La régulation des services d'eau et d'assainissement dans les PED

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2. Modèles institutionnels de la régulation

En 2000, le gouvernement du Mali a également signé un contrat de concession pour 20 ans avec l’entreprise nationale EDM (Electricité du Mali), dont le capital a été ouvert à des actionnaires privés (le groupe français SAUR étant l’actionnaire majoritaire). Ce modèle de concession combiné avec la création simultanée d’une agence « indépendante » de régulation, la CREE (Commission de régulation de l’électricité et de l’eau) était l’archétype du modèle de privatisation recommandé par la Banque mondiale à l’époque. Malgré toutes les précautions prises, les conflits entre les deux parties ont rapidement commencé : ces dernières sont entrées dans un cercle vicieux d’accusations réciproques excluant toute possibilité de coopération constructive. La plupart des problèmes tenaient aux termes imprécis des contrats, et notamment d‘erreurs dans les formules tarifaires des services d’électricité. Très vite, les autorités ont constaté les performances insuffisantes du concessionnaire et refusé d’appliquer des augmentations auxquelles l’opérateur avait pourtant droit sur la base d’une stricte application des formules tarifaires. Suite à des réductions tarifaires sans compensation financière, l’opérateur se trouvait dans l’incapacité de financer ses obligations d’investissements, et donc contraint de diminuer considérablement ses investissements, affectant ses performances, et s’attirant ainsi de nouvelles accusations de la part du gouvernement. Sous les auspices de la Banque mondiale, les parties ont essayé, sans succès, de trouver un compromis. Finagestion, le successeur de SAUR International dans le capital, a revendu ses parts en août 2005 à son partenaire IPS-WA, qui en a lui-même revendu une partie à l’État, aboutissant à une renationalisation de facto. Source : Trémolet. (2006a) ; http://www.creemali.net/index.php

Beaucoup d’entreprises privées voient la création d’une agence de régulation comme un risque et non une garantie que les principes de la régulation seront effectivement appliqués. Ainsi, comme le dit Trémolet (2006a) : « Les agences régulatrices indépendantes ayant beaucoup de pouvoir discrétionnaire sont souvent perçues négativement par les opérateurs privés, qui n’y voient plus la garantie d’un régime institutionnel stable et prévisible mais considèrent le régulateur comme un intrus dans le secteur, essayant coûte que coûte d’établir son pouvoir en prenant des mesures punitives contre les opérateurs plutôt qu’essayant d’en soutenir l’essor. Par exemple, au Mali, la CREE a été établie avec tous les attributs d’un régulateur indépendant, avec beaucoup de pouvoir pour les décisions-clés, comme par exemple, pour décider des tarifs. Mais l’indépendance du régulateur n’a pas été vérifiée dans la pratique : certaines décisions ont clairement été influencées par les pouvoirs politiques et sont rentrées en contradiction avec les principes tarifaires établis dans les contrats ». Du côté des pouvoirs publics, beaucoup voient la création d’un organisme de régulation en sus des contrats comme un coût supplémentaire et non

Avril 2010 / La régulation des services d’eau et d’assainissement dans les PED / AFD

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