Jeunesses sahéliennes : dynamiques d’exclusion, moyens d’insertion

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Revue des pistes opérationnelles existantes

Encadré 34. Rupture des échanges et des équilibres à Birkin-Konni 141 La ville frontalière de Birkin-Konni, située entre le Niger et le Nigeria, est de longue date un lieu d’échange transfrontalier, où se concentrent les commerces. Dans cette ville, la migration est habituellement perçue non pas comme un risque, mais comme une richesse et une source de dynamisme et de prospérité. Elle est source d’échanges et créatrice d’emplois (saisonniers, agricoles, commerçants). Craignant une pénétration des membres du groupe Boko Haram au Niger, les autorités ont fortement restreint les échanges transfrontaliers. Les mesures sécuritaires se sont assortis de l’interdiction de circuler en moto, de cultiver le poivron – culture de rente dans la région - dans certaines zones transfrontalières, voire de pêcher dans la zone du Lac Tchad. Pour cette ville secondaire qui attire de nombreux travailleurs migrants, ces restrictions de mouvement et d’activité, destinées à protéger la population, constituent pourtant un risque social tout aussi grand que la menace de Boko Haram. L’économie et les équilibres sociaux de la ville et de la région, qui reposent sur l’intensité des échanges et sur l’existence de vastes marchés transfrontaliers fournissant un emploi à de nombreux jeunes, sont aujourd’hui mis à mal. Dans la région de Diffa au Niger, plus de 10 000 jeunes auraient perdu leur activité de subsistance des suites de ces mesures. Elles se sont en effet traduites par l’interdiction de certaines cultures et de la pêche dans des terres transfrontalières, la confiscation des moyens de transports (moto). Les ONG présentes sur le terrain 142 témoignent de la précarisation des populations, notamment jeunes, qui les rend d’autant plus réceptives aux discours de propagande de Boko Haram.

Hormis les mobilités saisonnières des commerçants et travailleurs, les crises multiples qui affectent la région ont des conséquences dramatiques sur les mobilités des populations pastorales, mettant en péril leurs équilibres économiques parfois déjà précaires. La période de soudure – moment de l’année le plus éloigné de la saison des pluies, est normalement l’occasion pour les pasteurs de rejoindre les zones humides. C’est le cas de la région du Lac Tchad. En 2015, de nombreuses populations pastorales du Niger et du Tchad ont renoncé à la transhumance annuelle suite aux incursions répétées de Boko Haram dans cette région. Ce dérèglement de leur mobilité a eu deux conséquences principales : l’appauvrissement du cheptel des éleveurs, et la saturation des marchés de bétails dans certaines zones, faisant chuter les prix. L’impact est aussi social, puisque la transhumance est d’habitude le moment favorable aux échanges sociaux comme les mariages. Faute de déplacements, les liens sociaux sont rompus entre groupe. Cette situation précarise d’autant plus des populations déjà affectées par les sécheresses récurrentes et l’insécurité chronique. 143

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OECD, SWAC. (2009), Regional Challenges of West African Migration: African and European Perspectives, West African Studies, OECD Publishing, Paris. http://dx.doi.org/10.1787/9789264056015-en 142 Entretiens avec les ONG Plan Niger, Oxfam et Save the Children à Niamey, novembre 2015 143 Entretien avec Ibrahim Niandou, chef de projet CARE Niger, Niamey, novembre 2015

78 | NOTES TECHNIQUES – N°15 – MARS 2016


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