Planète Paix n°562

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Exclusif : interview de H. Al Fahoum, Ambassadeur de Palestine en France

L’info pacifiste : www.mvtpaix.org La paix en mouvement

La R é p u b l i q u e

3,20 euros

/ N° 562 / Mai 2011

v a t e n g u e r r e ?


Photo : Comité de Paix de Seine-Saint-Denis / Maude Lelièvre

ARRÊT SUR IMAGES...

Photo : Bureau International de la Paix

Photo : Comité de Paix de Seine-Saint-Denis / Maude Lelièvre

Photo : Comité de Paix de Seine-Saint-Denis / Maude Lelièvre

En pleine action pour le 12 avril, Journée internationale contre les dépenses militaires, initiative du comité de Saint-Denis (93).

N° 562 - Mai 2011 - Planète PAIX

Photo : Bureau International de la Paix

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Photo : Bureau International de la Paix

La banderole devant les Palais des Nations à Genève avec la mobilisation du Bureau International de la Paix.


Sommaire l’Édito

Planète Paix n°562 - Mai 2011

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Dialogues

Le courrier des lecteurs

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actualitÉ

Point de vue

Côte d'Ivoire, modernisme et tradition, M. Monod

7

p.6

B

Débat

Le droit international, la sécurité et l'ONU, D. Durand

8

à chacun son printemps

p.7

éducation à la paix

Jeunes et non-violences

Au parfum de jasmin, J-P Dardaud

p.8

L'Université Européenne de la Paix

Brest en manque de reconversion, H. Cadiou

11

p.9

Bref, on sent

le printemps qui

dossier

Interview

Les Palestiniens, prêts pour avoir p.12-13 leur état, itw de H. Al Fahoum Un stade pour Gaza, Y Renoux p.14 Juliano, mort sans rire, N. Bouexel p.15

16

Référence

La Palestine de plus en plus reconnue, G. Halie

18

p.17

des situations figées, actualiser des visions qui remontent à la prise du Palais printemps qui

Romain Rolland, J-P Vienne

p.18

mondialiser la paix

Des peuples en manque de reconnaissance, C. Cunniet

vient bousculer des hivers...

Diplomatie

20

vient secouer

d’Hiver ; un

portrait

Histoire

19

‘‘

’’

p.19

Culture

Bande Dessinée

L'Intruse, L. Brunel Le petit Maurice dans la tourmente, é. Aymard

Mensuel édité par le mouvement de la paix 9, rue Dulcie September, 93400 Saint-Ouen Tél.  01 40 12 09 12 Fax : 01 40 11 57 87 planete.paix@mvtpaix.org

p.20-21

p.22-23

Directeur de publication : Pierre Villard. Rédacteur en chef : Ben Cramer. Conception maquette : Chérif Beldjoudi. Graphiste - maquettiste : Hugues Le Roy. Comité de rédaction : évelyne Aymard, Arielle Denis, Jacques Le Dauphin, Pierre Villard. Photos et illustrations : Tous droits réservés. Illustration de Une : Hugues Le Roy, d'après photos DR. Ont participé à ce numéro : Nicole Bouexel, Laurent Brunel, Hervé Cadiou, Bernard Capron, Christophe Cunniet, Jean-Pierre Dardaud, Daniel Durand, Marianne Dunlop, Gérard Halie, Michel Monod, Yves Renoux, Jean-Paul Vienne. Gestion des abonnements : Nassera Macrez, tél.  01 40 12 09 12. ISSN 1773-9241. Numéro de commission paritaire : 0312G85601.

ien sûr, il y a toujours de quoi ironiser sur cette France – 1 % de la population mondiale, 1 % de la superficie terrestre – qui s’active comme son président. Mais dans un pays qui se met en ordre de bataille, il nous est interdit de zapper l’Afghanistan, les 4.000 soldat(e)s dont 56 mort(e)s au front depuis 2001. Impossible d’oublier que nous vivons dans un monde belliqueux, qu’il y a une Franceafric qui rejoint la Franceafrique, des industriels qui peuvent tester leur matos « live » et des trouffions tout ragaillardis de toucher 2 fois et demie leur solde. C’est dur mais cela est salutaire de capter comment certains leaders, en mal de popularité, brandissent des intérêts humanitaires qui sont, en fait, des intérêts électoraux ; ou combien on s’active à pacifier ailleurs pour faire oublier qu’on ne pacifie rien ici. Avec 11.200 militaires en opérations extérieures, on peut s’attendre à quelques enseignements. Des ornières et du bling bling en moins. La mondialisation n’a pas provoqué la fin de l’histoire, ni d’ailleurs la fin de la géographie. Et tant mieux. Si l’on inclut la Somalie ou ses abords dans le cadre de l’opération européenne Atalante (anti-« pirates »), et l’Afghanistan, voici de redoutables ennemis, créés de toutes pièces après le 11 septembre 2001, qui justifieraient notre nouvelle défense tous azimuts ! La Côte d’Ivoire, avec la force Licorne, pose la question de l’ONU. Et des motivations de ceux qui opèrent « sous le mandat de l’ONU ». L’action de 2.500 militaires en Libye de l’opération l’Harmattan (ex-Aube de l’Odyssée, sic), pourrait soulever un tsunami de questions. Après tout, que doit - on attendre d’une opération OTAN dans laquelle, pour la première fois depuis 1949, ce ne sont pas les états-Unis qui mènent le bal ou règlent la musique mais la France qui joue le premier violon ? Au risque de tenter le paradoxe, les bonnes nouvelles sont ici, en creux. L’irruption du militaire, des militaires est le pendant de cette accélération de l’histoire. Des manifestations qui « gagnent » (c’est le cas de le dire) de nouvelles capitales, des Planètes Paix qui se cherchent ; y compris sur les stades en France. Y compris en Palestine. Bref, on sent le printemps qui vient secouer des situations figées, actualiser des visions qui remontent à la prise du Palais d’Hiver ; un printemps qui vient bousculer des hivers d’obscurantisme. C’est peut-être aussi le nôtre de printemps… Ben Cramer N° 562 - Mai 2011 - Planète PAIX

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Dialogues

à quand les habits neufs de l'ONU ? Lors d’un évènement, nos premières réactions ne sont pas toujours les meilleures. Il faut souvent du recul, du débat, de l’approfondissement de tous les paramètres, car nous sommes, en permanence, soumis à la pression et la désinformation des médias. à chaque moment, les pacifistes ont un pot commun : le refus des armes qui ne sont jamais la solution, le respect des droits humains, le recours à la diplomatie. S’ il y a eu un bienfait pour l’humanité de la fin de la Seconde Guerre mondiale, c’est sans aucun doute, la création de l’ONU. Ce qui ne manque pas de poser la question soixante ans après de son évolution démocratique afin de mieux répondre aux besoins du monde d’aujourd’hui. Au mois de décembre, lorsque les évènements en Côte d’Ivoire ont éclaté à la suite des élections présidentielles, chacun avait un point de vue. Comme dirait le poète « l’homme marche à tâtons dans l’obscurité pour trouver la lumière de la vérité ». Après quelques tâtonnements, le Mouvement de la Paix a fait une déclaration exigeant de nouvelles élections sous un contrôle autre que celui qui avait eu lieu, la communauté internationale ayant su le faire à d’autres occasions. Certains ont vu dans cette proposition une impossibilité due au temps de réalisation. D’autres ont pensé que les résultats validés devaient être respectés. Le pourrissement des situations, le temps, ne jouent - ils pas toujours en faveur des armes ? D’un autre côté, la démocratie prend du temps, mais n’est - ce pas mieux que ces morts inutiles, pour quel résultat ? à l’heure où sont écrites ces lignes, le dénouement est peut-être proche, mais quelle démonstration pour la démo4

N° 562 - Mai 2011 - Planète PAIX

 cratie ? Elle en sort perdante de toute façon. On nous démontrera qu’il a fallu les armes pour y arriver. Une fois de plus, preuve est faite que notre démocratie ne s’exporte pas, il est impératif de prendre en compte les questions endogènes de chaque réalité locale, ce que ne font pas ni l’ONU, ni la communauté internationale en voulant en permanence internationaliser le modèle démocratique occidental. Le Mouvement de la Paix avait raison de faire cette proposition, l’ONU et la France ne sortiront pas grandies de l’aventure ivoirienne quelle qu’en soit l’issue ; il aurait mieux valu mettre les belligérants autour d’une table, établir des règles et des modalités de vote tenant compte des différents aspects locaux avec eux. Oui cela aurait pris du temps, mais le temps a été favorable au déchaînement humain. Le retour au calme pâtira des plaies et des larmes laissées par l’intervention militaire. Cette nouvelle et triste page de l’Histoire doit nous conduire à persévérer dans l’idée et l’action de la transformation des règles onusiennes. Bernard Capron Ne soyons pas aveugles Rien ne semble plus justifié qu’une guerre dont les graines depuis si longtemps semées, germaient déjà dans les esprits apeurés. Il aurait fallu plus de discernement, bien avant que n’éclate au grand jour la véritable stature d’un homme, tyran de son état ; écouter ce qu’une poignée proclamait en refusant sa réception, avec les honneurs d’un roi. Que faire d’un roi qui se

Opinions, Suggestions, Observations ! Envoyez-nous vos messages pour qu’ils soient diffusés dans le journal et sur le site Internet du Mouvement www.mvtpaix.org. écrire à : Mouvement de la Paix 9 rue, Dulcie September, 93400 Saint-Ouen. Courriel : planete.paix@mvtpaix.org Les réflexions suivantes sont destinées au débat et n’engagent donc que leurs auteurs.

nourrit du sang de son peuple ? Quelle distance tenir lorsque, pressant, il s’évertue à camoufler ses crimes pour se donner bonne figure ? La diplomatie, parfois flirte tant avec les principes économiques, qu’il est évident de soupçonner quelques occultes collusions. Le meilleur moyen d’arrêter la vague des soupçons, serait, si nous étions encore en démocratie, de permettre en toute confiance, au peuple de savoir. Mais pourrais - je seulement me confier, si, moi-même, je naviguais en eaux troubles, nageant sur la vague des apparences, pour soigner mon propre profit ? Ce qui transparaît derrière toutes les violences, c’est cette trahison de l’homme pour lui-même. Indigne de se contempler, il projette plus loin sa haine intrinsèque, croyant ainsi tromper la vigilance de ses proches. Ce n’est que poudre aux yeux à qui prend le temps de voir qu’il n’est pas innocent que les bombes chutent en tel pays plutôt qu’en tel autre. Il n’est pas non plus bien malin de voir qu’à la crise des uns répond la guerre des autres. L’essentiel est toujours, ce fut vrai en 1914, en 1939, en 1962, que les plus miséreux aillent, en chantant, déverser leur mitraille et offrir leur peau à trouer pour préserver les dividendes des spéculateurs. C’est ici une tyrannie qui ne se nomme pas, tant elle semble être admise de la plupart. Elle nous fait moutons, acceptant de bêler jusque sous le couteau des bouchers. * Qu’en vaine écriture les mots tentent de dresser une barricade de bon sens, voilà le concert des collaborateurs du crime qui s’évertue à me donner tort. Pas de panique, il y en eut d’autres, encensés aujourd’hui, qui en leur temps se dressèrent contre le crime d’état.

Ils avaient des noms inscrits au programme des écoles, certains ne sont plus mentionnés mais ne s’écroulèrent pas moins sous les balles des assassins. Ils sont l’honneur de notre humaine condition, tandis que les mièvres qui composèrent, n’en sont plus que lie, quand ils ne sont pas purement et simplement oubliés. Si mon cri s’élève au risque d’une balle perdue, de quolibets et de craintes justifiées, ce serait un crime plus grand encore que de l’étouffer, au nom du conformisme d’une société d’où l’Homme est exclu. On ne spécule pas avec la vie, car elle ne nous appartient pas, en Libye comme ailleurs. * Il n’est pas du devoir de la poésie de se dresser contre le meurtre. Il est celui du poète que de dénoncer ce qu’il pense, en son âme et conscience, devoir dénoncer. Rester dans le silence ou applaudir à ce faux semblant de sursaut démocratique, venant d’un président qui ne sait, depuis quatre années, que salir le visage des valeurs qui nous étaient communes, serait donner des gages aux pires représentants que ce pays ait connu depuis longtemps. Il est un temps de dialogue possible, mais lorsque les exactions deviennent si abondantes, cet instant n’est plus. Il convient alors de demander des comptes. Les bombes ne sont que fumée pour éviter de les rendre. Ne soyons donc pas aveugles. Xavier Lainé Manosque, 26 mars 2011 état chronique de poésie 1194

Rectificatif n° 561 Hommage à Francette Seligmann

L'article conscré à la mémoire de Francette Seligmann ne fait pas mention de ses auteurs. C'est une erreur que la rédaction corrige par ce rectificatif. Il s'agît d'Yves-Jean Gallas et de Gilles Vuillemenot.


EN EXPRESS ...

Bienvenu au comité d’Arras

à lire Césaire et Picasso – livre et expo Corps Perdu, HC édition à l’occasion de exposition au Grand Palais à Paris, un ouvrage à ne pas rater intitulé « Corps Perdu » et réédité pour la première fois. « Ce n’est pas une édition limitée mais une œuvre d‘art » explique l’éditeur Hervé Chopin, patron de HC édition depuis 1994. En réalité, c’est un recueil d’une dizaine de poèmes écrit par Aimé Césaire en 1949 et illustré par 32 gravures de Pablo Picasso. C’est l’histoire d’une rencontre entre le père de la négritude et l’inventeur de la colombe de la paix. Pour les pacifistes, c’est l’occasion de redécouvrir une autre époque. Celle des intellectuels embarqués à Marseille pour Fort-deFrance dès avril 1941, pour éviter le régime de Vichy. Après bien des vicissitudes, ils vont se retrouver en 1948 pour un événement qui n’est guère anodin : le Congrès des intellectuels pour la Paix qui va se dérouler à Wroclaw en Pologne. Il est à l’origine du Mouvement de la Paix. D’ailleurs, parmi les membres de la délégation française à Wroclaw, dirigée par Laurent Casanova, on pouvait distinguer une certaine Irène Joliot-Curie et Yves Farge.

La Phrase du Mois « Toute mission donnée à l'armée allemande doit être acceptée par le parlement allemand. Cela différencie fondamentalement l'Allemagne de la France ou de la Grande-Bretagne ».

Bernard Capron

Reinhard Schäfers Ambassadeur d'Allemagne à Paris

Agenda Dimanche 1 er mai à Arras (62) : salon du livre d'expression populaire et de critique sociale – stand du Comité de paix d’Arras. Tout le programme sur le site des éditions Colères du Présent : h t t p : / / w w w. c o l e resdupresent.com/ cgi-bin/db2www.cgi/ coleresdupresent.mac/ index

Vendredi 20 mai 2011 à partir de 18 heures, hall de la salle des congrès (sous l'hôtel-deVille), 88 - 118, rue du 8 Mai 1945 à Nanterre (92 – RER Nanterre-Ville). Soirée « Un Bateau français pour Gaza », avec le soutien de Nanterre,Ville de Paix. Débats, musique et cuisine palestinienne. Parmi les présents : Maurice Rajsfus, écrivain et spécialiste de la question

israélo - palestinienne. Du 15 au 30 juillet 2011 : Chantier international dans la région de Kabylie (Algérie). Organisé par l'association Taneflith (Développement) et le comité du village d'Aït Agad. Objectif : nettoyage d’un cours d’eau pollué. Ce chantier marque le début d’une coopération

entre le Service Civil International (SCI) et l'association Taneflith ; il est ouvert aux adhérents du Mouvement de la Paix. à la condition de suivre, comme tout volontaire, une formation à la fois théorique et pratique dispenséee par le SCI. Le programme peut être demandé à ….

On a créé le comité du Mouvement de la Paix le 26 octobre 2010. Lors de notre première réunion d’information le 15 février, on a eu droit à un article dans le canard « L’Observateur de l’Arageois ». J’ai voulu faire une manifestation – contre l’intervention occidentale en Libye – le 31 mars 2011 mais çà n’a pas été possible. Pourquoi ? Faute de combattants ! (rire). Beaucoup de militants m’ont répondu bien plus tard… Les gens du NPA m’ont dit qu’ils n’étaient pas au courant. Je crois aussi que les gens ont peur de réfléchir de façon autonome… ou sont incapables de réagir vite. Dans notre comité, nous ne sommes que 7 (adhérents), quelques retraitées. L’une d’entre elles – j’ai pris du temps à la convaincre – s’occupe depuis très longtemps de l’UNICEF. Une autre membre était prédestinée : elle porte le pin’s de la colombe de la paix depuis ses jeunes années au lycée. Outre deux espérantistes, nous sommes aussi liés au réseau altermondialiste avec « Artisans du Monde ». Pas nombreux encore ? C’est normal ! On démarre. Nous allons nous manifester sur des brocantes. Nous comptons sur le premier mai pour nous faire connaître. Pour l’instant, le grand événement projeté, c’est le Salon du Livre et d’expression populaire à Arras. Un truc énorme. On a juste un stand. On a une immense affiche avec le mot la paix écrit dans une langue différente. Elle nous a été offerte par le club espéranto – à Arras – et réalisé le premier mai 2008 lors d’un festival des langues. Pour attirer les gens vers le stand, nous envisageons de faire un jeu questions / réponses. Puisque plusieurs militants résident à Boulogne, nous avons l’intention de mener des actions ensemble, synchronisées. Marianne Dunlop N° 562 - Mai 2011 - Planète PAIX

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actualité Point de vue

Côte d'Ivoire Modernisme et tradition de ce conflit ivoirien où il a été question d’identité nationale et de tentative de mainmise de forces étrangères, que penser des « fondamentaux » ? C’est du moins le point de vue d’un pacifiste suisse, Michel Monod, qui a beaucoup bourlingué dans cette partie du monde. à l’heure de la reconstruction sur fond de règlements de comptes… EN SAVOIR PLUS Human Rights Task Group - Marc Deguenon chargé de programme – 03BP 2476, étoile rouge, Cotonou, Bénin. E-mail : mardegue@yahoo. fr Réseau Foi Culture Education Boris Yacoubou – BP 455, Bangui, Centrafrique. E-mail : rfcecentrafrique2002@yahoo.fr

L

es élections font partie de la modernité et bousculent les coutumes ancestrales mais les coutumes restent les plus fortes. En fait, les partis politiques représentent des ethnies plutôt que des options économiques ou sociales. Le président élu à la majorité doit, selon la constitution moderne, faire un ou deux mandats et laisser la place au suivant. Mais le Président va changer la constitution pour rester indéfiniment en place selon la coutume. Abandonner sa place serait accepter un grave déshonneur et perdre la face. Son ethnie et les membres de son église le soutiennent pour ne pas perdre leurs privilèges. Laurent Gbagbo s'est maintenu au pouvoir en multipliant les mandats pour respecter la coutume ancestrale du pouvoir des chefs. Sur pression internationale, il a finalement accepté de se soumettre aux élections car assuré du soutien de ses partisans selon la coutume du respect des chefs. Son opposant, qui lui a longtemps été assujetti, s'est présenté contre lui selon le processus électoral moderne. Il est d'une autre ethnie et d'une autre religion.

Laurent Gbagbo a été battu dans les urnes. Catastrophe selon la coutume. Laurent Gbagbo n'a pas reconnu ce résultat et prétexté une malversation. La communauté internationale s'est émue et a soutenu le vainqueur dans les urnes. Alassane Ouatara s'est retranché dans un hôtel pour préparer la conquête militaire du pouvoir s'appuyant sur la légitimité moderne de son élection. L'ONU a voulu démettre le président sortant et en a confié le soin à la France. Gbagbo a accusé la France de néocolonialisme et fait appel à son armée qui est sa garde présidentielle. C'est alors qu'on a vu à la télé les foules de ses partisans en grands cortèges traverser les ponts d'Abidjan pour soutenir leur président enfermé dans son bunker. Finalement, avec l'aide des troupes Licorne, Laurent Gbagbo a été délogé de son bunker. Photo : « Humilité et charité / Dieu est Amour » par abdallah sur Flickr

En arrière-plan

Du sacré ici ou là. Des croyances. Une autre façon d’appréhender les réalités du monde. Comme ici au Marché Cocody à Abijdan.

Un autre élément moderne est venu troubler la coutume : l'argent. C'est un élément qui domine la coutume. Les riches prennent modèle sur les Occidentaux et gardent pour eux leur argent même s'ils acceptent selon la coutume de nourrir et d'héberger les membres de leur famille. Les présidents assurent la survie matérielle de leur peuple mais placent leur argent à l'étranger. Allasane Ouatara comme vice - président du FMI laisse penser qu'il apportera de l'argent au pays. Il recueille ainsi le soutien des personnes qui ne sont pas de son ethnie et de sa religion.

L'Occident moderne triomphe et la France exulte mais avec Gbagbo, c'est l'Afrique ancestrale qui est humiliée. Michel Monod

Portrait Michel Monod est formateur en communication pacifique et non - violente, appelé depuis une dizaine d'années en Afrique francophone par des associations de défense des droits humains et des associations d'étudiants. Il est aussi représentant membre du GSSA, le Groupe de Soutien pour une Suisse sans Armée et du MIR pour l’ONU à Genève. Le MIR, Mouvement international de la Réconciliation, est un mouvement fondé en 1919 et dispose de 82 branches, groupes dans 48 pays de tous les continents. http://www.ifor.org/index_frans.htm

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N° 562 - Mai 2011 - Planète PAIX


Débat

Le droit international, la sécurité et l’ONU Planète Paix poursuit le débat lancé dès janvier 2011 dans nos colonnes en vue de la préparation du congrès du Mouvement qui se tiendra à Paris au mois de novembre 2011. Pour poursuivre ce débat, avec en toile de fond les risques de « somalisation » de certains territoires pris pour des théâtres d’opération, le point de vue de Daniel Durand. Une réflexion à partir des interventions que mène la République dans le monde,

L

es Nations unies, au travers de résolutions au contenu nouveau centré sur la nouvelle notion de « responsabilité de protéger », se sont trouvées au centre du règlement des crises récentes en Afrique. Elles n'ont pas été « instrumentalisées », n'en déplaise à certaines analyses « anti-impérialistes », ossifiées sur des schémas hérités de la Guerre froide. Par contre, comme il ne faut pas être naïf, il faut constater que chaque élaboration de résolution, chaque interprétation, chaque mise en oeuvre ont été l'objet d'une bataille politique et diplomatique féroces de certaines grandes puissances du Conseil de sécurité (états-Unis, France et Royaume-Uni) pour les détourner au profit de leurs intérêts stratégiques, politiques, économiques.

Les opinions publiques et les ONG ont peu pesé dans les débats car elles ont eu du mal à sortir de leur fonction protestataire (« Non à la guerre ») pour peser et dire « Oui à la protection des civils, Oui au respect strict du droit international dans l'utilisation de la contrainte, Oui au contrôle exclusif par l'ONU ». Si on veut continuer de faire avancer le droit international ET limiter, voire empêcher les manipulations et manoeuvres des grandes puissances, il est nécessaire d'ouvrir le débat sur un certain nombre de problèmes.

Appliquer le droit Il ne faut pas se tromper et « se tirer une balle dans le pied » : souhaiter le droit international et un nouvel ordre international plus juste et tirer dans le dos de la

structure chargée de le mettre en application. En France, par exemple, on critique parfois une décision de justice mais on ne critique pas l'institution en permanence. Le Mouvement de la Paix lutte pour la construction d'une société mondiale de droit et de justice, donc avec des institutions pour créer et dire le droit et pour le faire respecter. Celles-ci existent : pour construire et dire le droit, c'est l'ONU, s'appuyant sur sa Charte, les Traités et Conventions diverses comme la Déclaration universelle des Droits de l'Homme ; pour appliquer le droit, ce sont la Cour pénale internationale et les TPI, le Conseil de sécurité, par le biais du chapitre VII, permettant l'usage de la force.

Soutenir l’ONU La leçon que je retire des derniers événements est que nous devons toujours avoir le souci des populations au premier plan de nos priorités, que nous devons SOUTENIR les Nations unies et AGIR d'un même mouvement pour leur évolution et leur réforme. Tout progrès vers un monde de justice et de paix, un monde où la culture de paix deviendra dominante ne peut se concevoir durablement que dans deux cadres : celui d'une démocratisation et d'une réforme progressives des différents niveaux d'élaboration et décision du système des Nations unies (élargissement du Conseil de sécurité, poids accru de l'Assemblée générale, place nouvelle pour la société civile, encadrement et réforme des agences écono-

Illustration : Hugues Le Roy

sous mandat de l’ONU.

miques comme le FMI, la Banque Mondiale et l'OMC) et celui du progrès de la démilitarisation des relations internationales (progrès des traités de désarmement y compris de la dénucléarisation, la diminution drastique des dépenses militaires) permettant de créer un contexte de sécurité favorable au multilatéralisme et au droit. Cette vision et ces deux grands axes d'action me semblent être au coeur de la discussion sur le projet de notre Congrès de novembre prochain. Daniel Durand

EN SAVOIR PLUS Blog : http://culturedepaix.blogspot.com Site : http://ddurand42.free.fr à lire aussi les finances de l’ONU : http://www.mvtpaix.org/outils/planetepaix/PlanetePaix/PlanetePaix506/reference506.php IDRP (Institut de Documentation et Recherches sur la Paix) - Ivry-sur-Seine : http://institutidrp.org N° 562 - Mai 2011 - Planète PAIX

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éducation à la paix Jeunes et non-violences

Au parfum de jasmin Jinov International n’est pas une ONG de plus dans le paysage. C’est un réseau coopératif d’encouragement des initiatives solidaires et nonviolentes de la jeunesse dans le monde. Jinov lance une enquête participative, une démarche nouvelle que présente son initiateur, JeanPierre Dardaud.

EN SAVOIR PLUS Le questionnaire et le mode d’emploi de l’enquête sont disponibles auprès de la coordination du réseau : contact@jinov-international.org http://jinov-international.org/fr/ outils/questionnaire-non-violencequen-pensent-les-jeunes/ 8

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« L

e monde n’est plus le monde de la parole » : tel est le titre du dernier poème du poète mexicain Javier Sicilia qui a annoncé, début avril, qu’il renonçait à l’écriture, suite à l’assassinat de son fils de 24 ans, victime de la violence des narcotrafiquants qui ravage le Mexique. L’enquête « Non-violences : qu’en pensent les jeunes ? » lancée à l’initiative de JINOV est une manière de faire écho au cri du poète et de rejoindre son combat pour que le monde soit de moins en moins le monde de la violence. La parole, si utile pour éviter que le conflit ne dégénère en tuerie, si nécessaire pour « faire la paix » entre les personnes comme entre les peuples, indispensable pour vivre ensemble. La parole, pas le baratin ; la parole d'expression et de partage, pas la com' ; la parole d’écoute attentive, à la fois critique et bienveillante… Ni le « ferme ta gueule » ni le « cause toujours » qui constituent le régime quotidien de trop nombreux citoyens de par le monde. En donnant la parole aux jeunes, en les encourageant à la prendre, cette enquête est avant tout un outil d’éducation citoyenne et de mobilisation démocratique. D’où le caractère ouvert de la démarche : le questionnaire proposé n’est qu’une base de départ, une esquisse de référence commune pour engager la réflexion de chacun. Pour le remplir, on n’est pas obligé de suivre l’ordre des questions, ni même de répondre à toutes ! On peut faire remonter des critiques sur la formulation. On peut aussi ajouter des points pour coller davantage à son vécu, à son contexte. On peut répondre à titre personnel ou bien en groupe. Tant pis pour les statistiques : l’essentiel, c’est qu’un maximum de jeunes ait ainsi l’occasion de penser et de discuter « violences et non-violences ». « Non-violences » : ce pluriel est fondamental ; il traduit la prise en compte de la grande diversité des sources d’inspiration, des conceptions, des pratiques humaines qui s’efforcent de réduire l’emprise des violences partout dans le monde. C’est pourquoi l’enquête a vocation à rebondir avec la participation de toutes les personnes et

réseaux intéressés ; en inspirant d’autres formes d’expression (dessins, slams, théâtre - forum…) ; en circulant dans les écoles, les assos de quartier, les clubs de sports, les foyers et les chantiers de jeunes… sur tous les continents ! Pour éclairer nos lanternes, chaque langue n’a - t - elle pas en effet son mot à dire ? Des traductions du questionnaire sont déjà engagées : anglais, allemand et bientôt esperanto, espagnol, créole haïtien, swahili… Et l’arabe, évidemment, qui s’affirme en ce printemps, depuis la Tunisie notamment, comme le vecteur d’un nouvel imaginaire de changement, porté par une jeunesse qui veut bâtir un monde moins violent, plus juste et plus souriant. Jean-Pierre Dardaud

RENCONTRE INTERNATIONALE DES JEUNES Le Mouvement de la Paix organise la 5 ème Rencontre internationale de Jeunes pour une Culture de la Paix du 7 au 15 juillet 2011 dans les communes de Varennes-Vauzelles et Garchizy – Nièvre, 58 (cf. le Programme dans Planète Paix n° 560, mars 2011). L’initiative devrait rassembler des représentants d’associations allemandes, belges, croates, espagnoles, britanniques et italiennes.


éducation à la paix L'université européenne de la Paix

Brest en manque de reconversion

C'

L’Université européenne de la paix vient de fêter en avril 2011 son 20 ème anniversaire et édite une publication intitulée « L’Orange Bleue » ; elle en est à son numéro 75. Petite rétrospective par l’un de ses fondateurs, Hervé

Photos : Université Européeene de la Paix

Cadiou.

EN SAVOIR PLUS L'Université européenne de la paix : http://www.uep.infini.fr

est le 17 juin 1991 que fut officiellement créée l'Université Européenne de la Paix (UEP) de Brest. Université au sens d’université populaire, européenne pour le souci de travailler avec d'autres régions d'Europe très dépendantes d'activités militaires, comme Brest. Avec l'objectif de contribuer localement à construire un monde de paix. En fait, l'affaire était en gestation depuis quelques années : dans le cadre de la candidature (Pierre) Juquin pour les présidentielles de 1988, nous avions réalisé une enquête à l'arsenal de Brest sur les pistes possibles de reconversion d'activités de défense vers des activités civiles. Des élus locaux, des syndicalistes, des universitaires, des militants de gauche attachés à la paix voulaient sortir de la contradiction d'une ville qui pour maintenir l'emploi réclamait des crédits pour la défense. Avec la chute du Mur de Berlin, en 1989, la fin des blocs, la diminution des tensions internationales, des salariés éprouvaient la peur de la paix qui, pensaient - ils, menaçait leur emploi. Nous avons été plusieurs à juger insupportable qu'une ville détruite par la guerre (la Deuxième Guerre mondiale) puisse avoir peur de la paix. Notre objectif fut donc de tenter de faire rimer paix et plein emploi en incitant les forces vives de notre ville à réfléchir ensemble à la reconversion des compétences des salariés et de l'outil industriel de notre arsenal vers une économie de paix. Mais nous nous sommes trouvés confrontés à la pesanteur des mentalités, à l'hostilité même, de certains syndicats qui nous accusaient de vouloir « casser » les arsenaux. Nous n'en avons pas moins persévéré. Nous avons participé à des rencontres européennes à Portsmouth, à Brême, nous en avons organisé une à Brest. Mais face au refus de financement par l'Union Européenne d'une étude que nous proposions 1, notre réseau européen n'a pas pu s'élargir et tenir. Nous avons cependant continué à travailler à cet objectif fondateur de notre association d'éducation populaire pour la paix. Nous avons organisé de nombreux colloques et journées d'étude sur les possibilités de reconversion, sur le commerce des armes, sur l'arme nucléaire... Nous ne remercierons jamais assez les nombreux chercheurs indépendants, qu'ils soient du CRDPC 2, du CIRPES 3 et du GRIP 4 qui ont accepté de faire le déplacement jusqu'à notre bout du monde.

Encore, lorsque l'ex-Clemenceau est revenu à Brest en 2007, nous avons été l'âme d'un Comité de Vigilance, rassemblant 13 associations et organisations locales, pour que l'ancien porte-avions soit déconstruit à Brest, de manière exemplaire. En dépit de l'échec, notre Comité de Vigilance pour une filière de déconstruction de vieux navires à Brest perdure. Ce ne serait pas un luxe, car faute d'avoir voulu nous entendre, l'arsenal de Brest a perdu plus de la moitié de ses emplois. Conscients des difficultés à changer les mentalités, nous avons aussi tourné nos efforts vers le développement de l'éducation à la paix dans nos écoles, collèges et lycées. Nous nous sommes affiliés à la Fédération Française des Clubs UNESCO. Nous avons fait venir dans le département des expositions réalisées par l'école de la Paix de Grenoble... Toujours dans le souci d'ancrer notre activité sur le terrain local, nous avons construit une projet pédagogique, avec plusieurs partenaires institutionnels et associatifs, sur le thème de « la vie de la population civile brestoise pendant la Guerre 39-45 ». Notre objectif est de faire réfléchir aux conséquences de la guerre pour les populations civiles. Pour démarrer le projet, nous avons fait descendre aux scolaires les 154 marches d'un abri où des centaines de civils avaient trouvé la mort pendant le siège de Brest. Nous y avons aussi organisé des animations pour la population. Depuis l'automne 2000, nous y avons accueilli des dizaines de classes, des milliers de nos concitoyens. Avec la réouverture de cet abri, nos animations ont beaucoup contribué à notre notoriété. La Municipalité y a enfin réalisé des aménagements. Pour les 20 ans de l’Université, nous organisons de nombreuses manifestations illustrant les différentes facettes de notre activité. Nous espérons renforcer et rajeunir notre équipe. Pour encore 20 ans ? Pourquoi pas ? Hervé Cadiou Instituteur, président actuel de l’UEP 1 – Il nous fallait des moyens, pour les traductions particulièrement. 2 – Centre de Recherches et de Documentation sur la Paix et les Conflits, Lyon. 3 – Centre Interdisciplinaire de Recherches sur la Paix et d’études Stratégiques, Paris. 4 – Groupe de Réflexion et d’Information sur la Paix, Bruxelles. N° 562 - Mai 2011 - Planète PAIX

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Au jour le Jour La FINUL, mine de rien

à l'occasion la Journée internationale contre les mines, la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) a rappelé qu'elle avait, en coordination avec le Centre de coordination de la lutte anti-mines des Nations Unies du sud du Liban, déminé plus de 4,8 millions de mètres carrés de terrains affectés par les mines et ce depuis 2006. Plus de 34.000 engins non - explosés et des mines ont été mis hors d'état de nuire au sud du Liban. Depuis la fin du conflit au Liban en 2006, on a pu recenser 28 civils morts à cause des mines, 263 civils blessés. Au total, 14 démineurs ont été tués dans le cadre de leur travail dont deux de la FINUL.

T’as pas cent balles pour le déminage ?

Cent cinquante-six états ont ratifié le Traité d'interdiction des mines antipersonnel. 55 états ont ratifié la Convention sur les armes à sous-munitions. Et 41 millions de mines antipersonnel stockées ont été détruites depuis 1997. Mais tout n’est pas réglé pour autant. En 2008, les mines et engins explosifs ont fait plus de 5.000 victimes. En 2010 ? On n’a pas encore les chiffres. Mais à l'occasion de la Journée internationale pour la sensibilisation au problème des mines – une journée proclamée par l’Assemblée générale de l’ONU en décembre 2005 – le patron de l’ONU Ban Ki-moon a rappelé que les ressources internationales destinées à lutter contre les mines restent insuffisantes. Il manque 370 millions de dollars dans les caisses.

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L'engagement du CCFD en Palestine

Alors que le Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement célèbre ces jours-ci son 50 ème anniversaire, rappelons ici qu'il est présent en Palestine depuis 1978. Il y soutient les activités d'éducation. Il a pris l'initiative de la Plate-forme des ONG françaises pour la Palestine, dont la priorité est l'éducation au dialogue intercommunautaire, à la paix et à la non-violence. En Israël, le CCFD se concentre sur la promotion des Droits de l'Homme et des peuples. Depuis 1983. Il privilégie le partenariat avec sept ONG israéliennes qui travaillent au dialogue avec les Palestiniens des territoires. Parmi ces ONG, l’AIC ou Centre d'information alternative, Baladna (Promotion de l'organisation des jeunes palestiniens d'Israël), Hamoked (Centre pour la défense de l'individu), ICAHD-Daila (Comité israélien contre la démolition des maisons), Reut Sadaka (Dialogue entre communautés), Zochrot (Information sur l'histoire de la Nakba et promotion de la reconnaissance du droit au retour).

Arielle Denis toujours sur le front

Arielle Denis, journaliste de formation, a été directrice de radio, réalisatrice de documentaires. En 1987, elle fonde un mouvement de jeunes pour le désarmement, qu’elle préside jusqu’en 1996. Ce « Mouvement Zéro » qui va compter jusqu’à 10.000 jeunes membres, travaille alors sur le désarmement nucléaire. Il constitue en 1994 la « Coalition des jeunes de France et du Pacifique pour l’arrêt des essais nucléaires ». Elle entre au secrétariat du Mouvement de la paix en 1994 au Congrès de Montluçon. En l’an 2000, elle publie aux éditions La Dispute un livre dont le titre fait tilt. « Mondialiser la paix » est tout un programme. En 2002, elle devient co-présidente du Mouvement de la paix. Arielle

va prendre les rênes du mensuel devenu dès 2004 « Planète Paix ». Elle est aussi chargée des relations internationales. Depuis quelques mois, Arielle a rejoint les bords du Lac Léman. Depuis Genève, non loin du Palais des Nations, Arielle est directrice de campagne pour l'Europe l'Afrique et le ProcheOrient de l’organisation ICAN, l’International Campaign to Abolish Nuclear Weapons. Les locaux qu’elle occupe sont les mêmes que ceux de la Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et le Désarmement. Ambassadrice à Genève de ICAN, Arielle va au-devant de nouvelles aventures. Contacter ICAN : http://www.icanw.org/contact Planisphère sur le nucléaire : http://www.icanw.org/ nuclear-map

Uranium appauvri : il y a dix ans déjà

Le 13 mars 2001, le Programme des Nations pour l’Environnement ou PNUE – dont le Q.G. se situe à Naïrobi – présente un premier rapport sur l’impact environnemental de l’Uranium appauvri ou DPU pour depleted uranium, utilisé lors du conflit du Kosovo *. Dans ce rapport, les experts estiment dans un langage très diplomatique que « les risques de contamination sont faibles mais non exclus ». Un mois auparavant, l’Organisation mondiale de la santé ou OMS venait de lancer un appel spécial pour réunir 2 millions de dollars. Objectif de l’appel : évaluer les effets sur la santé de l’uranium appauvri présent dans les munitions utilisées à la fois durant la guerre du Golfe et les conflits des Balkans. Le besoin de statuer s’explique : certains organes de presse font état de cas de leucémie aigüe. Des cas apparus chez les militaires italiens et portugais qui sont partis combattre sur les fronts des Balkans. Des militaires qui ont décidé de porter plainte. Mais les autorités militaires

françaises, influencées peut-être par le nuage de Tchernobyl, n’entendent pas ces infos de la même façon. Selon elles, « les études épidémiologiques ne révèleraient aucun fait pathologique inhabituel chez les militaires ayant séjourné (sic !) de 1992 à 2000 dans les Balkans ». Circulez, y a rien à voir. * Planète Paix reviendra prochainement sur les dossiers émanant de la cellule post-conflit du PNUE.

La vie de sous-marinier

Le sous-marin nucléaire d’attaque de Sa Gracieuse Majesté, dénommé Astute, surnommé le « chasseur-tueur », bref, l’équivalent de nos SNA basés à Toulon, était à quai, peinard. Dans le port de Southampton, à la mi-avril. Attirant tous les regards ? Normal : un bâtiment de 100 mètres de long capable de tirer des torpilles Spearfish, ainsi que des missiles Tomahawk d'une portée de 2.000 kilomètres. Au moment de la visite effectuée par le maire de la Ville et ses conseillers, une fusillade éclate. Résultat : un mort et un blessé. Un officier de la Royal Navy, le capitaine de corvette Ian Molyneux, est tué par un sous-marinier, armé d’un fusil d’assaut SA-80. C’est un conseiller municipal, un ancien de la Royal Air Force qui, visitant par hasard le submersible au repos, va maîtriser le sousmarinier. La fusillade se serait produite au moment de la relève de la sentinelle. Au moment où une campagne est menée en France pour qu’on interdise aux sous-marins britanniques de rejoindre les ports français, çà ne pouvait pas tomber plus mal. Selon un rapport secret rédigé par le ministère britannique de la Défense, les problèmes de conception du sous-marin nucléaire britannique HMS Astute ont conduit les marins à subir de « mauvaises conditions de vie » en raison de locaux vie de petite taille et encombrés. Ceci explique peut-être cela.


campagne DOSSIER

Photo : « Drapeaux palestiniens sur la tombe de Yasser Arafat » par Joi Ito sur Flickr

Dans le cas de la Palestine, nous sommes dans le questionnement face à un processus qui se déroule et se décortique sur des décennies et nous sommes aussi, par la même occasion, dans une brûlante actualité. Nous sommes confrontés à plein d’inconnues, mais nous cernons aussi ce qui est entrain de séquencer et marquer la marche d’un peuple de l’autonomie à l’indépendance. D’où la mappemonde avec les états qui ont reconnu la Palestine. D’où aussi d’autres initiatives françaises en faveur de la Palestine. Il s’agit d’événements qui adviennent au bon endroit et au bon moment. At the rigth moment at the right place, comme on dit. C’est donc le moment de donner la parole à l’ambassadeur Al Fahoum. B.C.

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dossier Interview

Les Palestiniens, prêts pour  Entretien avec l’ambassadeur de la Mission de Palestine en France.

EN SAVOIR PLUS Lexique : h t t p : / / w w w. l e m o n d e . f r / p r o c h e orient/article/2008/05/29/ lexique_1049969_3218.html Ministère des Négociations : http://www.nad-plo.org/ Les cartes et les négociatons en cours : h t t p : / / w w w. n a d - p l o . o rg / l i s t i n g . php?view=maps Ministère des Affaires étrangères – Israël : http://www.mfa.gov.il/MFA Mission de Palestine en France : http://www.palestine-diplo.com/spip. php?article3 Autres liens : http://www.palestine-diplo.com/spip. php?rubrique11 Ministère pour la Défense des terres et Résistance à la colonisation : http://www.nbprs.ps/ Délégations et missions plaestiniennes : http://www.palestine-diplo.com/spip. php?article131 12

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Hael Al Fahoum : Le 3 décembre dernier, j’ai présenté au Président de la République française la lettre de mission que m’a adressée le Président de l’OLP. Je suis le premier représentant de la Palestine en France à participer à une cérémonie de remise de lettres de créance. Cette cérémonie vient concrétiser le rehaussement du statut de la représentation diplomatique de la Palestine en France. Elle traduit une nouvelle fois le soutien de la France à la création d’un état palestinien indépendant, souverain et viable.

P.P. : Justement…Dans le dernier rapport du Bureau du coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix, publié le 13 avril, il est écrit noir sur blanc que l’autorité palestinienne est prête à gouverner… Le rapport du FMI va dans le même sens, je cite : « la Palestine est désormais capable de mener la politique économique solide qu'on attend d'un futur état palestinien viable… »

H.A.F. : Oui, cela confirme l’évaluation de la Banque Mondiale de septembre 2010. Le rapport de l’ONU explique que l’autorité palestinienne est en mesure de diriger un état indépendant. Il ajoute que la Palestine aura des difficultés à progresser au niveau institutionnel tant que se poursuivra l’occupation israélienne. à travers ces constats, on reconnaît désormais la contribution que peut apporter à la communauté internationale ce territoire, cet espace de 6.000 à 7.000 km 2. Sur le plan des valeurs humaines, en tant que centre de formation professionnelle, centre sanitaire, centre logistique pour lier l’Orient et l’Occident. Nous disposons des ressources humaines. Nous sommes un laboratoire d’exploration pour un futur Proche-Orient pacifique, respectueux des Droits de l’Homme, tolérant. Si nous sommes capables d’assumer, d’accomplir nos engagements malgré l’occupation, malgré l’oppression, capables de résister pacifiquement malgré l’injection de virus néfastes dans le corps palestinien, alors, nous sommes aussi capables d’offrir une valeur ajoutée dans cette partie du monde.

Photo : Stéphane Clad / La Marseillaise du 18/02/2011

Al Fahoum, Chef

P

lanète Paix : Pour la Mission de Palestine en France, on ne dit plus délégation générale, on dit ambassade, qu’est - ce que cela signifie comme changement, au-delà de la terminologie ?

Initiative de solidarité à Marseille le 17 février 2011,  co-président du Mouvement de la Paix.

P.P. : En 2009, votre Premier ministre Salam Fayad, a lancé un plan de deux ans visant à bâtir le cadre institutionnel d'un état d'ici la mi-2011. Quelles sont les étapes ?

H.A.F. : La direction palestinienne veut demander en septembre prochain à l’Assemblée Nationale des Nations Unies de reconnaître un état palestinien dans les territoires occupés par Israël en 1967, y compris dans la bande de Gaza. Le moment est venu. Nous avons déjà plus de 110 états qui nous reconnaissent comme état. Nous le voyons aussi avec les états d’Amérique Latine (cf. carte). La France y est favorable. Les états-Unis d’Obama aussi. Nous allons mettre en place des dispositions pour récupérer notre droit sur notre eau, négocier les modalités pour trouver une solution pour les réfugiés, l’évacuation des occupants et des colons, la libération de tous les prisonniers politiques en Israël. Nous avons besoin de partenaires, pas de médiateurs. Nous sommes sur le point de dépasser les relations de coopération pour entrer dans des relations de partenariat. Cela concerne l’Europe. En Europe, la France joue un rôle moteur.

P.P. : Comment anticipez - vous l’attitude du voisin israélien ?

H.A.F. : Vous savez, ils ne peuvent plus parier sur le statu quo. Ils ont besoin d’une mutation géopolitique. Elle est loin l’époque durant laquelle quelqu’un comme Golda Meïr pouvait nier


Thuram passe la balle

avoir leur état

S

avec au centre l'ambassadeur Al Fahoum aux côtés de Jean-Claude Lefort, président de l'AFPS et Pierre Villard,

la réalité même de la Palestine. C’est fini tout çà. J’ai un ami israélien qui me disait tantôt : « ils ont besoin d’un psychanalyste ». En effet, le discours israélien mérite un certain décodage. Hier, ils étaient puissants mais jouaient la carte des persécutés. Aujourd’hui, ils ont tendance à surestimer leur puissance réelle. Cette façon de « rouler les mécaniques », de miser sur la manière forte, cache en fait un manque de confiance en soi. C’est plutôt une manifestation de faiblesse. Les Israéliens savent qu’ils ne bénéficieront pas toujours d’appuis et de subventions stratégiques… En attendant, cette arrogance – l’arrogance de la peur et du pouvoir – ne leur permet pas d’avoir une certaine lucidité. Tout le monde a payé ses dettes des poches des Palestiniens, sur le dos des Palestiniens. Ce qui est entrain de se passer est la seule option qui va permettre aux Israéliens de se sauver eux-mêmes. D’abandonner leur stratégie suicidaire. C’est en quelque sorte un cadeau que nous leur offrons, un cadeau à la société israélienne. Elle en a été dépourvue en raison de l’arrogance de ses institutions de sécurité.

P.P. : Est - ce que les Palestiniens peuvent miser sur l’option de la non-violence eu égard à la révolution de Jasmin en Tunisie ?

H.A.F. : C’était la position de l’OLP en 1988, le principe qui consiste à accepter d’exister et laisser exister (…) Cela fait 63 ans qu’on résiste à l’oppression israélienne par tous les

moyens. Et, résister, nous savons faire. Nous ne nous contentons pas de dénoncer la destruction ou d’évaluer les dégâts. Nous construisons, nous re-construisons. Nos ennemis peuvent abattre des arbres ; nous les replantons aussitôt. Nous avons atteint le summum de la résistance. Pendant longtemps, trop longtemps, nous avons commenté les évènements. Réagi. Maintenant, on poursuit, on crée. Il n’y a pas un état en plus, il y a tout simplement un état qui manque en Palestine. Propos recueillis par Ben Cramer

CHIFFRE DU MOIS

14.000 Depuis 1967, 14.000 Palestiniens qui ont fait des séjours prolongés en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza se sont vus annuler leur statut de résident de Jerusalem. Ce sont les chiffres très officiels du dernier rapport de l’OCHA, le Bureau des Affaires humanitaires de l’ONU. Il est sorti le 30 mars 2011.

outenir les programmes éducatifs de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) est possible. Thuram l’a fait. Grâce aussi au soutien de la Fédération palestinienne de football et au gouvernement français, par l’intermédiaire du Consul général de France à Jérusalem, Frédéric Desagneaux. Le footballeur français de renommée internationale Lilian Thuram a rencontré des enfants palestiniens vivant dans un camp de réfugiés entre Jérusalem et Ramallah, l'école du camp de réfugiés de Qalandia soutenue par l’UNRWA. Il leur a parlé. Il les a entraînés. Il a déclaré modestement : « J'espère qu'ils ont apprécié la session d'entraînement autant que moi ». Le footballeur a ensuite assisté à un match amical entre les jeunes footballeurs habitant dans le camp. Pour Chris Gunness, le porte-parole de l’UNRWA, « Lilian est une légende vivante du football. Il est exactement le genre de modèle dont nos élèves doivent s'inspirer ».

L'unrwa L'UNRWA fournit également des services sociaux, de santé et d'urgence à des populations qui comptent parmi les plus défavorisées du Moyen-Orient. Pour l'année dernière, la contribution de la France s'est élevée à presque 10 millions de dollars dont 6 millions ont permis de soutenir les programmes de base. à travers sa contribution au budget général de l'UNRWA, la France soutient l'éducation de près de 500.000 enfants sur les cinq terrains d'opération de l'Agence : Gaza, Cisjordanie, Jordanie, Liban, Syrie.

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dossier

« Un stade pour Gaza » Un collectif national est né en France pour mobiliser les jeunes en faveur des enfants palestiniens. Il est soutenu par la FSGT, la Fédération Sportive et Gymnique du Travail, qui entretient des relations sportives solidaires avec la Palestine depuis trente ans. Le principal initiateur de ce projet est Tarik Hakou. Entretien. EN SAVOIR PLUS FSGT : http://www.fsgt.org Un stade pour Gaza en Palestine : http://www.france-palestine.org/ article17217.html Plateforme des ONG pour la Palestine : http://www.plateforme-palestine.org/ Federation-Sportive-et-Gymniquedu,1885 14

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Y

ves Renoux : Comment le projet est - il né ?

Tarik Hakou : Après s’être rendu compte des difficultés de mobiliser par l’intermédiaire de conférences - débats, nous sommes passés à autre chose. Sur nos réseaux Facebook, nous avons lancé l’idée de tournois de foot de solidarité avec « un stade pour Gaza ». Nous avons eu un écho incroyable, des élans de sympathie, de la part de jeunes qui voulaient organiser des tournois. Ceci nous a conforté « Je vais peser de tout mon dans l’idée de créer un collectif d'orga- poids pour mettre un terme nisation ouvert aux à la souffrance du joueur associations qui se palestinien notamment au reconnaissent dans football en septembre ». le projet. Stéphane Michel Platini, président de Hessel a immédiatel’Union Européenne des Assoment accepté de nous ciations de Football lors de sa parrainer.

non-violence qui peut susciter le soutien de tous les humanistes, des collectivités, de l'éducation populaire.

Au-delà des frontières

T.H. : Après Gaza, notre association « Un stade pour la solidarité » reprendra chaque année ces rencontre avec M.Jibril Rajoub, actions avec un nouveau pays. Ce président du comité olympique sera certainement le Mali l’an proY.R. : En quoi palestinien, au siège de l’UEFA, chain. Sans oublier qu’au-delà des consiste le projet ? septembre 2010. 40 villes de France, des répliques T.H. : Il s'agit d'orsont prévues en Algérie, en Belganiser des tournois gique et au Maroc. de foot à 7 ou des iniProchaines étapes des tournois : le 2 mai à tiatives sportives de solidarité, tout au long du Rennes, le 7 à Marseille, le 22 à Nîmes, Bruxelles, printemps 2011. Les droits d'inscription et les le 27 à Villiers, le 28 à Tours, le 29 à Agen, le 2 bénéfices des stands seront affectés à des associajuin à Paris, Montreuil, le 4 à Salon, le 5 à Bortions palestiniennes qui organisent des activités deaux, le 11 à Saint-Etienne, le 12 à Montpellier, sportives éducatives pour les enfants les plus déNancy, Alençon, Vaulx-en-Velin, le 19 à Bobigny, favorisés de Gaza et de Cisjordanie. Dans la mele 25 àChampigny. sure où cela vise à rompre le blocus subi par les Gazaouis, cette initiative est convergente avec Propos recueillis par Yves Renoux, « Un bateau français pour Gaza ». (cf. page 24) un des responsables FSGT de « sport fraternité » en Palestine. Y.R. : Pourquoi la FSGT soutient - elle ce

projet ?

T.H. : Vous savez, la culture sportive est une composante importante de l'éducation. Le projet a le mérite d'affirmer et réaffirmer les droits de tous les enfants palestiniens à l'éducation par le jeu et par le sport. Comme l'a rappelé Michel Platini (cf. encadré), il pose aussi le respect des droits des sportifs palestiniens à circuler librement pour participer aux rencontres sportives locales, nationales, internationales, qui contribuent aussi à la formation de l'unité nationale. Cette action solidaire et citoyenne à l'initiative d'une nouvelle génération qui s'engage dans l'espace public, est porteuse des valeurs d'une culture de paix et de

Fédération sportive et gymnique du travail Fédération omnisport de 200.000 adhérents, elle est la première organisation sportive à avoir reconnu dès 1981 le mouvement sportif palestinien. Depuis le projet « Hébron - Vivre la Ville » en 2000, l'activité de la FSGT a été continue y compris pendant l'intifada. Ses actions se sont diversifiées et concernent régulièrement aussi les villes de Tulkarem, Jénine, Naplouse.


campagne

Photo : « Juliano Mer-Khamis, Freedom Theatre Jenin » par Francis McKee sur Flickr

Juliano, mort sans rire La mort d’un artiste. Victime d’un conflit qui n’a que trop duré. Parce qu’il s’agit d’une figure emblématique, parce que le Freedom Theatre a marqué tous ceux qui connaissent la Palestine. Petit hommage au grand artiste Juliano, juif et palestinien.

EN SAVOIR PLUS Les amis du théâtre de la liberté de Jenine : http://www.atljenine.net/ Freedom Theatre : http: //www.thefreedomtheatre.org Obersvatoire du Moyen-Orient http://observatoiredumoyenorient. blogspot.com/2011/04/un-artisteisraelien-pro-palestinien.html

Juliano Mer-Khamis au Théâtre de la Liberté à Jenine, le 17 février 2010.

J

uliano Mer-Khamis directeur du Théâtre en 2006 qui est devenu le Freedom Theatre, puis de la Liberté dans le camp de réfugiés de a créé une école de théâtre professionnelle. Dans Jenine en Palestine a été assassiné le 4 avril ce lieu d’enfermement mental et physique qu’est dernier, sous les yeux de son bébé. Pour le le camp de Jenine, Juliano a créé un espace de moment, on ne sait pas qui est l’assassin. Touliberté où la parole reprenait ses droits. Filles et tefois, le travail de Juliano dérangeait les extrégarçons s’y exprimaient librement. mistes de tous bords, lui qui avait repris à son compte les engagements de sa mère qui déclarait L’association française « Les amis du Théâtre de « J’ai lutté pour une paix la Liberté de Jenine » s’est réelle qui établisse la comconstituée et a contri« Les clowns vous font rire, préhension ente les êtres bué à faire connaître en humains (...) Les Arabes France le Freedom TheaEt le spectacle continue, et les Juifs peuvent vivre tre. Ayant assisté à une ensemble (...) parce que Avec une petite larme sur représentation à Paris lors cela s’est fait par le passé ». de leur tournée en 2009, les joues » Juliano, acteur, cinéaste, j’avais été impressionnée artiste aux multiples tapar l’énergie et la liberAbdelfattah Abusrour, président de lents. Il était bien connu té sur scène des jeunes la Ligue de Théâtre Palestinienne, du public israélien et a comédiens. en hommage à Juliano joué dans plusieurs films du cinéaste israélien Amos En 2011, le Freedom Gitaî. Il se revendiquait juif et palestinien. Il était Theatre a été sélectionné pour participer aux le fils d’une Israélienne, Arna Mer, et d’un père rencontres du jeune théâtre européen du 26 juin arabe israélien, dirigeant du parti communiste. au 17 juillet à Grenoble avec son dernier spectacle « Alice aux pays des merveilles ». Juliano a consacré un film à la femme exceptionnelle qu’était sa mère « Les enfants d’Arna » *. Juliano donnait de l’espoir et de la joie aux Arna, nationaliste engagée pour l’état israélien enfants palestiniens pour qu’ils aient un autre dès 1948, elle a rallié très vite le combat des Paavenir que celui de « martyr ». Il faut que le Freelestiniens contre l’oppression et les injustices, en dom Theatre continue à vivre et que la tournée organisant de multiples activités pour l’aide aux de juillet soit un succès. Ce sera le meilleur homenfants. Elle avait créé en 1980 le Théâtre des mage à lui rendre. Pierres dans le camp de réfugiés de Jenine. Nicole Bouexel, en partance pour Jenine

Le Freedom Theatre

Après la destruction du théâtre par les Israéliens en 2002, Juliano avait remonté ce théâtre

* Le film « Les enfants d’Arna » existe en DVD diffusé par la société de production Momento : http://www.momento-production.com/ N° 546-547 - Novembre/Décembre N° 562 - Mai 2011 2009 - Planète PAIX

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référence

La Palestine, de plus en plus reconnue

Illustration : Hugues Le Roy

MS

MS

Pays ayant reconnu un État Palestinien en 1988 Reconnaissances récentes (après 1989) Pays qui reconnaissent une délégation générale ou mission diplomatique de la Palestine ou une Mission Spéciale

C’

est grâce à la renaissance du mouvement national palestinien à travers l’OLP que l’exigence d’un état palestinien est d’actualité. Le tournant fut la déclaration d’Alger du 15 Novembre 1988 du Conseil National Palestinien mentionnant la création d’un état palestinien dans les territoires occupés (Cisjordanie et Gaza) aux côtés de l’état d’Israël. Dans la foulée de cette déclaration, la majorité des pays du Mouvement des non-alignés ont reconnu de facto l’état Palestinien. Assistons - nous à une accélération de l’Histoire pour la reconnaissance d’un état palestinien, à l’origine prévue dans le plan de partage de la résolution des Nations Unies du 29/11/1947 ? Depuis novembre 2010, 13 états d’Amérique Latine ont franchi le pas de cette reconnaissance.

Au premier avril 2011, 112 pays reconnaissent l’état palestinien. 24 autres pays accueillent une représentation palestinienne. L’Espagne, la France, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal et le Royaume-Uni viennent d’élever la représentation palestinienne de délégation générale à « Mission Diplomatique ». La différence est de taille. Le chef de la Mission diplomatique à rang d’ambassadeur et présente ses lettres de créance au chef de l’état. Le 15 mars, Alain Juppé n’excluait pas la reconnaissance par l’Union européenne de l’état palestinien. 2011 sera - t - elle l’année de la Palestine, avec des Nations Unies accueillant ce 193 ème état ?

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Gérard Halie N° 562 - Mai 2011 - Planète PAIX


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1 - Quel est le nom de l'actuel ambassadeur de Palestine en France ? a) Hael Al Fatwa c) Mael El Baradei

b) Mael Al Khartoum  d) Hael Al Fahoum 

 

2 - Combien d'états ont reconnu la Palestine comme état depuis novembre 2010 ? a) 3 b) 13 c) 31 d) 130

6 mois

d'abonnement

gratuits

   

3 - En quelle année est né Romain Rolland ? a) 1818 

b) 1866 

c) 1871 

d) 1900 

* Les trois premières personnes dont les bonnes réponses seront parvenues au magazine gagneront, ou feront gagner à la personne de leur choix, 6 mois d’abonnement à Planète Paix. Réponses dans le prochain numéro.

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N° 562 - Mai 2011 - Planète PAIX

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Portrait Histoire

Romain Rolland (1866 - 1944) Quelque peu oublié par les plus jeunes, honoré par de nombreuses municipalités via un nom de rue ou d’établissement scolaire, Romain Rolland mérite bien que Planète Paix rappelle sa mémoire et lui rende l’hommage qui lui revient. Parole d'un historien spécialiste de Bertha Von Suttner, Jean-Paul Vienne

EN SAVOIR PLUS L'Association Romain Rolland : http://www.association-romainrolland.org/ Sur Bertha Von Suttner : http://www.mvtpaix.org/outils/planete-paix/ PlanetePaix/PlanetePaix500/culture500.php émission de J-P Vienne sur France culture : http://www.fnlp.fr/?article155&calendrier_ mois=3&calendrier_annee=2026 18

N° 562 - Mai 2011 - Planète PAIX

R

omain Rolland fut non seulement un homme de lettres d’une immense culture, aussi bien musicale que littéraire, mais aussi un militant de la paix parmi les plus engagés et les plus déterminés de son temps. Né dans la Nièvre, reçu à l’école Normale Supérieure en 1886, Romain Rolland passe son agrégation d’Histoire en 1889. Sa carrière d’enseignant le mène successivement au Lycée Louis-le-Grand de Paris, à l’école Française de Rome et enfin à la Sorbonne, où lui est confiée une chaire d’Histoire de l’art. Il se consacre exclusivement à l’écriture à partir de 1912, l’année où il publie son œuvre la plus célèbre : Jean-Christophe. Bon connaisseur de la culture allemande, et encore davantage autrichienne, il entretient une correspondance des plus suivies avec Sigmund Freud, Bertha von Suttner, Hermann Hesse, Richard Strauss et surtout Stefan Zweig, qui va devenir un ami très cher.

La guerre, suicide de l’Europe Dès la déclaration de guerre en 1914, il s’engage résolument pour la cause de la paix, dénonce la guerre comme un « suicide de l’Europe ». En ce mois d’août 1914, il écrit : « Je voudrais être mort. Il est horrible de vivre au milieu de cette humanité démente et d’assister, impuissant, à la faillite de la civilisation ». C’est pour échapper à cette impuissance qu’il s’installe, dès lors, à Genève et met tout son talent d’écrivain, toute sa notoriété au service de la paix. Il s’engage d’abord au sein de la Croix-Rouge. Mais c’est son pamphlet véhément, Au-dessus de la mêlée, publié en 1915, qui va marquer le véritable coup d’envoi d’une lutte européenne contre la guerre en cours. Il y dénonce notamment le désir de victoire totale aux dépens du droit des peuples. Ses articles ont de plus en plus d’influence, en France même, à compter de 1916.

Le pacifisme international Le Prix Nobel de littérature, qui lui est décerné en 1915, couronne en réalité tout autant son engagement pour la paix que son œuvre littéraire. C’est lui qui, dès lors, après la disparition de Bertha von Suttner en 1914, va incarner le pacifisme international.

Le livre qu’il publie en 1924 sur Gandhi contribuera beaucoup à développer l’idée de non-violence. De Romain Rolland, Stefan Zweig écrit alors : « La conscience parlante de l’Europe est aussi notre conscience ». Il est enfin l’un des fondateurs, en 1933, avec Henri Barbusse, du mouvement pacifiste Amsterdam-Pleyel (du nom d’une célèbre salle de réunion de Paris), le plus actif dans la lutte contre la guerre qui s’annonçait déjà. Il est aussi l’une des figures de proue de la lutte antifasciste et du Front Populaire. Jean-Paul Vienne


Mondialiser la paix Diplomatie

Des peuples en manque de reconnaissance Alors qu’un vent d’émancipation parcourt les peuples d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, d’autres peuples attendent leur heure eux aussi. Parmi eux, des peuples regroupés au sein d’une ONG qui rassemble des peuples sans voix : l'UNPO, qui a déjà 20 ans. Explications.

EN SAVOIR PLUS L'UNPO : http://www.unpo.org La Décennie internationale de l'élimination du colonialisme : http://www.un.org/french/ decolonisation/decade.shtml

L’

Organisation des nations et des peuples non - représentés (Unrepresented Nations and Peoples Organization) a été créée début 1991 à La Haye, aux Pays-Bas. Fondée par 15 peuples et nations non - reconnues à l’ONU, l’UNPO a pris de l’ampleur, jusqu’à atteindre aujourd’hui une soixantaine de membres à travers le monde. Elle rassemble des peuples autochtones, des « minorités » et des territoires non - reconnus ou occupés, qui cherchent à promouvoir leurs droits humains et culturels et à trouver des solutions non - violentes aux conflits qu’ils subissent. 90 % des conflits seraient des conflits d’ordre interne.

Dans quelle mesure l’ONU peut - elle agir ? Malheureusement, l’ONU représente les états, et non les peuples. Et les états membres de l’ONU défendent leurs intérêts nationaux avant tout. Qui plus est, plus de la moitié des 192 états membres sont des dictatures.

ONU et UNPO : concurrents…

Les Kurdes

parallèles

ou

Contrairement à ce que son sigle pourrait laisser penser, l’UNPO n’est pas une agence de l’ONU, mais une ONG. C’est justement parce que ses membres ne sont pas reconnus au niveau international qu’ils se sont réunis, pour tenter de se faire entendre !

Coïncidence du calendrier ? La même année, en 1991, l’ONU a adopté un programme d’action faisant de 1990 - 2000 la « Décennie internationale de l’élimination du colonialisme » (cf Planète Paix n ° 560, page 6). Mais aucun des membres de l’UNPO ne se trouve dans cette liste des « territoires non - autonomes » dont l’ONU demande la décolonisation. Plus étonnant encore, la liste de l’ONU comprend des territoires qui ont refusé l'indépendance par référendum – comme Tokelau à deux reprises – ou qui ont élu des représentants ayant choisi de refuser l'indépendance. La Décennie a été reconduite de 2000 à 2010, mais cette rallonge dans le temps ne semble pas avoir donné de résultat. Bien que l’ONU affirme officiellement le droit des peuples à l’autodétermination, il faut dire qu’elle se focalise là uniquement sur les colonies occidentales, comme par exemple les îles Malouines (Royaume-Uni) ou la Nouvelle-Calédonie (France). Ses critères concernant les peuples colonisés ont été définis en 1960, si bien que les pays qui ont rejoint l’ONU depuis, comme la République populaire de Chine, en 1971, n’ont jamais été concernés.

Christophe Cunniet

Parmi les membres de l’UNPO : Les Kurdes sont sous l’emprise de quatre pays : l’Irak, l’Iran, la Turquie et la Syrie. Depuis un siècle, ils luttent pour leur autodétermination, avec plus ou moins de soutien suivant le côté de la frontière où ils se trouvent…

Les Mapuches Ces communautés aborigènes sont déchirées entre le Chili et l’Argentine depuis plus d’un siècle.

Les Mongols Les Mongols ne constituent plus que 17 % de la population de la Mongolie intérieure, annexée par la Chine.

Les Ouïghours De confession musulmane, ils sont tombés sous la coupe de la Chine en 1949 et Pékin continue de les réprimer au nom de la « guerre contre le terrorisme ».

Les Tibétains Occupés par la Chine depuis 1950. Ils subissent un génocide culturel et une colonisation massive : il y a actuellement au Tibet plus de Chinois que de Tibétains. à eux trois, la Mongolie du Sud, le Turkestan oriental et le Tibet représentent plus de la moitié du territoire de la République populaire de Chine ! Celle-ci, qui dispose à l’ONU d’un droit de veto, empêche toute discussion à leur sujet à la Commission des Droits de l’Homme… N° 562 - Mai 2011 - Planète PAIX

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culture Bande dessinée

L’Intruse Une fois n’est pas coutume, Planète Paix vous présente ce mois-ci une collection de bande dessinée. Rencontre avec « l’Intruse ». Trois tomes aux travers desquels on découvre les peuples de Palestine et d’Israël. Une narration au style simple. Un dessin en noir et blanc. Des couvertures avec de belles aquarelles. De quoi aborder avec plaisir un sujet souvent présenté de manière compliquée.

M

arie-Jo Parbot est une défenseure des droits *. En 2002, en réponse à une forte sollicitation des Palestiniens - désireux que « le monde » sache ce qui se passe chez eux — elle se rend dans les Territoires Occupés. Dès lors se pose pour elle la question du partage de son vécu « Comment transmettre, autour de moi, les informations et constats recueillis sur place ? » s’interroge - t - elle. Elle récuse les commentaires entendus de toutes parts qui ont trop souvent tendance à installer systématiquement le terrorisme d’un côté et la victimisation de l’autre. « Rééquilibrer les responsabilités est une tâche essentielle dans cette lutte pour la paix au Proche Orient » prévient - elle. Entre 2002 et 2009, MarieJo Parbot passe neuf mois en Palestine et en Israël. Un ami dessinateur lui propose alors de transformer ces récits en bandes dessinées. Utiliser un nouveau mode de communication, c’est élargir son audience, c’est pénétrer dans d’autres couches de la société. Cette perspective emballe la citoyenne engagée pour les droits humains. « Faire une BD, c’est espérer un public plus jeune, moins averti peutêtre, une approche plus visuelle et pour certains plus percutante » considère celle qui troque ainsi son patronyme pour Roannie. Ainsi, pendant 3 ans, la collaboration s’est construite autour d’une même conviction : travailler pour un objectif de paix et de justice. Ses 5 premiers séjours l’amènent d’abord en Palestine. Puis, au printemps 2009, Roannie repart vers Israël, pour mieux connaitre le pays. « Dans un conflit, il y a deux côtés et ne pas regarder celui qui est en face ne facilite pas la progression vers la paix ». Le titre de la BD est déjà tout un programme : « L’Intruse ». Que dit le dictionnaire ? [étranger, indiscret, gêneur, s’introduisant dans une so-

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N° 562 - Mai 2011 - Planète PAIX

ciété sans avoir qualité pour y être admis]. Pour Roannie « C’est tout à fait ce que vous ressentez lorsque vous arrivez aux frontières d’Israël, seul moyen d’atteindre la Palestine, et que vous n’êtes pas sûr de ne pas être renvoyé aussitôt vers votre douane d’origine ». Informer c’est aussi exprimer l’empathie qu’elle ressent pour un peuple impressionnant de dignité et de détermination à rester sur sa terre d’origine, malgré la volonté de l’Occupant de l’en chasser. Dans le premier tome, Roannie évoque le choc que représente son premier séjour : l’exotisme et l’enthousiasme de découvrir le Proche-Orient, vite balayés par la prise de conscience de l’occupation et de la violence omniprésente. Avec le second tome, le lecteur pénètre plus profondément dans les différents drames de la vie quotidienne en Palestine : l’occupation militaire, la colonisation, l’enfermement, le Mur. L’Histoire du dernier siècle y est évoquée. Avec le dernier opuscule, l’auteur aborde la réalité israélienne. Ce dernier tome nous fait découvrir une société multiple, complexe et en souffrance. On y retrouve l’Israélien moyen qui exprime ses peurs et, trop souvent, son absence d’espoir, les colons, les soldats, les jeunes qui veulent vivre mais aussi les pacifistes acharnés. Portée par un graphisme minutieux et fidèle, cette BD est l’expression de la volonté des auteurs de participer à la lutte pour la paix au Proche Orient. « Notre souhait est que ces 3 volumes parviennent jusqu’aux moins convaincus et s’inscrivent ainsi, modestement, dans le combat pour que cesse ce conflit » conclut Marie-Jo Parbot. Laurent Brunel   * L’auteure est adhérente à l’Association France Palestine Solidarité et à Amnesty international


TOME 2 : Les Palestiniens, peuple invisible ? Roannie repart en Cisjordanie, dans les villages palestiniens. Qawawis, campement de bergers harcelés par les colons, Hares où l’armée vient arrêter un résistant palestinien à 3 h du matin, Dheisheh, camp de réfugiés près de Bethlehem. Elle évoque les origines du conflit et pointe sans ambiguïté les responsabilités écrasantes des grandes puissances, à la fin de la 1 ère guerre mondiale. Le « Mur » est bien sûr présent et ses conséquences humaines, économiques et environnementales. Elle évoque les femmes et leur double lutte, le conflit et la tradition, mais aussi les hommes sous la forme d’un récit de vie, saisi au hasard d’une rencontre dans un village palestinien.

TOME 1 : Palestine, la Découverte Que va donc trouver, en Palestine, Roannie, dont le cheminement fut si long avant qu’elle ne se décide à partir ? Plongée dans un monde nouveau, elle découvre petit à petit les réalités quotidiennes des Palestiniens. à Jérusalem, l’émotion de découvrir une ville qui résonne en elle, du fait de sa culture chrétienne, masque dans un premier temps le contexte d’occupation du pays. Mais celui-ci vient envahir rapidement tout son champ de vision : déambulations de Naplouse à Balata, avec la visite de ce camp de réfugiés, vision de l’enfer réservé à la population locale à Gaza, découverte de Yanoun, petit village terrorisé par les colons israéliens... Elle assiste ainsi à l’humiliation quotidienne des habitants aux contrôles routiers, aux interdits permanents, aux expropriations et au grignotage inexorable des terres palestiniennes. Roannie rentre à la maison, convaincue qu’elle reviendra pour participer à la lutte pour la justice et pour la paix.

TOME 3 : Les Israéliens. Roannie a choisi son camp, mais il lui faut aller voir en face, entendre « l’Autre ». Elle sait que ce sera difficile. Elle décide de retourner au Proche Orient et de rester quelques semaines en Israël. Héléna l’accompagne : elle est française, juive, et elle a fait son « alyah ». Elles découvrent une société complexe et déchirée entre laïcs et religieux, entre religieux nationalistes et religieux antisio-

nistes, entre colons et israéliens de l’Intérieur, entre ashkénazes, séfarades, juifs arabes… et aussi les russophones et la minorité palestinienne discriminée, en lutte pour ses droits. Elles rencontrent « l’Israélien moyen » qui exprime peurs et absence d’espoir en une paix possible, ne croyant qu’à la force mise en œuvre par son armée et ses gouvernements. Elles comprennent aussi la place symbolique de l’institution militaire, « Tsahal », en discutant avec les jeunes soldats, nombreux à affirmer « qu’on ne devient vraiment israélien qu’après avoir fait son service ». Mais elles ont aussi la chance de croiser les pacifistes israéliens. Minoritaires, marginalisés, incompris de leurs concitoyens et harcelés par les autorités, ils poursuivent le combat, en lien avec Palestiniens et Internationaux, pour que cesse la situation actuelle, inacceptable en termes de droits humains fondamentaux.

EN SAVOIR PLUS « L’Intruse », De Roannie et Oko éditions Vertige Graphic Tome 1 : Palestine, la Découverte. Tome 2 : Les Palestiniens, peuple invisible ? Tome 3 : Les Israéliens. 15 € le volume En vente dans toutes les librairies

Disponible sur la Boutique de la Paix www.mvtpaix.org/boutique/

ou par voie postale auprès du Mouvement de la Paix Maison de la Paix - 9, rue Dulcie September - 93400 Saint-Ouen

1 tome - 15 € Frais de port et emballage - 3,50 € 3 tomes- 45 € Frais de port et emballage- 5,50 € N° 562 - Mai 2011 - Planète PAIX

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culture Bande dessinée

Le petit Maurice dans la tou  Le petit Maurice dans la tourmente 1 raconte l’histoire de Maurice et de sa sœur, arrêtés lors de la rafle du Vel’ d’hiv’. Maurice Rajsfus 2 revient ici pour Planète Paix sur les heures noires de la collaboration française avec l’occupant nazi.

P

lanète Paix : Pourquoi ce besoin de réaliser cette bande dessinée ?

Maurice Rajsfus : Dans mes souvenirs, j’étais très différent de mes petits camarades de l’école laïque. Je vivais dans deux mondes : la planète française et celle d’enfant d’immigrés. à la maison, on parlait le yiddish et des pogroms de la Pologne russe. à ce sujet, mes parents disaient toujours : « Heureusement, cela n’arrivera jamais en France ! » C’était dans les années 1937, 38, 39. à l’époque, le ministre de l’intérieur, Albert Sarraut, déclarait : « Il faut purger la France de la tourbe étrangère ». Des propos que n’auraient pas reniés Le Pen ou Claude Guéant. Ce sera bientôt la défaite des Républicains espagnols et l’enfermement de centaines de milliers de combattants dans les camps des Pyrénées en janvier et février 1939. En octobre de la même année, la France décide d’interner tous les hommes allemands vivant en France, antinazis ou réfugiés qui ont fui les persécutions raciales. Albert Sarraut fait ouvrir 110 camps d’internement. En mai 1940, les femmes allemandes sont internées à leur tour, puis livrées aux nazis, selon l’article 19 de la convention d’armistice. Très rapidement, le gouvernement de Vichy va adopter des mesures xénophobes et raciales. Le 29 septembre 1940, une ordonnance allemande oblige les Juifs de la zone occupée à se déclarer dans les commissariats… Ils sont immédiatement fichés ; le tampon « juif » en lettres rouges est appliqué sur leur carte d’identité. Le statut des Juifs de France, promulgué par le gouvernement de Vichy, met à l’écart quelque 350.000 personnes, femmes et enfants, avec des mesures d’humiliation : interdiction d’exercer 22

N° 562 - Mai 2011 - Planète PAIX

de nombreuses professions, imposition d’un couvre-feu de 20 heures à 6 heures du matin, etc. Dès le 7 juin 1940, une ordonnance allemande impose le port de l’étoile jaune. Ainsi les Juifs, non - reconnaissables jusqu’alors, deviennent facilement repérables. S’ensuit, début juillet, une foule d’ordonnances de la Gestapo que la police française applique avec beaucoup de zèle, interdisant par exemple aux Juifs d’apparaître dans les lieux publics, et leur imposant de monter uniquement dans les wagons de queue du métro. En 1941, la police n’avait arrêté que des hommes valides de 16 à 45 ans, soit disant pour aller travailler en Allemagne. Pourtant lors de la rafle du Vel' d’hiv, le 16 juillet 1942, la police arrêtera 13.150 hommes, femmes, enfants, bébés, vieillards grabataires. Lors de cette rafle, le policier Marcel Mulot, notre voisin, raflera mes parents, ma sœur et moi. Mes parents, déportés, disparaissent à Auschwitz. Ma sœur et moi sommes relâchés dans des conditions inexpliquées. Les deux années suivantes, nous vivrons dans des conditions extrêmement difficiles, rasant


rmente les murs, l’étoile jaune sur la poitrine avec la peur du lendemain.

P. P. : Peut - on faire certains parallèles entre cette période noire et celle d’aujourd’hui ?

M.R. : Surtout pas d’amalgames ! Ce n’est pas pareil, mais ça commence à y ressembler. Nous vivons dans une société de plus en plus policière. La liberté est de plus en plus remise en cause. Il existe des dizaines de fichiers, dont le fameux STIC (système de traitement des infractions constatées) avec 25 millions de noms de coupables, de suspects, de témoins et de victimes sans oublier les fichiers ADN, d’empreintes digitales, des personnes non sédentarisées etc.

de régler les problèmes économiques et sociaux. Sans être taxé de pessimisme excessif, il nous faut en prendre conscience. Propos recueillis par évelyne Aymard

1 - Bande dessinée autobiographique, mise en images par Mario et Michel D’Agostini, aux éditions Tartamudo. 2 - Voir Planète Paix, octobre 2010

EN SAVOIR PLUS Vendredi 20 mai 2011 à partir de 18 heures, hall de la salle des congrès (sous l'hôtel de Ville) – 88 - 118, rue du 8 Mai 1945 à Nanterre (RER Nanterre - Ville). Soirée débat « Un Bateau français pour Gaza », avec la participation de Maurice Rajsfus. Avec le soutien de Nanterre, Ville de Paix.

P.P. : On assiste aujourd’hui à la création de lieux de rétention pour les étrangers...

M. R. : Il y a deux ans, Luc Besson, ministre de l’Identité nationale, déclarait lorsque nous protestions contre ces camps : « ce n’est pas Auschwitz ! » En 1940, nous étions dans un pays marqué par la défaite et écrasé sous la botte nazie et les partis fascistes. Nous sommes censés être aujourd’hui en démocratie, mais il y a 4 millions de chômeurs, 4 à 5 millions de précaires et beaucoup de gens craignent d’être précarisés. Chacun essaie de défendre son pré-carré. Les associations humanitaires et culturelles disparaissent peu à peu ; il y a de moins en moins de volonté militante et les subventions s’amoindrissent de plus en plus. Le climat est tout à fait délétère. La volonté du gouvernement est de faire en sorte que le Français dit « moyen » se désintéresse de la vie de la cité, avec en toile de fond un « ne vous mêlez pas de ce qui vous regarde ». C’est ainsi que nous entendons dire depuis quatre ans que le partage du travail est une utopie. Comme à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, notre société des Droits de l’Homme est en grand péril. Le fascisme a changé de visage, mais avec Nicolas Sarkozy, le croquemitaine Le Pen n’est plus indispensable. Tout est fait pour diviser les citoyens de ce pays. En toile de fond, le rejet de l’étranger, moins blanc que le modèle obligé, devrait permettre N° 562 - Mai 2011 - Planète PAIX

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UN

60 organisations appellent à la solidarité

BATEAU

FRANÇAIS

POUR

GAZA

pour

Dénoncer et briser le siège israélien de Gaza Promouvoir et faire respecter le droit international Répondre à la crise humanitaire que subissent 1.500.000 Palestiniens

La flotille de la paix a besoin de vous http://www.unbateaupourgaza.fr/

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