fredrik Svenstedt livre sa première maison en pierre. Le site est particulier, en effet, il est situé dans une vallée du parc naturel du Lubéron. Et celle-ci possède une réglementation conservatrice assez contraignante : on ne peut pas construire là où il n’y a pas déjà de construction et les nouvelles constructions doivent être couleur pierre. L’architecte aidé du couple commanditaire de la maison choisit alors un lieu d’implantation situé sur les ruines d’un ancien village. Pour l’architecte « Ce projet est fait pour s’effacer face à la matière »2. Ce dernier choisi alors de faire un projet utilisant principalement des matériaux naturels.

L’architecture est alors constituée de pierre, de bois et d’un peu de béton. La pierre massive choisie pour les murs et épaisse de 50 cm est extraite à quelques kilomètres du projet, non loin du pont du Gard. C’est une véritable découverte pour l’architecte. En effet, la pierre lui permet un gain économique car son inertie la débarrasse de toute isolation thermique. Mais l’avantage est aussi écologique : en favorisant une ressource locale, l’architecte diminue le bilan carbone de transport de la matière.

La mise en place est alors simple, la maison est en rez-de-chaussée. Son plan est simple et orthogonal. La maison est largement ouverte sur le paysage par ses nombreuses baies vitrées. L’architecte dessine même une piscine dont l’eau lèche les anciens murs délaissés sur le site. Entre ruines et végétation, le projet s’insère dans une certaine poétique du lieu. C’est alors l’environnement et ses contraintes qui auront bien poussé le projet dans une certaine démarche identitaire.

Dans cette architecture, le choix de la pierre se fait dans un souci d’intégration au site. Le matériau pierre, ou la couleur pierre imposée par la réglementation, se veut dans un dialogue entre matière et nature, et non dans une opposition. Avec une telle contrainte, on pourrait croire à une architecture brimée, systématique, parfois même pastiche, cependant, Carl Fredrik Svenstedt a su nous montrer le contraire.

2. HUGRON Jean-Philippe, La première pierre de Carl Fredrik Svenstedt, Le courrier de l’architecte, janvier 2014 (https://www.lecourrierdelarchitecte.com/article_5306)

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Stone House, Carl Fredrik Svenstedt, Lubéron, 2012

https://www.carlfredriksvenstedt.com/ahead/stone-house/

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Vue générale, Stone House, Carl Fredrik Svenstedt, Lubéron, 2012

https://www.carlfredriksvenstedt.com/ahead/stone-house/

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2. ESTHÉTIQUE/ CULTURE RÉGIONALE Nous avons donc vu que l’architecture vernaculaire dépend des ressources présentes sur le site c’est-à-dire de sa matérialité, de son climat et de son environnement ; ce qui crée une culture locale. De fait, l’architecture identitaire se rapporte forcément à une forme de culture régionale. En effet, celle-ci permet au bâtiment d’être identifié et rattaché à un territoire et à une population. Chaque région aurait besoin d’une thèse à elle seule pour retracer toute son histoire et sa culture formant son identité, cependant, on peut tout de même établir des points objectifs qui participent à la construction de cette culture. Ainsi, grâce à ses caractéristiques que nous allons voir, une esthétique typique du lieu émerge.

1. La typologie

Une des principales caractéristiques qui forgent l’esthétique régionale architecturale est la typologie. À travers ce terme, ce sont tous les types de constructions et leur volumétrie spécifique qui sont sous entendus. En effet, à cause de l’activité économique, du climat ou encore de la richesse, les formes architecturales vont varier d’une région à l’autre. Certaines volumétries seront en longueur sur un niveau quand d’autres s’élèveront sur plusieurs étages ; les toitures de telle région seront très pentues et à double pente quand d’autres seront plus planes etc.

De fait, les typologies d’habitat ne sont pas les mêmes dans le Var ou en Alsace par exemple. Cette différence est fulgurante quand on se penche de plus près sur les maisons traditionnelles régionales. Chaque région est associée à une construction « typique » : les échoppes pour Bordeaux, les chaumières en Normandie, les longères de Vendée, les maisons à colombage en Alsace… De plus, le savoir-faire local développé au fil des siècles ainsi que la mise en œuvre qui en découlera sont des éléments spécifiques d’une région qui vont fortement constituer sa culture et sa spécificité.

Reprendre ces codes, ces volumétries, ces typologies permet alors aux architectes d’ancrer leur construction dans une démarche identitaire. Ainsi, à travers l’utilisation de la pierre, ils peuvent réinterpréter l’habitat traditionnel du lieu.

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Rudy Ricciotti – la Capitelle - Le Crès En 2014, s’élève au milieu du paysage rural languedocien, non loin de Montpellier, un ensemble de 83 logements sociaux. Le projet est reparti en deux volumes distincts qui vont jusqu’au R+2. Le plan forme alors une sorte de U modelé par le premier bâtiment créant une intériorité forte et végétalisée ; à l’intérieur duquel le second bâtiment, plus petit, vient s’insérer en rond. Le projet met en place des logements traversants accessibles par le cœur d’îlots ainsi que deux terrasses communes au niveau R+1. Les façades intérieures et extérieures sont traitées de la même manière par des ouvertures aléatoires et de taille variable. Cette animation de la façade permet de créer des loggias et confère un aspect contemporain à l’édifice.

Le bâtiment est entièrement recouvert de pierres sèches. L’architecte Rudy Ricciotti affirme alors s’appuyer « sur une tradition séculaire d’habitat rural comme ont pu l’être les bories »3. En effet, ce terme désigne des constructions typiques du Midi s’apparentant à des petites cabanes de pierre sèche qui servaient d’habitation saisonnière, de grange ou d’écurie aux agriculteurs du 19e siècle. Elles sont caractérisées par leur taille n’excédant pas les 3-4 mètres de haut et leur forme s’apparentant à une ruche ou une petite nef. N’utilisant pas de mortier, leur simple mise en place pouvait être réalisée par les paysans eux-mêmes. De plus, le nom du projet « la Capitelle » est un synonyme de borie plus communément utilisé dans la région du Languedoc.

L’architecte reprend alors les codes de ses habitats typiques de la région et en donne l’apparence à son bâtiment. Il recouvre alors d’une vingtaine de centimètres tout le bâtiment avec plus de 2300 tonnes de pierres provenant d’une carrière à proximité, au Nord de Nîmes. De fait, son objectif est de créer une architecture vernaculaire respectueuse du site. Il part du constat que le site est encore naturel et beau, typique du paysage languedocien. Il note la présence de végétation ainsi que de roche encore préservée. Il dessine alors une implantation dense afin de libérer le plus d’espaces extérieurs possible. Il tente aussi de recréer un imaginaire des restanques oléicoles en investissant les terrasses d’oliviers.

On ne peut que remarquer les efforts de l’architecte pour inscrire son bâtiment dans le paysage vernaculaire. En s’appuyant sur une typologie d’habitat régionale, il souhaite intégrer au mieux son bâtiment dans le site pourtant rempli d’opérations modernes jugées sans qualité. Il souhaite, si ce n’est de faire disparaître le bâtiment dans le paysage, au moins ne pas perturber l’identité du site. « L’architecture identitaire existe, ce n’est pas un complot ! »4

3. HUGRON Jean-Philippe, La Capitelle, Le Crès : la pierre sèche au service du logement social, Le courrier de l’architecte, mars 2013 (https://www.lecourrierdelarchitecte.com/article_4338) 4. BRUNENGO Cécile et HUGRON Jean Philippe, Construire en pierre, L’Architecture d’Aujourd’hui, n°417, mars 2017, p40-107

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Village de Bories, Gorde (Vaucluse), photo prise en 2016 https://www.flickr.com/photos/christian-84/31178346675/

La Capitelle, Rudy Ricciotti, Le Crès (Hérault), 2014

https://www.rudyricciotti.com/

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3. Tradition et patrimoine Il est une autre caractéristique typique de l’architecture identitaire, c’est la prise en compte du patrimoine. En effet, dans une telle démarche, l’architecte sera souvent pris dans la volonté de « perpétuer la tradition » plutôt que de s’y opposer.

Cette forme de continuité est directement en rupture avec la table rase prônée par les modernistes. Cependant, il n’est pourtant pas question de refaire comme avant ou de tomber dans une forme de nostalgie. La réponse de la pierre comme matériau absolu et « tout solutionniste » étant totalement écartée dans ce thème.

Au contraire, ce sera au regard de la tradition et du patrimoine présent, que le choix du matériau (de la pierre ou non) sera fait. Il est alors question d’insertion dans le paysage et dans la tradition du site. Ainsi, dans cette démarche de continuité, si et seulement si le site présente d’anciennes constructions en pierre, la pierre sera choisie comme le bon outil pour une architecture vernaculaire.

Moon Safari – MDSI Saint Michel - Bordeaux La maison de la solidarité et de l’insertion Saint Michel fait partie d’un large programme lancé par le conseil départemental de la Gironde en 2014. Le plan de solidarité inclut alors la construction de 12 bâtiments en partenariat public/privé dont 6 sont confiés à l’agence Moon Safari. La construction qui nous intéresse se situe alors au cœur de la ville de Bordeaux, le long de l’axe principal du cours pasteur. Pour se faire, les architectes conçoivent un bâtiment en R+2 surélevé d’un attique en retrait non visible depuis la rue. L’édifice situé à un angle de rue s’apparente alors à un bloc de pierre massif.

La structure propose des équipements d’accueil, d’écoute, de soin et de soutien au service des utilisateurs. Elle est alors principalement composée de bureaux et de salles d’échange. La surface totale de l’édifice s’élève à 1800 m2. La difficulté du projet est alors d’intégrer le bâtiment dans le tissu urbain. En effet, le centre-ville de Bordeaux est entièrement construit en pierre et est protégé par le patrimoine de l’UNESCO. Il s’agit pour les architectes de travailler sur la dualité patrimoine/ contemporanéité. De fait, la plupart des architectes ne souhaitent pas réaliser de pastiche, le terme est d’ailleurs considéré comme péjoratif pour beaucoup. Le tout est alors de revisiter la tradition de manière moderne. Et ce travail se fait à travers l’emploi d’un matériau local : la pierre.

Le bâtiment est pensé comme un immense monolithe de pierre creusé par des ouvertures en longueur. Ces ouvertures semblent alignées avec les fenêtres des immeubles voisins. De plus, ces creusements présentent une particularité : le mur est biaisé pour arriver jusqu’à la fenêtre, ce qui augmente l’effet d’évidemment de la masse. La texture de la pierre est aussi très importante. Si on ne voit pas au premier abord le travail de finition de la pierre qui varie, c’est cependant un élément fort du projet. En effet, les architectes ont pris le parti de layer la pierre au niveau des biais des ouvertures comme si l’on découvrait l’intérieur d’un bloc de pierre taillé. Enfin, l’attique en retrait plus léger et recouvert de zinc permet la création d’un espace extérieur dédié aux enfants.

Dans ce projet, la pierre est utilisée en parement. Comme une peau tendue autour de la structure en béton, elle ne tente pas de mimer un dispositif de construction en pierre de taille. En effet, à travers son porte-à-faux et ses linteaux,

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les architectes ont laissé clairement deviner la mise en place structurelle de la pierre. Cette démarche semble s’opposer aux opérations courantes des maisons individuelles de Bordeaux où l’on fait parfois croire à une construction massive avec un parement en pierre (reconstitution d’un linteau avec des pierres en biais par exemple). Toute la difficulté du travail a alors été d’intégrer l’édifice à cette ville historique porteuse de mémoire. Cette intégration s’est donc faite à travers le matériau de la pierre. Ainsi, l’architecture contemporaine met en scène la ville historique. Elle offre une expérience visuelle de continuité du patrimoine aux visiteurs.

Peu importe la mise en place de la pierre, ce qui compte c’est son esthétique et son intégration à la ville. Ainsi, l’architecture devient identitaire et se rattache à un lieu.

MDSI Saint Michel, Moon Safari, Bordeaux, 2014

https ://www.moonsafari.archi/projet/6-mdsi/

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3. USAGE DE LA PIERRE Dans l’architecture identitaire vernaculaire, la pierre a bien sa place. Du côté des ressources, on voit bien qu’elle participe pleinement à une architecture locale puisqu’elle est naturellement présente sur le site. Elle donne alors une couleur et une texture au paysage qui lui sera unique et construira son identité propre. Du côté culturel, une architecture typique du lieu découlera de ses ressources présentes avec sa typologie propre. Ainsi, toute l’histoire et le patrimoine du lieu se construisent au fur et à mesure du temps. Aujourd’hui, les architectes contemporains doivent traiter avec ce passé et cet historique du lieu. Dans une démarche alors identitaire, ils tenteront de s’intégrer dans le paysage urbain ou rural.

Nous allons voir alors quel usage de la pierre induit cette architecture identitaire. C’est-à-dire quelle va être son utilisation dans un premier temps, pour quel programme et à travers quelle mise en place structurelle.

1. Utilisation de la pierre

Dans l’architecture identitaire, la pierre est utilisée en très grande partie pour son esthétique. En effet, dans un paysage sauvage constitué de végétation et de roche, le côté naturel de la pierre facilite son intégration dans le site. C’est alors vraiment son aspect minéral et brut qui intéressera les usagers. Or, le combat de l’architecture identitaire est bien de reconnecter construction et site et de lutter contre une globalisation de l’architecture. Ainsi, la roche étant une matière déjà constitutive de l’environnement, son utilisation en matériau ne bouleversera pas l’équilibre du paysage. De plus, si l’utilisation de cette pierre se fait de manière locale, c’est-à-dire que le matériau utilisé sera puisé à proximité du site, l’intégration dans le site n’en sera que meilleure. En effet, cet aspect local est vraiment très important dans l’architecture identitaire. Dans tous les exemples montrés précédemment, la pierre, quelle que soit sa mise en place, provenait d’une carrière locale.

Cette capacité de la pierre à pouvoir se trouver n’importe où sur le territoire et à varier de couleur et de texture en fonction des régions, en fait un outil parfait pour s’intégrer dans le paysage. Et quand l’architecture respecte le site, on peut supposer qu’elle sera bien mieux acceptée par les usagers et visiteurs.

De plus, dans le cas d’une situation urbaine, la pierre est aussi choisie pour son intégration dans la ville. Bien que le paysage urbain ne présente pas les mêmes caractéristiques naturelles que le rural, la pierre y est aussi omniprésente. C’est d’autant plus flagrant dans des villes historiques qui n’ont pas été détruites comme Bordeaux. Ici, le choix de la pierre se fait dans une démarche de continuité visuelle du tissu urbain. Son utilisation permet une intégration au milieu des vieux bâtiments de pierres massives construits il y a des centaines d’années. L’architecture identitaire ne se veut pas extravagante ni démonstratrice, elle cherchera plutôt une discrétion et un effacement face au site.

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2. Programme/ usage On remarque, dans ce chapitre, que la pierre est utilisée pour différents types de programmes. En effet, son but n’est pas de prôner une monumentalité pour une certaine autorité comme dans l’architecture de pouvoir mais juste de s’intégrer dans le site. Ainsi, quel que soit l’usage, le choix du matériau se fait par rapport à l’environnement extérieur au bâtiment et non par rapport à sa fonction. On voit alors bien que cette architecture identitaire pourra porter tous types de projets : des logements individuels, des bureaux, des logements collectifs, des chais…

3. Mise en place structurelle

Nous l’avons dit, le but de ce type d’architecture est bien que le visiteur s’y identifie (ou la rattache à une population) et l’accepte. Pour cela la mise en place de la pierre est secondaire. Alors, elle peut être aussi bien utilisée en parement qu’en structure hybride ou en pierre massive tant qu’elle se fond dans le paysage et qu’elle est connectée au site. À l’instar de son utilisation dans l’architecture de pouvoir, la pierre n’est pas utilisée pour ses qualités constructives mais seulement pour son esthétique et ce qu’elle renvoie. Si dans un premier temps, elle était utilisée pour ses représentations de matériau pérenne, massif et monumental ; dans ce second chapitre, elle est utilisée pour son aspect naturel et son côté local. « Hier, la pierre était un matériau massif, structurel et esthétique, intégral.

Aujourd’hui, la pierre est utilisée juste pour son aspect esthétique. Bien que toujours discutée, accusée de trahir la vérité, la pratique du placage (et du parement, plus épais) a pourtant toujours existé, à la façon d’une peau qui n’a rien à voir avec le système structurel d’un édifice. Le débat perdure, au sein du Comité Unesco par exemple. Si Sylvain Schoonbaert considère que « Le placage [à la façon contemporaine] est le niveau zéro de l’architecture », Robert Coustet relativise : « Il ne faut pas avoir d’idée préconçue sur le placage car il permet à Bordeaux de rester Bordeaux. [...] La pierre est un décor, qui n’est pas forcément sculpté ». Pour lui le placage est un système constructif comme un autre, similaire aux murs rideaux »5. Ainsi, on voit que les différentes mises en place de la pierre font débat même au sein de l’Unesco dans l’architecture identitaire.

5. Chantal CALLAIS, Thierry JEANMONOD, Aline BARLET, Bordeaux, la fabrique du patrimoine, Paysages d’une cité historique vivante, école nationale supérieure d’architecture et de paysage de Bordeaux, 2017 (HAL Id : halshs-02434494https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02434494)

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Or, si sa mise en œuvre est secondaire, il est probable que le parement soit plus souvent choisi par facilité de mise en œuvre et peut-être par soucis économique. Or, quand elle est utilisée en parement, la pierre semble alors avoir un rôle de « manteau » qui cachera bien volontiers la véritable structure plus moderne en matériau non naturel comme le béton ou l’acier. Son intégration à tout prix peut alors poser question. Respecter le site au point de mentir sur la structure ? L’intégration au site semble sous-entendre un rejet du moderne et de l’avancé des techniques de construction, puisqu’elle les cache. Il est alors important pour les architectes de ne pas tomber dans une forme de pastiche. Toute la difficulté sera de trouver le juste équilibre entre patrimoine et modernité, entre savoir-faire local et technique universelle. C’est d’ailleurs ce que nous explique Kenneth Frampton par sa description du régionalisme critique : « L’architecture ne peut demeurer une approche critique que si elle adopte une stratégie de résistance. (...) Cette résistance critique doit se garder de tout optimisme à l’égard des technologies avancées, mais se méfier aussi de la tendance toujours d’actualité à régresser dans l’historicisme nostalgique ou le décoratisme spécieux. Cultiver cette résistance, c’est le seul moyen d’affirmer une identité culturelle qui ne risquera pas de se perdre lorsqu’elle recourra discrètement à la technique universelle. »6

Photographie du chantier de la Capitelle de Rudy Ricciotti, Marie Caroline Lucas, Le Crès, 2013

http://www.marie-caroline-lucat.com/project/la-capitelle/

6. Kenneth FRAMPTON, Pour un régionalisme critique et une architecture de résistance, p 71

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La pierre EN RÉPONSE AU MOUVEMENT ÉCOLOGIQUE

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INTRODUCTION Depuis quelques dizaines d’années déjà, on entend de plus en plus parler d’écologie. En effet, partout, les scientifiques nous alertent sur l’épuisement des ressources et les conséquences de la pollution. Or, les secteurs les plus polluants sont le pétrole, l’industrie et la construction. En effet, l’architecture a son rôle à jouer dans cette crise écologique planétaire. En France, le bâtiment est le secteur le plus consommateur d’énergie avec près de 25 % des émissions de gaz à effet de serre. Certaines de ces émissions telles que celles liées au chauffage sont directes car dépendantes de la vie du bâtiment, d’autres sont indirectes comme les émissions issues de la production des matériaux de construction.1 De fait, tout au long de son cycle de vie, l’architecture va avoir une emprise sur l’environnement : de sa construction à sa fin de vie (destruction ou réemploi) en passant par sa rénovation. En Belgique par exemple où l’état se démène pour trouver des solutions, la construction est responsable de 50 % du total des ressources naturelles exploitées, 45 % de la consommation totale d’énergie, 40 % des déchets produits, 30 % des émissions de gaz à effet de serre et 16 % de la consommation d’eau2. Ce bilan catastrophique pousse les architectes et ingénieurs à développer des solutions respectueuses de l’environnement.

De fait, de plus en plus de stratégies se développent tentant de limiter les dépenses en énergie liées à la consommation du bâtiment (chauffage, aération…).

On voit ainsi émerger les habitats basse consommation ou habitats passifs, la mise en place de panneaux photovoltaïques… Ces réponses utilisant de hautes technologies sophistiquées peuvent cependant questionner sur leur consommation d’énergie. En effet, pour le très tranché Gilles Perraudin, ces technologies ne sont pas à prendre en compte : « Et l’on assiste au paradoxe que sous prétexte d’économie d’énergie, on fini par en consommer plus en fabrication, maintenance et recyclage de produits industriels (souvent toxiques). »3 Dans ce mouvement écologique, la question du matériau est primordiale. Il ne s’agit pas de diminuer seulement l’énergie liée à la consommation mais aussi l’énergie liée à la construction. En effet, rien que le bilan carbone de la construction d’un bâtiment sans parler de sa vie d’utilisation peut être effrayant. Il est alors nécessaire de se tourner vers des solutions durables. Dans cette recherche, la place des matériaux d’origine naturelle sera très importante. Or la pierre fait partie de ces matériaux. Nous allons voir ensemble en quoi elle peut être une réponse au problème écologique dans la construction contemporaine.

1. D’après Ciment Calcia sur l’empreinte carbone des bâtiments (https://www.ciments-calcia.fr/fr/ innovation/beton-construction-durable/empreinte-carbone-batiments) 2. D’après Sébastien BREELS, Impact environnemental & choix des matériaux d’isolation en construction passive, MATRIciel SA, Bruxelles environnement 3. PERRAUDIN Gilles, Construire en pierre de taille aujourd’hui, Les presses du Réel, 2013, Dijon, p24

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Dans ce chapitre, nous mettrons en perspective le travail de deux agences d’architecture : Barrault Pressacco et Perraudin Architecte. En effet, les agences respectivement parisienne et lyonnaise ont toutes deux travaillé avec la pierre massive dans différents projets. Je ne pouvais pas achever mon mémoire de recherche sans mentionner le travail de Gilles Perraudin, un des premiers (et aujourd’hui encore un des seuls) a utiliser la pierre massive de manière récurrente en France. Cependant, il m’a paru important de modérer le propos de Gilles Perraudin à travers la vision d’autres architectes. C’est ainsi, que je me suis penchée sur le travail de l’agence Barrault Pressacco.

Barrault Pressacco est une agence fondée en 2009 par Thibaut Barrault et Cyril Pressacco alors diplômés respectivement de l’école d’architecture de Marnela-Vallée et de l’école polytechnique fédérale de Lausanne. Pour la jeune agence parisienne, c’est autour d’un projet de logements sociaux livré en 2017 à Paris, rue Oberkampf dans le 11e que l’intérêt pour la pierre est apparu. Leur recherche d’une architecture toujours plus respectueuse et éco-responsable, les a menés à réaliser de nombreux projets avec différents matériaux naturels tels que le chanvre, le bois, la pierre… En perpétuelle recherche d’idées, ils trouvent leur singularité dans le fait de faire coexister différents matériaux, prenant l’inertie de l’un corrélé à la résistance de l’autre. Leur intérêt pour le côté écologique de la pierre les a poussés à réaliser une étude plus approfondie sur la pierre massive et sa filière en région parisienne lancée par le pavillon de l’arsenal. Cette étude a fait l’objet d’une publication en 2018.

Bien qu’on entende quasiment parler que de Gilles Perraudin, c’est à deux qu’en 1980, Jean-Manuel Perraudin et Gilles Perraudin fondent leur agence : l’atelier d’architecture perraudin. Moi-même je n’ai découvert l’existence de Jean-Manuel que très tard et n’ai trouvé quasiment aucune information sur lui. Nous parlerons donc plus explicitement de Gilles Perraudin comme représentant de cette agence. Diplômé de l’école de la Martinière puis de l’école d’architecture de Lyon, sa double casquette ingénieur-architecte lui donne une vision concrète et technique de la construction. Né à la campagne, il s’interroge très vite sur les questions environnementales et remet en cause l’industrie du bâtiment. C’est dans un projet personnel de chai viticole qu’il découvre la pierre massive. Il est alors persuadé que ce matériau est révolutionnaire et en fait sa spécialité au fil des années. Il réalise alors de nombreux projets en pierre massive de tous types : logements collectifs, musée, maison, cave, école, chai… Utilisant maintenant la pierre depuis plus de 30 ans, l’agence Perraudin est devenue spécialiste de ce matériau peu utilisé dans la construction contemporaine.

Nous allons alors voir, à travers les nombreux écrits, conférences et interviews de Gilles Perraudin comment la pierre s’inscrit dans l’architecture environnementale. Ayant moins d’informations du côté de l’agence Barrault Pressacco, c’est grâce à une interview que m’a donnée Thibaut Barrault le 17 avril dernier que nous allons pouvoir répondre.

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Patrimonio, musée du vin et de la musique, Gilles Perraudin, Corse, 2011

https://divisare.com/projects/365216-gilles-perraudin-serge-demailly-musee-du-vin

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Façade sur la rue Oberkampf, projet de logements sociaux de Barrault Pressacco, Paris, 2017

https://www.flickr.com/photos/clementguillaume/32299598324

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Carrière à ciel ouvert de Comblanchien exploitée par STEP, Ladoix-Serrigny (Bourgogne)

https://www.setp.fr/pierre-de-bourgogne-0

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1. PROCESSUS D’USAGE DE LA PIERRE La pierre est une ressource quasiment illimitée dans le monde entier. En effet, aux quatre coins du monde, on peut retrouver des édifices faits de pierre.

La roche ne constitue pas moins d’une centaine de kilomètres de profondeur de notre planète Terre. De plus, cette roche est en constant renouvellement. Bien que le processus de formation de la roche se compte sur des milliers d’années, celui-ci est continu depuis le début de la création de la Terre ; ce qui fait de la pierre une ressource très abondante. De fait, nombreux sont les lieux d’exploitation sur le territoire français. La ressource étant disponible, il ne reste plus qu’a l’extraire pour l’utiliser.

Nous allons donc voir ensemble, à travers le travail de l’architecte lyonnais Gilles Perraudin et l’agence parisienne Barrault Pressacco, les différentes étapes du processus de l’usage de la pierre dans le projet. Nous verrons donc la façon dont les architectes conçoivent l’architecture dite responsable et discuter ces positions.

1. Extraction L’extraction de la pierre se fait uniquement dans des carrières : carrière à ciel ouvert ou carrière souterraine. Ces exploitations des sols peuvent s’étendre sur plusieurs hectares et avoir différents niveaux. La France en compte plus de 40004 réparties sur son territoire. Évidemment toutes ne sont pas spécialisées dans l’extraction de pierre massive. En effet, la majeure partie, c’est-à-dire 3600 d’entre elles, sont des carrières de granulats servant au secteur de l’industrie du BTP et aux travaux publics. Ces granulats servent principalement à la composition de béton ou de bitume. Ce sont alors seulement les 400 carrières restantes qui produisent des pierres pour la construction ou pour l’ornementation intérieure comme extérieure (restauration de bâtiments historiques). Même si cette filière semble minoritaire face à l’extraction de granulats, elle reste une activité importante sur le sol français.

Le choix de la carrière est primordial dans le projet d’architecture et celui-ci n’est pas facile. En effet, il faut trouver la bonne carrière qui propose des blocs adéquats structurellement, qui ne soit pas trop cher et qui soit assez professionnelle.

Pour Gilles Perraudin, qui utilise la pierre depuis des années, le travail a été long et fastidieux. Il a fallu parfois convaincre les carriers du potentiel d’un projet en pierre massive alors que ceux-ci ne faisaient que de la roche d’ornement. Il lui aura fallu des années pour trouver les bons gisements et les bons partenaires qui font aujourd’hui de son agence une spécialiste de la pierre.

4. D’après le site officiel de MinéralInfo, le portail français des ressources minérales non énergétiques, dernière modification le 14/10/2019 (http://www.mineralinfo.fr/page/materiaux-construction-granulats-pierres-ornementales)

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« Il y a des carrières sur tout le territoire français mais il n’existe pas de système de distribution de ce matériau. Ces deux réalités sont une véritable chance : elles nous dispensent d’intermédiaire qui, dans d’autres filières, nous dépossède de notre métier. »5 En effet, à travers la pierre, l’architecte retrouve une relation étroite avec le matériau. Il vient voir la carrière et peut toucher la pierre, choisir sa texture et sa couleur ; ce que le béton ne permet pas par exemple. L’expérience que vit l’architecte avec la pierre est forte, elle induit tous les sens. De plus, elle libère l’imaginaire du bâtisseur qui peut la voir en carrière directement comme produit fini. C’est en effet, aussi le ressenti des architectes de l’agence Barrault Pressacco : « L’unique expérience que nous avons avec la pierre nous a montré qu’il y a une relation très particulière qui s’installe entre architecte et matériau. On peut le choisir, on peut le voir, on peut comprendre comment le matériau se comporte dans son milieu naturel et suivre son extraction jusqu’à ce qu’il soit un matériau de construction. »6 Un autre élément indispensable dans le choix de la carrière est évidemment sa localité. Il n’y a aucun intérêt de faire importer des pierres d’autres pays voir parfois d’autres continents si la démarche est écologique. Cependant, le terme de local est assez large. Lors de mon entretien avec Thibaut Barrault sur leur projet de logements sociaux rue Oberkampf à Paris, ce dernier affirmait que les pierres choisies venaient de Charente. En effet, l’agence a refusé la candidature des trois seuls carriers proches de Paris (dans l’Aisne) qui avaient répondu à l’appel d’offres pour des raisons financières et professionnelles. Elle a donc dû faire venir les pierres de Charente mais l’architecte m’affirme que l’effort est déjà remarquable. En effet, il se félicite d’avoir utilisé des pierres provenant de quelques centaines de kilomètres de Pairs quand beaucoup de projets en importent des quatre coins du monde.

5. PERRAUDIN Gilles, Construire en pierre de taille aujourd’hui, Les presses du Réel, 2013, Dijon, p29 6. PRESSACCO Thibaut dans Gilles Perraudin en conversation avec Barrault Pressacco, Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, 6 février 2018 (https://www.a-plus.be/fr/conference/gilles-perraudin/)

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2. Transformation La pierre est un matériau prêt à l’emploi dès son extraction. En effet, elle ne nécessite ni cuisson, ni broyage mais seulement un calibrage dimensionnel.

Chaque carrière voit les dimensions de ses blocs extraits contraints pas ses outillages : scie circulaire, disque diamanté, taille bloc, châssis multi-lame… Il y a deux phases dans la taille de la pierre : le sciage primaire et le sciage secondaire. Ensuite, vient l’étape de la finition qui consiste à traiter la surface de la pierre pour lui donner différents aspects : brut, poli, brossé, layé, adouci…

Ce processus de transformation de la pierre peut être fait directement au lieu d’extraction si la carrière possède les outils adéquats ou par une autre entreprise de taille de pierre. Dans leur projet rue Oberkampf, l’agence Barrault Pressacco a fait le choix d’employer une entreprise de taille de pierre : l’entreprise Bonnel.

Donc après extraction en Charente, la pierre a été transportée jusqu’à Angers pour être redimensionnée avant d’arriver à Paris.

Photo d’un taille-blocs extérieur, phase primaire de production, à Lousignan dans la Vienne (Aquitaine)

http://www.calminia.com/a-propos-de-calminia/production-de-pierres-naturelles/

En fonction des dimensions d’extraction de bloc de la carrière, l’architecte peut les redimensionner pour créer ses propres blocs. L’idéal sera alors d’optimiser les dimensions du module en fonction de celles des blocs d’extraction pour limiter les interventions de découpe. Par exemple, si une carrière extrait des blocs de 130 x 200 x 90 cm, il sera intéressant d’utiliser un module de 200 x 65 x 90 cm obtenu alors avec une seule coupe de la pierre. Ainsi, en connaissant les dimensions d’extraction de la pierre, l’architecte peut limiter les découpes et par conséquent, diminuer les chutes ou déchets de roche. D’où l’intérêt pour ce dernier de connaître le matériau qu’il choisit et le carrier dès l’esquisse du projet.

Si l’on compare la transformation de la pierre à celle du béton ou même du

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bois, on se rend compte que celle-ci est relativement simple. En effet, elle ne compte que trois étapes dont une n’est pas nécessairement utilisée (la finition) alors que les autres matériaux en comptent au moins une demi-dizaine. De fait, la transformation de la matière pour devenir du béton est bien compliquée : concassage, cuisson, refroidissement, broyage, malaxage… Toutes ces étapes, en plus d’être complexes, nécessitent une énergie folle. Du côté du bois la mise en place est bien plus simple, elle nécessite quelques transformations : écorçage, sciages, traitement. L’utilisation de matériaux naturels tels que la pierre ou le bois dans la construction a donc bien sa place dans une démarche environnementale puisqu’elle est beaucoup plus simple et nécessite moins d’énergie.

3. Mise en œuvre La mise en œuvre de la pierre est encore plus simple que sa transformation.

Elle se réalise seulement par la pose des blocs taillés, c’est-à-dire grâce à la maçonnerie. Pour ce faire, les pierres taillées qui sont stockées à proximité du chantier sont empilées simplement. Un lit de mortier vient entre chaque bloc de pierre, cependant, il n’a aucun rôle structurel mais sert seulement à assurer l’étanchéité à l’air et à l’eau. De fait, nombreux sont les édifices en pierre conçus sans ce fameux joint, appelés constructions en pierre sèche.

De plus, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce ne sont pas des professionnels de la pierre qui construisent mais des maçons lambda formés sur le chantier. En effet, l’utilisation de la pierre permet à l’architecte de retrouver toute sa compétence de bâtisseur et non seulement de concepteur. C’est lui qui va former les ouvriers et leur apprendre à monter les murs de pierre.

Plusieurs mises en œuvre sont alors possibles. La première est la plus évidente : c’est la superposition en quinconce des pierres. Cette technique ancestrale utilisée par l’architecte Gilles Perraudin permet d’assurer la cohésion du mur. Il s’agit alors de décaler chaque rang de pose d’une épaisseur au moins égale à celle du mur afin de casser la continuité des joints verticaux. La seconde mise en place utilisée par l’agence Barrault Pressacco est la pile ou colonne. En effet, les architectes jouent sur l’ambiguïté entre mur ou colonne. Ils dessinent leur façade avec uniquement un empilement régulier des blocs de pierre. Leur calepinage s’interdit le harpage (technique d’appareillage de coin de mur où les pierres sont disposées en superposition alternée) et la pose en quinconce. Il n’y a donc pas de joints verticaux à l’exception des lits de pierres qui constituent les allèges. De plus, le travail sur les ouvertures est très important. Ils décident de tailler en biais les pierres qui entourent les fenêtres (linteau et colonnes) afin de mettre en valeur l’ouverture. La perception du visiteur est alors troublée, il ne sait pas s’il se trouve face à un mur percé d’ouvertures ou face à une ossature en colonne fermée par ces ouvertures.

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Détails de la pose de la pierre, logements sociaux ru Obrekampf, Barrault Pressacco, 2017

https://chroniques-architecture.com/logements-stereotomiques-barrault-pressacco/

Conclusion L’étude du processus d’utilisation de la pierre nous montre que celle-ci a un rôle important à jouer dans la préservation de l’environnement. En effet, de l’extraction à la mise en œuvre, la pierre nous montre sa simplicité de mise en place. Elle n’utilise ni produit chimique, ni énergie fossile et son transport est limité puisqu’elle est censée être locale. Bien évidemment, la découpe de la pierre est assez énergivore et coûteuse en eau. Cependant, cette dépense est minime par rapport à l’énergie utilisée pour la construction de bâtiment en béton. De plus, la pierre comme matériau « écologique » a suscité l’intérêt de plusieurs groupes et semble, aujourd’hui, après leurs études, ne plus avoir a démontré son potentiel environnemental.

De plus, la pierre semble réconcilier l’architecte avec ses différents champs de compétence. En effet, la compartimentation usuelle du processus de mise en place d’une construction (disciplines de création, de structure et de maçonnerie séparées) dépossède l’architecte de cette compétence. À travers la connaissance de la pierre, l’architecte peut alors reconquérir ces champs d’action. « En utilisant la pierre, nous retrouvons la maîtrise de la quasi-totalité du processus, depuis la sélection, la définition et les caractéristiques dimensionnelles du matériau jusqu’au processus de montage. Le chai de Vauvert en est un exemple complet : nous avons choisi et dimensionné les pierres, dessiné leurs assemblages, élaboré le processus de montage et, enfin, le projet a été construit par nos soins ! »7

7. PERRAUDIN Gilles, Construire en pierre de taille aujourd’hui, Les presses du Réel, 2013, Dijon, p34

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Détail d’un mur en pierre intérieur sans isolant, Stone House, Carl Fredrik Svenstedt, Lubéron, 2012

https://www.carlfredriksvenstedt.com/ahead/stone-house/

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2. QUALITÉS ENVIRONNEMENTALES Outre sa mise en place relativement simple et son déplacement réduit, la pierre a des qualités propres qui en font un matériau environnemental. En effet, le coût environnemental d’un cycle de vie de construction ne se compte pas qu’en fonction de sa construction mais aussi par rapport à toute sa vie ensuite. De fait, Seulement 20 % du coût global d’un bâtiment est dû à la construction, 80 % sont dus à l’exploitation (entretien et consommation). Nous allons alors voir en quoi les qualités propres de la pierre peuvent limiter ses coûts liés à l’exploitation. En effet sa provenance naturelle lui confère un comportement spécifique qui peut devenir un atout dans la construction.

1. Confort thermique Tout d’abord, la pierre est un matériau à forte inertie. Cette dernière est déterminante dans le confort thermique d’un bâtiment en hivers comme en été. L’inertie est la capacité d’un matériau à emmagasiner la température et la restituer. La différence de temps entre le moment où le matériau reçoit cette température et la restitue s’appelle le temps de déphasage. Bien sûr, ce dernier dépend de l’épaisseur du matériau, de sa densité et de sa composition, cependant, la pierre massive étant un matériau lourd, son temps de déphasage sera long. On considère aussi comme matériau lourd : le béton, le parpaing ou la brique alors que des matériaux comme le bois sont considérés comme légers et auront donc un temps de déphasage court.

Cette inertie permet de limiter, voire de supprimer l’ajout d’un isolant thermique au gros œuvre. De fait, dans nombre de ces projets, l’architecte Gilles Perraudin a utilisé la pierre comme seul élément de construction fini pour l’élévation de ces murs : c’est le cas du musée Patrimonio en Corse, sa maison en pierre à Montélimar, ses nombreux chais viticoles… Cette mise en place de la pierre lui permet alors un gain économique remarquable puisqu’elle n’utilise pas de second œuvre.

Cependant, on note que tous ces projets se situent dans le Sud de la France. En effet, le climat méditerranéen permet cette mise en place de la pierre avec ses hivers doux et ses étés chauds. De fait, la fraîcheur de la pierre assure un confort d’été sans équivalent ; là où souvent les pertes d’énergie dans le rafraîchissement d’été dépassent celles du chauffage l’hiver.

Cependant, ce n’est pas la même histoire dans le Nord de la France. En effet, le climat plus rude et plus froid de l’hiver ne permet pas une utilisation de la pierre sans isolant. C’est le cas du projet rue Oberkampf, la pierre massive en façade ne suffit pas au confort thermique. L’agence parisienne a alors fait le choix de matériaux naturels pour rester dans ce mouvement écologique. Ils ont utilisé du béton de chanvre projeté sur la façade intérieure, taloché puis enduit de chaux. Le béton de chanvre est un mélange de fibre de chanvre, de chaux et d’eau. À l’inverse des isolants chimiques qui étouffent la pierre, le chanvre a des propriétés perspirantes (c’est-à-dire qu’il est perméable à la vapeur d’eau et étanche à l’air) qui permettent au bâtiment de respirer.

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2. Porosité de la pierre Cependant, les qualités de la pierre ne s’arrêtent pas seulement à son inertie, pourtant remarquable quand elle est utilisée en forte épaisseur. De fait, la porosité de la pierre est tout aussi intéressante. En effet, la pierre a cette forte capacité à absorber et à contenir l’eau (sous forme gazeuse) qui se trouve dans l’air : elle permet donc un confort appelé hygrométrique. Cette capacité propre des pierres calcaires tendres, est absente de tous matériaux légers ou durs comme le béton. « Dans un cycle quotidien, et particulièrement en été, la pierre absorbe l’humidité nocturne. La proximité de la mer renforce cette absorption. Durant la matinée, la chaleur fait évaporer l’eau et rafraîchit le mur. C’est cette sensation de fraîcheur que nous éprouvons en caressant la pierre sous le soleil. Puis, au cours de la journée, la pierre exposée au soleil absorbe la chaleur qu’elle transfère à l’intérieur pendant la nuit. Mais ces caractéristiques ne sont possibles que si l’on utilise des murs de forte épaisseur. »8 Cette capacité de la pierre à réguler l’humidité permet encore une fois de limiter l’ajout de matière sur le mur. Dans cette mise en place, pas besoin d’ajouter de pare vapeur ni de membrane d’étanchéité. Même avec un isolant de chanvre, comme dans le projet de Barrault Pressacco, la pierre garde sa porosité et permet une régulation naturelle de l’hygrométrie : la membrane d’étanchéité n’est alors pas nécessaire sur les murs.

Les vertus de l’inertie thermique de la pierre tendre par Gilles PERRAUDIN :

8. PERRAUDIN Gilles, Construire en pierre de taille aujourd’hui, Les presses du Réel, 2013, Dijon, p25

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Conclusion Les qualités naturelles de la pierre que nous avons vues permettent réellement de limiter les dépenses d’énergie dans l’ajout de matière pour maintenir un confort. En effet, le bilan carbone de la création d’isolant, de membrane d’étanchéité, de pare vapeur, etc. est élevé, en plus de son transport. De plus, si ces matériaux industrialisés contiennent des produits chimiques voir toxiques, le coût environnemental devient inquiétant. En se privant de ces matériaux en surplus, la pierre massive d’une forte épaisseur permet alors de diminuer les dépenses environnementales et s’inscrit dans une architecture plus écologique et respectueuse. De plus, cette mise en place de la pierre, bien que plus onéreuse par rapport à d’autres matériaux industrialisés comme le béton ou l’acier, permet alors un gain économique sur le second œuvre qui lui donne de rester compétitive.

De plus, il est évident que la pérennité de la pierre est aussi une de ses qualités techniques intéressantes. Nous en avons déjà parlé de nombreuses fois au cours de ce mémoire. Il semble inutile de faire des recherches scientifiques de ce côté, tant les nombreux édifices datant des siècles passés témoignent de cette durabilité. La pierre est un matériau résistant dans le temps ce qui l’exempt de tout entretien. Bien sûr, même si les monuments historiques en pierre font l’objet de rénovations, ces entretiens restent très espacés dans le temps et sont minimes par rapport à beaucoup d’immeubles de béton devant être entretenus et remis aux normes régulièrement (tous les dix/vingt ans parfois). La pérennité de la pierre permet donc aussi un gain d’énergie à long terme.

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3. FIN DE VIE DE LA PIERRE Après avoir étudié sa mise en place puis son exploitation, nous arrivons à la fin du cycle de vie de la pierre. Il est alors intéressant de regarder ce que devient un bâtiment en pierre massive en fin de vie. En effet, la notion de déchet dans le secteur du bâtiment est assez préoccupante. En Europe, plus de 40 % des déchets sont liés à la construction. On épuise les ressources et on crée une montagne de déchets inutilisés. « Au cours du siècle dernier, l’humanité n’a jamais consommé tant de matière au moment même où elle accumulait d’immenses savoirs. »9 Il faut maintenant traiter avec cette matière qui a été fabriquée. Le recyclage mettant en œuvre des moyens lourds et coûteux parfois très énergivores, il semble plus approprié d’utiliser le réemploi. Les scientifiques incitent à un usage plus responsable de la matière.

1. Réemploi de la pierre

En ce qui concerne les constructions en pierre massive, l’histoire regorge d’exemples de réemploi d’un bâtiment pour en faire un autre. En effet, si la construction est en pierre sèche ou utilise un enduit à la chaux, les blocs de pierre pourront être récupérés tel quel. En revanche, si le bâtiment utilise du ciment comme joint, la pierre risque de casser lors du démontage d’un mur car le ciment est parfois plus résistant que le matériau. La pierre risque alors de s’effriter ou de perdre des couches. Il est alors important d’utiliser des joints naturels qui ne sont pas trop contraignants afin de laisser à la pierre la possibilité d’une seconde vie.

En effet, l’étude archéologique des édifices a montré que la question du réemploi est un phénomène qui concerne toutes les époques. Nombreux blocs sculptés antiques ont été retrouvés dans les fortifications qui ont été dressées autour des villes d’Occident dès la fin du IIIe siècle. Mais ce n’est pas la seule période qui ait utilisé le réemploi. En effet, des archéologues ont retrouvé dans la ville de Beauvais, lors de travaux de terrassements exécutés de 1896 à 1900, des débris d’un ancien temple romain. Celui-ci aurait probablement été détruit au XVIe siècle pour réutiliser ses pierres en calcaire tendre. Un autre exemple de réemploi est l’abbaye de Jumièges.

Véritable chef-d’œuvre de l’architecture romane, elle est vendue au titre des biens nationaux après la Révolution française. Elle est alors peu à peu démantelée et démolie pour servir de carrière de pierre. Aujourd’hui, seuls quelques parties de l’abbaye et ses murs principaux sont encore visibles. Entre les demi-voûtes brisées et les murs démembrés, les ruines subsistent et créent un environnement poétique voir romantique.

9. CHOPIN Julien, Matière grise : matériaux, réemploi, architecture, Paris, 2014, p 14

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Ruines de l’Abbaye de Jumiège, Normandie, 2019

https://www.mustloveroses.com/jumieges-abbey/

Alors, soit les pierres sont réutilisées telles quelles, soit elles sont retaillées pour

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s’intégrer dans le nouvel édifice. Le réemploi discret est cependant plus souvent mis en place. Faire d’anciens bâtiments de véritables carrières pour les nouveaux arrivant est alors bien pratique sur le plan économique. Il s’agit d’économiser les coûts d’extraction et de transport de la pierre en se servant de ressources plus proches et déjà taillées. Mais le réemploi de la pierre peut aussi être motivé par une symbolique forte : volonté de faire mémoire, de s’appuyer sur le savoir des anciens…

Et d’ailleurs, l’architecte Gilles Perraudin compte bien sur cette tradition du réemploi utilisé durant notre Histoire, quand il construit en pierre : « La réutilisation de la pierre est-elle d’actualité aujourd’hui?

Lorsque je construis un bâtiment, je crée une nouvelle carrière. Un bâtiment en pierre est totalement recyclable. Mais la véritable question est celle de la dépense énergétique. Parce que si l’on doit dépenser plus d’énergie pour recycler un bâtiment que l’on en aura déjà dépensé pour le construire, cela pose la question de la réutilisation de certains matériaux. Je me suis donc orienté vers la pierre, pour changer radicalement de voie. »10

2. Fin de carrière

S’il est bien une opération dont l’impact est visible sur l’environnement, c’est celle des carrières. En effet, les carrières surtout celles à ciel ouvert qui s’étendent parfois sur plusieurs hectares modifient fortement le paysage. Créant de véritables trous dans la nature, les carrières rasent sur de grandes surfaces toute végétation présente. Les plus grands risques, cependant, ne sont pas ceux que l’on voit.

Si les carrières modifient le paysage, la contamination des nappes d’eau souterraines non visible est bien plus préoccupante. En effet, il arrive fréquemment que les carriers atteignent des nappes phréatiques sans le vouloir. Ils sont alors obligés de pomper ces eaux provenant du sous-sol pour qu’elles ne remontent ni ne s’infiltrent dans la carrière. De plus, la pollution créée par la carrière peut altérer directement les nappes souterraines.

Ensuite, la pollution de l’air est bien présente aussi. De fait, l’extraction des pierres crée des nuages de poussière mis en mouvement par les machines de découpe et transportés par les engins. Les opérations telles que le concassage, le broyage ou le criblage de certains blocs provoquent aussi inévitablement la pollution de l’air.

Cependant, les carrières de granulats, utilisant fréquemment ces techniques qui servent à fabriquer du ciment ou du béton, sont plus à même de polluer que les carrières de roches meubles. Cette pollution est amplifiée par les va-et-vient incessants des engins de transport. Le CO2 qu’ils rejettent participe alors fortement à la dégradation de l’air. La pollution sonore est aussi à prendre en compte lors d’exploitation. De fait, les vibrations, le bruit des véhicules et les tirs de mine peuvent fortement altérer le voisinage.

Pour remédier à ceci, aujourd’hui en France, les carrières sont soumises à des 10. CHOPIN Julien, Matière grise : matériaux, réemploi, architecture, Paris, 2014, p 14

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réglementations strictes. L’ouverture d’une exploitation inclut une maîtrise de son impact global : pollution sonore, poussière, préservation des eaux, gestion des déchets, impact sur la faune et la flore… L’intégration paysagère des carrières en fin d’exploitation est désormais prise en compte dès l’ouverture d’un site. Pour s’assurer du réaménagement des sites, les préfectures exigent une caution financière qui garanti un minimum de réhabilitation, même en cas de faillite de l’exploitant. Dans ce cas précis, les travaux de réaménagement sont assurés par une fédération d’exploitants : l’UNICEM (Union nationale des Industries de Carrières et de Matériaux de construction).11 Ainsi, on voit apparaître de plus en plus de projets de réaménagement d’anciennes carrières en réserve naturelle, parc, base de loisir, usage agricole voir parfois lieu culturel. Ainsi, à Nantes, dans le quartier de Chantenay, l’ancienne carrière Miséry s’est transformée en un an à peine en un jardin luxuriant. Une immense cascade et une ambiance tropicale y règnent. Cet aménagement signe le 11e parc de la ville verte. Un autre réemploi de carrière exemplaire est certainement celui de l’ancienne carrière souterraine de Baux de Provence. Le site rebaptisé Carrières de Lumière, s’est vu transformé en véritable musée. De nombreuses expositions y figurent sous forme de projection d’image sur les immenses murs de calcaire blanc. Les visiteurs assistent alors à un véritable spectacle immersif de lumière.

Exposition, Les carrières de Lumière, Baux-de-Provence

https://avignon-tourisme.com/activites/carrieres-des-lumieres/

D’autres projets en parallèle émergent tentant de réutiliser les déchets générés par 11. http://www.pierresnaturelles.org/wiki-pierre/19-reutilisationdelapierre/consulter

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les carrières. C’est le cas de Architecture by Collective Terrain (AbCT), l’agence d’architecture fondée par Ramin Mehdizadeh est installée à Séoul. En 2012, il réalise un immeuble de logement en réutilisant les chutes de pierre d’une carrière voisine.

En effet, le projet se situe en Iran où l’exploitation de la pierre de Mahallat génère la moitié de l’activité économique locale. Cependant, chaque bloc de pierre taillé induit 50 % de chutes que l’architecte s’empresse d’utiliser pour recouvrir les façades de son bâtiment. Ainsi, il économise 80 % du coût de la façade.

Façade en pierre de réemploi, Appartement n°1, Architecture by Collective Terrain, Mahallat (Iran), 2010

https://inhabitat.com/apartment-no-1-is-built-completely-out-of-recycled-stone-in-mahallatiran/

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4. USAGE DE LA PIERRE 1. Mise en place structurelle Il est évident que dans une démarche écologique, l’utilisation de la pierre sera uniquement massive, c’est-à-dire en élément porteur. En effet, dans cette catégorie l’architecte cherche à tirer parti de la pierre à travers ses qualités propres.

Ces fameuses aptitudes, dont j’ai parlé précédemment, excluent une mise en place en parement puisqu’elle ne permettrait pas à l’architecture d’en profiter. Cependant, même en pierre massive, différentes positions peuvent être soutenues.

Tout d’abord, Gilles Perraudin, lui qui a consacré une bonne partie de sa carrière à la pierre, en fait un usage tout à fait exclusif et parfois même rudimentaire.

Pour l’architecte lyonnais, en dehors de la pierre point de salut ! Ses différents projets en pierre massive l’ont convaincu du potentiel écologique du matériau. Aujourd’hui, il le présente partout comme un matériau révolutionnaire et celui du futur. Pour lui la pierre est devenue une évidence quel que soit le projet, il propose même de les exporter dans d’autres pays : « Depuis plus d’un an, je me rends au Sénégal à la demande d’architectes qui souhaitent développer des processus constructifs à faible emprunte carbone. Je leur propose d’importer de la pierre. Son transport maritime est de faible coût et il n’affecte que très marginalement le bilan carbone. Égyptiens, Grecs et Romains transportaient déjà sur de longues distances leurs matériaux de construction. On retrouve ainsi des granites d’Assouan jusqu’aux ruines de Baalbek, au Liban »12 La mise en œuvre qu’il fait de la pierre est des plus simples. Il utilise l’empilement en quinconce : pour lui, pas d’ornementation, pas d’exhibition de l’architecture, ses édifices sont souvent d’une sobriété remarquable. L’empilement des gros blocs massifs dessine une géométrie silencieuse. Gilles Perraudin se targue de ne pas être moderne. À la suite de Roland Barthes, il fait de sa fameuse phrase « suddently, I realised it didn’t bother me not to be moderne » son propre dicton.

Pour lui, le modernisme est le problème de l’architecte13. Il reproche d’ailleurs aux modernes d’avoir voulu tout construire en béton, ce matériau contre lequel il lutte tant. Gilles Perraudin s’inscrit volontairement dans une opposition béton / pierre, pour laquelle il semble prêt à tout.

12. BRUNENGO Cécile et HUGRON Jean Philippe, Construire en pierre, L’Architecture d’Aujourd’hui, n°417, mars 2017, p40-107 13. PERRAUDIN Gilles en conversation avec Barrault Pressacco, Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, 6 février 2018 (https://www.a-plus.be/fr/conference/gilles-perraudin/)

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Du côté de Paris, la jeune agence Barrault Pressacco semble avoir une utilisation de la pierre plus modérée. Dans son projet rue Oberkampf, la pierre massive est utilisée sur toutes les façades tandis que le rez-de-chaussée ainsi que les linteaux de la façade Sud Est sont en béton armé. L’agence propose alors une structure hybride piochant dans les différentes qualités associées aux matériaux pour en faire une construction opérationnelle. Le béton est utilisé au premier niveau pour sa résistance à la compression et comme linteau pour permettre de grandes ouvertures ; la pierre est employée en façade pour ses qualités thermiques et hygrométriques ; enfin du bois est posé pour les planchers. Les architectes soutiennent alors une richesse de construction par la coexistence de ces différents matériaux. Pour eux, il n’y a pas de matériau miracle ou de solution toute faite.

Lors de notre entretien, Thibaut Barrault reconnaît se battre contre toute nostalgie du « c’était mieux avant » quand toutes constructions étaient en pierre.

En effet, avec ce projet en pierre réalisé dans le vieux Paris haussmannien, l’agence a reçu de nombreux appels, demandes d’interview… associant leur projet à une démarche identitaire. Bien que l’intégration dans le tissu urbain fût importante pour eux, l’architecte m’affirme que la clef d’entrée du projet a bien été le côté écologique de la pierre et son faible bilan carbone.

Toutefois, inspirée par les travaux de Gilles Perraudin, l’agence Barrault Pressacco ne semble pas suivre les pas de l’architecte lyonnais. En effet, pour eux la recherche du matériau est primordiale et ne peut pas être décidée avant que la commande n’arrive. Chaque projet est alors l’occasion de travailler sur des matériaux innovants adéquats. La pierre n’est pas le seul matériau écologique et pérenne : certains bétons le sont aussi m’affirme Thibaut Barrault.

Détails de la structure hybride, vue de la cour intérieure, logements sociaux rue Obrekampf, Barrault Pressacco, 2017 (https://barraultpressacco.com/)

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Détails de la structure hybride, façade intérieure sur cours, logements sociaux rue Obrekampf, Barrault Pressacco, 2017 (https://barraultpressacco.com/)

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2. Usage

Contrairement aux autres chapitres de ce mémoire, dans la démarche écologique l’utilisation de la pierre se fait pour ses qualités environnementales uniquement. Celles-ci sont un faible bilan carbone de mise en place, une thermique, une hygrométrie et une pérennité ainsi qu’un réemploi possible. De fait, les qualités esthétiques de la pierre, bien que toujours présentes, sont relayées à un second plan. Il ne s’agit pas non plus d’intégration dans le territoire comme c’est le cas dans une architecture identitaire. La pierre est, ici, vue uniquement sous le prisme de son coût environnemental. Évidemment l’extraction de la pierre est énergivore, comme nous avons pu le voir, cependant ces dépenses sont minimales par rapport à la confection d’un béton tant utilisé. Il s’agit, pour les architectes, de trouver des solutions à l’utilisation d’énergies fossiles et polluantes. À travers cette utilisation de la pierre, nous voyons bien que différents usages sont possibles. Si les chais et les musées semblent évidents, les deux agences dont j’ai parlé tout au long de ce chapitre nous prouvent que la pierre massive peut être utilisée pour des opérations plus délicates comme des logements sociaux. En effet, l’agence Perraudin Architectes a réalisé en 2011, l’exploit (pour lequel elle a été nommée Equerre d’argent) de construire 20 logements sociaux en pierre massive.

L’opération se situe à Cornebarrieu non loin de Toulouse. Ce projet est alors l’occasion pour l’architecte de prouver que la pierre a bien sa place dans la construction contemporaine et est adaptée aux exigences actuelles de logements. À sa suite, l’agence Barraut Pressacco choisi aussi d’utiliser la pierre massive dans les 17 logements sociaux commandés par le bailleur social RIVP à Paris.

Serge Demailly - 20 logements sociaux, Perraudin architectes, Cornebarrieu, nommé à l’Equerre d’argent 2011 : façades sud

https://www.amc-archi.com/article/equerre-d-argent-2011-nomme-perraudin-architectes-20-logements-sociaux,123

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3. Prix Il est évident que la pierre, telle quelle, est un produit plus onéreux que le béton ou l’acier. Ainsi, Thibaut Barrault m’affirmait que celle-ci était 15 % plus chère qu’une construction lambda sur le gros œuvre. Cependant, ses qualités techniques, comme nous l’avons vu, la dispense de dépenses ajoutées après sa mise en place.

Ce qui permet de réduire les coûts de second œuvre, d’entretien et de consommation. Ainsi, le matériau peut rester compétitif, les opérations de logements sociaux le prouvant. En effet, Gilles Perraudin a réussi à livrer ses logements de Cornebarrieu avec un budget réduit de 1150€/m2, ce qui reste en dessous de la moyenne nationale.

De plus, même si la pierre est plus onéreuse, on ne peut plus voir la construction qu’à travers son prix. C’est ce que m’affirmait Thibaut Barrault lors de notre entretien. Les scientifiques ont suffisamment alerté quant à la dégradation de l’environnement, maintenant c’est à chaque architecte de prendre ses responsabilités et de trouver des solutions. Ainsi, faudrait-il mieux construire de manière plus responsable même si cela inclut d’augmenter les prix. Or, l’augmentation des prix risque d’engendrer une baisse de construction. Alors peut-être que la véritable question se trouve ici : sommes-nous prêts à construire moins pour construire mieux ?

En effet, pour diminuer le prix de la pierre, il faudrait augmenter les moyens d’extraction de celle-ci. Pour que ça soit rentable pour les carriers, il faudrait augmenter la demande de pierres massives et donc la quantité extraite. Ainsi, la filière tendrait à une certaine industrialisation. Or, c’est le fait qu’elle n’utilise que des moyens réduits et qu’elle ne soit pas industrialisée qui fait de la pierre un matériau écologique. Ce cercle vicieux semble alors non résoluble.

CONCLUSION Cette dernière partie peut paraître plus descriptive et théorique que les précédentes. De fait, il existe de nombreux écrits sur la pierre dans l’écologie et notamment dans la documentation autour de Gilles Perraudin. Mon travail a surtout été de regrouper ses écrits pour comprendre la démarche des architectes. Tout l’enjeu, cependant, était de ne pas tomber dans un chapitre à la gloire de l’architecte lyonnais. C’est pour cela que j’ai trouvé intéressant de confronter ses propos avec ceux d’une autre agence : Barrault Pressacco.

Ce qui découle de ce chapitre final est donc un fort attrait pour la pierre massive dans tout son processus de mise en œuvre. Les deux agences affirment alors que la pierre peut être une alternative à la construction trop polluante. Elles choisissent alors de traiter la pierre comme une matière. Son côté technique est la partie qui intéresse les architectes.

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CONCLUSION GÉNÉRALE À travers ce travail de recherche qu’est le mémoire, j’ai voulu comprendre d’une certaine manière les rouages de la pierre. Ce matériau ancestral m’a passionné et j’ai voulu en savoir plus car j’ignorais tout de lui. Mes réflexions de base étaient alors assez simples : qui utilise la pierre aujourd’hui ? Comment est-elle utilisée ? Et enfin pourquoi est-elle utilisée ? Ces questions m’ont amené vers la représentation et l’usage de la pierre dans l’architecture contemporaine.

Durant tout ce travail, je pensais ne pas trouver une grande documentation sur le sujet, la pierre étant assez mise de côté dans l’architecture contemporaine. En effet, le matériau de la pierre est très spécifique et induit une démarche de projet à part entière. De plus, la perte du savoir dans ce domaine n’encourage pas les travaux utilisant le matériau. Cependant, c’est avec surprise et même avec joie que j’ai pu découvrir nombreux écrits, conférences, recherches témoignant de l’engouement pour la pierre. J’y ai alors découvert des architectes « fards » dont les travaux ont bouleversé ma vision du projet et m’ont fait changer d’avis sur le sujet. J’avoue avoir été dubitative au début, je pensais qu’il était difficile de construire en pierre aujourd’hui et que cette architecture était réservée à une certaine élite impliquant un coût et un temps de mise en place élevés. Pourtant, les nombreux travaux que j’ai pu découvrir m’ont prouvé le contraire.

C’est donc au cours de ces recherches que j’ai pu mettre en avant trois grandes catégories d’utilisation de la pierre, toutes très différents : - la pierre comme outils de pouvoir - la pierre dans l’architecture contemporaine - la pierre en réponse au mouvement écologique Il était très intéressant de découvrir les représentations et l’usage associés à chaque catégorie. En effet, en fonction de l’utilisation faite de la pierre, l’architecte va la choisir pour une certaine partie de ces qualités et non les autres. Il est alors fascinant de pouvoir assimiler chaque « côté » de la pierre à un certain usage. De fait, les attributs esthétiques de la pierre seront mis en valeur dans une architecture de pouvoir où la mise en place en parement sera privilégiée. Son côté naturel et local sera plutôt utilisé dans l’architecture identitaire vernaculaire dont la mise en place sera multiple. Et enfin, ses qualités environnementales seront louées dans une architecture dite responsable où la mise en place de la pierre sera toujours massive.

Ce mémoire montre le panel d’utilisation qui peut être fait de la pierre dans l’architecture contemporaine. Évidemment, mon travail ne représente pas une liste exhaustive des travaux en pierre aujourd’hui. Cependant, en recherchant les édifices utilisant la pierre en France ces 20 à 30 dernières années, et parfois aussi dans les pays frontaliers, mon travail m’a permis de comprendre dans quelle situation l’utilisation de la pierre persiste en architecture.

Au-delà de tous ces projets que j’ai découvert, je dirais que la pierre a véritablement transformé mon rapport à la matérialité et au temps. En effet, dans tous les projets, la pierre vient au début du processus qu’elle soit utilisée en parement ou de manière massive. Son utilisation change le processus de fabrication d’une architecture, encore plus flagrante quand sa mise en place est massive, et nécessite toute une réflexion autour de la matérialité. La pierre induit tout de suite une multitude

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de représentations dont l’architecte ne peut se détacher et peut user habilement.

Nous avons alors, de facto, une dimension de pérennité qui apparaît. Aussi, les images de masse ainsi que de naturel sont difficilement détachables de la pierre.

Ce travail de longue haleine m’a véritablement permis de prendre conscience de l’influence de la matière sur le projet. S’il est mis en évidence par l’usage de la pierre, ce rapport existe pour tous les matériaux. Le système industrialisé et formaté de la construction dépossède en quelque sorte l’architecte du projet. La chaîne de fabrication alors très rodée ne laisse pas la place à l’architecte comme bâtisseur. Ce dernier est relayé au rôle de simple concepteur et au mieux au suivi du chantier.

Cependant à travers la connaissance de la pierre, l’architecte peut reprendre possession du processus de fabrication d’une architecture. Cette notion fait alors appel à une recherche de solution afin de détourner l’industrialisation de l’architecture alors possible à travers l’usage de la pierre. Il est alors intéressant de redécouvrir les métiers de l’artisanat comme le tailleur de pierre.

Une des difficultés de ce mémoire de recherche a été l’accès à la documentation.

En effet, l’étrange situation sanitaire de cette année n’a pas aidé à accéder à toutes les ressources dont j’avais besoin. De plus, mon idée de départ était de faire un travail axé sur trois ou quatre cabinets d’architectes et d’avoir leur vision personnelle approfondie afin de les mettre en résonance les unes par rapport aux autres.

Cependant, malgré plusieurs relances par mail ou téléphone, seul l’agence Barrault Pressacco a répondu à mon appel. J’ai donc dû réajuster et axer mon travail. C’est alors en multipliant les entrées de recherches et les études de cas que j’ai pu répondre aux questions que je m’étais posées.

Cependant, si le travail a été difficile, il n’a été un instant où je m’en suis lassé.

Ce sujet passionnant a encore de nombreuses choses à m’apprendre. De plus, je souhaiterais l’approfondir dans mon travail de projet de fin d’étude pour pouvoir mettre en pratique cette année de documentation. Faire un travail en partant de la matière me paraît un sujet très intéressant. Re-questionner le processus de fabrication de l’architecture à travers la pierre. En effet, il me plairait d’explorer tout le côté poétique de la pierre, l’ambiance qu’elle procure à travers une mise en situation dans un projet personnel.

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BIBLIOGRAPHIE Articles de revue : AMC, Aires Matéus – Centre d’art – Tours, Benoît Fougeirol, mars 2018

(https://www.amc-archi.com/photos/aires-mateus-centre-d-art-tours,8218/aires-mateus-centre-dart-to.1)

AMC, une année d’architecture en France 2015, n° 247, Paris (x 10 : de 2009 à 2018) JOLY Benoît, Innover avec la pierre, D’A, n°269, mars 2019, Paris, pp 118-119 ROLLAND Jacques, Exosquelette de façade en pierre de taille, Cahiers techniques du bâtiment, n°368, avril 2018, Paris, pp 28-31 BRUNENGO Cécile et HUGRON Jean Philippe, Construire en pierre, L’Architecture d’Aujourd’hui, n°417, mars 2017, p40-107 HUGRON Jean-Philippe, Fernand Pouillon, la pierre sans mystique, Le courrier de l’architecte, mars 2013 (https://www.lecourrierdelarchitecte.com/article_4320) HUGRON Jean-Philippe, Combas contre la violence, Le courrier de l’architecte, 4 octobre 2017 (https://www.lecourrierdelarchitecte.com/article_7854) HUGRON Jean-Philippe, Gilles Perraudin, de l’OuLiPo à Bouddha : la pierre, Le courrier de l’architecte, janvier 2015, Lyon (https://www.lecourrierdelarchitecte.com/article_4330)

PERRAUDIN Gilles, La pierre ce matériau du futur, Le Moniteur, janvier 2008 (https:// www.lemoniteur.fr/article/la-pierre-ce-materiau-du-futur-par-gilles-perraudin-architecte.659199)

Martin Colin, Cultural identity : Koolhaas frames the Venice proposition, ArchitectureAU, 25 Mars 2014 (https://architectureau.com/articles/rem-koolhaas-unveils-plansfor-venice-biennale/# https://architectureau.com/articles/rem-koolhaas-unveils-plans-for-venice-biennale/#)

Conférences : LEIBAR Xavier, interview autour du projet Ehundra, Cityscape, Nantes (http:// www.cityscape.fr/fr/batiment/ehundura?fbclid=IwAR056s5V7hIrE2Q7qwlfXiYGMguEg3n7PVzOldK-N9bhmcKjzbRnud3MNPE) MORELLI Roberta, TONFONI Bruno et WILLEME Adrien, La pierre, Petites leçons de ville, avril 2018, CAUE GUIRAO Arnaud et GUENIER Céline, Le projet de la maison de la solidarité cours pasteur, Le mardi c’est archi, ENSAPBx, décembre 2018 PERRAUDIN Gilles en conversation avec Barrault Pressacco, Palais des BeauxArts, Bruxelles, 6 février 2018 (https://www.a-plus.be/fr/conference/gilles-perraudin/) - 112 -

Livres : FRAMPTON Kenneth, Pour un régionalisme critique et une architecture de résistance, traduit par Jacques Demarq PERRAUDIN Gilles, Construire en pierre de taille aujourd’hui, Les presses du Réel, 2013, Dijon AUBERT Marcel, Les enduits dans les constructions du Moyen Âge, In : Bulletin Monumental, tome 115, n°2, année 1957. pp.111-117 CHOPIN Julien, Matière grise : matériaux, réemploi, architecture, Paris, 2014 CHADOIN Olivier, « Les formes informent » : le retour du symbolique dans la fabrique de la ville néolibérale, 2014, p. 21-39 SIZA Alvaro, Des mots de rien du tout, traduction de Dominique Machabert, publication de l’université de Saint-Etienne, 2002 Guillerme André (1991) Techniques Et Matériaux de construction XIXE‐XX siècle, une introduction, , pp 165-178 (https://doi.org/10.1080/07341519108581775)

Darmon Olivier, Habiter les ruines, Édition Alternative, Collection Architecture Alternative, 2016 Dossiers de presse : Pierre : Révéler la ressource, Explorer le matériau, Pavillon de l’Arsenal, exposition du 23 octobre au 2 décembre 2018 Carnet d’une ville en héritage : la pierre, presse de l’imprimerie BM, Bordeaux, avril 2009 Où vont les pierres ? Le devenir des pierres de construction sur le territoire de la CCRN, Collection Analyses et connaissances, n°218, Nantes, Mars 2018 Monolithes ou l’architecture en suspens (1950—2010), exposition au FRAC centre, Orléans, 18 septembre 2010 - 30 janvier 2011 Chantale CALLAIS, Thierry JEANMONOD, Aline BARLET, Bordeaux, la fabrique du patrimoine, Paysages d’une cité historique vivante, école nationale supérieure d’architecture et de paysage de Bordeaux, 2017(HAL Id : halshs-02434494https://halshs. archives-ouvertes.fr/halshs-02434494)

Étude économique : Marché actuel et offre de la filière minérale de construction et évaluation à échéance de 2030, Édition : Martine Automme, Nicole Merle-Lamoot, 2016 (https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/etudes-et-statistiques/prospective/Industrie/2016-11-Filiere-minerale-construction-Rapport-pipame.pdf)

Statistiques de branches données de 2016, édition 2017-2018, Union nationale des

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industries de carrière et matériaux de construction (Unicem) (http://www.unicem.fr/wp-content/uploads/stat-unicem-2017-chiffres-2016-web.pdf)

Carrières de roches massives : potentialité écologique, Les études de l’Unicem Nature et paysage, octobre 2008 (http://www.unicem.fr/wp-content/uploads/roches-massives-analyse-bibliocompressed.pdf)

Mémoires : PETROT Romain, Poétique de la pierre : de la compression à l’émotion architecturale, ENSA Paris Val de Seine, février 2019 (https://issuu.com/romainpetrot/docs/livre_0)

CRÉTIN Guillaume, La pierre massive et son influence dans l’architecture d’aujourd’hui, ENSA Grenoble, mai 2015 (https://issuu.com/guillaume-cretin/docs/la_pierre_massive)

MASSOT Manon, Réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse, ENSA Paris Val de Seine, 2019 (https://issuu.com/manon-massot/docs/memoire-manonmassot)

Druelle Nicolas, Favoriser l’approvisionnement en pierres locales, Institut supérieur de recherche et de formation aux métiers de la pierre, 2016 (http://www.pierreseche.fr/abps/wp-content/uploads/M%C3%A9moire-final-Nicolas-Druelle-1.pdf)

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Annexes Questionnaire en ligne sur la pierre réalisé sur 74 personnes du 18 au 24 mars

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3 (4,2 %)

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Entretien avec Thibaut Barrault - 17 avril 2020 Retranscription à partir de notes personnelles 1) Quel est votre parcours ? Contexte : comment et pourquoi vous avez souhaité développer l’usage de la pierre ?

La découverte de la pierre s’est réellement faite grâce au projet, avant celui-ci, nous n’avions pas d’intérêt particulier pour la pierre… Bien sûr, pour nous la pierre ramenait à la notion du patrimoine qui est, ma foi, fort intéressante mais elle ne nous évoquait rien de plus. Pour nous, la pierre se résumait au patrimoine et au passé.

Pour le projet de logements sociaux rue Oberkampf, on a commencé à s’intéresser à la pierre dès le début de la construction pour le bilan carbone et non d’abord pour son identité. On trouvait même que c’était « ringard » de construire en pierre !

Notre démarche initiale ne s’insère pas dans une continuité historique, bien que le projet en porte les marques. La recherche était véritablement environnementale et pour le bilan carbone. Pour nous, la pierre n’est pas une question de patrimoine mais une question de ressource.

D’ailleurs, la question du matériau est très importante pour l’agence d’architecture.

Chaque projet est l’occasion de tester de nouvelles solutions structurelles et énergétiques. On est souvent à la recherche d’une sorte de rationalisme, vérité du matériau.

Pour la pierre, il a été intéressant de pouvoir suivre toute la démarche, de voir toute la chaîne du matériau en amont : son extraction, sa découpe, la rencontre avec toute la chaîne est très importante !

La question du recyclage ne s’est pas forcément posée dans le processus mais bien évidemment ; la pierre peut être changée, remplacée, entretenue… Le problème, c’est qu’on ne peut pas vraiment la réutiliser puisqu’il y a un enduit.

2) Vous me parlez d’extraction et d’écologie mais j’ai lu dans un article que la pierre que vous aviez utilisée venait de Charente…

Oui, tout à fait. Alors, déjà il n’y a pas de pierres dans Paris ; enfin, pas qui ne soient utilisées en construction (juste pour goudron, grava..) ni en île de France. Elles viennent de l’Oise et de l’Aisne. Pour le projet, on a fait un appel d’offres à différentes carrières dans l’Oise. Malheureusement on ne s’est pas entendu avec les carriers les plus proches : soit parce qu’ils n’avaient pas assez d’expérience (on n’y croyait pas), soit parce qu’ils étaient trop chers. Nous avons donc choisi l’entreprise Bonnel spécialiste de la découpe de pierre, qui est très professionnelle. Elle se situe près d’Angers, hors si les pierres venaient de l’Est ça faisait de très long trajet de transport pour le matériau. Bonnel a donc proposé de prendre des pierres venant de Charente… C’est déjà pas mal d’avoir des pierres qui viennent de quelques centaines de kilomètres quand beaucoup de chantiers en importent d’autres pays voir parfois même d’autres continents.

3) Est-ce que la représentation de la pierre par les personnes (matériau cher, compliqué…) vous a bloquée dans le projet ?

Alors, bien sûr, oui, il y a eu des réflexions et des blocages par rapport à ça mais cela paraît normal. En effet, la pierre est un peu plus chère que les autres matériaux :

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elle représente + 15% du coût total pour le gros œuvre ( qui correspond à 50 % de la construction). Cependant, aujourd’hui on ne peut plus voir la construction que sous le prisme de son coût ! C’est plus cher certes, mais du côté environnemental c’est mieux !

De plus, le projet a été porté par un bailleur social RIVP et non une agence immobilière. Quand l’agence immobilière veut vendre ses biens le plus vite possible, le bailleur, lui, garde son bien et en est responsable (entretien). Donc, le maître d’ouvrage avait tout intérêt à ce que le projet soit de qualité ! De ce fait, la question de la pérennité a aussi été abordée ; cependant, il n’y a pas que la pierre qui est pérenne.

Certains bétons le sont tout autant !

4) Quelle image avez-vous voulu donner à votre bâtiment ? Quelle identité visuelle du bâtiment ?

Même si l’identité du bâtiment n’a pas été la clef d’entrée, elle a été importante dans le processus de fabrication du projet. D’abord, le terme identité est très large et il peut tout et rien dire. Mais, on s’est vite rendu compte, avec la pierre, qu’on pouvait être moderne tout en conservant une continuité historique. On s’est alors intéressé aux prémisses des logements haussmanniens quand il n’y avait pas encore tous les ornements et fioritures autour des fenêtres. Dans notre projet, l’ornement se fait par le vide et le creusement à l’inverse du 19e siècle, où c’était par le surplus de matière et l’ajout. La pierre de linteau est alors taillée en biais pour mettre en valeur l’ouverture. Les colonnes sont aussi creusées et biaisées, on ne sait plus alors ce qui est de la colonne ou ce qui est de l’ouverture.

Le but était surtout de ne pas faire quelque chose d’extravagant ou imposant. D’ailleurs, plusieurs de mes amis m’ont déjà dit être passés rue Oberkampf sans voir le bâtiment. Ce qui signifie qu’il s’insère bien dans le tissu urbain. La rue Oberkampf est une rue très importante et empruntée à Paris, raison de plus pour y faire un bâtiment « silencieux ».

5) Est-ce que ce choix de matériau est corrélé avec le programme de votre projet ou celui-ci s’est fait indépendamment ? Si ça avait été des bureaux par exemple ou un musée ? La pierre est choisie au vu du site et/ou du programme ?

Si ça avait été des bureaux, le traitement de la façade aurait probablement été le même car l’intention est environnementale avant tout. D’ailleurs avec ce projet, on a reçu beaucoup de demande d’entretiens justement qui rangeait le projet dans une forme d’architecture identitaire ou régionalisme moderne. L’agence se bat contre toute nostalgie qui dirait qu’avant c’était mieux et que la pierre, c’est plus beau.

Le discours qui soutient une forme de tout « solutionnisme » ne nous convient pas du tout. C’est-à-dire de dire qu’un matériau est la solution à tous les problèmes comme Gilles Perraudin peut le faire. Pour nous, la richesse est de chercher à faire coexister différents matériaux : le béton, le bois, l’acier, la pierre, la terre, l’argile…

Tout dépend des ressources présentes sur place. Nous voulons à tout prix éviter la querelle qui oppose béton et pierre comme après la guerre.

6) Qu’est-ce que le choix de la pierre a changé pour vous dans la conception et la construction de ce bâtiment ?

Nous avons prêté plus d’attention au choix des partenaires techniques. En effet,

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l’agence essaye depuis quelques années de travailler en co-création avec les ingénieurs. Nous travaillions avec le bureau d’études des frères Mouly (Laurent et Grégoire) spécialisé dans les questions écologiques. Notre but est de les intégrer dans la conception et de ne pas séparer la construction, la thermique ou la descente de charges avec la conception. Nous essayons de travailler ensemble et d’anoblir le côté technique de la construction. Un peu à l’image des bâtisseurs de la 2e moitié du 19e siècle : Violet le Duc, Anatole de Baudot…

7) Pour finir, est-ce que vous avez quelques références qui vous ont guidées dans ce projet ?

Oui, évidemment énormément de références nous ont aidées. Peut-être, pour tout l’aspect creusement de notre bâtiment et le travail autour des ouvertures, le livre d’Édouard Albert : « construire avec le vide ». Sinon, évidemment les travaux de Fernand Pouillon sont d’une grande inspiration. Et aussi Gilles Perraudin qui a su démontrer le potentiel de la pierre. Un de ces projets qui nous a bluffés est bien sûr les logements sociaux à Cornebarrieu (Toulouse). Il nous a prouvé que c’était possible de faire du social avec un matériau qui paraît « noble ». Sans son exemple, peut être que nous n’aurions jamais osé faire du logement social en pierre.

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