Ôshima Nagisa : le film Natsu no imôto et le problème de l'identité d'Okinawa.

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théâtre. Je crois que je me trouvais alors dans une espèce de cercle vicieux » 135. Après la guerre, l’extrême gauche connut un regain de santé qui inquiétait jusqu’au Général MacArthur. Un mouvement de purge anti-communiste eut lieu pendant les années 1940-1950 136. Cependant, ce mouvement prospéra au sein des universités japonaises. Ôshima refusera toujours de s’inscrire dans un parti quel qu’il soit, en l’occurrence le Parti communiste japonais ( 日 本 共 産 党 Nihon kyôsan-tô), trop dogmatique et trop lié au Stalinisme. De fait, bien qu’orienté à l’extrême gauche, il sera autant critiqué par les libéraux que le Parti communiste 137 . En revanche, Ôshima Nagisa intégrera les syndicats étudiants en devenant le vice président du comité autonome de l’université de Kyôto et président de la Fugakuren de Kyôto, division locale de la Zengakuren

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. Ôshima Nagisa commença alors son

affrontement contre l’État Japonais qui deviendra systématique dans son œuvre, puisque pour lui ce n’est plus une figure paternelle. Exemple criant, en 1951, alors que l’empereur Hirohito visitait l’université de Kyôto, les étudiants manifestèrent et brandirent des banderoles : « Renoncez à proclamer de nouveau votre caractère divin ! Bien assez de nos aînés sont déjà morts, par le passé, au nom de cette divinité ! ». On somma les étudiants de dissoudre leur organisation, sans effet 139. A partir des années 1950, la Zengakuren n’aura de cesse que de se politiser et dépassera le Parti communiste sur son propre terrain, notamment en s’évertuant à se débarrasser des communistes trop liés au Parti entre 1953 et 1956, ce qui se traduira par la perdu contrôle de l’organisation par le Parti communiste lors du XXIIème congrès de la Zengakuren 140. Après la figure du père représentée par l’État japonais, Ôshima fait partie de cette jeunesse qui souhaite également s’éloigner du Parti communiste, stalinien. Il est donc peu étonnant d’entendre Ôshima déclarer à

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Louis DANVERS, Charles TATUM JR., op.cit., p. 22. Ces purges anti-communistes eurent lieu dans beaucoup d’entreprises, y compris les grandes compagnies cinématographiques. Par exemple, la Shin-Tôhô (新東宝), filiale de la Tôhô (東宝) fut créée suite à ces purges. 137 Max TESSIER, « Nagisa Oshima ou l’énergie meurtrie du désir », In : Max Tessier, Le cinéma japonais au présent, Paris, Lherminier, 1984, (Collection Cinéma d’aujourd’hui / Dossiers), p. 81. 138 La Zengakuren (全学連), est la contraction du terme Zen Nihon Gakusei Jichikai Sôrengô (全日本学生自治 会総連合) que l’on traduit souvent par Fédération nationale des comités autonomes des étudiants japonais. Au départ, cette organisation d’extrême gauche est sous l’influence directe du Parti communiste japonais, mais rapidement, elle s’en détache pour mener sa propre voie, faite d’incohérences certaines. Créée en 1948 (400 délégués des comités autonomes représentent 138 universités) elle a mené des manifestations violentes contre l’État aux allures de guerre civile. Cf. Bernard BERAUD, La Gauche révolutionnaire au Japon, Paris, Seuil, 1970, (coll. Combats), pp. 43-44. 139 Louis DANVERS, Charles TATUM JR., op.cit., p. 22. 140 Bernard BERAUD, op.cit., pp. 48-50. 136

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