LES SABLES MAGAZINE N°20

Page 39

(< 70 mĂštres) de l’agglomĂ©ration chaumoise dont il constituait en quelque sorte l’extension. Et, d’autre part, proximitĂ© aussi par la maniĂšre de vivre : en ces lieux on y comptait alors que des pĂȘcheurs. La duretĂ© du mĂ©tier rapprochait ces hommes de mer, mettant en exergue ce que disait Saint-ExupĂ©ry : « La grandeur d’un mĂ©tier c’est d’unir les hommes ». Ainsi, beaucoup d’équipages de navires de pĂȘche Ă©taient « mixtes », vivant en bonne intelligence. Dans l’occurrence de naufrages, ils se trouvaient unis dans la mort... Toutefois, il me vient en souvenance une houleuse rĂ©union de marins pour un sujet, par moi oubliĂ©, Ă  la salle de la rue Pierre SĂ©mard, aux Sables (Ă  l’emplacement de l’actuel parking). Pour je ne sais quelle raison, un dĂ©saccord entre marins sablais et chaumois Ă©tait survenu. Un de ces derniers, rĂ©pondant au surnom de Niquette se lĂšve et lance Ă  la cantonade : « La Chaume est un mur et restera un mur ». Tel autre, un Sablais, bien sĂ»r, rĂ©plique « Niquette est un con et restera un con ». Grand brouhaha dans la salle ! A une Ă©poque pas si lointaine, rĂ©gnait encore entre les deux citĂ©s, une sociĂ©tĂ© de classe. Pour une Sablaise se marier avec un Chaumois Ă©tait en quelque sorte dĂ©choir. En exemple Ă  cela, Madame Henriette Dubernet, l’épouse de ClĂ©ment Dubernet - le pĂšre de l’Olonnois et aussi peintre de talent – m’avait fait une confidence. Quand elle, Henriette, une fille Tessier, une Sablaise, annonça Ă  ses copines, qu’elle allait Ă©pouser ClĂ©ment, toutes s’exclamĂšrent. « Comment, tu vas te marier avec un Chaumois ! » et ses amies d’essayer de l’en dissuader. Nonobstant, Henriette Ă©pousa son ClĂ©ment et avait-elle ajoutĂ© drĂŽlement : « Peut-ĂȘtre que mes copines Ă©taient jalouses tout simplement » ! Que de fois, Ă  l’école, aux Sables (le peu de temps oĂč j’y suis allĂ©), j’ai entendu ces sempiternelles et quelque peu Ă©culĂ©es rĂ©flexions : « T’es de la Chaume toi ! T’a qu’à croire ! Ton pĂšre a-t-y un canotte ?! VĂ©ruse ! » Vocables usitĂ©s plus souvent d’ailleurs par les non chaumois que par les indigĂšnes. Au bal, le dimanche, dans les communes environnantes, AvrillĂ©, Talmont, Saint-Martin de Brem, quand dĂ©barquait du car un groupe de Chaumois, dont des marins, ils Ă©taient assimilĂ©s aux Huns (par les autres !). Il est vrai que souvent, parmi les arrivants, se trouvaient quelques Ă©lĂ©ments particuliĂšrement turbulents apportant, aprĂšs moult libations, quelques perturbations. C’était plus, me semble-t-il, un signe de bonne santĂ©, un exutoire Ă  un excĂšs de vitalitĂ© qu’une rĂ©elle animositĂ©. Tous, avec l’ñge, se sont calmĂ©s et d’aucuns, mĂȘme, ont Ă©pousĂ© des pĂ©sines


Il ne peut ĂȘtre niĂ© qu’il rĂšgne Ă  la Chaume un charme indĂ©finissable. C’est la vĂ©ritĂ© vraie ! Et pour parodier l’écrivain Jean Giono « Ici c’est autre chose que loin, c’est ailleurs ». « Les Ă©trangers », qu’ils soient intermittents de l’espace (les estivants) ou les retraitĂ©s ne se sont pas trompĂ©s en venant chez nous (beaucoup le souhaitant ne peuvent le faire en raison du coĂ»t et de la raretĂ© de l’offre). La plupart de ces Ă©lĂ©ments allogĂšnes, depuis un temps, Ă©tablis, se sont imprĂ©gnĂ©s de l’esprit des lieux, le fameux genius locci
 Avec ces arrivages humains extĂ©rieurs, la Chaume n’est plus une rĂ©serve ethnique et l’appellation ancienne de Petit Maroc peut ĂȘtre remplacĂ©e par celle de Petit Paris, ironisent d’aucuns
 On est plus sĂ»r, maintenant Ă  la Chaume, de rencontrer un Parisien en fin de vie, promenant dans les ruelles tortues et pentues, entre « les

maisons closes », son caniche et son arthrose, qu’un autochtone dans la force de l’ñge. Des papottes ? Il n’y en a pas, il n’y en a plus et il peut ĂȘtre dit : A la Chaume, cimetiĂšres 3, maternitĂ© 0 (je le concĂšde, il n’y en a jamais eu !)
 Il me vient des accents gaulliens pour m’exclamer : Vive La Chaume ! La Chaume dĂ©figurĂ©e ! La Chaume martyrisĂ©e ! La Chaume dĂ©naturĂ©e, certes, mais enfin la Chaume !
 Dans les propos ci-dessus il ne faut pas voir chauvinisme ou, tout au plus, un zeste de chauvinisme de bon aloi
 Quant Ă  l’animositĂ© entre les communautĂ©s chaumoises et sablaises, eh bien, le combat cessa faute de combattants !

Roland Mornet

37 | LES SABLES MAGAZINE N°20


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.
LES SABLES MAGAZINE N°20 by 5rXobdlLrFp - Issuu