Du rebut à la ressource - Valorisation des déchets dans les villes du Sud

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Du rebut à la ressource : valorisation des déchets dans les villes du Sud

Les déchets et les récupérateurs mis au débat public De façon concomitante à cette évolution de la politique publique, la question des déchets est, depuis le début des années 2000, largement évoquée dans la presse, soit pour signaler la signature de nouveaux contrats de délégation de service aux entreprises privées (1998 pour Nador ; 2000 et 2002 pour Rabat, al Jadida, Kénitra, Meknès ; 2004 pour Casablanca), soit pour détailler les dysfonctionnements de la gestion déléguée, tels que les « points noirs », les grèves, jusqu’au conflit ayant opposé la municipalité de Rabat à Véolia 34 et se concluant par le départ de cette dernière. La « société civile » a aussi contribué à l’émergence d’un débat public : que ce soit les associations de nettoyage des plages, les collectifs militants pro-environnement ou, plus simplement, les habitants de la petite ville de Médiouna se mobilisant contre l’injustice ressentie d’être le déversoir des détritus du Grand Casablanca ou, enfin, les témoignages de plus en plus nombreux émanant de « citoyens » sur les injustices de traitement en fonction des quartiers concernés et de leur composition sociale. Les récupérateurs du secteur informel sont aussi objet d’un débat public médiatisé, ce qu’ils étaient peu auparavant. Des documentaires, blogs 35 et nombreux articles de presse évoquent souvent de façon positive leur activité de délestage des déchets urbains tout en mettant en exergue, avec compassion, leurs mauvaises conditions de vie, de travail et d’habitat, l’emploi des femmes ou des enfants. Par ailleurs, certaines entreprises du secteur formel du recyclage sont aussi intervenues dans les débats et, en particulier, les responsables des deux plus importantes sociétés de fabrication de cartons et papiers (CMPC et GPC 36) : certes, le Maroc offre une très bonne qualité de cartons et papiers, mais la production reste insuffisante pour couvrir la demande. Pour les patrons de ces deux sociétés, il est essentiel de mieux structurer la filière, en commençant par organiser la récupération 37. Ceci explique la prise de position ouverte du patron de GPC en faveur du secteur informel montré dans un film, Profession mikhali 38, qu’il a produit lui-même et qui documente l’activité des récupérateurs. Bienveillant à l’égard des récupérateurs, le film insiste sur leur rôle essentiel dans l’économie du recyclage, sur la nécessité non pas de les « formaliser », mais  34 La presse marocaine a publié de très nombreux articles en ligne sur ce conflit. Voir notamment http://www.yabiladi.com/articles/details/12298/maroc-veolia-renonce-gestion-l-assainissement.html  35 Voir par exemple le blog de « Zero Zbel Experience », créé par un jeune homme militant écologiste ainsi que ses vidéos « Voyage au cœur de la décharge de Médiouna » http://sud. hypotheses.org/1813, ou le film Fille de mikhali, https://www.youtube.com/watch?v=5Qqztuo7tVA (zbel signifie poubelle et, par extension, déchet ; mikhali désigne le récupérateur de déchets).  36 Il s’agit de la Compagnie marocaine des papiers et cartons et de Gharb papier et carton.  37 Nous avons eu un long entretien avec le président-directeur général (PDG) de GPC (entretien le 9 janvier 2015) ; le PDG de CMPC s’est exprimé dans la presse.  38 http://sud.hypotheses.org/1686 98


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