La nature au Japon, dans l'architecture et dans la cinématographie

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Table des matières Remerciements ............................................................................................................................ 4 Introduction ................................................................................................................................. 5 I.

L’importance des archétypes matériels et immatériels dans la culture japonaise ................. 8 A. La perception du shizen venant de sa position insulaire ............................................................... 12 1.La richesse topographique d’un sansui non organisé ..................................................................... 12 2.Le respect du shizen menant à la notion d’éphémère .................................................................... 14 B. La perception du shizen venant des religions ............................................................................... 15

II.

La représentation du shizen dans l’imaginaire de l’univers cinématographique.................. 18 A. Le shizen et la maison sont toujours liés....................................................................................... 20 B. Le mouvement du shizen accompagne les mouvements, les réflexions et les émotions de l’homme ......................................................................................................................................... 22 C. L’instant présent capturé pour le changement d’espace-temps .................................................... 26 D. Le respect de l’homme face au shizen .......................................................................................... 27

III. Le rapport au shizen dans le quotidien des japonais ............................................................ 29 A. Les relations socio-économiques et spatiales de la ville Yokohama .............................................. 30 1.Le développement de la ville s’appuyant sur l’eau : entre mer et rivière....................................... 33 2.Le respect du shizen par la crainte des désastres naturels ............................................................. 35 3.L’abondance des espaces verts protégés et sa participation au quotidien japonais ...................... 37 B. Un rapport au shizen qui traverse le temps à l’échelle de la maison de la ville. ............................ 42 1.La notion d’éphémère à travers une structure légère et une organisation spatiale. ..................... 45 2.L’évolution du jardin, d’une miniature du sansui dans la maison, à un usage pratique ................. 51 3.Les motifs des éléments décoratifs représentant les éléments archétypaux du sansui ................. 59

Conclusion.................................................................................................................................. 62 Glossaire .................................................................................................................................... 66 Bibliographie .............................................................................................................................. 68 Annexes ..................................................................................................................................... 74

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Remerciements Je tiens tout d’abord à remercier mon premier professeur encadrant de mémoire qui m’a suivi lors de ma première année de Master, Madame Claire Bailly qui a dirigé mon travail malgré la distance due à mon Erasmus au Japon. Je voudrais remercier ma nouvelle enseignante Madame Marie Kenza Bouhaddou qui aura pris le relais en raison du départ de Madame Bailly, ce qui fut difficile aussi bien pour elle que pour moi, en prenant le temps de s’adapter et de reprendre mon travail déjà en cours. Je tiens aussi à remercier d’autres professeurs de l’ENSA Montpellier qui étaient disponibles pour échanger et répondre à mes questionnements sur mon sujet de mémoire. Mes remerciements vont également aux professeurs de l’université de Kanagawa à Yokohama, avec qui j’ai pu discuter sur la vie et l’architecture au Japon, notamment Monsieur Sogabe et Maruyama qui m’ont permis de visiter leur maison, ce qui n’est pas aisé au Japon car la maison représente une sphère privée destinée aux proches. A Monsieur Sogabe particulièrement, qui m’a aidé à communiquer avec les propriétaires d’autres maisons en vue de leur visite. Je remercie l’ensemble de mes amis qui m’ont soutenu par tous les moyens possibles, qui m’ont aidé à traduire et corriger mes écritures en raison de mes difficultés en français, particulièrement et surtout Caroline Pitot, Margot Chelle et Alexandre Parena. Je tiens enfin à remercier les étudiants et mes amis au Japon qui m’ont aidé dans mes recherches documentaires pour mon mémoire, à traduire des conversations et à communiquer avec les habitants.

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Introduction Lorsque je suis arrivée à l’école d’architecture de Montpellier, ma toute première approche architecturale était l’analyse de la maison Farnsworth conçue par Ludwig Mies Van der Rohe, architecte influencé par la culture japonaise et particulièrement son architecture en lien avec la nature. C’est par ce biais que j’ai commencé à m’intéresser à la question de la nature : shizen. C’est aussi le sujet que j’ai choisi de traiter dans ce mémoire de fin d’études.

La maison Farnsworth se situe à Chicago, posée au milieu d’un jardin immense, dotée d’une façade vitrée qui s’ouvre à la nature. J’ai commencé par réfléchir à la question de l’entrée et à la notion de parcours pour en venir au rapport à la nature et à l’environnement. Avec l’analyse je me suis rendu compte que les idées de ce projet s’appuyaient sur l’architecture japonaise traditionnelle qui possède une conception en lien avec la nature. La maison communique avec la nature depuis l’extérieur jusqu’à l’intérieur. De plus en plus, l’architecture japonaise contemporaine et traditionnelle m’attire. M’intéressant alors à leur conception, à l’organisation spatiale minimaliste et surtout au lien étroit de la maison à l’environnement et à la nature. Cependant mes expériences et connaissances ne me permettaient pas d’appréhender la complexité de la conception architecturale japonaise. De ce fait, j’ai décidé de faire des recherches sur la culture japonaise en général, me rendant compte que pour bien comprendre l’architecture, il faut comprendre le contexte dans lequel elle est mise en place.

Pour ces raisons, j’ai effectué un an d’échange au Japon, précisément à Yokohama, située à 20 minutes en train de Tokyo, pour découvrir le pays et sa culture. Avant d’y aller, j’ai eu la possibilité de découvrir la culture japonaise au travers du cinéma, de la peinture et de l’architecture ou simplement en rencontrant des personnes. Dès mon arrivée, mon premier aperçu était le rapport entre l’architecture contemporaine et traditionnelle qui s’inséraient sans hiérarchie. J’ai remarqué plus tard que la tradition reste toujours très présente, non seulement dans l’architecture mais aussi dans les habitudes quotidiennes, comme par exemple se déchausser, changer les chaussures en entrant dans la salle de bain.

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Le rapport à l’environnement s’est confirmé quand je me suis intéressée aux espaces naturels : parcs, jardins, forêts et montagnes abondants. Toutefois, ce qui m’a le plus marqué et ce qui renforce ma décision sur le sujet du mémoire, ce ne sont pas ces grands jardins, mais la petite végétation autour de la maison, situation récurrente au Japon. Arbre seul, arbustes, plantes et fleurs en pots, c’est très rare de voir une maison sans végétation. Je me suis alors fait la réflexion que malgré l’étroitesse de l’espace disponible, la maison japonaise d’aujourd’hui trouve toujours une place pour la nature. Chaque fois en sortant de mon logement, j’étais confrontée à la végétation ; petit à petit j’ai en effet remarqué que la nature est un élément important dans la vie des japonais, représentée dans plusieurs domaines.

Pour ces raisons-là, j’ai décidé de profiter de mon mémoire pour faire une recherche sur le rapport à la nature et la naturalité au Japon dans l’imaginaire et dans le quotidien. Cette problématique soulève plusieurs hypothèses. Le rapport étroit à la nature est mis en place par les éléments archétypaux matériels (montagne, eau, forêt dont la végétation) et immatériels (les ambiances de la nature par son mouvement). Il prend la forme d’un emboitement, développé de façon omniprésente, depuis l’imaginaire culturel au quotidien des japonais. Ce rapport à la nature subit des transformations à la suite de l’évolution du monde. Pour répondre mieux à cette problématique je vais étudier dans un premier temps l’origine et les conséquences du rapport à la nature, afin de mieux comprendre en deuxième partie, comment les japonais désirent la présence de la nature dans l’imaginaire culturel, par l’intermédiaire du monde du cinéma. La troisième partie du mémoire portera sur ce rapport à la nature dans l’imaginaire qui se traduit également dans le quotidien des japonais, au travers d’études architecturales à deux échelles, de la ville jusqu’à la maison – en deux temps traditionnelle et contemporaine. Deux films choisis pour traiter de l’imaginaire culturel sont Rêves et Après la pluie de Akira Kurosawa et de son assistant Takashi Koizumi, deux réalisateurs qui n’entretiennent pas seulement le rapport à la nature mais aussi à la vie traditionnelle japonaise. Pour ce qui est de l’analyse urbaine, mon cas d’étude sera la ville de Yokohama, où j’ai résidé pendant mon année d’Erasmus ; pour les maisons, l’étude se basera sur Yokohama et Tokyo, dont j’ai tiré le plus d’expérience. La ville de Nara viendra apporter une analyse sur la maison traditionnelle marchande de la ville, qui tend à disparaître, donc difficiles à trouver, certaines se trouvant encore protégées et conservées à Nara. 6


Mes analyses s’appuient sur mes expériences pendant cette année d’Erasmus au Japon, réalisées par mes propres observations et prises de notes des entretiens formels avec les japonais, dont les propriétaires des cas d’études, les architectes, les professeurs en architecture et en culture japonaise. Je m’appuie également sur le monde cinématographique, des documents audiovisuels, des expositions ainsi que des ouvrages scientifiques.

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I.

L’importance des archétypes matériels et immatériels dans la culture japonaise

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Dans cette partie je vais expliquer la perception de la nature en exploitant les causes et les conséquences du rapport à la nature au Japon qui donnent naissance aux archétypes matériels et immatériels.

Tout d’abord je m’attelle à expliquer deux termes japonais que je vais utiliser au fil de mon mémoire, puisqu’il n’existe pas d’équivalence exacte en français : les termes de nature et paysage naturel : shizen et sansui. Shizen signifie « la nature » en français. Aike Peter Rots 1 explique qu’il existe plusieurs termes au Japon pour dire « la nature », mais les occidentaux ont défini shizen comme terme standard. Le concept de « nature » est complexe et ambigu, la science et la philosophie occidentale en font un traitement conceptualisé comme un domaine n’étant pas touché ou influencé « par des agents humains et diamétralement opposé aux domaines de la culture, de la politique, et de l’histoire ». Le shizen vient du chinois et est arrivé au Japon au XVIe siècle. Augustin Berque évoque que le mot signifie « par soi-même », « naturellement », « ce qui va de soi dans les êtres et les choses, quels qu’ils soient »2 y compris l’homme. Il existe donc une forte association des éléments naturels et de la notion de « soi-même », « la nature » n’est pas conceptualisée comme quelque chose d’externe aux humains, les objets naturels et les sujets humains sont interdépendants. Le même auteur nous livre qu’aucun mot au japon ne définissait « la nature », ce qui montre bien que l’homme ne prend pas conscience de son concept. Il ne fait pas de différence entre lui et « la nature », c’est une même notion. L’important n’est pas le mot, mais la place qui est faite à ce lien3. Au Japon, plusieurs termes sont à l’origine de la définition du paysage dont sansui, fukei, et keikan. Sansui signifie san, « la montagne » et sui « la rivière ». Augustin Berque dit que le mot ne se compose que des éléments naturels, donc du « paysage » typique japonais (1986) différent de la notion culturelle du « paysage » français, qui possède plusieurs définitions dont naturel, urbain, agricole. La Chine introduit en premier la notion du « paysage » au monde au VIe siècle grâce aux élites de la dynastie Jin découvrant les « paysages » naturels pittoresques de ses grandes plaines.

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ROTS Aike Peter, « Shizen », in BONNIN Philippe, MASATSUGU Nishida et SHIGEMI Inaga (sous la dir. de), Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Edition, 2014, p. 444 2 BERQUE Augustin, Le sauvage et l’artifice, les Japonais devant la nature, Paris, Gallimard, 1986, p. 210 3 BERQUE Augustin et SAUZET Maurice, Le sens de l’espace au Japon, vivre, penser, bâtir, Paris, AP édition Arguments, 2004, p. 18

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Ce « paysage » devient une inspiration pour la création littérale dans laquelle est née le terme « paysage » : sansui, parfois introduit comme le terme « nature »4. Ken-Ichi Sasaki livre que le Great Dictionnary of Japanese5 partage cette même idée, « derived from the geographical features of mountains and waters, can mean the natural world in general, in contrast with the common human world »6. Plus tard, les japonais introduisent deux termes, fukei et keikan, pour s’adapter à la définition du « paysage » occidental, en s’élargissant depuis le « paysage » typique japonais (tels que la montagne, l’eau et la forêt arboré de pin, développés plus bas) jusqu’à un « paysage » plus général, dont occidental, urbain, agricole. Ces deux termes, souvent échangés, sont difficiles à distinguer. Fukei provient de la Chine moderne fengjing, qui signifie « le vent » et « la scène ». En plus de la perception sensorielle du « paysage » non touché par l’homme, d’après Augustin Berque (1986) il peut aussi exprimer le « paysage » construit par l’homme. Tandis que d’après Katrin Gehring et Ryo Kohsaka, ces deux termes sont différents, fukei étant subjectif (donc lié à l’homme) et un « paysage » non touché par l’homme, alors que keikan, plus objectif, est détaché de ce que l’homme ressent, plus technique et scientifique7. Hirofumi Ueda apporte l’idée que le keikan est préféré dans le concept moderne du « paysage », dont le « paysage » urbain et la science, plutôt qu’un rapport émotionnel à la « nature » qu’il peut quand même définir8. Dans tous les cas, bien que fukei tend à définir un rapport plus sensible que keikan, ces deux termes sont proches, souvent confondus et interchangeables. Le sansui quant à lui exprime seulement les éléments naturels du « paysage » typique japonais dont la montagne (où se trouve la

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BERQUE Augustin, Et la Chine inventa le paysage…, Libération, [en ligne], 2013, https://www.liberation.fr/planete/2013/10/03/et-la-chine-inventa-le-paysage_936783 [page consultée le 18 Octobre 2018] 5 Le Grand Dictionnaire Japonais. 6 « Dérivé des éléments géographiques de montagne et d’eau, il (le sansui) peut signifier le monde naturel en général, à l’opposé du monde commun des hommes » SASAKI Ken-Ichi, Perspective East and West, Contemporary Aesthetics, [en ligne], 2013, https://www.contempaesthetics.org/newvolume/pages/article.php?articleID=670 [page consultée le 12 Novembre 2018] 7 GEHRING Kastrin et KOHSAKA Ryo, Landscape in the Japanese language: Conceptual Differences and implications for landscape research, Landscape Research, [en ligne], 2007, https://www.researchgate.net/publication/248993811_'Landscape'_in_the_Japanese_language_Conceptual_Differen ces_and_implications_for_landscape_research [page consultée le 25 Septembre 2018] Analyse appuyée sur des interviews avec des japonais sur la préférence des termes fukei ou keikan dans des situations diverses. 8 UEDA Hirofumi, « Landscape perception in Japan and Germany », in SHIMIZU Hiroyuki et MURAYAMA Akito, Basic and Clinical Environmental Approaches in Landscape Planning, Tokyo, Springer Japan, [en ligne], 2014, https://www.springer.com/cda/content/document/cda_downloaddocument/9784439784431-c1.pdf?SGWID=0-0-451442311-p175084373 [page consultée le 12 Novembre 2018]

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forêt) et l’eau. Ce terme correspond donc à mon sujet de mémoire, concentré sur les éléments naturels. C’est pourquoi je vais remplacer le « paysage naturel » par sansui. La notion du « paysage », nait des expériences du shizen en ressentant la beauté par ses ambiances et par ses regards, les réflexions sur l’environnement. La perception japonaise prend donc la forme d’une scène comme dit Hirofumi Ueda (2014) ce ne sont pas seulement les éléments naturels eux-mêmes, mais aussi les actions et les ambiances. (D’où viennent les peintures des motifs par exemple des changements des saisons) Les japonais y relèvent deux dimensions : un but esthétique et dans le même temps un but pratique, qui définissent la notion du paysagisme, le zoen. « Il s’agit d’arranger des éléments naturels (la terre, l’eau, les pierres, le végétal) pour aménager un environnement extérieur idéal pour l’homme. »9 Le but esthétique est de l’ordre de la perception, du ressenti, de l’abstrait ; la dimension pratique quant à elle, est de l’ordre de l’aménagement, du concret, pour une fonction désirée, par exemple un jardin possède une fonction esthétique mais aussi utile car il permet la circulation de l’air dans la maison.

La présence du shizen au Japon est tellement remarquable qu’elle forme un caractère fort propre à la culture japonaise. Ishida Eiichiro dit « l’essence de la culture japonaise est son Shizensei ». Le shizensei signifie « le sens de la nature » 10 . Le shizen est omniprésent, il est une source d’inspiration dans plusieurs domaines, qu’ils soient artistiques, dont l’art avec la peinture du sansui, dans la politique, par le fait de naturaliser le discours idéologique11, dans la littérature avec des poèmes : haiku12 ; dans le cinéma, dans la cosmogonie où les japonais disent que la montagne, l’eau et la forêt sont les premiers éléments qui constituent leur pays ; dans la perception de l’espace de l’architecture etc… Deux des facteurs qui engendrent le rapport proche au shizen et au sansui sont la position insulaire et les religions.

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MARES Emmanuel, « Zoen », in BONNIN Philippe, MASATSUGU Nishida et SHIGEMI Inaga (sous la dir. de), Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Edition, 2014, p. 545 10 BONNIN Philippe, MASATSUGU Nishida et SHIGEMI Inaga (sous la dir. de), Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Edition, 2014 11 Naturaliser revient ici à rendre légitime l’idée politique, qui rapproche la construction de la nation à la notion de « nature », soit un lien défini par la sensibilité et l’harmonie. 12 Haiku : poème court évoquant le paysage naturel japonais.

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A.

La perception du shizen venant de sa position insulaire 1.

La richesse topographique d’un sansui non organisé

Le Japon est composé officiellement de 8 645 îles13 situées sur la grande faille du Pacifique. D’un point de vue topographique, 75 % du pays est composé de régions montagneuses parmi lesquelles se cachent les ressources chaudes et les volcans. La topographie, avec de nombreux reliefs, donne naissance à de multiples vallées qui creusent les chaines de montagnes. D’abondantes rivières et lacs s’étendent sur la surface du pays qui représentent 3,5 % du territoire, ce qui ne paraît pas beaucoup mais fait déjà une grande différence par rapport à la France qui ne possède que 0,26 % d’eau. Une présence faible de plaines est à noter.

Du point de vue de la flore, les montagnes japonaises sont surplombées par des arbres et des fleurs grâce auxquels les sansui du pays changent de couleur selon chaque saison, la forêt couvre 60% du sol japonais. L’automne habille les montagnes d’une couleur jaune et rouge. Grâce aux arbres à aiguilles, les forêts ne restent pas vides pendant l’hiver et gardent la couleur verte qui accompagne les montagnes pendant la saison, parfois recouvertes par la couleur blanche de la neige. Le printemps, c’est le temps donné aux cerisiers roses pour qu’ils montrent leur beauté. Pendant l’été le pays possède plusieurs couleurs qui enrichissent le regard. Ce changement des quatre saisons est à ce point remarquable qu’il devient un phénomène connu et important dans la culture japonaise (Figure 1). De nombreux festivals sont mis en scène pour chaque saison, durant plusieurs jours et à plusieurs reprises au cours des saisons. De nombreuses sorties individuelles ou événements regroupés sont organisés. Par exemple pendant la période de floraison des cerisiers, des événements sont mis en place, nommés hanami 14, traduit par « regarder les fleurs ». Pour célébrer l’été ils ont mis en place des feux d’artifices : hanabi. Les événements d’appréciation des saisons sont dans les villages et les villes, durant plusieurs jours et se répétant sur plusieurs mois.

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Les statistiques sur la géographie du Japon sont recueillies en ligne par le Ministère du territoire, des infrastructures, des transports et du tourisme du Japon. http://www.mlit.go.jp/river/basic_info/english/land.html [page consulté le 10 octobre 2018] 14 Un hanami est à l’origine un rituel exercé par les villageois consistant à accueillir les divinités qui descendent de la montagne et arrivent au village, où ils deviennent des divinités des rizières et de la fertilité. BROSSEAU Sylvie, « Mori », in BONNIN Philippe, MASATSUGU Nishida et SHIGEMI Inaga (sous la dir. de), Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Edition, 2014, p. 161

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On peut donc voir que les éléments créant la topographie au Japon sont très riches et s’il y a un résumé visuel à faire sur le territoire japonais, cela serait : la montagne, l’eau et la forêt, y compris la végétation. Leur omniprésence et leur abondance créent le sansui, donc le « paysage » typique japonais.

Figure 1 : Les quatre états du sansui dépeignés par le changement des saisons.

Le milieu influence le comportement de l’homme, un milieu avec un sansui riche en topographie diverse – la montagne, l’eau, la forêt dont la végétation – accompagné par le changement des saisons, engendre un rapport proche à ces éléments. Augustin Berque a évoqué qu’à partir des matières premières de l’environnement, chaque espèce crée son milieu qui lui est propre, adapté à ses besoins et ses désirs. Un milieu propre à chaque espèce n’est donc pas l’environnement général. 15 Pour les japonais, le sansui riche leur permet d’avoir la possibilité

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BERQUE Augustin, Le Japon, milieu nippon, pensée nipponne – conférence inaugurale, 2013, in CitéPhilo 2013, CitéPhilo, 2015, https://www.youtube.com/watch?v=N19AqHYu9vw&t=1260s : Le milieu ne va pas causalement influencer la civilisation. […] Le théoricien de mésologie Jakob Von Uexküll dit que toutes les espèces sont dans le même environnement général mais chaque espèce co-éllabore avec son milieu, ce qui crée des environnements différents à chaque espèce.

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d’instaurer un rapport proche avec les éléments naturels – la montagne, l’eau, la forêt dont la végétation et le changement des saisons – un choix le plus lié à leur souhait et leur convenance.

2.

Le respect du shizen menant à la notion d’éphémère

A contrario, le Japon ne fait pas qu’apprécier le shizen par sa géographie, le shizen est aussi craint. « cette nature dont l’amour et le culte, la crainte aussi, fondent le patriotisme des habitants. »16 Cette crainte mène au respect et induit par la suite une notion d’éphémère liée à l’espace et au shizen. Elle est le résultat de la présence de nombreuses catastrophes naturelles au Japon. Ce pays, qui se place sur le 4e rang17 parmi les 171 pays les plus exposés aux catastrophes naturelles, connaît très bien la puissance du shizen qui peut parfois être dévastateur. Le Japon se trouve sur la zone d’instabilité appelée « le cercle du feu » du Pacifique 18 et entre deux mers possédant une centaine de volcans toujours en activité. L’archipel Japonais est sensible aux catastrophes naturelles à répétition, tremblements de terre, tsunamis, cyclones, en plus des typhons et de neige violente (Figure 2).

Figure 2 : La fragilité du monde sous la force du shizen.

L’idée que l’homme ne peut pas contrôler le shizen et que tout est éphémère est, par conséquent, réellement présente dans la culture nippone. Les Japonais ont compris très vite qu’ils

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PEZEU-MASSABUAU Jacques et BONNIN Philippe, Façons d’habiter au Japon, Paris, CNRS Edition, 2017, p. 21 Résultat par l'Institut pour l'environnement et la sécurité humaine des Nations unies (UNU-EHS) en 2016 http://www.leparisien.fr/faits-divers/catastrophes-naturelles-le-japon-tres-expose-mais-pas-si-vulnerable-06-092018-7878861.php 18 Ensemble linéaire de volcans, ou arc volcanique, entourant l'océan Pacifique, caractérisé par de nombreux séismes. Les neuf dixièmes des volcans mondiaux y sont concentrés. 17

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vivent dans un cadre qui peut changer rapidement et que les choses ne sont pas faites pour durer. La notion d’éphémère influence le comportement japonais qui dit qu’ici, rien n’est permanant. Les Japonais ne s’attachent pas à l’objet. Dans l’histoire, les maisons ne sont pas construites pour tenir plus longtemps que 25 ans. Les bâtiments sont soumis à de très fortes contraintes et subissent des dommages conséquents. Le shizen faisant partie de la ville, ils en acceptent les désagréments comme quelque chose de naturel. Les villes au Japon sont toujours en mouvement, les constructions sont donc éphémères. « La maison de la ville, elle, est perçue comme un abri temporaire ». (Augustin Berque, 2004)

La notion de l’éphémère influence la conception de la maison, dans le choix de la matérialité et dans l’organisation de l’espace, tout en gardant l’idée de ne pas s’attacher aux objets. Tout est en mouvement, tout peut changer. Cette notion est liée avec le temps. L’importance ce n’est pas la permanence mais c’est l’objet lui-même, le contexte et l’espace. Cela illustre bien la relation des trois éléments importants de la culture japonaise : l’espace, le temps et le shizen.

B.

La perception du shizen venant des religions

Les pensées philosophiques et religieuses venant du shintoïsme et bouddhisme sont les facteurs qui conduisent (influencent) la culture japonaise, y compris la relation des japonais au shizen. « Plus que le shinto, qui est l’âme japonaise elle-même, le bouddhisme a marqué d’une empreinte profonde la civilisation nationale. » (Pezeu-Massabuau Jacques, 2017) Les Japonais ne sont pas spécialement attachés à une religion en particulier et peuvent aller, durant une même journée, prier Bouddha puis aller rendre hommage à un dieu de Shinto. Les temples bouddhistes et les sanctuaires shintoïstes cohabitent en totale harmonie. Plus de cent millions sur cent vingt-sept millions de Japonais pratiquent encore aujourd’hui la religion shinto et/ou bouddhiste. Ce sont deux religions dominantes au Japon et elles cohabitent ensemble et s’influencent les unes les autres. Leurs idées se croisent. « le shinto et bouddhisme, pénètrent aujourd’hui la pensée et l’existence de chacun. » (Pezeu-Massabuau Jacques, ibid.)

A propos du shintoïsme, signifiant précisément « voie qui mène aux dieux », il s’agit d’un ensemble de croyances animistes et polythéistes. La dynastie japonaise aurait été fondée en 660 avant J.C par la déesse shinto du soleil, Amaterasu. L’introduction de la culture du riz au Japon – 15


base de la nourriture japonaise en lien direct avec le cycle de l’eau, issu des forêts et des montagnes – marque son origine pendant l’aire Jomon et nous ramène de nouveau les archétypes du sansui. Ces éléments deviennent des entités sacrées, des lieux habités par le divin. La pratique animiste et polythéiste de cette religion confère une âme aux animaux, aux astres, au shizen, aux objets ainsi qu’aux êtres humains ; et vénère le shizen dans sa simplicité : la roche, l’arbre, le ruisseau, peuvent aussi être estimés comme un kami, littéralement dit les divins, des déités, aussi bien des forces du shizen que des animaux ou des hommes célèbres19. Le bouddhisme arrive au Japon au VIe siècle et se répand doucement à travers les enseignements du bouddha Amida. Par ailleurs, le bouddhiste est conscient que le shizen, s’il est bien traité, peut se révéler pour lui-même et son prochain, une ressource inépuisable. Aussi, c’est avec amour et respect qu’il le protège. Il se sent responsable du shizen et il en use avec soin, en pensant aux autres et à toutes les générations d’hommes et de femmes à venir. L’homme n’occupe pas une place prépondérante dans le shizen. Il n’y a pas de discrimination entre l’être humain et les autres espèces animales, entre les vivants et les non-vivants. Les êtres vivants et les choses constituent un tout intimement lié, interdépendant.20 Le bouddhisme au Japon prend la forme de Zen, qui devient également un art de vivre. Le bouddhisme japonais a pour objectif d’instaurer une distance vis-à-vis du monde par ce qu’on appelle l’introspection méditative. Le croyant s’adonne à l’apprentissage de la maîtrise correcte de son corps et de ses émotions. Une pratique que les samouraïs effectuaient pour aboutir au contrôle absolu de leur esprit et de leur corps. Quand il se livre à la méditation, le bouddhiste s’identifie à la fleur et aux arbres, au roc de la montagne, à l’eau calme et limpide d’un lac ; il est en symbiose avec l’espace naturel, avec l’instant présent, il ressent l’ambiance du shizen qui évolue par le mouvement. Cela le rend heureux et serein.

Vivre en harmonie avec le shizen est une pensée commune qui est tellement présente qu’elle est entrée dans l’étymologie du Japonais : le kokoro « état conscient d’harmonie avec la nature » (Isabelle Berthet-Bondet, 2010)21. Ce mot est encore utilisé à ce jour. L’homme n’est pas séparé du shizen, il vit avec lui. Pour les Japonais, la culture renvoie toujours au shizen, il en est inséparable.

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DUTEIL-OGATA Fabienne, « Kami », in BONNIN Philippe, MASATSUGU Nishida et SHIGEMI Inaga (sous la dir. de), Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Edition, 2014, p. 222 20 Inspiré de NGUYEN Tan-Hong, « Notre mère la Terre », Nouveau Dialogue, n°114, [en ligne], Septembre 2013, http://www.buddhachannel.tv/portail/spip.php?article3978, [page consultée le 5 Janvier 2019] 21 BERTHET-BONDET Isabelle, 20 maisons nippones, un art d’habiter les petits espace, Marseille, Parenthèse, 2010,p.18

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La notion du temps est aussi particulière. Le temps n’est pas linaire au Japon. Dans le Zen, il s’agit d’un croisement de plusieurs temporalités où chaque élément vit son propre temps. La montagne, l’arbre engendrent leur propre temps. Ainsi le temps est lié à l’environnement, à l’espace. C’est ce que le Zen appelle « le temps-existence »22. Le temps change quand les éléments autour de lui changent et se définit grâce à ceux-là. Ce concept lie espace et temps et la notion de beauté de l’instant, le mujo (l’impermanence), d’où l’idée de ressentir temporellement la beauté des ambiances du shizen23 : son mouvement, aux côtés de la lumière ou du changement des saisons. Ces notions d’espace-temps et d’impermanence influencent beaucoup la culture japonaise notamment dans l’art (représentant le changement de saison) et la conception spatiale et matérielle. Cette notion ici se croise avec l’idée d’éphémère expliquée précédemment.

Pour résumer, le rapport au shizen se fait par sa position insulaire avec le sansui riche en topographie et par les idées issues des religions. Ce rapport est représenté par les éléments matériels dont les archétypes tels que la montagne, l’eau, la végétation, y compris la forêt ; et les éléments immatériels dont les ambiances du shizen par ses mouvements, provoqués par le tempsespace, la notion d’éphémère, les saisons et la lumière. Ce sont les éléments qui sont réinterprétés de façon omniprésente dans la culture japonaise.

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MELAY Alexandre, Architecture et temps au Japon, Lulu Press, p. 10, [en ligne], https://books.google.de/books/about/ARCHITECTURE_ET_TEMPS_AU_JAPON.html?ii=1ZYGCwAAQBAJ&redir_esc=y [page consultée le 17 Décembre 2018] 23 HLADIK Murielle, « Mujo », in BONNIN Philippe, MASATSUGU Nishida et SHIGEMI Inaga (sous la dir. de), Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Edition, 2014, p. 356

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II.

La représentation du shizen dans l’imaginaire de l’univers cinématographique

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Pour continuer sur cette idée que le shizen est omniprésent, j’ai décidé de parler du monde du cinéma. Je cherche dans la deuxième partie du mémoire, à expliquer comment la présence et le rapport au shizen est désirée et représentée dans l’imaginaire culturel japonais, notamment cinématographique. Ces archétypes matériels (l’eau, la montagne, la forêt dont la végétation) et immatériels (les ambiances du shizen représentées par ses mouvements dont la notion du temps-espace, la notion d’éphémère, les saisons et la lumière) s’établissent entre le shizen et la maison, entre le mouvement du shizen et le comportement de l’homme, aussi par le respect qu’il lui voue et par la capture de l’instant présent.

Pour y parvenir, j’ai choisi deux films de renommée internationale, Rêves par Akira Kurosawa et Après la pluie par Takashi Koizumi (son assistant) car ces réalisateurs sont reconnus pour entretenir un rapport à la fois avec le shizen et avec la culture traditionnelle japonaise. Ces deux films évoquent au mieux le rapport au shizen dans l’imaginaire culturel, en particulier Rêves puisqu’il s’agit directement du thème des rêves donc de ce que l’homme peut imaginer. Les techniques cinématographiques sont semblables, car Après la pluie est tiré du dernier scénario de Kurosawa, après sa mort. Le premier film, Rêves, est réalisé en 1990. Il s’agit de la mise en scène de huit rêves du réalisateur. - Soleil sous la pluie : Dans une forêt sous la brume et la pluie, des renards célèbrent une cérémonie nuptiale. Un enfant désobéit à sa mère qui lui interdisait formellement de s’y rendre. L’erreur commise, l’enfant est frappé par la malédiction des renards et ne peut rentrer chez lui. Désormais il doit aller leur demander pardon afin d’éviter de se soumettre au rite du Hara-Kiri24. - Le verger aux pêchers : Lors de la fête du printemps, un jeune garçon découvre les esprits des pêchers abattus par ses parents dans le verger familial. Lorsque les pêchers remarquent sa tristesse, ils décident de lui offrir un ballet pour qu’il contemple une dernière fois leur beauté. - La tempête de neige : Une tempête de neige fait rage alors que quatre alpinistes, à bout de force, s’y retrouvent perdus et piégés. Leur chef de cordée a la vision d’une fée qui le recouvre d’une chaleur douce et le protège contre le froid.

24

Pratique japonaise ancestrale de suicide par éventration selon le code d’honneur des samouraïs. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/hara-kiri/39047?q=hara+kiri#38970

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- Le tunnel : C’est en parvenant à sortir d’un tunnel qu’il venait de traverser, qu’un capitaine de l’armée japonaise, rescapé de guerre, voit apparaître les fantômes des soldats de son régiment. - Les corbeaux : L’histoire d’un étudiant en art qui parvint à entrer dans un tableau de Van Gogh afin de partir à sa rencontre. - Le mont Fuji en rouge : Après une explosion nucléaire, le mont Fuji se retrouve en fusion et dégage d’épais nuages sur une foule en détresse. L’homme est le destructeur du shizen. - Les démons gémissants : Le monde est ravagé, seuls des démons à cornes, à cause d’une explosion nucléaire, survivent dans un environnement apocalyptique. Les démons sont les hommes euxmêmes. - Le village des moulins à eau : Le shizen a été préservé par un heureux miracle dans un village reclus. Un homme centenaire confie un message émouvant, celui que le shizen peut toujours être beau si l’homme pense plus aux conséquences environnementales de ses actes en matière de protection du shizen. Dans ce film Kurosawa ne veut pas seulement montrer la beauté du shizen mais aussi l’impact que l’homme représente sur lui.

Le second film, Après la pluie, est réalisé en 1999. Ce film raconte l’histoire d’un samouraï et de sa femme, deux voyageurs, qui se retrouvent bloqués dans un village car une tempête a fait déborder un fleuve qu’ils devaient traverser sur leur chemin. Pendant ce séjour il aide les pauvres compagnons de voyages dans l’auberge. Entre rencontre du seigneur du fief et d’autres samouraïs, leur périple reprend son cours lorsque la tempête se calme, pouvant ainsi franchir le fleuve et regagner leur destination.

Dès le début des films, la représentation du shizen est déjà remarquable dans les titres et sous-titres. Les éléments archétypaux du shizen, tels que l’eau, la montagne et la forêt – dont la végétation – et le mouvement du shizen sont également présents dans ces films. Le sansui et le shizen sont omniprésents, à l’intérieur, à l’extérieur, c’est un tout qui ne peut être absent.

A.

Le shizen et la maison sont toujours liés

Tout d’abord la maison est toujours représentée en lien étroit avec le shizen, elle en est indissociable. Le dedans et le dehors sont liés. 20


D’après Maurice Sauzet « l’espace architectural […] va imaginer des espaces où dedans et dehors, opposés par définitions vont chacun contenir l’autre »25. Dans chacun des deux films le réalisateur prend le temps de nous montrer à quel point le shizen englobe la maison, parfois depuis l’extérieur, la présentant au cœur du sansui. Dans Après la pluie, l’auteur commence dès le début du film par montrer la pluie sur les feuilles de pins, ensuite la maison traditionnelle sous la pluie, qui devient plus forte, puis on voit plusieurs parties de la maison, le toit, les gouttières, ce qui nous montre que le shizen enveloppe la maison (Figure 3). La scène dure presque trois minutes. On voit la forêt dense sous la pluie et la maison entourée par les arbres comme s’il n’y avait aucune limite entre le shizen et la maison. Il en va de même pour le film Rêves où la première scène montre la maison entourée par le shizen, le jardin surplombant la maison.

Figure 3 : La présence du shizen enrobant la maison.

Figure 4 : Pénétration du shizen au travers des ouvertures dans la maison.

Le lien avec le shizen est aussi présent à l’intérieur de la maison. Parfois on voit le sansui depuis l’intérieur de la maison. Dans ce cas, le lien entre le shizen et la maison s’effectue à travers les ouvertures (Figure 4). Et même si le shizen n’est pas visible de l’intérieur, on l’entend, on entend la pluie tomber, le vent et les oiseaux chanter, un aspect que partagent Kastrin Gehring et Ryo Kohsaka (2007). Le réalisateur utilise donc deux procédés pour montrer ce lien indéfectible avec le shizen, des procédés visuels directs (il montre le shizen) et des procédés indirects (acoustique) où la présence du shizen est suggérée. Par exemple, la scène où le samouraï avance sous la pluie, au moment où il pénètre dans la maison, la pluie n’est plus visible, mais son bruit continue comme si le shizen était en relation avec les personnages.

25

SAUZET Maurice, Entre dedans et dehors, l’architecture naturelle, Paris, Massin Editeur, 1996, p. 61

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D’autres fois, chaque scène tournée à l’intérieur de la maison est accompagnée d’une représentation du shizen. Par exemple dans Rêves, dans le rêve Le verger aux pêchers, ces séquences montrent un seul et même cerisier fleuri dans un vase : symbole fort du printemps japonais, hanami26, mis en lumière et placé de telle sorte que même si le personnage se déplace dans une autre pièce, on voit toujours une représentation du shizen en arrière-plan (Figure 5). De même, dans le second film, une vue en arrière-plan sur le sansui est séquencée par le rythme des lames de bois d’une ouverture, par où la lumière entre ; et lorsque le réalisateur ne montre aucun élément naturel, alors le décor suggère le shizen, comme le kimono à motifs floraux de la femme du samouraï (Figure 6).

Figure 5 : La présence du shizen est retrouvée dans chaque angle de la maison.

Figure 6 : Les motifs du shizen même présent jusqu’aux accoutrements.

Voir la maison c’est voir le shizen à ses côtés. Le réalisateur utilise le changement de plan, tour à tour le shizen ou la maison peuvent être au premier ou au second plan, d’égale façon. L’imaginaire et la représentation du shizen se fait toujours en lien étroit avec l’homme et son habitat.

B. Le mouvement du shizen accompagne les mouvements, les réflexions et les émotions de l’homme On perçoit tout au long de ces films le mouvement du shizen, représenté par la notion du temps (espace-temps et l’éphémère) dont le changement des saisons et les variations de lumière. Chacun des deux films commence et se termine par une scène dédiée au shizen. Ainsi, la scène d’ouverture peut être une scène de pluie, représentant le mouvement du shizen, dynamique, 26

Littéralement regarder la floraison des fleurs.

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rythmé ; et la scène de fin, un beau sansui représenté par une végétation abondante, la montagne, le soleil et la rivière. « Much more than a mere meteorological phenomenon; weather heightens the dramatic tension in Kurosawa film » (Mitsushiro Yoshimoto, 2000)27. D’après lui, le temps est parlant, il peut créer des moments dynamiques, dramatiques et émotionnels liés aux gestes et aux réflexions de l’homme. Ce n’est pas seulement un effet météorologique typique pour chaque saison. Le changement de saison est ici différent des films conventionnels. Ce n’est pas le cycle des saisons pour sa beauté naturelle, mais plutôt le cycle des saisons pour représenter un changement d’ambiance ou des états divers. Par exemple dans Après la pluie on a d’abord une averse qui suggère un état de tension, un problème, on ne peut pas traverser le fleuve, le samouraï se bat contre ses pensées ; puis lorsque le beau temps arrive, cela signifie que le personnage principal est au clair, dans ses réflexions. Dans le film Rêves, le premier rêve Soleil sous la pluie, nous met face à un changement de saison, le typhon qui se déroule pendant l’automne, témoin du temps qui passe et qui se déroule au même rythme que le chemin de l’enfant, quittant sa maison qu’on a souvent vu sous la pluie. La tension est soulignée par la pluie, car l’enfant quitte la maison sans l’accord de sa mère (Figure 7). Quand il se retrouve dans la forêt, caché, il regarde les renards, la pluie devient plus douce mais au moment où les renards le remarquent, la pluie devient alors plus forte. En rentrant, sa mère lui somme de présenter ses excuses aux renards car il est interdit de les regarder, du fait qu’ils sont « reconnus comme des messagers ou des avatars des kami » au même titre que d’autres animaux. (Sylvie Brosseau, 2014)28. L’enfant part à leur recherche. Cette scène de fin montre des rayons de soleil et finit dans un sansui luxuriant, un parterre de fleurs hautes en couleur qui parait comme un sansui d’été. En effet il n’y a plus aucune tension. L’enfant sait qu’il a fait du mal et que s’il présente ses excuses, tout ira bien pour lui (Figure 8). Le film Rêves livre un autre exemple, dans le rêve La tempête de neige, où trois hommes sont perdus et essayent de trouver leur tente. La neige est tellement forte qu’on ne voit plus les hommes. Le vent souligne la tension du danger. Mais quand la fée arrive, le vent devient plus doux, la neige

27

« Bien plus qu'un simple phénomène météorologique ; La météo accentue la tension dramatique dans le film Kurosawa » - YOSHIMOTO Mitsushiro, Kurosawa : Film Studies and Japanese Cinema, Duke University Press, [en ligne], 2000, p. 78, https://books.google.de/books/about/Kurosawa.html?id=QizaCOjKs-IC&redir_esc=y [page consultée le 5 Novembre 2018] 28 BROSSEAU Sylvie, « Mori », in BONNIN Philippe, MASATSUGU Nishida et SHIGEMI Inaga (sous la dir. de), Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Edition, 2014, p. 352

23


disparaît durablement. Le temps doux accompagne l’apaisement amené par la fée qui les soutient et leur donne l’espoir de rentrer chez eux.

Figure 7 : La pluie dessine la tension de l’enfant en désobéissant à sa mère.

Figure 8 : La beauté du shizen retrouvée quand la tension s’envole.

Le mouvement du shizen en lien avec le mouvement de l’homme est observable dans les deux films, par exemple dans la forêt, où dans le film Après la pluie, le samouraï s’entraine ; et dans Rêves dans Soleil sous la pluie lorsque l’enfant cherche les renards. Dans ces mouvements, on retrouve le mouvement du vent, les feuilles qui bougent, ou encore la brume qui accompagne les gestes, comme l’explique Ken-Ishi Sasaki (2013)29. La brume apporte une ambiance mystérieuse, elle fait apparaître et disparaître des éléments mêmes du shizen. Elle est une représentation de l’eau sous un autre état. Si dans une scène, certains des archétypes ne sont pas présents, le réalisateur parvient à nous les représenter d’une autre manière (Figure 9).

Figure 9 : La brume accompagne les pas de l’enfant dans la forêt.

29

L’auteur se réfère au poème de Yamanoue-no Okura, racontant l’histoire d’une défunte épouse enterrée, quand la brume arrive, l’enveloppe et l’accompagne une dernière fois, fusionnant avec elle.

24


La pluie dans Rêves accompagne le mouvement de l’enfant par son rythme et son intensité, de sa maison jusque dans la forêt et sur le chemin du retour. La pluie est représentée visuellement mais aussi acoustiquement. Le mouvement du shizen est aussi représenté par la chaleur : l’entrée de lumière et le soleil. On remarque aussi un contraste entre la force et la légèreté représentées par le samouraï et sa femme : d’un côté on a le mouvement de l’eau d’une cascade, mouvementée, dynamique, avec l’homme qui s’entraîne encore au sabre, ses gestes sont forts et précis (Figure 10) ; de l’autre côté on a sa femme, une fleur à la main, ce qui suggère un sentiment de douceur, de légèreté, d’un shizen plus calme (Figure 11). La pluie a disparu et laisse la place au vent calme et au soleil.

Figure 10 : Le mouvement dynamique de la cascade exprimant les gestes forts de l’homme qui s’entraîne au sabre.

Figure 11 : Un sansui calme plongé dans le soleil exprimant la légèreté de la femme.

Le fait d’accompagner les réflexions de l’homme par le mouvement du shizen, s’observe à plusieurs reprises dans Après la pluie. L’homme se retrouve à marcher seul dans la forêt, il réfléchit en marchant dans le shizen. Il n’est pas seul car le shizen est avec lui. Dans le deuxième rêve Le verger aux pêchers dans Rêves, une réflexion sur le sansui est à noter. Une différence visuelle du sansui est présentée : du côté de l’enfant, triste car les pêchers ont été abattus, le sol est sec et vide (Figure 12), alors que du côté des âmes des pêchers, la végétation est dense et luxuriante, car ils vont lui offrir un dernier bal pour lui montrer leur beauté (Figure 13). Cette différence de sansui, initiée par le changement de saison, est donc utilisée dans le but d’analyser des situations, des sentiments et des états de réflexion. On comprend ici que l’homme ne verra plus qu’une dernière fois la beauté de la floraison, à la suite de son mauvais impact sur le shizen. Ce n’est pas uniquement pour représenter la réflexion de l’enfant dans le film, mais cela accompagne les réflexions du spectateur sur le devenir du shizen par ses actes.

25


Figure 12 : La sécheresse et la tristesse de l’homme, face à la destruction du shizen.

C.

Figure 13 : La dernière démonstration de la beauté du shizen pour évoquer ce qu’elle était autrefois.

L’instant présent capturé pour le changement d’espace-temps

On peut remarquer que l’auteur capture la scène du sansui et du shizen, en saisissant l’instant présent comme « la beauté de l’instant » (Murielle Hladik, 2014).

En effet, plusieurs fois au cours du film Après la pluie, on observe des scènes fixées sur un espace-temps, qui durent plusieurs secondes. A titre d’exemple, pendant près de trois minutes la première scène du film s’arrête sur plusieurs angles de la maison, où le réalisateur capte les moments de la force de la pluie sur elle. Cette scène d’averse est une introduction à la scène suivante où l’homme ne peut pas traverser le fleuve en crue. Visuellement ces scènes fixées captent l’instant présent : par exemple dans la maison du seigneur du fief, on prend le temps d’observer le jardin sous la lumière, avec les éléments archétypaux du shizen, l’eau, le rocher, la montagne, la végétation et un pont. La scène dure dix secondes (Figure 14). A la fin aussi, on a une sorte de scène miroir qui fait référence à la toute première scène, on y revoit la maison dans le sansui mais cette fois-ci sans la pluie. Par ces scènes, l’auteur fixe l’image comme une peinture, il capture l’instant présent et lie le spectateur avec la beauté de l’éphémère. Le mouvement du shizen permet des transitions d’une scène à l’autre donc le changement de temps-espace. Le changement du shizen accompagne le changement des scènes, ce qui accompagne le mouvement du film. Dans Après la pluie, pour effectuer un changement de scène entre la bataille des hommes et le samouraï qui rentre chez lui, il y a une transition par la scène du fleuve au débit puissant. Chaque changement de séquence se fait par la représentation du shizen, 26


ce qui souligne un changement d’activité par le changement de lieux, d’ambiances, de lumière et contribue à l’histoire du film.

Figure 14 : L’instant présent du sansui.

D.

Le respect de l’homme face au shizen

Ces films montrent la place de l’homme dans le shizen, le lien qu’il entretient avec lui et le respect qu’il lui voue comme développé dans la première partie du mémoire. Pour commencer, dans le film Après la pluie on passe d’une scène sur l’homme qui marche sous la pluie à un plan rapproché sur le sansui, avec les feuilles au premier plan et le fleuve en arrière-plan. Un gros plan sur l’eau permet de voir son débit rapide, le mouvement du vent s’ajoute, on se rend compte de la force du shizen : avec la pluie le niveau d’eau est monté, on ne peut donc plus traverser le fleuve. Cette scène montre même une absence de pont ou de chemin prévu pour l’homme afin de franchir ce fleuve. Le shizen peut être puissant et l’homme le respecte, il attend que la pluie cesse, que le niveau d’eau du fleuve redescende. Cette notion de respect remet l’homme dans un contexte où le shizen est omniprésent, immense, où lui-même se retrouve petit. Par exemple, dans le film Après la pluie, le samouraï marche dans la forêt, il a l’air perdu, dans la densité de la végétation, la grosseur des troncs, la brume, il n’est pas dominant. On retrouve cette même idée dans le film Rêves où dans le premier et le second rêve – Soleil sous la pluie et Le verger aux pêchers – l’enfant se retrouve aussi dans l’immensité de la forêt (Figure 15). Certaines scènes ne montrent même pas le sommet des arbres ce qui accentue encore la grandeur du shizen et la petitesse de l’homme. L’homme se retrouve donc petit face au shizen qu’il respecte.

27


Figure 15 : L’immensité de la forêt par rapport à l’homme.

Pour conclure, le shizen est présenté par les archétypes tels que la montagne, l’eau, la forêt dont la végétation, et par les ambiances provoquées par ses mouvements dont le changement du temps, des saisons. Ils sont représentés visuellement et sensoriellement. Kurosawa et son assistant Takashi Koizumi s’appuient tous deux sur ces archétypes pour faire un outil au service d’une représentation du shizen et du sansui. Le shizen dans l’imaginaire japonais n’est pas seulement une série d’objets, mais il est vivant, il accompagne les gestes, les réflexions, les émotions de l’homme et son habitat. Il est omniprésent.

28


III.

Le rapport au shizen dans le quotidien des japonais

29


Le rapport au shizen est un thème inhérent à la culture japonaise, « Pour le Japonais, la culture aboutit toujours à la nature »30 qui se retrouve dans plusieurs domaines, il est omniprésent. Il s’agit d’un système d’emboîtements successifs, qui ne se trouve pas seulement dans l’imaginaire de la culture japonaise mais aussi dans le quotidien, notamment dans l’architecture et l’urbanisme. « Malgré les profondes mutations de l’espace urbain, le champ de référence imaginaire, symbolique, et esthétique du shizen, et particulièrement de la forêt, demeure. » (Sylvie Brosseau, 2014). Il se décline de façon progressive, de l’échelle du grand territoire, de la ville, espace public et partagé, jusqu’à celle de la maison : espace privé et individuel.

Dans cette troisième partie du mémoire je vais donc étudier le rapport au shizen par la présence d’éléments archétypaux matériels et immatériels ainsi que l’ambiance du shizen par ses mouvements dans la ville et dans la maison ; à savoir comment ce rapport au shizen influence l’organisation de l’espace urbain et architectural, le développement de la ville et les rapports sociaux.

A. Les relations socio-économiques et spatiales de la ville Yokohama Pour comprendre le rapport au shizen à l’échelle urbaine, je m’appuie sur l’analyse de la ville de Yokohama (Figure 16), basée sur mon expérience personnelle – y ayant vécu pendant un an lors de mon Erasmus – ainsi que sur des données statistiques et des plans de développement de la ville recueillis par le bureau de développement urbain de Yokohama.31 J’ai eu le temps de pratiquer la ville et d’observer moi-même cette relation qu’elle entretient avec le shizen, comment les japonais réinterprètent le sansui et comment le shizen participe à l’organisation de l’espace, de la vie des activités dans la ville et au développement de la ville. Yokohama est une ville portuaire, qui traite aussi bien des flux de commerces maritime que celui de passagers. D’autre part, elle est aussi la capitale de la préfecture de Kanagawa, située à 20 min en train depuis Tokyo, sur l’île de Honshu. Elle s’étend sur 435.43 km² et possède une population de 3 740 172 habitants avec une densité s’élevant à 8 592 habitants par km². Cette démographie forte place Yokohama à la deuxième place des villes les plus peuplées du Japon

30

BONNEMAISON Joël, « Le Japon, le sentiment de la nature et la géographie », Espace géographique, n°4, [en ligne], 1987, https://www.persee.fr/doc/spgeo_0046-2497_1987_num_16_4_4285 [page consultée le 15 décembre 2018] 31 www.city.yokohama.lg.jp

30


derrière l’agglomération de Tokyo. Sa proximité avec Tokyo donne à Yokohama, un statut de villedortoir. En effet, de nombreuses personnes ont leur logement à Yokohama mais travaillent à Tokyo.

Figure 16 : La position insulaire de Yokohama.

La ville est un mélange d’architecture contemporaine et traditionnelle sur un territoire en relief, marqué par un sansui riche entre montagne, rivière et forêt. Au niveau de la circulation dans la ville, les rues apparaissent comme un dédale (Figure 17), à l’inverse d’un parcours, on y déambule : il n’y a pas de découpage strict comme on peut le voir à New York (Figure 18) ou Barcelone. L’espace est conçu de façon aréolaire, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de points, d’éléments particuliers comme un bâtiment, ni de lignes importantes ou de places qui composent l’espace. On retrouve cette caractéristique à Yokohama et au Japon en général. « Un espace aréolaire s’organiserait au contraire sans repérage préalable, chaque lieu dans son contexte étant à lui-même sa raison d’être. » (Augustin Berque, 2004) A comprendre donc que chaque lieu se situe dans ses propres ambiances environnementales, il est à lui-même son propre univers. On retrouve ici la notion de l’espace-temps (précédemment développée en première partie). Le parcours au Japon est intimement lié à l’idée du mouvement du corps humain, de l’action humaine. Le mouvement du corps humain est donc relié à une temporalité précise, dans un certain contexte avec une ambiance particulière et un espace spécifique. Au niveau économique, si la ville dépend de l’industrie lourde comme l’industrie navale et automobile, on trouve également une activité agricole.

31


De nos jours, Yokohama trouve un équilibre dans son aménagement, en harmonie avec le shizen, de par sa conception urbaine, avec de multiples aménagements placés à proximité des lieux de travail et des habitations.

Figure 17 : Une circulation sans point de repère important, tel un dédale à Yokohama.

Figure 18 : Un tissu urbain découpé autour d’un point central (Central park) à New York.

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1. Le développement de la ville s’appuyant sur l’eau : entre mer et rivière La présence de l’eau est un fait remarquable à Yokohama. Elle tient ici une place centrale. Plus qu’une question religieuse, d’esthétique ou de plaisir, l’eau est le cœur économique et architectural de cette ville qui se développe grâce à elle32. Ayant d’abord été un petit port de pêche, la ville doit son développement à l’échelle nationale et internationale depuis 1859, grâce à l’ouverture de son port et surtout aux traités de commerces et de navigations avec les Etats-Unis. Cette ouverture sur le monde a influencé l’évolution architecturale de Yokohama. La ville compte notamment parmi les premières à trouver de l’inspiration dans l’architecture occidentale. Cet héritage de bâtiments occidentaux, datant de du milieu du XIXe siècle, est toujours visible de nos jours. La présence de la mer permet à Yokohama d’avoir une économie active mais également d’être un lieu cosmopolite, d’échanges culturels par les flux de commerces et de passagers. Les quartiers modernes se sont développés autour du port, dédiés aux bureaux, aux commerces et aux équipements de loisirs et de culture. Les activités nautiques sont nombreuses, à commencer par les promenades en bateaux. La situation portuaire ayant

favorisé

ces

aménagements,

ces

quartiers

bénéficient

d’une

attraction

touristique. L’aménagement paysager autour du port est très connu et populaire, avec ses parcs fleuris, quelques passages piétons en bois. « Dans les villes portuaires, est entreprise la requalification des waterfronts33 […] aménagés en promenades plantées diversifiant ambiances et activités. » (Sylvie Brosseau, 2014) Le terminal maritime international de passagers de Yokohama, conçu par Foreign Office Architects, possède un toit accessible jouant sur une topographie à différents niveaux, revêtu de bois. Tous ces dispositifs offrent aux passagers, à la fois une promenade et un lieu de relaxation très agréable, grâce à son panorama s’ouvrant sur la mer (Figure 19). Il s’agit d’un lieu d’interaction sociale, qui ne se limite pas qu’aux passagers, mais qui s’ouvre à tous les habitants. C’est un espace de rencontre pour les jeunes au quotidien, les familles, pour se balader, profiter des activités dans les parcs, pique-niquer ainsi que des espaces très romantiques pour les couples. Beaucoup de gens y viennent pour prendre des photos du sansui, ainsi que des selfies. 32

PELLETIER Philippe, « Minato », in BONNIN Philippe, MASATSUGU Nishida et SHIGEMI Inaga (sous la dir. de), Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Edition, 2014, p. 352 33 Front de mer.

33


Figure 19 : L’aménagement paysager d’une toiture terrasse sur le terminal maritime de Yokohama, favorisant les promenades et les rencontres.

Le mouvement du shizen que l’environnement accompagne, participe aux activités des habitants. Comme je l’ai dit plus tôt, il n’y a pas de places proprement dites à Yokohama – idée d’absence de place confirmée par Philippe Bonnin (2011) – ce qui implique que les évènements se situent dans les rues, se concentrent en abondance autour du port, dans les parcs ou sur la mer, c’est-à-dire dans le shizen (Figure 20). « Le parc public ancre le sentiment d’appartenance nationale à travers les références culturelles mises en scène […] les espaces dévolus à la manifestation officielles ou collectives. » (Sylvie Brosseau, 2014) Les grandes illuminations sont des événements mis en place dans tout le Japon pendant l’hiver et qui durent deux mois. Dans la ville, les illuminations ne se font pas seulement par des éclairages sur les ponts et sur les arbres mais aussi par les pavillons. Les feux d’artifices font partie de ce festival pendant l’été dans tout le Japon durant plusieurs mois. Leur installation se trouve sur l’eau, ce qui crée, à la suite un reflet mouvant de ces feux d’artifices. Le port avec ses activités et son aménagement paysager est l’un des endroits les plus connus et certainement le plus fréquenté de Yokohama. Il est un point d’importance dans l’économie nationale et internationale du pays.

Ensuite, on ne trouve pas moins de 58 cours d’eau à Yokohama partant de quatre rivières principales : Tsurumigawa, Miyakawa, Sakagawa et Ohokagawa. La région possède beaucoup de rivières très appréciées. Le nom de cette région, Kanagawa, provient d’ailleurs du mot « gawa » signifiant rivière. Ce sont des ressources pour l’agriculture mais aussi pour la consommation. Sachant l’importance de l’eau, le service environnement de la ville déploie des moyens importants pour préserver l’ensemble du milieu aquatique et ces sources. Son rôle dans la protection des eaux 34


en amont, permet d’offrir de manière stable une eau du robinet sûre et de haute qualité. Utilisant des systèmes de traitement avancés, le service des égouts encourage le recyclage et la réutilisation de l'eau pour un environnement durable et définit une approche de prévention des inondations pour une vie plus sûre et confortable.

Figure 20 : Les évènements et lieux de pique-nique autour du port favorisent les rapports sociaux.

L’eau, notamment la mer, a une place importante dans la vie des japonais. Le pays étant fondé sur des îles, elle est présente dans les activités du quotidien.

2.

Le respect du shizen par la crainte des désastres naturels

Yokohama, comme toutes les villes du Japon, est sujette aux catastrophes naturelles. Elle apparaît, avec Tokyo, comme une des villes les plus concernées par les risques naturels dans le monde d’après Munich Ré34. La réponse du pays donnée face aux caprices du shizen, passe par la prévention des risques. Dès mon arrivée au Japon, j’ai dû suivre une formation d’une journée entière pour savoir quelles règles de prudence adopter, comment s’y préparer, savoir se mettre en sécurité, et réagir après une catastrophe naturelle. Lors de mon séjour dans le pays, la fréquence des séismes que j’ai pu vivre,

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Munich Re (aussi Münchener Rück) est un réassureur allemand implanté à Munich et l’un des principaux réassureurs mondiaux. https://www.lesechos.fr/12/03/2003/LesEchos/18864-107-ECH_tokyo-yokohama-reste-lagglomeration-la-plus-risquee-du-monde-devant-san-francisco.htm

35


était d’environ une fois tous les quinze jours. Il ne s’agissait que de tremblements de terre de faible magnitude et très courts, ne durant que quelques secondes. Mais certains événements bien plus graves restent dans les mémoires, comme le tremblement de terre de Kanto subit par Yokohama et Tokyo en 1923, qui avait causé un véritable désastre, en faisant plus de 140 000 morts. 35 Plus récemment, en 2011, la ville a subi un mini-tsunami d’un 1m60 de hauteur, dû à un autre tremblement de terre à Tohuku, d’une magnitude de 9,1 sur l’échelle de Richter, dont l’épicentre se situait à 300 km de Yokohama. De grandes reconstructions de la ville ont été mises en place après le tremblement de terre de Kanto. Se rendant compte déjà par le passé et après cet évènement que les parcs font office de refuge, les japonais établissent un plan de reconstruction, en vue d’améliorer la sécurité par l’aménagement de parcs et de jardins publics, devenant lieux de prévention des risques, « Le plan de reconstruction après le séisme prévoit d’améliorer la sécurité par la création de nombreux parcs et jardins publics. »36 Le shizen a cette idée paradoxale, où il peut à la fois être dévastateur et salvateur. On retrouve l’idée que le shizen est craint mais aussi vénéré.

Concernant le climat, Yokohama possède un hiver doux et ensoleillé tandis que l’été est chaud et pluvieux. Les pluies sont abondantes avec un taux de précipitation d’environ 1.700 millimètres par an. Les mois les plus pluvieux sont ceux de septembre et d’octobre, en raison des typhons. Les intempéries provoquent parfois des problèmes de circulation à Yokohama. Pendant l’hiver de l’année 2013, la neige est tombée si fort que cela a paralysé la ville, créant des problèmes de circulation, de nombreux vols et trains ont été annulés37.

En raison des multiples problèmes liés aux risques naturels, expérimentés par les habitants de Yokohama en particulier, mais qui peuvent être généralisés au Japon, on retrouve une attitude spécifique des japonais face au shizen. Il y a dans les mentalités, un esprit à la fois de crainte et de respect par rapport au shizen, qui mène à la notion d’éphémère qui a été développée dans la première partie du mémoire.

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ROY Anne, « Pierre-François Souyri : Il y a un avant et un après-séisme de Tokyo », L'Humanité, section Home, [en ligne], Mars 2011, https://www.humanite.fr/pierre-francois-souyri-il-y-un-avant-et-un-apres-seisme-de-tokyo [page consultée le 5 Janvier 2019] 36 BROSSEAU Sylvie, « Mori », in BONNIN Philippe, MASATSUGU Nishida et SHIGEMI Inaga (sous la dir. de), Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Edition, 2014, p. 262 37 Informations publiées dans Tribune de Genève, section Asie et Océanie, [en ligne], Janvier 2013, https://www.tdg.ch/monde/asie-oceanie/Des-chutes-de-neige-sement-le-chaos-au-Japon/story/24716628 [page consultée le 9 Décembre 2018]

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3. L’abondance des espaces verts protégés et sa participation au quotidien japonais Le rapport au shizen est également rendu visible par la présence d’espaces verts abondants à Yokohama, disposés dans toute la ville, créant un parcours très agréable au travers des bâtiments et des espaces végétalisés à différentes échelles. « Dans la ville […] ces bribes de nature toujours présentes sont constituées d’arbre en bosquet ou alignés aux abords des sanctuaires ou des temples, de jardin et de parcs publics, de jardinets privés jusqu’aux arbres en pots » (Sylvie Brosseau, 2014). La question de l’importance du shizen se ressent au travers de l’implication des japonais dans la sauvegarde du sansui ainsi que dans l’intégration qu’ils en font à leurs habitudes d’activités. L’espace vert se pratique dans le quotidien de leur vie.

A la suite de la haute croissance économique dans les années 6038, le Japon connait une crise écologique battue en retraite par les dénonciations techno-socio-économiques et les sentiments des japonais qu’ils adressent au shizen. Augustin Berque (1986) explique que, considérant que ce qui nuit au shizen ne se réalise pas naturellement, les japonais se sont rendu compte que l’industrie était une menace au shizen. En effet, les japonais n’ont pas volontairement agi dans l’idée de dominer le shizen. Toutefois, ils se sont rendu compte de leur impact négatif sur lui. L’auteur pose néanmoins la question de la culpabilité des japonais puisque l’essors industriel provenait des cultures occidentales, non de la leur : cela ne correspond pas à ce qu’ils font naturellement, d’euxmêmes, spontanément. Les progrès techniques arrivant brusquement de façon exponentielle, les japonais n’ont pas eu le temps de prévoir les conséquences de ces avancées. De cette prise de conscience, le Japon a établi des lois de protection de l’environnement, vite prises en compte39. Dans la dénomination de certaines de ces lois, on comprend par la structure même du langage que les japonais se sont rendu compte du mal qui est fait au shizen : le terme de pollution environnementale est traduit en japonais par kogai qui signifie préjudice public.40 Ce n’est donc plus simplement un mot, mais une action, celle que l’homme fait du mal au shizen. De nombreux films,

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L’évolution et le développement industriel par un afflux massif de techniques étrangères causant pollution, maladies et morts (pollution d’usine sidérurgique Kawasaki à Chiba, asthme à Yokkaichi, marée noire de Mizushima, empoisonnement au mercure à Minamata et à Niigata, au cadmium à Toyama). 39 Par exemple, l’équilibre déboisement/reboisement a été retrouvé et comblé en seulement 10 ans. BERQUE Augustin, Le sauvage et l’artifice, les Japonais devant la nature, Paris, Gallimard, 1986, p. 98 40 GRAPARD Allan G, « Nature and Culture in Japan », Tokyo Journal, section Hidden Japans, [en ligne], Novembre

2011 https://kyotojournal.org/culture-arts/nature-and-culture-in-japan/ [page consultée le 7 janvier 2019]. 37


y compris les réalisations de Kurosawa, évoquent ce problème, comme développé dans la deuxième partie du mémoire. Aujourd’hui la question de l’environnement est de plus en plus importante au Japon. Certes, le rapport au shizen est toujours présent mais il est différent par rapport à son origine : vivre en respect et en harmonie avec le shizen n’est pas toujours constant.

L’importance de la forêt est remarquablement reconnue. Les politiques relatives à la gestion des forêts sont menées dans une perspective à long terme. Un phénomène de déforestation et de disparition des terres agricoles a été observé en raison de l'urbanisation rapide des villes au Japon. « les grandes villes japonaises […] à partir des années 1980, commencent à protéger en périphérie des collines boisées avant leur absorption totale par l’urbanisme. » (Sylvie Brosseau 2014) La conservation de ce patrimoine écologique est donc un défi à relever sans délai. Le Plan de verdure de Yokohama a été lancé dans le but de protéger les forêts et les terres agricoles. Il passe par la promotion et la sensibilisation du shizen auprès du public, en organisant notamment des activités pour les citoyens, les associations et les entreprises. Ainsi on trouve dans la ville de Yokohama, 2 642 parcs, ce qui représente une superficie de 18 047 331 m² au total, soit 4% du territoire de la ville. Un soin particulier est donné à leur entretien et à leur préservation. On en trouve de toute taille, passant de la petite échelle du square à la grande échelle où le terrain embrasse même la forêt ou la montagne. Certains parcs comprennent également des lacs. L’image des rochers, des ponts, du lac dans les parcs est une réinterprétation du sansui où les archétypes sont mis en scène. Il y a là l’idée d’un emboitement, d’un univers fabriqué, contenu dans un plus grand, auquel il renvoie comme un reflet. Le parc représente le grand sansui, dans lequel se trouve des petits aménagements, qui sont une réinterprétation du sansui. Au Japon et à Yokohama en particulier, les parcs accueillent de multiples activités. « Les parcs publics offrent le cadre spatial favorable au déroulement de multiples activités » (Sylvie Brosseau, 2014) On redécouvre la notion du zoen (paysagisme) relevant les deux aspects esthétique et pratique (dans le sens utile) développés dans la première partie. Les parcs, mis à part leur fonction esthétique, proposent également des activités. Les espaces verts au Japon permettent non seulement de se reconnecter avec le shizen mais aussi de favoriser les interactions sociales, de partager d’anciennes coutumes et d’en accueillir de nouvelles. Par exemple les parcs de Kamigo Kyugo Ryokuchi, de Kanazawa et de Kamariya Ichigo Ryokuchi se placent côte à côte. Ils proposent plusieurs activités variées, toutes liées au shizen que 38


sont : un zoo (Figure 21), une exposition sur les plantes, des parcours de promenades pour observer et ressentir le shizen, des espaces de jeux pour les enfants, des équipements publics, permettant aux habitants de toucher le shizen et profiter de moments dans un environnement non urbain. Un équipement remarquable est Le sanctuaire naturel de Yokohama Observation. Toute une démarche sur l’éducation sur le thème de l’environnement y existe. Les parcours dans la forêt, les cabines d’observations, sont mis en place. En se promenant, les habitants peuvent profiter des ambiances du shizen, des sensations, c’est un parcours kinesthésique41 en relation avec la course du soleil à travers les arbres, les chants des oiseaux, etc. Dans un des parcs, on trouve également un sanctuaire sous la forme d’un temple, qui est un lieu dédié à la spiritualité.42 Dans les espaces verts, les promenades sont parfois accompagnées de nombreux rituels, organisés autour du changement des saisons, comme les hanami (Figure 22) : les célèbres cerisiers du printemps, les feuilles rouges et or de l’automne sont toujours mis en scène. Ces pratiques permettent des rencontres dans le shizen et dans la tradition. « multiples activités […] suivant une temporalité rythmée par les saisons. […] Ces véritables rituels sociaux amènent les citadins à partager des valeurs culturelles à travers des actes communs. » (Sylvie Brosseau, ibid.) En général, les japonais passent beaucoup de temps libre à l’extérieur, dans le shizen, par conséquent ces événements sont toujours en proie à de gros embouteillages. On avance lentement dans les allées, et il arrive parfois qu’il faille faire la queue pour entrer dans les parcs. Dans un autre contexte, on trouve le parc de Shinyokohama situé le long d’une rivière. Il s’agit d’un parc dédié à l’athlétisme et à la remise en forme avec un panel d’activités sportives et un terrain pour les chiens. Etant étudiantes en échange, l’université nous a proposé de nombreuses activités pour rencontrer les autres étudiants et la plupart de ces activités ont lieux dans le shizen, comme un barbecue à côté d’une rivière, une récolte du riz dans les rizières etc. « Divers groupes ou communautés […] entretiennent une sociabilité de base fondée sur une appropriation éphémère d’un territoire. Se retrouver, partager un repas en plein air, observer une nature paysagée, ces actes permettent de partager émotion et plaisir. » (Sylvie Brosseau, 2014)

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Perception consciente de la position ou des mouvements des différentes parties du corps, dans notre cas, en relation avec la nature. 42 http://park15.wakwak.com/~yokohama/

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Figure 21 : Kanazawa, plus qu’un parc, un zoo, un lieu de contact avec le shizen.

Figure 22 : Individuels ou organisĂŠs, les pique-niques sont mis en place pour observer le changement des saisons, ici pour la floraison des cerisiers.

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Il existe aussi une relation entre les maisons et leurs espaces verts, sous forme de jardins. Les petits pots de fleurs qu’on y voit, participent à la perception des espaces verts dans la ville. J’ai remarqué en me promenant que dans presque toutes les maisons se trouve invariablement un arbre ou une fleur (Figure 23).

Figure 23 : Les moindres petites expressions du shizen complètent la végétation de la ville.

Les temples participent aussi à la verdure de la ville car ils possèdent un jardin qui les enveloppe. Cette verdure reste intacte malgré la construction de bâtiments modernes qui se développent dans la ville et qui la cache sans la mettre en scène. Ces dispositifs créent un tissu urbain particulier où un espace vert est entouré par des bâtiments modernes : cette verdure se cache entre ces bâtiments. Quelques soient les moyens par lesquels la végétation est exprimée dans la ville, elle rappelle le sansui. « La présence vive et dense de la végétation disséminée ici et là conserve la mémoire de paysages archétypaux à valeur collective et individuelle, ceux de la montagne couverte de forêts d’où vient l’eau » (Sylvie Brosseau, 2014).

Pour conclure, on peut dire que le shizen participe à la vie des japonais, il les accompagne dans leurs activités quotidiennes, dans ce qui touche à l’économie, au loisir et à la religion, favorise les relations sociales. Les japonais aiment à observer les archétypes matériels et immatériels, dont les changements de rythme, le mouvement du shizen et en parallèle ces éléments du shizen 41


accompagnent leurs activités et leur mode de vie. L’importance, le respect et l’appréciation du shizen, se remarque beaucoup au Japon et se modifie au fil du temps, bien qu’il joue toujours un rôle important dans leur vie.

B. Un rapport au shizen qui traverse le temps à l’échelle de la maison de la ville Le rapport au shizen est présent dans bien des aspects de la vie des japonais. Il participe notamment à la conception et la façon de vivre dans l’habitat. En effet, Phillipe Bonnin (2014) a expliqué ce fait que la conception de la maison vient de celle des sanctuaires shinto et bouddhiste qui eux-mêmes sont connus pour leur lien étroit avec le shizen. « Si la maison traditionnelle […] dérive du sanctuaire shinto primitif, c’est au bouddhisme qu’elle doit la discrète harmonie de son espace intérieure – matière […] aspect végétal, naturel [...] le symbolise enfin déployé dans le jardin. » Dans cette partie, je vais me pencher plus particulièrement sur la maison de ville. En effet, j’ai vécu mon expérience du Japon, majoritairement en ville, et c’est donc naturellement à l’architecture urbaine que j’ai été le plus confrontée. Je vais donc étudier la maison traditionnelle machiya située dans la ville Nara et analyser la maison contemporaine d’aujourd’hui, construite au XXIe siècle, par l’intermédiaire de trois cas : la maison Sogabe, la maison Maruyama et la maison Moriyama. J’ai pu visiter ces quatre maisons, et particulièrement pour les maisons contemporaines, j’ai eu la possibilité de rencontrer les propriétaires étant pour la plupart les architectes eux-mêmes. Le rapport au shizen influence la conception architecturale, qui résiste au temps par sa présence mais qui se traduit par d’autres manières s’accordant aux nouveaux besoins et usages des habitants et aux progrès techniques.

La maison traditionnelle du peuple au Japon est appelée minka, dans laquelle on trouve la maison en milieu rural : noka et la maison urbaine, de la ville : machiya (Figure 24). Ces maisons s’adressent surtout à une population modeste : de paysans, artisans, ou commerçants. Concernant le machiya, il s’agit d’un modèle d’habitat développé pendant la période dite d’Edo, entre 1603 et 1868. Il s’agit d’une maison construite en bois et placée sur une parcelle longue, étroite et mitoyenne. Il existe plusieurs modèles de machiya mais ils accueillent en général, un magasin ou un atelier sur la façade sur rue, et une pièce de vie à l’arrière. Ils possèdent, typiquement, 42


un jardin à l’intérieur 43. A l’intérieur, les pièces sont séparées par des panneaux coulissants en papier opaque, fusama (Figure 25). Ils sont séparés de l’extérieur par des panneaux de bois ou en papier translucide nommés shoji (Figure 26).

Figure 24 : Façade d’entrée du machiya à Nara.

Figure 25 : Fusama.

Figure 26 : Shoji.

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Exposition des maisons japonaises, architecture et vie après 1945, The Japanese Houses – architecture and life after 1945 -

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La maison Sogabe est construite en 2005 par le propriétaire lui-même, l’architecte Sogabe (fondateur de l’agence MIKAN) et son assistante Miki Maruyama (fondatrice de l’agence MATIDESIGN). Elle se situe à Yokohama, dans un contexte de densité forte et de mixité de population. Le quartier possède plusieurs types de maisons anciennes et neuves (Figure 28). La maison Maruyama datant de 2004 se trouve elle dans le quartier Myorenji, quartier dense à Yokohama. Miki Maruyama et Yuuhei Nitta (co-fondateur de MATIDESIGN) en sont les architectes et les propriétaires (Figure 29). La maison, inscrite dans une pente, se compose de trois niveaux, le sous-sol correspond à leur agence d’architecture. Le rez-de-chaussée est dédié à leur grand-mère tandis que le premier étage leur est attribué (Figure27). (L’ensemble des plans de chacune des maisons contemporaines est disponible en annexe.)

R+1 : espace de vie des architectes

RDC : espace de vie de leur grand-mère

Rue

Sous-sol : agence Figure27 : Coupe de la maison Maruyama.

Figure 28 : Façade Nord-Ouest de la maison Sogabe.

Figure 29 : Façade d’entrée de la maison Maruyama.

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La maison Moriyama se trouve à Tokyo. Elle a été pensée par l’architecte Ryue Nishizawa (fondateur de l’agence SANAA) et réalisée en 2005. Son emplacement est singulier. Composée de plusieurs volumes éclatés sur la parcelle, les neuf unités composent le logement du propriétaire et ceux de ses locataires (Figure 30). Les pièces sont éclatées (Figure 31), le propriétaire n’habite seulement trois d’entre elles, tandis que le reste est destiné à la location.

Figure 30 : Façade d’entrée donnant sur les rues.

Figure 31 : Axonométrie des pièces éclatées de la maison Moriyama.

1. La notion d’éphémère à travers une structure légère et une organisation spatiale La maison traditionnelle japonaise laisse rentrer le shizen à l’intérieur par la conception structurelle en utilisant des matériaux légers, dans une idée de structure éphémère. « Cette notion bouddhique d’impermanence va trouver un écho renouvelé dans la pratique des […] architectes » (Murielle Hladik, 2014). Jacques Pezeu-Massabuau44 dit que la maison traditionnelle japonaise permet un monde de sensations originales, telles que les ambiances dues aux mouvements du shizen, le rythme par le changement des saisons, la lumière, les sensations du mouvement du corps liées aux matériaux naturels. Historiquement, la maison traditionnelle japonaise n’est pas isolée, « la maison japonaise est pratiquement toujours à la température extérieure » (Jacques Pezeu-Massabuau, ibid.). La construction en structure bois avec des parois en bois ou en papier translucide laisse rentrer facilement la température de l’extérieur à l’intérieur et vice-versa. Si durant le printemps ou

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PEZEU-MASSABUAU Jacques et BONNIN Philippe, Façons d’habiter au Japon, Paris, CNRS Edition, 2017, p. 157

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l’automne, cela peut être très agréable, en revanche les mois d’été voient une hausse significative des températures entraîner une surchauffe rapide de l’édifice. De même, la saison froide de l’hiver, fait chuter le thermomètre assez bas. On ressent le mouvement des saisons, du shizen, la notion éphémère du temps et des choses. Comme illustrée dans le film de Kurosawa, la structure fragile du bâtiment permet de rester en lien avec le shizen de façon auditive. La maison est toujours en lien avec le shizen depuis l’extérieur – ce qui renvoie à l’imaginaire développé en deuxième partie du mémoire – par exemple on entend la pluie battre sur le sol du seuil et sur le toit, remplacée finalement par le chant des oiseaux ; le vent se glissant à l’intérieur de la maison, faisant bouger et vibrer l’ossature, les châssis ; Il est possible de suivre le rythme mouvant des saisons, ainsi mis en place ; le bruit du tatami en marchant. Le tatami est une natte de paille de riz, qui a une consistance souple dans laquelle on s’enfonce. En marchant dessus, on ressent la texture qui se presse sous nos pieds. Le mouvement du corps est accompagné par l’environnement et la stimulation des sens par le shizen. La structure, décrite comme légère et temporaire, renvoie à l’idée de l’impermanence. A cause d’incendies, de la pluie, du vent et des catastrophes naturelles dans cet environnement contrarié, les maisons sont donc vouées à une existence courte. Les parois de planches pourrissent à l’extérieur avec l’humidité, le papier des cloisons se déchire aussi facilement. Dans la culture japonaise, le papier est changé une fois par an à l’occasion du nouvel an car avec le temps il devient jaune et la lumière pénétrant à travers n’est plus assez claire. Le choix du bois pour la construction s’est imposé, comme dans d’autres endroits dans le monde, car c’est un matériau abondant, peu cher, se trouvant à proximité, et, dernière qualité mais pas des moindres, c’est un matériau léger, ce qui permet de le remplacer ou de le réparer facilement. Les maisons contemporaines essayent d’éviter les problèmes d’inconfort rencontrés dans ces maisons traditionnelles, principalement le problème thermique, et d’avoir une structure plus solide au moyen de nouvelles techniques. Par ces situations d’inconfort, les machiya disparaissent, laissant quelques-uns conservés par l’état45. Les maisons sont construites en béton si le budget le permet. Au Japon, la construction en béton est plus chère que la construction en bois d’après les architectes Miki Maruyama et Yuuhei Nitta, propriétaires du projet maison Maruyama. Cette maison est construite sur des fondations et un sous-sol (utilisé comme agence) en béton pour rendre la maison plus solide, surtout contre les séismes, tandis que la partie de rez-de-chaussée et 45

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le premier étage sont en bois. Ils disent que ce concept permet d’obtenir une maison d’une part avec un financement plus abordable, mais aussi que cela leur permet d’intégrer la conception de la maison traditionnelle. La partie habitation est, d’après eux, tirée de l’architecture traditionnelle, alors que la partie basse serait de l’architecture contemporaine. On y retrouve d’autres éléments, venus de la maison traditionnelle que sont les fusama et les shoji qui laissent rentrer la lumière de façon translucide. Quand les ouvertures sont fermées, on peut seulement deviner la présence du shizen, par exemple en voyant l’ombre projetée des feuilles qui bougent dans le vent, mais toujours derrière un filtre (Figure 32). Dans ces pièces l’usage de tatamis a aussi été conservé.

Figure 32 : Dessins par les ombres des feuilles des shoji dans la maison Maruyama.

Par comparaison, la maison Moriyama est entièrement construite en béton. La maison Sogabe est en bois mais isolé, avec un enduit intérieur blanc qui facilite, selon l’architecte, l’entretien. Cette technique fait perdre l’aspect éphémère du bois sur les murs, mais ce matériau est conservé pour les planchers et les plafonds. Dans ces espaces, les parois et les ouvertures sont conçues suivant l’influence occidentale, avec des vitrages dans un châssis en bois ou en métal qui permet une meilleure isolation, plus favorable au confort. Le vitrage transparent permet d’observer le shizen et l’environnement de façon claire. Même lorsque les ouvertures sont fermées, ce dont les ouvertures de la maison traditionnelle n’étaient pas capables. Avec les progrès, les propriétaires des machiya ont aussi ajouté des baies vitrées pour la circulation extérieure, pour pouvoir se déplacer confortablement pendant l’hiver. Les maisons traditionnelles, dont le machiya à Nara, ressentent plus les ambiances du shizen, au niveau de la chaleur, mais n’offrent pas un apport de lumière (Figure 33) du fait des panneaux translucides des ouvertures et des débords de toiture qui protègent la façade de la pluie ; alors que la maison contemporaine ne permet pas de ressentir la chaleur de l’extérieur, et laisse pénétrer beaucoup plus de lumière par les ouvertures vitrées (Figure 34). Cependant, même si les architectes 47


de la maison Maruyama, gardent l’aspect traditionnel en intégrant des shoji pour certaines ouvertures, ils ont aussi placé des vitres devant. La question de la lumière relève un inconfort de la maison traditionnelle sur la lumière, ce qui a participé à sa disparition46.

Figure 33 : L’obscurité de la maison traditionnelle.

Figure 34 : Eclat de lumière grâce aux ouvertures vitrées.

L’idée de ne pas s’attacher à l’objet, à la notion de permanence, d’immobilité, se reflète aussi dans l’organisation des pièces qui sont multifonctionnelles. Une pièce devient une cuisine quand on va y manger, en mettant le futon (le matelas japonais) la pièce devient une chambre. On a une grande pièce où tout se passe dedans (Figure 35).

Figure 35 : Une organisation éphémère des pièces, ouvertes à plusieurs usages.

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Cette organisation a pourtant changé avec les modes de conception venus d’occident, notamment d’Europe. Les maisons contemporaines possèdent des pièces à usage prédéfini comme la cuisine, la chambre, le salon, le bureau. Ce qui est gardé c’est le lien entre les fonctions. Le nombre de parois est limité, comme dans la maison Sogabe, où l’architecte explique que lui et sa femme ne souhaitent pas de portes, que les pièces soient plus ouvertes entre elles, ainsi la seule porte se trouve dans les toilettes. La différenciation des pièces se fait par le seuil, par un jeu de hauteur, mais en gardant toujours le lien visuel. Cela apparaît finalement comme une grande pièce ou chaque fonction a sa place, ce qui revisite l’idée d’avoir une pièce qui possède toutes les fonctions (Figure 36).

Figure 36 : Des jeux de différences de niveaux, permettent de connecter visuellement des fonctions séparées.

La maison Maruyama utilise ce processus, grâce aux panneaux coulissants. En ouvrant les parois, les chambres se révèlent dans une grande pièce avec des fonctions et usages définis à chaque coin (Figure 37), (Figure 38).

Figure 37 : Plan de la maison Maruyama, avec des parois coulissantes.

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Figure 38 : Vue depuis la chambre connectée avec la cuisine et le salon.

La maison Moriyama possède des pièces avec des fonctions plus précises, séparées par des parois. Certaines pièces se trouvent même complétement dissociées, parfois complètement distinguées les unes des autres, mais les façades sont souvent de grandes ouvertures vitrées, un contact visuel s’effectue donc entre chacune des pièces (Figure 39).

Figure 39 : Connexion visuelle entre les pièces grâce aux façades vitrées.

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La notion d’éphémère et d’impermanence, se retrouve dans le pavillon du thé qui reprend les caractéristiques minimales d’un habitat temporaire à l’écart du monde, comme les pavillons d’ermitage47. Il est connecté avec l’habitat mais se retire, plus intime, dans un coin du jardin. Dans le machiya il se réduit car les parcelles en ville sont étroites, dans le cas du machiya à Nara, le pavillon du thé se trouve à l’arrière du magasin, donnant sur le jardin ; et dans les maisons contemporaines étudiées, il n’existe plus.

2. L’évolution du jardin, d’une miniature du sansui dans la maison, à un usage pratique Le shizen est l’élément indispensable et inaliénable dans la maison japonaise traditionnelle y compris le machiya, comme pensé dans l’imaginaire des japonais. Il est présent sous la forme d’un jardin qui, avec la maison, crée une combinaison indissociable, à tel point qu’il existe un mot qui décrit ce phénomène : katei (maison-jardin). Un jardin qui au départ est une représentation des archétypes naturels du sansui, matériels (montagne, eau, forêt y compris la végétation) et immatériels (les ambiances par les mouvements du shizen, le changement des saisons, la lumière) qui tend ensuite vers une utilisation plus pratique. Le lien entre les êtres humains et le shizen à travers la maison et son jardin permet à l’homme de s’y immerger. Le jardin s’exprime comme un état conscient d’harmonie avec le shizen : kokoro.

Nicolas Fiévé définit le jardin comme « lieu du quotidien où l’humain entre en contact avec les forces de la nature »48. Le sens du shizen est poussé dans son essence avec les jardins intérieurs du machiya. Il en existe en général de deux types : oku-niwa, le jardin en profondeur et le plus grand de la maison, et le tsubo-niwa (un petit jardin) qui se trouve entre l’espace de travail, donc la boutique ou l’atelier, et l’espace habité. Le jardin n’est pas placé devant la maison car l’espace donnant sur la rue s’adresse au commerce et au commun de la foule. Le jardin est accessible seulement pour la famille et les visiteurs les plus proches .

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HLADIK Murielle, « Mujo », in BONNIN Philippe, MASATSUGU Nishida et SHIGEMI Inaga (sous la dir. de), Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Edition, 2014, p. 356 48 FIEVE Nicolas, « Niwa », in BONNIN Philippe, MASATSUGU Nishida et SHIGEMI Inaga (sous la dir. de), Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Edition, 2014, p. 367

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Figure 40 : Plan du machiya à Nara.

Le machiya que j’ai visité à Nara, possède en plus un tori-niwa qui fait partie du genkan (l’entrée de la maison) et qui se trouve juste derrière le commerce. Ici, on rentre dans la maison proprement dite, par la présence du shizen. Il s’y trouve aussi le tsubo-niwa connecté à la chambre pour la cérémonie du thé, accolé sur un côté du mur. Ensuite, l’oku-niwa qui se trouve au fond de la maison avec le plus grand jardin. Les trois jardins prennent un tiers de la place de la parcelle (Figure 40). Avec la densité actuelle, la taille des parcelles est plus petite, ce qui réduit l’espace pour le shizen. Les grands jardins sont rares. Les maisons d’aujourd’hui, sauf cas particuliers, ne possèdent plus qu’un seul jardin, plus petit, parfois remplacé par quelques pots de fleurs seulement. Mais en se promenant dans les rues, on sent que la présence de la végétation est toujours là. La maison Maruyama dispose d’un jardin en fond de parcelle (Figure 41). C’est un petit espace accompagné par la végétation, dans des pots ou plantée directement dans la terre. Cette maison possède deux entrées. Une principale, directement depuis la rue dans la maison, l’autre depuis la rue au rez-de-chaussée à travers le jardin. La végétation se matérialise aussi dans des pots disposés dans l’escalier menant au rez-de-chaussée. On avance avec la présence végétale. Le mouvement du corps est accompagné par le shizen (Figure 42). La maison Sogabe a conçu le jardin devant la maison (Figure 43, Figure 44), qui crée en même temps l’espace de parking. Ici le jardin a une autre fonction que d’apporter la lumière ou l’aération dans la maison, qui s’adapte aux progrès techniques et aux nouveaux besoins de l’homme. Comme dans le machiya à Nara, on rentre à travers le jardin. Il crée un espace tampon entre la rue et la maison.

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Figure 41 : L’oku-niwa dans la maison Maruyama.

Figure 42 : La végétation monte du jardin à la maison par les escaliers.

Figure 43 : Le jardin devant la maison Sogabe.

Figure 44 : Vue sur le jardin végétalisé.

La maison Moriyama est plus excentrique. Ici c’est plutôt la maison qui fait partie du jardin. Les pièces de la maison y sont éclatées (Figure 45). Pour aller dans la salle de bain, on doit passer par l’extérieur, à travers le shizen. Le parcours est accompagné par l’ambiance environnementale. Le lien entre les pièces se trouve dans le shizen (Figure 46).

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Figure 45 : La maison Moriyama dans le jardin.

Figure 46 : Les espaces arborés à chaque coin.

L’oku-niwa relève de la notion de profondeur : oku liée au parcours : ski. Le parcours dans la maison se finit par la découverte du shizen, éclatant de lumière au fond (Figure 47). Le parcours sombre, dans la maison, rend possible cette profondeur subtile. « Le noir de la maison révèle cette profondeur préférable » (Isabelle Berthet-Bondet, 2010). Cette notion de profondeur et de parcours est une mise en scène typique dans l’organisation spatiale japonaise, dans les maisons traditionnelles mais aussi contemporaines. Ce dispositif en lien avec le jardin est notamment mis en place dans les trois maisons contemporaines étudiées.

Figure 47 : L’éclat de lumière du jardin à travers l’obscurité du machiya.

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La maison Maruyama possède un oku-niwa, amené par le parcours sombre au travers de la maison mais aussi depuis la rue, (comme expliqué ci-dessus). La maison Sogabe retravaille cette notion autrement, le jardin crée la profondeur depuis l’éclat de lumière jusqu’à l’intimité sombre de la maison. L’architecte partage le concept de retrouver l’obscurité de la maison traditionnelle japonaise par l’utilisation de matériaux sombres (le mobilier et la plupart des éléments constructifs). Se confronter visuellement aux éléments sombres dans le parcours, permet d’être attiré par l’éclat de lumière du jardin et de l’environnement extérieur. Quant à la maison Moriyama, le parcours y est étroitement lié au shizen, car le passage d’une pièce à l’autre s’effectue par la traversée du jardin. La profondeur et l’obscurité ici se jouent par les différentes hauteurs des végétations et des pièces, ainsi que des différentes distances qui les séparent, créant ainsi un jeu de lumière (Figure 48).

Figure 48 : La profondeur, le parcours lié au jardin. (de gauche à droite : maison Maruyama, maison Sogabe, maison Moriyama).

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Nicolas Fiévé (2014)49 a expliqué que les jardins japonais, issus de l’art des jardins chinois, sont créés selon des règles complexes. En effet on y trouve toute une métaphore et une interprétation du sansui. L’eau est présentée par une cascade ou une surface calme, elle peut être remplacée par du sable blanc ou des cailloux, des gravillons. Les assemblages de pierres reproduisent aussi les tracés du bord de mer. La montagne est représentée par un rocher, l’arbre comme le pin représente la forêt. Ce sont des lieux où habitent les divinités : les kami. Le pin représente également l’éternité. Les habitants possédant un pin bénéficieront d’une longue vie et d’une bonne santé. Ce dispositif est confirmé par le machiya à Nara où plusieurs roches sont disposées dans l’oku-niwa (Figure 49) et le tsubo-niwa entre les arbres. La promenade dans ce jardin est assurée par les pas japonais en pierre. Le tori-niwa à l’entrée s’exprime par une concentration des roches autour d’un petit bassin d’eau cachant à l’arrière une fougère.

Figure 49 : Réinterprétation des éléments archétypaux du sansui dans l’oku-niwa du machiya à Nara.

De nos jours la notion d’intégrer le shizen dans la maison par l’explication symbolique est moins importante qu’avant. Néanmoins l’utilisation de certaines matérialités identiques s’est 49

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prolongée jusqu’aujourd’hui. Les grandes roches ont plutôt disparu, certains cailloux – une sorte de gravillons – sont toujours utilisés. Comme par exemple dans la maison de Maruyama, les gravillons sont posés comme une texture au sol, pour séquencer le parcours (Figure 50). Le dispositif du jardin est plus simple. Il n’exprime pas autant de symbole qu’auparavant, ce sont des éléments qui plaisent esthétiquement aux habitants ou bien des éléments utiles. Par exemple on trouve des herbes pour la cuisine, des fleurs pour colorer le jardin pendant l’été comme dans la maison Sogabe et Maruyama (Figure 51). Les architectes expliquent qu’à part posséder des plantes pour l’esthétique, il est pratique d’avoir des plantes fraiches pour la cuisine au quotidien. Une autre anecdote est celle de l’architecte de la maison Sogabe, qui raconte qu’un arbre avait poussé tout seul grâce à une graine apportée par un oiseau. Il tenait à le conserver comme un symbole du shizen, apporté par une présence naturelle, mais au moment où l’arbre prenait trop de place, il était contraint de le couper pour ne pas gêner le passage et pour répondre à une question de sécurité dans le cas de typhon. Le propriétaire de la maison Moriyama explique qu’il a laissé les architectes SANAA aménager le sansui de sa maison, sans avis précis, à la suite de quoi il l’a complété avec des plantes aromatiques. Dans le cas de toutes ces maisons, l’espace pour le jardin, pour le shizen, était déjà conçu dans la conception du projet et elle se complète au fur et à mesure. L’obligation de laisser la place pour la végétation, souligne l’idée de vivre en harmonie avec le shizen et renvoie au désir de lier la maison et le shizen dans l’imaginaire, développé dans la deuxième partie, même si les fonctions sont différentes. Les habitants disent qu’ils ne jettent pas les plantes, ils les ajoutent seulement.

Figure 50 : Utiisaiton des gravillons pour la texture au sol.

Figure 51 : Diversité de la végétation, ici dans la maison Maruyama sans aménagement symbolique.

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De plus en plus les habitants restent moins de temps dans le jardin. D’après les architectes Sogabe et Maruyama, leur présence dans le jardin ne se limite qu’aux moments où ils s’occupent des plantes, ils ne s’y promènent plus comme dans les machiya où le rôle du jardin était de favoriser la promenade, observer la miniature du sansui. S’occuper des plantes est donc la seule occasion de rester dans le jardin. Si le jardin se trouve sur la rue, comme pour la maison Sogabe, cela permet parfois de se croiser, d’être en contact avec les habitants alentours. En effet les parcelles au Japon ne possèdent guère souvent de limites physiques avec la rue. Le shizen permet cette interaction sociale (Figure 52). Ce qui contraste avec le jardin des maisons traditionnelles qui favorise les interactions entre les habitants (Figure 53).

Figure 52 : Interaction entre les voisinages à l’aide du jardin donnant sur la rue (maison Sogabe).

Figure 53 : Un jardin clos, plus intime, favorisant les interactions entre les habitants du machiya.

Le jardin exprime le vide. « Il crée un vide nécessaire à l’imagination » (Isabelle BerthetBondet, 2010). Ce vide crée des émotions, permet de ressentir le shizen éphémère et le mouvement du shizen. Le changement de saison est perçu et ressenti par ce vide. Il est chargé d’un souffle vital : le ki. Le mouvement du shizen est appréhendé par les sens. Plus qu’une vue sur le shizen, on peut voir le changement de couleur des feuilles, les jardins plus colorés en été de par les fleurs ; c’est aussi une recherche des ambiances d’être au cœur du shizen, par exemple par le toucher : le toucher du souffle du vent, fort en hiver, le soleil tapant fort en été sur la peau. Ce vide permet également de laisser rentrer la lumière dans la maison, le vent, l’air pour l’aération et ainsi éviter l’humidité. Le ma exprime le rythme et aussi l’espace-temps d’après Augustin Berque (1987). Il s’agit de l’importance accordée entre deux sujets. Intervalle entre deux choses, c’est le moment où les deux mondes se croisent, entre la maison et le shizen. Associant le geste au lieu, l’espace devient le temps. Le lien entre la maison et le jardin se fait par l’intermédiaire des ouvertures et par l’engawa (véranda) de 90 cm de large qui est un prolongement du plancher de la maison, soulevé de 40 cm du sol. Ce dispositif permet une assise. L’engawa et les ouvertures créent le ma. L’engawa peut 58


suivre le contour du jardin ce qui permet une circulation d’une pièce à l’autre par l’extérieur (Figure 54). De nos jours, l’engawa, comme un prolongement de la maison dans le shizen, reprend plutôt une autre forme comme la grande terrasse dans la maison Sogabe où la famille de l’architecte passe beaucoup de temps ; ou un balcon dans la maison Moriyama. Pourtant l’engawa inspire les architectes japonais contemporains, comme Teharu Tezuka dans sa propre maison, ou Ryue Nishizawa dans la maison de Moriyama. Ici, l’engawa c’est le plancher de la maison elle-même, après l’ouverture complète de la façade vitrée il n’y a pas de prolongement du plancher vers l’extérieur. La maison est déjà surélevée de 40 cm ce qui permet une assise directe comme l’engawa original. Le propriétaire prend conscience que cette conception s’inspire de la maison traditionnelle, c’est ainsi qu’il nous l’a présenté (Figure 55).

Figure 54 : L’engawa, comme une extension de la maison dans le jardin.

Figure 55 : L’inspiration de l’engawa traditionnel dans la maison contemporaine.

3. Les motifs des éléments décoratifs représentant les éléments archétypaux du sansui Dans les maisons traditionnelles on trouve des décors avec des motifs des archétypes matériels du sansui et immatériels qui rencontrent le mouvement du shizen, d’une nature 59


éphémère.50 Ces peintures, avec des plantes en vase, se trouvent dans l’alcôve : tokonoma (Figure 56). Ce lieu s’adresse aux objets d’exposition des habitants dans la maison, surélevé du plancher.

Quelques fois les fleurs naturelles sont remplacées par les fleurs artificielles et sont positionnées dans l’entrée (Figure 57), comme la maison Maruyama. Les maisons contemporaines ne possèdent plus cette alcôve, en effet l’espace d’exposition peut être n’importe où. Les habitants expliquent que la fleur artificielle permet d’avoir un shizen permanent dans les maisons car nécessitent moins de soins. Dans l’entrée se trouvent aussi des peintures sur le shizen, précisément un sansui fleurissant, des feuilles qui tombent, donc une représentation du shizen en mouvement.

Figure 56 : La fleur en vase décore le tokonoma.

Figure 57 : La fleur artificielle évite l’entretient et donne une image permanente du shizen.

Les motifs du shizen se trouvent aussi sur les panneaux coulissant en papier à l’intérieur de la maison traditionnelle : fusama. De nos jours certaines maisons utilisent toujours les fusama avec des motifs du shizen comme dans la maison Maruyama (Cf. Figure 38).

Dans la maison Sogabe les parois sont en béton et les motifs du sansui y sont directement dessinés, mais il s’agit plus de sansui représentant le Mont Fuji, ou des forêts de pins ;

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les changements de saison sont exprimés par les cerisiers comme avant (Figure 58). Ces dessins sont des commandes de l’architecte, simples, abstraites avec quelques arbres et des animaux. L’idée du sansui est toujours présente mais avec d’autres motifs (Figure 59).

Figure 58 : Le traditionnelle.

sansui

représenté

de

façon

Figure 59 : Représentation contemporaine du sansui.

En résumé, la maison est en harmonie avec le shizen par la structure éphémère qui laisse rentrer ses ambiances dans la maison, dans l’histoire, par le jardin interprétant le sansui et permettant un lien physique, sensuel, par la capture des moments du shizen dans les peintures et dans les motifs et par les plantes se trouvant à l’intérieur. Le rapport au shizen influence la conception de la maison qui s’est évoluée avec le temps. Il est toujours là mais s’exprime par d’autres manières.

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Conclusion En somme, ces recherches me permettent de répondre à mes hypothèses de départ, que le rapport étroit au shizen est mis en place par les éléments archétypaux matériels et immatériels ; qu’il est omniprésent, tel un emboitement développé de l’imaginaire culturel au quotidien des japonais ; et enfin que ces rapports changent en fonction de l’évolution du monde.

Le rapport étroit au shizen est mis en place par les éléments archétypaux matériels tels que la montagne, l’eau, la forêt y compris la végétation ; et immatériels, tels que les ambiances du shizen par ses mouvements, provoqués par le temps-espace, la notion d’éphémère, les saisons et la lumière. Il est engendré par la position insulaire du Japon et les idées religieuses (shintoïsme, bouddhisme). L’idée du respect et de vivre en harmonie avec le shizen dont l’homme fait partie, est partagée et prônée par ces deux religions. La position insulaire affectée par de nombreuses catastrophes naturelles dirige la crainte et le respect des hommes envers le shizen. On retient ici que les hommes entretiennent un rapport étroit avec le shizen y compris les éléments naturels auxquels ils vouent symbiose et respect. Les éléments archétypaux matériels représentent des lieux importants du shizen, lieux sacrés adressés aux divinités, dites kami. Le japon possède un sansui et une topographie riche de ces éléments-ci. D’où leur importance dans le rapport que les japonais entretiennent avec eux. Ensuite, l’appréciation du shizen ne se limite pas qu’à ses éléments matériels, mais se trouve aussi dans ses éléments archétypaux immatériels tels que les ambiances dans le mouvement naturel, le changement des saisons, propre à un instant et à un contexte, profiter de la beauté dans l’instant présent ce qui nous renvoie à la notion d’éphémère, d’impermanence, qui nous vient à la fois de la position insulaire (liée aux catastrophes naturelles, où tout peut disparaître, donc pas d’attache à l’objet) et de l’enseignement des religions. Ces éléments archétypaux matériels et immatériels prennent donc une importance dans la culture japonaise, et y sont réinterprétés, là étant la preuve du rapport que les japonais entretiennent avec le shizen.

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L’importance des archétypes matériels et immatériels se ressent par son omniprésence dans plusieurs domaines et dans la vie de l’homme. Le rapport au shizen est donc présenté comme un emboitement qui se trouve dans l’imaginaire culturel japonais particulièrement cinématographique et qui se traduit ensuite dans leur vie quotidienne notamment au travers de l’architecture. Au travers de l’univers cinématographique, on arrive à percevoir comment les japonais désirent la présence du shizen dans leur vie. Dans leur imaginaire, qu’ils soient visibles ou non, les éléments archétypaux accompagnent les hommes et influencent leurs modes de vie et leurs comportements, dont les gestes et les activités, les émotions et les réflexions. La maison se veut toujours être désirée en présence du shizen, au milieu de la montagne, de la forêt, à proximité de la rivière, possédant un jardin, les motifs du shizen faisant office de décoration intérieure. Elle est toujours présentée en compagnie des éléments archétypaux. Cet imaginaire culturel se traduit dans le quotidien par l’architecture, se développant de la grande échelle (urbanisme) à la petite échelle (la maison). Dans les deux cas, il participe à l’organisation de l’espace, incluant toujours des espaces arborés, parcs et forêts pour la dimension urbaine, le jardin pour la maison ; les motifs sur les parois, les murs, ajoutent cette présence du shizen ; à l’échelle de la ville les espaces naturels favorisent les relations sociales, les rencontres en extérieur, participent à son développement comme le cas de Yokohama en tant que ville portuaire au niveau économique, mais également des échanges culturels au niveau international.

Néanmoins le rapport au shizen n’est pas tout le temps stable. Le cinéma, comme vecteur de l’imaginaire, est alors présent pour rappeler le rapport originel entre l’homme et le shizen et ramener ce rapport symbolique sur le devant de la scène. L’imaginaire représente ce qu’on veut retrouver, l’homme veut toujours nouer des liens avec le shizen, même si les rapports changent. Les changements du monde, sociaux, techniques, économiques, modifient ces rapports au shizen. Ils sont toujours présents mais représentés de manières différentes. La question de vivre en harmonie et en respect avec le shizen évolue. Dans l’histoire du Japon, hors-mis les déforestations et les pertes des terres agricoles par le développement urbain, une des causes des nuisances envers le shizen, est la haute croissance des années 60. Au moment où les japonais se sont rendu compte de ces menaces industrielles, ils ont établi des lois vite adoptées, pour conserver l’environnement, montrant ainsi que le rapport au shizen est toujours présent. Ce qui se confirme de nos jours, puisque le Japon apparaît comme un des pays les plus remarquables à l’échelle mondiale, par les parcs, les forêts, les montagnes, dont beaucoup sont protégés. 63


La pratique du sansui et les activités, notamment les festivals, les promenades pour observer le changement des saisons, sont toujours présents. Cependant, le problème environnemental dans le pays est toujours là. A une petite échelle, le rapport au shizen varie entre la maison traditionnelle et contemporaine. Le shizen est toujours présent et les espaces qui lui sont dédiés sont toujours mis en scène. Cependant, contrairement aux maisons traditionnelles, les maisons contemporaines développent un lien moins sensible au shizen, plus pratique. La notion d’éphémère, pas d’attache à l’objet, est moins présente, d’abord par le remplacement de la structure légère ensuite par le fait de donner une fonction à un lieu précis. Avec les progrès techniques les maisons contemporaines sont plus résistantes aux forces naturelles, plus isolées, plus confortables au niveau thermique et en apport de lumière. Sous l’influence de l’architecture occidentale chaque pièce a son usage (manger, dormir, accueillir). Même si les pièces peuvent être connectées, chaque fonction est dédiée à une pièce en particulier. L’origine du rapport au shizen dévoile un jardin au début utile : aération et lumière, et esthétique : miniature des archétypes du sansui exprimée par les rochers, la végétation et les gravillons. L’espace dédié au jardin d’aujourd’hui est réduit car moins de place sur la parcelle, cellesci étant chères, et suite à une surpopulation, les parcelles sont aussi réduites. La question du coût prend plus d’ampleur sur la question de la qualité de l’espace. Malgré l’espace réduit, la végétation a toujours sa place, parfois représentée par un seul arbre ou des pots. Ce fait montre que l’espace de jardin ne représente plus autant de superficie que l’espace d’habiter comme avant, mais on voit que les habitants entretiennent toujours un rapport avec le shizen. L’attention n’est plus autant portée sur la représentation du sansui mais le jardin doit accueillir plus de fonctions qu’avant, et même si les éléments portant les symboles sont conservés, ils peuvent avoir une autre fonction. Maintenant l’utilisation se veut plus pratique, utile et moins symbolique. Le jardin peut donc à la fois devenir, un parking ou une terre agricole (plantes pour la cuisine). En effet, s’occuper des plantes est le seul moyen qui maintient une relation active entre les habitants et leur jardin, donc entre l’homme et l’environnement. L’ancienne fonction de se promener dans le jardin, regarder les changements de la saison n’est pas autant fréquent, car le jardin n’est plus seulement fait pour ces activités. Exposé à la rue, il permet aux habitants de se croiser avec le voisinage et crée ainsi une connexion sociale. Il n’y a pas souvent de limite physique entre la maison et l’espace publique. Ce qui est différent des maisons traditionnelles, où le jardin est intérieur, et entretient seulement une relation entre les propriétaires. 64


A l’échelle de l’intérieur de la maison, les motifs du shizen sont toujours présents, par les peintures du sansui, les fleurs, naturelles ou artificielles. Mais désormais ils proposent des contenus plus divers, ouverts à plus d’histoire, on ne se limite pas aux représentations classiques, aux divinités, aux changements de saison, mais ce sont des représentations plus larges, parfois abstraites, du shizen en général, toujours en lien avec le sansui. Aujourd’hui certains éléments du machiya sont reproduits dans les maisons contemporaines (construction en bois, tatami etc.) pas uniquement pour le lien avec le shizen mais aussi pour conserver l’aspect de la maison traditionnelle. Particulièrement, la construction bois est préférée pour son faible coût.

En effet, malgré les changements dans l’histoire, les évolutions, les progrès et le passage du symbolique au pratique, le rapport au shizen, représenté par les éléments archétypaux matériels et immatériels, est omniprésent dans la culture japonaise. Il s’agit d’un emboitement, le shizen se trouve dans l’imaginaire culturel et se diffuse dans plusieurs domaines dans leur quotidien, dont l’architecture. Il accompagne et influence le mode de vie et les comportements de l’homme. Plusieurs rapports au shizen et au sansui existent et coexistent au sein de plusieurs univers dont la question esthétique, symbolique, les rapports sociaux, économiques, l’organisation spatiale. Toutefois, le rapport au shizen n’est pas stable, il évolue par rapport aux changements du monde. Il est toujours là mais atteint une autre manière d’expression au fil du temps.

Ce mémoire m’a apporté et approfondi des connaissances sur le rapport au shizen au Japon. Par le biais de ces recherches je me suis posée la question sur comment ce rapport peut se traduire dans la culture occidentale et quel est son intérêt ? Moi-même vivant dans deux cultures, asiatique et européenne, je souhaite toujours en ressortir les éléments les plus pertinents, les combiner et les favoriser en les intégrant dans l’architecture.

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Glossaire animisme : conférer une âme aux animaux, aux astres, à la nature, aux objets et aux êtres humains, cf. p. 14 aréolaire : aucun point particulier, ni de ligne ou de place importante ne compose l’espace, cf. p. 27 déité : divinité, cf. p. 14 engawa : véranda, cf. p. 55 fengjing : mot chinois signifiant « le vent » et « la scène », cf. p. 8 fukei : un autre équivalent du paysage utilisé de nos jours, cf. p. 8 fusama : panneau intérieur coulissant en papier opaque, cf. p. 39 futon : matelas japonais, cf. p. 45 gawa : rivière, cf. p. 30 genkan : entrée, cf. p. 49 haïku : poème court évoquant le paysage naturel japonais, cf p. 9 hanabi : feux d’artifice célébrant l’été, cf. p 11 hanami : évènements célébrant la floraison des cerisiers, signifiant « regarder les fleurs », cf. p. 10 hara kiri : pratique japonaise ancestrale de suicide par éventration selon le code d’honneur des samouraïs, cf. p. 16 kami : les divins, chaque éléments de la nature pouvant être estimé ainsi, cf. p. 14 katei : maison-jardin, cf. p. 48 keikan : encore un équivalent du paysage utilisé de nos jours, cf. p. 8 ki : souffle vital, cf. p. 55 kinesthésique : qui se rapporte à la perception consciente de la position ou des mouvements des différentes parties du corps, dans notre cas, en relation avec la nature, cf. p. 35 kogai : préjudice public, équivalent de pollution en français, cf. p. 34 kokoro : état conscient d’harmonie avec la nature, cf. p 15 ma : le vide, le rythme et l’espace-temps, cf. p. 55 machiya : maison traditionnelle japonaise de la ville, cf. p. 39 minka : maison traditionnelle japonaise du peuple, cf. p. 39 mujo : éphémère, impermanence, cf. p. 15 noka : maison traditionnelle japonaise en milieu rural, cf. p. 39 oku : profondeur, cf. p. 51 66


oku-niwa : le plus grand jardin de la maison traditionnelle, en profondeur, cf. p. 48 polythéiste : se dit d’une religion croyant en l’existence de plusieurs dieux, cf. p. 14 sansui : l’équivalent le plus proche du paysage naturel en français, venant de san : montagne et sui : la rivière, cf. p. 7 shizen : l’équivalent le plus proche de nature en français, cf. p. 7 shizensei : le sens de la nature, cf. p. 9 shoji : panneau extérieur en bois ou en papier translucide, cf. p. 39 ski : parcours, cf. p. 51 tatami : natte de paille de riz à consistance souple, cf. p. 43 tokonoma : alcôve où se trouvent les peintures et les plantes en vase, cf. p. 56 tori-niwa : le jardin après le portique, cf. p. 49 tsubo-niwa : petit jardin dans la maison traditionnelle japonaise, entre l’espace de travail, donc la boutique ou l’atelier, et l’espace habité, cf. p. 48 waterfronts : front de mer, cf. p. 29 zoen : le paysagisme, cf. p. 9

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http://www.city.yokohama.lg.jp/kokusai/yport/en/about/makingcase.html 71


https://fr.123rf.com/photo_26798445_yokohama-japon-le-22-mars-2013-enfant-nonidentifi%C3%A9-et-les-parents-sont-assis-pr%C3%A8s-de-la-baie-de-voir-sa.html

https://www.geocaching.com/geocache/GC2PC2E_itachi-river-25-yokohama-naturesanctuary?guid=c1dbb879-6168-4cbb-b978-d4eff7ef8d57

https://www.lesechos.fr/12/03/2003/LesEchos/18864-107-ECH_tokyo-yokohama-reste-lagglomeration-la-plus-risquee-du-monde-devant-san-francisco.htm

https://www.nature.com/articles/129684d0

https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/climat-a-yokohama-les-experts-dugiec-planchent-sur-l-etat-de-la-planete_13494

https://www.ynw.jp/concept.html

Références images : Sauf mention contraire, les illustrations sont de NGUYEN Phuong •

Figure 1 image en haut à droite : https://www.smart4k.co/flower-festival-tokyo-may-2018/

Figure 1 image en bas à droite : http://www.ewnsholidays.in/product/1

Figure 2 à gauche : https://digicoll.manoa.hawaii.edu/earthquake/Pages/viewtext.php?s=browse&tid=102&route =browseby.php&start=96&by=reference&s=browse

Figure 2 à droite : https://www.bbc.com/news/world-asia-28730227

Figure 3, 4, 6, 10, 12, 14, 15 à gauche : Après la pluie de Takashi Koisumi, https://streaminghd.dadyflix.com/films/apres-la-pluie0040/?fbclid=IwAR1yl3WzYu_cew9PB22YBBsYC4JkrhUmko6OeNjo_F89sxk8xmIi5BIVuN4

Figure 5, 7, 8, 9, 12,13, 15 à droite : Rêves de Akira Kurosawa, https://ww1.streamay.com/6912-reves/

Figure 16 : https://www.google.com/maps/place/Yokohama,+Pr%C3%A9fecture+de+Kanagawa,+Japon/ @35.842404,134.1121795,5.2z/data=!4m5!3m4!1s0x60185becbbb66509:0x69683f66028540 0!8m2!3d35.4437078!4d139.6380256

Figure 17, 18 : https://www.alamyimages.fr

Figure 19 : https://www.flickr.com/photos/scottnorsworthy/8273050602/in/photostream/

Figure 20 à gauche : https://digitallife.tokyo/archives/2014/07/fujifilm_fb.html

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Figure 20 à droite : https://fr.123rf.com/photo_26798445_yokohama-japon-le-22-mars-2013enfant-non-identifi%C3%A9-et-les-parents-sont-assis-pr%C3%A8s-de-la-baie-de-voir-sa.html

Figure 21, 22 : http://www.yokohamajapan.com/fr/article/hanami/

Figure 28 : http://christianmochizuki.blogspot.com/2009_12_31_archive.html

Figure 31, 39 à gauche : https://architecturetokyo.wordpress.com/2017/06/28/2005moriyama-house-ryue-nishizawa/

Figure 36, 44, 48 au milieu : archive dans le studio de Monsieur Sogabe à l’université de Kanagawa à Yokohama (JAPON)

Figure 27, 37 : documents recueillis auprès des architectes de l’agence MATIDESIGN

Figure 40 : Plan recueilli par la fiche descriptive pendant la visite de la maison traditionnelle (machiya) à Nara (JAPON)

Figure 56 : http://japansheartandculture.blogspot.com/2010/06/tokonoma.html

Figure 58 : https://www.etsy.com/de/listing/215783730/japanische-kunst-malerei-inkuwash

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Annexes Maison Farnsworth :

Image 1 : La maison au milieu du shizen, https://www.architecture.org/tours/detail/farnsworth-house-by-bus/?fbclid=IwAR1XhM0ejEcyL05Bpj4WIsMMWZ6oNaYEbbLm-IvHZM9EJgj1AfhmkuJDxM

Image 2 : Plan, http://moscowbiennale.com/farnsworth-house-plan/farnsworth-house-plan-luxury-29-inspirational-farnsworthhouse-plan-home-plan-ideas-home-plan/?fbclid=IwAR2Nqq0FUmsdCnghzGijiVf8uB9maEtqpT3B9Mw850Ov23GfcwIAiA1nwuw

Image 3 : Connexion au shizen depuis l’intérieur grâce aux façades entièrement vitrées, https://www.pinterest.fr/pin/397513104591932847/?lp=true&fbclid=IwAR3SzV2yUGcKAoREungky8uJ52PiDcwBHyGSRSK73fNZnXZl qxJ7qN3h9vk

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Sansui japonais :

Image 4 : Sansui à Kyoto, entre rivière, montagne et forêt.

Image 5 : Vue de la montagne sur la mer à Minami Cho.

Image 6 : Le mont Iwata à Kyoto, les singes à l’air libre.

Image 7 : La ville Niko pendant l’automne.

Image 8 : Forêt à Nara avec des animaux en liberté. Un lieu fréquenté par les habitants mais surtout par les touristes.

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Aménagements paysagers publics :

Image 9 : Le parc Hibiya, composé par l’architecture occidentale et traditionnelle japonaise. Fréquenté souvent par les japonais, il faut faire la queue pour y aller et acheter un ticket, d’environ 3 euros.

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Image 10 : Toiture terrasse de Ginza 6 Ă Tokyo.

Cartes pour observer le shizen selon les pĂŠriodes :

Image 11 : Indications pour regarder les feuilles rouges, https://www.japan-guide.com/e/e2014_when.html

Image 12 : Indications pour regarder les floraisons des cerisiers, https://japancheapo.com/living/japan-cherry-blossom-seasonforecast/

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Photos de Yokohama :

Image 13 : L’ancien quartier de Yokohama contrastant avec le quartier moderne, développé autour du port, https://journey-ofjapan.com/article/223/en

Image 14 : Architecture occidentale autour du port, les échanges commerciaux avec les occidentaux favorisent aussi les échanges culturels, https://fastjapan.com/en/kanagawa

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Image 15 : Minatomirai, le quartier du port de Yokohama : loisir, services et commerces, https://dormoshe.io/newsletters/67

Image 16 : Illuminations Ă Minatomirai.

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Image 17 : Hanabi, feux d’artifices, la vue depuis un parc sur le port.

Image 18 : Parcours piéton et piste cyclable autour du port.

Image 19 : Aménagement paysager devant le centre commercial.

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Image 20 : Parc Sankei-en, on y trouve un musée d’art de culture populaire, https://www.hisour.com/fr/sankei-en-yokohama-japan5429/

Image 21 : Pratique du shizen en observant le changement de saison à Yokohama, https://www.ambassadorsjapan.com/en/yokohama-portscape/284/

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Maison traditionnelle :

Image 22 : Ouverture sur l’oku-niwa.

Image 23 : Aménagement dans le tsubo-niwa.

Image 24 : L'entrée de la maison (genkan) avec le tori-niwa

Image 25 : Maison cachée par le shizen dans l’oku-niwa.

Image 26 : Magazin dans le machiya.

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Maison Sogabe :

Image 27 : Plans de la maison.

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Image 28 : Motifs du shizen sur le mur.

Image 29 : DiffĂŠrence de niveau dans la maison.

Image 30 : Chambre sans porte, l’intimitÊ se fait par le niveau haut du plancher et le rideau.

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Maison Maruyama :

Image 31: Plans de la maison.

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Image 32 : Salle de bain éclairée par la lumière naturelle, donnant sur le jardin.

Image 33 : Peintures représentant le mouvement du shizen, à l’entrée de la maison.

Image 34 : Utilisation des gravillons comme texture au sol.

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Maison Moriyama :

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Image 35 : Plans des niveaux et coupe de la maison.

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Image 36 : La présence de la végétation, clos par les pièces.

Image 37 : Connexion visuelle par les niveaux grâce aux grandes ouvertures vitrées.

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Image 38 : Ambiance nocturne de la maison, aucune protection de l’intimité n’est mise en scène. Le rapport à l’environnement est plus proche que le rapport occidental.

Image 39 : Vue depuis la rue sur la maison. On remarque que les maisons en face possèdent une végétation devant leur maison. Ils participent à la végétation de la ville.

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Ce travail cherche à comprendre comment le rapport à la nature (shizen) est présenté au Japon, d’abord dans l’imaginaire ensuite dans le quotidien des japonais. Il est le résultat des expériences vécues dans le pays pendant un an, ainsi que des recherches documentaires.

This Master’s thesis aim is to understand the role of nature (shizen) in Japan, first in the imaginary then in the Japanese’s daily life. It is the result of experiences lived in Japan for one year and documented searches.

Mots-clefs SHIZEN, SANSUI, NATURE, PAYSAGE, JAPON, ARCHITECTURE, CINEMATOGRAPHIE, URBANISME

Keywords SHIZEN, SANSUI, NATURE, LANDSCAPE, JAPAN, ARCHITECTURE, CINEMATOGRAPHY, CITY PLANNING


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