numéro 27

Page 26

Dossier | L’école dans 10 ans...

L'ambition des uns fait-elle la réussite des autres ? « Annoncé par le ministre à l'issue des États généraux de la sécurité à l'École, le programme Clair (collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite) est expérimenté dès la rentrée 2010. il concerne les établissements concentrant le plus de difficultés en matière de climat scolaire et de violence. Le programme Clair sera étendu à la rentrée 2011, dans le cadre d'un examen de la cohérence des géographies prioritaires existantes, en liaison avec la politique de la ville. » Ainsi commence la circulaire n° 2010-096 du 7-7-2010 paru au Bo n° 29 du 22 juillet 2010*.

Ce programme Clair a déjà fait l'objet de réactions diverses, notamment celle de la FTE http://www.associationozp.net/spip.php?article8758. Le tract diffusé en juin est lisible sur le site de la CNT éducation cntf.org/fte/article.php3?id_article=2913

C

ette circulaire s'approprie un vocabulaire et des mesures élaborées depuis des décennies au fil des initiatives prises pour faire face à la massification de l'enseignement, pour « mener à la réussite un ensemble d’élèves qui ne sont pas socialement dotés des propriétés qui laissent attendre une réussite à l’école » pour reprendre une formulation de Françoise Lorcerie1. Beaucoup des dispositions préconisées aujourd'hui dans le projet de Chatel existent dans les ZEP qui sont en cours de suppression, mais à la logique de l'éducation prioritaire est substituée une logique répressive. Les termes « ambition, réussite, et innovation », hérités des réflexions menées sous Allègre et Lang ne sont que des leurres. Dans le programme Clair, qui n'est qu'un dispositif contre le conflit et l'absentéisme, nulle ambition au sens de « désir ardent », pas plus désir des adultes que désir des élèves. Seule transparaît l'ambition des enseignants qui veulent devenir calife à la place du calife.

Clair et ZEP

n NuLLAM METuS, donec dignissim, lorem vitae aliquam scelerisque

26

Le programme Clair préconise des « innovations » dans les champs de la pédagogie, de la vie scolaire et des ressources humaines. Pour la pédagogie, il n'y a... rien en dehors du rappel de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école de 2005. Notons que les innovations jusqu'à présent émanaient des praticiens qui les proposaient au ministère; aujourd'hui c'est le ministère qui sollicite les innovations... pour les réduire (au sens culinaire) dans son moule. Rien qu'un quotidien de base dont la teinte est obscurcie par le volet « action en faveur de la sécurité des établissements » En effet le principal partenaire extérieur mentionné dans la circulaire est la police.

N’AUTRE école, n° 27, automne 2010

Le recours aux forces de l'ordre qui a longtemps été vécu comme impensable par les enseignants et est encore pour beaucoup considéré comme un terrible échec, est maintenant banalisé, encouragé. L'enseignement « prioritaire » est désormais « prioritaire pour l'intervention des Équipes Mobiles de Sécurité » Pour la vie scolaire, entre autres points, les innovations « s'inspirent d'expériences relatives à des temps d'accueil collectifs ou individualisés des élèves, la gestion et l'aménagement des espaces scolaires, etc. ». Cette prescription faite aux équipes se réfère indéniablement aux pratiques des ZEP et plus anciennement à celles des établissements expérimentaux soigneusement marginalisés pour les rares qui existent, consciencieusement démontés pour le grand nombre qui a fonctionné dans les années 80. L'innovation la plus remarquable date des collèges de Jésuites: c'est la réanimation du « préfet des études ». Inutile de s'étendre sur la connotation archaïque et répressive du terme. Quant à la fonction, les CPE, les professeurs principaux, les adjoints de direction seront ravis de voir leur rôle supervisé par ce nouveau personnel (un préfet par niveau) et tous les enseignants se réjouiront de savoir ce qu'ils doivent faire grâce aux directives de ces nouveaux membres de l'équipe de direction qui « pourront bénéficier de la nouvelle indemnité pour fonction d'intérêt collectif... »; la division et la confusion des taches entre différentes personnes est, dans les stratégies d'entreprise une manière de renforcer les contrôles, de stimuler la productivité, d'épuiser les salariés mis en concurrence. Par ailleurs, une telle fonction ne semble possible que dans des établissements à effectif réduit (que fera un préfet pour 12 sixièmes?)


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.