Yoshitoshi
Le dernier grand maître de l Ukiyo-e CATALOGUE D’EXPOSITION 14 novembre - 7 décembre 2024
Le dernier grand maître de l Ukiyo-e CATALOGUE D’EXPOSITION 14 novembre - 7 décembre 2024
“ YOSHITOSHI, le dernier grand maître de l’Ukiyo-e”
Du 14 novembre au 7 décembre 2024
Les estampes de ce catalogue ont été coupées à la marge à des fins de présentation
GALERIE L’HEURE BLEUE
Grand Rue 34 Rolle Suisse
www.l-heurebleue.ch natsch@l-heurebleue.ch
"Contre la nuit
Toujours plus fort brille
La lune d’été"
Haiku que Yoshitoshi a fait graver sur sa tombe
Chers amis,
Ce catalogue vous guidera à travers les œuvres de Tsukioka Yoshitoshi ⽉岡芳年 (1839-1892) présentées lors de l’exposition que nous organisons à la galerie l’Heure Bleue, à Rolle, du 14 novembre au 7 décembre 2024. Nous avons collectionné ces œuvres patiemment et passionnément C’est un grand plaisir de pouvoir les partager avec vous.
Yoshitoshi est considéré comme le dernier grand maître et, l’un des plus grands génies créatifs, des estampes japonaises Ukiyo-e “images du monde flottant” (estampes gravées sur bois en série) Son œuvre a influencé de manière durable les arts graphiques modernes japonais en particulier l’univers du manga et celui des dessins animés
Parmi les œuvres présentées, la plupart proviennent de son oeuvre la plus célèbre "Tsuki hyakushi" “Les Cent Aspects de la Lune”, une grande fresque de la condition humaine. Chaque image fige un épisode de la vie sous l’effet de la Lune, présente ou suggérée Cette série se compose d’images lyriques, empreintes de calme, de spiritualité et de profondeur psychologique Samurais, musiciens et poètes, scènes de légendes populaires ou empruntées au théâtre Nô, au Kyôgen et au Kabuki en sont les thèmes. La Lune en toile de fond sert de prétexte pour exprimer les émotions vécues par les personnages confrontés à des situations parfois dramatiques.
Dès sa publication, elle connut un tel succès qu’à la parution de chaque nouvelle estampe, une foule faisait la queue dès le matin pour en obtenir un tirage
La carrière de Yoshitoshi se déroula entre la fin de l’époque d’Edo (1603-1868) et le début de l’ère Meiji (1868-1912). Le Japon du XIXème siècle, isolé du monde depuis deux siècles, vit le régime féodal des Tokugawa entrer en collision avec la puissance militaire commerciale européenne et américaine
L’ouverture du pays aux idées et aux technologies venues de l’Occident bouleversa profondément la société Cette période fut marquée par de nombreux conflits entre les fidèles de la tradition (shogunat) et ceux souhaitant la modernisation du pays (empereur)
Yoshitoshi était fortement tiraillé entre ces deux forces et ceci se reflète dans son travail.
Jusqu’alors, l’art et la littérature japonaise se détournaient de l’expression de la sensibilité individuelle, les attitudes étant très codifiées. La force de l’œuvre de Yoshitoshi réside aussi dans sa capacité totalement nouvelle à exprimer tout le spectre des émotions humaines.
Les estampes de Yoshitoshi mettent en lumière la complexité de nos sentiments et de notre nature humaine. On y voit des êtres en proie à des conflits intérieurs et à des émotions intenses. Yoshitoshi sait cependant aussi mettre en avant l’esprit chevaleresque, le courage, la générosité, la beauté, et une forme de plénitude que peuvent atteindre ses personnages, nous laissant entrevoir une humanité à la fois vulnérable mais aussi puissante
L'héritage de Yoshitoshi est celui d'un artiste qui a su capturer et retranscrire la beauté et la tragédie de l'expérience humaine Son regard et son œuvre restent pleinement d'actualité, car comme lui, nous sommes confrontés à un monde (celui de l’Ukyo-e, le monde flottant ou l’impermanence) où les mutations sont de plus en plus rapides et importantes
Nous espérons que cette visite suscitera les mêmes émotions que celles que nous avons ressenties au contact de toutes ces œuvres
Luc Deppierraz
Nathalie Schneider Deppierraz
Tsukioka Yoshitoshi ⽉岡芳年 est né à Edo (ancien Tokyo) en 1839. Son père était un riche commerçant qui avait obtenu le statut de Samouraï Yoshitoshi quitta la maison à l’âge de 3 ans pour vivre avec son oncle, un pharmacien qui l’aimait beaucoup
À l'âge de 11 ans, il devient l'apprenti du grand maître d’ukiyo-e, Kuniyoshi Utagawa, dont le style expressif et dramatique marquera profondément Yoshitoshi Sous la tutelle de Kuniyoshi, il apprend les techniques de l'Ukiyo-e, un style d'estampes qui se concentre sur des sujets populaires comme les acteurs de kabuki, les belles femmes, les scènes de nature et la mythologie japonaise. Bien qu’il ne soit pas considéré comme le successeur de Kuniyoshi de son vivant, il est maintenant reconnu comme son élève principal
Yoshitoshi se démarqua cependant rapidement de son maître par son style unique, plus sombre et plus dramatique, marqué par un sens aigu du réalisme et de la psychologie des personnages.
Dans ses premiers travaux, on retrouve nombre de scènes extrêmement violentes et morbides, à l’image de l’anarchie et de la violence du Japon qui règnent autour de lui à cette époque.
Sa notoriété ne cesse de grandir et, à partir de 1869, il fut considéré comme l’un des meilleurs artistes peintres d’estampes au Japon
Pendant les années 1870, Yoshitoshi traverse une crise personnelle qui affecte à la fois sa santé mentale et sa production artistique. Il est probablement dépressif. Il vit de manière marginale, dépendant souvent de la générosité de ses amis et mécènes pour subvenir à ses besoins
Cependant, cette période de crise est aussi un tournant pour son art. Contrairement à ses premières œuvres très sanglantes et cruelles, il commence à explorer des thèmes plus subtils et poétiques, intégrant des sujets historiques, des légendes mythologiques et des figures spirituelles
L’évolution de son art reflète à la fois une quête de rédemption et une tentative de réconcilier la tradition japonaise avec les changements de son époque Durant cette période, il changea son nom en Taiso (ce qui signifie « la grande résurrection »).
Vers 1880, l'art de l’estampe était en déclin Tous les grands créateurs d’estampes de la première partie du siècle, Hiroshige, Kunisada et Kunyoshi étaient morts, et cette forme d’art n’était plus d’actualité du fait de la modernisation du Japon Yoshitoshi se concentra sur la qualité de sa production et su innover pour survivre.
Tout au long de sa carrière, Yoshitoshi a traité de nombreux thèmes de l’Ukyo-e. Il a créé des portraits de guerriers héroïques, des scènes de batailles épiques, des portraits de femmes et des figures mythologiques, mais il a également exploré des thèmes plus sombres, parfois morbides, qui transforment ses œuvres en réflexions philosophiques sur la souffrance et la beauté.
Parmi ses œuvres les plus importantes, Les 100 Aspects de la Lune (1885-1886) incarne le sommet de sa carrière artistique, une série où il explore à travers l’image et le symbole la condition humaine dans toute sa complexité, en utilisant la lune comme élément central
Cette série n’est qu’une partie de l’héritage de Yoshitoshi, qui a également signé des œuvres mémorables comme Courageux héros de Suikoden (1866-67), Cent guerriers (1868-1869), Guerriers tremblants de courage (1883-1886), Généraux célèbres du Japon (1876-1882), 32 aspects des coutumes et des manières (1888), Nouvelles formes de trente-six fantômes (1889-1892).
Yoshitoshi meurt en 1892 laissant derrière lui une oeuvre qui marquera durablement les arts graphiques japonais et notamment l’avènement des Mangas.
La technique de Tsukioka Yoshitoshi est unique dans l’histoire de l’art japonais, notamment pour sa manière d’assembler des éléments traditionnels de l'Ukiyo-e avec des influences modernes, notamment des techniques occidentales:
La maîtrise du clair-obscur et des ombres
Yoshitoshi a introduit dans ses œuvres des effets de clair-obscur, un procédé emprunté à l’art occidental, qui était peu courant dans l'art de l’Ukiyo-e. En ajoutant des ombres, il réussissait à donner une impression de relief et de profondeur, rendant ses personnages et ses scènes plus dramatiques et mystérieux Cette approche donne une impression de volume et d’espace qui confère à ses estampes un réalisme captivant.
Le travail des couleurs et la vivacité des contrastes
L'utilisation des couleurs par Yoshitoshi est l'un des aspects les plus marquants de son style Contrairement aux estampes Ukiyo-e plus traditionnelles, qui utilisent souvent des couleurs plus douces et uniformes, Yoshitoshi intègre des couleurs vives et des contrastes marqués pour attirer l'œil et renforcer le caractère émotionnel de ses scènes Il utilise des rouges profonds pour symboliser la violence ou la passion, des bleus intenses pour suggérer le mystère et la mélancolie, et des verts et jaunes vibrants pour représenter la nature et l’harmonie. Ses couleurs semblent souvent accentuer la tension entre beauté et cruauté, un thème récurrent dans son travail.
Détails minutieux et lignes expressives
Yoshitoshi se distingue également par sa précision du trait et son sens du détail, qui rappellent ceux de son maître, Utagawa Kuniyoshi, mais il va encore plus loin dans l’exploration de l’expressivité. Les lignes de Yoshitoshi sont nettes, puissantes et parfaitement contrôlées, ce qui permet de transmettre des émotions fortes même dans les plus petites expressions faciales et les gestes subtils de ses personnages Ce trait précis lui permet également de jouer avec la texture des tissus, des armures et des cheveux, rendant chaque élément de la composition vivant et tangible. Dans ses portraits, Yoshitoshi accorde une attention particulière aux visages et aux mains, deux parties du corps qu'il utilise pour transmettre l'émotion
Composition dynamique et intégration de la perspective
Yoshitoshi est également reconnu pour ses compositions dynamiques et l’utilisation de la perspective, une technique empruntée à l'art occidental mais appliquée de manière unique dans son travail.
Contrairement à la plupart des estampes Ukiyo-e, qui sont souvent plates et bi-dimensionnelles, les œuvres de Yoshitoshi présentent une profondeur et un mouvement qui rendent les scènes plus immersives. Dans certaines estampes, il place ses personnages en diagonale ou utilise des arrière-plans en perspective, créant une illusion d’espace qui accentue l’impact visuel de la scène
En jouant avec les angles et les plans, Yoshitoshi parvient à capturer l’instant dramatique de manière cinématographique, permettant au spectateur de ressentir la tension, le suspense ou la violence d’une scène. Ce sens de la composition unique donne une force narrative à ses œuvres, qui deviennent plus qu'une simple illustration : elles racontent une histoire et impliquent émotionnellement le spectateur
Technique d’impression et qualité des estampes
Enfin, Yoshitoshi a collaboré avec des imprimeurs de talent, qui ont contribué à la qualité exceptionnelle de ses œuvres. Les gravures sur bois Ukiyo-e requièrent un travail minutieux où l’image originale de l’artiste est gravée sur une plaque de bois pour chaque couleur utilisée dans l’estampe, puis imprimée avec une encre à base de pigments naturels Grâce à l’utilisation de multiples plaques de bois, Yoshitoshi pouvait superposer les couleurs et créer des nuances subtiles qui donnent une richesse particulière à ses estampes.
La série Les 100 Aspects de la Lune ( 月 百 姿 , Tsuki Hyakushi) de Yoshitoshi est l’une des plus grandes explorations de la condition humaine jamais réalisées dans le cadre de l’ukiyo-e.
Publiée entre 1885 et 1886, cette série de 100 estampes est un témoignage à la fois de l'évolution de l'art japonais et de la vision intime et personnelle de l’artiste. Chaque estampe est une réflexion sur la nature humaine et ses émotions capturées sous l’éclat de la lune.
Elle est souvent vue comme le chef-d'œuvre de Yoshitoshi et une des dernières grandes expressions de l'Ukiyo-e
Structure et thème de la série
Chaque estampe représente un aspect ou un événement lié à la Lune, qu'il s’agisse d’une scène tirée de la mythologie, de l’histoire ou de la littérature classique japonaise La Lune devient ici un miroir de l'âme humaine, une figure omniprésente qui traverse les âges et les destinées individuelles.
Les personnages et les scènes
Les 100 images de la série sont des scènes qui racontent des histoires de tristesse, d’amour perdu, de bataille, de sacrifice et de destin tragique. Certaines images sont directement inspirées des récits classiques du Genji Monogatari (le roman le plus célèbre de la littérature japonaise) ou du Heike Monogatari (l’épopée des Heike), des histoires de samouraïs et de clans rivaux On retrouve les thèmes suivants :
1. Les Héros et la Lune:
De nombreuses estampes représentent des guerriers ou des personnages mythologiques sous l'auspice de la Lune, soulignant la dualité entre la gloire héroïque et la fragilité humaine. Par exemple, dans une scène de bataille, la lumière de la Lune éclaire les combattants, amplifiant le caractère dramatique du combat et créant une ambiance presque surnaturelle
Un autre motif récurrent est celui de la solitude, qui est magnifiquement symbolisée par des figures solitaires, souvent des femmes ou des personnages désabusés, contemplant la Lune. Dans ces représentations, la Lune devient le témoin muet des peines humaines et des réflexions intérieures. Ces personnages sont souvent dépeints dans une lumière froide, presque irréelle, illustrant leur isolement
3. Légendes et Mythes:
Yoshitoshi ne se contente pas de représenter des scènes réalistes ou historiques: il intègre également des éléments de la mythologie japonaise, comme l'histoire d'Ono no Takamura, un poète du IXe siècle, qui, lors d’une nuit sous la Lune, a des visions mystiques Cette scène est pleine de mysticisme et d’introspection, l’artiste ayant habilement utilisé la lumière lunaire pour renforcer l'aspect surnaturel de l'épisode.
La Lune, dans la culture japonaise, est un symbole complexe, à la fois de beauté et de transgression, de calme et de solitude. Elle est vue comme un miroir des émotions humaines, un reflet du caractère éphèmère de la vie et de sa fragilité Les personnages représentés sont souvent en quête de sens, et la Lune devient un guide, une présence silencieuse qui, tout en offrant une beauté froide et distante, souligne aussi l’impermanence de toute chose. Le contraste entre la lumière claire de la Lune et l'ombre qui l’entoure est également un moyen pour Yoshitoshi de symboliser le conflit interne des personnages
Estampe 2 de la série
Cette estampe illustre le très ancien mythe chinois de Chang E, la reine de la lune.
Une nuit où la Lune était devenue « prisonnière des nuages » (éclipse), l'empereur, de peur de la fin du monde, ordonna à l'époux de Chang E, l'archer Hou Yi, de libérer la Lune. Il tira des flèches dans le ciel et la Lune réapparut.
En guise de récompense, la souveraine du royaume des immortels, la divinité taoiste Xiwangmu – la Reine mère de l’Ouest - offrit à Hou Yi une coupe de jade contenant l'élixir de vie.
Sa femme s'empressa de voler la coupe, de boire elle-même l'élixir et de s'enfuir dans le ciel nocturne, où elle régna sur la Lune
Ici, elle se tient sur un lit de nuages, sa robe flottant autour d'elle, tandis qu'elle regarde le petit récipient qu'elle tient à la main.
La Lune rose aux teintes douces crée une toile de fond saisissante à la scène Chang E porte une robe dont les rubans virevoltent comme des tourbillons Les rubans sont imprimés en jaune, noir et gris
Estampe 3 de la série
Cette estampe s’inspire d’un épisode fameux du Sanguo yangi, le roman des Trois royaumes.
Ce récit écrit au XIVème siècle est encore très lu par les Chinois Il évoque les guerres civiles qui déchirèrent la Chine au IIIème siècle, lorsque l’empire Han se morcela en trois royaumes.
Le personnage principal, Cao Cao, était le fils d’un soldat de second rang. Il se fit connaître en écrasant la révolte des Turbans jaunes en 1884. Il chercha ensuite à s’emparer du trône impérial. Il échoua mais son fils devint le premier empereur de la dynastie Wei
Cao Cao ne vécut que pour l’intrigue et la traîtrise. On le voit ici traverser le Changjiang (le Yangzi ou « Fleuve bleu ») à la veille de la bataille décisive des Falaises rouges A la tête d’une flotte comptant quelque 819’000 hommes, il est représenté ici dans toute sa prestance, à la proue de son bateau, debout dans sa splendide tenue de guerrier chinois
Deux corbeaux volent de manière inquiétante (signe de mauvais augure) au-dessus de sa tête et la pleine Lune se lève sur la falaise rocheuse La ceinture noire est magnifiquement détaillée
Estampe 4 de la série
Belle illustration de l'acte VII de la pièce du kabuki, « Kanadehon
Chushingura », la célèbre histoire des 47 rōnins Un rōnin était un samouraï sans maître. Cette histoire de vengeance s’inspire de faits réels ayant eu lieu vers 1701 et 1703.
En 1701, le Seigneur d'Ako, Asano Naganori, avait attaqué un fonctionnaire appelé Kira Yoshinaka dans le château d’Edo alors qu’il préparait une cérémonie de cour. Kira n'avait été que légèrement blessé, mais troubler la paix de cette manière était une faute capitale Asano reçut l'ordre de commettre un seppuku Son domaine fut également confisqué, et ses serviteurs devinrent des rōnins ou guerriers sans maître
Par la suite, Oishi Yoshio, le chef adjoint d'Asano, organisa un complot secret contre Kira parce qu'il pensait qu'il était responsable de la mort d'Asano. Deux ans plus tard, lui et ses partisans menèrent
une attaque surprise sur le manoir de Kira à Edo et le tuèrent Sa tête coupée fut emmenée au temple Sengokuji où Asano était enterré. Là, les conspirateurs attendirent l'arrivée des autorités. Ils furent arrêtés et, à la suite d'une enquête menée par des responsables gouvernementaux, on leur ordonna également de se tuer par seppuku
Ici, Oboshi Rikiya, le fils du chef des rōnins, Oboshi Yuranosuke, s'arrête devant la porte du jardin de la maison de thé Ichiriki, dans le district de Gion, quartier de divertissements de Kyoto. Il s'apprête à remettre à son père une lettre secrète sur la conspiration et regarde par-dessus son épaule pour s'assurer que personne ne l'a vu, une boîte à documents en laque noire à la main
Une pleine Lune brille au-dessus des arbres, dont la silhouette sombre se découper sur le ciel du soir et une lueur chaude provient d'une fenêtre à droite.
Estampe numéro 6 de la série
Magnifique portrait du guerrier Shi Jin se reposant sur un banc dans sonvillage parune nuitd'été.
Ce jeune homme est l'un des 108 bandits du célèbre roman chinois du XIIIème siècle du Shuihu zhuan « Au bord de l’eau». Shi Jin est passionné d'arts martiaux depuis l'enfance, si bien que son père ne cesse de chercher de meilleurs instructeurs pour l'entraîner
Pour avoir l'air impressionnant, il s'est fait tatouer neuf dragons sur le corps, ce qui lui a valu le surnom de « Neuf dragons »
Un soir qu’il se reposait sous un saule en se rafraîchissant avec son éventail, il apprit que trois bandits attaquaient son village Il les captura mais les libéra lorsqu’ils lui contèrent l’oppression et l’injustice qui les avaient amenés à devenir brigands. Shi Jin dut s’enfuir avec eux et devint à son tour un brigand
Compte tenu qu’ils menaient la guerre contre les seigneurs sans cœur et les fonctionnaires corrompus, ils étaient très populaires (soit un peu la version chinoise de Robin des Bois) Ils étaient respectés pour leur amour des valeurs et leurs actions chevaleresques.
Estampe numéro 7 de la série
Cette scène renvoie à la période de guerre civile qui préluda à l’unification du Japon. Nous sommes en 1564 lors du siège du château du clan Saito à Gifu par le puissant Oba Nobaguna
La forteresse est réputée imprenable.
Toyotomi Hideyoshi, lieutenant de Nobaguna, escalade courageusement une falaise pour se faufiler dans le château Lui et ses hommes portaient des gourdes d'eau sur leur dos et, une fois à l'intérieur de la forteresse, les brandirent sur des perches de bambou pour signaler aux troupes extérieures qu'elles pouvaient attaquer
Le plan audacieux de prise du château fut couronné de succès grâce à l'ingéniosité et au courage de Hideyoshi, et la gourde devint son symbole
Ici, la pleine lune se lève en contrebas, dessinant la silhouette des herbes susuki tandis que le guerrier s'accroche aux rochers La composition, les couleurs et les ombres sont magnifiques.
Estampe numéro 8 de la série
Toshimitsu était un général du clan Saito dans la province de Mino à l'époque des États en guerre (1467-1615). Sur ce dessin, il est représenté lourdement armé, à la lumière de la pleine lune, avançant dans le lit de la rivière Kamo qui mène à Kyoto.
Toshimitsu tient une naginata, une lance à la longue lame incurvée qui brille au clair de lune. Il se prépare à attaquer le quartier général d'Oda Nobunaga (voir estampe numéro 7 de la série) pour se venger de l’affront fait à son seigneur Mitsuhide.
Le père de Toshimitsu était l’un des principaux vassaux de Mitsuhide. Ce dernier en récompense de son ralliement avait reçu de Nobunaga un grand fief Mais très rapidement, Nobunaga lui reprocha d’avoir détruit le château de Yakami et d’avoir massacré ses habitants ce qui l’humilia
Le point de vue très bas et audacieux semble faire allusion aux figures et paysage de Hiroshige Yoshitoshi aussi savait surprendre par ces compositions en coupant comme ici la figure avec la marge.
De nombreux photographes du tournant du siècle, tels Alfred Stieglitz et son groupe Photo-Sécession, revendiquèrent l’influence de l’estampe dans la façon de composer l’image et leur manière de voir le monde.
Estampe numéro 10 de la série
Scène dramatique basée sur des faits réels.
Chikako est la fille de Zeniya Gobei (1798-1855) un entrepreneur et constructeur naval. Alors que la famine sévissait, il a mis à disposition ses navires au service du ravitaillement Il acquit une réputation de héros.
Plus tard, il se lança dans l’assèchement d’un lac pour en faire des rizières mais dû faire face à la résistance des pêcheurs. Il se ruina et fut emprisonné
Après que son père bien-aimé a été jeté en prison, la belle Chikako pria pour qu'il soit libéré et, pour prouver sa sincérité, elle se suicida en sautant dans la rivière Asano par une nuit enneigée.
On la voit ici tomber dans les airs, le visage bouleversé, les mains jointes en prière, ses habits flottant autour d'elle Deux aigrettes effrayées s'envolent et une pleine Lune disproportionnée se lève à l'horizon.
Une image poignante, magnifiquement représentée, avec les couleurs vives du kimono et de l’obi qui contrastent avec la couleur de la surface de l’eau remplissant toute la partie inférieure, donnant à sentir le vide qui va engloutir la jeune fille.
Cette estampe est une des plus belles compositions de la série.
Estampe numéro 12 de la série
L'histoire des actes héroïques de Yoshitsune no Minamoto et de son fidèle serviteur, le prêtre-guerrier Benkei, a été racontée dans le Heike Monogatari (Conte du Heike) et le Gikeiki (Histoire de Yoshitsune), et maintes fois reprise dans des pièces de théâtre et des estampes.
Cet épisode légendaire a été le sujet central de célèbres pièces de théâtre nô et kabuki, dont la version de Funa Benkei (Benkei dans le bateau) avec Danjûrô IX, créée en 1885
Après la victoire décisive de Yoshitsune sur le clan Taira lors de la bataille de Dannoura en 1185, il est proscrit par son frère aîné Yorotimo et contraint de fuir la capitale impériale avec ses partisans Alors qu'ils prenaient la mer, ils furent pris dans une tempête d'une rare violence et entendirent les voix des fantômes des guerriers Taira qui appelaient à la vengeance
Une foule de guerriers morts est apparue soudainement au-dessus des vagues et n'a été maîtrisée que lorsque Benkei les a affrontés, son chapelet à la main, en récitant des prières et des formules magiques.
Kuniyoshi avait représenté cet épisode dans des estampes où les fantômes étaient clairement visibles; Yoshitoshi les rend moins tangibles, mais évoque leur présence dans les formes des nuages noirs
Estampe numéro 14 de la série
Yoshitoshi représente Minamoto no Tsunenobu et la jambe d'un démon géant qui s'éloigne à grandes enjambées. Minamoto no Tsunenobu était un poète et musicien qui vécut au Xième siècle
Alors qu'il observait la pleine lune, Tsunenobu entendit le bruit d’un maillet dont on martelait un tissu soit pour le laver soit pour l’assouplir. La tradition japonaise associait ce bruit à l’image d’une épouse attendant le retour de son mari
Tsunenobu composa le vers suivant en s'inspirant de la poésie de la dynastie Tang:
J'écoute le bruit du tissu que l'on bat/ au clair serein de la lune / Et je crois qu'il y a quelqu'un d'autre/ Qui n'est pas encore endormi
Lorsqu'il eut terminé, un démon géant apparut et répondit par un vers de son cru:
Dans le ciel du nord, les oies traversent la Grande Ourse ; au sud, les robes froides sont martelées au clair de lune
Il s'est ensuite éloigné, laissant Tsunenobu indemne mais terrifié. Ici, le noble lève les yeux, surpris, vers la jambe velue du démon et les nuages tourbillonnants, la robe du démon flottant dans la brise alors qu'il marche devant une pleine lune Tsunenobu est représenté ici vêtu d’un lourd costume de fonction et coiffé du chapeau noir des dignitaires (voir l’exposition).
Estampe numéro 15 de la série
Iga no Tsubone affronte le fantôme ailé de Sasaki no Kiyotaka
Conseiller de l'empereur Go-Daigo, Kiyokata recommanda d'attaquer les forces menaçantes du clan Ashikaga malgré la supériorité numérique de l'ennemi. Les forces de l'empereur sont battues à plate couture lors de la bataille de Minatogawa, et Kiyokata est contraint de se suicider tandis que Go-Daigo s'enfuit à Yoshino.
Dans le nouveau palais impérial temporaire, le fantôme de Kiyokata apparaît chaque nuit, hantant et maudissant la cour. L'esprit de Kiyokata ne trouve le repos que lorsque Iga no Tsubone s'en approche sans crainte et apaise le fantôme, qui plane dans les airs avec un sourire cadavérique, des lèvres bleues, les yeux jaunes et la main agrippée au bord du cartouche du titre comme une griffe.
Quant à la Lune, elle luit dans une nuit diaphane, à moins que qu’il ne s’agisse d’une éclipse, ce qui s’accorderait bien avec le thème fantastique de l’estampe
Estampe numéro 18 de la série
Scène humoristique de deux figures comiques, Kofuna et Koshi, préparant le vol d'un énorme chaudron en fer.
Le chaudron géant se trouve à gauche, orné du grand sceau et de la signature de Yoshitoshi. Les personnages sont représentés de manière exagérée, propre au style potache connu sous le nom de Toba-e qui caractérise les séries faites par Yoshitoshi pour les journaux de l’époque (voir exposition) Ce dessin fait aussi écho aux mangas de Hokusai
L'idée de départ est qu'il est impossible de démonter un chaudron en fer à l'aide d'une scie à métaux et d'un maillet dans l'obscurité de la nuit sans faire un énorme vacarme qui les trahirait Les deux compères ne sont pas bien rusés.
Aussi bien imprimée que les autres œuvres de cette série, les marques de pinceau ont été conservées par les graveurs et les imprimeurs, tant dans le ciel que sur le chaudron Même le pantalon rayé du bouffon de face a été imprimé avec beaucoup de soin.
La signature de Yoshitoshi aiga indique qu’il a travaillé pour s’amuser
Estampe numéro 22 de la série
Superbe estampe de Yoshitoshi représentant un pompier tenant un étendard de brigade alors qu'il regarde de manière immobile les flammes engloutir la ville.
Il se tient calmement face à l'incendie qui fait rage, son devoir de porte-étendard de sa compagnie étant d'attendre sur un toit pour signaler l'emplacement du feu à ses hommes Les coutures de sa veste matelassée sont soigneusement détaillées et la robe porte le nom de sa compagnie.
Les incendies étaient fréquents dans la ville en raison de l'étroitesse entre les maisons et le fait que les bâtiments étaient en bois Les différentes brigades rivalisaient pour éteindre les incendies et recevoir des récompenses. Les troupes de pompiers qui luttaient contre ces incendies étaient considérées comme des personnages importants, hauts en couleur et atteignaient le statut de héros parmi les habitants de la ville
Alors que le feu, la fumée et les braises incandescentes dérivent à travers la scène, le pompier ne semble pas bouger Un autre porte-étendard d'une brigade rivale est visible sur un toit éloigné en bas à droite La pleine lune brille dans le ciel nocturne, faisant écho au cercle de l'étendard.
Ce dessin fantastique est l'un des chefs-d'œuvre de la série des « Cent Lunes » de Yoshitoshi.
Estampe numéro 25 de la série
Ono-no Komachi était une poétesse du IXe siècle célèbre pour sa beauté Elle est la seule femme a figurer dans le groupe des « six poètes », sujet de prédilection de l’estampe et de la peinture japonaise.
Sa vie a inspiré sept pièces du théâtre nô, chacune reflétant une période de sa vie La dernière, « Sotoba Komachi » la montre sous les traits d'une vieille mendiante assise sur une stèle tombée au sol et qui se voit accusée par deux prêtres de manquer de respect pour les défunts Le mot Sotoba dérive du sanscrit Stupa et signifie une stèle funéraire en japonais.
Elle leur fait alors une réplique empreinte de sagesse, ces derniers s’inclinent devant elle et s’enquièrent de son identité La honte de son âge la retient de leur répondre et elle s’abîme dans ses pensées: regrettant les choix de sa vie et sa beauté disparue. Ses remords se dissipent lorsqu’elle retrouve ses esprits
Yoshitoshi transcrit cette célèbre scène avec une ambiance mélancolique Vêtue des robes de nô portées par le personnage de la pièce, le chapeau en lambeaux de Komachi révèle sa lutte intérieure, mais son visage conserve une très légère lueur de beauté et une grande sagesse.
Le poème de Ono-no Komachi ci-dessous semble prédire la scène de Yoshitoshi :
La beauté des fleurs s’est évanouie
Dans l’indifférence de tous Je me suis vu vieillir dans ce monde
Tandis que s’abattait la longue pluie
Estampe numéro 26 de la série
Dans la mythologie chinoise, huit arbres de dix mille pieds poussent sur la Lune. Chaque automne, les arbres perdent leurs feuilles cramoisies, conférant à la lune des moissons sa couleur caractéristique et son bel aspect.
Dans la mythologie taoïste, leurs graines sont censées conférer invisibilité et immortalité. Bien que Yoshitoshi ne dépeigne pas ces arbres, il présente leur gardien Wu Gang, l'immortel manieur de hache.
Taoïste érudit, il possédait une grande magie, mais l'avait exploitée à des fins maléfiques.
Comme les dieux ne pouvaient lui retirer ses pouvoirs, ils l'ont condamné à tailler les branches des arbres jusqu'à la fin des temps.
Dans cette estampe, Wu Gang réfléchit à son châtiment, mais ne semble pas troublé par cette sentence éternelle. Il montre la Lune, la bouche entrouverte sous sa barbe épaisse, apparemment heureux par la tâche qui l'attend.
Estampe numéro 28 de la série
Estampe représentant Tsunemasa, seigneur du clan Taira, en pleine prière dans un sanctuaire de l'île.
Dans cette histoire tirée de la vie épique de Tsunemasa, le jeune seigneur prie au temple pour remporter la victoire sur le clan Minamoto.
Une Lune gibbeuse se lève au-delà de la balustrade du sanctuaire, encadrée par des branches de pin, et Tsunemasa commence à jouer du biwa.
La déesse du sanctuaire est tellement enchantée par la musique de Tsunemasa et par le jeune homme qui joue sous le clair de Lune argenté qu'elle lui promet la victoire sur les Minamoto le lendemain.
Estampe numéro 31 de la série
Zi Fang était un des héros des guerres chinoises qui ont conduit à l'établissement de la dynastie Han.
Selon la légende, après de nombreuses escarmouches indécises avec l'ennemi, Zi Fang monta une nuit sur une montagne surplombant le camp ennemi. Il joua sur sa flûte des mélodies de la province ennemie de Chu.
Il jouait avec une telle douceur que les guerriers en pleuraient. Fatigués de se battre, six mille des huit mille soldats ennemis abandonnèrent et rentrèrent chez eux. Comprenant qu'il était inutile de continuer à se battre, le général ennemi se rendit.
Ici, Zi Fang se tient au sommet d'un pic rocheux, sa robe blanche flottant au vent tandis qu'il joue, une pleine Lune jaune brillant audessus de lui.
Estampe numéro 32 de la série
Représentation de Toyohara Sumiaki, musicien à la cour de l'empereur Go-Kashiwabara au XVIème siècle.
Confronté à une meute de loups, alors qu'il se promenait une nuit dans les landes du nord de Kyoto pour admirer la Lune, il commença à jouer sa mélodie préférée sur sa flûte en bois, croyant son heure arrivée. Les animaux féroces s'arrêtèrent, se couchèrent pour écouter avant de se retirer dans les bois, calmés par la beauté de la musique.
Les détails sont magnifiques: coiffé de son chapeau de mandarin, Sumiaki porte sa flûte à son flanc. La manière dont sa robe de brocart s’enveloppe autour de sa figure effrayée ne s’aurait s’expliquer par le seul effet du vent. La Lune qui scintille dans le ciel n’est pas amicale, mais menaçante. Le traitement du ciel produit un effet frappant. Le dessin des loups est tout aussi impressionnant.
Estampe numéro 35 de la série
Sakanoe no Tamuramaro (758-811) était un célèbre général qui mena des campagnes contre diverses tribus du nord du Japon, considérées comme une menace pour les empereurs de Nara.
Ce motif est tiré d'une pièce de théâtre nô intitulée « Tamura », dans laquelle le fantôme du général apparaît aux moines itinérants du temple Kiyomizu. Il balaie des feuilles de cerisier et porte une ancienne armure de cuir avec un kilt blanc fortement gaufré.
D’habitude, Tamuramaro est associé à des thèmes de loyauté, de bravoure, et de force spirituelle, des qualités admirées chez les samouraïs. Yoshitoshi met l’accent sur son aura mystérieuse et noble en plaçant la Lune en arrière-plan, créant ainsi une atmosphère qui lie le monde des vivants à celui des esprits et de l’imaginaire
La Lune symbolise à la fois la beauté de la nature et la profondeur spirituelle des personnages qu’elle éclaire. Ici, elle ajoute une dimension poétique à la figure de Tamuramaro, le présentant comme une âme errante ou un esprit protecteur, entouré de paysages évocateurs et de ruines.
Estampe numéro 37 de la série
Intriguant portrait de Kaoyo, l'épouse d'En'ya Hangar Takasada, un fonctionnaire de la cour du shogun. Elle était réputée pour sa beauté et un courtisan, Moronao, décida de vérifier par lui-même si les rumeurs concernant sa beauté étaient fondées.
Ici, Kaoyo sort sous un porche après son bain, s’enveloppant dans sa robe, ses longs cheveux mouillés tombant sur son dos jusqu'au sol. On peut voir Moronao écarter le feuillage au-delà de la clôture du jardin, l'observant furtivement, le visage partiellement caché derrière son éventail. Les branches d'un érable encadrent une vue du croissant de Lune au-dessus de la scène.
Yoshitoshi semble ici rappeler une autre histoire: Un homme soupçonne sa femme de lui être infidèle. Feignant de partir en voyage, il se cache derrière la haie du jardin. Il voit alors sa femme nue dans la véranda au clair de Lune qui soupire et compose un poème :
Passeras-tu le Mont Tatsura seul ce soir ?
Comprenant qu’elle pense à lui, il réalise l’ingratitude de ses soupçons.
Estampe numéro 41 de la série
Estampe représentant le guerrier Takeda Shingen assis et regardant la forêt de pins de Mio et le Mont Fuji s'élevant au-delà.
La barrière de Kiyomi, un important poste gouvernemental, était situé sur cette portion de côte. Son nom était synonyme d’obstacle pour le public , idée qui est prolongée par la lune qui est occultée
Takeda a passé une grande partie de sa vie à essayer d'obtenir l'accès à la mer pour sa province enclavée Il tenta de conquérir sans cesse la province de Suruga dont fait partie le Mont Fuji et la forêt de pins.
Il flotte ici sur une mer de nuages dorés, dans une atmosphère qui tient du rêve. Serait-ce l’esprit de Takeda qui serait revenu survoler les obstacles qui l’ont mis en échec? Il contemple l’objet de sa convoitise
Takeda Shingen porte des bottes en peau d’ours et son fourreau de sabre est en peau de tigre. Il est aussi représenté avec un casque recouvert d’une opulente crinière blanche ainsi que d’une paire de bois de cervidé
La culture japonaise plonge ses racines dans le chamanisme de l’Asie centrale et connaissait les pouvoirs magiques conférés aux bois de cerf.
Estampe numéro 42 de la série
Le héros légendaire Prince O-Usu (le jeune Yamato Takeru no mikoto) était le troisième fils de l'empereur Keiko. Ce dernier vécut au IIe siècle et avait quatre-vingts enfants. Il gouvernait le Yamato, région englobant Nara, Kyoto et Osaka, considérée comme le berceau de la culture japonaise. Le prince O-Usu était féroce.
Dans cette scène, il a été envoyé par son père pour écraser une rébellion sur l'île de Kyushu et s'est déguisé en femme en revêtant les vêtements de sa tante
Yoshitoshi a choisi de représenter le calme avant la tempête, au moment où le prince s'apprête à rejoindre le festin des rebelles, son sabre caché sous sa robe et le sourire de la ruse aux lèvres Il attendra ensuite que les chefs ennemis soient ivres avant d'utiliser son sabre pour les attaquer.
La manière dont la fumée a été représentée alors qu'elle flotte devant le rideau à motifs montre la maîtrise des imprimeurs et la créativité de l'artiste. Il y a du pigment de plomb oxydé dans le pantalon orange foncé ainsi qu'un soupçon dans la fumée au sommet.
Estampe numéro 44 de la série
Magnifique estampe représentant Akazome Emon, une poète bien
connue de l'ère Heian. Après une longue nuit passée à attendre l'arrivée de son amant, elle composa ces vers:
J'aurais dû me coucher sans tarder
Mais à présent la nuit s’achève et je regarde la lune descendre
Elle regarde anxieusement par la porte lorsque la lune commence à se coucher, déçue d'être restée debout toute la nuit dans l’espoir de voir arriver son amant Elle porte une robe blanche, une ceinture rouge nouée librement autour de sa taille et ses longs cheveux tombent sur ses épaules jusqu'au sol.
Estampe numéro 45 de la série
L'un des chefs-d'œuvre de la série. Cette estampe illustre le fantôme du prêtre renégat Kumasaka no Chōhan, tué lors d'une tentative déjouée de vol d'un marchand d'or dans une auberge d'Akasaka.
Le fantôme a commencé à apparaître à un prêtre bouddhiste de la région d'Akasaka Dans ce dessin dramatique, le fantôme prend une pose féroce, les pieds fermement écartés, une naginata à la main. Il porte une coiffe de prêtre en tissu et des robes à motifs colorés, son pantalon rouge et jaune étant orné de foudres
L'arrière-plan passe du bleu profond au bleu plus clair, offrant un contraste saisissant avec la figure. La ceinture en tissu blanc est gaufrée et la robe marron clair présente un motif subtilement bruni
Ici la référence à la Lune est plus subtile. Il faut connaître l’histoire pour savoir qu’elle y fait allusion:
« la Lune est dans le ciel, mais noyée dans la brume »
Estampe numéro 46 de la série
Charmante scène représentant des hommes et des femmes exécutant une danse lors du traditionnel festival d’O-Bon.
La fête de O-Bon est un temps fort de l’été japonais. Elle se tient lors de la pleine Lune qui marque le septième mois lunaire et est consacrée aux morts C'est cependant une fête heureuse au cours de laquelle les esprits des défunts sont censés revenir dans le monde des vivants pour festoyer et célébrer L’idée est que le monde est le meilleur possible, d’où la joie des morts d’y revenir. O’Bon est aussi appelée fête des lanternes en référence aux lampions qu’on allume sous la Lune pour guider les morts sur leur chemin entre les deux mondes.
Dans la scène de Yoshitoshi, les danseurs sourient en se pavanant, en prenant des poses, en agitant leurs bras et en pliant leurs éventails alors que la pleine Lune jaune brille au-dessus de leurs têtes.
Estampe numéro 48 de la série
Dans cette estampe, Yoshitoshi puise à nouveau dans la mythologie chinoise. Ici, c’est l’illustration de la vie de Wu Zixu, un général de la Chine antique (Vème siècle avant JC).
Le roi de Chu avait tué le frère et le père du général. Après la mort du roi, Wu paya un pêcheur pour qu'il l'aide à trouver le tombeau du roi le long de la rivière Huai. Après avoir localisé la sépulture, Wu Zixu en a retiré le corps du roi et l'a fait fouetter trois fois pour venger sa famille.
Le général se fraye un chemin à travers les hautes herbes et les joncs, se protégeant les yeux de la main, lorsqu'il rencontre le pêcheur assis sur la rive du fleuve, une canne à pêche posée sur son épaule.
La pleine Lune brille en jaune dans le ciel parmi les nuages à la dérive La coiffe noire et l'armure de Wu Zixu sont joliment détaillées.
Estampe numéro 53 de la série
Estampe représentant le poète japonais du XIIIe siècle Teika Ce dernier s’est endormi sous la véranda du sanctuaire shintoïste de Sumiyoshi.
Teika était un célèbre poète, en particulier pour son édition du « Conte de Genji » Teika était un maître du tenka, poème suggestif en trente et une syllabes dont furent tirées, quelques siècles plus tard, les dix-sept syllabes du haiku Certains de ses plus beaux tankas ont trait à la Lune :
Le vent qui frise le lac biwa interrompt mes rêves sous la Lune qui parcourt la nuit, un pêcheur d’automne.
Le sanctuaire de Sumiyoshi était dédié au dieu de la poésie. Il était aussi réputé pour un pin énorme et vénérable qui y poussait.
Dans cette charmante scène, la divinité apparaît au-dessus de lui sous les traits d’un vieillard qui flotte comme pour remplacer la Lune absente.
Estampe numéro 54 de la série
Scène représentant une noble au très long cou jouant de la musique (cythare) dans un riche intérieur Elle vient de songer à la beauté de la nuit et demande à sa servante de remonter les stores en bambou
Une pleine Lune se détache sur le ciel bleu pâle. L'intérieur de la maison est illustré dans des couleurs vibrantes de rouge, de jaune et de vert.
Une belle estampe aux tons riches et aux détails raffinés
Cette scène est inspirée par le poème suivant (Wang Changling) :
La nuit est calme et cent fleurs embaument le palais de l’Ouest
Elle fait remonter le store en regrettant le printemps
Cythare sur les genoux elle contemple la Lune qui rend indistinct les couleurs des arbres
Estampe numéro 56 de la série
Très belle représentation du prêtre Gen'i assis sur une véranda, composant un vers en contemplant la Lune.
Le grand prêtre était une personne influente dans le Japon tumultueux du XVIe siècle. Il était à la fois fin politique et spirituel.
Yoshitoshi dépeint Gen'i dans un moment de réflexion tranquille
Gen'i est installé devant un petit pupitre laqué noir et or Derrière lui, une lampe brûle dans le silence Il a le crâne rasé d’un prêtre, dont le modelé souligne la rondeur. Son habit compose une frappante association de vert, jaune et bleu La Lune est cachée derrière les stores de bambou en haut à gauche, tandis que le bleu du ciel crée une tonalité douce sur l'estampe
Par-delà sa présence, la Lune représente la nature du Bouddha: la compréhension la plus immédiate de cette nature est permise par le monde matériel, lui qui semble pourtant la séparer de l’Être.
Le verset dans le cartouche blanc en haut à droite se lit comme suit :
Moi qui n’aime pas les jours gris, je comprends qu’un ciel de nuages me fait apprécier le clair de Lune
Estampe numéro 59 de la série
Une très belle femme, vêtue d'un luxueux costume chinois se tient près d'un prunier en fleurs sous une pleine Lune parfaite Il s'agit de l'Esprit du prunier, qui est apparu à Zhao Shixiong, un poète chinois de la dynastie des Sui (589-618).
Par une fraîche matinée de printemps, Zhao gravit les pentes de la montagne sacrée de Luofu, dans le sud de la Chine, pour y admirer les pruniers en fleurs. Le soir venu, il s'endormit sous les arbres et une nymphe lui apparut en rêve.
Se réveillant à la lumière magique de la pleine Lune, il comprit que l'esprit du prunier l'avait visité et écrit ce poème :
Au clair de Lune sous les arbres vient une beauté
Estampe numéro 61 de la série
Cette estampe reprend un sujet classique: la rencontre du moineguerrier Musashibō Benkei et de Minomoto no Yoshitsune sur le pont du Gojō à Kyoto, où le jeune mais agile Yoshitsune parvient à échapper au guerrier Benkei.
Ce dernier avait appris que les pointes de mille sabres lui permettaient de s’en fabriquer un plus puissant que tous
Armé de son hallebarde, il confisquait les armes des gens qui passaient par le pont Il ne lui manquait plus qu’un sabre lorsqu’un jeune homme de dix sept ans s’engagea d’un pas guilleret sur le pont. Il jouait de la flûte et à son flanc balançait une arme aguicheuse Benkei fondit sur lui mais à sa grande surprise Yoshitsune se défendit et gagna Yoshitsune avait appris les arts martiaux parmi les tengu, les hommes oiseaux du mont Kurama.
La plupart des représentations de cette scène opposent la brute massive Benkei à l'élégant Yoshitsune dans le cadre du pont voûté. Ici, Yoshitoshi se concentre uniquement sur Yoshitsune qui saute dans les airs et distrait son adversaire en lançant son éventail pliant qui tombe au premier plan.
Estampe numéro 64 de la série
Abe no Nakamaro (710-770) était membre d'une délégation officielle japonaise en Chine, où il est resté pendant de très nombreuses années avant de rentrer chez lui Voir la lune ici est une allusion possible au poème numéro 7 de l'anthologie hyakunin isshu.
Lorsque je regarde le vaste ciel ce soir, est-ce la même Lune que j'ai vue se lever derrière le mont Mikasa au sanctuaire de Kasuga il y a toutes ces années ?
Ces vers étaient souvent récités par les expatriés nostalgiques de leurs pays.
Hyakunin Isshu est une anthologie japonaise classique de cent waka japonais écrits par cent poètes
Nakamaro est souvent représenté en compagnie de son ami Kibi no Makibi qui l’a accompagné lors de sa première mission en 717 C’est peut-être lui que l’on voit ici. Kibi rentra au Japon en 735 ramenant avec lui l’art de la broderie, le jeu de go et le biwa (le luth)
Cette estampe est intéressante par l’ingénieux dispositif du pilier utilisé par Yoshotoshi et qui se dresse au milieu de la scène, scellant la séparation entre les deux amis qui contemplent peut-être la même lune à distance l’un de l’autre
Estampe numéro 66 de la série
Représentation de Toyotomi Hideyoshi (1516-1598), l'un des plus grands chefs militaires du Japon.
Ici, Hideyoshi fait retentir une conque pour signaler l'attaque de ses forces après avoir galopé toute la nuit pour sauver un château assiégé
La Lune du matin est encore visible à l'horizon, se reflétant dans l'eau, et la colline de Shizugatake se dresse au loin.
Hideyoshi porte une belle armure très détaillée, un casque de combat surmonté d'un écusson en forme de soleil, et l'une de ses épées est enveloppée d'une peau de tigre
Estampe numéro 67 de la série
Représentation du célèbre archer du Xe siècle Minamoto no Tsunemoto abattant un cerf
Le titre fait référence à un incident au cours duquel un démon, sous la forme d'un énorme cerf, est apparu sur le toit du Joganden, une aile du palais impérial.
Alors que l'animal s'apprête à bondir et à attaquer l'empereur Shujaku, qui se promène dans les jardins, Tsunemoto tue le monstre d'une seule flèche entre les deux yeux.
Ici, Tsunemoto ne tue pas un démon mais un cerf ordinaire ce qui laisse penser que la légende a peut-être été exagérée et que le démon n'est que le fruit de notre imagination
La robe du samouraï vole autour de lui dans la brise du soir, le fourreau de son sabre se balance tandis qu’il décroche sa flèche Les feuilles d'érable dérivent dans le ciel sous une pleine Lune rougeoyante
Estampe numéro 68 de la série
Charmante représentation du bodhisattva Kannon, la déesse bouddhiste (pour les japonais) de la miséricorde.
Cette scène reflète les origines bouddhistes de Kannon en Inde, sous le nom d'Avalokitesvara. L'une des demeures d'Avalokitesvara sur terre était un promontoire rocheux appelé Potalaka au large de la côte sud de l'Inde, connue sous le nom de mer du Sud
Elle est assise calmement sur un affleurement rocheux alors que les vagues s'écrasent violemment autour d'elle, les mains jointes sur un genou Le nimbe jaune d'or entoure sa tête, tandis que des nuages noirs dérivent sur la face de la Lune au-dessus d'elle.
Estampe numéro 70 de la série
Magnifique estampe de Minamoto no Yoshimitsu assis au sommet d'une colline et jouant du sho, un orgue à bouche fait d'hanches de bambou. L’histoire suggère qu’il est accompagné du jeune Tokiaki à qui il apprend à jouer du sho.
Une forte diagonale est constituée avec le tronc d’un pin et encadre une vue du mont Ashigara (volcan à l’ouest du Fuji) au loin, rendue avec des traits audacieux de gris et de noir.
Le kimono rouge de Yoshimitsu s'est oxydé pour prendre une teinte plus foncée, et il porte un grand chapeau de Cour noir Le bleu gris du ciel recouvre les épines du pin et suggère le clair de Lune.
L’estampe ne s’équilibre que si l’on imagine Tokiaki assis en face de Minamoto no Yoshimitsu. Yoshitoshi nous oblige à compléter l’image et ainsi à la comprendre
Estampe numéro 72 de la série
Belle représentation de Fujiwara no Moronaga, homme politique du Japon du XIIe siècle. Acteur avec son père de la révolte de Hogen en 1156, il fut exilé de Kyoto sur l’île de Shikoku par Taira no Kiyomori, le seigneur de l'époque.
Moronaga aimait jouer du biwa, ou luth japonais, occupation qui lui apporta probablement bien du réconfort durant cet exil.
Au premier temps de son exil, Moronaga se promenait dans la nature colorée par l’automne du mont Miyaji Le bruit de l’eau, le chant des oiseaux apaisèrent sa nostalgie et l’incita à s’asseoir pour jouer du biwa.
Au centre droit, une belle passe à l'arrière-plan, s'arrêtant pour écouter le son magnifique s’élevant dans la montagne tandis que la brise du soir fait voltiger son kimono autour d'elle. Un érable au feuillage d'automne coloré encadre la pleine Lune au loin. L’image célèbre la paix idyllique des montagnes et le pouvoir de la musique
Yoshitoshi s’intéressait beaucoup à la musique Ce n’est pas un hasard si douze des cent estampes représentent des musiciens.
Estampe numéro 74 de la série
Dans l'art et la littérature japonais, la pleine Lune est traditionnellement considérée comme particulièrement belle lorsqu'elle se reflète dans l'eau.
Dans cette estampe, Yoshitoshi représente la célèbre poétesse de haïkus, calligraphe et peintre du XVIIIe siècle, Chiyo, dans un kimono élaboré.
Sous les kakis mûrs et l'herbe squelettique, elle jette un coup d'œil vers le seau cassé qui vient de lui échapper Le poème dans le cartouche se lit comme suit :
« Le fond du seau que Chiyo a rempli est tombé la Lune n'a pas sa place dans l'eau ».
Ces lignes anonymes décrivent la situation de Chiyo: le seau brisé ne peut contenir de l'eau, et encore moins la Lune Au lieu de cela, la lumière de la Lune d'automne s'écoule librement, se diffusant sur le sol mouillé.
Estampe numéro 76 de la série
Scène à Shinobugaoka, Tokyo, pendant la saison des cerisiers en fleurs. Pendant cette saison, il est de coutume de pique-niquer et de participer à des festivals dans tout le Japon
Un jeune samouraï, Gyokuensai, est le sujet principal de cette scène, un kimono de femme flottant à ses côtés dans le vent
Le kimono est dessiné avec un sujet de bord de mer (vagues, filets) et révèle une boîte à pique-nique (voir exposition) en dessous. La scène est éclairée par un croissant de lune emplie de mystère car Gyokuensai semble lever le bras pour se protéger Peut-être que le kimono et la boîte n’existent que dans son imagination ?
Estampe numéro 79 de la série
Dans le dernier acte de la célèbre pièce de Kabuki « Kanadehon
Chūshingura » (« Le trésor des fidèles serviteurs »), les 47 « rōnin » (ou samouraïs sans maître) ont attaqué le manoir du méchant Moronao pour venger leur seigneur par une nuit enneigée au clair de Lune (voir estampe numéro 4 de la série).
Dans cette estampe, Yoshitoshi a choisi d'illustrer ce célèbre événement sous un angle inhabituel, en se concentrant sur Kobayashi Heihachirō, le serviteur de Moronao, au lieu de montrer l'un des 'rōnin' qui sont en fait les héros de l'histoire.
Fidèle à l'histoire, Heihachirō est représenté ici vêtu d’une vieille robe de nourrice, alors qu'il tentait de prendre les attaquants au dépourvu Heihachirō défendit son seigneur avec beaucoup de courage, mais fut tué
Yoshitoshi nous montre Kobayashi Heihachirō affrontant avec l’énergie du désespoir des adversaires en surnombre Bien qu’il serve un homme méprisable, il fait face à la mort avec vaillance et son sort est dès lors celui d’un héros
Sa tenue éclatante tranche avec le blanc de la neige et exacerbe la tension de la scène Kobayashi Heihachirō prend une pose de Kabuki chargé d’une tension retenue, ses yeux sont écarquillés. L’action semble figée quelques secondes sous la lumière de la pleine Lune
Estampe numéro 84 de la série
Belle estampe de Yoshitoshi représentant une femme de haut rang battant le linge.
Dans la culture japonaise, le bruit du battage du tissu, pour l'assouplir ou le laver, est associé à une femme qui attend le retour de son mari
Bien qu'il s'agisse d'un travail subalterne, la maîtresse bat le tissu pour s'occuper en attendant le retour de son mari Sa servante, Yugiri, est assise tranquillement à gauche, les mains croisées sur les genoux
Ici, la pleine Lune apparaît derrière la belle sur un paravent, décoré d'un enchevêtrement de lespédèzas délicats couverts de fleurs roses qui évoque l’automne et dont le cadre est en laque noire.
Estampe numéro 85 de la série
Illustration de la célèbre histoire de la sorcière de la maison isolée sur la lande d'Adachi, une histoire qui a hanté Yoshitoshi tout au long de sa vie (comme celle de son maître Kunyoshi).
Une vieille femme était au service d'un seigneur qui souffrait d'une maladie qui ne pouvait être guérie qu'avec le sang des enfants nés un certain mois La femme maléfique s'attaquait aux enfants, les tuait et récupérait le sang pour son maître. La vieille hideuse et prédatrice observe l'entrée de la chambre de sa prochaine victime, une torche enflammée à la main, imprimée en deux couleurs
Une corde nouée tirée à travers la scène et une vigne flétrie encadrent la Lune brillant dans un ciel d'un noir profond. Il est à noter que Yoshitoshi nous montre ici que la vieille dame et non les victimes Il nous pousse à nous demander quelles pensées abominables et quelles émotions peut abriter son esprit.
Estampe numéro 93 de la série
Un prêtre brandit son bol à aumône pour attraper les graines qui tombent des arbres de la Lune Ces graines possèdent le don d'immortalité et d'invisibilité.
Les traits du visage du prêtre, ses boucles d'oreilles et ses vêtements distinctifs indiquent qu'il est un Arhat (en japonais, Rakan), un disciple de Bouddha qui a atteint l'illumination Ces saints bouddhistes sont des sujets populaires dans l'art chinois et japonais.
Bien que le cercle lumineux semble être la Lune, il s'agit en fait de l'auréole de l'Arhat. Ce sont les graines qui font allusion à la Lune dans cette estampe
Cette image d’une figure bouddhique, d’origine hindoue qui fut ensuite sinisée et pratiquant un culte taoïste est un brillant exemple du syncrétisme religieux en Extrême-Orient.
Estampe numéro 94 de la série
Portrait de Mizuki Tatsunosuke, un onnagata ou acteur masculin spécialisé dans les rôles féminins du kabuki. Les onnagata portaient souvent des vêtements féminins en dehors de la scène.
Ici, Tatsunosuke porte un kimono bleu à motifs de vagues colorées et de fleurs stylisées, noué par un obi à carreaux. Il porte un éventail et un poème, ainsi qu'une épée à son côté.
Sa coiffure inhabituelle combine un nœud de tête masculin avec des cheveux plus longs dans le dos comme une femme, la partie rasée de son front étant recouverte d'un tissu violet. Il se promène sous les cerisiers en fleurs au bord de la rivière Sumida, une grande Lune pleine se trouvant juste au-dessus de l'horizon
Les cerisiers fleurissent sur le Sumida
Les bateaux s’évanouissent dans le crépuscule
À Sekiya où j’admire la Lune – Mizuki Tatsumosuke
Estampe numéro 97 de la série
Scène de Yoshitoshi montrant un jeune homme portant une vieille femme sur son dos en haut d'une colline pour l'y laisser mourir
Dans les communautés rurales pauvres, on avait l'habitude d'abandonner les personnes âgées lorsqu'elles ne pouvaient plus s'occuper d'elles-mêmes (Obasute). Et même, si ceci était contraire à la piété filiale confucéenne qui imprégnait quand même la culture japonaise
Obasute a marqué le folklore japonais, il est à la base de beaucoup de légendes, poèmes et Koan Dans une allégorie bouddhiste, un fils porte sa mère sur une montagne sur son dos. Pendant le trajet, elle tend les bras, attrape les brindilles et les éparpille sur leur passage, pour que son fils puisse retrouver le chemin du retour. Un poème raconte cette histoire :
Aux confins des montagnes,
Pour qui la vieille mère cassait-elle
Une brindille après l'autre ?
Sans se soucier d'elle-même
Elle l'a fait
Pour le bien de son fils
Dans l’estampe de Yoshitoshi, les personnages sont éclipsés par un pin robuste qui traverse l'image en diagonale, la pleine Lune apparaissant derrière les branches. La beauté du paysage minimise la dureté du récit
Cette série précède la série des 100 aspects de la Lune
La série “Guerriers tremblants de courage” (Kōgō no Bujin) dont 4 estampes sont représentées dans ce catalogue a été réalisée entre 1883 et 1886 par Yoshitoshi et est une autre facette de son œuvre.
Contrairement aux représentations traditionnelles des samouraïs comme des figures inébranlables de courage et de vertu, cette série montre des guerriers dans des moments de grande vulnérabilité, de peur et de doute. Chaque image présente un guerrier dont le visage et le corps trahissent une émotion rare dans l’art japonais traditionnel: la peur. Dans un art qui avait longtemps glorifié la bravoure stoïque, Yoshitoshi met en lumière l’humanité des combattants, dévoilant l’angoisse et les tremblements de ceux qui affrontent la mort.
Ce traitement inédit de la peur chez les guerriers s’inscrit dans une approche plus réaliste et psychologique de la figure du Samouraï Le héros n'est plus seulement un modèle d’héroïsme sans faille, mais un homme confronté à ses propres émotions, à la réalité de la guerre et à la conscience de sa mortalité.
Les guerriers de Yoshitoshi, tremblants et effrayés, sont des personnages pleins de contradictions: à la fois forts et vulnérables, courageux et effrayés.
Cette série marque un tournant dans l’interprétation de la figure du samouraï dans l’art japonais, en soulignant sa dimension humaine et fragile
Estampe numéro 33 de la série Les Guerriers tremblants de courage
Scène montrant Notonokami Noritsune, l'un des grands guerriers des Taira, à la proue d'un navire lors de son dernier combat à la bataille de Dan-no-Ura en 1185.
Il se précipite vers l'avant, un pied en équilibre sur le bastingage du navire, tendant la main, alors que Minamoto no Yoshitsune passe en position accroupie lors de son célèbre « saut de huit bateaux », restant à l'écart de l'emprise de son ennemi.
Des flammes rouges et de la fumée orange s'échappent du brasero suspendu au bord du navire, tandis que des vagues pleines d’écume font osciller le bateau
Les détails sont magnifiques et la composition incroyable
Estampe numéro 4 de la série Les Guerriers tremblants de courage
Scène fantastique du daimyo du XVIe siècle.
Après une vie de trahisons et de meurtres pour obtenir le pouvoir, le rebelle Matsunaga a été acculé par Oda Nobunaga au château de Shiga. Nobunaga exige sa tête et une précieuse bouilloire.
Toujours défiant, le vieux guerrier brise la bouilloire avant de se suicider, ordonnant que sa tête soit détruite afin qu'elle ne devienne pas un trophée de guerre.
Yoshitoshi saisit la colère et le défi du vieillard Matsunaga lorsqu'il jette la théière en l'air, les tessons s'éparpillant partout, dans son dernier acte de rébellion
Il est assis sur un tapis de fourrure, un couteau court dans l'autre main, son armure posée sur le sol à côté de lui.
Une image puissante, magnifiquement détaillée
Estampe numéro 7 de la série Les Guerriers tremblants de courage Cette estampe traite du même sujet que l’estampe numéro 42 de la série des cent aspects de la Lune, mais le sujet est représenté de manière directe
Le héros légendaire Prince O-Uso (le jeune Yamato Takeru no mikoto) était le troisième fils de l'empereur Keiko du IIe siècle. Ce dernier avait quatre-vingts enfants et gouvernait le Yamato, région englobant Nara, Kyoto et Osaka considérée comme le berceau de la culture japonaise. Le prince O-Uso était féroce.
Son père lui demanda d’écraser une rébellion sur l'île de Kyushu.
Lorsqu’il arriva au camp ennemi, un grand banquet avait lieu. Par ruse, il se déguisa en femme en revêtant les vêtements de sa tante et cacha son sabre sous sa robe
Il se mêla à l’assistance femine et attendit que les chefs ennemis soit enivrés pour les occire. Ceux-ci étaient deux fères et se faisaient appelés Kumaso Takaru, « les plus braves des Kamuso » O-Usu tua l’aîné et blessa mortellement le cadet Ce dernier avant de mourir lui reconnut le titre de Yamato Takaru soit « le plus brave du Yamato ».
Estampe numéro 9 de la série Les Guerriers tremblants de courage
Représentation du samouraï Endo Musha Morito s'approchant de la chambre de sa bien-aimée, la belle Kesa Gozen.
Endo est obsédé par Kesa, une femme mariée et heureuse qui rejette ses avances. Craignant qu'Endo ne fasse du mal à son mari, elle le convainc de l'assassiner une nuit dans leur chambre Elle se coupe alors les cheveux et prend la place de son mari dans la pièce sombre, et Endo l'assassine par erreur Elle s’est sacrifiée
On le voit ici ouvrir la porte de la chambre, son épée à la main, et scruter prudemment l'intérieur de la pièce Un faible rayon de lumière s'élève de la lampe qui brille doucement à l'intérieur.
Les détails de l'architecture et de l'ameublement sont magnifiques.
Estampe numéro 22 de la série Les Guerriers tremblants de courage
Représentation du jeune guerrier Minamoto no Yoshiie, également connu sous le nom de « Hachiman Taro », ce qui signifie « fils aîné du dieu de la guerre », au cours d'une aventure nocturne.
Yoshiie aimait jouer au go et était une sorte de play-boy
Une nuit, il tente de se faufiler dans la maison d'un moine, prévoyant de rendre visite à la charmante jeune fille de ce dernier. Soupçonnant ses intentions, le moine Mikawa Zenji plaça une planche de go sur la véranda, espérant que Yoshiie trébuche dessus pour pouvoir l'attaquer. Au lieu de cela, l'agile samouraï saute par-dessus la balustrade et tranche un coin de la planche de go avec son sabre alors qu'il est suspendu dans les airs.
Sa robe se déploie autour de lui et la pleine Lune brille doucement audessus des montagnes lointaines.
Estampe numéro 14 de la série Les Guerriers tremblants de courage
Cette estampe représente le jeune Hino Kumawakamaru, de la Chronique de la grande paix (Taiheiki) de la fin du XIVe siècle, qui est souvent utilisé pour représenter la piété filiale.
Alors qu'il vient de venger la mort de son père sur l'île de Sado, il s'échappe avec l'aide d'un prêtre qui lui propose de l'emmener au port et de l'aider à quitter l'île en toute sécurité.
De nombreux bateaux refusent de prendre le garçon Le prêtre commence à psalmodier une prière qui ferait chavirer un bateau s'il ne revenait pas Menacé par de grandes vagues, un bateau finit par regagner le rivage et emmène le garçon en sécurité dans la province d'Echigo
Les estampes qui suivent appartiennent à des séries diverses et ont été presque toutes publiées à partir de 1870 Elles traduisent déjà le changement opéré par Yoshitoshi dans l’expression psychologique de ses personnages.
Plusieurs estampes rendent hommage aux grands stratèges et guerriers qui ont marqué l’histoire du Japon, comme Zhang Fei, Minamoto no Yoshitsune et Kusunoki Masashige, dont deux appartenant à la série des “Généraux célèbres du Japon”. Avec ces portraits de soldats, Yoshitoshi capte l'essence du Bushido et de l'esprit guerrier japonais.
Deux dyptiques sont présentés dont un, imprimé de manière posthume
Et finalement, un portrait de Geisha. Yoshitoshi a vécu la fin de sa vie avec une ancienne Geisha et fréquentait les bordels de Tokyo. Une exposition à elle seule pourrait être consacrée à ses séries de portraits de femmes dont les “Miroir des beautés du passé et du présent” (1876) et “Trente-deux aspects des coutumes et des manières” (1888).
Estampe qui provient d’une série de portraits de personnages historiques et légendaires parue en 1872 et 1873
Le guerrier Zhang Fei était un général de l'État Shu-Han pendant la guerre des Trois Royaumes (169-280 apr. J.-C.), soit à la chute de l’empire Han. Vassal de Liu Bei, il est souvent représenté aux côtés de ce dernier et de son frère Guan Yu. Les trois hommes sont considérés comme des grands guerriers
Dans cette estampe, tirée d'un épisode du roman historique chinois du XIVe siècle “Romance des trois royaumes”, Fei attend l'arrivée de son rival, Cao Cao, sur le pont de Changban.
Bien que Cao Cao soit accompagné d'une vaste armée, Fei évite la défaite en demandant à ses troupes de traîner des troncs d'arbre dans la forêt qui borde le pont, provoquant ainsi une grande tempête de poussière. La tromperie réussit car, Cao Cao, voyant la poussière, pense à tort qu'une armée massive l'attend et bat en retraite
On voit sur cette estampe Zhang Fei posté à l’entrée du pont pointant sa lance en direction des ennemis tout en hurlant sa défiance
Scène saisissante et pleine d’intensité Zhang Fei est représenté quasiment comme un démon et le cheval est incroyable.
Estampe numéro 14 de la série des Généraux célèbres du Japon (18761882) Cette estampe traite du même sujet que l’estampe numéro 70 de la série des cent aspects de la Lune
Scène représentant Minamoto no Yoshimitsu en compagnie de Toyohara Tokiaki, un jeune samouraï.
Ils sont assis sur une plate-forme face au mont Ashigara Yoshimitsu joue du sho, un orgue à bouche fait de tuyaux en roseau. Le jeune homme est le fils du maître joueur de sho qui avait appris à Yoshimitsu à jouer de cet instrument
Tokiaki voulait suivre Yoshimitsu alors qu’il devait partir au combat Au lieu de cela, Yoshimitsu l'a invité à s'asseoir et à l'écouter jouer une belle chanson ancienne que son père lui avait apprise, afin de l'inciter à rester à la Cour pour perpétuer l'héritage musical de son père.
La pleine Lune brille doucement dans le ciel nocturne, la vue sur les montagnes étant encadrée par un grand pin.
Une image calme et émouvante.
Estampe numéro 14 de la série des Généraux célèbres du Japon
Scène fantastique de la seule bataille jamais livrée sur l'île sacrée de Miyajima entre les forces de Sue Harukata et de Mori Motonari.
En 1555, Sue attaqua un fort que Mori avait construit sur l'île. Le lendemain, par un violent orage, Mori et ses trois fils attaquèrent l'île par la mer, des deux côtés, et remportèrent une victoire spectaculaire.
Ici, le guerrier se tient à la proue de son navire, à côté de la porte torii du sanctuaire d'Itsukushima construite au-dessus de l'eau, et agite son bâton de commandement au moment de lancer l'attaque.
Des nuages de fumée rougeâtre dérivent au-dessus de la mer tandis que des gouttes de pluie tombent dans le ciel nocturne.
Diptyque 1897 (estampe posthume)
Cette estampe peut être mise en relation avec l’estampe 70 de la série des 100 aspects de la lune
Sōjōbō littéralement « grand prêtre bouddhiste » est le roi mythique des tengu, divinités mineures qui habitent les montagnes et les forêts du Japon.
Sōjōbō est un ancien yamabushi (ermite de montagne) et un tengu aux longs cheveux blancs, au nez anormalement long. Il porte un éventail fait de sept plumes, signe de sa position au sommet de la société tengu. Il est extrêmement puissant et une légende dit qu'il a la force de 1000 tengu normaux Sōjōbō vit sur le mont Kurama (au nord de Kyoto).
Sōjōbō est peut-être surtout connu pour avoir enseigné au guerrier Minamoto no Yoshitsune (alors connu sous son nom d'enfance Ushiwaka-maru ou Shanao) les arts du sabre, de la tactique et de la magie au XIIe siècle.
En fait, le nom « Sōjōbō » provient de Sōjōgatani, la vallée du mont Kurama, près du sanctuaire de Kibune, associée aux Shugenja. C'est dans cette vallée qu'Ushiwaka s'est entraîné avec Sōjōbō, selon la légende.
Cette relation sert de base à de nombreuses gravures sur bois japonaises, dont celle de Tsukioka Yoshitoshi.
Dans certains villages japonais également, les parents propagent le mythe selon lequel il mange les petits garçons pour les empêcher d'aller dans les forêts la nuit.
Diptyque 1886
Intéressante scène d'Oto no Miya, prince Morinaga, troisième fils de l'empereur exilé Go-Daigo, lisant le sutra du Lotus pendant son emprisonnement dans un cachot souterrain. Ashikaga Takauji, qui voulait devenir lui-même shogun, arrêta le prince Morinaga et chargea son frère Tadayoshi de le garder.
Le noble est assis sur une peau de fourrure posée sur le sol de la grotte, récitant le sutra d'un rouleau tandis que de la fumée s'élève d'un brûleur d'encens posé sur une table basse devant lui
Ses longs cheveux sont hirsutes, il porte un kimono blanc finement gaufré et un pantalon lavande
Un coquillage renversé sert de lampe à huile et une femme est agenouillée sur une natte de paille à proximité.
Cette estampe fait partie de la série des vingt-quatre heures du Shinbashi et du Yanagibashi
Le Shinbashi et le Yanagibashi étaient des quartiers de plaisir célèbres à Tokyo. Les geishas qui s'y trouvaient, fascinaient le public et de nombreuses séries ont été créées pour détailler la vie qu'elles menaient.
Composée de vingt-quatre estampes, chaque dessin de cette série dépeint les activités d'une geisha différente à une heure précise de la journée Elle a été commandée et publiée entre 1880 et 1881, l'écrivain-journaliste Takabatakae Ransen (1838 - 1885) composant le texte dans les encarts de chaque estampe.
Cette série captivante de Yoshitoshi a fortement cimenté sa place dans le genre des bijin-ga, des images de belles femmes
Cette estampe représente une geisha nouant un foulard violet autour de sa tête en guise de capuche, s'apprêtant à sortir dans l'air frais du petit matin alors qu'elle se sépare de son amant.
Elle porte un manteau rayé et un kimono assorti bordé d'un col noir, un rouleau de mouchoirs en papier enroulé autour d'une bourse glissée dans son obi vert
La série de bandes dessinées de Yoshitoshi intitulée “ images folles et lieux célèbres à Tokyo a été publiée en 1881”
La série de bandes dessinées de Yoshitoshi intitulée « Images folles de lieux célèbres à Tokyo » a été publiée en 1881
Ces images satiriques parodient la vie dans le Tokyo moderne avec des scènes allant d'un poulpe refusant d'être vendu sur un marché aux poissons, des mésaventures de geishas dans la rue, en passant par des rencontres avec des fantômes et des monstres.
On peut y voir des aperçus de la modernisation de l'ère Meiji, comme les vêtements occidentaux ou des inventions telles que l'appareil photo et le télescope.
Ces scènes spirituelles et amusantes jettent un regard comique sur la vie contemporaine à Tokyo, telle qu'elle a été dessinée par l'un des grands maîtres de la gravure sur bois.
PAGE DE DROITE DE HAUT EN BAS:
Un conducteur de pousse-pousse habile à Kasumigaseki
Une prostituée d’un immeuble de Nez attire un chinois par son chignon.
Une geisha s’effondre sur le chemin du retour à Shimbashi.
Des préposés au tir à l’arc saisissent un client au sanctuaire
Shinmei à Shiba ( manque la moitié du bas)
PAGE SUIVANTE:
Kintaro arbitre un match entre animaux
Les photos des estampes ne sont pas représentatives des oeuvres exposées