J’ai été soigné comme un ministre
Par Clément Pierjac
reportaage
Sans doute avezvous remarqué ce trait commun qu’ont les vedettes du show business et les hommes politiques : à quel point ils ont l’air en forme. Teint frais, reposé, épanoui, rides discrètes, regard vif, mais où sont donc passées les traces inévitables que devraient engendrer le stress de l’hyperactivité, la pollution urbaine qui fait la réputation de Paris, le manque de sommeil, et les abus de toutes sortes que permet ou impose le statut d’homme public ? Disparus, invisibles, même sous la lumière crue des flashs de la presse people. Parler d’une question de nature ne serait pas une réponse suffisante. Derrière cette bonne mine et cet air détendu devait se cacher un secret, dont je comptais bien profiter. Pas besoin d’aller loin pour le découvrir. C’est à deux pas des ministères, rue de Sèvres, dans le cadre feutré de l’Espace Yon Ka, que s’opère la métamorphose. Ici, tout est réuni pour procurer au corps et au visage, voire même à l’esprit, de quoi transformer le quidam fatigué et déjà vieillissant que j’étais en ministre dynamique et populaire. Un ministre, oui, mais alors lequel ? CABINES 154 • Juin 2003
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’aurais pu être Ministre de la Ville, pour l’endroit. Au cœur du sixième arrondissement, face au grand jardin du Square Boucicaut. Pour l’entrée lumineuse, son escalier menant vers l’étage, en toute discrétion. Pour l’espace, couvrant 400 m2. Pour les fenêtres, donnant d’un côté sur le square et la façade du célèbre Bon Marché, et de l’autre sur une cour intérieure baignée de lumière. J’aurais pu être Ministre des DomTom, et m’offrir un teint bronzé à l’aide d’une des nombreuses machines ultra-modernes de bronzage artificiel. Elles occupent un tiers de cet espace d’exception. Look futuriste, propreté irréprochable, leur utilisation s’accompagne des conseils et du suivi de professionnels rigoureux. Mais déjà en moi s’éveillait le Ministre du Tourisme. Trois pas sur la droite pour arriver dans un pays imaginaire, aux frontières de la Chine, du Tibet ou de l’Inde. Couleurs pastel, ambiance Zen ou Feng-shui pour utiliser un terme à la mode. Entre bambous finement ciselés sur les murs et boiseries chaudes, s’ouvre l’espace des soins spa, sur fond sonore de musique planante et chant d’oiseaux exotiques. Une fontaine murale laisse s’écouler doucement quelques filets d’eau, tout comme ces lieux qui bientôt feront disparaître ma fatigue. Face à elle, trois fauteuils en teck, où il fait bon déguster une infusion de plantes qui ferait le plaisir du Ministre de l’Agriculture. Son collègue de l’Aménagement du Territoire apprécierait la disposition originale des lieux, efficace et fonctionnelle. M’aurait-on confondu avec le Ministre de la Santé? Côté vestiaire, dans la cabine m’attendent certes un peignoir, une serviette, des chaussons en papier blanc, mais aussi ce qui ressemble à un