Le Mag des Deux Magots - Hiver 2019/2020

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CULTURE

LE MYSTÈRE DES

DEUX MAGOTS

§ Énigmatiques et hypnotiques, les deux célèbres statues règnent depuis plus d’un siècle sur le plus célèbre café de Saint-Germain-des-Prés.

Pour tenter de retrouver l’origine des deux magots, célèbres statues de mandarins chinois dont tire son nom le mythique caférestaurant de Saint-Germain-des-Prés, il faut remonter le cours de l’Histoire. En 1813, au 23 rue de Buci, l’un des premiers magasins de nouveautés de Paris ouvre ses portes sous l’enseigne « Les Deux Magots ». On y commerçait des objets de luxe dont des soieries venues de Chine. L’heure, à l’époque, est au commerce grandissant avec l’Extrême-Orient. Ainsi, assez logiquement, le nom du magasin est en rapport avec l’origine des beaux produits vendus, s’inspirant en l’occurrence d’une pièce de théâtre à succès, Les Deux Magots de la Chine de Charles-Augustin Bassompierre dit Sewrin. Si l’on en croit Balzac dans son dictionnaire critique et anecdotique des enseignes de Paris, point de statues alors mais un grand tableau figurant deux chinois lutinant une jeune chinoise et signé Abel de Pujol. « Vous avez été bien chiche, M. Le peintre ; comment donc ne peindre que deux magots quand c’est l’un des magasins les plus achalandés de la capitale ? » écrit Balzac. Soixante ans plus tard, l’avènement des grands magasins parisiens précipite le déclin des magasins de nouveautés. De nouveaux propriétaires tentent de redresser la barre en installant Les Deux Magots à leur emplacement actuel, place Saint-Germain-des-Prés.

Les deux statues ne semblent pas pour autant apparaître avec ce nouveau magasin qui va péricliter dix ans plus tard. En effet, dans Le Petit Pierre, paru en 1918, Anatole France se souvient : « Ma mère qui était du boulevard Saint-Germain allait aux Deux Magots (…). Les Deux Magots a disparu et peut-être suis-je le seul au monde à me rappeler la grande peinture à l’huile qui y servait d’enseigne et représentait une jeune chinoise entre deux de ses compatriotes ». En 1881, Les Deux Magots deviennent un entrepôt de stockage pour le grand magasin du Printemps, victime d’un incendie. Peu de chances d’y voir alors installées deux œuvres d’art orientales. En 1884, un liquoriste y installe une cave à vins que fréquentent Verlaine, Rimbaud, Mallarmé ou Oscar Wilde. C’est probablement à ce moment-là que les deux magots viennent orner le lieu. Car quand Auguste Boulay rachète en 1914 la cave à vins et y entreprend de luxueux travaux pour en faire le magnifique café d’aujourd’hui, il décide de conserver le nom et les deux statues du lieu, marque d’un passé dont le présent a besoin pour s’épanouir. Mais le mystère n’est qu’à moitié résolu. Si l’on parvient à dater l’arrivée des Deux Magots boulevard Saint-Germain, on ignore toujours qui les a sculptés...

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