Nguyen Laura // De la Psychologie de l'Espace : son influence sur nos modes de vie

Rapport de Licence

DE LA PSYCHOLOGIE DE L’ESPACE : SON INFLUENCE SUR NOS MODES DE VIE 2019-2020

Tutrice : Mosconi Léa Ecole Nationale Supérieure d’Architecture Paris Val de Seine Nguyen Laura Licence 3 DE envisagé : Faire

Szem, Vasarely, 1970 ©

« Par tous les êtres se déploie l’espace unique, espace intime au monde...»

RILKE, Rainer Maria A la musique Munich, 1918.

3

Introduction Nous vivons dans notre corps, un espace infinitésimal, aux interactions infinies. La « conscience » est le lieu de nos pensées présentes, nos souvenirs, et nos intentions. Elle existe dans un corps vivant et sensible dont nous éprouvons la possession. Cette caractéristique est mise en exergue dans un temps et un espace, eux, finis. De fait, l’identité humaine se réfère à l’existence d’une trajectoire spatio-temporelle continue. L’espace au delà de notre être est quant à lui immatériel, impalpable, insondable, pourtant omniprésent. L’Homme l’appréhende en explorant ses limites, il cherche à l’asservir en exerçant sur lui son besoin de sens. Depuis l’aube des temps, on lui cherche un sens. Durant l’Antiquité, Aristote a définit l’espace comme « contenant des choses », de surcroit, une étendue indéfinie qui contient et englobe tous les objets.

L’espace catalyse les comportements humains, conscients ou non. Il est le ciment entre les hommes mortels et les autres instances de l’Unité Originelle (au sens d’Heidegger) : la terre, le ciel et le divin. La vie humaine se déroule dans des espaces, au gré de la complexité de son fonctionnement individuel et collectif.

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Cette objet d’étude suscite les réflexions des géographes,

Pour répondre à cette question et en partant des principes

urbanistes, architectes, sociologues, psychologues et philosophes.

cités plus haut, nous chercherons à définir l’impact des espaces

Il s’agit d’apporter un éclairage psychologique à la dialectique de

architecturaux sur nos vies. Nous commencerons par nous

l’espace. De faire l’étude rationnelle de l’irrationalité de l’homme

questionner sur l’influence de l’espace du foyer sur l’être humain,

face à l’espace, sinon de son absence de rationalité. En cela,

dès son plus jeune âge. Ensuite, ce petit être grandit, il devient

l’architecte peut être considéré comme un bâtisseur de l’espace.

adulte. Nous nous interrogerons alors sur l’impact de l’espace

Sa mission relève donc d’une recherche d’humanisation de la

public sur l’Homme. Il s’agira enfin de développer des pistes de

géométrie. Le premier assujettissement de l’espace terrien est en

réflexion concernant l’articulation de l’espace public à travers le

effet l’architecture, peut-être n’est-il qu’une recherche d’identité,

biais des espaces communs.

un besoin d’affirmation, ou un désir de laisser une trace ?

Ainsi, nous pouvons nous demander en quoi l'espace architectural peut-il avoir une influence sur notre existence, notre être, notre rapport au monde ?

5

6

L’influence de l’espace du foyer sur notre être, dès la naissance

7

Définition de l’espace privé Le système social auquel nous appartenons a la volonté de

« [...] nous habitons un espace vital en accord avec toutes les

doter chaque individu d’une adresse, aussi bien au sens informatique

dialectiques de la vie, comme nous nous enracinons, jour par jour,

qu’urbain. Ce système existe grâce à des individus formant un esprit

dans un « coin du monde ». Alors que, ne pas avoir de lieu à soi,

collectif cherchant à s’enraciner dans le sol, d’après une croyance selon

exclut de l’espace public, c’est « inacceptable ».

laquelle le réel ne se déroule que dans certains lieux de l’espace. Dans la société occidentale, errer sans adresse ni propriété est aberrant, cela peut aller jusqu’à creuser un écart avec le reste de la population.

La société pousse l’individu à être ancré quelque part, dans un espace précisé, déterminé, et fixe, nommé par un ensemble alphanumérique.

Nous avons ici affaire à un paradoxe : pour être accepté en société, il faut posséder un espace qui permet de se retirer un moment de celle-ci. Cet espace nous l’appelons maison : un intérieur, un lieu qui, parce que nous nous l’approprions, est notre chez-soi. En cela l’espace privé est celui de la maison, du foyer, de l’appartement. Le philosophe

Michel Labonne, familles vivant sous des tentes, 2019 © La Dépêche

Gaston Bachelard, décrit la maison1 :

1 Dans La Poétique de l’Espace de BACHELARD Gaston, Editions Paris : Les Presses universitaires de France, 3ème édition, 1961, p32

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L’Homme, par son besoin d’emprise sur un espace, le veut fixe, propice à

Par convention, on désigne la maison comme étant le cadre spatial de

y laisser ses marques, ses produits et ses passages, il en fait son territoire.

la famille, un ensemble d’individus, partageant des liens et vivant sous

Cette notion de domination est purement anthropologique. L’idée de

le même toit. La famille est le noyau social de base. C’est également

privatisation est inhérente à la notion de clôture ; elle caractérise des

l’espace de la maison qui protège le souvenir de nos expériences passées.

comportements laissés au libre arbitre de l’homme et dans lesquels

Elle représente la demeure originelle, le gardien de notre intimité,

il fixe la participation des autres à sa convenance. Dans le domaine

protégeant l’équilibre entre notre mémoire et notre imagination.

même de la maison il y a une distinction spatiale plus ou moins nette des espaces privés et des espaces publics.

La vie débute dans l’espace de la maison -pour les nouveaux-nés dont les parents possèdent les moyens nécessaires. Les cas d’enfances venant au monde dans d’autres conditions pourraient faire l’objet d’une étude portant plus particulièrement sur les personnes «sans adresses »On y fait nos premiers pas, on y prononce nos premiers mots. La maison est à la fois la spectatrice impartiale et le médium de nos premiers accomplissements. L’on peut imaginer un nourrisson qui apprenne à marcher plus vite du fait qu’en plus de l’éducation qu’il reçoit, l’espace dans lequel il vit y est propice : un sol peu glissant, des objets sur lesquelles prendre appui, des marches d’escaliers de la bonne hauteur, etc.

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En quoi l’architecture de la maison impacte-t-elle notre enfance ?

La maison est un espace qui influence les comportements et

La maison familiale est celle dans laquelle l’enfant passe une grande

les relations portées au monde à partir de la socialisation primaire.

partie de sa vie, voire une partie décisive pour son futur en tant

Ce processus d’apprentissage des normes et valeurs par lesquels les

qu’adulte. Cette demeure doit assurer un environnement favorisant le

individus apprennent à vivre en société et s’y intégrer, intervient dès

bon développement et la fortification du corps de l’enfant. L’architecture

l’enfance, au sein d’un foyer.

de la maison le protège et lui permet à la fois d’échelonner l’espace du

Le maison est une cellule, un espace-temps qui permet au jeune

monde qui lui est destiné.

enfant de découvrir l’expérience d’une vie en société, puisque la

L’environnement familial dans lequel il évolue est capital dans sa

famille dans laquelle il grandit est elle-même une micro-société qui

compréhension de l’existence car dans ce milieu intime se déroule sa

possède ses propres normes et valeurs. L’enfant intégrera ces principes

formation élémentaire. C’est grâce à cet univers bien particulier que ce

à travers ses expériences, ils influenceront son comportement et ses

petit être peut en toute tranquillité faire ses premiers pas dans la vie.

choix dans sa vie future. Cette période dans la vie d’un individu joue un rôle prépondérant puisqu’elle façonne le devenir de sa pensée, elle détermine cet être humain en plein développement comme un élément social en formation. Cette détermination se trouve fortement influencée par l’architecture qui crée un milieu matériel et spirituel

L’ergonomie des espaces et les proportions des objets, couleurs et matériaux doivent appeler en lui de l’aisance, leur utilisation constituer un attrait par leur aspect engageant et simple. L’architecte est à même de concevoir un logement dont l’édifice permet à l’enfant de se mouvoir comme si les mouvements étaient accompagnés, soutenus par la

abritant l’éducation et la formation de l’enfant.

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disposition même de l’espace. Il est également question de concevoir

Tout l’être de la maison se déploierait, fidèle à notre être. Nous

des espaces d’habitation dont l’évolutivité et la flexibilité sont, pour la

pousserions la porte qui grince du même geste, nous irions sans lumière

première une souplesse face à la croissance de l’être, et pour la seconde

dans le lointain grenier. La moindre des clenchettes est restée en nos

tournée vers l’idée de progrès. Il s’agit de développer un apprentissage, une discipline consciente développée par des habitudes ordonnées.

Créer un environnement proprice à la liberté est essentiel à l’équilibre

mains. [...] Mais nous sommes très surpris si nous rentrons dans la vieille maison, après des décades d’odyssée, que les gestes les plus fins, les gestes premiers soient soudain vivants, toujours parfaits. En somme, la maison natale a inscrit en nous la hiérarchie des diverses fonctions

moral et psychologique de l’enfant.

d’habiter. Nous sommes le diagramme des fonctions d’habiter cette

Sa faculté imaginative est celle-là même grâce à laquelle il s’approprie la

maison-là et toutes les autres maisons ne sont que des variations d’un

notion du monde qui l’entoure, assurant entre autre un développement

thème fondamental. Le mot habitude est un mot trop usé pour dire

équilibré vers l’âge adulte. Comme le souligne G. Bachelard2 :

cette liaison passionnée de notre corps qui n’oublie pas à la maison inoubliable. »

« Mais au delà des souvenus, la maison natale est physiquement

Ainsi nous pouvons aisément dire que l’espace privé plus communément

inscrite en nous. Elle est un groupe d’habitudes organiques. À vingt ans

appelé maison ou foyer joue un rôle de première importance dans nos

d’intervalle, malgré tous les escaliers anonymes, nous retrouverions les

modes de vie, autant d’un point de vue psychique (développement

réflexes du -premier escalier- nous ne buterions pas sur telle marche un

intérieur) que social (interactions).

peu haute.

2 Dans La Poétique de l’Espace de BACHELARD Gaston, Editions Paris : Les Presses universitaires de France, 3ème édition, 1961, p42

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L’influence des espaces publics sur nos modes de vie

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Définition de l’espace public Dans le sillage de John Locke, Philippe Hamou explique que3

Cette première caractéristique est une qualité sensible, naturellement

« Notre point de vue sur le monde est borné, non pas seulement de

étendue et extériorisée que nous offrent nos sens. Il s’agit d’une

fait, mais de droit, parce que notre perspective cognitive est strictement

exploration active qui nous permet d’appréhender notre environnement.

déterminée par l’origine sensorielle de nos idées : le lieu depuis

Il n’est rien si nous ne le percevons pas et n’est pas pour autant quelque

lequel nous connaissons est celui-là même vers lequel convergent les

chose de créé ; l’espace est l’émanation de sa propre existence.

informations des sens, c’est l’espace des idées, assigné, littéralement

Le second phénomène peut s’expliquer par l’Homme en tant que Centre

quelque part dans notre tête. »

: à partir de mon corps, ici et maintenant, de mon instant de vie et de

L’Etre et en particulier l’individu, sont les premiers usagers de l’espace.

C’est cet usage qui lui procure un sens. Le principe n’est par essence qu’une idée ; la force du concept qui résulte dans l’image que nous nous en faisons. Parce que l’espace existe aussi bien dans le champ cognitif que dans la sphère de la croyance, il n’est perceptible que par son appropriation ou sa répartition. Cette organisation est ordonnée par un parcours sensuel, physique et émotionnel.

l’endroit où je me trouve se révèle et s’échelonnent à moi le Monde, l’espace physique, et les volumes. De mon point de vue s’esquisse à ma guise la notion de proche et de lointain. Autour de moi se dessine un espace.

Qui plus est, cette vie qui est la mienne se manifeste dans un lieu, un espace regorgeant d’interconnexions, et vibrant des liens qui existent entre chaque élément de la sphère du réel. Il est connu que l’Homme est un être d’émotion, l’espace dans lequel il évolue est pour ainsi dire, un continuum spatial de ses émotions, cristallisées par le temps.

3 Dans Espace et Lieu dans la Pensée Occidentale : de Platon à Nietzsche de PAQUOT Thierry, Editions La Découverte, 2012, p122

Cependant, loin de nous l’affirmation que l’espace est un cadre passif.

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Bien au contraire, force est de constater que le temps de vie n’est rien

Ce type de disposition nécessite alors un ajustement réciproque voire

de moins qu’un glissement de certains types d’espaces vers d’autres.

consensuel des conduites et pratiques des individus en société. En

Il s’agit d’un aller-retour instinctif et permanent entre les espaces privés

effet, la présence de ces restrictions et la co-présence d’autrui nous

et les espaces publics. Le domaine public participe énormément à

incite à prévoir leur conduite et à y attribuer des intentions, des

la structuration sociale, notamment par l’instauration de codes et

comportements et des actions. Ces contraintes agissent comme un

de conventions, impliquant un refoulement des émotions ; celles-ci

entonnoir des stéréotypes portés par la condition sociale, ayant un

n’y ont pas leur place, et sont considérées comme des phénomènes

impact sur l’intégration des groupes, des actions, comportements et

misérables.

caractères sociaux.

D’après Bourdieu4, « du fait que l’espace social se trouve inscrit à la fois dans structures spatiales et les structures mentales qui sont pour une part le produit de l’incorporation de ces structures, l’espace est un des lieux où le pouvoir s’affirme et s’exerce, et sans doute sous la forme la plus subtile, celle de la violence symbolique comme violence inaperçue. »

4 Dans La Misère du Monde de BOURDIEU Pierre, Editions du Seuil, 1993, p255

Violence policière envers un sans-abri, à Athènes en 2009.

Dans ce cas, le sdf est exclu de l’espace public par la violence.

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Afin d’illustrer ce propos, nous pourrions citer le cas des SDF. Généralement les individus « sans domiciles fixes » sont dans les sociétés industrialisées des personnes dormant dans la rue ou d’autres types d’espaces non prévus à l’habitation. Ces personnes exclues de la société par leur statut social, pour la plupart n’ont pas accès aux ressources que celle-ci offre et aux relations qu’elle permet. Dans ce cas, la non-possession d’une adresse -et plus largement, d’un lieu d’habitation architecturé- exclut du reste de la société et de l’espace public. D’une altérité de classe sociale s’opère une exclusion de l’espace social.

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Quels modes de vie provoque-t-il ?

L’existence de l’Homme tel que nous le connaissons aujourd’hui en sa qualité d’homo sapiens est depuis son commencement influencée par la nécessité de s’abriter.

Livio Vacchini décrit les mégalithes de Stonehenge comme base historique à toute conception et construction architecturale. Cette structure est considérée comme ce qu’il y a de plus manifeste dans l’idée d'abriter l'Homme tout en couronnant le ciel.

Toute l’architecture conçue par la suite s’est nourrie de cette Vérité symbolique. Il incombe à l’architecte la tâche de réaliser des espaces dont l’Homme a anthropologiquement besoin, des espaces d’expression et de liberté de son identité. Pour cela, il se réfère à de multiples principes

Milieu urbain dense, Londres, 2017

telles que la partition, la clôture visuelle. La partition est, dans un cadre spatial et législatif, le procédé permettant l’appropriation de l’espace privé.

Il s’agit de dissocier le public du privé, de cloisonner les espaces privés pour les séparer des espaces publics. L’expansion effrénée du processus de cloisonnement est générateur de l’urbain.

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En se basant sur l’idée de l’Homme-Centre, l’Europe a organisé sa conception urbaine comme telle : les cités européennes historiques ont regroupé en leur coeur (centre-ville) leurs organes vitaux et se sont étendues peu à peu de façon concentrique (arrondissements, banlieues, etc). Ainsi la multiplicité des structures urbaines est génératrice d’espaces, non seulement d’espaces privés, intérieurs mais aussi et non des moindres, d’espaces sociaux ouverts et publics.

La façon dont l’espace social est façonné est issu d’un certain nombre de normes sociales et ce, depuis que l’Homme s’est sédentarisé. Ici, l’architecte dans son rôle de bâtisseur, organise le rapport social à l’espace, autrement dit, il agence de façon géométrique nos modes de vie dans la société. En père biologique du « droit à la ville », Henri Lefebvre pose les principes fondateurs de la production de l’espace public. L’ampleur de Chantier de la ZAC Pajol, ouvert au public, lequel se l’est dès lors approprié.

Photographie tirée de Paris Pajol : La ville en partage de MERLINO Carine & NIVET Soline, éditions Archibooks, p58

cette vision s’appréhende à travers sa triplicité : l’espace est conçu, vécu, perçu. Chaque être social qui s’y trouve concrétise sa présence par le rôle qu’il y joue. En somme, l’espace public peut être considéré comme une matrice des expériences et des compétences des individus.

Que serait l’espace public si son essence même n’était pas imprégnée des individus, par et pour lesquels, il a été conçu? L’appartenance à une 17

société relève d’une relation de réciprocité où les rôles respectifs de l’individu et de l’espace dans la vie et le devenir de chacun tendent à l’harmonie. Cette symbiose, à l’image d’un écosystème, structure son équilibre dans une organisation stratifiée. La notion d’organisation vient inéluctablement se heurter à une notion de pouvoir. Pour illustrer notre propos, nous prendrons l’exemple des réseaux trophiques en biologie. Ce type de réseaux se structure par les relations proie-prédateur entre les différentes chaînes alimentaires. Ces interactions sont représentées sous la forme d’une pyramide. Dans cette symbiose, les prédateurs -par leur supériorité évolutive- sont au sommet. Cette forme implique une notion de hiérarchie -et une notion de pouvoir- qui concourt à la symbiose de l’écosystème terrestre.

La notion de hiérarchie s’impose comme clé de voûte à la structure sociale.

La société a besoin pour s’organiser d’une structure sociale et celle-ci

Réseau trophique

est fortement dépendante du lieu où elle existe. Notre comportement spatial est profondément marqué par notre comportement social. En cela s’expriment des rapports de pouvoir ainsi que des normes sociales entre les différentes composantes de la société. Des conventions et de nombreuses règles ont été mise en place. Il s’agit de contraindre et limiter la propagation des émotions au sein de l’espace public.

18

L’articulation des espaces publics par le biais des espaces communs

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Définition des espaces communs La notion « d’espace commun » provient du mot latin communitas,

Il s’agit alors de déterminer quelle morphologie de l’espace est pertinente

« ce qui nous engage les uns vis-à-vis des autres ». L’espace commun

à l’idée du commun. L’espace est public dès lors qu’il n’est plus commun,

est celui où les citoyens sont liés par la possibilité de rencontre et par

au moment où il ne s’agit plus seulement d’une communauté répartie

son aspect participatif. Il permet aux individus de se libérer de leurs

de façon proximale. Aussi nous faut-il comprendre la subtilité du lien

frontières personnelles et communautaires, du fait de son accessibilité

qui tient uni ce que la distance sépare, pour saisir l’essence du commun.

par tous ainsi que de son aspect non-exclusif.

L’enjeu est moins celui de la distance qui sépare que celui du lien qui

Il convient également d’ajouter que ce tout additionné au critère de

unit au delà de la distance.

non-rivalité constitue ce que l’on appelle l’espace collectif. Cela signifie

L’urbain

que l’accès ou l’occupation d’une portion de cet espace par un individu

fonctionnellement l’espace. Il pourrait être considéré comme une théorie

n’impacte en rien l’accès ou l’occupation par un ou d’autres individus.

des vides : le lieu où l’oeuvre architecturale consiste à bâtir et isoler

Dans les deux cas, il s’agit d’un espace appartenant ou géré par le

des vides dans l’espace, dûment localisés, pour le peupler d’êtres qui

secteur public.

s’approprient l’espace du dedans- par exemple en l’emplissant d’objets-

A la lumière de ce contexte, nous pouvons nous demander comment un

ceci dans une lente entreprise fabriquée par la civilisation. C’est entre

espace peut adopter un caractère commun, quelles sont les conditions

ces vides, dans des intervalles plus ou moins connectés, que s’exercerait

spatiales nécessaires au partage communautaire ?

concrètement le commun.

est

cette

expérience

où

l’Homme

s’est

approprié

La distinction entre la vie privée et la vie publique se fait au sein d’un espace domestiqué, à la fois économique et politique, celui de l’urbain.

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D’une certaine façon, ce qu’il y a de commun dans l’espace public, est la dimension intervallaire dans laquelle nous nous rapportons les uns aux autres et, de là, à nous mêmes. Philippe Hamou nous rappelle que5

« [...] être dans un lieu n’est pas seulement exister, c’est entretenir des relations métriques ou au moins topologiques avec d’autres existants. » Cet intervalle a trait à des objets polymorphiques et polysémiques : autant de rues, de places et de jardins publics qui n’appartiennent à personne et en même temps à chacun.

5 Dans Espace et Lieu dans la Pensée Occidentale : de Platon à Nietzsche de PAQUOT Thierry, Editions La Découverte, 2012, p119

21

Réflexions sur le devenir des espaces communs Les espaces communs sont porteurs d’enjeux pour les architectes,

Un peu d’eau permet l’établissement d’une famille tandis que l’abondance

urbanistes et paysagistes. Il s’agit de concevoir des espaces communs

permet la création d’un village. L’expansion des territoires urbains s’est

de droit mais également et surtout ayant la potentialité de l’être par

en majorité basée sur ce facteur. Les villes se sont construites près des

nature. C’est-à-dire des espaces favorables au développement d’une

cours d’eau tels que les lacs et les rivières. En revanche, nous pouvons

communauté et à l’appropriation citoyenne des espaces publics.

constater que le développement urbain des dernières décennies s’est

Dans cette optique, de nouveaux axes de développement urbain

fait grâce aux capacités de l’esprit humain à s’approprier l’organisation

pourraient être mis en place afin d’optimiser l’usage des espaces

de l’espace public. De nombreux spécialistes ont été mis à contribution

communs. Prenons l’exemple de l’eau : Naturellement, elle attire

dans le but d’apporter des propositions aux enjeux urbains. Comment

l’être humain. S’il y a de l’eau à proximité, le corps se mettra à la

gérer la densification d’une population urbaine ? Cela a soulevé entre

recherche de sa présence. Lorsqu’il est dans la nature, un campeur

autre des problématiques de planification des transports en commun

voudra s’installer près d’un lac, d’un étang, d’une rivière. En ville, en

et individuel. Mais de façon plus large une interrogation primordiale se

présence d’une fontaine, d’un bassin ou d’un canal, le citadin adoptera

pose encore : de quoi les citadins ont-ils besoin pour être heureux? Peu

le lieu et le fréquentera régulièrement pour se reposer, lire un livre,

de réponses ont été trouvées, rares sont les villes où des solutions de

prendre son repas. Le corps se rassure en présence de l’eau et convainc

cette nature ont servis des projets urbains.

facilement l’esprit de l’intérêt d’y revenir régulièrement. Les villages se

Cela étant dit, peut-être est-il temps de réorganiser nos réflexions à ce

construisaient dans les endroits favorables à la vie, des milieux où l’on

sujet?

trouve en abondance eau et nourriture.

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Peut-être est-il temps de donner un second rôle aux théories de

Peut-être devrions-nous avoir une approche différente de la pensée

planification urbaine et de mettre au premier plan le développement

urbaine : les cartes des plans d’eau présents dans la ville devraient peut

de la ville par le corps?

-être prendre le pas sur les cartes de circulation routière ?

La question de l’eau, dans une éventuelle réflexion autour du

La protection des milieux naturels humides existants devrait peut-être

développement urbain futur devrait certainement être au centre. L’eau

être privilégiée par rapport à la construction de nouveaux bassins ou au

en tant que première source de vie n’attire pas seulement les êtres

développement résidentiel ?

humains, elle permet l’implantation du végétal, la diversité animale, le confort d’été, etc. Quand le corps humain se trouve en présence

Afin de fonder des communautés épanouies, l’accès à l’eau est vital.

de cela, il sensibilise l’esprit au projet de s’installer à proximité d’un

Le devenir des espaces communs est un enjeu de taille pour le futur

tel environnement. L’abondance et la fraîcheur attireraient d’autres

urbain. De la même manière qu’un site porte un projet, ici c’est dans la

personnes et une communauté se formerait spontanément dans

question de l’impact qu’ont ces espaces communs sur nos modes de vie

l’interaction entre ces individus.

que de nouvelles propositions architecturales et urbaines se trouvent. La

Si nous amorcions un nouvel âge de l’expansion urbaine qui s’appuierait

qualité de ces espaces réside bien souvent dans la définition des enjeux

sur le bien-être ressenti plutôt que sur des théories logiques ?

et dans leur réponse.

Peut-être nous approcherions-nous d’un modèle d’espaces de vie plus proches de notre véritable nature et plus susceptible de nous rendre heureux ?

23

24

Conclusion Nous commençons notre vie à l’intérieur. De la chaleur réconfortante

Ces normes régissent nos échanges et nous conditionnent à

de notre mère nous passons au monde. Ensuite, la période de notre venue

anticiper les réactions d’autrui ce qui est déterminant vis à vis de

au monde se déroule dans un cocon, l’espace protecteur de la maison. Ce

notre orientation dans la société. Cela dit, nous abordons la question

milieu matériel et spirituel est garant de l’apprentissage, de la formation et

des intervalles ponctuant la ville, les espaces communs. Ils sont une

du développement d’un jeune enfant. Il est de première importance car

catégorie particulière d’espace de par leur juridiction en premier lieu

il est la première vision du monde qui s’offrira à lui. Il s’agit d’une période

et en second lieu, à la lumière des enjeux qu’ils soulèvent.

et d’un espace qui ont une influence insondable sur le comportement, les

Une accessibilité non exclusive et un critère de non rivalité sont des

choix et les actes de ce futur citoyen. Forts de ces constats nous pouvons

caractéristiques pré requises pour la formation juridique d’un espace

facilement affirmer que l’impact de l’espace privé sur notre fort intérieur

commun. Ensuite, les architectes, les urbanistes et les paysagistes sont

est déterminant dans notre développement et notre formation à l’âge

les corps de métier les plus susceptibles de mettre en avant les enjeux

adulte.

de ces espaces. Ces lieux ponctuent l’espace public en lui conférant

Nous marchons ensuite vers des lieux de plus en plus amples. Nous

son caractère collectif. Un espace commun canalise la densité de la

poursuivons notre vie entre différents milieux. En fait, l’Homme rythme

ville, aère la vie citadine et promeut les échanges et les rencontres. Ils

de façon perpétuelle ses journées de transitions entre différents types

permettent d’enraciner la vie publique dans l’espace public.

d’espaces. En ceci, notre comportement spatial est fortement influencé par notre comportement social. La plupart des interactions sociales se déroulant dans l’espace public sont encadrées par des codes et des conventions.

25

À l’heure où l’espace public s’est métamorphosé en zone interdite, ce temps de crise sanitaire met en exergue la nécessité de revoir ce que nous avons en commun. Une ville n’est vivable -sans être trop stressante- que si les lieux qui permettent la liberté sont en nombre suffisant : les espaces communs. A notre profession d’entrer en scène : faire abdiquer la peur de la promiscuité tout en préservant le cœur de la ville.

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Bibliographie Ouvrages PAQUOT Thierry & YOUNES Chris. Espace et lieu dans la pensée occidentale: De Platon à Nietzsche.

Edition La Découverte, 2012.

PAQUOT Thierry & YOUNES Chris. Le territoire des philosophes, lieux et espaces dans la pensée au XX siècle. Edition La Découverte, 2009.

PAQUOT Thierry. Un philosophe en ville, Essais. Edition Infolio, 2011.

BOURDIEU Pierre. La misère du monde. Edition Seuil, 1993.

A. MOLES Abraham & ROHMER Elisabeth. Psychologie de l’espace. Edition Casterman, 1978.

BRYKMAN Geneviève & TREMOLIERES François. Essai sur l’entendement humain de John Locke, les fiches de lectures. Edition Encyclopaedia Universalis France, 2019.

BEAUFRET Jean, De WAELHENS Alphonse, ROELS Claude, WYBRANDS Francis. Essais et conférences, Martin Heidegger (fiche de lecture). Edition Encyclopaedia Universalis France, 2019.

Revues QUADERNI #18 : PAPERMAN Patricia. Les émotions et l’espace public. Edition MSH, 1992.

ENFANCE, tome 5, n°2 : DJELEPY Panos N. L’architecture et l’enfant. Edition PUF, 1952.

27

Table des Matières Avant-propos

3

Introduire

4

Chapitre 1 - L’influence de l’espace du foyer sur notre être, dès la naissance

7

1. Définir l’espace privé 2. En quoi l’architecture de la maison impacte-t-elle notre enfance ?

8 10

Chapitre 2 - L’influence des espaces publiques sur nos modes de vie

12

1. Définir de l’espace public 2. Quels modes de vie provoque-t-il ?

13

Chapitre 3 - Articulation des espaces publics par le biais des espaces communs

19 20

1. Définir des espaces communs 2. Réflexions sur le devenir des espaces communs

16

22

Conclure

25

Bibliographie

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Table des Matières

28

28

Résumé Nous commençons notre vie à l’intérieur. La période de notre venue au monde se déroule dans l’espace protecteur de la maison. Un milieu matériel et spirituel de première importance car il est la toute première vision du monde qui nous est destiné. Nous poursuivons ensuite notre vie entre différents milieux. En fait, nous rythmons nos journées de transitions entre différents types d’espaces. Notre comportement spatial est fortement influencé par notre comportement social.

Espace - Influence - Etre - Psychologie Architecture

Boreal, Vasarely, 1975 ©

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