Rapport Annuel de l'AFD - Panorama 2016

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h du matin à Perancak, sur l’île de Bali. On est à deux heures de route de la capitale, Denpasar. Un vaste bâtiment blanc émerge des cocotiers, flanqué de plusieurs antennes radar. À l’intérieur, dans de grandes salles lumineuses à l’ambiance feutrée, une dizaine de jeunes opérateurs au look décontracté a les yeux fixés sur de grandes mosaïques d’écrans. Chiffres, photos et cartes défilent rapidement… Nous ne sommes ni dans une startup du numérique ni dans une salle des marchés. Le Centre national d’océanographie spatiale indonésien INDESO nous ouvre ses portes.

25 satellites à la manœuvre Andy, 35 ans, y travaille depuis trois ans. Sur l’un de ses écrans, des petits pictogrammes en forme de flèches évoluent lentement : ce sont des bateaux de pêche. On est en mer de Célèbes, à quelque 1 500 kilomètres de là. « Celui-là, explique-t-il en montrant l’un des signaux, c’est un bateau sous pavillon d’un pays voisin. Il est arrêté depuis deux jours à la limite des eaux territoriales. Il est peut-être en panne, mais il est possible qu’il soit là aussi en attente d’une cargaison issue d’un ou plusieurs autres bateaux… On appelle ça un transbordement. Transborder en pleine mer, c’est transférer ses prises sur un autre bateau. C’est formellement interdit parce que ça permet de blanchir ou de faire disparaître des captures vers un autre pays… Alors on garde un œil sur la zone. »

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millions D’INDONÉSIENS DÉPENDENT DE LA PÊCHE ET DE L’AQUACULTURE

17 500 ÎLES COMPOSENT

L’ARCHIPEL INDONÉSIEN

Un œil ? Plutôt une armée de jumelles surpuissantes. Car, tous les jours convergent vers Perancak des données en provenance de 25 satellites : des satellites d’observation océanographique à grande résolution, qui informent sur la température de l’eau, la concentration en plancton, les courants, et dont les Rapport d’activité AFD 2016

informations sont croisées avec celles des bouées in situ ; des satellites optiques, qui permettent de photographier les zones côtières et hauturières avec une résolution très fine ; et encore des satellites radars, outils de pointe à même d’envoyer des imageries précises, de jour comme de nuit, quelle que soit la couverture nuageuse. À ceci s’ajoutent les positionnements GPS des bateaux équipés de balises VMS (Vessel Monitoring System), les signaux radios des émetteurs AIS (Automatic Identification System), obligatoires sur les bateaux de plus de 20 mètres, et le LRIT (Long Range Identification and Tracking), géopositionnement obligatoire des navires de commerce… Une batterie de données. En théorie, le croisement de toutes ces sources permet de savoir ce qui se passe partout et presque en temps réel.

Les ravages de la pêche illégale Avec 7 900 000 kilomètres carrés, l’Indonésie possède l’une des plus vastes zones économiques exclusives du monde (ZEE, espace maritime sur lequel un État exerce des droits souverains). Au cœur du triangle de corail, un puits de biodiversité où les ressources halieutiques sont considérables. Avec 6 millions de tonnes annuelles, le pays est le deuxième producteur mondial de produits de la mer après la Chine. Cinquante millions d’Indonésiens doivent leur subsistance à la pêche et à l’aquaculture. Et le secteur génère chaque année près de 3 milliards de dollars à l’exportation. C’est dire si la bonne gestion des ressources est essentielle. Mais comment surveiller un territoire maritime aussi vaste que l’Europe ? Un archipel de 17 500 îles, situé au carrefour de deux océans, en relation avec les ZEE de six autres pays, pas tous regardants sur le contrôle de la pêche… De la mer de Célèbes à la mer d’Arafura en passant par celle des Moluques, les zones refuges, invisibles des gardes-côtes et des radars traditionnels, sont innombrables. 56


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