emonter dans la bouche. Mais, comme chaque fois que son ulcère piquait une crise, Mac Fair connut alors un moment rare de lucidité. La crise du Golfe avait surpris tout le monde. Enfin, presque. Pas ce fouineur de Costello, avec un pied perpétuellement posé du côté d’Israël. Si, comme il l’affirmait à présent, la machine devait s’emballer de nouveau, le prix à payer pouvait s’avérer très cher. Soyons pragmatiques, Costello, et essayons de récapituler, d’accord ? Une réunion au sommet des services secrets arabes devrait avoir lieu, d’après vous, dans une ville déterminée de l’Arabie Saoudite. Admettons. Mais sur quels arguments vous basez-vous pour conclure que la conséquence de cette réunion pourrait mettre en danger le régime, ce qui pourrait impliquer l’éviction de notre pays de cette partie du monde? N’est-ce pas aller trop vite en besogne ? Depuis que Costello le connaissait, Mac Fair n’était jamais parvenu à saisir avec la finesse souhaitée les subtilités de la mentalité orientale. Il s’agissait d'un monde tout en nuances, où chaque mot et chaque geste possédaient une signification particulière. La difficulté consistait à les interpréter selon les principes de l’éthique et de l’histoire de la civilisation musulmane. Une sinécure, surtout pour des esprits formés à la logique occidentale. Il ne fallait surtout pas mélanger les genres. C’était une sorte de jeu d'échecs dans lequel lui, Andy Costello, excellait. Comme vous le savez, Monsieur le Conseiller, le régime du roi Fahd est perpétuellement vacillant. Il vacille parce qu’il n’a jamais reposé sur l’assentiment et l’allégeance de la communauté arabe dans son entier. Ses détracteurs sont légion. Et n’oubliez surtout pas que La Mecque et Medine attirent des éléments perturbateurs parmi la foule des pèlerins. “Il est évident que le roi d’Arabie craint comme les sept plaies d'Egypte l’influence de ses prétendus “frères”. Mais que peut-il entreprendre contre la volonté populaire ? Comment pourrait-il s’opposer à des millions de fidèles, surexcités qu'ils seraient par une éclatante action contre les ennemis d’hier et de toujours, les juifs et les "roumis” ?” Mais de quelle action parlez-vous, Costello ? Pour le moment, il n'y a pas de guerre, que je sache ! Non. c’est vrai. Il n'y a pas de guerre. D’ailleurs, peut- être qu’il n’y en aura jamais. Soyons clairs, Costello. Vous êtes venu me trouver pour m’entretenir d'une affaire de la plus haute importance. Quel est l'essentiel de votre scénario ? Andy était fatigué de discuter. Ils avançaient à petits pas, et le pragmatisme de Mac Fair l’exaspérait. Il laissa tomber sa main sur l’accoudoir lustré de son fauteuil avec un certain fatalisme, et répondit néanmoins : De la seule victoire qui soit aujourd’hui à leur portée, Monsieur le Conseiller : l’anéantissement de l’Etat d’Israël. Comme ça. D’une chiquenaude. “Si mon hypothèse venait à se confirmer, c’est à dire que si cette réunion qui doit se tenir en Arabie Saoudite aboutissait à l’adoption d’un projet commun pour doter certains pays arabes de l’arme atomique - poursuivit-il sur un ton plus bas - plus d’un milliard de musulmans, pour la plupart sous-