Espace-vie n°299 - Novembre 2020

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COMPRENDRE

EXPLORER

EXPLORER

C’est arrivé près de chez vous

Quand l’agriculture urbaine s’enracine

Au début était Minecraft

espace

La revue qui décode les enjeux territoriaux du Brabant wallon

Quel avenir pour nos communes ? (4/5)

Comment Nivelles a balisé son futur

299

Novembre 2020 Bimestriel


sommaire

4 en bref

apprendre 14 « L’écart entre la pratique et les discours reste grand »

comprendre 16 Sondage : c’est arrivé près de chez vous

apprendre 6 Nivelles, un avenir

respirer 19 Remarquablement timbré

bien identifié

2 0 explorer Au début était Minecraft

2 4 publication De la créativité urbanistique

explorer 12 Quand l’agriculture

Et la nature dans tout ça ? Notre dernier Midi de l’urbanisme « Et la nature dans tout ça ? » a fait l’objet d’une retransmission en direct. Vous pouvez revoir l'entièreté de la conférence en vidéo sur notre site internet mubw.be. L’occasion de découvrir les interventions de Julien Taymans, Fiorella Quadu et Aurélie Hochart. mubw.be

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urbaine s’enracine

Espace-vie est la revue bimestrielle de la Maison de l’urbanisme – Centre culturel du Brabant wallon ( janvier, mars, mai, juillet, septembre et novembre). Elle traite de sujets relatifs à l’aménagement du territoire, à l’urbanisme et aux enjeux culturels en Brabant wallon. Créée en 1989, Espace-vie est indépendante de tout parti politique et dispose d’une entière liberté éditoriale.

La Maison de l’urbanisme vous donne rendez-vous les vendredis à 13h30 pour un débat en direct avec un acteur de l’aménagement du territoire du Brabant wallon. L’occasion d’évoquer avec un invité son actualité et la manière dont il réinvente son travail dans cette période particulière. Ce débat en ligne vous permettra également de poser vos questions en direct. N’hésitez donc pas à suivre notre page Facebook pour connaitre tous les détails de ce nouveau rendez-vous et l’identité de notre premier invité. Pour suivre ce premier « Mini Midi », retrouvez-nous dès le vendredi 27 novembre à 13h30 sur notre compte Facebook ou notre chaine Youtube et participez au débat !

respirer 10 Louvain-la-haut 11 découvrir

Un dernier quartier sans voiture à Louvain-la-Neuve

Nouveau : Des Mini Midis online

maisonurbanismebw Linkedin.com/company/la-maisonde-l-urbanisme-du-brabant-wallon MUBW

Éditeur responsable : Nicolas Van der Maren - Rédacteur en chef : Xavier Attout (x.attout@ccbw.be) - Rédacteurs : Caroline Dunski (c.dunski@ccbw.be), Karima Haoudy (k.haoudy@ccbw.be), Maureen Schmetz (m.schmetz@ccbw.be) - Avec la contribution de : Joëlle Rigaux, Agnès Chevalier - Équipe de la Maison de l’urbanisme : X. Attout, A. Chevalier, K. Haoudy, M. Schmetz - Maquette : Louise Laurent (www.louiselaurent.be) - Mise en page : Louise Laurent - Dessins : Marco Paulo - Imprimeur : Artoos Group - IPM Printing Tirage : 7 000 exemplaires - Adresse : 3, rue Belotte, 1490 Court-Saint-Étienne - Contact : 010 62 10 50 ou m.urbanisme@ccbw.be www.mubw.be - www.ccbw.be Espace-vie est publié avec le soutien de la Wallonie et du Brabant wallon. La revue est envoyée sur demande et gratuitement aux habitants du Brabant wallon, abonnement de 12 euros/an hors Brabant wallon. Ne peut être vendu. Si vous préférez recevoir Espace-vie en version numérique, n’hésitez pas à nous le signaler. Toute reproduction partielle ou totale nécessite une autorisation préalable de l’éditeur responsable. La clôture de ce numéro s’est déroulée le 17 novembre. © Photo de couverture : Asymètrie Espace-vie est imprimé sur du papier recyclé dans une imprimerie climatiquement neutre. Les émissions de CO2 sont neutralisées à 100 % par le biais de plantations d’arbres. L’emballage qui entoure la revue lors de l’envoi est en maïs.


avant-propos

Reprendre en main son centre-ville Le phénomène n’est pas neuf mais il s’accentue au fil des mois : les centres-villes périclitent toujours plus. En Europe, en Belgique, en Wallonie, en Brabant wallon. Il faut dire que les coups de boutoir se sont multipliés ces dernières décennies, amplifiant un mouvement de désertification bien entamé. Cela a débuté avec la concurrence des centres commerciaux de périphérie avant de se poursuivre via le repli des services publics et des entreprises également en dehors des centres-villes, l’essor de l’e-commerce et des services bancaires online et désormais le développement du télétravail. Sans parler du relatif désinvestissement voire désintéressement de certains pouvoirs communaux pour leur espace public, ce qui a encore davantage entaché l’attractivité des centres-villes. En Brabant wallon, si on se base uniquement sur le taux de cellules commerciales vides, Waterloo et Louvain-la-Neuve font figure de très bons élèves avec un faible taux alors que Wavre et Nivelles sont en-dessous de la moyenne wallonne, selon les derniers chiffres de l’AMCV (Association du Management de Centre-Ville). Une situation qui perdure depuis de longues années pour ce quatuor. Et qui, pour les entités en difficulté, sera bien compliquée à inverser tant les décisions du passé ont creusé de profonds manquements.

D’autres pistes existent bien évidemment. Comme celle détaillée il y a peu dans le journal Le Monde. Confrontée à des problèmes de désertification de ses centres-villes, la Fédération allemande des villes et communes a recommandé à ses affiliés de racheter les biens immobiliers laissés vacants, même temporairement. Ce qui permet soit de les proposer à moindre cout à des commerçants, des artistes ou des artisans, soit de les transformer en logement. Un modèle que la ville de Neubrandenburg, dans le nord-est de l’Allemagne, applique avec succès depuis près de trente ans. Son parc immobilier composé de 300 commerces et de 12 000 appartements affiche pratiquement complet. Une situation qui date de la Réunification, où bon nombre de communes ont hérité d’un immense parc immobilier. Et qui serait bien évidemment impayable en Belgique mais cela démontre néanmoins que la cogestion entre acteurs d’un centre-ville, commerçants, promoteurs et politiques peut mener à des projets ambitieux. Reste donc à regarder dans la même direction. Xavier Attout

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Que faire pour redonner une attractivité à un centre-ville ? La réponse est multiple en fait : y ramener des commerces, des entreprises et des habitants, multiplier les fonctions, investir dans des espaces publics de qualité, développer une mobilité douce et un plan de stationnement précis. Des recommandations qu’il est toujours plus simple de coucher sur papier que d’appliquer.


en bref

Vers une version light du contournement de Wavre © Mathen

Le crématorium va doubler sa surface

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Le permis relatif à l’extension du crématorium de Court-Saint-Étienne vient d’être octroyé. Inauguré en 2011, les bâtiments actuels étaient devenus bien trop petits pour répondre à la demande. La surface sera doublée, avec notamment une nouvelle salle de célébration de 200 places et de nouveaux espaces horeca. C’est le bureau d’architecture Mathen qui a piloté ce projet d’in BW. Le projet architectural s’inscrit dans la lignée des premiers bâtiments signés Stéphane Jourdain et reflète également l’école portugaise inspirée par Alvaro Siza. La livraison est espérée début 2023.

De l’intérêt pour le site CP Bourg Coincé entre le site des Bétons Lemaire à Ottignies (Matexi, 600 appartements) et celui de CourtVillage à Court-Saint-Étienne (Equilis, 350 appartements), le terrain de l’entreprise CP Bourg (5 ha) figure dans les petits papiers de nombreux promoteurs depuis quelques années. Site industriel bientôt délaissé, il est également idéalement situé le long de la voie de chemin de fer, en plein cœur de la vallée de la Dyle. On avait appris il y a peu que le bureau Montois Architects cherchait un promoteur pour y développer un projet de nouveau quartier. L’un d’eux est Besix Red, qui a sollicité il y a peu tant la Ville d’Ottignies-LLN que la fonctionnaire déléguée pour connaitre leur réaction quant à l’aménagement d’un projet d’envergure. Les prémices d’un long dossier.

Retrouvez tout le contenu d'Espace-vie, de nouvelles informations, des vidéos et autres infographies sur notre site internet espacevie.be.

On s’est rendu compte que la meilleure solution pour Louvain-la-Neuve était de nous orienter vers la biomasse, à savoir toute matière organique qui peut être valorisée comme énergie. Marthe Nyssens, la prorectrice en charge de la transition à l’UCLouvain

Nouvel épisode dans la longue saga du contournement nord de Wavre. Le ministre wallon de la Mobilité, Philippe Henry, a décidé de mettre le dossier en pause le temps que le Conseil d’État rende son verdict sur le recours introduit par des associations contre l’octroi du permis. De nouveaux éléments sont toutefois apparus : le budget wallon dédié à ce projet sera réduit et le ministre évoque désormais un gabarit « allégé » pour ce contournement. Son souhait est de privilégier les modes doux et les transports en commun plutôt que de créer une nouvelle infrastructure destinée aux voitures. Pour rappel, ce contournement doit théoriquement permettre de fluidifier le trafic pour rejoindre le zoning nord de Wavre en créant une nouvelle voirie entre la N25 à Gastuche et le zoning. Un budget de 14 millions avait été dégagé par le Gouvernement wallon.

Un parking à étages à Wavre Une demande de permis pour construire un parking de cinq niveaux semi-enterré (551 places) le long de l’avenue des Mésanges à Wavre a été déposée par Indigo, qui en sera également le gestionnaire. Le parking actuel compte 210 places. C’est le bureau d’architecture Modulo qui est à la manœuvre.


Sophie Keymolen est la nouvelle députée provinciale en charge de l’Aménagement du territoire et du Logement. Cette Rebecquoise de 37 ans, licenciée en sciences commerciales et consulaires (Ichec), était auparavant conseillère provinciale. Elle remplace Mathieu Michel devenu secrétaire d’État. Tanguy Stuckens, le nouveau président du Collège provincial, garde par contre la main sur le Contrat de Développement Territorial.

Le nombre d’arbres plantés dans le futur quartier Terra Nostra à Braine-l’Alleud via Urban Forests, start-up spécialisée dans la création de forêts urbaines 100 % naturelles. Cette initiative doit permettre de créer un bois urbain de 35 ares composé d’une dizaine d’espèces différentes plantées selon la méthode japonaise Miyawaki (article à relire sur espacevie.be). Le promoteur Equilis envisage de construire 127 appartements (phase 1) sur ce site situé à Merbraine.

Fumée enfin blanche au CBTC ? La fumée s’éclaircit quelque peu pour l’incubateur technologique (China Belgium Technology Center) actuellement en construction dans le Parc scientifique de Louvain-la-Neuve, entre la N4 et la E411. Si les retards se sont accumulés ces derniers mois et que des craintes quant à la capacité à séduire des occupants ont circulé, l’horizon devrait se dégager dans les prochains mois avec quelques annonces majeures d'entreprises pharmaceutiques implantées en Belgique. Un nouveau pilote est en tout cas à la barre. Le gros œuvre est fermé depuis fin 2019 et l’inauguration de la première phase qui comprend six tours (57 000 m2 et 800 travailleurs) est désormais prévue à l’automne 2021, selon son promoteur, la société publique chinoise United Investment Group. Depuis le lancement du projet en 2013, 108 millions ont déjà été investis. Ajoutons que les 300 appartements qui étaient destinés aux employés chinois ne seront finalement pas réalisés. L’UCLouvain reprend la main pour un seul immeuble de 130 appartements situé avenue des Ciseaux.

© BAEV

Préserver le Pré Saint-Jean La commune de Jodoigne et l'association Natagora viennent de signer une convention de mise en gestion de la zone humide du Pré Saint-Jean. D'une surface de 5,7 hectares, elle deviendra la troisième réserve naturelle la plus importante du Brabant wallon gérée par Natagora. La concession s’étend pour une durée de 30 ans, renouvelable.

Le château de Dongelberg (Jodoigne), ravagé par les flammes en février 2020, devrait être réhabilité en business center selon la DH. Une demande de permis devrait être déposée d’ici peu. Le château, qui date de 1865, appartient désormais au prince Stéphane de Lobkowicz.

Réaffectation et gares Restée à l’état de chancre depuis les années 1990, l’ancienne gare de Baulers est en voie de réaffectation. Un privé va la transformer en espace horeca et y ajouter quatre logements. A Clabecq, la gare est au stade de la mise en vente. La mise à prix est fixée à 350 000 euros. La commune s’est déjà positionnée pour acquérir cet ensemble et le transformer en brasserie ou en centre mémoriel.

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Sophie Keymolen à l’Aménagement du territoire

10 000


Les ambitions d'un centre piĂŠton.


apprendre

Nivelles, un avenir bien identifié

Texte et photos : Xavier Attout

L

e plan a été établi il y a une quinzaine d’années. Et s’applique aujourd’hui toujours à la lettre, au grand dam de certains promoteurs immobiliers. Une vision assez simple à résumer : densifier le centre-ville, mettre l’accent sur les « dents creuses » – ces immeubles ou sites économiques désaffectés qui sont à réhabiliter – et préserver la couronne verte de Nivelles. « Nous avons même été un cran plus loin dans notre Déclaration de politique générale de 2018 en ajoutant qu’aucune ZACC (ndlr : des réserves foncières que la commune peut libérer si besoin) ne serait urbanisée à l’avenir », précise Pierre Huart, bourgmestre depuis 2006. Le message à l’adresse des promoteurs semble clair : ils sont accueillis à bras ouverts mais ils doivent se concentrer uniquement sur les sites économiques à désaffecter et prendre en charge leur assainissement et leur dépollution. Pas question donc d’utiliser d’autres réserves foncières. Quel bilan tirer de cette politique, après plus de quinze ans d’actions ? Si tous les sites – dents creuses – sont désormais bien identifiés et que, pour la grande majorité, un projet de réaffectation a été défini, la longueur des procédures de ce type de dossier ne permet pas encore de voir les réalisations concrètes se multiplier. L’ancienne brasserie Duvieusart est l’une des premières à

avoir été réaffectée en un ensemble de soixante appartements, après avoir été abandonnée pendant cinquante ans. D’autres vont suivre d’ici peu. Il suffit d’ailleurs de se balader dans le centre-ville pour se rendre compte que les chantiers se multiplient. « Nous ne construisons pas davantage qu’avant mais comme ces chantiers sont concentrés dans une zone réduite, cela se voit davantage », précise Pierre Huart.

Près de 1 800 logements dans les cartons Plusieurs projets sont en cours de construction. La première phase du Val de Thines (Thines Real Estate) est lancée. Située sur la friche industrielle d'Arjo Wiggins, elle concerne 260 logements sur les 1 250 prévus dans ce qui sera un véritable nouveau quartier. La demande de permis relative à l’ilot Saint-Roch, où Immobel envisage de construire 310 appartements, sera déposée d’ici peu. Alors que la Ville vient d’approuver la transformation de l’hôtel de Rifflart d’Ittre, ancien siège du tribunal du commerce datant du XVIIe siècle, en hôtel-appartement (famille Vandestraeten). « Trois dossiers posent toutefois problème aujourd’hui : l’ancien immeuble Belgacom situé sur la Grand-Place, les Récollets (Lixon) et l’ilot des Conceptionnistes (Chantiers SA). Ils sont couverts par un ancien Plan communal d’aménagement (PCA) – devenu Schéma d’orientation local aujourd’hui – mais une faille juridique les rend caducs. La procédure doit donc être relancée pour chacun d’entre eux. » Au total, avec les différents projets identifiés, ce sont près de 1 800 logements supplémentaires (essentiellement des appartements) qui seront construits d’ici dix ans. « Ce qui sera suffisant dans un premier temps, fait remarquer Pierre Huart. Cela explique par exemple pourquoi nous avons demandé à Immobel de mettre en stand-by son projet situé au Grand Marquais, sur le site des anciens Ateliers

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La cité aclote poursuit sa politique de densification et de réhabilitation de son centre-ville. Les projets de réaffectation s’y multiplient, même si cela prend du temps. Ses facilités en matière de mobilité et d’équipements séduisent en tout cas : près de 1 800 logements devraient voir le jour d’ici 10 ans. Reste à voir si cette situation n’entrainera pas une certaine indigestion. (Série 4/5)


apprendre

métallurgiques (16 ha). Près de 500 appartements y sont imaginés. Mais ce ne sera pas pour tout de suite, il faut d’abord digérer ce qui doit se construire. » Ajoutons que si l’avenir de la plupart des chancres ou sites à réaffecter est défini, d’autres apparaitront encore. Dont notamment celui de l’hôpital Jolimont qui déménagera d’ici 2027 ou celui du Palais de Justice situé sur la Grand-Place.

LE REGARD DE LA FONCTIONNAIRE DÉLÉGUÉE Nathalie Smoes, fonctionnaire déléguée du Brabant wallon, et sa collaboratrice, Héloïse Pirot

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De nombreux projets de grande ampleur sont en cours à Nivelles. La Ville semble avoir une vision de son développement. Toutefois, un document de stratégie territoriale tel que le Schéma de développement communal (SDC) parait indispensable pour que les objectifs soient clairs pour tous. Au niveau des logements. Un redéploiement de l’offre en logements en centre-ville ou proche de celui-ci s’opère offrant une mixité d’habitats à proximité d’activités polarisatrices. Le quartier « Les Chabotes », en cours de construction, est un bel exemple de mixité. Fort d’un partenariat public/privé, ce projet proposera environ 145 logements répartis en logements sociaux acquisitifs, en logements privés, ainsi que 26 parcelles vendues par la Société wallonne du Logement. Le projet prévoit également la construction de deux commerces, ainsi que d’une crèche dont la demande de permis d’urbanisme est en cours d’instruction. Au niveau du développement économique. Nivelles possède deux parcs d’activité économique fort attractifs par leur accès aisé et par leur proximité immédiate de Bruxelles. Nous recevons de nombreuses demandes de permis d’urbanisme de la part de PME, mais aussi d’acteurs publics tels que l’in BW qui vient d'obtenir l’autorisation pour

la réhabilitation de la partie arrière de l’ancien ensemble des bâtiments Peugeot en centre d’activités de recherche et de développement qui met des locaux à disposition pour des entreprises qui veulent innover et développer des produits et/ou des services. Au niveau du patrimoine et du tourisme. Après la rénovation de la Grand-Place, la Ville vient d'obtenir le permis pour la rénovation et la mise en lumière de la Collégiale Sainte-Gertrude. D’autres projets sont en cours tels que l'aménagement du jardin des cloitres de la Collégiale. Ces projets, tant privés que publics, participent à la valorisation du patrimoine majeur de la ville et à son attractivité touristique. Au niveau de la mobilité. Récemment, plusieurs permis relatifs à la mise en œuvre du RER ont été octroyés par le Ministre dont le permis pour le nouveau bâtiment des voyageurs. Celui-ci s’inscrira dans la prolongation du bâtiment existant et sera constitué d’une architecture légère et perméable. Après Waterloo et avant Rixensart, la SNCB entend, par là, créer une nouvelle identité visuelle pour ses gares. Nivelles, grâce au renforcement de ces axes stratégiques, a pu redevenir une ville dynamique et attrayante et s’écarter définitivement de sa réputation de ville-dortoir du début des années 2000.

En matière de mobilité, la politique mise en œuvre est relativement simple en centre-ville : limiter l’usage de la voiture, favoriser les modes doux et renforcer les parkings en périphérie. La zone 30 est devenue la règle intra-muros. Le piétonnier a de plus en plus d’adeptes et pourrait être élargi vers la place Émile de Lalieux. Et pour optimiser encore davantage le volet mobilité, Nivelles compte faire appel aux nouvelles technologies. « Cela doit permettre de fluidifier la circulation et de gérer la difficulté de trouver des places de stationnement. Notre politique de mobilité rejaillit en tout cas à travers les charges d’urbanisme des projets immobiliers. Pour celui de l’ilot Saint-Roch, 210 parkings vélos étaient par exemple prévus en 2016, il y en a 572 aujourd'hui. » Ajoutons que la navette de bus intra-muros a été supprimée il y a deux ans, faute de navetteurs. Et que l’idée de promouvoir la création d’un ring nord-ouest pour faciliter l’accès au futur hôpital est à l’étude.

33 000 habitants en 2035 Nivelles compte aujourd’hui un peu plus de 28 500 habitants. Le Bureau fédéral du Plan prévoit d’atteindre les 33 000 habitants en 2035. Une croissance annuelle d’environ 300 âmes. « Ce qui n’est pas non plus exceptionnel. Le profil des nouveaux habitants est varié : des Bruxellois qui recherchent des biens immobiliers plus abordables et veulent profiter de la qualité de vie de Nivelles, des


interview

Hennuyers qui veulent se rapprocher de Bruxelles et profiter de la ligne de chemin de fer et des habitants de communes voisines qui veulent profiter de nos atouts et de notre offre d’appartements. À ce titre, la création d’un nouveau centre hospitalier, dont le nombre de lits passera de 200 à 400 unités, est essentiel pour absorber cette nouvelle population. Car la hausse de la population doit s’accompagner d’une augmentation du nombre d’équipements. »

« La mobilité m’inquiète »

Nivelles se veut une commune intelligente, au sens de la smart city. Cela aborde les questions de mobilité, de déchets mais également d’espace public. Dans le même ordre d’idées, la Ville va lancer d’ici peu un projet de mobilier urbain mobile, qui s’adaptera aux besoins de ses usagers en fonction des saisons et de leur utilisation. « L’idée est d’installer par exemple davantage de range-vélos en été ou davantage de poubelles quand il y a des événements importants. Ce mobilier sera fixé au sol mais sera renouvelé en fonction des besoins. Il s’agit d’un projet intéressant lancé par la Région wallonne. » Une action qui s’insère dans une volonté plus large de redonner des couleurs à un centre-ville qui en avait perdu quelques-unes sur le plan commercial. L’extension du shopping ayant déplacé le centre de gravité en la matière. Il s’agira désormais de mettre l’accent sur le commerce de proximité.

Pierre Huart, bourgmestre

Propos recueillis par X. A.

Les projets d’immeubles à appartements semblent se multiplier dans le centre de Nivelles. Mais la demande sera-t-elle suffisante ?

Il est vrai que les projets se sont multipliés ces dernières années mais le développement reste encadré. Sans parler du fait que certains dossiers sont également bloqués, comme ceux des Récollets, du Waux-Hall ou des Conceptionnistes. Celui du Val de Thines est lancé. Mais ma crainte en voyant tous ces projets est surtout liée à la mobilité. Nivelles connait d’importants problèmes en la matière et cela risque encore de s’accentuer. Le projet du Val de Thines devrait par exemple être particulièrement problématique. Les solutions de mobilité telles que le RER et les modes doux qui sont avancées dans chaque projet ne sont pas encore intégrées par les nouveaux arrivants, comme on veut nous le faire croire.

Quel regard jetez-vous sur cette politique de réhabilitation des chancres ?

La Ville a anticipé la politique qui est aujourd’hui déclinée partout en Wallonie. C’est une très bonne chose. Il faut réhabiliter ces chancres en priorité. Le problème est que les couts de réhabilitation sont importants pour les promoteurs, ce qui entraine des prix de vente assez élevés.

Nivelles laisse-t-elle une certaine latitude aux architectes pour développer des projets ambitieux ?

Oui, il y a une ouverture d’esprit à la commune et il est possible d’avoir certaines ambitions. Dans d’autres entités voisines, c’est bien plus compliqué. D’une manière générale, la difficulté principale est souvent liée au dialogue avec les riverains.

Comment voyez-vous le développement de Nivelles dans les prochaines années ?

La Grand-Place, symbole du renouveau.

Le tissu du centre-ville va rester. Il est de qualité, avec un bâti ancien et dense. Seuls des projets ponctuels y seront ajoutés. Dans le périmètre proche du centre, on compte encore certains sites à réhabiliter, ce qui va amener de nouveaux habitants.

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Du mobilier mobile

Nous ne construisons pas davantage qu’avant mais comme ces chantiers sont concentrés dans une zone réduite, cela se voit davantage.

Pierre-Marie Van den brande, architecte au sein du du bureau AAVA


respirer

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© Globalview

Louvain-la-haut Habitué à sillonner le ciel brabançon en hélicoptère depuis près de quinze ans, son appareil photo sous le bras, Simon Schmitt a décidé de sélectionner les meilleurs clichés de Louvain-la-Neuve pour sortir l’ouvrage Louvain-la-haut. Un ensemble de photographies qui

permet de retracer l’évolution urbanistique de la cité universitaire. « Je me suis rendu aux Archives de l’État pour collecter des photos des années 60 et 70, de manière à ce que les lecteurs puissent se rendre compte du chemin parcouru, explique l’auteur. Cette ville est en évolution perpétuelle. Le plus frappant est de se rendre compte qu’elle

est très verte ! » Ce bel ouvrage de 160 pages et 190 photos est publié en français et en anglais et a été tiré à 2 500 exemplaires. Outre les photos, l’histoire de Louvain-la-Neuve est racontée via les textes de Dominique Costermans et Philippe Piette. Infos : louvain-la-haut.be ou 0472 800 900.


découvrir

Un dernier quartier sans voiture

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Texte : Xavier Attout

rès de quinze ans après les premières réflexions entre la Ville, la Wallonie et l’UCL, sept ans après le changement d’affectation au plan de secteur, l’urbanisation du quartier Athéna-Lauzelle à Louvain-la-Neuve est aujourd’hui balisée. L’avant-projet de SOL (Schéma d’orientation local) de ce futur quartier de 1 400 logements construits sur 30 ha le long du boulevard de Lauzelle, vient d’être adopté par le conseil communal. Il a fait l’objet d’une large consultation publique. Pour l’aménagement du dernier quartier résidentiel néo louvaniste, l’objectif a été de mettre sur pied un quartier exemplaire en matière d’architecture et d’urbanisme durables. « Notre vision est de développer un quartier exemplaire en termes de durabilité et de mixité sociale, sorte de laboratoire à ciel ouvert, explique Nicolas Cordier, responsable du développement urbain et régional de l’UCLouvain. Nous avons été attentifs à proposer une offre de logements diversifiée et accessible, tout en respectant les impositions de densification de la Région wallonne. » Ce quartier est l’un des plus importants de Wallonie piloté par un seul développeur, à savoir l’UCLouvain. Il a fait l’objet d’une large concertation citoyenne, de quoi permettre au grand public de s’approprier le projet et ce, dès son démarrage. Une volonté qui s’est traduite par la mise sur pied de balades urbaines, d’échanges d’idées et

Il s’agira vraiment d’un éco quartier exemplaire dont la conception intègre bien tous les aspects du développement durable. Yves Leroy, échevin

d’ateliers participatifs. Un panel représentatif de 90 citoyens a également été constitué. Parmi les grands axes de ce quartier, relevons l’offre de logements abordables pour les jeunes et les familles. On y retrouvera 40 % de logements à prix sociaux, moyens ou encadrés. L’idée est également d’y développer un quartier urbain et innovant, via différents modes d’habitat innovants (Community Land Trust, habitat groupé, la co-emphytéose). En termes de mobilité, une politique d’alternative à la voiture individuelle par des liaisons douces avec le centre urbain et la gare de Louvain-la-Neuve sera encouragée. L’intérieur du quartier ne sera pas accessible aux voitures. Celles-ci devront stationner dans des parkings silos situés aux entrées du quartier. Les voiries seront dessinées en boucle pour éviter toute possibilité de transit et favoriser une circulation apaisée. Un important service de voitures partagées et de location de vélos sera mis à disposition. « La Ville et l’Université se sont concertées pendant plusieurs années sur ce projet, rappelle Yves Leroy, échevin de l’Urbanisme et de l’Aménagement du territoire d’Ottignies-Louvain-la-Neuve. Le résultat est à la hauteur de l’enjeu et nous pouvons nous en féliciter mutuellement : il s’agira vraiment d’un éco quartier exemplaire dont la conception intègre bien tous les aspects du développement durable. Plus particulièrement, le projet rencontre bien deux points d’attention essentiels pour la Ville : un accent très fort sur la mobilité douce et une grande mixité sociale, notamment avec la concrétisation dans ce nouveau quartier de notre projet de Community Land Trust. » Rayon planning, l’adoption définitive du SOL est attendue à la mi-2021. Suivront les demandes de permis d’urbanisation et d’urbanisme (groupés ou non). Les premières constructions pourraient débuter en 2024 et s’échelonner sur une décennie.

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Louvain-la-Neuve prolonge la vie sans voiture au-delà des boulevards. L’aménagement de son dernier quartier d’envergure se veut un laboratoire à ciel ouvert des besoins de demain en matière de mobilité et d’habitat. Les premiers habitants ne sont pas attendus avant 2025.


explorer

Quand l’agriculture urbaine s’enracine L’idée d’encourager l’agriculture urbaine dans les projets immobiliers sous forme de charge d’urbanisme fait son chemin. Le ministre de l’Aménagement du territoire y est notamment favorable. De son côté, une spin-off de Gembloux Agro-Bio Tech tente d’implanter le concept auprès du privé et du public. Des projets existent, notamment à Ottignies-LLN. Texte : Xavier Attout – Photo : Green Surf et Equilis

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Q

ue ce soit des fruits et légumes produits en toiture d’un immeuble, un potager en intérieur d’ilots voire des activités agricoles le long de chantiers, les possibilités pour implanter des projets d’agriculture urbaine dans les développements immobiliers ne manquent pas. De plus en plus de promoteurs ou de pouvoirs publics semblent intéressés par cette démarche. Et pas uniquement dans une vue de marketing environnemental ou pour vendre plus aisément leurs logements. « Il est évident que certains pourraient utiliser cette démarche à cette fin, explique l’ingénieure agronome Candice Leloup, qui a cofondé Green SURF en 2017 (Green Solution for Urban and Rural Farming), une spin-off de l’ULiège spécialisée dans l’agriculture urbaine. Mais pour que des projets réussissent, chaque cas est spécifique et il faut bien étudier toutes les composantes d’un dossier. Sans cela, cela ne fonctionne pas. Car tant la gestion de ces espaces que le cout sont des données à prendre en compte sérieusement. » Green SURF propose des services d’accompagnement de projets d’agriculture urbaine tant auprès des pouvoirs publics que des promoteurs privés. Un modèle qui se développe de plus en plus pour répondre aux enjeux de la transition et pour permettre le développement de villes nourricières sans épuiser les ressources foncières. « Il y a une multitude de possibilités en la matière, poursuit Candice Leloup. Dans certains cas, la

rentabilité et la productivité seront essentielles alors que dans d’autres il s’agira de projets non-lucratifs où l’objectif est surtout social et environnemental. Tant les modes de culture (pleine terre ou hors sol, hydroponie ou aquaponie) que les dimensions (à l’échelle d’un bâtiment, d’un quartier, d’une ville) sont variables. Sans parler du fait qu’un potager peut être individuel, collectif ou professionnel. »

Des questions terre à terre Alors qu’elle essaime à Montréal ou dans certaines villes françaises, l’agriculture urbaine perce doucement en Wallonie. Si les circuits courts et les commerces de proximité sont à la mode, il existe encore de multiples possibilités de développement. D’autant que ce type d’agriculture permet de diversifier la production par rapport à l’agriculture conventionnelle. « Il s’agit en effet d’horticulture, de maraichage voire de petit élevage. Il faut donc faire des choix. Ces deux types d’agriculture sont donc complémentaires. Il ne faut pas les opposer. L’important est de retrouver un certain équilibre entre les deux. Cela va en tout cas permettre d’améliorer l’attractivité de la ville. » Parmi les freins, on peut avancer la méconnaissance de cette activité, la gestion et le cout de l’investissement. « Notre priorité reste de sensibiliser privé et public sur les avantages de l’agriculture urbaine. La conception et la gestion sont deux éléments à ne pas négliger. La gestion


freine même souvent les promoteurs car ils se demandent qui va gérer ce projet une fois que les habitants auront pris possession de leur logement. Il faut donc créer une certaine adhésion. Enfin, les couts restent un critère important. Il faut établir un vrai business plan. »

Des pistes à Ottignies Willy Borsus, fervent partisan de l’agriculture urbaine, a évoqué il y a peu la possibilité d’encourager son développement par le biais de charges d’urbanisme. Une piste intéressante mais qui nécessitera d’être bien encadrée. « Imposer cette activité peut s’avérer contre-productif si elle n’est pas bien encadrée et réfléchie. Chaque projet est spécifique et exige des études sérieuses. Mais c’est peut-être le prix à payer pour obtenir des villes nourricières de qualité. Cela peut en tout cas amener une vraie plus-value pour la collectivité. »

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Pour que des projets réussissent, il faut bien étudier toutes les composantes d’un dossier. Car tant la gestion de ces espaces que le cout doivent être pris en compte. Candice Leloup, Green Surf

En Brabant wallon, plusieurs projets sont à l’étude. Dans le cadre de la réhabilitation du site des Forges de Clabecq, la société monégasque Terre de Monaco installera des bacs de terre sur les toits de plusieurs immeubles (sur 7 000 m2 auquel il faut ajouter 2 500 m2 de serres). Une équipe de six personnes sera constituée pour gérer les différents aspects de cette agriculture urbaine et un restaurant de 30 à 40 couverts est prévu sur le toit. Il se fournira principalement des produits du potager. De son côté, Green SURF espère finaliser une collaboration avec un promoteur privé dans le cadre d’un nouveau quartier à Ottignies-Louvain-la-Neuve.

Pour aller plus loin Green-surf.com

espacevie.be |   novembre 2020

De l'agriculture urbaine à Tivoli Green City (Laeken), quartier le plus durable au monde.

Green SURF a déjà travaillé sur plusieurs projets. Le plus emblématique était Tivoli Green City à Anderlecht, quartier exemplaire à plus d’un titre, primé à de nombreuses reprises pour son caractère innovant. Des potagers en toiture y ont été aménagés. « Nous y sommes retournés il y a peu et les habitants nous ont clairement expliqué les bienfaits de ces potagers sur la vie sociale locale, explique Candice Leloup, qui confirme qu’il vaut mieux réfléchir à l’intégration de l’agriculture urbaine bien en amont d’un projet. Il s’agissait d’un véritable argument déclencheur pour y acheter un bien. Et puis cela rassure aussi les communes sur la pertinence d’un projet immobilier, cela permet in fine d’accélérer la délivrance de permis. »


apprendre

« L’écart entre les discours et la pratique reste grand » Les obstacles pour tendre vers le « zéro artificialisation » et pour freiner l’étalement urbain sont encore nombreux en Wallonie. Les Arènes du Territoire wallonnes tentent actuellement d’en décanter les principaux. Densification, adhésion, révision, planification : tour d’horizon avec l’Inspecteur général Michel Dachelet. Interview : Karima Haoudy – Photo : Maureen Schmetz et JLC-SPW

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Michel Dachelet, Inspecteur général au département de l'Aménagement du territoire et de l'Urbanisme de la Wallonie.

es Arènes du Territoire sont lancées depuis le 29 septembre. Elles essaiment à présent sur l’ensemble de la Wallonie par le biais des Maisons de l’urbanisme avant de se terminer en janvier. L’occasion de faire le point avec l’Inspecteur général Michel Dachelet, l'un des architectes des Arènes qui met au cœur du débat deux enjeux de taille : la réduction de l’artificialisation des sols et de l’étalement urbain.

ESPACE-VIE Qu’attendez-vous de l’issue de ces Arènes ? MICHEL DACHELET. Nous espérons pouvoir mettre en évidence les obstacles qui se présentent sur la route qui doit nous mener en 2050 vers le « zéro artificialisation ». Un objectif repris dans la Déclaration de Politique régionale. Dans cette démarche et en parallèle aux Arènes, a

Le zéro artificialisation est, pleinement et concrètement, à la rencontre des enjeux climatiques et énergétiques qui travaillent notre territoire et bien au-delà. été mis en place un groupe de travail chargé de mesurer l’artificialisation et de proposer des outils appropriés pour en assurer une maitrise. Les Arènes constituent un exercice participatif, mené en huis clos avec des acteurs-clés du territoire couvert par chacune des Maisons de l’urbanisme. Ces acteurs

sont représentatifs de la diversité des manières d’appréhender l’aménagement du territoire. Ils sont élus, militants associatifs, promoteurs, actifs dans des organismes publics ou privés, etc. Ouvertes, les Arènes rassemblent autant des convaincus que de réfractaires ou des sceptiques à la réduction de l’étalement urbain. Chacun a d’excellentes raisons de défendre sa cause et tous les arguments méritent d’être développés. Pour comprendre ces enjeux, il est essentiel d’avoir une visibilité, la plus nuancée, sur les freins et les leviers.

Pourquoi la question de la réduction de l’artificialisation nécessite-t-elle encore aujourd’hui d’être en débat ? Le temps du débat n’est pas achevé car l’écart entre les discours et la pratique est encore grand. Si la prise de conscience des limites de la gestion non parcimonieuse de notre territoire est communément acceptée, force est de constater dans les faits que l’étalement continue sa marche en avant. On autorise encore aujourd’hui des centres commerciaux, des immeubles à appartements ou des lotissements, avec ouverture de voiries et éloignés des centralités sans que ces décisions n’émeuvent la population. Et paradoxalement, les projets denses visant au renforcement des centralités suscitent le plus souvent des réactions tenacement hostiles. Entre l’étape préliminaire de la conscientisation et celle déterminante du passage à la décision-action, il y a une marge considérable. Ce passage sera rendu possible par un basculement sociétal,


L'objectif des Arènes est de tracer des routes vers le « zéro artificialisation ».

comme nous l’enseigne l’histoire des transitions. Et un des éléments fondamentaux, pour moi dans les Arènes, c’est de pouvoir mesurer, en Wallonie et dans chacune des provinces, la capacité et la maturité de notre société à prendre des décisions qui récolteront l’adhésion collective, autour de cet enjeu.

Pourquoi est-ce si difficile d’atteindre le « zéro artificialisation » ? Quels sont les freins ? Sans hésitation, le frein majeur est le plan de secteur ! Tout en étant un garde-fou, le plan de secteur légitime l’urbanisation de territoires mal situés et la consommation de surfaces vierges. À moyen terme, nous devrons travailler à sa révision même si elle est laborieuse en termes de compensations financières, de longueurs procédurales et d’effets impopulaires que sa révision pourrait susciter. Mais, à court terme, il faut remettre sur le métier le travail de planification du territoire tant à l’échelle régionale que locale notamment quand je vois que certains Schémas communaux peinent à renforcer leurs centralités et densités. Il faut aussi, et c’est fondamental, réconcilier tous les acteurs qu’ils soient élus, militants associatifs, promoteurs, etc., avec une vision d’un développement du territoire ajusté aux enjeux. C’est en proposant d’autres modèles de vivre ensemble, générés par des tissus résidentiels denses, que nos choix individuels pourront prendre la mesure de la finitude de nos ressources.

Dans Le Monde diplomatique, l’économiste Cédric Durand et le sociologue Razmig Keucheynan soulignaient que « la pandémie de Covid 19 invite à repenser une société respectueuse des équilibres environnementaux et à la hauteur des enjeux climatiques ». En quoi le « zéro artificialisation » pourrait contribuer à l’émergence de cette société ? C’est l’assise même du « zéro artificialisation », son fondement. Il s’agit de limiter l’utilisation du sol pour laisser à l’agriculture et à la biodiversité une chance de se développer, d’exister, d’une part. Et d’autre part, cet objectif rend possible, par le renforcement des centralités, une mobilité la plus dé-carbonée possible. Le « zéro artificialisation » est, pleinement et concrètement, à la rencontre des enjeux climatiques et énergétiques, qui travaillent notre territoire, et bien au-delà.

Retrouvez l’interview complète sur Espacevie.be

Pour aller plus loin >  Retrouvez la genèse des Arènes du Territoire sur espacevie.be ou dans le numéro 298. >  Les résultats des Arènes seront à retrouver dans Espace-vie et sur mubw.be.

Pour bien comprendre Par artificialisation, on entend tout processus par lequel des surfaces sont retirées de leur état naturel, forestier ou agricole. L’artificialisation induit un changement irréversible, dans l’utilisation du sol au profit de fonctions urbaines (habitat mais aussi surfaces commerciales, services publics, commodités, espaces publics, infrastructures de transports, parkings, etc.). Source : Réduisons l’artificialisation des sols en Wallonie, vadémécum, CPDT, 2019.


C’est arrivé près de chez vous D’un huis clos à une agora, ou comment élargir l’enceinte du débat des Arènes du Territoire : tel est l’objectif du sondage L’étalement urbain, ça vous parle ? Parce que l’étalement nous concerne tous, il nous a semblé important de prendre le pouls de la perception et de l’opinion de citoyens sur un enjeu qui occupe, au-delà du sol, le champ des préoccupations quotidiennes. Texte : Karima Haoudy et Maureen Schmetz Photo : Michiel Hendrickx

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comprendre

Aux origines de l'étalement urbain ? 24% > L'attrait pour la maison individuelle 18% > La voiture 18% > L’attrait pour la « vie à la campagne » 17% > La règlementation urbanistique 13% > Le modèle de consommation 8% > Le besoin de nouveaux logements 2% > Autres (absence d'une stratégie cohérente de planification du territoire à l'échelle

régionale, communale et infra communale, cout du logement, poids de la promotion immobilière, absence de politique(s) volontariste(s) pour stopper l'étalement urbain, etc.)

Limiteriez-vous l’étalement urbain ?

Des visages pour un sondage Le sondage a essentiellement rassemblé des femmes (56%) et, tous genres confondus, des personnes de plus de 50 ans (43 %). On note également une participation de jeunes issus de la génération Y (23%). La grande majorité exerce une activité professionnelle rémunérée (72%). Côté origine géographique, près de 81% des personnes sondées habitent en Brabant wallon. Enfin, la plupart des sondés (73 %) habitent dans un centre qu’il soit urbain ou à caractère rural.

Entre sondage... et mirages De cette diversité sociologique se dessine un trait commun : la presque unanime conviction qu’il faut réduire l’étalement urbain (91%). Un étalement qui est imputable, selon les sondés, à différentes causes dont les principales gravitent autour de nos modèles d’habitat et de mobilité (la maison individuelle annexée à l’usage de la voiture, tout aussi individuelle) et aussi, de nos outils de planification du territoire, obsolètes face aux enjeux actuels. À la question de savoir si la densification est une solution pour réguler l’étalement urbain, émerge une opinion amplement favorable (81%). Mais quand on creuse la perception de la densification, affleurent, à ce niveau, des avis nettement divergents, influencés entre autres par la crise sanitaire du Covid-19 qui a accentué la crainte de la densité et de sa – supposée – promiscuité. Cette crainte, imaginaire ou réelle, est un indice interpellant qui met en relief la nécessité de travailler d’autres modèles de densité et d’en dissiper les mirages. Première leçon éclairante de ce sondage.

91%

Oui, j'aimerais bien

+

7%

2%

Non, je n’aimerais pas

Je ne m’en préoccupe pas

-

Les de l’étalement urbain

et les de l’étalement urbain

35% > Offrir un écrin spacieux avec e.a. des espaces verts généreux

26% > Omniprésence du tout-à-la voiture dû à l’éloignement

26% > Offrir un écrin à l'abri des nuisances dites urbaines : pollution (sonore, visuelle et de l'air), stress généré par la rapidité des rythmes urbains, promiscuité considérée comme vectrice des contagions (résonnance à la crise du Covid 19), etc.

24% > Tous les mêmes : standardisation de nos modes de vie, d'habiter et des visages de nos paysages qui perdent de leur authenticité et intégrité 12% > Couts économiques et sociaux pour la collectivité présente et avenir

10% > Offrir la possibilité d'être propriétaire et d’avoir une source de rentabilité à long terme

10% > Érosion de la biodiversité et conséquences écologiques (pollution de sources et effets divers, réchauffement climatique, inondations, etc.)

2% > Offrir des recettes fiscales juteuses pour les communes

10% > Caractère irréversible : une fois bâti, c'est fini !

27% > Aucun

10% > Un effritement du maillage social dû à la dispersion de l’habitat 8% > Une dispersion des équipements collectifs (magasins, services de soins de santé, écoles, etc.) imputable à la dispersion de l’habitat

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C’

est en parallèle aux processus des Arènes wallonnes du Territoire que nous avons lancé, début septembre le sondage L’étalement urbain, ça vous parle ? via nos réseaux sociaux et nos supports de communication. Quatre-vingt-quatre personnes ont répondu. Et assidument ! Elles n’ont en effet pas été découragées par la densité du questionnaire. La brève analyse que nous vous proposons ici n’a pas la prétention d’être exhaustive, ni représentative de l’ensemble de la population wallonne. Et encore moins définitive puisque ce sondage est toujours en cours. Cependant, ces premiers résultats permettent d’entrevoir les premiers contours d’une perception, citoyenne, de l’étalement urbain.


comprendre Quels sont les inconvénients de la densification ? 16% > Un manque d’espace (logements et jardins plus petits, etc.) 14% > Des risques plus fréquents de conflits de voisinage

Comment limiter l'étalement urbain ? 25% > Reconfigurer nos tissus urbains et ruraux pour y développer une densité combinée à une mixité, à une facilité d’accessibilité et à une attractivité des espaces publics

13% > La promiscuité et le manque d’intimité 9% > La carence de points de respiration visuelle 9% > La perte d’un idéal cadre de vie

22% > Revoir les modes d’habitats : aller au-delà du modèle de la maison individuelle, isolée et réutiliser le bâti existant

6% > L’augmentation de véhicules sur la route

20% > Modifier les outils d’organisation et planification du territoire

5% > Autres (une densification mal organisée, la promiscuité vectrice de la propagation des virus, l'accessibilité, la croyance en « l'effet miracle » de la densification, etc.)

9% > Renforcer l’arsenal fiscal et les avantages financiers

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14% > Un lieu de vie bruyant

8% > Sensibiliser et former les acteurs et les citoyens pour poser les bons choix, individuels et collectifs

5% La pollution

4% > L’insécurité 4% > Une carence de propreté 1% > Aucun

5% > Laisser plus de place à la nature 5% > Reconfigurer nos pratiques de mobilité : freiner l’utilisation de la voiture individuelle et explorer d’autres formes douces et collectives de déplacements

41% Stop

Voiture : stop ou encore ?

45% Encore

14% Pas d'avis

4% > Revoir les préceptes de la « propriété » 2% > Encadrer les promoteurs

L’aménagement du territoire en Brabant wallon : quelles priorités ?

La densification : un moyen pour limiter l’étalement urbain ?

82%

11%

Oui

Non

7%

Pas d'avis

33% > Densifier en maintenant un équilibre entre nature et artificialisation (habitat, services, etc.) 28% > Préserver les paysages et les ressources du territoire (naturelles et bâties) 16% > Favoriser l’accès au logement notamment pour les personnes à faibles revenus et l'accès à la propriété 16% > Développer d’autres formes de mobilité 7% > Encourager la mixité sociale

Pour aller plus loin Affinez notre perception de cet enjeu en complétant le sondage sur mubw.be


cultures

d'un territoire

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© Joëlle Rigaux

Remarquablement timbré Chaque année, quelque 200 à 300 propositions de thématiques arrivent au service philatélique de bpost. Une vingtaine de sujets sont retenus par la Commission Philatélique qui se réunit plusieurs fois par an. 15% de l’ensemble sont gravés à la main selon la technique de la taille douce. En 1989, Guillaume

Broux intervenait comme freelance et gravait deux églises. Aujourd’hui, il est le graveur attitré de bpost et dessine donc 10 à 15 timbres chaque année. Parmi ceux-ci, la série dédiée aux cimetières remarquables dans la collection 2020, avec le cimetière de Court-Saint-Étienne, au centre duquel trône le Mausolée Goblet

d'Alviella, construit à la fin du 19e siècle dans un style éclectique. Remarquable par son patrimoine funéraire, le cimetière de Court-Saint-Étienne l’est également par l’effort de végétalisation. Retrouvez la vidéo consacrée à ce sujet sur le site d’Espace-vie, www.espace-vie.be C. Du.


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Au début était Minecraft Le Liège Game Lab utilise le jeu vidéo de construction comme outil de médiation culturelle dans des projets de réinvention urbanistique. Les jeux vidéos sont aussi objets culturels et, depuis quelques années, sujets de recherche. Texte : Caroline Dunski – Photos : Liège Game Lab

Q

uelque 126 millions de joueurs actifs s’adonnent à Minecraft. Créé en 2011 par le studio Mojang (racheté depuis par Microsoft), ce jeu vidéo de construction, à la manière de Lego, plonge le joueur dans un monde composé de blocs, représentant différents matériaux et formant diverses structures et êtres vivants, existants ou fictifs. Il se joue en mode « créatif » (le joueur ou la joueuse crée un monde à partir de ressources illimitées) ou en mode « survie » (le joueur ou la joueuse affronte des monstres et doit fabriquer des outils pour se défendre). Le Liège Game Lab1 l’a utilisé en mode créatif comme outil de médiation culturelle dans un projet de réinvention urbanistique pour la place du Vingt Août, qui abrite le bâtiment

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Comme le cinéma et la pratique photographique en amateurs, le jeu vidéo donne lieu à des sociologies affinitaires. Pierre-Yves Urel

1. Le Liège Game Lab, créé en janvier 2016 et émanation du Lemme (Laboratoire d’étude sur les médias et la méditation, fondé fin 2013 au sein du département des Arts et sciences de la communication de l'ULG), est un laboratoire de recherche interdisciplinaire qui travaille sur le jeu vidéo comme objet culturel.

central de l’Université de Liège (ULg). LiègeCraft est un dispositif interrogeant le réel et proposant une série de relations à l’espace public, par le biais du jeu vidéo. Les « LiègeCrafteurs » prennent part à des ateliers dans lesquels leur mission est de reproduire Liège dans ses moindres détails, sur des cartes 3D, à partir de photographies, de prises de vue en réalité virtuelle, de visites in situ, etc. Ensuite, dans le cadre du « LiègeCraft Challenge », ils repensent la ville et la transforment.

Une version steampunk de la Place Cockerill, élaborée lors du LiègeCraft Challenge.


LE JEU VIDÉO OBJET CULTUREL Pour Pierre-Yves Hurel (ULg), qui a consacré sa thèse de doctorat à la pratique du jeu vidéo en amateur, « on peut faire le parallèle entre la création de jeux vidéo à partir de logiciels libres et les clubs de cinéastes ou de photographes amateurs. Comme ces disciplines, le jeu vidéo donne lieu à des sociologies affinitaires. On voit émerger énormément de clubs d’electro-gaming. Beaucoup de relations sont nourries par les jeux vidéo, comme par toute production culturelle. Les joueurs se regroupent en communauté en ligne pour s'entraider, critiquer leurs jeux, débattre des qualités et défauts d’un jeu, ils vont regarder les autres jouer… On a souvent cette image très caricaturale de la personne en fusion avec son écran, mais quand je lis un livre, personne ne vient me dire ‘lâche ça et va dans un parc’. Quelqu’un qui lit va dans des librairies, peut s’essayer à la critique, à l’écriture… Pour les joueurs de jeux vidéo, c’est le même schéma. »

LE JEU VIDÉO SUJET DE RECHERCHE Pour Pierre-Yves Hurel (ULg), le jeu vidéo est un sujet de recherche aussi légitime que le cinéma, la littérature, l’architecture et tous les autres domaines artistiques. « Les recherches sur les jeux vidéo ont commencé au début des années 2000 côté anglophone et vers 2004-2005 côté francophone. Depuis lors, la recherche a beaucoup évolué et elle est devenue aussi normale que la recherche consacrée à d’autres médias. » Dès janvier 2021, l’ULg et la Haute École de la Ville de Liège (HEL) lancent un certificat (de 20 crédits) intitulé « Travailler avec la culture vidéoludique ». Il permettra aux enseignants et aux animateurs de différents organismes culturels de comprendre, analyser et partager une culture spécifique comportant ses propres codes, son langage spécialisé, ses références, ses genres et ses conceptions du monde.


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9 PISTES D’AMÉNAGEMENT Neuf idées citoyennes inspireront les projets de réaménagement de la Place de la Station, à Houtain Saint-Siméon.

De la médiation à la participation Le dispositif était présenté à Mons fin 2019, lors du 4e colloque « Agir dans la ville. Art et politique dans l’espace urbain ». À cette occasion, l’équipe du Liège Game Lab soulignait que « la capacité de destruction, certes restreinte par les composantes du dispositif et les paramètres ludiques de Minecraft, induit également un transfert de pouvoir aux animés : la capacité de s’émanciper dans la production de cartes, traditionnellement réservée à d es initiés (professionnels, institutions, pouvoirs publics, etc.). Cependant, ce pouvoir reste relativement symbolique et le dispositif LiègeCraft doit être imaginé comme un outil d’éducation populaire – voire, osons le mot, d’éducation politique – à placer dans un dispositif de médiation. »

Travailler sur la végétalisation Moderniser l’espace de jeux pour enfants Créer une piste cyclable reliée au Ravel Installer des bacs potagers gérés par les riverains Créer un éclairage public esthétique Enterrer les bulles à verres

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Réaménager l’espace de stationnement

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Limiter la vitesse de circulation à 30 km/h Organiser un cheminement piéton

Reproduction 3D de la Place Cockerill comme point de départ du LiègeCraft Challenge.

La participation citoyenne ne se met pas en place très facilement. Elle nécessite que les gens surmontent leurs a priori, qu’ils soient conscients qu’il n’y a pas de manipulations ou de mensonges. Wendy Magermans

À la suite du colloque, le service Citoyenneté de la commune d’Oupeye a confié au Liège Game Lab la mission de concevoir OupeyeCraft comme outil de participation citoyenne au réaménagement de la Place de la Station, à Houtain Saint-Siméon, une des sept entités de la commune. Objectif du projet : rénover cette place un peu vétuste dès 2021, en incluant les citoyens au processus, afin qu’elle plaise au plus grand nombre, y compris les plus jeunes, et soit pleinement utilisée par les habitants. Deux Cafés citoyens ont d’abord rassemblé les habitants, les associations et les commerçants du petit village de 2 000 âmes, pour discuter du projet communal et lancer les premières pistes d’aménagement. Le service Citoyenneté a ensuite invité les citoyens à télécharger les cartes d’OupeyeCraft pour y apporter tous les aménagements souhaités. Les cartes permettant de visualiser les suggestions d’aménagement de la Place de la Station devaient être rentrées pour le 15 octobre, afin d’être exposées publiquement et soumises au vote.


interview

Dans LiègeCraft ou OupeyeCraft, Minecraft est utilisé comme outil d’animation pour nourrir les imaginaires. À Liège, d’octobre à décembre 2019, à travers des ateliers créatifs de médiation culturelle, un dialogue sur l’espace public et sur son aménagement s’est engagé entre les citoyens, les associations et les institutions publiques. L’objectif principal du projet était de favoriser le développement d’une communauté participative, sensibilisée aux projets liés à l’urbanisme et au patrimoine. « Le médiateur culturel y joue le rôle de liant, en tant qu’il permet de coordonner les animés dans l’appréhension de l’espace comme étant double : un espace de représentation en tant que carte d’un lieu réel parcouru à chaque atelier, ainsi qu’un espace virtuel habité, vécu et expérimenté pour lui-même. » Les animés étaient invités à s’approprier la carte reproduisant les moindres détails du quartier de l’ULg afin d’imaginer leur propre version. « Deux types de projets ont été observés. D’une part, des itérations mélioratives induisaient une reconfiguration du réel et visaient donc à modifier la carte comme représentation de Liège. D’autre part, des projets visaient à modifier la carte vidéoludique en tant que LiègeCraft, espace virtuel dont le réel est soustrait. Il en a résulté un double habiter : habiter Liège ou habiter LiègeCraft. »

Surmonter les a priori « La participation citoyenne ne se met pas en place très facilement, souligne Wendy Magermans, stratégiste en participation citoyenne. Elle nécessite que les gens surmontent leurs a priori, qu’ils soient conscients qu’il n’y a pas de manipulations ou de mensonges. La crise sanitaire n’a pas encouragé les gens à se déplacer pour participer aux séances d’ateliers prévues dans l’école communale. Celles-ci ont aussi dû être reportées à deux reprises. L’idée d’utiliser le jeu était chouette, mais la réalisation à distance n’a pas permis de franchir l’obstacle de l’a priori négatif sur les jeux vidéos. Néanmoins, les deux cafés citoyens, qui ont chacun réuni une cinquantaine de personnes, parfois les mêmes, ont sans doute permis de faire le tour de la question et les neuf idées qui ont émergé à cette occasion inspireront les projets de réaménagements de la place. OupeyeCraft aurait ajouté une couche supplémentaire à la participation citoyenne et la commune ne renoncera pas à utiliser le jeu vidéo pour d’autres appels à participation citoyenne. »

Hamza Bashandy, chercheur à la faculté d’architecture de l’ULg, qui consacre sa thèse doctorale à la représentation des cartes, de l'espace et de l'architecture dans les jeux vidéo. Propos recueillis par C. Du.

Des jeux comme Pokémon Go, Géocaching, Assassin’s Creed peuvent-ils servir à la réhabilitation de lieux-dits et/ou patrimoniaux ?

Si vous utilisez le terme « réhabilitation » dans un contexte d’héritage culturel, les questions qu’il faut se poser dès le début est pourquoi veut-on réhabiliter un espace ou un lieu ? Pourquoi il a été abandonné et quel est son positionnement géographique par rapport à la ville et aux communautés voisines ? Dans les trois exemples que vous citez, on peut distinguer deux catégories différentes : Pokémon Go et Géocaching sont des « location-based games », qui dépendent d’espaces et de cartes physiques et existantes, tandis qu'Assassin's Creed est un jeu vidéo qu'on joue avec des consoles (PC, PS, etc.). Le jeu se déroule dans des espaces qui résultent d'un mélange entre le réel et le fictionnel. Il existe des recherches sur l'impact de jeux tels qu’Assassin's Creed sur la mémoire et la nostalgie qu'ils créent1. Les « location based games » ont bien sûr le potentiel pour attirer les joueurs et les joueuses dans certains endroits, mais il faut se demander ce qui a motivé le choix de lieux-dits et /ou patrimoniaux dans le chef du créateur ou de la créatrice du jeu. Est-ce que le jeu est développé par des gouvernements ou des ASBL pour des projets de patrimoines spécifiques ou est-il développé par des entreprises commerciales, comme Niantic, le développeur de Pokémon Go, avec des intérêts plutôt capitalistes ?

Ces jeux contribuent-ils à un renforcement des inégalités géographiques entre les quartiers à la mode et les communes pauvres comme Molenbeek, comme l’a souligné le quotidien flamand Het Laatste Nieuws au moment de la sortie de Pokémon Go ?

En fait, je ne suis pas sûr que le mot « contribution » fonctionne bien dans ce contexte. Les communes comme Molenbeek sont déjà le résultat des systèmes d'exclusion et de ségrégation appliqués par les gouvernements et les autres communautés. Je ne pense pas qu'une entreprise comme Niantic aura un intérêt à appliquer de la justice spatiale dans son jeu. Pour moi, ces jeux justifient plutôt cette injustice. Le premier but d’entreprises telles que Niantic (Pokémon Go) ou Mojang (créature de Minecraft Earth) est le profit. Elles collaborent avec d’autres enseignes commerciales qui les rémunèrent pour avoir des Pokémons proches de leur magasin et donc avoir plus de clients. 1. Video Games as Objects and Vehicles of Nostalgia, Péter Kristóf Makai, 2019, ou The Fantasy That Never Takes Place: Nostalgic Travel in Videogames, Christopher Goetz, 2018.

23 espacevie.be |   novembre 2020

LE JEU VIDÉO OUTIL DE MÉDIATION

Jeux et justice spatiale


publication

De la créativité urbanistique Arpentez le territoire de la créativité urbanistique en Brabant wallon à travers la prochaine édition d’un corpus de fiches éponymes, réalisé à l’initiative du Brabant wallon, en collaboration avec notre Maison de l’urbanisme.

D’

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Ittre à Jodoigne en passant par Louvain-la-Neuve, vous découvrirez autant de projets que de façons innovantes et astucieuses d’aménager et de ménager le territoire du Brabant wallon. Si la première édition vous emmène à la découverte de neuf projets aux fonctions variées (du centre du visiteur de l’abbaye de Villers-la-Ville à la résidence hospitalière Lennox en passant par une kyrielle de maisons neuves ou recyclées), la deuxième édition fait escale dans trois manières différentes d’habiter le territoire du Brabant wallon : Maison RD à Beauvechain, Logement BO et quartier Li Bia Bouquet, tous deux situés à Walhain.

Vous souhaitez recevoir cette publication (gratuite) ? Contactez-nous : m.urbanisme@ccbw.be

Inspirant, ce corpus aspire à être aussi didactique. Chaque projet fait en effet l'objet d'une présentation du contexte bâti et non bâti dans lequel il s’insère, pour ensuite vous partager les solutions urbanistiques et architecturales qui ont été déployées par les différents acteurs (architectes, maitres d’ouvrages, habitants, etc.).

Du corpus à l’écran : zoom sur la créativité

Et pour prolonger votre exploration, quoi de mieux que de vous immiscer dans ce laboratoire de la créativité à travers des capsules vidéos qui vous relatent – à travers le récit des architectes, commanditaires et/ou usagers – la genèse des trois projets lauréats primés par le Prix de l'Urbanisme et de l'Architecture (Maison VC, AGC Glass Europe et Centre du visiteur de l'abbaye de Villers-la-Ville).

Trois projets de taille et de contextes différents qui répondent, chacun à leur manière, aux préoccupations contemporaines : réduire notre empreinte écologique dès la pose de la première pierre, inventer de nouvelles formes de constructions qui misent sur le durable/ renouvelable, faire de l’habitant et/ou de l’usager l'auteur de sa maison, utiliser avec parcimonie le foncier, insérer humblement le contemporain dans le tissu bâti préexistant et enfin, réaliser concrètement – par l’architecture et l’urbanisme – une mixité sociale.

Suivez cette genèse via : www.mubw.be/activite/publications/


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