La guerre en Centrafrique à l’ombre du Tchad. Une escalade conflictuelle régionale ?

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La guerre en Centrafrique à l’ombre du Tchad. Une escalade conflictuelle régionale ?

Ces évacuations répondent aux besoins de protection des musulmans d’ascendance tchadienne, attaqués par les miliciens anti-balaka, dans une Centrafrique au bord du massacre de masse. Au-delà de ce motif humanitaire, d’aucuns considèrent ces évacuations comme une opération de communication de N’Djaména, visant à démontrer la capacité d’Idriss Déby à protéger les siens et à défendre les musulmans 32. Succès de protection immédiate, ces évacuations posent toutefois des difficultés dans l’accueil des migrants au Tchad.

2.2. Les « retournés »*, dans des camps sans assistance Comme les réfugiés, les « retournés »* sont accueillis au Tchad dans des camps, mais leur prise en charge humanitaire n’est assurée ni par le gouvernement tchadien ni par les acteurs humanitaires. Les «  retournés  »* sont accueillis dans des camps à la frontière tchado-­centrafricaine (Danamadja, Kobiteye, Maingama, Sido) et à la périphérie de Moundou (Djacko) et de N’Djaména (Gaoui). Comme les réfugiés centrafricains de Goré, de Maro et d’Haraze-Mangueigne, les « retournés »* sont relégués dans des espaces enclavés selon une logique sécuritaire, pour les contrôler et les endiguer (Chauvin, 2015d). S’ajoutent à ces camps une douzaine de villages d’accueil, la plupart situés dans le Mandoul (voir carte 4). Mais si les camps de réfugiés, gérés par les Nations unies et les ONG, sont des « oasis de prospérité » dans un milieu rural pauvre (Chauvin, 2015d), les « retournés »* sont en revanche dépourvus d’assistance. Les Nations unies, intervenues ponctuellement par « devoir moral » et « pour être politiquement correct » 33, « assurent le service minimum », mais ne « répondent pas aux standards humanitaires » 34. De son côté, l’État tchadien n’a versé qu’un quart des fonds promis dans son Plan de réponse global aux ONG nationales chargées des « retournés »* (Association pour le développement économique et social [ADES], Secours catholique et développement [SECADEV] et Croix-Rouge du Tchad). Considérés comme tchadiens, les « retournés »* n’ont pas le statut de réfugiés et ne bénéficient donc pas de la protection et de l’assistance prévues par le droit international. Parallèlement, ils ne sont pas pris en charge par l’État tchadien et rencontrent des difficultés d’accès aux documents d’identité 35 et au foncier. Pourtant, ces migrants ont la double appartenance centrafricaine et tchadienne, attachés à la Centrafrique par leur naissance et leur vécu, et au Tchad par leur histoire et leurs réseaux familiaux, comme le laissent entendre eux-mêmes les « retournés »* rencontrés en juillet 2016. Dans les camps de Sido et de Maingama,  32. Entretien, corps diplomatique, N’Djaména (Tchad), juillet 2016 (E. Chauvin).  33. Entretien, Nations unies, Goré (Tchad), juillet 2016 (E. Chauvin).  34. Entretien, Nations unies, Goré (Tchad), juillet 2016 (E. Chauvin).  35. Même si 15 000 à 20 000 actes de naissance auraient été distribués au moment des élections… (Entretien, Nations unies, Goré [Tchad], juillet 2016, [E. Chauvin]). 72


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