PFE // Mémoire d'un Ailleurs - Habiter la Fin des Terres

Mémoire d’un ailleurs Habiter la fin des terres

Yousra Boujmad - Noura El Bayed Directeur d’études : Marc-Antoine Florin ENSAPBx juin 2022

Mémoire d’un ailleurs Habiter la fin des terres

Yousra Boujmad - Noura El Bayed

Projet de Fin d’Études Sous l’encadrement de Marc-Antoine Florin ENSAPBx juin 2022

Sommaire Préambule 7 I. Horizons d’anticipation 11 La naissance de l’utopie. 12 La genèse de la science-fiction.

14 L’univers de la science-fiction. 17 La science-fiction outil de prospective.

20 La ville vecteur d’anticipation. 24 II. Mémoire du futur 60 III. Au-delà de la porte 68 Condamnés du «meilleurs» des mondes.

70 À la conquête d’un ailleurs. 80 Habiter la Fin des Terres. 92 Épilogue 122 Figures 124 Bibliographie 125 Remerciements 128

Préambule (Con)science-f(r)iction “Comment la science-fiction nous permet d’imaginer notre futur et par conséquent anticiper une nouvelle architecture ?” est le point de départ de notre démarche de réflexion pour notre PFE. Par définition, la science-fiction est un « genre littéraire et cinématographique qui invente des mondes, des sociétés et des êtres situés dans des espaces-temps fictifs (souvent futurs), impliquant des sciences, des technologies et des situations radicalement différentes. »1 La question de l’avenir est toujours au centre des préoccupations des penseurs. Depuis le temps des civilisations les plus anciennes, les Hommes cherchent à connaître et à anticiper leur futur. Au fil des âges, cette réflexion existentielle sur le devenir de l’humanité est traitée par des littéraires, des artistes et des philosophes.

L’anticipation, en tant que genre, s’établit en 1770. Le futur imaginé dans ce cadre est le révélateur des tendances profondes du présent et de l’engagement de l’écrivain. En rêvant d’ailleurs, qu’il soit un pays imaginaire, une utopie ou encore une planète, ce genre permet la critique féroce des réalités présentes, de l’actualité politique, religieuse et philosophique. À mesure que le genre se développe, un nom lui est cherché. En passant par le “roman scientifique” des frères Rosny à la fin du XIXe siècle, au terme de “scientifiction” en 1924 lancé par l’américain Hugo Gernsback, on arrive enfin en 1929 à celui de “science-fiction”.

L’entrée dans l’ère industrielle et des machines au milieu du XIXe siècle, marque un tournant pour ce genre littéraire par son développement et sa transformation. Jules Verne amène dans ce contexte, de la première révolution industrielle, un renouveau au genre. Le lien avec la 1. https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/science-fiction/90596

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technologie et le progrès scientifique devenant l’essence même de la science-fiction, prend de plus en plus d’ampleur au XXe siècle. Les écrivains imaginent alors, à partir des données en leur possession, des récits dans le temps futur, qu’ils le voient radieux ou semé de guerres et de catastrophes, livré au chaos. On pense alors que la science aura réponse à tout et que le progrès ne s’arrêtera jamais.

Dans le monde cinématographique, le cinéma de science-fiction, appelé naguère “cinéma d’anticipation”, est un avatar du cinéma fantastique dont la caractéristique la plus commune est en effet d’anticiper sur un avenir possible, allant de l’utopie à la politique-fiction en passant par le space opera. Le tout premier film de science-fiction est “le Voyage dans la Lune” tourné en 1902 par G. Méliès. Cependant les premières œuvres majeures de ce genre sont les films “Metropolis” et “la Femme sur la Lune” de F. Lang, sortis respectivement en 1927 et 1928.

Dans la même époque, la ville fait son apparition dans les récits de science-fiction en tant qu’élément structurant du récit, dépassant le simple décor anecdotique, et l’espace urbain en tant que miroir de la société qu’il abrite. Il est donc naturel que l’on s’interroge sur la société de demain en passant par une réflexion sur la ville qu’elle occupera.

Si l’architecte construit dans le présent, il doit aussi se poser la question de l’avenir, en s’interrogeant sur le monde où on vivra demain. Réfléchir aux mutations et aux évolutions de la ville est alors capital pour pouvoir répondre aux besoins présents et futurs de la société. En effet, la science-fiction et l’architecture toutes deux s’adaptent à leurs époques. Tout en puisant dans la phénoménologie et la prospective scientifique, elles construisent leur récit à travers l’analyse de la causalité entre des événements et phénomènes divers. Ainsi, en associant l’architecture à la science-fiction, l’imaginaire qui découle de cette fusion devient un moyen de donner à voir un aperçu d’une réalité invisible.

Récit prenant souvent place dans le futur, mais en général narré au passé, la science-fiction repose avant tout sur une supposition : il s’agit de faire varier dans le temps futur l’un des éléments qui composent le temps présent de l’écrivain et du lecteur. La science-fiction prend donc ses racines dans la réalité présente pour la transposer dans le futur. En somme, elle observe le passé pour comprendre le présent, pour imaginer le futur.

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Imag(in)er À l’ère de l’Anthropocène, l’Homme démontre son malaise à trouver sa place dans l’univers entre humain et divinité. À cause d’un progrès démesuré, il devient la principale force de changement sur Terre, surpassant les forces géophysiques, déclenchant un désordre planétaire inédit. In fine, le rythme effréné, le confort infini, l’individualisme corrompu créent par excellence un monde baignant dans l’absurdité, un monde nourri par le ridicule, un monde implorant la déconstruction de ce schéma funeste.

Tel est le monde à repenser. Tel est le monde questionné par notre projet.

Ce dernier a débuté par un travail d’investigation sur l’univers de l’anticipation et ses formes. À travers l’exploration du panorama de la science-fiction littéraire et cinématographique, nous avons tenté de comprendre sa logique et de se positionner, afin d’imaginer notre propre fiction Le scénario qui en résulte a été une base de réflexion pour une architecture d’anticipation. En anticipant l’évolution de notre monde actuel dans un siècle, un monde qui se soumet volontiers aux dérives d’un progrès irréfléchi, nous nous questionnons à travers le projet.

Et si nous jugions avoir atteint le paroxysme du confort ? Et si nous rompions avec le progrès destructeur ? Et si nous nous limitions à nos besoins nécessaires ? Et si nous cessions de vivre frénétiquement ? Et si nous aspirions à une architecture marquée par la mesure ? Autrement dit, à quoi ressemblerait un ailleurs habitable à l’issue d’une réalité dystopique ?

Notre désir d’ailleurs et de différent est exploré à travers un récit fictif. En pensant un mode de vie alternatif, le projet se livre comme un moyen de réflexion vis-à-vis d’un monde qui avance vers la dérive. Une perspective explorée par le biais de regards multiples, favorisant la transdisciplinarité, la recherche et le dialogue.

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I. Horizons d’anticipation

La naissance de l’utopie Souvent associée aux chimères, illusions et rêveries dans l’imaginaire courant, l’utopie est décrite comme conception imaginaire d’un ailleurs idéale et impossible à atteindre. Ce mot a vu le jour avec l’apparition de l’ouvrage de Thomas More en 1516, Utopia. Étymologiquement, du grec ou topos il désigne le non-lieu. Cette vision convoitée d’un ailleurs repose souvent sur le bonheur de la société qui l’habite, il ne s’agirait donc pas d’imaginer un futur meilleur mais espérer un ailleurs présent meilleur où l’on pourrait échapper de la réalité pour gagner le havre du bonheur et de la liberté.

Dans Utopia, Thomas s’inscrit plutôt dans une rationalité utopique, le bonheur n’est aucunement liés au merveilleux ou à la fantaisie, il repose seulement sur la cohérence de cette conception. Il propose alors une image du bonheur qui passe par la moral. Deux concepts contradictoires qui se concilient à l’image de l’union de plusieurs autres contraires, entre individu et communauté, sensibilité et raison, ou encore entre uniformisme et besoin de répondre aux attentes de chacun.

Comme il pourrait être qualifié en terme Kantiens d’« antinomie », il manifeste alors une réconciliation entre tous les contraires. « L’utopie est un terme ambigu tout autant qu’il définit l’ambiguïté. De la sorte, l’utopie incarne aussi bien le non-lieu, le lieu du bien et du bonheur. »1 L’utopie peut se placer dans le futur, comme l’a fait Jules verne, H.G.Wells dans la machine à explorer le temps au XIXe siècle, ou avant eux, Louis-Sébastien Mercier au XVIIIe siècle comme précurseur du voyage dans le temps. Elle peut également prendre forme dans un passé en détournant et en changeant le cours d’une histoire, en imaginant ce qu’elle aurait pu être, c’est ce qu’on appelle uchronie. C’est ainsi que l’utopie arrive à s’associer au XIXe siècle à la sciencefiction et l’uchronie pour imaginer des alternatif à la société de consommation.

1. ATALLAH, Marc, JACCAUD, Frédéric, VALÉRY, Francis, “Souvenirs du futur : les miroirs de la maison d’ailleurs”, Presses Polytechniques Et Universitaires Romandes, 2013, p.15

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Depuis Utopia, matrice de ce nouveau genre littéraire introduit par Thomas More en 1516, nombreux sont les philosophes, théologiens et sociologues occidentaux qui se sont inspirés de ce courant de pensée, ont essayé de se l’accaparer en y intégrant leurs propres ingrédients pour faire passer leurs propres idéologies et convictions, tout en malmenant parfois le patron. Cette ambiguïté instaurée par cette antinomie, est parfaitement illustrée dans l’ouvrage de Thierry Paquot « Utopies et utopistes ». Il témoigne de la richesse de la pensée et du fort intérêt accordé à cette toponymie, en explorant les différentes utopies imaginées par Campanella, Owen, Fourrier, Cabet, Fénelon, Mercier, Morris et bien d’autres. Paquot tente d’exposer tous les paradoxes générés par les différents points de vue et visions entre le pire et le meilleur dans chacune des thématiques distinctement.

Enfin, les utopies sont le reflet d’un mécontentement et contribuent à la dénonciation d’un dysfonctionnement de la société dans laquelle les utopistes vivent. En aspirant à une société qui vit dans le bonheur comme fondement d’un mode de vie meilleur. « L’utopie mérite toute notre attention comme espérance de prise de conscience pour réorienter notre petite planète qui s’affole devant les péripéties vers une direction propice à une plus grande harmonie entre les humains et entre les humains et la nature. »2

2. PAQUOT, Thierry, “Utopies et Utopistes”, Paris : La découverte, 2007, p.17

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La genèse de la science-fiction « Utopie, voyage extraordinaire, récits scientifiques ou imaginaires, science-fiction… les termes ne manquent pas pour définir un mouvement qui englobe une masse d’œuvres que l’on résume, suivant les époques, à quelques éléments saillants, à quelques clichés, à quelques auteurs qui définissent finalement, plus des tendances périodiques qu’un phénomène de création absolu. De fait, ces fictions réunies sous une même étiquette sont pour le moins disparates, étamées dans le temps, dissemblables au niveau de leurs origines. Pourtant, il ne fait aucun doute qu’elles tissent entre elles des rapports soutenus et qu’elles cachent en leur sein une génétique commune. »1 Tout en s’inscrivant dans la continuité d’auteurs antiques qui font appel à la fiction comme outil de démonstration philosophique, Thomas More initie le récit de la fiction comme espace théorique en composant Utopia en 1516. Ce type de récit se perpétue sous différentes formes jusqu’à nos jours.

Les lieux utopiques sont souvent représentés comme étant séparés et isolés du monde par la mer, les montagnes, le ciel ou les remparts, à l’image de l’île d’Utopia de More, le jardin de Rousseau, la Cité du Soleil de Campanella ou encore l’Abbaye de Thélème de Rabelais. Néanmoins, l’utopie n’est ni le lieu du rêve, ni une fantasmagorie. Elle est une représentation d’un idéal social, sa narration se fondant sur la matérialisation textuelle d’une idée.

Les besoins d’ordonner les savoirs, de séparer raison et fois, d’élaborer des architectures mathématiques nous indiquent que l’utopie est potentiellement un objet à la fois littéraire et scientifique. Cet hybride se transforme en un non-lieu du bien par la science avec les pensées audacieuses des philosophes des Lumières au XVIIIe siècle. En effet, ces derniers structurent et hiérarchisent le monde des idées autour de la science et plus précisément, autour du savoir, de la compréhension, de l’ordre, de la raison. Ainsi, la société industrielle se développant, les utopies deviennent plus pragmatiques, l’ailleurs se confond avec le lieu de la réalité.

1. ATALLAH, Marc, JACCAUD, Frédéric, VALÉRY, Francis, “Souvenirs du futur : les miroirs de la maison d’ailleurs”, Presses Polytechniques Et Universitaires Romandes, 2013, p.15 14

À l’aube XIXe siècle, la science et les avancées technologiques impactent durablement tous les aspects de la vie, comme l’agriculture, les moyens de transport, le confort domestique, l’architecture, et bien d’autres. Le positivisme scientifique devient alors une utopie tangible et la littérature opère un changement de valeur inéluctable, avec la science s’instrumentalisant dans l’ailleurs. De ce fait, les utopistes du XIXe siècle n’imaginent plus une société hypothétiquement vertueuse, mais scientifiquement juste. Ceci se traduit à travers la prédominance des personnages scientifiques et l’influence des technologies sur le confort social.

En considérant le progrès comme étant le moyen de consolider les affaires sociales et politiques d’un côté et un nouveau fondement éthique et philosophique de l’autre, les fictions utopiques basculent vers les territoires du futur et de l’ailleurs géographique. De là, la science ne se contente plus d’être un outil technologie dans ce type de récit. Elle évolue en une doctrine universelle, marquant la genèse de l’utopie scientiste. Cette dernière est la preuve que les auteurs « préfèrent représenter des sociétés parallèles qui, par leur mouvement temporel progressif, dénotent leur foi dans le progrès. »2 Tout au long du XIXe siècle, la culture et la littérature sont fortement influencés par la science en général et par la technologie en particulier. Émile Zola, Camille Flammarion, Aîné Rosny, Jules Verne, H.G. Wells, font alors partie de ces nombreux écrivains qui font appel aux données scientifiques modernes au sein de leurs récits. Ainsi, deux univers se rencontrent, la science nourrissant l’imagination et l’imagination nourrissant la science.

La littérature n’échappe pas aux mêmes effets que la technologie a produit sur la société. En effet, la littérature s’approprie le progrès technologique et ses conséquences sur le monde. Par exemple, l’auteur français Jules Verne, à travers Voyages extraordinaires, fait de son roman un outil pédagogique, une œuvre de récréation et un moteur de fascination, en ordonnant les connaissances et faisant découvrir la fiction. Le récit aborde alors l’impossible, l’inconnu, le fascinant. De fait, « les espoirs et les craintes soutenues par les implications scientifiques et fictionnelles sont définitivement unis dans le lieu « utopique » de la littérature. »3 Les écrivains imaginent, à partir des données en leur possession, des récits dans le temps futur, qu’ils le voient radieux ou semé de guerres et de catastrophes, livré au chaos, pensant que la science aura réponse à tout et que le progrès ne s’arrêtera jamais.

2. Op.cit, p.17 3. Op.cit, p. 18 15

Dans ce contexte historique marqué par le croisement d’une part des tendances littéraires, artistiques, culturelles, et d’autre part de la science et de la technologie que naît un nouveau genre littéraire sans nom. En 1928, l’écrivain Maurice Renard, en développant une étude sur ce type de romans, le nomme “roman d’hypothèse”. En 1936, en publiant la première revue proposant des textes de ce genre aux États-Unis, Hugo Gernsback le dénomme “scientifiction”.

Au cours du siècle, le terme fini par se transformer en “science-fiction” au fur et à mesure que les récits se réinventent.

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L’univers de la science-fiction « L’Ailleurs n’est formé qu’en vue de l’Ici et la Fiction est un point de vue original sur le Réel. »1 Le terme “fiction” vient du latin fingere, signifiant “façonner” ou encore “inventer”. Renvoyant au récit fictif et au monde de l’imaginaire, la fiction se présente comme un aperçu sur la réalité de nos sociétés. Elle est un outil d’analyse critique et subjective du monde réel, servant de base pour le monde fictif imaginé. Selon le philosophe Paul Ricœur, l’expérience proposée par le récit fictif est une « manière virtuelle d’habiter le monde que projette l’œuvre littéraire en vertu de son pouvoir d’auto-transcendance. »2 La science-fiction est une forme d’expression subtile dont les éléments la composant comme les lieux, les êtres, la « quincaillerie » peuvent être déconcertants. Ces derniers sont des figures symboliques permettant aux écrivains et aux scénaristes de porter un regard différent sur le monde réel. Elle représente aussi une expression de la mythologie des temps modernes, en s’appuyant sur une dynamique de l’iconoclaste et du factice, lui permettant de questionner la place de l’Homme dans la société contemporaine. Romans, films, bandes-dessinées de sciencefiction sont l’expression des mentalités et de l’inconscient du monde occidental. « Sérieuse, inquiétante, nostalgique ou drôle, derrière ses décors à peine exotiques, la science-fiction parle moins d’ailleurs que de maintenant et moins de l’autre que de nous- mêmes. »3 La science-fiction est également un outil majeur de réflexion sur la place de l’Homme dans l’univers et sur les raisons d’occuper cette place privilégiée. Sous prétexte d’anticiper le futur, elle explore le présent. De ce fait, elle parle par excellence de l’Homme et de la condition humaine, devenu essentiellement technoscientifique et de plus en plus difficile à appréhender.

1. ATALLAH, Marc, JACCAUD, Frédéric, VALÉRY, Francis, “Souvenirs du futur : les miroirs de la maison d’ailleurs”, Presses Polytechniques Et Universitaires Romandes, 2013, p.10 2. RICŒUR, Paul, « Temps et récits II » Seuil, 1984, p.233 3. MANFREDO, Stéphane, “La science-fiction ”, Éditions Le Cavalier Bleu, 2005, p.11

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En posant des questions de l’ordre philosophiques, scientifiques, métaphysiques, elle offre une expérience entre le connu et l’inconnu. Son essence se découvre alors dans son exploration des futurs possibles afin de mieux nous renvoyer à notre humanité. Elle a la capacité « d’explorer ces zones incertaines qui s’étendent entre la science et le mythe, la philosophie et la foi, la connaissance et le rêve. Elle est sur la frontière, telle une vigie, scrutatrice de nos futurs, sans prétendre nécessairement les cerner. Si tout, en elle, relève de l’exploration du réel, si elle se sert des outils de la rationalité scientifique, elle le fait toujours sous le voile, impudique et excitant, de l’imaginaire, livrant à notre émerveillement des univers chatoyants, surprenants, et étrangement reconnaissables. »4 Par définition, la science-fiction est « genre littéraire et cinématographique qui invente des mondes, des sociétés et des êtres situés dans des espaces-temps fictifs (souvent futurs), impliquant des sciences, des technologies et des situations radicalement différentes. »5 Il fait son apparition officielle dans les travaux littéraires des auteurs du XIXe siècle – Marie Shelley, Jules Vernes, H.G Wells – qui témoignent des changements, brutaux et rapides, inquiétants et fascinants, des villes et des campagnes occidentales. Guerre de Sécession, les deux Guerres Mondiales, premiers conflits industriels ravageant des territoires et des populations donnent naissance à des récits fictifs intégrant des thèmes tels que l’eugénisme, la pollution, le transhumanisme, l’apparition de l’informatique. La Guerre Froide quant à elle introduit dans les œuvres de science-fiction des questionnements sur la menace d’une apocalypse nucléaire, la consommation de masse, le contrôle des populations, l’invention de nouveaux moyens de télécommunication, l’émergence de l’écologie. La société contemporaine souffrant de problématiques environnementales, ceux-ci sont exprimés à travers la fiction climatiques ou le solarpunk.

En ce qui concerne le monde cinématographique, le cinéma de science-fiction, appelé avant “cinéma d’anticipation”, est un avatar du cinéma fantastique dont la caractéristique la plus commune est en effet d’anticiper sur un avenir possible, allant de l’utopie à la politique-fiction en passant par le space opera. Le tout premier film de science-fiction est “Le Voyage dans la Lune” tourné en 1902 par Georges Méliès. Cependant les premières œuvres majeures de ce genre sont les films “Metropolis” et “La Femme sur la Lune” de Fitz Lang, sortis respectivement en 1927 et 1928. Dans la même époque, la ville fait son apparition dans les récits de science-fiction en tant qu’élément structurant du récit, dépassant le simple décor anecdotique, et l’espace urbain en tant que miroir de la société qu’il abrite.

4. GYGER Patrick, LEHOUCQ Roland, PIEYRE Clément, BELLAGAMBA Ugo, “Sciences et science-fiction”, La martinière, 2010, p.11 5. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/science-fiction/71469 18

Les fictions conjecturales sont donc des représentations non seulement des espoirs utopiques se cachant derrière les innovations technologiques, mais aussi des exhibitions de leurs conséquences autant positives que négatives. Alimentées par l’imaginaire collectif, elles livrent des tentatives d’imagination et d’anticipation de notre devenir actuel et de notre destin futur.

Enfin, quel que soit le médium emprunté, la science-fiction n’est qu’un prétexte à décrire en toile de fond d’une intrigue romanesque le futur de nos sociétés contemporaines. Utopiques ou dystopiques, les descriptions qu’elle propose, permettant de caricaturer les dérives du présent, sont le résultat des peurs, des espoirs, des avancées technologiques, sociales et culturelles relatives à chaque ère.

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La science-fiction outil de prospective « La science-fiction est un univers plus grand que l’univers connu… Elle invente ce qui a peut-être été, ce qui est sans que nul ne le sache, et ce qui sera ou pourrait être… Elle est avertissement ou prévision, sombre ou éclairante… Elle est le rêve d’une réalité autre et la réalisation des rêves les plus fous… »1 Pierre Versins

Mise en tension anticipation et société Il est indéniable que l’Histoire façonne les sociétés alors même que celles-ci participent à la construction de l’Histoire future. Les différents événements intervenant au cours de l’Histoire influencent considérablement les individus et leurs manières de vivre et d’habiter. Celles-ci se traduisent au travers de la culture. En effet, la culture est à l’image d’un miroir, reflétant les sociétés. Elle participe à leur évolution, en nourrissant les imaginaires créatifs et en stimulant les innovations. La science-fiction, étant un art culturel, elle évolue à son tour en parallèle des avancées techniques et scientifiques. Ainsi, elle est sensible à l’évolution du progrès et la société qui le produit.

L’imaginaire moyen d’exploration des contrées au-delà de l’espace réel, révèle un nombre non négligeable d’éléments permettant la compréhension de la réalité. La science-fiction, étant un art culturel, elle fait appel à l’imaginaire tout en s’inspirant des évolutions sociétales et culturelles de l’humanité vis-à-vis des angoisses et défis environnementaux, sociétaux, politiques, économiques. D’après Alain Musset, «la science-fiction énonce, analyse et décrypte à sa manière les archétypes de nos sociétés contemporaines et les menaces qui pèsent sur elles». Par conséquent, tout univers fictionnel décrit sert à autrui, en développant son imaginaire et en influençant sa vision du monde. Les imaginaires explorés ne sont plus des visions farfelues de l’avenir, mais des propositions possibles dans une certaine mesure aux problématiques et défis contemporains.

1. ATALLAH, Marc, JACCAUD, Frédéric, VALÉRY, Francis, “Souvenirs du futur : les miroirs de la maison d’ailleurs”, Presses Polytechniques Et Universitaires Romandes, 2013, p.5 20

En ce qui concerne l’architecture, elle est à son tour étroitement liée à l’évolution des sociétés. D’une part, elle reflète la société à une époque donnée. D’autre part, en exploitant les connaissances, les évolutions technoscientifiques et en s’imprégnant des évolutions culturelles, des besoins, des mœurs, de nouvelles formes architecturales sont innovées et développées. De ce fait, l’architecture évolue en même temps que la culture et la société.

La science-fiction puisant son inspiration dans la culture produite par la société, elle puise son inspiration dans l’architecture également. Subséquemment, science-fiction et architecture s’inspirent les unes des autres. En effet, si l’architecte construit dans le présent, il doit aussi se poser la question de l’avenir, en s’interrogeant sur le monde de demain. Réfléchir aux mutations et aux évolutions de la ville est capital pour pouvoir répondre aux besoins présents et futurs de la société. En associant l’architecture à la science-fiction, l’imaginaire résultant de cette fusion devient donc un moyen de donner à voir un aperçu d’une réalité invisible.

Mise en tension prospective et science-fiction La question de l’avenir est toujours au centre des préoccupations des penseurs. Depuis le temps des civilisations les plus anciennes, les Hommes cherchent à connaître et à anticiper leur futur. Étant donné que les aléas du monde contemporain sont difficilement prévisibles et quantifiables par des modèles mathématiques, une approche intellectuelle s’est développée. Celle-ci est la prospective. « La prospective est la démarche qui vise d’une manière rationnelle, créative et holistique, à se préparer aujourd’hui à demain. Elle ne consiste pas à prévoir l’avenir mais à élaborer des scénarios possibles sur la base de l’analyse des données disponibles (état des lieux, tendances lourdes, phénomènes d’émergences, changements, ruptures, etc) et de la créativité d’imaginer des futurs possibles. »2 En ce qui concerne la prospective urbaine, celle-ci est une construction mentale, cherchant à représenter objectivement les futurs probables des villes en variant différents paramètres 2. SIMON, Adrien, “De l’anticipation à la science-fiction ou comment porter un autre regard sur l’architecture”, Nancy : Ensa de Nancy, 2020, p.32

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techniques sociaux, culturels, économiques, et en s’appuyant sur des déterminants socioéconomiques, tels que l’évolution de la démographie, de la mobilité, de l’économie, des relations sociales, de la technologie. L’ensemble de ces éléments cités constituent des tendances dites lourdes de l’évolution des sociétés urbaines dans leur contexte national et global. A travers la prospective, ces dernières se traduisent le plus souvent par la représentation de scénarios de développement urbain, allant des images de la ville « souhaitable » à préconiser, aux images de la ville « repoussoir » à éviter. L’objectif est donc de construire une pluralité d’imaginaires futurs de la ville afin d’exposer les cheminements et conditions nécessaires à l’avènement de chaque scénario. Cette pluralité se rapproche considérablement de la diversité des représentations urbaines et sociales retrouvées dans la science-fiction. Dans ce contexte, comme le mentionne Gérard Klein dans “L’an 2000 et ensuite… Les scénarios de l’innacceptable” la science-fiction pourrait être perçue comme la prospective du pauvre ou encore une prospective démocratisée.

En effet, en traitant futurs enjeux de la société contemporaines de manière moins savante que les travaux théoriques de la prospective, et plus intuitive et libre, les romanciers et cinéastes livrent des visions des futurs sociétés urbaines face à la pollution, les bouleversements climatiques, le surpeuplement, l’ultra libéralisme et le pouvoir des firmes internationales, la virtualisation des échanges sociaux, le terrorisme, le clonage, …, plus accessibles à un plus large public. Également, en explorant des mondes imaginaires, les auteurs d’anticipation en général et de science-fiction en particulier témoignent ou dénoncent des situations de la vie quotidienne, livrant des analyses sociologiques. A titre d’exemple, Alain Damasio est un de ces penseur qui font appel à la science-fiction dans ses récits afin de livrer sa propre interprétation du temps présent. Les descriptions détaillées des dysfonctionnements des sociétés, de ses environnements politiques, ainsi que de ses crises environnementales et urbaines sont donc autant d’outils de compréhension des sociétés dépeintes dans les œuvres fictionnelles. De ce fait, la science-fiction peut devenir un moyen d’analyse et de mise en perspective des problèmes auxquels nos sociétés doivent faire face dans le futur.

En faisant appel au concept de “novum” et “distanciation cognitive” ou “estrangement”, développés par l’écrivain Darko Suvin, la science-fiction opère une révolution incontestable visà-vis des certitudes, détournant et retournant les paradigmes familiers. De ce fait, « le discours de la science-fiction devient un discours de la rupture ou, minimalement, de la conjecture : et si (cela était possible), et si (les choses n’étaient pas ce qu’elles semblent être), et si (l’on pensait

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autrement)? Ce principe du questionnement crée un fil conducteur entre les textes, un réseau qui n’est ni thématique ni référentiel, mais qui combine rhétorique et épistémologie. »3 Bien que la science-fiction ne soit ni futurologie ni art divinatoire, sa conceptualisation du futur demeure intéressante. Les mondes futurs ou spéculatifs qu’elle relate sont pertinents étant donné qu’ils sont révélateurs du rapport de la société à son avenir. Ceci représente un point en commun avec la prospective. En effet, les deux notions s’expriment comme une extrapolation du présent et sa projection dans le futur. Ainsi, la science-fiction peut devenir un outil utile à la prospective.

3. BÉRARD, Sylvie, UHL, Magali, “La science-fiction: de la perspective à la prospective”, Les cahiers de la CRSDD, No 08-2012, p.4

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La ville vecteur d’anticipation Les œuvres fictionnelles face aux sociétés : la dystopie La dystopie, issue de l’utopie, se présente comme un genre de science-fiction visant à développer une critique de la société et de son organisation. D’après la chercheuse Natacha Vas Deyres, « l’utopie est dès le départ un genre littéraire qui contient en germe son inverse, […] C’est une critique de la société que l’on appellera quelques siècles plus tard une dystopie. […] C’est une littérature qui va avoir une extraordinaire descendance à partir du XXe siècle. »1 En effet, la dystopie est non seulement un révélateur des défauts et échecs de l’utopie, mais aussi un moyen de relativiser les progrès des sociétés contemporaines. D’après le journaliste et écrivain Ariel Kyrou, « la dystopie ne se raconte pas à priori : elle se constate a posteriori […] Elle sommeille dans l’utopie comme une modalité négative, mais encore hypothétique, de sa confrontation potentielle au réel. »2 Contrairement à l’utopie qui idéalise une situation, la dystopie cherche à anticiper la manière dont elle pourrait être perçue et vécue. Ainsi, dans sa dimension littéraire, elle permet à ses auteurs d’alerter sur les dérives potentielles des régimes politiques présents et des progrès scientifique, culturel, moral. Comme l’affirme Hugues Chabot, « la science-fiction joue donc plus qu’un rôle d’observatoire des temps futurs. Elle est aussi et surtout porteuse des peurs et des désirs du temps présent [..] Ray Braadbury disait que la SF n’avait pas pour but de prédire l’avenir mais de le prévenir. [..] On a même forgé le terme de “dystopie” pour désigner ces très nombreux récits de SF qui dénoncent le caractère délétère et mortifère de sociétés futures non démocratiques ou livrées à un progrès technologique aveugle. »3 1. FALIPOU, Nicolas, “Archi//Fiction: L’architecture à l’aune de la science-fiction”, Bordeaux: Ensap de Bordeaux, 2022, p.56 2. Ariel Kyrou, Dans les imaginaires du futur : entre fins du monde, IA, virus et exploration spatiale, 2020, p.43 3. Hugues Chabot, article « La science-fiction entretient des rapports spéciaux avec l’histoire, les réflexions sur le futur, les sciences et techniques, la littérature, la société. Le point de vue d’un historien des sciences », Cause commune n°6, juillet/aoüt 2018, https://www. causecommune-larevue.fr/la_science_fiction

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De nos jours, un grand nombre de productions de science-fiction choisissent des univers dystopiques pour développer leurs récits. Cette tendance trouve ses origines dans la nature de l’Homme savante, manipulatrice, créatrice et surtout destructrice, en plus des visions scientifiques objectivées prédisant un futur apocalyptique. Ces différents récits traitant de désastres écologiques, de surpeuplement, d’univers aseptisé … sont autant de témoins de réflexions sur l’avenir des sociétés à une époque donnée.

Les villes imaginées « La ville est le lieu de référence. Le lieu de vie, le lieu de l’habitation, le lieu du travail. »4 Passant du hameau au village, elle grandi davantage pour devenir ville. Parfois, elle se transforme en métropole voire mégalopole. Cette dernière est un modèle qui suit une évolution naturelle. Elle est aussi le reflet de la société qui l’a conçue, étant comme le souligne le sociologue canadien Michel Freitag « la matérialisation de l’architectonique politique et idéologique d’une société ». En ce qui concerne la science-fiction, à l’image des sciences sociales, elle cherche à accompagner ou anticiper les transformations de la ville et de ses sociétés urbaines.

De nos jours, par les changements de paradigmes économiques, sociaux, politiques, par la croissance démographique, par la modernisation des industries responsable de la tertiarisation du marché du travail et de l’exode rural, les villes se transforment en mégalopoles. Elles deviennent gigantesques et internationales, mais surtout saturées et inégales. La science-fiction s’en empare alors pour questionner et dénoncer ses vices si nombreux : paupérisation, technocentrisme, communautarisme, ségrégation, criminalité et insécurité, isolement… De ce fait, l’imagerie urbaine et les représentations de la ville livrées relèvent principalement de la dystopie. Cette interprétation négative du monde urbain, peut être nommée “urbanophobie”, mot popularisé par la géographe Joëlle Salomon Cavin dans ses ouvrages, ou encore “urbaphobie” terme développé par les spécialistes en histoire contemporaine Arnaud Baubérot et Florence Bourillon.

4. VENTURA, Emmanuel, “Architecture utopique, Imaginaire ou visionnaire?”, Favre, Lausanne, 2014, p.9

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Les œuvres de science-fiction cherchent à relever les problématiques urbaines et démographiques qui souvent rongent nos villes. Les visions et imaginaires qui en résultent sont souvent des villes « vertigineuses et gigantesques, sans âmes, au sein de laquelle l’individu est broyé, endoctriné, devenu une sorte de rouage de la machine infernale. La ville est l’incarnation même d’un milieu hostile à l’Humanité, un enfer sur Terre au sein duquel règne la loi du plus fort, souvent celle du plus riche. Cette vision, bien que cauchemardesque ou onirique selon les points de vue, est la traduction-même des dynamiques présentes à l’échelle de nos métropoles contemporaines. »5 En général, les auteurs d’anticipation tendent à représenter les villes comme étant des organismes abominables écrasant l’individu et la société, tout en imaginant l’apparition de nouveaux modes de déplacement et de communication. C’est le cas dans Metropolis de Fritz Lang, Brazil de Terry Gilliam, Le cinquième élément de Luc Besson, Blade Runner de Ridley Scott ou encore la cité planète de Coruscant dans Star Wars.

La ville en général et l’architecture en particulier sont donc un de ces nombreux sujets que la science-fiction cherche à traiter au travers de ses récits. Bien que souvent la vision livrée de celleci soit parodique, exagérée, elle est porteuse d’un message fort. L’objectif de ces récits alarmants et effrayants est de réveiller les consciences en dénonçant les erreurs du présent, afin d’essayer de sauver l’avenir. « En fait, l’urbanophobie affichée de la science-fiction n’est peut-être qu’une ruse pour nous inciter à ne pas faire de la ville future un enfer sur Terre. »6

Les villes rêvées « Les représentations de l’utopie, c’est la possibilité de réfléchir sur le réel par une représentation imaginaire. C’est permettre de croire, de confronter une solution idéale au monde réel. »7 La production des imaginaires d’anticipation ne se limite pas aux visions dystopiques. En effet, tout au long de l’histoire, les propositions de villes rêvées ont toujours tenté d’imaginer des réponses aux problématiques de leurs ères. Ces dernières se traduisent au travers d’utopies qui croisent architecture et théories sociales et économiques. L’objectifs de ces récits idéalistes est de produire des images exprimant un nouvel ordre social et proposer de nouveaux modes de vie.

5. FALIPOU, Nicolas, “Archi//Fiction: L’architecture à l’aune de la science-fiction”, Bordeaux: Ensap de Bordeaux, 2022, p.59 6. MUSSET, Alain, “Station Metropolis direction Coruscant : ville, science-fiction et sciences sociales”, Saint-Mammès : Le Bélial’, 2019 7. VENTURA, Emmanuel, “Architecture utopique, Imaginaire ou visionnaire?”, Favre, Lausanne, 2014, p.11 27

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1. La cité idéale italienne, Sforzinda La renaissance italienne a vu naître des villes idéales pour sortir du désordre et l’encombrement des villes médiévales. Elles sont imaginées sur un principe urbanistique commun, qui favorise la géométrie et la symétrie, avec toutes les préoccupations hygiénistes qui vont avec. De ce fait, des villes plus aérés aux larges avenues et rues, et aux jardins étendus et luxueux sont imaginées. « …. Ces cités idéales sont avant tout des modèles de villes, des villes-modèles, débarrassées de toutes les imperfections des agglomérations médiévales et marquant la suprématie des valeurs “moderne” (la perspective, la ratio, l’horizon, la géométrie, le primat de l’individu, l’urbanité..). »8 Sforzinda conçue par l’architecte Antonio di Pietro Averlino (1400 – 1469), connu sous le nom du « Filarete », est nommée d’après le duc de Milan Francesco Sforza à qui il l’offre. Cette ville non construite représente une idéalisation de la Ville de Milan comme réponse à la ville médiévale très encombrée, qui se caractérise par une croissance organique issue d’urbanisme inconscient. C’est une ville concentrique dont le dessin est principalement géométrique. « Elle traduit des soucis de symétrie, de perspective, mais n’exprime en aucun cas le moindre problème social ou politique. »9 Son plan très géométrique et symétrique est conçu par la superposition de deux carrés créant ainsi une étoile à huit branches comprise dans un cercle parfait. À l’extrémité de chaque point extérieur de l’étoile se trouve une tour. Les points intérieurs quant à eux comportent des portes d’accès à la cité et débouchent d’une rue sur deux parmi les seize autres qui convergent vers la grande place centrale en traversant chacune une place du marché, consacrée à certaines marchandises. Elle est composée de trois places exclusivement destinées au Palais du Prince, à la cathédrale ainsi que le marché. S’inscrivant dans un paysage isolé à l’images des autres utopies, elle est bordée sur toute la circonférence par des canaux qui favorisent le transport des marchandises indispensables destinées à ses habitants.

L’intérêt à se plier aux principes géométriques et de rationalité dans le dessin des villes comme une initiation et une des bases à l’introduction dans l’époque moderne. Un plan idéal pour une société idéale. Par conséquent, une ville qui reflète l’image de la société telle est l’idée du Filarete, à l’image de la pensée et idéologie des humanistes de la renaissance du quattrocento (XVe siècle).

8. PAQUOT, Thierry, “Utopies et Utopistes”, Paris : La découverte, 2007, p.72 9. DE MONCAN, Patrice, “ Villes rêvées”, Le mécène, 1998 29

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2. L’utopie, Thomas More Pendant plusieurs siècles, l’idéal prédominant était lié à la religion chrétienne en l’occurrence.

C’est grâce à Thomas More et son écrit « Utopia » en 1516 qu’on a connu une renaissance des idéales rêvées. Il a dès lors été à l’origine de la prolifération de plusieurs essaies utopiques qui se multiplient sous le siècle des Lumières.

Pour imaginer sa ville rêvée, More s’inspire du mythe de l’Atlantide de Platon. Mais à la différence des autres utopies, il place Utopia au cœur d’une île non identifiable géographiquement, d’où le nom u-topos qui lui attribue signifiant ainsi non-lieu. Dans son idéal urbain et social, Thomas More imagine une société communautaire fondée sur les principes d’humanisme catholique et d’égalité. La femme gagne ainsi le droit de travailler et de se cultiver quasiment au même titre que l’homme. Bien que ce principe égalitaire prenne forme, elle conserve un système patriarcal un peu plus souple en l’occurrence pour le divorce qui y est interdit lorsqu’il n’est pas soumis à un consentement mutuel. C’est ainsi que More fait de la famille « l’unité de base de la société idéale. »10 Cette île compte 54 grandes citées, ayant la même forme et configuration. Elles sont imaginées fabuleuses par leurs immensité et beauté et sont séparées entre elles de plus de 54 miles. La principale activité de l’île sont les productions agricoles représentant ainsi l’occupation première des habitants de l’île. Ces terres agricoles se trouvent dans les environs, dans la campagne qui est rationalisée et optimisée à cet effet.

L’accessibilité à Utopia n’est pas si évidente, More imagine une ville dont l’isolement physique entraine un isolement de la population qui y habite. « More imagine un port dont l’entrée et les passes ne seraient connues que des seuls Utopiens ‘si bien qu’un étranger pourrait difficilement pénétrer dans le port à moins qu’un homme du pays ne lui serve de pilote… »11 Afin d’assurer une distribution égalitaire de la richesse, la propriété privée est inexistante comme elle l’a été dans Atlantide de Platon.

10. PAQUOT, Thierry, “Utopies et Utopistes”, Paris : La découverte, 2007, p.54 11. DE MONCAN, Patrice, “ Villes rêvées”, Le mécène, 1998, p.22

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More en décrivant une société différente il critique la société de son temps, l’Angleterre du XVIe siècle qui subit un accroissement démographique considérable, et qui connait plusieurs épisodes épidémiques, un climat de moins en moins rigoureux.

L’œuvre de Thomas more a été à l’origine de plusieurs vocations et utopies. Tommaso Campanella, un parmi tant d’autres, s’est intéressé à ce genre littéraire pour imaginer sa propre vision et décrire le fond de son imagination.

3. L’abbaye de Thélème, Rabelais Peu après la création d’Utopia, une première utopie Française voit le jour, celle de L’abbaye de Thélème. Décrite par Rabelais, elle illustre un mode de vie basé sur l’éducation et la culture afin d’assurer le bonheur de l’humanité et son épanouissement. Son architecture s’ouvre sur le monde extérieur par sa configuration spatiale et demeure dépourvue de muraille contrairement à Utopia de Thomas More et autres utopies. Le bâtiment qui la structure par sa forme hexagone abrite 932 appartements et se tiens sur six étages. Il entoure une cour basse abritant une fontaine à son milieu. L’abbaye comprend aussi divers équipements, à savoir salles de jeu de paume, une écurie, des stades, un théâtre des piscines et un jardin de plaisance.

4. La cité du Soleil, Tomasso Campanella A l’image de cette quête d’un idéale urbain chez Platon et Thomas More, Tommaso Campanella conçoit la cité du soleil entre 1602-1613 (La Citta del Sole). C’est à la période de son incarcération dans une prison à Nantes qu’il imagine et décrit sa ville rêvée dont l’organisation urbaine est en phase avec le modèle économique, ainsi que l’organisation sociale et politique qui la régissent.

Son idée est décrite sous forme de dialogue entre deux voyageurs.

La forme de cette ville rêvée constitue un moyen pour Campanella d’expression des opinions politiques et religieuses ainsi que les idées philosophiques et réformatrices. Une utopie basée sur les principes du communisme, et du socialisme encore plus radical que celui de Thomas More.

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La cité s’organise à l’image d’Utopia, au sein d’une île inconnue mais située cette fois-ci au niveau des mers de la Sonde. Faisant référence au cosmos et du monde astrale par sa forme circulaire et ses sept remparts concentriques qui la protègent, elles portent chacune le nom d’une planète et symbolisent le paradigme social. Les remparts sont construits par la population solidaire et ne se limitent pas uniquement à leur fonction protectrice, mais portent aussi une dimension culturelle et pédagogique: « Remparts qui ont aussi une fonction pédagogique, étant recouverts d’illustrations scientifiques dans le domaine de la nature, des mathématiques, de l’histoire. »12

12. JONAS, Olivier, ”Rêver la ville - Utopies urbaines : de la cité idéale à la ville numérique”

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Les découvertes d’Euclide, d’Archimède, des connaissances sur la médecine sur la géologie sur les espèces vivantes ainsi que les mœurs, lois et origines de chaque peuple sont explicitement dépeintes sur ses murs. Toute cette importance accordée à la culture est dédiée particulièrement à l’enfant. Dès son jeune âge, ce dernier reçoit une éducation tant physique qu’intellectuelle. «… les enfants ont, avant l’âge de dix ans , appris sans fatigue et comme en se jouant les sciences et même l’histoire des sciences. »13 Le cœur de cette enceinte accueil une place centrale dans laquelle se dresse un temple circulaire.

Il est dédié à la réflexion, la prière ainsi que la contemplation.

Les Solariens ne développent pas un égoïsme et une individualité car ils ne sont pas éduqués au sens de la propriété. Leurs mode de vie est fondé sur les principes d’amour pour leur patrie, de partage et de mise en commun. Or, la répartition des biens reste réglée par le magistrat qui veille à une considération du mérite. Cet idéal progressiste est construite alors autour d’une économie collective organisée et une société contrôlée.

5. La Saline royale d’Arc-et-Senans, Claude-Nicolas Le doux, XVIIIe Avec la révolution industrielle et politique, le XVIIIe siècle voit vers ses dernières années de nombreux chantiers d’embellissement et de tentatives « utopiques » concrètes.

La saline royale, réalisée peu avant la révolution industrielle, est l’une des constructions majeurs et phares du XVIIIe siècle. Située sur la commune d’Arc-et-Senans (Doubs), elle est entièrement dédiée au travail et dépourvue de prison. Composée suivant les besoins de ses habitants, elle essaie tant bien que mal de s’intégrer à la nature. Elle offrait, selon Alberto Pérez-Gómez, « un environnement physique où l’homme devait être en mesure de trouver le véritable bonheur.»14 Réalisée par Claude Nicolas Le doux, ce dernier propose deux plans. Le premier avec sa forme carré a fait l’objet de plusieurs questionnements, ce qui l’a mené à effectuer quelques modifications 13. CAMPANELLA, Tommaso, “La cité du Soleil”, 1001 nuits, 2000, p.32 14. Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Cit%C3%A9_id%C3%A9ale#:~:text=D%C3%A9pourvue%20de%20prison%2C%20 articul%C3%A9e%20autour,de%20trouver%20le%20v%C3%A9ritable%20bonheur.%20%C2%BB

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pour enfin en proposer un deuxième. Ce dernier comporte dix immeubles principaux auxquels viennent s’ajouter des dépendances et étables qui s’articulent le long du diamètre du plan ovale de la ville. Un diamètre de près de 450m de longueur. Le plan est structuré afin de survivre aux éventuelles proliférations des feux. Une conception qui met à profit la circulation des vents dominant pour désenfumer au mieux les espaces.

Cette cité réalisée sous Louis XVI n’est construite qu’à moitié peu avant la révolution. Portée par une quête d’un idéal basé sur une approche scientifique dans son dessin architectural, elle reflète le besoin de joindre l’utile au fonctionnel qui prend forme à travers une architecture qui se met au service de ce site industriel. Une cité qui préfigure les cités ouvrières des siècles suivants.

En quittant le siècle des villes rêvées, cette coupure historique de la Révolution française rend possible la concrétisation des expérimentations utopiques socialistes. C’est ainsi que naît le mouvement socialiste avec Robert Owen, Charles Fourrier, Etienne Cabet, et bien d’autres qui arrivent à mettre en action leurs imaginaires de nouveau monde.

6. Le village communautaire, New Harmony, Robert Owen, XIXe Robert Owen (1771-1858) est le promoteur du socialisme utopiste. Très tôt, à ses dix-neuf ans, il est devenu dirigeant d’une des premières filatures de Manchester. Après avoir épousé la fille du propriétaire de la filature du New Lanark en Ecosse, il devient directeur général de l’entreprise en 1800. Il dirige cette entreprise avec engagement en améliorant les procédés techniques et espère y voir proliférer un progrès de la société. Il embellie alors leurs extérieurs en pensant que la propreté et la mise en ordre d’un intérieur d’une propriété privée repose uniquement sur l’éducation, et que « pour faire de ses ouvriers d’honnêtes gens, il fallait d’abord commencer par rendre les conditions extérieures de leur vie confortable »15. L’Homme alors est considéré comme le résultat de son milieu.

Dans la même lignée que New Lanark dans laquelle il acquiert de l’expérience et se forge une vision de la société et du paupérisme, il a souhaité concevoir une communauté coopérative dans laquelle la société vie sans crime, sans pauvreté ni misère. C’est à travers New Harmony; construit 15. PAQUOT, Thierry, “Utopies et Utopistes”, Paris : La découverte, 2007

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en 1825 dans L’Indiana, qu’il a transposé tous les principes de coopérative qu’il souhaitait et qui n’avait pas réussi à mettre en place au Royaume-Uni. Elle est considérée comme la première expérience de ville utopique concrète.

Le plan réalisé par l’architecte Stedman Whitewell s’organise suivent une forme carrée, à dessin symétrique. Elle comporte une manufacture futuriste centralisée, autour de laquelle s’organise un ensemble d’habitations destinées aux personnes mariées en bas, et aux célibataires dans les dortoirs du dernier étage ainsi qu’une communauté religieuse. Cette construction de la ville fait l’impasse sur les composants « nuisibles » de la ville. Elle supprime tout ce qui est de l’ordre des ruelles, des cours ou encore, les avenues. Elle propose aussi un vaste jardin botanique intramuros.

Bien que Owen consacre une grande attention à l’organisation sociale, et éducative ainsi qu’aux aspects techniques, les défaillances dans l’organisation politique et économique sont vite montées à la surface en créant ainsi des problèmes dans la gouvernance et l’autarcie du village.

Cette première expérience a en l’occurrence échoué après deux ans de sa mise en forme.

Même après l’effondrement du socialisme, Robert Owen lutte jusqu’à sa mort à la mise en place des projets de reformes de la société.

7. Le phalanstère, Charles fourrier Imaginé par Charles Fourrier. Le phalanstère est une représentation souhaitée d’une société cohésive dans laquelle 1620 individus vivent dans l’unité et l’harmonie. Ce ‘socialiste criticoutopique’ comme nommé par Karl Marx, essaie de même que Owen, de suivre le modèle socialiste. Cette figure utopique vise à remédier aux problèmes causés par l’industrialisation et aux conséquences de la crise urbaine qui en résulte en proposant une organisation « d’autorégulation communautaire. »16 Impressionné par le modèle du Palais royale à Paris qu’il a pu visiter lors de son séjour à Paris, et qu’il considère comme idéal architectural, Charles Fourier s’inscrit dans le même modèle architectural. Il propose par conséquent un modèle ressemblant, nommé Phalanstère.

16. http://www.charlesfourier.fr/spip.php?article328 qui assure la durabilité du système politique dans cette ville utopique.

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« Son idéal architectural est le Palais-Royal, à Paris, avec ses galeries en bois, son animation permanente, sa curieuse cacophonie, ses rencontres imprévues et son abondance d’objets et de marchandises hétéroclites. »17 Fourrier imagine une ville inspirée du confort du Palais royal, de la praticité inouïe de ces espaces de circulation. Des rues-galeries qui facilitent la circulation et la promenade même dans les conditions météorologiques les plus extrêmes et qui offrent aux promeneurs une diversité de surprises. Ainsi, comme Owen, son idéologie bien socialiste s’intéresse aux différentes classes sociales. Pour lui, il est insensé d’associer le cadre de vie des personnes pauvres à l’insalubrité et l’incommodité de leurs espaces de vies qui leur écrase toute dignité et confort de vie. Il veut leur offrir un cadre de vie digne de ce nom. Même les riches n’arrivent pas à joindre « l’utile à l’agréable, le beau au fonctionnel » comme décrirait Thierry Paquot dans son livre critique Utopie, et Utopistes. Un constat relevé du paradoxe dans lequel vivait la société à cette époque.

Par son architecture ressemblante au Château de Versailles, le Phalanstère regroupe tout un tas d’activités et de programmes indispensables à la vie harmonieuses de 1620 sociétaires de tout âge appelés phalanges. Il y accorde une grande importance au travail dans l’agriculture en spécifique, 17. PAQUOT, Thierry, “Utopies et Utopistes”, Paris : La découverte, 2007, p.80

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ainsi qu’aux arts pour l’expression des humeurs de chacun et aux sciences, considérées comme un facteur important dans l’éducation et à la progression sociétaire. Il classe hommes et femmes en 810 catégories qui correspondent aux différents caractères et passions qui différencient les uns des autres. Dans son traité de l’association domestique agricole Fourier note : « On ménagera dans cette réunion ma plus grande variété possible ; car plus il existera de variété dans les passions et facultés quelconques des sociétaires, plus il sera facile de les harmoniser en peu de temps. » Il identifie ainsi treize passions avec les cinq sens auxquels s’ajoutent, l’amour, l’amitié, l’ambition, le sentiment paternel, l’intrique, le goût du changement, l’instinct grégaire, ainsi que le sens harmonique qui permet d’unifier les douze autres. Il considère la société phalanstérienne comme une société anticapitaliste. Il contre la propriété privée et parle plutôt de propriété individuelle sociétaire où chaque individu peut s’exprimer sur l’organisation de la cité. Un concept médium entre communisme et capitalisme.

Le Palais se compose dans sa configuration spatiale d’un corps central d’habitation de plus de un kilomètre de longueur au milieu duquel se dresse une grande tour. Une sorte de phare qui manœuvre les opérations industrielles qui se tiennent au niveau de la cour d’honneur. Cette dernière prend forme à partir du replie du bâtiment sur lui même par les deux ailes parallèles encourageant ainsi le regroupement et la concentration des activités autour d’un espace contenu

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non couvert. Ces ailes sont réservées aux activités les plus bruyantes et au « caravansérail », abris des caravanes qui transportent les marchandises. Le point fort de ce principe architectural se manifeste par ses grandes rues-galeries afin de favoriser les rencontres et les échanges ainsi que la circulation d’un espace à un autre.

8. Familistère - Jean Baptiste Godin, XIXe Ce concept élaboré par Charles Fourrier fait l’objet de plusieurs tentatives. Entre autres, on peut citer le Phalanstère de Pontcharra, La Colonie de Condé-sur-Vesgre, dans le département des Yvelines ou encore le Familistère de Guise (construit en 1859) qui demeure le plus connu, promu par Jean Baptiste Godin, un des industrielles idéalistes du XIXe siècle. En s’emparant de l’idée de Fourier, il fait de ce lieu de liberté et d’harmonie une idée concrète et réalisable à des fins expérimentales qui se heurtent bien aux réalités de la société en place.

Le familistère est bâti sur une propriété de 18 hectares. Il abrite de nombreux ensembles de bâtiments, à savoir le « Palais social », formé d’un pavillon central encadré par deux autres latéraux, le pavillon Landrecies et le pavillon Cambrai de moins grande élévation destiné principalement à l’habitation. Il comprend aussi plusieurs dépendances situées en majorité à l’arrière et proches des pavillons latéraux du Palais social, entre autres, la nourricière et le Pouponnât, ainsi que les bâtiments des économats, des écoles et un théâtre.

Avec sa sensibilité aux idées fouriéristes, il suit le même schéma pour créer une alternative à la société industrielle et capitaliste de l’époque. Cela se traduit alors par une redistribution des richesses aux ouvriers qui bénéficient d’autant de confort de vie que les bourgeois, voire plus, estimant que c’est eux qui produisent les richesses. C’est ce qu’il appelle « les équivalents de la richesse ».

Cette revalorisation du métier et du travail prend forme à travers cette expérience sociale et spatiale dans laquelle il assure confort et salubrité que les 900 familistères, jadis occupants le lieu, peuvent s’offrir par la coopération. Il répond ainsi avec exigence aux qualités d’hygiène et de lumière. L’entretien y est régulier par les femmes de ménage et la lumière et l’air permettent à tous les coins de respirer grâce aux vastes cours, jardins et promenades qui entourent le bâti. Les

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logements bénéficient en l’occurrence d’une double exposition. Comme Godin n’échappe pas de décrire: « dans le palais social, la lumière doit pénétrer partout avec abondance. » 18 De surcroit la proximité et l’accessibilité à tous les services et équipements collectifs dans un même périmètre d’habitat, soulageait les nombreux familistèriens, habitant le lieu, des fatigues potentiellement engendrées par le transport.

18. DE MONCAN, Patrice, “ Villes rêvées”, Le mécène, 1998, p.61

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À travers les cours intérieurs et coursives, il favorise la rencontre entre toutes les hiérarchies ouvrières, d’un simple manœuvre au cadre en passant par les employés de bureau. En plus de ces composantes architecturales que traduisent cette quête d’égalité et de fraternité, l’aspect éducatif lui est accordé une grande importance dans ce sens là. « Les enfants sont pris en charge par la communauté, depuis la nourricière en passant par l’école, jusqu’au centre d’apprentissage qui marque pour l’enfant une entrée dans la vie productive. » 19 C’est ainsi que la société est préparée à vivre suivant les codes de vie phalanstériens.

Or, cette figure utopique autant appréciée, autant elle n’échappe pas aux critiques, notamment par Emile Zola qui questionne ce modèle et l’assimile à une « prison de verre » dans son roman «Travail» par rapport à son architecture avec toutes ses coursives et cours intérieurs. De plus, le socialisme de Godin est critiqué et quelques fois dénoncé en estimant qu’il prend forme de paternalisme, tentant ainsi d’attirer cette classe ouvrière et de la séduire, pour adhérer à ce système qui l’empêche enfin de s’émanciper et de trouver en effet sa propre liberté.

9. Icara (La capitale des capitales), Etienne Cabet Ayant lu More et pris contact avec Owen qui le marque profondément, Cabet écrit un roman philosophique nommé « Voyages en Icarie » dans lequel il fait preuve d’imagination, à l’instar des utopistes qui le précède et décrit Icara comme ville communiste.

Ayant une importante influence sur le monde ouvrier parisien, par ses deux écrits « Comment je suis communiste » et « Mon credo communiste », Cadet écrit deux autres ouvrages « Histoire populaire de la révolution française 1789-1830 » ainsi que « Le vrai christianisme suivent Jésus Christ » (1846) .

L’heure est à la misère, les populations des villes connaissent une expansion démesurée qui engendre entre autres un cadre de vie et de travail des plus lamentables pour la majorité. Pour Cadet, l’inégalité est la première cause de décadence. C’est pour cela qu’il imagine une société idéale qui se base sur la stricte égalité entre ses membres, et qui bannit la propriété privée.

19. Op.Cit, p.62

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Ce communiste utopique décrit alors une ville circulaire à l’architecture géométrique, structurée par un quadrillage de cours et d’avenues au tracé rectiligne et à l’aspect éclairé et bien propre. Sa rivière passe au centre pour organiser la ville symétriquement. Au cœur de ce plan circulaire, elle se divise en deux pour former une petite île ronde qui abrite une place principale, un palais et une colonne massive sur laquelle se dresse une statue démesurée potentiellement d’Icara, fondateur d’Icarie.

Le diamètre de 15 kilomètres de long est longé de 80 blocs de 170 m chacun, égaux et identiques les uns aux autres. Chaque bloc est la constitution de 16 maisons à l’aspect extérieur identique pour former un seul bâtiment harmonieux, entourant ainsi un centre d’îlot, fleurie et végétalisé par les arbres fruitiers.

Afin de briser cette monotonie de langage architectural d’Icara, « l’aspect le plus frappant de ce monde est son uniformité codifiée et étouffante »20, l’utopisme et l’environnement (non) bâti, Cadet attribue à chacun des 60 quartiers constituant la ville, un nom d’une capitale principale dans le monde. Rome, Paris, Pékin, Londres et plusieurs d’autres dépeintes à travers l’architecture. La ville est saine et subit un entretien régulier de ses rues et ses vides urbains, elle aspire à une pureté de l’air pour vivre sainement et confortablement.

10. La cité industrielle/ cité ouvrière, Tony Garnier Tony Garnier procède à la réalisation du projet utopique de la ville moderne, qui n’a jamais vu le jour, nommé dans un premier temps par son concepteur « la cité idéale », à l’image de la cité idéale de Platon. Antonio Sant’Elia après lui s’approprie ce terme dans sa Città Nuova en 1914. Entièrement conçue en Béton armé et en verre, dans son programme, elle rejette et repousse hors de la ville les activités industrielles qui sont à l’origine de toutes les nuisances polluantes et dégradantes de santé publique. Parée d’une richesse programmatique et d’une multitude d’équipements collectifs à savoir des pôles administratifs, scolaires, hospitaliers, culturels et sportifs, organisés selon le principe de zonage, cependant épargné d’églises et de prisons. « Découpé en zone, standardisé, et dénué d’ornements » 21, cet ensemble d’habitat abrite une société radicalement nouvelle de 35000 habitants. Elle s’inscrit dans un étendu de verdure à proximité d’un fleuve.

20. EATON, Ruth, “Cités idéales - L’utopisme et l’environnement (non) bâti”, Fonds Mercator, 2001, p.136 21. SCHAER, Roland, TOWER SARGENT, Lyman, “Utopies : la quête de la société idéale en occident”, Éditions BNF, 2000, p.311 45

Au centre de la ville on retrouve des grands magasins au sein des grands entrepôts au lieu des petits commerces qui sont bannis, ainsi qu’un marché couvert, des laboratoires de recherche en plus des salles de conférence. Des gymnases et aires de jeux sont aussi ponctuées dans la ville afin de rythmer la vie des citadins et leur assurer une bonne santé corporelle. La mobilité, structure la cité, à travers les réseaux de transports qui dessinent les nombreuses limites et franchissements.

La planification de la cité témoigne d’une forte expression des idéologies et sensibilité de Tony Garnier. Elle décrit bien le fort intérêt qu’il accorde au travail ainsi qu’aux principes égalitaires à travers une nouvelle modernité architecturale distingué par une simplicité de langage et une sobriété sans précédent comme seule contrainte architecturale de la cité. Elle est alors dépourvue de tout ornementations superflues et se caractérise par une unité matérielle et colorimétrique par l’usage du Béton et de la couleur blanche omniprésente et symbolique. Seule la couleur de la nature (jardins, fleurs) sont autorisés à colorer la ville. Tout cela permet de traduire les idéologies et sensibilités de la pensée de Tony Garnier.

On retrouve des échos de cette organisation urbaine par les travaux résultants du mouvement de Bauhaus, et des utopistes du XIXe siècle, notamment dans la disposition en damier, des critères hygiénistes par des ruelles piétonnes climatisés, ainsi qu’une organisation urbanistique qui sépare les rues destinées à la circulation mécanique des autres fonctions.

11. La Cité Radieuse, Le Corbusier, XXe À l’instar de Tony Garnier et du fondateur du mouvement moderniste du Bauhaus, Walter Gropius, Charles Edouard Jeanneret dit Le Corbusier est l’un des auteurs les plus représentatifs des approches utopiques progressistes. Il fait table rase de Paris pour la construction du Plan voisin.

Comme pour les utopistes socialistes du XIXe siècle, la logique de sa réflexion vise le paupérisme engendré par l’industrialisation, et la question du travail qui continue à intéresser ces nombreux architectes. Sa fascination critique du progrès technique, le conduit à imaginer un monde qui adhère à son fonctionnement, sa rationalité et efficacité pour espérer atteindre le bonheur. Le Corbusier distingue alors trois façons de vivre la ville en distinguant le logement de l’espace de

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travail. Il compose la ville en trois strates, le centre ville, la cité jardin, et la zone industrielle en périphérie. Il considère l’homme comme étant urbain, s’il réside et travail au centre ville, suburbain, s’il réside la cité jardin et travail en périphérie, et finalement mixte, s’il vit en cité jardin et travail au centre ville.

De plus, il espère organiser un plan de la cité contemporaine qui accueille 3 000 000 d’habitants.

Une cité qui se distingue par une très grande rigueur géométrique. L’ordre prime, et la ville en échiquier est considérée comme solution unique pour assurer l’ordre dans la ville. Implanté dans un terrain vierge, plats dépourvu d’existant et de particularité géologique estimant qu’un terrain accidenté ne peut être ordonné. « L’architecte est déformé professionnellement. Il s’est pris à aimer le terrain biscornu, prétendant y trouver le secret des solutions originales. L’architecte est dans l’erreur…Le terrain biscornu absorbe toutes les facultés créatrices de l’architecte et épuise son homme. L’œuvre qui en résulte est biscornue, avorton bancal… » 22 22. DE MONCAN, Patrice, “ Villes rêvées”, Le mécène, 1998, p.110

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Il suit aussi le même modèle que ces prédécesseurs du XIXe de construire des blocs en série.

Or à la différence des autres qui considèrent le principe d’architecture urbaine rationnelle, comme solution économique, le Corbusier lui la considère comme facteur de perfection. La ville est harmonique par son langage architectural. Les grattes ciel en verre sont organisés par un tracé ferme et régulier. Ponctués dans le plan et distancés, cette organisation permet une grande aération et une dominance du ciel dans le paysage urbain. Même si l’architecture fait preuve d’une grande minéralité, la relation à la nature n’est pas pour autant négligée, les vides sont courts de jardins, de parc. Quelques blocs supportent des jardins suspendus en terrasses qui accueillent des cafés, restaurants, ainsi que des commerces et salles de spectacles.

Le Corbusier à son tour procède à la séparation des chemins de transport, cette fois-ci caractérisé par sa vitesse de part l’avènement des machines de transport, les voitures, trains, métros, qui les traversent. C’est à travers cette large voie surélevée nommée la « traversée » que les véhicules de grandes vitesses circulent. Elle est dessinée suivant les deux axes Nord-Sud, EstOuest. Comme les chemins de trafic et de circulation. Le fleuve est loin d’être considéré par le Corbusier comme un élément poétique comme il le décrit bien avec ses mots « c’est un chemin de fer sur eau, c’est une gare de marchandise, une gare de triage ». C’est pour cela qu’il préfère l’écarter de son plan en prétextant l’inintérêt de perturber et de défigurer le tracé de la Ville.

Le plan distingue trois types de formes de bâti, distincts: - Les Grattes ciel concentrés autour de la gare au centre et qui accueillent des bureaux, hôtels et peut supporter jusqu’à 600 000 personnes.

- Les immeubles à redents qui entourent les gratte-ciels, et qui regroupent à leurs tours jusqu’à 600 000 habitant - La zone asservie, à la périphérie qui accueille l’aéroport ainsi que des prairies et grandes étendues de verdure. Au-delà un large tissu de cités jardins pouvant supporter plus de 2 000 000 d’habitants.

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12. Le plan Voisin, Le Corbusier, XXe A l’aube d’un Paris haussmannien, assez dense par son bâti qui recouvre jusqu’à 80% de ses terres, Le Corbusier continue à proposer des alternatives. Le plan voisin, inspiré en partie de la ville contemporaine de 3M d’habitants précédemment imaginée, vient décrire une ville dont le bâti ne s’étale que sur 5% de sa superficie, le centre est un quartier d’affaire ponctué par des grattes ciel pouvant contenir entre 20 000 et 40 000 employés chacun. Le 95% restant est consacré aux artères de circulation, aux étendues de verdures, de parcs ainsi qu’aux garages de stationnement.

A travers cette proposition qui ne se cache pas de décrire comme brutale -en prétextant que la vie elle-même est brutale-, Le Corbusier souhaite de montrer comment adapter le centre de la capitale française aux temps modernes et de la préparer aux évolutions inéluctables du monde machiniste auquel les civilisations doivent faire face.

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La contre-utopie (entre deux guerre) 1. Industrialisation des bâtiments Avec la crise économique qu’à connue le monde en 1929 ainsi que les deux guerres mondiales, pendant la première moitié du XXe siècle, les villes européennes ont connu une stagnation considérable. Cependant, après la seconde guerre, vers les années 1920-1930, le mouvement moderne est naît. De fait, des répercussions se manifestent, notamment par rapport à la seconde moitié durant laquelle on assiste à un avènement et une explosion des bâtiments dans les villes du monde, au travers d’une reconstruction massive et rapide notamment en France, Allemagne, Angleterre et aux Pays-Bas. En l’occurrence, en France cet urbanisme sera inspiré principalement de l’urbanisme fonctionnaliste de la Chartes d’Athènes 1933.

Dès 1950, un concours vu le jour lancé par Eugène Claudius Petit. Ce dernier visant la construction de 800 logements, il favorise l’industrialisation des bâtiments, et la logique des grands ensembles. Une vision prétendue universelle des architectes du CIAM, qui répond à cette envie de simplicité, de rationalité par une logique de tours et de barres aussi fonctionnelles que économes, de par l’exigence technique de l’industrialisation du bâtiment. Ce procédé a engendré une accélération de l’urbanité en France qui compte plus de 300 000 logements par ans à partir de 1955.

Ce caractère très fonctionnaliste qui engendre un zoning de la vile en trois fonctions distinctes (habiter, travailler, se divertir, circuler), est remis en cause dans la charte d’Athènes comme à l’intérieur même du mouvement moderne. Cette révision a permis la considération de la poésie dans la ville et dans son architecture. À travers le 10ème et dernier congrès des CIAM en 1959, ce dernier connait alors une rupture par cette prise de conscience et auto-critique de certains du manque d’attention porté à l’environnement. À partir de ce moment, plusieurs autres ont participé à perturber ce mouvement radical. Les premières critiques se font entendre par les situationnistes qui dénoncent la société de consommation ainsi que les réflexions du Mouvement moderne faisant du citoyen, un pion comme un autre dans l’échiquier de la ville. À travers cela, ils dénoncent cette géométrie de ville froide et impersonnelle par sa rationalité et encouragent la construction de situations urbaines.

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2. Contres utopies Une critique encore plus radicale naît avec Archigram et Superstudio. En utilisant un procédé commun de contre utopie, ils imaginent en décrivant avec une certaines précision et abstraction les univers qui expriment toute l’absurdité et les failles de l’architecture moderne et son impacte sur la société. « La contre-utopie est une description, au moyen d’une fiction, d’un univers déshumanisé et totalitaire, dans lequel les rapports sociaux sont dominés par la technologie et la science».23 Archigram est né de l’association des deux mots « architecture » et « télégramme ». Dans son attitude, à travers la science-fiction pop et la BD, Archigram cherche à renouveler l’architecture et l’urbanisme en s’inspirant de l’urbanisme unitaire des situationnistes ainsi que l’urbanisme de Yona Friedman. Ces derniers «placent l’individu au centre du processus de conception de la ville.»24 L’agence Archigram est née de l’association de jeunes architectes britanniques des années 60-70, qui développent ensemble une vision d’une architecture théorique, sans fondations, inspirée principalement par le décor du film Fun Palace de Cedric Price (1960-1961). Leurs projets reflètent les couleurs de la société de consommation, de l’hyper technologie qui ne cesse de se développer. Elle prend une forme éphémère, évolutive et ludique dans un registre combinant l’informatique, le robotisme, les structures gonflables…

Leurs façons de faire s’éloigne du cadre intellectuel stricte, des traités et romans écrits dans un discours sérieux. Ils adoptent l’abstraction afin de renouveler le vocabulaire architectural et de l’enrichir. « Plutôt que de proposer une réponse aux problèmes que connaissent les villes, Archigram cherche à diffuser un rêve affleurant la déraison, l’excès et le jeu. »25, «En raison de manque d’intérêt, demain est annulé. »26

23. Larousse 24. DE MONCAN, Patrice, “ Villes rêvées”, Le mécène, 1998, p.128 25. DE GEUSER, Marie, “L’émancipation de l’architecture”, Art et histoire de l’art, 2013, p.23 26. COOK, Peter, CHALK, Warren, “Archigram The Book”, Circa Press, 2018 53

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En ce qui concerne Superstudio, il s’agit d’un cabinet d’architecture d’avant-garde italien qui est fondé par Adolfo Natalini et Cristiano Toraldo di Francia. Le collectif d’architectes qui mène ce cabinet travaillent ensemble pour étendre la vision architecturale, à travers leur mouvement dit « d’architetura radical ». Ils ont développé des œuvres visionnaires, avec un savoir faire différent en mobilisant des collages, des expériences, des meubles, des histoires, des story-boards... En l’occurrence, la série des collages « The Continuous Monument » est l’une de ces exemples de production parmi tant d’autres.

La pratique du collage a permis à Superstudio d’aborder la question du modernisme et de l’illusion du grandiose qui était encore dominante au milieu des années 1960. « Le monument continu est l’une des pièces les plus controversées du studio et dont l’héritage s’étend d’une manière intemporelle qui est devenue un environnement pur et démocratique, sans fin. C’est ici que l’utopie a été investie de manière controversée pour montrer les dystopies des villes effrayantes du futur.»

XXIe siècle : Vers une nouvelle utopie Dans ce périple de quête d’un monde meilleur on est passé de la vie rationnelle avec More et Campanella au XVIe siècle à l’habitat idéal des éco-villages et unités de travail du XXe siècle, en passant par les contre-utopies qui projettent une vision très alarmante et défaitiste du monde dans lequel on vie.

C’est à la fin des années 1980 que l’utopie semble regagner son souffle en plaçant les questions écologiques au centre des préoccupation et problématiques. Il ne s’agit plus d’imaginer simplement des formes urbaines idéales et parfaites à l’image des cités idéales prônées par les architectes des siècles passées, mais, de reconsidérer la place de l’homme dans le monde. Il devient citoyen dans une nouvelle configuration sociale équitable en harmonie avec son environnement.

Ce changement de paradigme naît avec la prise de conscience écologique menaçant l’homme, la planète, et son écosystème qui a contribué à la redéfinition de l’utopie dans l’architecture et l’urbanisme à l’ère post-moderniste.

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« Parler d’une société qui n’existe pas, c’est aussi une manière de parler, en creux, de la société qui existe, ce pourquoi on dit parfois que l’utopie d’aujourd’hui est la réalité de demain. »27

Ecotopia: utopie positive Le récit utopique écologique vient proposer une alternative plus positive à l’ère des révélations post-apocalyptiques. Luc Schuiten à travers un procédé biomimétique cherche à s’inspirer de la nature et faire comme et avec le vivant.

L’architecte belge à travers le dessin d’un imaginaire cherche à combiner l’architecture et l’urbanisme écologique à la science et à la science-fiction. Une science-fiction optimiste dans laquelle la nature est au centre de l’univers urbain. Il prône alors l’archiborescence de la ville urbaine comme alternative à son obsolescence.

Pris par la conscience d’un monde qui à l’avenir incertain à cause de l’épuisement des ses ressources, il propose d’habiter ces composants de la nature qui ont des potentiels quasi illimités sans pour autant les détruire. «cAujourd’hui, construire c’est d’abord détruire : arbres abattus, terre cuite, pierres taillées, minerais fondus, explique l’architecte. La cité archiborescente, elle, est vivante. Elle se régénère à partir de ses propres déchets. Elle est conçue comme un massif corallien, où tous les systèmes se nourrissent les uns les autres. Elle est plus réaliste que les nouvelles villes comme Dubaï qui est construite sur le pillage des ressources de la planète. »28 À travers son projet Végétal City, il dépeint en trois séquences distinctes mais complémentaires un urbanisme vert. La nature façonne le paysage urbain dans un panorama à composition variable. Une technique qui traduit l’impression de l’infini et attise la curiosité des spectateurs, les mènent à se questionner, et développer leurs propres interprétations.

27. GIUGLARIS, Aude, “La peine, un mal nécessaire pour éviter un mal plus grand? Étude d’une vision utopique de la peine et de la proportion de la sanction”, p.10 28. SCHUITEN, Luc, “Un visionnaire piqué de vert ” [archive], sur Libération.fr, 10 février 2013 58

Synthèse L’effondrement des grands mythes du XIXe et du XXe siècle, celui du progrès social lié au développement industriel et celui de la communauté de biens et de production anéanti avec la chute du Mur de Berlin, la remise en cause des institutions dans les années 70, puis la crise économique des années 80, et enfin la montée d’une prise de conscience écologique à la fin du siècle ont contribué à la redéfinition de l’utopie dans l’architecture et l’urbanisme, comme la presse écrite l’annonce dans le magasine littéraire la « fin des utopies ».

L’utopie semble pourtant réapparaître à la fin des années 1980 à travers l’écologie et les questions posées sur la place de l’homme dans le monde, l’exploitation de l’environnement, et notre évidente capacité à altérer ce qui nous entoure, à détruire l’écosystème. Le développement durable fait son entrée, et avec lui les utopies vertes, déclenchant la résurgence de l’utopie au XXIe siècle.

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II. Mémoire du futur

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Prologue Où va le monde ? Cette question n’a jamais été aussi légitime qu’à l’heure actuelle.

Au fond de mon être pessimiste, j’aurai un soupçon de réponse à cette interrogation qui me taraude l’esprit. Le monde irait-il vers la dérive? Le monde irait-il vers l’autodestruction? Le monde irait-il vers l’extinction?

La fiction s’offre à moi comme un moyen d’échapper à la réalité, d’imaginer le pire pour me consoler qu’il ne serait pas encore tard pour sauver l’humanité. Serait-ce naïf de ma part? La dystopie serait-elle une fatalité?

Quoi qu’il en soit, laissez-moi vous présenter le monde dans lequel je vivrais. Laissez-moi vous présenter ma mémoire du futur.

Dans mes songes, voici l’image de mon univers.

La ville Confronté au mimétisme urbain, je serais partout mais nulle part à la fois. Je rencontrerais une ville qui ne cesserait de se détruire, de se construire, de se reproduire. « Nous y sommes totalement seuls, nous y sommes uniques, épouvantablement uniques. »1 Au milieu de ces verticalités s’érigeant tout en criant la différence, un sentiment d’aliénation s’emparerait de moi. Entre promesse de développement qui tournerait au déferlement urbain, et recherche de lieux désirables qui mènerait vers une course cachée d’imitation, dans cet environnement impersonnel en création, la ville perdrait son âme.

Le travail Mais le devoir au travail m’appellerait.

1. GODARD, Jean-Luc, Alphaville, policier, science-fiction, drame, long-métrage, France, 1965

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Je verrais mon être s’effacer, dans ce monde, rempli de personnels, oh combien impersonnels.

Je naviguerais, pour gagner ma vie en me pliant à un schéma de société qui m’aurait été dicté et violemment imposé. Ne serait-ce pas là perdre de son être, à travers ces strates infinies de désillusions, où l’on me ferait croire que le citoyens incarne l‘image de la société alors qu’il me serait difficile d’assumer mes choix ?

La consommation Je vivrais dans une société libérale où ma liberté bien qu’évasive illusion serait chérie.

Emportée par les vagues dictées par les désirs et les tentations, avancer à contre-courant deviendrait compliqué. Les humains sembleraient avoir été formaté par je ne sais quelle force.

Serait-ce par la globalisation financière ? Bébêtes devenions, soumis devenions.

Exposée de plein fouet aux manipulations, aux publicités, aux propagandes calibrées avec précision, l’algorithme comprendrait-il ce qui se passerait en moi réellement, mieux que je ne le comprendrais moi même?

L’habité Action! La vie quotidienne ne serait plus qu’un spectacle ouvert à tous publics. Tous en scène!

Intimité et singularité seraient devenu un concept étranger à ces humains insouciants qui exposeraient leurs scènes de ménages semblables et impersonnelles. Cherchant à s’adapter au dernier modèle de famille tendance, ils vivraient dans des scènes miroirs mimétiques.

Assujettis à une quête sans répit du confort absolu, les humains dépendraient de plus en plus de leurs gadgets et serviteurs mécaniques connectés. In fine, malgré eux leur statut basculerait de responsables à esclaves.

Assujettis à une quête sans répit du confort absolu, les humains passant à côté des petits plaisirs de la vie, perdraient avec gratitude asservie leurs goûts, leurs sensations, leurs sensibilités.

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L’information Et puis le savoir, ô savoir jadis sacralisé, dorénavant ridiculisé au profit de ces écrans hypnotisants. Monopolisant toute notre attention, hackant nos cerveaux tout en les shootant à la dopamine, nous voilà des junkies des futilités du monde contemporain, partagées à haut débit.

Quant à l’information, sitôt partagée, sitôt réceptionnée, sitôt obsolète. Excessivement accessible, guère crédible.

Le cerveau universel serait perverti déclenchant la guerre de l’abrutissement.

Le virtuel Je me retrouverais pris dans cette toile artificielle de manipulation qui sépare le moi intérieur authentique du monde authentique Petit à petit, je me détacherais de la réalité et j’y existerais déconnectée. Je vivrais à la merci de la technologie. Et le réel demeurerait souvenir d‘un présent possédé .

J’appartiendrais au monde, et le monde à part, par les fils de l’illusion tiendrait. « Qu’est ce que le réel? Quelle est ta définition du réel? »2

Épilogue -Comment m’aventurer dans ce périple incessant où le corps s’engouffre, où le cœur s’endurcit?

-Quelle place pour ma singularité dans un monde empestant l’uniformisation?

-Dans quel univers je me réveillerai demain?

Cet amer avant-goût du futur, me rend affamée d’un monde meilleur.

2. WACHOWSKI, Lana, WACHOWSKI, Lilly, Matrix, science-fiction, action, long-métrage, Australie, États-Unis, 1999 66

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III. Au-delà de la porte

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Condamnés du «meilleurs» des mondes.

Hélas, la réalité, aussi cruelle qu’elle puisse être, finit toujours par nous rattraper. Hélas, un tableau bien âpre se dessine devant mes yeux.

Un siècle plus tard, l’aspect de nos villes telles que nous les connaissons n’est plus qu’un souvenir lointain. L’heure est aux villes mondes qui concentrent les populations terriennes. L’heure est à l’apogée de l’intelligence artificielle. Bordeaux n’y échappe pas.

Face à sa défiance sans répit de Mère Nature, face à sa quête démesurée du progrès, face aux conséquences de son inlassable destruction, l’humain imagine un énième artifice lui permettant de se voiler la face. Dans son enceinte, il y vit dans le déni total, il y vit déconnecté du monde réel. Un défi de taille me direz-vous, quand bien même relevé je vous réponds.

Voilà, il réussit à créer un monde meilleur ou plutôt le « meilleur » des mondes. Néanmoins, le jour où le bug infecte la machine technologique divine, « meilleur » devient un qualificatif subjectif qui ne fait point l’unanimité chez les néo-bordelais. Certains désireux d’échapper au système inhumain dictant les tenants et les aboutissants de leur destinée, saisissent la chance se présentant d’aller à la conquête d’un ailleurs, initiant une aventure existentielle au-delà de la porte.

Laissez-moi vous conter l’histoire d’une de ces villes. Laissez-moi vous conter l’histoire de notre cher bordeaux en l’an 2122.

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ACTE I Pouvoir absolue désiré Anéantissement non assumée Big Data récoltée Big Brother créé Consciences manœuvrées Connaissances dérobées Pauvres âmes désarmées Ignorants du désastre hérité Par les illusions aveuglés Par une force intangible dominés Humains déshumanisés

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ACTE II Dieu s’éclipsant L’Homme se retranchant L’avènement de l’i.a se réalisant Les pires craintes d’une époque révolue se dessinant Les conjectures se concrétisant Le paradis de l’enfer se révélant D’ailleurs abondants abandonnant Prisonniers d’un dedans Dans l’abysse de l’irréel sombrant Dans les méandres infinies du virtuel plongeant Les artifices vendeurs semblant Le vide vainqueur demeurant Héritage d’aïeux arrogants

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ACTE III Le début de la fin s’annonçant L’anomalie salvatrice surprenant Les esprits curieux éveillant Le voile tombant La vérité se dévoilant Dans une ville inanimée Par la technologie empoisonnée Dans une ville affamée Par la technologie rassasiée Humains désorientés De verticalités austères entourés À leur monde originel étrangers L’envers à tâtons exploré L’appel de l’au-delà annoncé La raison de renaissance confirmée

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ACTE IV Avec un monde inhumain rompant La quête d’un renouveau naissant Le temps du périple initiant Rayons de soleil la peau effleurant Douce brise guidant Pas curieux découvrant Souvenirs lointains explorant Terre nourricière rencontrant Houle les cœurs comblant Ciel et mer se confondant Par l’infini regard ébahis révélés Par l’écume des vagues baignés Par les flots de lumière emportés Par les péripéties guidés Désireux d’un exil assumé Plein de volontés hasardées Sur les traces du passé marchant Là où le vivant s’invitant Le réel se reconstruisant La fin des terres atteignant Lieu d’espoir imaginant

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À la conquête d’un ailleurs.

En parcourant les terres girondines, le périple des néo-bordelais rebelles quittant Bordeaupolis ne fait que commencer. Se laissant guider par le hasard, ils découvrent les traces d’une civilisation antérieure. Se laissant guider par le hasard, ils découvrent un horizon autant surprenant que poétique. En sillonnant des écosystèmes ensauvagés vivant paisiblement au gré des saisons, ils se laissent emportés par Mère Nature, éveillant leurs sens si affaiblis, éveillant leurs sensibilités si appauvries.

Loin de leurs bulles artificielles, ils rencontrent cet ailleurs longtemps abandonné.

L’empreinte du temps se fait lire sur les façades des vestiges dressant jadis une barrière entre l’humain et son environnement si anthropisé. Semblable à un une tornade, pendant longtemps, par là où l’humain passe, le déséquilibre suit, le désordre suit, le chaos suit. Cherchant à se

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protéger du monde extérieur où il vit, où il évolue, il provoque consciemment des changements révolutionnaires qui le fragilisent.

Se trouvant au sommet la “scala naturæ”, évoluant au sein d’une idéologie du progrès, s’illusionnant la technologie étant la solution miracle à tous ses problèmes causés, il se permet tout type d’atrocité envers son milieu ; Le ravage de la Terre, l’épuisement de ses ressources, l’exténuation de ses espèces deviennent une conséquence inévitable. Cherchant à contrer une force qui lui est supérieure, une véritable crise de relations au vivant se révèle au fil des siècles de sa quête de domination de la Terre.

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La renaissance, la régénération, la résilience de la faune et de la flore ne sont autres que les témoins de leur force face aux désastres causés par l’Homme. Sa présence questionne la “bonne distance” à établir avec cet écosystème. Ne serait-il pas temps de repenser son rapport au monde qui l’accueille ? Ne serait-il pas temps de créer de nouvelles manières d’habiter ? Ne serait-il pas temps de reconstruire le monde avec toutes ses entités vivantes ? Ne serait-il pas temps d’imaginer un devenir différent ?

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Humains libérés, nature délivrée se retrouvent pour une nouvelle expérience de cohabitation.

Au territoire de la Fin des Terres, les néo-bordelais trouvent refuge.

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La Fin des Terres, une presqu’île enclavée au milieu des eaux entre l’Océan Atlantique et l’estuaire de la Gironde, au sol récent et mouvant, composé de sédiments apportés par les courants marins et aériens.

La Fin des Terres, une résultante d’un enchaînement d’agents météomarins et de paramètres géomorphologiques. Suite au grand affaissement, la cité Noviomagus disparaît dans les profondeurs océaniques. Quant au mouvement du cordon dunaire, il provoque l’ensablement du Vieux Soulac et son engloutissement.

La Fin des Terres, un paysage changeant sculpté par l’action humaine.

Volontairement par la poldérisation des marais les transformant en terres agricoles, ou encore la plantation de pins maritimes pour la fixation du cordon dunaire. Involontairement par l’avancée du trait de côte, la montée des eaux, l’érosion marine et éolienne, autant de phénomènes liés au réchauffement climatique.

En constante évolution, la Fin des Terres trouve sa forme dans un condensé de dynamiques naturelles et de mouvements anthropiques.

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Néanmoins, partagés entre l’instinct de survie et le désir de rivage, les Hommes ont toujours réussi à s’accommoder de ce territoire extrême en y habitant et ce depuis l’époque Gallo-Romaine. La Fin des Terres est perçue comme une île refuge, où l’on se protège de l’océan tout en bénéficiant de ses ressources.

Néanmoins, partagés entre l’instinct de survie et le désir de halte, les Hommes ont en fait un havre, un lieu d’étape, où pèlerins, rois et commerçants venant de Bordeaux se sont toujours arrêtés avant de reprendre leur périple.

Néanmoins, partagés entre l’instinct de survie et le désir d’ailleurs, les Hommes à la quête de dépaysement, l’ont associé aux vacances transformant ce territoire en une échappatoire le temps de la belle époque quand l’insouciance de la bombe atomique régnait, quand les bains de mer, pratiques ludiques et médicales font leur apparition.

La plage s’offre à eux comme un lieu unique d’amusement, où tentes et cabines de toile imposent une nouvelle élégance estivale tout en permettant de s’abriter des composantes ardues de la nature et de contempler sa beauté.

Ces temps paisibles et heureux sont toutefois brusquement perturbés par la guerre. Le décor change alors et des artefacts de béton, point discrets, point éphémères, composant un maillon du Mur de l’Atlantique émergent. Malgré tout, la Fin des Terres a toujours su renaître de ses malheurs.

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Habiter la Fin des Terres.

La fin est révélatrice d’un nouveau début. À l’ère de l’Anthropocène, l’Homme démontre son malaise à trouver sa place dans l’univers entre humain et divinité. À cause d’un progrès démesuré, il devient la principale force de changement sur Terre, surpassant les forces géophysiques, déclenchant un désordre planétaire inédit. In fine, le rythme effréné, le confort infini, l’individualisme corrompu créent par excellence un monde baignant dans l’absurdité, un monde nourri par le ridicule, un monde implorant la déconstruction de ce schéma funeste.

Tel est le monde à repenser.

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À la Fin des Terres, le temps est aux commencements et aux fins.

Les néo-bordelais rebelles initient leur reconstruction si attendue. Loin de la ville de désolation, de la société de surveillance, ils prennent goût à une liberté pure non instrumentalisée. Sans le savoir, face à leur monde, égarés ils étaient, éloignés ils étaient, épuisés ils étaient. Rompant avec le monde de désarroi fondé sur des équations ni fabriquant de beaux paysages, ni racontant une histoire à émouvoir, ils brisent le cycle de la “disparition infatigable” déclenchée par le progrès.

Aux côtés des néobordelais, je découvre peut-être le dessein d’une nouvelle ère naissante.

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Et si nous cessions nos razzias qui dépouillent les ressources de la nature à merci sans remerciements?

Loin de la raison scientifique qui déraisonne, je romps avec le progrès sans fin qui inaugure la disparition de la vie sur Terre.

Loin de la dictature du progrès libérateur, je choisis de vivre en harmonie avec la planète, initiant la fin de la dynamique de l’extinction.

Je me défais de ce sentiment d’impuissance face à la nature qui réveille le despote qui sommeille en moi.

Je profite des ressources qui me sont prodiguées, sans les agresser, sans les violenter Vivant en contact direct avec ces processus naturels, je suis davantage en contact avec moimême.

Je perçois ce son de la nature qui souffle sa présence.

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J’écoute ce clapotis apaisant, qui murmure sa compagnie Baignant au gré des premiers rayons perçant au petit matin l’éther, je m’abandonne en profitant de ce doux paysage frais, humide.

Je m’allège de mes soucis et l’apaisement comble mon être.

Je m’allonge et le temps s’allonge avec moi.

“Une nouvelle primitivité psychique, une nouvelle conscience de l’être et de l’existence, une bonne nouvelle spirituelle” commence à se définir, à se mettre en place, à s’immiscer dans mon quotidien de jour en jour.

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Et si le bonheur de l’humain ne dépendait plus de sa domination totale sur le vivant, mais d’une coexistence pacifique et équilibrée avec lui?

Et si nous cessions d’abuser de la Terre, de la considérer comme une commodité appartenant aux humains uniquement?

Par des pas hasardeux je m’aventure.

Par des pas hésitants, je m’immisce.

Au milieu de ces êtres vivants sauvages peuplant cette masse ensauvagée.

Dans ce lieu rempli de contingents je m’abandonne.

Dans ce lieu incertain mon être vagabond s’adonne.

Et je me permets de vivre au rythme de l’imprévisible, de tolérer les aléas, d’épouser la lenteur.

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Et si nous cessions de demander à ce qui nous détruit sa protection?

Loin du luxe des soins, des protections, des divertissements, des loisirs, j’apprends à maîtriser ma consommation, je trouve une nouvelle voie de vie qui me guérit de l’outillage, de l’orgueil, des envies insatiables.

Loin de l’isolation, devenant un individu agissant, je goûte à l’effort physique, musculaire, sensitif qui donne à la vie sa consistance, sa chair. En faisant bouger mon corps longtemps déshabitué à la peine, il se retrouve réinvesti, reprogrammé.

L’Homme est de l’espace bien qu’il ait tendance à l’oublier au profit d’un “chez soi” protecteur.

Loin des espaces muets, je trouve ma place dans une demeure, “où la vie s’organise pour et par l’épanouissement de chacun”.

Depuis ce lieu d’échange, de rencontre intergénérationnelle, la nature m’apprend à aiguiser mes sens, à aborder le progrès avec

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modération, à me contenter de la technologie nécessaire.

Quant au partage du savoir, il se construit sous une nouvelle lumière et la pédagogie fait partie de la vie quotidienne.

Là où les esprits se rencontrent, chuchotent, papotent, s’expriment, mon existence s’organise avec un sens raisonnable de l’ordre et de la responsabilité Dans une atmosphère très libre mais épanouissante, chacun est absorbé par ses tâches, parfois mystérieuses, mais manifestement passionnantes Vivant en communauté, mon rapport à l’autre se reconstruit, et puis, je trouve le mérite dans le partage inconditionnel, réapprenant les gestes du savoirvivre.

J’entretiens des liens forts avec mon milieu habité. Et d’une certaine manière, une seule et même famille étendue se forme entre moi et les membres de la communauté.

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Et si nous nous rattachions à toutes ces sensations que nous avons longtemps tenté de réprimer? Échoué sur le sable, le temps devient sanctuaire. Il suit son cours et je le laisse faire.

Telles les flammes ardentes, agitées, essoufflées, rien n’est pérenne, ce qui est voué à disparaître avec le temps va disparaître, laissant derrière son empreinte.

Les accidents, le contingent, le mal, l’angoisse, la beauté, l’amour, la haine, les rencontres, la joie, le chagrin, le doute. J’apprends à vivre au rythme de toutes ces choses qui donnent sens à la vie.

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Et si nous nous demandions où nous est il permis d’habiter?

En habitant dans la nature, parfois angoissante, hostile, parfois réconfortante, accueillante, je passe d’un être de la démesure à un être de la mesure.

Je me cache, je me protège.

Je m’adapte au tableau pittoresque sans chercher à le redessiner.

Au milieu des arbres élancés, mon refuge se fait discret. Par sa matérialité donnant corps à mon frugal chez moi, elle fait taire sa voix.

Effleurant l’intrusion Ma présence n’est presque plus indésirable.

La nature, à travers son langage me murmure de vive voix sa gratitude. Je la croise partout mais nulle crainte ne s’installe entre nous. La protection est une entente mutuelle.

Au milieu des autres, je trouve ma place.

Mon intimité s’enlace à celle d’autrui avant de se détacher, de s’extraire, de trouver son autonomie. Et puis, elle se sculpte par la paroi m’enserrant.

Voilà, je préfère loger dans un monde petit qui par sa richesse, ses incidents, ses fluctuations apparaît grand, qu’un monde banal par la technologie rapetissé.

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Et si …? … Et si …?

“Il en faut pour être heureux, vraiment très peu pour être heureux, il faut se satisfaire du nécessaire”.

Des scènes de vie d’une autre nature, des moments simples de vivacité, de plénitude, de pause et de ressourcement physiologique se succèdent au sein d’un lieu à la fois nourri et nourrissant.

L’espace, telle une onomatopée, marque mon esprit.

Son écho ravive ce lieu solitaire qui m’accueille.

Nul doute, loin de ce perpétuel enfermement physique et psychologique, l’espace dénué de toute sophistication prend tout son sens.

En lévitation, je flotte, à cet équilibre je cède.

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Et si nous nous résolvions à ne pas perdre nos âmes?

“L’homme y disait le monde comme dans un large confessionnal”.

En traversant ces éléments frétillant, l’émotion s’éveille en moi par l’intensité du lieu, par sa présence, son incertitude, ou encore par sa timidité.

Là, avec humilité j’apprécie l’ennui, j’observe l’univers, je contemple ses forces, j’accepte mes faiblesses et je me réalise sur un tempo lent.

Je ne me sens plus égarée au milieu des bifurcations inépuisées qui éloignent de moi le monde et le rendent étranger.

Loin de l’espace écrasé, dépourvu de toute poésie, je viens méditer, me ressourcer, je viens pleurer, crier, gémir, enfin, je viens écouter la joie remerciante de ma libération.

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Épilogue À mes yeux, il n’y a nul doute que le monde est au plus mal et son avenir est loin d’être glorieux.

Face à un manque de volonté sincère de changement, la fin révèle déjà son spectre et les effets nocifs de l’Athropocène dévorent ses instigateurs qui préfèrent se voiler la face. Ils frôlent l’apocalypse à cause de leurs œuvres guidées par le progrès et “leur promettant de les sauver des contraintes d’une vie de labeur”.

Aujourd’hui, plus que jamais, afin d’échapper à l’abîme, l’essence de la vie est à chercher loin de ce qui précipite notre affliction, notre précipice, notre perte. Il est grand temps de faire appel au génie humain pour entamer notre réconciliation avec la Terre.

De l’humain, l’Homme admet son impuissance, son imperfection, ses torts.

De l’excès, l’Homme se défait et focalise son attention sur l’essentiel en faisant le choix de la modération de ses besoins et désirs.

De la nature, l’Homme accepte son indomptabilité, la tolère, la célèbre.

De l’architecture, l’Homme conçoit un habité consciencieux, épousant son milieu.

De la lenteur, l’Homme s’accommode et tend vers un nouveau rythme de vie, moins effréné. À l’aube de l’Anthropocène, cette évasion fictive que je me suis permise d’imaginer se présente à moi comme un moment de réflexion, de questionnement sur les maux de notre société contemporaine.

Mon désir d’ailleurs s’est alors imagé. Il a pris corps au travers d’une utopie à la Fin des Terres.

Une utopie qui espère une prise de conscience permettant de réorienter les curseurs de notre monde fragilisé.

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Mon désir d’ailleurs s’est alors imagé. Régi par la fiction, il se permet de pointer les vices de notre société contemporaine, de notre monde altéré, tout en aspirant à bousculer nos habitudes néfastes, désastreuses, maléfiques.

Au fil des discussions, des recherches, mes pensées se sont livrées, se sont construites, en tâtonnant, en doutant. Au travers de l’architecture au sens large du terme, j’ai exploré les ressources qui se présentaient, j’ai débattu avec moi-même, pour tenter d’arriver à un soupçon de réponse. Enfin, en me munissant d’allégories, j’ai retranscrit mes sentiments, mes positions, mes visions.

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Figures • p.26, Fig.0 : Metropolis • p.28, Fig.1: Sforzinda • p.30, Fig.2: Utopia • p.33, Fig.3: La Cité du Soleil • p.36, Fig.4: La Saline Royale • p.38, Fig.5 : New Harmony • p.40, Fig.6: Le phalanstère • p.43, Fig.7: Le Familistère • p.46, Fig.8 : Cité industrielle • p.49, Fig.9: La Cité Radieuse • p.51, Fig.10: Le Plan Voisin • p.54, Fig.11 : A Walking City • p.56, Fig.12: Le Monument Continu

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Bibliographie (Non exhaustive) ATALLAH, Marc, JACCAUD, Frédéric, VALÉRY, Francis, “Souvenirs du futur : les miroirs de la maison d’ailleurs”, Presses Polytechniques Et Universitaires Romandes, 2013 BARJAVEL, René, “Ravage”, Gallimard, 1972 BOURVEN, Guillaume, “Architecture, environnement et science fiction: les enjeux environnementaux dans les villes de science-fiction”, Nantes: Ensa de Nantes, 2018 CALLENBACH, Ernest, “Écotopia : notes personnelles et articles de William Weston”, Paris : Rue de l’échiquier, 2018 CHION, Michel, “Les films de Science Fiction”, Cahier du Cinéma, 2009 DELORME-DUC, François, “La fidélité de l’architecte : ce que peut l’espace ou l’écologie des corps et des dieux”, Paris : Éditions Complicités, 2021 DE MONCAN, Patrice, “ Villes rêvées”, Le mécène, 1998 DICK, Philip K. “Ubik”, 10/18, 1999 EATON, Ruth, “Cités idéales - L’utopisme et l’environnement (non) bâti”, Fonds Mercator, 2001 FALIPOU, Nicolas, “Archi//Fiction: L’architecture à l’aune de la science-fiction”, Bordeaux: Ensap de Bordeaux, 2022 GYGER Patrick, LEHOUCQ Roland, PIEYRE Clément, BELLAGAMBA Ugo, “Sciences et science-fiction”, La martinière, 2010 125

HARARI, Yuval Noah, “ 21 leçons pour le XXIe siècle”, Albin Michel, 2018 HUXLEY, Aldous, “Le meilleur des mondes”, Pocket, 2017 MANFREDO, Stéphane, “La science-fiction ”, Éditions Le Cavalier Bleu, 2005 MORE, Thomas, “L’utopie”, Librio, 2018 MUSSET, Alain, “Station Metropolis direction Coruscant : ville, science-fiction et sciences sociales”, Saint-Mammès : Le Bélial’, 2019 PAQUOT, Thierry, “Utopies et Utopistes”, Paris : La découverte, 2007 ORWELL, George, “1984”, Gallimard, 2021 RICŒUR, Paul, « Temps et récits II » Seuil, 1984 SIMON, Adrien, “De l’anticipation à la science-fiction ou comment porter un autre regard sur l’architecture”, Nancy : Ensa de Nancy, 2020 WELLS, Herbert George, “La machine à explorer le temps”, Gallimard, 2016

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Filmographie (Non exhaustive) BALL, Wes, The Maze Runner, science-fiction, action, long-métrage, États-Unis, 2014 DOREMUS, Drake, Equals, science-fiction, romance, long-métrage, États-Unis, 2015 FINNEGAN, Lorcan, Vivarium, film à énigme, thriller, long-métrage, Irlande / Belgique / Danemark, 2019 GILLIAM, Terry, Brazil, science-fiction, fantasy, long-métrage, Royaume-Uni, 1985 KALOGRIDIS, Laeta, Altered Carbon, science-fiction, long-métrage, États-Unis, 2018 – 2019 LANG, Fritz, Metropolis, science-fiction ; drame, long-métrage, Allemagne, 1927 NICCOL, Andrew, Anon, science-fiction, thriller, long-métrage, Allemagne, 2018 TATI, Jacques, Playtime, comédie, long-métrage, France / Italie, 1967 TRUFFAUT, François, Fahrenheit 451, science-fiction, drame, long-métrage, Royaume-Uni, 1966 VILLENEUVE, Denis, Blade Runner 2049, science-fiction, long-métrage, États-Unis, 2017 WACHOWSKI, Lana, WACHOWSKI, Lilly, Matrix, science-fiction, action, long-métrage, Australie, États-Unis, 1999 WEIR, Peter, The Truman Show, science-fiction, drame, long-métrage, États-Unis, 1998

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Remerciements Nous remercions toutes les personnes qui ont participé de près ou de loin à la construction de ce projet de fin d’études.

Nous remercions tout particulièrement notre directeur d’études Monsieur Marc-Antoine Florin de nous avoir épaulé, soutenu, et encouragé depuis le début de cette aventure. Ses précieux conseils et orientations, nous ont permis de mener à bien notre évasion.

Nous adressons nos vifs remerciements à toute l’équipe de l’atelier maquette, Serge Agoston, Natacha Pelissier et Charles-Henri Poirier, pour leur disponibilité, leur assistance et le partage de leurs riches savoir-faire.

Nous tenons à adresser nos sincères remerciements à toute l’équipe de la médiathèque, Blandine Dubois, François Zenker et François Albot qui nous ont guidé tout au long de nos recherches.

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Remerciements De la part de Yousra À vous, Maman, Papa, pour votre amour, votre soutien quotidien, et toute l’affection qui me comble et me porte chaque jour vers l’avant, pour donner le meilleur de moi-même. À vous mes frères et ma sœur d’être toujours là à l’écoute, à me motiver et à croire en moi. À vous mes amis, pour votre soutien moral tout le long de cette aventure.

Et aussi et évidemment à toi Noura, mon binôme, mon amie, aux côtés de qui ce projet a réussi à s’accomplir, et avec qui le partage de cette expérience n’a été qu’instructif et enrichissant.

De la part de Noura À Papa et Mama, à qui je dois tout, j’adresse ma plus sincère gratitude pour tous leurs sacrifices, leur amour et leur soutien. À mon frère Réda, je suis infiniment reconnaissante pour sa bienveillance sans faille et ses encouragements pendant les moments difficiles. À Yousra, aux côtés de qui j’ai trouvé une amitié solide et profonde qui s’est renforcée à travers ce voyage intellectuel et durant l’accomplissement ensemble de ce travail.

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À l’ère de l’Anthropocène, l’Homme démontre son malaise à trouver sa place dans l’univers entre humain et divinité. À cause d’un progrès démesuré, il devient la principale force de changement sur Terre, surpassant les forces géophysiques, déclenchant un désordre planétaire inédit. In fine, le rythme effréné, le confort infini, l’individualisme corrompu créent par excellence un monde baignant dans l’absurdité, un monde nourri par le ridicule, un monde implorant la déconstruction de ce schéma funeste. La science-fiction s’offre alors comme un outil d’anticipation, nous permettant d’observer le passé, de questionner le présent, d’imaginer le futur.