La condition post-photographique

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n ta tio ber c e u d i r n tc a l Fo us an o S Jo de




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PRÉFACE Le Mois de la Photo à Montréal (MPM) mobilise un nombre impressionnant d’experts en arts visuels et il occupe une place marquante sur la scène internationale de l’art contemporain. Plateforme ambitieuse pour les démarches commissariales novatrices, le MPM encourage l’excellence artistique, identifie les plus récentes tendances et favorise l’expérimentation. La biennale prépare le terrain pour une compréhension critique des discours actuels sur la photographie et constitue un lieu de dialogue ouvert sur l’image contemporaine. Grâce à un commissariat rigoureux et à un programme d’expositions engageant, qui présente des artistes canadiens et internationaux, établis et émergents, la biennale se place à l’avant-garde des recherches sur la photographie contemporaine et l’image en mouvement. Notre collaboration avec des spécialistes de l’art, des chercheurs universitaires et des commissaires de renom participe à enrichir la réflexion sur le médium. La biennale 2015 présente plus de cent œuvres de vingtneuf artistes issus des cinq continents, dont certaines productions spécialement créées pour sa 14e édition. Pour Le Mois de la Photo à Montréal 2015, j’ai eu le bonheur de travailler avec le commissaire invité Joan Fontcuberta – artiste, globe-trotter, fin gourmet et homme aux multiples talents. Travailler avec Joan sur La condition post-photographique, thème qui lui tient à cœur et qui fait grandement partie du discours actuel sur les arts visuels, a été un plaisir et une aventure. Pour cette édition d’envergure internationale, nous avons réuni un groupe d’artistes talentueux partageant des préoccupations qu’ils explorent de manières fort différentes, et avons choisi plusieurs artistes dont le travail est présenté pour la première fois en Amérique du Nord.

L’un des principaux intérêts du MPM est de mettre l’accent sur le débat, la recherche et l’analyse, pour avancer l’étude et la production des pratiques contemporaines de l’image. À cette fin, le MPM a invité quatre auteurs éminents, soit Derrick de Kerckhove, Suzanne Paquet, Fred Ritchin et David Tomas, à participer à la publication afin d’ajouter leurs propres points de vue sur le thème. Le présent ouvrage vise à ouvrir différentes pistes de réflexion critique sans pour autant en tirer des conclusions. Il en résulte un ouvrage de référence fascinant et foisonnant d’idées sur la condition post-photographique. Le Mois de la Photo à Montréal est une opération vaste et complexe, et sa réussite dépend des centaines de personnes qui y contribuent, à commencer par le commissaire invité, dont les idées sont le point de départ de la biennale, de même que les artistes qui sont au cœur du projet ; les auteurs de la publication et les conférenciers qui enrichissent le thème avec leurs visions, leurs approches et leurs voix ; les responsables des lieux d’exposition exceptionnels qui jouent un rôle primordial dans le développement de la biennale ; ainsi que les partenaires financiers, experts, consultants, amis et autres collaborateurs qui sont tout aussi essentiels qu’appréciés. Et n’oublions surtout pas ceux et celles qui travaillent dans l’ombre, le moteur de la biennale, entre autres l’équipe du MPM, son conseil d’administration ainsi que les stagiaires et les bénévoles qui consacrent temps et énergie pour que cette imposante mécanique roule à merveille. Nous avançons fièrement, sachant que ce que nous présentons est à la fois pertinent et stimulant. Kat i a M e i r D i re ct r i c e gén éra l e



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INTRODUCTION UN REGAR D INFINI, UNE IMAGE DISSOLUE — J oa n Fontc u b e rta   Nous subissons une inflation des images sans précédent. Cette inflation est non pas l’excroissance d’une société hypertechnicisée, mais plutôt le symptôme d’une pathologie culturelle et politique, dont émane le phénomène post-photographique.   La post-photographie renvoie à la photographie qui déferle dans l’espace hybride de la sociabilité numérique, une conséquence de la surabondance visuelle. L’iconosphère n’est plus une simple métaphore : nous habitons l’image, et l’image nous habite.

Joan Fontcuberta, « Por un manifiesto postfotográfico », dans le cahier hebdomadaire « Cultura/s » du quotidien La Vanguardia (Barcelone), 11 mai 2011. En ligne : http:// www.lavanguardia.com/cultura /20110511/54152218372/ por-un-manifiesto-posfoto grafico.html (consulté le 1er juin 2015). [Notre traduction.] Une version anglaise de ce texte a été publiée dans Adam Bell et Charles H. Traub (dir.), Vision Anew: The Lens and Screen Arts, Oakland, University of California Press, 2015, p. 254-261.

1.

Dans le contexte de la post-photographie, la vérité et la mémoire – autrefois des fondements de la photographie – cèdent le pas à la connectivité et à la communication. La photographie fait son entrée dans le club SoLoMo (SOcial, LOcal, MObile). L’usage prévaut dès lors sur la littéralité. L’image perd sa dimension magique et se sécularise. La massification la rend triviale : les moments exceptionnels (instants décisifs) sont supplantés par les moments banals (instants non décisifs). Le mandat de stabilité et de persistance de la photographie se voit remplacé par celui de contamination et d’instantanéité. Le document se replie dans l’inscription autobiographique, tandis que le récit et les gestes conversationnels prennent le pas sur la description. Le désir d’immanence et d’immortalité fait place au désir de transitivité et de simultanéité. L’économie des ressources se soumet à la transmédialité. La dictature des écrans régit le nouvel ordre visuel.   Pour analyser ce nouvel ensemble de circonstances, nous proposons ici quelques pistes de réflexion qui privilégient des facteurs épistémologiques et anthropologiques : Comment notre relation aux images s’est-elle transformée ? Quels nouveaux espaces significatifs les images occupent-elles dans nos vies ?   Les pratiques post-photographiques, qui sont multiples et hétéroclites, constituent une réponse à ces questions. Les présupposés derrière ces pratiques pourraient se résumer en dix points, le décalogue post-photographique1 :

1. Sur le rôle de l’artiste : il ne s’agit plus de produire des « œuvres », mais de prescrire du sens. 2. Sur la posture de l’artiste : l’artiste se confond avec le commissaire d’exposition, le collectionneur, l’enseignant, l’historien, le théoricien… Autant de facettes du caméléon qu’est devenu l’auteur. 3. Sur la responsabilité de l’artiste : une écologie du visuel qui pénalise la saturation et qui favorise le recyclage s’impose. 4. Sur la fonction des images : la circulation de l’image prime sur son contenu. 5. Sur la philosophie de l’art : les discours sur l’originalité perdent leur légitimité et les pratiques appropriationnistes se normalisent. 6. Sur la dialectique du sujet : l’auteur se camoufle ou se trouve « dans le(s) nuage(s) ». Les modèles de l’auteur sont redéfinis : coauteurs, création en collaboration, interactivité, stratégies d’anonymat et œuvres orphelines. 7. Sur la dialectique du social : disparition des tensions entre le privé et le public. L’intimité en tant que relique. 8. Sur l’horizon de l’art : la dimension ludique a préséance sur l’anhédonie (caractère solennel et ennuyeux) dans laquelle l’art hégémonique trouve souvent refuge. 9. Sur l’expérience de l’art : les pratiques de création privilégiées sont celles qui nous habituent à la dépossession ; il vaut mieux partager que posséder. 10. Sur la politique de l’art : ne céder ni au glamour ni au marché de manière à s’inscrire parmi les agitateurs de conscience.   La post-photographie confirme essentiellement la dématérialisation de la notion d’auteur à la suite de la dissolution des concepts d’originalité et de propriété. Elle invite toutefois également, en actualisant le discours de Benjamin, à repenser le statut de l’œuvre d’art à l’heure de l’appropriation numérique. La révolution numérique est à l’origine d’une autre dématérialisation, celle des contenus,


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et leur diffusion sur Internet confère aux œuvres une fluidité qui dépasse les moyens existants. Dans ce contexte, non seulement l’« appropriation » est une caractéristique du contenu numérique, mais elle s’impose comme le nouveau paradigme de la culture post-photographique.   Le recyclage et le remixage s’affirment, et l’acte artistique met l’accent sur l’exercice de sélection et de classement selon des critères opératoires d’analogie visuelle, sans tenir compte de l’origine ou de la paternité des images. La création repose donc sur les affinités électives, sur le résultat d’actes critiques de sélection, où il est davantage question d’« adoption » – du latin ad optare, qui signifie « à choisir » – que d’« appropriation ». L’appropriation privilégie la transgression du vol ; l’adoption, en revanche, privilégie l’acte de choisir. Adopter des images signifie les resémantiser, leur donner une nouvelle vie, les aider à retrouver un sens – comme dans le cas où une personne élève un enfant qu’elle n’a pas conçu ou mis au monde.   Au regard de l’ensemble de ces questions, La condition post-photographique s’articule autour de trois axes conceptuels (« Un nouvel ordre visuel », « La réalité reloadée » et « Revisiter le sujet »), à partir desquels se déclinent les thèmes du statut de l’image, des formes de négociation avec le réel et de la critique du sujet. Avec leurs projets de filiation post-photographique, les vingt-neuf artistes contemporains participant à la biennale illustrent ou subvertissent ces catégories, démontrant ainsi que la diversité de leur création résiste aux schématisations rudimentaires et suppose plutôt un modèle de structure nodale où les propositions s’influencent les unes les autres.   Quatre auteurs réputés se joignent également à l’aventure intellectuelle de La condition post-photographique afin d’enrichir le débat sous des angles particuliers. David Tomas2 ouvre le bal avec un texte dans lequel il condamne le fait que nous traitons la photographie de façon isolée plutôt que selon une approche intersystémique, c’est-à-dire qui tient

compte du contexte de communication et de transmission de l’information dans toute sa diversité. Il conclut, de manière provocante, que toutes les pratiques radicales de la photographie ont déjà été post-photographiques et propose le film L’Homme à la caméra (1929) de Dziga Vertov comme manifeste anticipé de la post-photographie. Suit l’essai de Derrick de Kerckhove, pour qui le domaine de la post-photographie – qu’il préfère appeler la « photographie augmentée » – se limite à un type d’images fixes obtenues par l’hybridation d’images vidéo et multimédias. L’auteur y analyse des exemples de créations photographiques comportant des dispositifs interactifs. La viabilité du photojournalisme et des pratiques documentaires à l’ère post-photographique est analysée par Fred Ritchin, assurément le premier à s’être penché sur cette question. Après la déconstruction du documentaire, Ritchin plaide dans ce texte en faveur de sa reconstruction. Et, enfin, Suzanne Paquet s’intéresse au cyberespace, ce nouvel espace public au sein duquel les images dédoublent, reflètent, reproduisent et produisent le monde. Dans cet espace, les photographies déferlent sous l’impulsion de leur énergie cinétique et favorisent les pratiques en tous genres.   En définitive, l’interprétation spéculative que nous offrons ici n’échappe ni au risque de l’immédiateté ni à celui de l’absence de distance historique. La raison en est que nous nous préoccupons non pas de fossiles, mais de créations bien actuelles. Plus que de prétendre offrir des conclusions définitives, ce qui serait peut-être présomptueux, nous sommes portés par le plaisir de partager notre curiosité et nos découvertes. Autrement dit : Observez ce qui arrive ! Du point de vue de la maximisation de l’entropie, il s’agirait de mettre un peu d’ordre dans le chaos visuel actuel : prendre conscience de ce qui se passe et tenter de le comprendre. Selon les données disponibles, Tomas serait le premier auteur à avoir utilisé le terme « post-photographie ». Voir « From the Photograph to Postphotographic Practice: Toward a Postoptical Ecology of the Eye », SubStance, no 55, 1988, p. 59-68.

2.



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La condition post-photographique — J oa n Fontc u b e rta

Bye bye la photographie   « Qu’y a-t-il dans un nom ? » se demande Juliette. « Ce que nous appelons une rose embaumerait autant sous un autre nom. » En écho au personnage de Shakespeare, nous pouvons nous demander ce que suppose le néologisme « post-photographie »… et quelle en est l’odeur. La post-photographie ne sent ni l’acide acétique de la chambre noire ni la poussière accumulée sur un album souvenir rempli de photos sépia. Le fait est que nous ne savons pas ce qu’elle sent, nous savons seulement ce qu’elle ne sent pas. Geoffrey Batchen a abordé cette idée dans plusieurs ouvrages, voir entre autres : Each Wild Idea: Writing, Photography, History, Cambridge (Mass.), MIT Press, 2002.

1.

Il faudrait donc commencer par reconnaître le malaise que suscite le terme « post-photographie ». Post indique l’abandon ou l’expulsion. Une porte qui se ferme derrière nous, clac!… et nous entrons dans une postérité. Le préfixe post évoque également un adieu. Mais qu’abandonnons-nous ? Dans quelle postérité nous installons-nous ? À quoi disons-nous adieu ? Lorsqu’on franchit une porte, la perception de sortir ou d’entrer dépend du lieu d’où l’on se situe pour observer l’action : une porte qui se ferme est une porte qui s’ouvre. Dans le contexte du mot « post-photographie », nous nous entêtons à regarder dans le rétroviseur ce que nous laissons derrière nous, et nous ne nous intéressons pas à ce qui se présente devant. C’est là une erreur, voire un impair, sur le plan stratégique, puisque le mot « post-photographie » en vient à désigner non pas ce qu’il est, mais plutôt ce qu’il n’est pas. Et en ce sens, il traduit un échec, non pas du langage et de la nomenclature, dans leur obsession nominaliste, mais un échec occasionné par une certaine nostalgie et un certain déracinement.   À l’aube du XIXe siècle, le choix du nom donné aux images rudimentaires produites avec la lumière a également fait l’objet d’hésitations, jusqu’à ce que le terme « photographie », inventé par Herschell, parvienne à s’imposer. Dans le cas qui nous occupe, le problème ne se limite pas aux mots. Nous assistons non pas à la naissance d’une technique, mais à la transmutation de certaines valeurs fondamentales. Sa carcasse reste indemne ; c’est son âme qui

se transforme selon une sorte de métempsychose. Nous sommes témoins non pas de l’invention d’un procédé, mais de la désinvention d’une culture : le démantèlement de la visualité que la photographie a déployé de façon hégémonique durant un siècle et demi.   Si le passage de la peinture à la photographie a marqué une rupture tangible, celui de la photographie à la post-photographie a constitué une fracture invisible. Il s’agit bien d’une fracture, puisque ses conséquences annulent ou rendent obsolète la phase antérieure. La photographie a simplement provoqué un changement de trajectoire de la peinture, elle ne l’a pas rayée de la carte ; c’est tout le contraire de ce qui s’est passé dans la confusion de la post-photographie et de la photographie, où cette dernière semble avoir été engloutie. Et cette fracture est invisible parce que les usagers n’ont pas remarqué de changement, et qu’en toute candeur ils continuent d’appeler photographie ce qu’ils font. Bien sûr, ils sont conscients des progrès technologiques en matière d’appareils disponibles et de leurs applications sociales, mais le changement profond qui s’est opéré est resté dans l’ombre. C’est donc à juste titre que Geoffrey Batchen estime qu’il ne faut pas penser un « après », mais plutôt un « au-delà » de la photographie1. La postphotographie se cache au-delà de la photographie, qui devient alors la simple façade d’un édifice dont la structure intérieure aurait été remodelée en profondeur. Cette structure intérieure est conceptuelle et idéologique. C’est précisément la substitution de plusieurs de ses fonctions d’origine et de ses caractéristiques ontologiques qui est à l’origine de la condition post-photographique ; une substitution qui peut également être interprétée comme un dépassement : la post-photographie serait ce qui dépasse ou transcende la photographie. Du moins, la photographie telle que nous l’avons conçue jusqu’à présent.


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La post-photographie expliquée aux enfants   Le terme « post-photographie » fait son apparition dans le monde académique au début des années 1990. Certains théoriciens ont limité sa portée aux pratiques associées au postmodernisme (d’ailleurs, des textes et des anthologies s’inscrivant dans cette orientation paraissent encore aujourd’hui). D’autres ont attribué sa signification aux effets de la technologie numérique. La banalisation des appareils numériques et des numériseurs à coût abordable, de même que des ordinateurs personnels et des programmes de traitement de l’image et de retouche électronique – parmi lesquels Photoshop allait devenir une référence –, a apporté la certitude que la photographie inaugurait une nouvelle ère. Il ne s’agissait plus de simples progrès techniques comme ceux qui, d’évidence, se sont succédé dans l’histoire du médium, depuis les daguerréotypes aux appareils électroniques hautement automatisés. Quelque chose de plus profond et de plus substantiel bouleversait alors l’ontologie de l’image et la métaphysique de l’expérience visuelle, comme si le passage de l’argent au silicium avait fait éclater toutes les équations alchimiques. Une photographie réalisée à l’aide d’une mosaïque de pixels directement manipulables allait ébranler les mythes fondamentaux de l’indexicalité et de la transparence sur lesquels reposait le consensus de crédibilité à l’égard des produits de la photographie. Pour la photographie numérique, la vérité constituait un choix, et non pas une quête obstinée.   Le discours sur la vérité visuelle a donc monopolisé une bonne partie du débat initial, dont l’objectif était d’étudier l’incidence de ce discrédit progressif sur les différents champs de la pratique photographique, allant de la photo-souvenir au photo-journalisme. Il y avait également des voix dissonantes qui affirmaient que le public était victime d’un mirage. Au fond, on disait que rien ne changeait

en substance parce que les images étaient toujours réalisées en fonction des propriétés de la lumière et de l’optique, maintenant ainsi les mêmes conventions pictoriales du modèle réaliste2. On prétendait également que, depuis ses débuts, l’image photographique avait été exposée à toutes sortes de manipulations, fût-ce par le recours à la rhétorique subjective, au photomontage ou aux multiples ressources de l’édition graphique. Les outils pouvaient changer, mais les possibilités de mentir existaient déjà. Ce n’est pas faux, mais, dans le cas présent, la question post-photographique est confrontée à un réductionnisme sous-jacent, dans la mesure où la discussion met exagérément l’accent sur les outils, c’est-à-dire sur la technologie. Parce que la question portait non pas sur le fait que la photographie numérique pouvait aussi mentir, mais sur la façon dont l’habitude et la facilité au mensonge numérique aiguisait l’esprit critique du public. L’essentiel se situait donc non pas dans la technologie numérique, bien qu’elle ait servi de catalyseur, mais dans le scepticisme croissant et généralisé de la part des spectateurs : une attitude inédite et irréversible, un saut épistémologique qui témoignait de la fin du contrat social de la photographie qui avait prévalu jusqu’alors – le protocole de confiance envers la notion de preuve photographique.   En fait, l’ère post-photographique s’est consolidée au cours de la décennie suivante. Le changement de millénaire a été marqué par une seconde révolution numérique, caractérisée cette fois par la prépondérance d’Internet, des réseaux sociaux et de la téléphonie mobile. Tous les aspects de la vie, allant des relations personnelles à l’économie en passant par la communication et la politique, ont été ébranlés : le monde est devenu un espace régi par l’instantanéité, la mondialisation et la dématérialisation. Ce qui importe, c’est non pas tant que ce nouveau monde aura un énorme impact sur l’image, mais plutôt le fait que l’image constituera la fibre principale de celui-ci.

Cette vue changera, évidemment, avec la génération d’images de synthèse photoréalistes et l’apparition des imprimantes 3D.

2.


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Un éclatement d’images   La profusion des images qui entretient ce capitalisme des apparences découle non seulement des besoins des médias et du marché, mais aussi des instances officielles et des entreprises qui ont contribué à l’omniprésence des caméras de surveillance et des systèmes de reconnaissance faciale, des dispositifs satellitaires et autres engins automatisés de captation d’images. Mais la vraie nouveauté consiste en la participation à cette frénésie de l’homo photographicus, espèce vers laquelle l’être humain a évolué en réaction à un environnement caractérisé par une prolifération des appareils photo de poche bon marché et des téléphones cellulaires munis d’appareils de prise de vues faciles à manier et qui produisent des photos sans frais. Pour la première fois de l’histoire, nous sommes tous producteurs et consommateurs d’images. L’ensemble de ces circonstances simultanées a provoqué une avalanche d’images pratiquement illimitée. L’image n’a plus un rôle de médiation avec le monde, elle en est l’amalgame, quand elle n’en est pas la matière première. José Luis Brea, Las tres eras de la imagen: imagen-materia, film, e-image, Madrid, Akal, 2010, p. 67. [Notre traduction.]

3.

Zygmunt Bauman, Liquid Modernity, Cambridge (R.-U.), Polity, 2000.

4.

Nous vivons par conséquent à une époque où les images sont abordées sous l’angle de l’excès, une époque où nous parlons davantage des conséquences asphyxiantes de la production en masse que de son potentiel d’émancipation, pour reprendre la vieille dialectique entre « apocalyptiques et intégrés ». Les notions d’excès d’images, d’hypervisibilité et de voyeurisme universel – qui semblent aussi causer une forme d’aveuglement ou d’insensibilité –, cette apparente « épidémie des images », méritent une analyse critique plus profonde qui tienne compte non seulement des conditions spécifiques de l’image, mais aussi de ses logiques de gestion, de diffusion et de contrôle – à propos desquelles les artistes Harun Farocki et Antoni Muntadas, notamment, n’ont eu de cesse de nous alerter. On observe un phénomène d’élimination massive des images dans cette apparente abondance. Les politiques de l’image sont moins liées à leur excès qu’à la capacité de les supprimer, de les soustraire ou de les censurer. Le modèle de l’œil humain comme dispositif de vision disparaît peu à peu au profit d’une nouvelle logique de production visuelle qui privilégie une approche où les images sont construites à l’aide d’autres images.   Par ailleurs, la conséquence d’un tel excès est l’accès immédiat et exhaustif aux images, une disponibilité absolue dont nous ne savons tou-

jours pas s’il s’agit d’un privilège ou d’un obstacle : privilège, parce que jamais auparavant nous n’avons disposé d’archives d’une telle ampleur ; obstacle, parce qu’on finit généralement par s’égarer dans cette jungle inextricable. Cette abondance démesurée fait perdre aux photographies la condition d’objets exclusifs et somptueux dont elles jouissaient jadis : dépourvues de valeur, elles se banalisent ; dépourvues d’objectité physique, elles se dématérialisent. Et c’est peut-être là leur distinction ontologique fondamentale. La post-photographie nous révèle l’image dématérialisée, le rôle prépondérant de l’information sans corps faisant des images des entités susceptibles d’être transmises et mises en circulation à un rythme frénétique et incessant. Selon José Luis Brea, cet état de fait situe les images entre l’apparition et la disparition : Les images électroniques s’apparentent en grande partie aux images mentales. Elles apparaissent dans des lieux qui disparaissent aussitôt. Ce sont des spectres, de purs spectres, étrangers à tout principe de réalité. Si, comme l’a dit Lacan, le Réel est ce qui revient, les images électroniques, à défaut de volonté de retour, sont totalement dénuées de réalité. Elles relèvent de ce qui ne revient pas ; de ce qui, en quelque sorte, ne parcourt pas le monde « pour y rester ». Faute de récursivité, de constance et de durabilité, leur être est faible et éphémère, purement transitoire3.

Si on transposait ce schéma d’opposition entre la photographie et la post-photographie au domaine de la philosophie, on en trouverait des échos évidents tout au long de l’histoire, depuis les penseurs présocratiques jusqu’à ceux d’aujourd’hui. Héraclite, par exemple, anticipe l’esprit d’Internet lorsqu’il affirme que le changement incessant est à la base de tout (« Rien n’est permanent, sauf le changement »), pendant que ses détracteurs, Parménide et Démocrite, lui objecteront respectivement la permanence de l’être et la théorie atomiste, ce qui en retour correspondrait à la pérennité et à la matérialité de la photographie. Et lorsqu’on saute à l’époque actuelle, les valeurs de fluidité et de solidité renvoient aux approches d’une modernité liquide, qui va à l’encontre d’une modernité solide, ainsi que l’a définie Zygmunt Bauman4. L’auteur évoque la nécessité des identités flexibles, malléables et changeantes pour faire face aux différentes mutations auxquelles le sujet sera confronté. Sommes-nous, en fait, en train d’invoquer le concept de « photographie liquide » ?


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La post-photographie nous intéresse parce qu’elle nous invite à mener une réflexion sur les actions que nous posons autour de l’image, et nous lance ainsi dans un exercice de philosophie qui touche à notre expérience du numérique. Si la photographie s’est développée dans un contexte de pensée et de sensibilité donné (la culture technoscientifique, le positivisme, l’industrialisation, etc.), quel est le cadre de référence dans lequel naît la post-photographie aujourd’hui ? Il n’est pas facile de répondre à cette question, car ce qui est vraiment révolutionnaire n’apparaît jamais sur une liste de prédictions. « Il est très difficile de faire des prédictions, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir », comme l’a évoqué avec sarcasme le lauréat du prix Nobel de physique de 1922, Niels Bohr. Nous nous contenterons donc de ce qui nous est plus accessible et nous nous limiterons aux aspects les plus importants. La post-photographie, comme il a déjà été mentionné, n’est ni un style ni un mouvement ni une période historique. Elle est avant tout un concept qui nous aide à clarifier ce qu’est la photographie aujourd’hui et ce que nous sommes. Autrement dit, elle offre une occasion d’analyser à nouveau le photographique ainsi que notre entité comme sujets. La post-photographie peut-elle servir de boussole pour nous orienter dans ce labyrinthe ?

Des images qui sommeillent (imagezzzzzzzz)   Penchons-nous maintenant sur le cas suivant. En 2011, le photographe naturaliste britannique David Slater se trouvait sur l’île de Sulawesi, où il réalisait un reportage sur une bande de macaques noirs à crête (Macaca nigra). Slater raconte qu’à un moment donné, une femelle s’est approchée de l’appareil photo, découvrant avec fascination son propre reflet dans l’objectif. Elle s’est alors mise à le tâter et à appuyer fortuitement sur l’obturateur. L’heureux hasard a donné lieu à divers autoportraits qui ont fasciné Slater. Le premier selfie (égoportrait) réalisé par un singe a fait la une de nombreuses publications et est devenu viral sur Internet. Les images ont été si populaires que Wikipédia a décidé d’en utiliser une pour illustrer son article sur le Macaca nigra. Slater s’est senti lésé par cette reproduction non autorisée et a exigé son retrait. Wikipédia a fait valoir qu’il s’agissait d’une photographie réalisée par un animal et que, par conséquent, elle relevait du domaine public. L’affaire a fini devant les tribunaux. En août 2014, le Bureau du droit d’auteur des États-Unis a émis

Le selfie, ob jet d e l a p ol ém iq ue 2011




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UN NOUVEL ORDRE VISUEL — J oan Fo n tc u b e rta   Des faits marquants comme la publication de caricatures de Mahomet au Danemark, en 2005, et la tragédie de Charlie Hebdo à Paris, en 2015, démontrent à quel point la force des images peut constituer un casus belli. L’histoire des images est aussi l’histoire de la pensée et des actions qui s’ensuivent. C’est pourquoi il incombe à la philosophie et à la théorie, mais aussi à l’art, de déchiffrer sans plus tarder la nature malléable et changeante des images. Le projet Divine Violence (2013) d’Adam Broomberg et Oliver Chanarin, dans lequel des passages de la Bible sont illustrés de photographies tirées des fonds hétéroclites de l’Archive of Modern Conflict, se révèle un excellent test à cet égard. D’un côté, cette œuvre met à l’épreuve la dimension idéologique des « documents » visuels et, de l’autre, elle permet aux images de démontrer que le pouvoir politique et la religion se sont de tout temps imposés par la force et la coercition. Gottfried Boehm, Was ist ein Bild?, Munich, Fink, 1994 ; et W. J. T. Mitchell, Picture Theory, Chicago, University of Chicago Press, 1994.

1.

Les auteurs Gottfried Boehm, en Europe, et W. J. T. Mitchell, en Amérique, ont été prompts à se pencher sur la question de l’image1. Dans les années 1990, ces derniers ont posé les bases des « études visuelles » (visual studies) et, parallèlement, du « tournant pictorial » (Mitchell) ou du « tournant iconique » (Boehm), qu’ils concevaient comme étant le résultat d’un changement de paradigme visuel, au même titre que les changements sociaux et technologiques. Ce « tournant » ne découlait pas tant de la prolifération des images et de l’attention qui leur était accordée, que de la nécessité de procéder à une étude de la culture focalisée sur une réalité cristallisée en images. Où en sommes-nous vingt ans plus tard ? Les images ont-elles toujours la même signification ou devons-nous revoir nos interprétations ? De toute évidence, nous évoluons dans un ordre visuel différent, et ce nouvel ordre semble caractérisé essentiellement par trois facteurs :

l’immatérialité et la transmissibilité des images ; leur profusion et leur disponibilité ; et leur rôle décisif dans l’encyclopédisation du savoir et de la communication.  Les Durational Photographs (débutées en 2006) d’Owen Kydd participent de ce premier facteur d’immatérialité, sans se borner cependant à établir une dialectique intelligente entre « fenêtre » et « écran ». La condition de l’image qui habite l’écran renvoie précisément au déracinement de la post-photographie, à sa nécessité de se matérialiser sur des supports empruntés. Cette vie d’emprunt met en évidence l’équivoque du classement des images sur la base de critères que la technologie numérique a rendus obsolètes. Avec leurs nombreux effets, la photographie, la vidéo et la création numérique perdent la netteté de leur contour et nous plongent dans la confusion des langages et des procédés.   Cette obsolescence renvoie à une casuistique darwiniste, dans le sens où la théorie de l’évolution est appliquée aux modes de représentation visuelle. Avec Mémoires (2015), toutefois, Roberto Pellegrinuzzi a découvert une autre forme d’obsolescence qui touche à ce que l’on pourrait appeler le métabolisme des images. En réponse à l’hyperbole selon laquelle les images seraient infinies, Pellegrinuzzi nous montre que le capitalisme post-fordien a déjà pris soin de limiter leur production en programmant l’obsolescence des senseurs des appareils numériques à environ un quart de million de déclenchements. Autrement dit, après cette vie productive, les senseurs arrêtent de fonctionner et l’appareil devient inutilisable. Auparavant, le commerce de la photographie était basé sur le développement des tirages, et les appareils analogiques duraient presque éternellement. Avec les appareils numériques, on ne fait plus de tirages, et les photos


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– immatérielles – se consomment à l’écran, de sorte que le commerce s’est tourné vers la vente d’appareils. Lançant une sorte de défi à cette logique perverse du profit capitaliste, Pellegrinuzzi épuisera le potentiel de productivité complet d’un senseur CCD pour nous submerger dans le nuage de toutes les images réalisées : une quantité certes phénoménale, mais néanmoins limitée.   Cette idée de flot vertigineux d’images est illustrée de manière pédagogique dans The World as Will and Representation – Archive 2007 (2007) de Roy Arden et I’m Google (débuté en 2011) de Dina Kelberman. L’œuvre d’Arden reflète l’attrait des chercheurs d’images-trésors pour cette caverne d’Ali Baba qu’est devenu Internet. Il s’agit essentiellement d’un hymne à l’extraordinaire diversité des manifestations humaines. En 1977, lorsque la NASA a envoyé dans l’espace la sonde Voyager 1, celle-ci transportait un disque en or qui, outre divers enregistrements sonores, contenait un total de 116 photographies visant à expliquer les différentes formes de vie sur Terre et la société humaine à d’éventuelles intelligences extraterrestres. Nul doute que les extraterrestres apprécieraient aujourd’hui davantage l’œuvre d’Arden. Quoi qu’il en soit, la compilation de l’artiste privilégie l’arbitraire et le chaos, une grande quantité d’images et leur facilité d’accès plutôt que les liens narratifs. Dans I’m Google de Kelberman, en revanche, c’est l’idée de flux interminable qui est mise de l’avant, un flux où les images s’enchaînent par affinités morphologiques, comme dans ce jeu d’enfant où toute phrase doit commencer par le mot terminant la phrase précédente. De chargement en chargement, d’une photo à la suivante, on a aussi l’impression de voir toutes choses en ce monde passer sous nos yeux. À l’exception que les contenus ne sont pas ici classés par concept, mais plutôt en fonction

de leur géométrie, de leur couleur, de leur texture ou de toute autre qualité formelle. On observe, enfin, des préoccupations similaires dans les installations vidéo complexes de Paul Wong, composées de photos réalisées à l’aide de caméras de surveillance ou de téléphones intelligents, générant des séquences poétiques aléatoires.   Erik Kessels et Joachim Schmid font également partie de cette race d’artistes qui collectent et qui reclassent. Il s’agit non pas de prédateurs visuels, mais d’activistes d’une écologie qui préconise non seulement le recyclage des images, mais aussi une revalorisation du prosaïque et du marginal. Ce sont des artistes « adoptifs » par excellence – non pas des appropriationnistes. Kessels s’intéresse au vernaculaire et Schmid, au lumpen. Chercheur de trésors accompli qui se fie à son flair pour repérer et reconnaître la valeur des images en dehors de leur contexte, Kessels met l’accent dans ses œuvres sur les reflets de ses trouvailles épiphaniques. Schmid adopte pour sa part une méthodologie plus systémique – qui semble à la fois rendre hommage à l’Atlas Mnémosyne (1924-1929) d’Aby Warburg et s’en moquer – en recourant à ses propres inventaires iconographiques tirés d’Internet, avec leurs classifications absurdes et leurs taxonomies perturbantes : une autre stratégie de mise en valeur du patrimoine par le postphotographique. En définitive, ces artistes atteignent l’un et l’autre deux objectifs : ils procèdent à un examen critique des modèles historiographiques de la photographie et illustrent la soif d’anthologisation de la culture numérique.


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Le duo formé d’Adam Broomberg et d’Oliver Chanarin s’est illustré par ses recherches critiques sur les façons d’imaginer le conflit et la violence. Son œuvre dénoue l’écheveau des usages et des contextes de la photographie, tout en démontrant que les technologies de l’image ne sont pas neutres et que les archives ne sont pas innocentes. En 2011, en visite à la maison abritant les Archives Bertolt Brecht à Berlin, Broomberg et Chanarin découvrent un exemplaire de la Bible annoté par Brecht, dans lequel le dramaturge avait également inséré des images. De cette découverte sont nés un projet d’exposition, Divine Violence (2013), et un livre d’artiste acclamé, Holy Bible (2013), où des passages de l’histoire sacrée sont émaillés d’images évocatrices exhumées parmi les millions de documents disponibles dans The Archive of Modern Conflict. Chaque œuvre se compose d’un chapitre de la Bible, dont les pages sont déployées dans l’ordre, avec certains paragraphes soulignés ou recouverts de photos de guerres, de génocides, de destruction et de catastrophes mêlées à des photos à caractère sexuel ou représentant des activités de loisir sans liens apparents. Ce mariage forcé, l’intrusion d’images étrangères dans le texte, fait la lumière sur le récit prétendument neutre des relations entre Dieu et son peuple élu, et démontre, comme l’affirme le philosophe israélien Adi Ophir – autre source d’inspiration du duo –, que les structures du pouvoir des systèmes modernes de gouvernance émanent de la trame obscure de l’Ancien Testament. Dans l’esprit de la méthodologie brechtienne, Broomberg et Chanarin confèrent un sens nouveau aux images qui, transcendant leur caractère médico-légal, deviennent des sentinelles pour lutter contre les spectres et les crimes.

ADAM BROOMBERG & OLIVER CHANARIN Divine Violence, 2013

^ And it came to pass – Genesis 14:1, Holy Bible Éditions MACK / Archive of Modern Conflict, Londres 2013 Song of Songs, Divine Violence 2013

› P — 22

Chronicles 1 & 2, Divine Violence (détail) 2013 P — 23 G > D

Matthew, Divine Violence 2013 Genesis, Divine Violence 2013 P — 24

Samuel 1 & 2, Divine Violence 2013 P — 25

Revelations, Divine Violence 2013



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Installez un appareil photo sur un trépied devant un sujet immobile. Prenez une photo. Passez ensuite en mode vidéo et effectuez un bref enregistrement en haute résolution. Sur le plan de la perception, les résultats sont pratiquement identiques ; sur le plan ontologique, ils illustrent des manières opposées de représenter la temporalité. Dans la photographie se trouve comprimé un moment de la vie de l’objet : le temps d’exposition (le temps d’ouverture de l’obturateur permettant le passage de la lumière). Dans la vidéo, le temps s’avère un devenir continu. La photographie est une coupure dans le temps ; la vidéo, un déploiement de la durée. Comme l’ont annoncé plusieurs expositions emblématiques (notamment Passages de l’image, conçue par Raymond Bellour, Catherine David et Christine van Assche pour le Centre Pompidou en 1990), la technologie numérique dissout les frontières entre les différentes catégories d’images. Avec ses Durational Photographs (débutées en 2006), Owen Kydd identifie précisément ces passages : un clignement de l’œil entre images fixes et plans cinématographiques. Seuls de légers mouvements permettent de révéler le caractère vidéographique des images qui, par ailleurs, ont été montées en boucle, sans début ni fin, pour évoquer la circularité temporelle présente dans tant de cosmologies. Durational Photographs constitue une hybridation entre le cinéma minimaliste – le degré zéro de l’écriture cinématographique – et la photographie animée (par exemple, les prises de vue image par image ou les GIF animés). Et si la temporalité et la mort ont été des composantes essentielles de toute tentative d’établir une théorie de la photographie, le paradoxe ici est que les natures mortes reviennent à la vie.

Owen Kydd Durational Photographs (2006 – ) Canvas, Leaves, Torso, Lantern (vue d’installation et détail) 2011

› P — 28

Retail Composition #1 (détail) 2012 P — 29

Blue Wall Three Parts (détail) 2013




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Tout en établissant un équilibre entre la résolution esthétique et la réflexion conceptuelle, la production de Roberto Pellegrinuzzi remet en cause le dispositif et le signe photographiques à un point tel que nous ne savons plus si l’artiste est un photographe qui se sert de la sémiologie ou un sémiologue qui se sert de la photographie. Avec Mémoires (2015), il continue de jouer avec les paradoxes. Borges raconte que Tchouang Tseu avait rêvé qu’il était un papillon. À son réveil, il ne savait pas s’il était Tseu qui avait rêvé qu’il était un papillon ou s’il était un papillon qui rêvait qu’il était Tseu1. Estce nous qui créons les images ou est-ce que ce sont les images qui nous créent ? C’est ce même doute que ressent le visiteur pénétrant dans l'installation en forme de nuage, laquelle évoque l’idée de limite. Pour créer cette œuvre, l’artiste a apporté son appareil photo partout avec lui pendant près d’un an, photographiant compulsivement tout ce qui se passait autour de lui. Au total, plus d’un quart de million de clichés ont été réalisés, un déferlement qui s’est arrêté lorsque la partie photosensible du capteur CCD, épuisée, ne permettait plus d’enregistrer de photos. Avec les résultats imprimés en petit format, l’artiste a fabriqué une sorte de structure de nuage, dans laquelle le public est invité à s’immerger. Ce nuage ne fait pas seulement allusion à l’informatique ; il constitue également une métaphore de la structure neuronale. Comme dans le cas de l’océan dans le roman Solaris de Stanislaw Lem, Pellegrinuzzi suggère que cet océan d’images peut également contenir la « vie », la « conscience » ou la « volonté »… et qu’il faudrait donc se préparer pour cette nouvelle interaction métaphysique.

Jose Luis Borges, « A New Refutation of Time », Labyrinths: Selected Stories and Other Writings, trad. de James E. Irby, New York, New Directions, 1962, p. 217-234.

1

ROBERTO PELLEGRINUZZI Mémoires, 2015 Installation photographique, 280 000 épreuves numériques montées sur fils de nylon

^ Maquette de l’installation et détails


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Dina Kelberman a inventé un type particulier de réaction en chaîne qui dépasse le domaine de la chimie. I’m Google (débuté en 2011) est constitué d’une chaîne d’images en ligne qui se succèdent en enfilade par affinités morphologiques et sémantiques : chaque image en appelle une autre pour générer un flux progressif, incessant, inépuisable... Le XIXe siècle a assisté à la naissance du besoin compulsif d’amasser des images pour contrôler le monde : les albums des criminalistes Alphonse Bertillon et Cesare Lombroso en sont un exemple. Au XXe siècle, à cette obsession de la compilation s’est ajoutée la volonté de comprendre la culture et l’expérience humaine. Les exemples vont de l’Atlas Mnémosyne (1924-1929) d’Aby Warburg à l’Atlas Mikromega (1962-2013) de Gerhard Richter, en passant – dans un autre registre – par Le livre des passages (1927-1940) de Walter Benjamin et Le miroir (1975) d’Andreï Tarkovski. Ce fil continu d’images dialectiques – c’est-à-dire, en conversation avec d’autres images – nous conduit à Kelberman et au XXIe siècle. Il s’agit ici de montrer plus que de dire : le discours se situe dans l’infinité même des images. Les spectateurs ont parfois cru, à tort, que I’m Google a été créé simplement grâce à un logiciel automatisé, « un bot informatique “lâché” sur le moteur de recherche d’images de Google puis dirigé vers Tumblr, grâce à de nombreuses heures de recherche, de sélection et de tri de documents. L’œuvre de Kelberman exploite une tendance de l’art en ligne  » qui, selon Teju Cole, « enjoint le spectateur à admettre qu’il s’agit du produit d’un bot, et non pas celui d’un artiste : une sorte d’inversion du test de Turing1 ».

Teju Cole, « The Atlas of Affect », The New Inquiry, 7 juillet 2014, http://thenewinquiry.com/blogs/dtake/the-atlas-of-affect/ (consulté le 29 juin 2015). [Notre traduction.]

1

DINA KELBERMAN I’m Google (2011 – ) Blogue Tumblr composé d'images et de vidéos trouvées Détails

› P — 38-39

Détails





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Graphiste, publicitaire, éditeur, collectionneur, commissaire d’exposition et artiste, Erik Kessels incarne le profil du créateur transversal caractéristique de l’ère numérique, où les différents rôles associés à l’activité créatrice ont tendance à se confondre. Dans ses projets, Kessels s’intéresse aux formes les plus populaires et les plus triviales de la photographie, tels les albums de famille, les annonces pornographiques et la documentation commerciale, qui sont habituellement exclues des musées et de toute autre instance de consécration. Profitant de l’extraordinaire abondance et de la disponibilité actuelle des images, Kessels récupère tel un chiffonnier ces matériaux rejetés, jusqu’à y trouver de véritables trésors. Détournées de leur fonction originale par un geste duchampien, les photographies recyclées révèlent alors, grâce à leur nouvelle mise en valeur, une esthétique inattendue et des arrière-pensées sous-jacentes laissant entrevoir une écologie de l’image. All Yours (2015) est une installation conçue à partir de collections de livres thématiques et de publications réalisées antérieurement par Kessels, dont in almost every picture, Useful Photography, Album Beauty, Mother Nature, Models, ME TV, Photo Cubes, Unfinished Father et Bombay Beauties, de même que de matériaux inédits compilés plus récemment. Les deux premières de ces sources, amorcées en 2001, sont les plus ambitieuses. In almost every picture (2001-2015) est un projet de longue durée consistant en un ensemble de livres de photographies portant sur la narration à partir d’images vernaculaires. Useful Photography (debuté en 2001) est un magazine monographique composé de photographies sans intérêt prises à des fins utilitaires et laissées pour compte. Les images de ce magazine ont été compilées et publiées par Hans Aarsman, Hans van der Meer, Julian Germain et Erik Kessels.

ERIK KESSELS All Yours, 2015 Installation photographique, images en format carte postale tirées de la série in almost every picture De in almost every picture #11 2013 Maquette de l’installation

› H>B P — 46

De in almost every picture #9 2011 P — 47

De in almost every picture #7 2009 P — 48-49

De in almost every picture #14 2015









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Nouveau médium, nouvelle conscience l’«esprit» post-photographique et l’écologie post-humaine 1 — Dav i d To mas Cet article développe certains postulats sur la pratique post-photographique, publiés pour la première fois dans les articles suivants : David Tomas, « From the Photograph to Postphotographic Practice: Toward a Postoptical Ecology of the Eye », SubStance, no 55, 1988, p. 59-68, et dans « From a Relational History of Media to a Network- and Interval-Based Theory of Photographic Communication », dans Thinking Photography – Using Photography, Jan-Erik Lundström et Liv Stoltz (dir.), Stockholm, Centrum för Fotografi/Centre for Photography, 2012, p. 72-96.

1.

Voir par exemple la définition de William J. Mitchell dans The Reconfigured Eye: Visual Truth in the Post-Photographic Era, Cambridge (Mass.), MIT Press, 1992, p. 19.

2.

Voir l’ouvrage de Henry Adams, L’Éducation de Henry Adams, Pierre-Yves Pétillon (éd. scientifique), trad. de Régis Michaud et Franck Louis Schoell, Paris, Imprimerie nationale, 2007. Voir aussi l’ouvrage de Wolfgang Schivelbusch, Histoire des voyages en train, trad. de Jean-François Boutout, Paris, Gallimard, coll. « Le Promeneur », 1990, pour une excellente vue d’ensemble sur les répercussions qu’a eues le voyage par chemin de fer sur l’écologie préindustrielle des sens humains.

3.

Qu’est-ce que la post-photographie ? L’une des principales difficultés auxquelles l’on fait face, quand on désire répondre à cette simple question, est que la photographie est constamment traitée comme un médium et comme un mode de production autonomes. Non seulement ce médium est-il perçu comme fonctionnant différemment des autres modes semi-automatiques de production d’images (par exemple l’estampe), mais il produit des images de types radicalement différents de celles qui sont créées par les techniques d’estampe, par le dessin et par la peinture (pour prendre des exemples de médiums qui existaient en 1839, année où la photographie a été exposée pour la première fois en public). Le caractère autonome du médium conduit à une histoire de la discipline – généralement connue comme l’« histoire de la photographie » – qui englobe certaines sous-disciplines historiques, telles que l’histoire des appareils photographiques, l’histoire des objectifs, et ainsi de suite. Par contre, le postphotographique est une expression qui a été le plus souvent associée au « virage numérique » de la photographie et qui conserve également l’apparence d’une discipline autonome2. Puisque la photographie a été considérée comme une invention technique autonome, la réponse inhérente à la question de son identité culturelle et de sa fonction a toujours été déterminée par ce modèle essentialiste. Mais la photographie ne constitue pas une technologie isolée, et son histoire ne peut être élaborée indépendamment sans heurter les conditions historiques et actuelles de son existence techno-sociale. Si l’on se replace au début du XIXe siècle en situant la photographie dans le contexte plus vaste d’une histoire de la technologie, on constate qu’elle apparaît parallèlement à plusieurs inventions majeures – en particulier, une trilogie d’inventions qui ont révolutionné les transports et les communications : la locomotive à vapeur, le navire à vapeur et le télégraphe. En 1904, l’historien américain Henry Adams a reconnu avoir été témoin, au cours de sa vie, de quatre impossibilités : le navire à vapeur, le chemin de fer, l’appareil télégraphique et le daguerréotype3.

I   Si la photographie est apparue au moment de l’émergence et de la consolidation du télégraphe et de son système de transmission, de la locomotive et de son réseau ferroviaire, ainsi que du navire à vapeur transatlantique et de ses routes de navigation [FIG. 1], il est donc logique des points de vue historique et théorique de se pencher sur ses liens avec ces autres technologies puissantes et révolutionnaires. Peut-être n’est-il pas possible de considérer la photographie isolément ; au contraire, elle doit être conçue dans ses relations.   Aujourd’hui, la photographie argentique traditionnelle et ses ramifications coexistent avec l’image numérique, dont le mode de transport comprend diverses plateformes – entre autres Internet, l’ordinateur, le téléphone portable et les tablettes. Notez la position de la machine à calculer mécanique dans le schéma de la [FIG. 2]. Bien qu’ils ne soient généralement pas associés aux autres grandes inventions du XIXe siècle en raison de leur nature spécialisée et inaboutie, les appareils de calcul mécaniques de Charles Babbage ont, de toute évidence, été conçus pour faciliter le déplacement de formes élémentaires d’information au sein d’une infrastructure mécanique reproduisant un processus de calcul mathématique allant d’un point (l’entrée) à un autre (la sortie). Aujourd’hui, l’infrastructure mécanique a été remplacée par une infrastructure électronique.   Toutes ces plateformes de télécommunication pour la transmission d’images coexistent avec les réseaux ferroviaires contemporains de divers types (de surface et souterrains), le réseau de transport aérien mondial et diverses formes de déplacements maritimes et terrestres motorisés. Ces réseaux sont conçus pour le transport des êtres humains, de leur culture matérielle et de la matière première qu’ils utilisent pour produire cette culture, de même que pour nourrir et stimuler leurs idées, leur imagination et leurs rêves. Depuis la fin des années 1980 et le début des années 1990, le développement et la commercialisation d’Internet ont créé un nouvel environnement numérique mondial à travers lequel circulent


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SYSTÈME PRÉ-MODERNE / RÉSEAU DE TRANSPORT ET DE COMMUNICATIONS MODES DE TRANSPORT GÉOGRAPHIQUEMENT LIMITÉS DES HUMAINS ET DES ANIMAUX RÉSEAU ROUTIER

PPCTC MODERNE SYSTÈMES FONDÉS SUR LES MACHINES, LA SCIENCE ET LA TECHNOLOGIE / RÉSEAUX DE TRANSPORT ET DE COMMUNICATIONS VERS 1839

SOUS-PROGRAMME DU PPCTC RÉSEAU FERROVIAIRE

SOUS-PROGRAMME DU PPCTC PHOTOGRAPHIE

SOUS-PROGRAMME DU PPCTC RÉSEAU DU TÉLÉGRAPHE ÉLECTRIQUE

OUVERTURE DU CHEMIN DE FER STOCKTON ET DARLINGTON, SEPTEMBRE 1825

PREMIÈRE PRÉSENTATION PUBLIQUE DU PROCÉDÉ PHOTOGRAPHIQUE DU DAGUERRÉOTYPE

PREMIÈRE TRANSMISSION ÉLECTRIQUE DE SIGNAUX ENTRE DEUX APPAREILS (TÉLÉGRAPHES)

JANVIER 1839

1816

ESSAIS RAINHILL, OCTOBRE 1827

SOUS-PROGRAMME DU PPCTC RÉSEAU DE NAVIRE À VAPEUR PREMIER TRANSATLANTIQUE À VAPEUR CONSTRUIT EN 1813 LANCEMENT DU SS GREAT BRITAIN PREMIER NAVIRE À VAPEUR À EFFECTUER UNE TRAVERSÉE TRANSATLANTIQUE RÉGULIÈRE JUILLET 1837

[Fig. 1]

Émergence d’un réseau moderne de transport et de communications dans la première moitié du XIXe siècle. Le réseau peut être perçu comme fonctionnant à la manière d’un programme proto-cybernétique de transport et de communication (PPCTC), dont la photographie n’est qu’un sous-programme (le sous-programme du PPCTC).

SYSTÈME PRÉ-MODERNE / RÉSEAU DE TRANSPORT ET DE COMMUNICATIONS MODES DE TRANSPORT GÉOGRAPHIQUEMENT LIMITÉS DES HUMAINS ET DES ANIMAUX RÉSEAU ROUTIER

PPCTC MODERNE

Created using Inspiration® 9 International English Edition by Inspiration Software®, Inc.

SYSTÈMES FONDÉS SUR LES MACHINES, LA SCIENCE ET LA TECHNOLOGIE / RÉSEAUX DE TRANSPORT ET DE COMMUNICATIONS VERS 1839

SOUS-PROGRAMME DU PPCTC RÉSEAU FERROVIAIRE OUVERTURE DU CHEMIN DE FER STOCKTON ET DARLINGTON, SEPTEMBRE 1825 ESSAIS RAINHILL, OCTOBRE 1827

SOUS-PROGRAMME DU PPCTC PHOTOGRAPHIE

SOUS-PROGRAMME DU PPCTC RÉSEAU DU TÉLÉGRAPHE ÉLECTRIQUE

PREMIÈRE PRÉSENTATION PUBLIQUE DU PROCÉDÉ PHOTOGRAPHIQUE DU DAGUERRÉOTYPE JANVIER 1839

PREMIÈRE TRANSMISSION ÉLECTRIQUE DE SIGNAUX ENTRE DEUX APPAREILS (TÉLÉGRAPHES) 1816

CAMÉRA CINÉMATOGRAPHIQUE BREVET D'INVENTION DE L'APPAREIL DE PROJECTION 1888

SYSTÈME DE TRANSMISSION PAR CÂBLE D'IMAGES NUMÉRISÉES DE BARTLANE 1920

INVENTION DU DISPOSITIF DE COUPLAGE DE CHARGE (DCC) 1969

PREMIERE CAMÉRA ÉLECTRONIQUE À UTILISER LE DISPOSITIF DE COUPLAGE DE CHARGE (DCC) CAPTEUR D'IMAGE 1975

SOUS-PROGRAMME DU PPCTC RÉSEAU DE NAVIRE À VAPEUR PREMIER TRANSATLANTIQUE À VAPEUR CONSTRUIT EN 1813 LANCEMENT DU SS GREAT BRITAIN PREMIER NAVIRE À VAPEUR À EFFECTUER UNE TRAVERSÉE TRANSATLANTIQUE RÉGULIÈRE JUILLET 1837

MACHINE À CALCULER MÉCANIQUE LE TRAVAIL DE CHARLES BABBAGE SUR SA MACHINE ANALYTIQUE ET SA MACHINE À DIFFÉRENCES 1822 À 1871

TÉLÉPHONE BREVET D'INVENTION DE ALEXANDRE GRAHAM 1876

PREMIER ORDINATEUR ÉLECTRONIQUE À USAGE GÉNÉRAL (ENIAC) 1946

SATELLITE DE COMMUNICATIONS TELSTAR 1 LANCEMENT JUILLET 1962

PREMIER ORDINATEUR COMMERCIAL ORDINATEUR PERSONNEL LE PROGRAMMA 101 1965

PREMIÈRE TRANSMISSION DE COMMUNICATIONS TÉLÉPHONIQUES, D'IMAGES DE TÉLÉVISION ET DE TÉLÉVISION EN DIRECT ET DE TÉLÉCOPIES

INAUGURATION DU RÉSEAU ADVANCED RESEARCH PROJECTS AGENCY NETWORK (ARPANET) OCTOBRE 1969

COMMERCIALISATION D'INTERNET ÉMERGENCE DE FOURNISSEURS D'ACCÈS INTERNET (FAI) FIN DES ANNÉES 1980

RÉSEAUX NUMÉRIQUES DE TRANSPORT ET DE COMMUNICATIONS DE LA FIN DU XXe SIÈCLE RÉSEAUX DE TRANSMISSION PAR CÂBLE RÉSEAUX DE RADIOTRANSMISSION

[Fig. 2]

Matrice deInspiration® croissance de certains réseaux de transport et de communications numériques de la fin du XXe siècle Created using 9 International English Edition by Inspiration Software®, Inc.

NEWTON MESSAGE PAD 100 1993

DÉMONSTRATION DU TÉLÉPHONE PORTABLE 1973 LANCEMENT SUR LE MARCHÉ 1983

IPHONE 2007

IPAD 2010


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LA PHOTOGRAPHIE AUGMENTÉE — De r r i c k d e K e r c k hov e

Gerard Holzmann, Beyond Photography: The Digital Darkroom, Upper Saddle River (New Jersey), Prentice Hall, 1988. Ce livre décrit un système d’édition numérique de la première heure, développé par Gerard Holzmann, Rob Pike et Ken Thompson à Bell Labs en 1984. Dans une préface écrite en 2003 et dans la version de l’ouvrage publiée en ligne (http://spinroot.com/ pico/), Holzmann conclut avec cette prévision qui, aujourd’hui, s’est avérée  : « […] la photographie conventionnelle, fabriquée à l’aide de produits chimiques dans des chambres noires deviendra chose du passé, sans doute une curiosité pratiquée par quelques adeptes enthousiastes. » [Notre traduction]

1.

Pourquoi parler de « post-photographie» ? La photographie numérique n’est-elle pas « écrite avec de la lumière » ? Il existe toutefois une différence entre le rôle que joue la lumière dans l’acte d’inscrire, comme dans la photographie analogique, et celui qu’elle joue dans l’exécution des commandes d’un code numérique. Dans le mode analogique, la lumière touche une surface préparée et y laisse son empreinte. Dans le mode numérique, la lumière est convertie en caractères binaires, puis reconvertie en lumière. Entre ces deux moments s’opère un échantillonnage de la lumière, tout comme un enregistrement audio-numérique est un échantillonnage du son. La lumière est simulée, et non reproduite. Si on pousse la notion de post-photographie jusqu’à son aboutissement, je suggèrerais d’utiliser le mot « post-graphie » parce que c’est l’acte de fixer (grafein : graver, enchâsser) qui disparaît dans la photographie numérique. La photographie numérique n’est pas seulement présentée ; elle est évoquée, telle une pensée. La meilleure utilisation de l’expression « post-photographie » serait sans doute pour maintenir le concept et le statut artis-tique de l’image fixe à une époque où il est devenu moins pertinent de la séparer de la vidéo et du multimédia.   La question est celle-ci : Quelles nouvelles occasions les médias numériques offrent-ils à la photographie conventionnelle ? Les avantages technologiques fondamentaux que récolte l’art photographique en passant au numérique sont immenses, étant donné que le contexte numérique donne à tous l’accès à une définition de très grande qualité et à la manipulation. S’inspirant de l’expression utilisée par Gerard Holzmann dans Beyond Photography1, livre publié à l’origine en 1988 et qui a eu un fort retentissement, Martin Irvine appelle ces nouvelles possibilités la « chambre noire numérique ».   En outre, grâce au pouvoir de pénétration des instruments numériques, plus rien n’échappe à la photographie : celle-ci peut embrasser de nouveaux domaines jusque-là inaccessibles –  les espaces thermique et sidéral, l’espace (du corps et de la matière) et le Big Bang, pour n’en nommer que quelques-uns. Le tridimensionnel est devenu commun, et les arts numériques

font désormais partie intégrante des pratiques publicitaires standard. Tout ce qui est photosensible ou sensible à une forme quelconque de pression pouvant être enregistré de façon objective, même à ses niveaux les plus infimes, est matière à photographie, que ce soit l’holographie, la nanophotographie ou la photographie nocturne. Ce seul fait agrandi largement la portée de notre « visualité augmentée ». Le champ visuel lui-même s’en trouve élargi à l’infini. En temps quasi réel, nous avons accès à une quantité sidérante d’images, mais bien ordonnées et permettant d’effectuer des recherches. Par exemple, la recherche d’une photographie sur Google est analogue au fait de se remémorer un visage. L’opération s’effectue presque aussi rapidement et est presque aussi exacte.   L’espace, le temps et le soi, principaux paramètres de nos vies, ont été fondamentalement modifiés par le numérique. Chacun de nous occupe le point central dans un univers de données, de connexions et de relations. Mais, en même temps, chacun de nous est un node relié à un nombre de plus en plus grand d’autres nodes. Grâce à Internet et à la numérisation des échanges humains, nous devons dorénavant occuper et apprendre à gérer trois espaces différents – l’espace physique, l’espace mental et l’espace visuel – tous reliés entre eux mais indépendants sur le plan fonctionnel (si ce n’est sur le plan structurel). L’espace virtuel est le nouveau venu ; il touche tant à notre identité qu’à notre situation sociale. Et la photographie joue un rôle primordial dans cette évolution.   Les photographies, puisqu’elles peuvent virtuellement être prises ou visionnées au moyen d’un simple clic, sont en train de passer d’une expérience frontale à une expérience enveloppante, en immersion totale. Par son invention de la perspective, la Renaissance a soustrait le spectateur du spectacle dans la peinture, l’architecture et le théâtre ; à l’ère numérique, la position de l’utilisateur est renversée, parce que la condition numérique replace l’utilisateur au centre de la scène. La réalité virtuelle a réintroduit le spectateur au sein du spectacle, peut-être afin de nous faire savoir qu’à partir de maintenant, nous serons toujours au milieu de tout. Au même moment, nous produisons une aura


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électronique de nos goûts et de nos choix dans les profils que nous disséminons sur le Web (voir Face to Facebook de Paolo Cirio et Alessandro Ludovico). La photographie en temps réel (vidéo, télévision en circuit fermé, Skype ou drones) agrandit l’espace visuel que nous occupons. Ces médias constituent autant de petites ouvertures cachées nous permettant d’épier le monde.   Marshall McLuhan a très justement intitulé le chapitre consacré à la photographie de son livre Pour comprendre les médias, « La photographie. Le bordel imaginaire2». Bien qu’on ne puisse nier que, presque dès son invention, la photographie a été utilisée à des fins pornographiques et qu’on en trouve à foison dans Internet, McLuhan voulait probablement dire que la photographie elle-même, en tant que médium, nous a tous transformés en voyeurs, plus que la peinture ne l’a jamais fait, à cause de sa relation directe avec le « monde réel ». Selon McLuhan, la photographie a exacerbé, en Occident, le mouvement cartésien vers la fragmentation. La photographie découpe le monde en morceaux. Revenant à la question de la pornographie, McLuhan ajoute que le fait de réduire une personne à un ensemble d’images de parties du corps atteste la fragmentation des sens amenée par l’âge du livre.   Dans ce chapitre, McLuhan souligne un autre aspect critique de la photographie, le fait qu’il s’agit d’une expérience « immédiate » : La syntaxe, trame de la rationalité, disparut des dernières gravures, tout comme elle tendait à disparaître des messages télégraphiques et de la peinture impressionniste. Enfin, dans le pointillisme de Seurat, le monde apparut soudainement à travers la peinture. Le point de vue cessa d’être dirigé de l’extérieur sur la peinture au moment même où le télégraphe ramenait la forme littéraire à une affaire de manchettes. La photographie, de la même façon, fit découvrir aux hommes comment rapporter quelque chose visuellement sans syntaxe3.

Bien sûr, l’élaboration d’une bonne photographie repose sur une syntaxe. Les yeux voient les liens et schémas, et cela constitue une forme de syntaxe. Mais ce que McLuhan semble avoir voulu signifier,

c’est que le plan fixe est un genre de récit qui arrive instantanément – un récit qu’on peut lire du regard. Grâce au caractère immédiat des photographies numériques, nous sommes maintenant exposés à tout, bien plus à travers les images qu’à travers les mots. Nous ne voudrions tout simplement pas passer le temps de lecture requis pour obtenir l’information que nous donne d’emblée une image. Non seulement saisissons-nous dès l’instant ce que les images nous montrent, mais elles restent gravées en nous longtemps, même si nous ne les avons vues qu’une fois.   Le pouvoir des photographies traditionnelles réside dans le fait que chacune d’entre elles présente un type de montage du monde. Avec la photographie analogique, nous en sommes venus à faire un montage de notre propre vie, autant que la photographie a contribué à nous « monter ». Avec la photographie numérique, le processus de montage produit un genre de modulation. L’enregistrement et l’affichage par étapes donnent lieu au morphing et à la fluidité.   Les photographies, même les images fixes, sont beaucoup plus présentes dans la vie de tous les jours sous forme d’écran que sous forme papier. La culture visuelle numérique est cadrée par les écrans. Nous passons désormais beaucoup plus de temps à regarder des écrans qu’à appréhender le reste du monde. Comme l’a illustré Second Life (le monde virtuel en ligne tridimensionnel anciennement en vogue, mais désormais relégué aux oubliettes), nous tendons à négocier la plus grande partie de notre vie d’un écran à l’autre. D’où notre insatiable appétit de définitions toujours plus élevées, de contrastes plus accentués, d’un échantillonnage plus fin, de mouvements plus rapides, de substitutions sans heurts et d’autres améliorations.   Toute photographie, analogique ou numérique, se voit conférer le statut d’un outil capable de témoigner objectivement de la réalité qui nous entoure. Les superbes photogrammes de la nuit planétaire assistés par ordinateur pour révéler la présence de l’électricité dans les villes du monde sont réalisés en recalculant et en juxtaposant4 avec fluidité une succession de moments enregistrés par satellite au moment où la nuit,

Marshall McLuhan, Pour comprendre les médias : les prolongements technologiques de l’homme, Montréal, Hurtubise-HMH, coll. « H », 1972, voir le chapitre intitulé « La photographie. Le bordel imaginaire », p. 210-224.

2.

3.

Ibid, p. 211-212.

« “World at Night” using ggplot2 », blogue de James Cheshire, Spatial.ly, 7 juin 2012, http://spatialanalysis. co.uk/wp-content/uploads/ 2012/06/world_night.jpg (consulté le 16 novembre 2014).

4.


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[Fig. 1]

Joachim Sauter et Dirk Lüsebrink Zerseher 1991

« World Clock V4.1 », Poodwaddle.com, http:// www.poodwaddle.com/Stats (consulté le 16 novembre 2014).

5.

Martin Irvine, « Richter: Seminar Notes », Communication, Culture & Technology Program, Graduate School of Arts and Sciences, Georgetown University (Washington, D.C.), http://faculty.georgetown.edu/ irvinem/visualarts/Richter. html (consulté le 16 novembre 2014). [Notre traduction.]

6.

« Augmented Photography », blogue de Varvara Guljajeva, Media art projects in progress and the development process, http://varvarag.wordpress. com/interactive-photography/ (consulté le 16 novembre 2014).

7.

dans sa marche vers l’ouest, recouvre la planète. En fait, il existe des photos aussi bien du temps que de l’espace. Que cela soit fondé sur une analyse statistique, comme dans le cas de Poodwaddle World Clock5, ou sur une reconfiguration continue par ordinateur, ce que montre le photogramme repose sur une information « réelle » en ce qu’elle ne dépend ni de l’interprétation ni de l’instrument utilisé pour l’enregistrer. « Je ne l’aurais pas vu si je ne l’avais pas cru d’abord. » (H. M. McLuhan)   Bien que nous soyons plongés dans un océan d’images, nous ne pouvons plus nous fier à elles autant que nous le faisions auparavant, quand nous pensions qu’elles représentaient la réalité elle-même. Sur cette question qui a suscité de vifs débats épistémologiques, Gerhard Richter apporte une précision intéressante (dans les mots de Martin Irvine) : « Les photographies [sont] les index contemporains de l’image et de la “réalité” ou du monde à l’extérieur de l’image. Les photos [sont] déjà à l’écart de l’expérience de la réalité ; les peintures des photos annulent la photographie comme indice de la réalité6. » Ainsi, toute manipulation, numérique ou autre, annule l’effet réaliste de la photographie. Parce que les images numériques sont imprégnées d’un réalisme si extrême et peuvent être si facilement manipulées, elles assument dans les faits la même nature que des peintures. Les images ont tendance à endosser le statut d’artéfact de la conscience, plutôt que celui d’un document objectif.   Mais la bonne nouvelle est que notre système visuel, bien que toujours encadré par un écran, adopte peu à peu de nouvelles palettes et de nouveaux pouvoirs. Il assume également un nouveau positionnement critique. On entend souvent dire, dans une tentative de dénigrement de l’infographie ou des vidéo dites « faciles », qu’elles ne sont là que pour le plaisir des yeux.

Art et smartphone : nous sommes tous des paparazzi   Grâce à Internet, la diffusion des photographies est instantanée, omniprésente et contrôlée. Par le visionnement en continu ou le téléchargement, par le biais du cloud ou de Google, des millions de personnes visionnent des images quand et où elles le veulent. L’amélioration du matériel et l’accès aux photographies les meilleures – et les pires – du monde, pourraient concourir à favoriser de nouvelles avenues de recherche, de documentation et d’art photographique tout en développant le goût et la créativité d’un nombre grandissant de personnes. Mais ce terrain de jeu artistique omniprésent suscite une question d’esthétique. Dorénavant, tout un chacun peut se déclarer photographe. Toute photographie peut s’arroger le statut d’art selon la façon dont elle est présentée. Quelles règles peuvent aider les critiques à déterminer ce qu’est une « bonne » œuvre photographique numérique ?   Évidemment, les critiques pourraient se tourner vers les nombreux photographes qui ont été les premiers à explorer les possibilités artistiques qu’offraient les procédés numériques. Les œuvres d’artistes tels que Bill Viola, Michael Snow, Jeff Wall et Cindy Sherman sont devenues des classiques, et de nombreux autres ont poussé la recherche plus loin et créé des installations interactives dans lesquelles les photographies sont l’objet de l’interaction et jouent un rôle central dans l’expérience artistique (comme on peut le voir souvent dans les installations de Viola). On attribue parfois à Varvara Guljajeva l’introduction du concept de « photographie interactive », qui pourrait fort adéquatement servir de complément à l’expression « post-photographie7 ». Toutefois, parce que la photographie numérique n’est pas toujours interactive, je préfère l’expression « photographie augmentée ». McLuhan a fait observer que tout


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spectateur peut constater qu’il le reflète, ainsi que les objets qui se trouvent devant et autour de celui-ci, de façon exacte, selon l’angle de vision. Cependant, à mesure que le spectateur s’approche afin de mieux voir son image, sa propre image – ainsi que tout le reste – disparaît de la réflexion. L’effet est saisissant et il entraîne des réflexions épistémologiques et philosophiques en plus d’une réflexion physique. À un niveau profond, il préfigure la disparition de notre identité comme personne, alors même que nous projetons à l’écran et jusque dans les réseaux nos facultés les plus précieuses et nos gestes les plus intimes. Miroir, miroir, où es-tu ?

[Fig. 2]

Christian Moeller Electronic Mirror 1993

médium qui est remplacé ou entouré par un autre médium plus efficace transforme le médium qui l’a précédé en une forme d’art. Dans le contexte de la photographie augmentée, il pourrait être utile d’évaluer les installations d’artistes ayant utilisé la photographie numérique dans des cadres interactifs.   On trouve l’une des expressions les plus radicales de la critique de l’image dans une des premières œuvres de Dirk Lüsebrink et de Joachim Sauter, de ART+COM, à Berlin. Zerseher (1991) [FIG. 1] est une photographie numérique d’une peinture en vogue au XVIIe siècle qui représente une fillette souriant alors qu’elle montre le dessin amusant, quoiqu’enfantin, qu’elle a réalisé. Une caméra cachée suit le regard du spectateur au fur et à mesure qu’il parcourt l’œuvre. Quel que soit l’endroit fixé, le regard détruit le tableau, le transformant en un amas de pixels. L’œuvre souligne le pouvoir de notre regard, même quand il s’exerce dans un état de semi-conscience. Elle accorde également un nouveau pouvoir à l’œil, celui de commander la réalité qu’il parcourt.     Electronic Mirror (1993) [FIG. 2] de Christian Moeller joue un tour amusant au spectateur. Dès son entrée dans la pièce, ce dernier voit à l’autre bout un grand miroir encadré. Le miroir a l’air réel, parce que le

Le périple photographique de Maurice Benayoun consiste en un commentaire épistémologique sur le rôle de la photographie dans nos vies, c’est-à-dire celui de soustraire de notre esprit la mémoire des choses et de ne les rendre disponibles qu’au moyen d’une technique d’enregistrement. Il constitue également un commentaire sur l’effet désensibilisant de photographies même troublantes, par exemple celles qui montrent la guerre et des actes de violence. L’installation World Skin (1997) [FIG. 3] est en un environnement virtuel assisté par ordinateur dans lequel de faux appareils photo sont mis à la disposition des utilisateurs. On les invite à viser et à cliquer à leur guise, comme avec un vrai appareil, dans une zone de guerre simulée, en immersion totale. Partout où ils cliquent, ils oblitèrent la zone visée, créant un trou symbolique dans la mémoire technologique. Ces éléments de la scène demeurent reconnaissables mais en blanc laiteux, renforçant ainsi le renvoi à la mémoire, par l’évocation d’un effacement graduel.  Dans Landscape (1997) de Tamas Waliczky, le temps se voit assujetti à un renversement intelligent – et touchant – du lien entre figure et fond. C’est l’histoire d’un compositeur condamné à être

[Fig. 3]

Maurice Benayoun World Skin 1997


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Analyse critique d’une révolution — F r e d R i tc h i n   Une fois libérée de certaines des conventions sous-jacentes à la photographie – « l’appareil photographique ne ment jamais », hypothèse particulièrement dommageable –, l’ère de la postphotographie apporte un ensemble extraordinairement riche de stratégies de l’image, jusqu’à maintenant peu explorées. En même temps, ce nouvel âge s’accompagne d’un potentiel de confusion croissant au sein duquel une illusion obstinée et un intérêt personnel obsessif rejettent les vérités dérangeantes véhiculées par la vraisemblance de la photographie, laissant à la société le soin d’affronter, sans l’aide de repères viables, des dilemmes contemporains aussi bien qu’un avenir problématique. Fred Ritchin, In Our Own Image: The Coming Revolution in Photography, 3e éd., New York, Aperture, 2010 [1990]. 1.

Ritchin, « Photography’s New Bag of Tricks », New York Times Magazine, 4 novembre 1984, http://www.nytimes. com/1984/11/04/magazine/ photography-s-new-bag-oftricks.html (consulté le 1er février 2015).

2.

En 1990, j’ai publié un livre intitulé In Our Own Image: The Coming Revolution in Photography1. Cet ouvrage a été rédigé juste avant l’arrivée sur le marché du logiciel Photoshop, à une époque où seules d’assez grandes sociétés avaient les moyens de s’offrir ces systèmes d’imagerie numérique coûteux de même que les techniciens chargés de les faire fonctionner pour manipuler les photographies sur l’écran d’ordinateur. Aujourd’hui, bien sûr, le logiciel est facilement accessible, et la manipulation rapide et efficace d’images photographiques est devenue monnaie courante et, pour un grand nombre parmi nous, indispensable.   J’ai écrit ce livre, ainsi qu’un article paru dans le New York Times Magazine2 six ans plus tôt, principalement pour mettre en garde ceux qui appréciaient la fonction de la photographie en tant que médium d’enregistrement – ce que Susan Sontag a appelé « l’empreinte » – contre le fait que l’adoption généralisée de logiciels de traitement des images non règlementés pouvait faire en sorte que les gens soient de plus en plus déconnectés de ce qui pourrait survenir ailleurs. Alors que la photographie a toujours été un médium d’interprétation, n’exprimant jamais une vérité absolue (bien qu’elle puisse mettre au jour certaines vérités), elle allait bientôt se transformer en un médium synthétique plus malléable qui, à l’instar de la peinture, pouvait exprimer des vérités personnelles par le truchement de scènes remontées selon le désir ou la

volonté de chaque auteur. Il deviendrait difficile, sinon impossible, de différencier les photographies qui n’auraient pas été considérablement manipulées des images composites ou d’images grandement retouchées – une relation ambiguë avec le réel qui renvoie à l’expérience du chat de Schrödinger, perçu comme se trouvant simultanément dans deux états : ni vivant ni mort.   Par conséquent, les spectateurs de ces images pourraient habiter une sorte de cocon, bien protégés des problèmes se déroulant ailleurs, puisqu’on ne peut jamais être certain de la provenance de la photographie. Personne ne se sentirait obligé de se mobiliser autour de la photographie iconique d’une jeune fille brûlée au napalm ou de celle de manifestants pour les droits humains menacés par des chiens de police, ou encore de la Terre vue de l’espace ; les photographies perdraient leur influence morale. Ainsi, la spécificité de toute photographie serait neutralisée, ses signifiants renvoyant à la place à d’autres images. Comparez, par exemple, l’absence de photographies iconiques aidant à définir la guerre en Afghanistan, le plus long conflit armé américain, et les photographies fascinantes qui ont permis de dévoiler quelquesuns des grands enjeux de la guerre du Vietnam.   Bien sûr, on a toujours entretenu un certain scepticisme à l’égard de la photographie, et ce, pour de nombreuses raisons – la photographie a toujours représenté un point de vue, requis une mise en contexte appropriée et été interprétée différemment en fonction des personnes et des cultures, sa signification pouvait être aisément faussée selon la position de l’image sur la page ou sur l’écran. Cependant, les photographies, surtout de type documentaire, ont eu tendance à servir de citation tirée des apparences : on tenait pour acquis que tout ce qui était montré à l’intérieur du cadre était censé avoir été visible durant au moins cette fraction de seconde. Et, fait plus utile, les détails figurant sur une photographie obtenue au moyen d’un objectif pouvaient donner au spectateur de nombreux renseignements sur une situation que le photographe n’avait ni l’intention ni la capacité de développer plus amplement – l’appareil photo fournissait son propre point de vue. Comme l’a exprimé à un moment donné Gilles


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Peress, la photographie est le fruit d’un travail de collaboration de plusieurs auteurs : le photographe, les sujets, les lecteurs ainsi que l’appareil lui-même3.   Au cours des dernières décennies, les artistes postmodernes ont déployé des efforts considérables pour déconstruire l’« élément d’artifice » du procédé photographique, ce qui a permis de concevoir de façon plus évidente la photographie comme média de représentation n’entretenant qu’un rapport malaisé avec des vérités plus larges, plus transcendantes. Ces artistes y sont arrivés par diverses stratégies, notamment en réclamant le statut d’auteur des photographies faites par d’autres, en jouant des rôles fictifs tout en façonnant les images de sorte qu’elles semblent provenir d’œuvres documentaires, et en révélant de quelle manière la présence des médias influait sur les événements réels. En tant que médium comptant parmi les plus viscéraux et susceptibles d’être considérés comme authentiques, la photographie devait être démythifiée de façon à être moins séductrice. Et alors qu’on produit aujourd’hui près d’un trillion d’images par année, souvent sans intention réelle ou recherche de sens, la perception de l’authenticité de la photographie a été dévaluée avec succès – une victoire pour la subjectivité et le plaisir, sinon pour l’autorité du média. Ainsi, l’opinion est autorisée, et même invitée, à prendre le dessus sur les faits.   En outre, il existe moins de lieux collectifs cherchant à être les témoins crédibles de la société (ce qu’on aurait auparavant pu appeler la « manchette »). Par conséquent, devant le nombre considérable d’images qui apparaissent et disparaissent rapidement en ligne – laissant peu de temps au spectateur de se concentrer sur leurs significations multiples et encore moins d’en discuter –, nous perdons nos repères. Comme il n’existe plus de hiérarchie des images qui devraient être vues par tout le monde, cet espace peut être occupé par l’imagerie élaborée par des groupes d’agitateurs, par exemple, puisqu’il n’est plus nécessaire pour eux de déjouer les rares gardiens qui demeurent. En tant que société, nous avons réussi à pénétrer

dans l’univers de surveillance d’Orwell en tant que sujets, conscients ou non, aussi bien que dans Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley, dans lequel une trop grande abondance de toutes choses s’accompagne de trop peu de sens.   Comme l’a écrit Neil Postman en 1985, l’année après laquelle Orwell a imaginé son œuvre intitulée 1984 : Orwell craignait ceux qui interdiraient les livres. Huxley redoutait qu’il n’y ait même plus besoin d’interdire les livres car plus personne n’aurait envie d’en lire. Huxley redoutait qu’on ne nous abreuve au point que nous soyons réduits à la passivité et à l’égoïsme. Orwell craignait qu’on ne nous cache la vérité. Huxley redoutait que la vérité ne soit noyée dans un océan d’insignifiances. Orwell craignait que notre culture ne soit prisonnière. Huxley redoutait que notre culture ne devienne triviale, seulement préoccupée de fadaises. En bref, Orwell craignait que ce que nous haïssons ne nous détruise ; Huxley redoutait que cette destruction ne vienne plutôt de ce que nous aimons4.

On aurait pu penser qu’étant donné son mandat de demeurer à la fine pointe des courants contemporains, la communauté journalistique aurait pu faire davantage pour sauvegarder l’authenticité du médium photographique, avant que la confiance du public ne soit continuellement, et rudement, émoussée. Mais cela n’a pas du tout été le cas. Par exemple, en 1982, le National Geographic, magazine conservateur quelque peu vieux jeu, a modifié une photographie montrant un plan à l’horizontale des pyramides de Gizeh en un plan vertical afin qu’elle convienne à la couverture du magazine, à l’aide d’un système d’imagerie numérique coûteux (plusieurs années avant l’arrivée de Photoshop) [FIG. 1]. Après que le directeur photo du magazine ait révélé publiquement la manipulation, le rédacteur en chef a offert comme justification que c’était comme si on avait reculé dans le temps et déplacé le photographe de quelques pas pour qu’il ait un angle de prise de vue différent – une forme de voyage dans le temps assez étonnante ayant d’innombrables répercussions sur la pratique photographique5.

Gilles Peress, « Bosnia: Uncertain Paths to Peace », New York Times sur Internet, 1996. La version électronique de l’article de journal n’est plus accessible.

3.

Neil Postman, Se distraire à en mourir, trad. de Thérèsa de Chérisey, Paris, Flammarion, 1986, p. 8 de l’introduction.

4.

Sujet abordé par Ritchin dans « Photography’s New Bag of Tricks », op. cit. Ces manipulations et autres manipulations photographiques font l’objet d’une analyse plus approfondie dans l’ouvrage de Fred Ritchin intitulé Au-delà de la photographie : le nouvel âge, trad. de Hugues Lebailly, Paris, Victoire Éditions, 2010.

5.


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Trafics numériques Le Web en cascades d’images (photographiques) — S u z a n n e Paq u e t Guy Debord, La société du spectacle, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1992 (1967), p. 15-16.

1.

Entre autres : Milad Doueihi, La grande conversion numérique, Paris, Seuil, 2008 ; et Manuel Castells, La galaxie Internet, Paris, Fayard, 2002.

2.

Vito Acconci, « Public Space in a Private Time », dans W. J. T. Mitchell (dir.), Art and the Public Sphere, Chicago, Chicago University Press, 1992, p. 158-176 ; William J. Mitchell, E-topia: “Urban Life, Jim – but not as we know It”, Cambridge (Mass.), MIT Press, 1999 ; Mike Crang, « Public Space, Urban Space and Electronic Space: Would the Real City Please Stand Up? », Urban Studies, vol. 37, no 2, 2000, p. 301-317 ; Jeremy Rifkin, L’âge de l’accès. La nouvelle culture du capitalisme, Paris, La Découverte, 2005 ; etc.

3.

Debord, « Théorie de la dérive », Internationale situationniste, no 2, 1958, p. 19.

4.

« Définitions », Internationale situationniste, no 1, 1958, p. 13.

5.

Thierry Joliveau, « La géographie et la géomatique au crible de la néogéographie », Tracés. Revue de sciences humaines, no 10, 2010, p. 232.

6.

Bruno Latour, « Paris, ville invisible, le plasma », 2007, p. 4, www.bruno-latour.fr/ sites/default/files/P-123BEAUBOURG-PARIS.pdf (consulté le 22 août 2014).

7.

Peut-être aurions-nous atteint le zénith du spectacle, là où « tout s’est éloigné dans une représentation1 ». Chaque chose du monde – ou presque – a désormais son double, une image circulant dans un flux parallèle, dans un espace autre où tout se déverse et se répand, où tout s’amalgame, se multiplie. Dans cet espace prévaut une nouvelle géographie, aucune véritable logique terrestre ne conduisant les mouvements et les déplacements, car les images tiennent lieu de destinations et les parcours induits par elles s’apparentent généralement à la flânerie, ou à une sorte de dérive ; des trajectoires aléatoires qui ne sont souvent guidées que par les préférences des autres. La société du spectacle serait possiblement celle d’une culture du favori ou de la plus grande quantité possible de clics ou de visionnements.   Pour décrire ce contexte particulier qu’est le Web, il est tout à fait admissible de proposer la métaphore de l’agora ou de la cité (polis), ce que bien des auteurs ont fait2 ; un parallèle peut aussi être tiré entre l’espace (public) urbain et le cyberespace3. On pourrait de même s’essayer à d’autres rapprochements, par exemple vérifier comment quelques pratiques, célébrées par les membres de l’Internationale situationniste (IS) et conçues pour la ville, s’appliquent à la géographie du Web. C’est que la dérive, définie comme l’action de « se laisser aller aux sollicitations du terrain et des rencontres qui y correspondent4 », évoque bien la façon dont on se trace un chemin à travers les images, dans les cyber-réseaux. En ce sens, y observer les évolutions des photographies et les trajectoires des internautes pourrait devenir une forme possible de l’exercice de la psychogéographie, également cher aux situationnistes et considéré comme l’« étude des effets précis du milieu géographique […], agissant directement sur le comportement affectif des individus5 ». Il est tout de même ironique que la toile, ce système qui a rendu possible tout un monde d’images médiatisant les rapports sociaux, pour paraphraser Guy Debord, soit celui-là même où quelques manœuvres ludiques prescrites par les membres de l’IS puissent être expérimentées à nouveaux frais et où la notion

de psychogéographie a été très vite remise à l’honneur. Ce paradoxe, il me semble, est à l’image même du Web, qui est à la fois abrutissant et éclairant, envahissant et indispensable, détestable et fascinant.   Vers le milieu des années 2000, la notion de psychogéographie a été reprise dans le Web par des artistes qui, la jugeant trop usée, ont eu tôt fait de proposer celle de « néogéographie » pour la remplacer. Leurs pérégrinations néopsycho-géographiques, si j’ose dire, utilisant les outils numériques, ne tendaient toutefois pas vers une étude du Web. Elles visaient, prolongeant les desseins urbanistiques de l’IS par l’usage de technologies, à développer de nouvelles façons d’envisager l’espace physique de la ville et de se positionner « de manière décalée par rapport à la géographie savante6 ». Esquivant pour cette fois ce croisement entre espace urbain et cyberespace, ma prospection psychogéographique se résumera à vouloir décrire les divers trafics qui se forment dans le Web à partir des images (et ce qui, par elles, se trafique), à savoir comment les images photographiques sont dans le Web – qui forme alors un support – et comment elles font le Web – produisant le contexte même dans lequel elles s’inscrivent. Bref, il s’agira d’observer l’« élaboration continuelle » du cyberespace par les images, pour reprendre l’expression employée par Bruno Latour au sujet de Paris, lorsqu’il explique que chaque visiteur ajoute une part, si minime soit-elle, à ce qu’est Paris, qu’il « fait Paris » en même temps que Paris « est fait » par sa visite7.

Frénésie   Quelques constats préliminaires s’imposent. D’abord, on ne peut que s’étonner de l’immense popularité des images fixes, les internautes les mettant en ligne en quantités innombrables, jour après jour. Ces images fixes, ces petits bouts d’espace-temps prélevés par un appareil capteur sur le cours des événements (ordinairement de peu d’intérêt) et mises en mouvement dans les réseaux numériques, on les appelle encore des « photographies », bien qu’elles n’aient plus


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grand-chose à voir, en matière technique, avec les images analogiques obtenues par le (vieux) procédé argentique. Malgré cela, et alors même que prévaut la condition post-photographique, je conserverai ici cette appellation, puisqu’elle est encore chose courante et qu’il semble que les usages sociaux de la photographie soient toujours les mêmes, ayant vraisemblablement peu varié de son avènement jusqu’à l’ère du numérique. « Chaque photo », nous disait Roland Barthes dans La chambre claire en 1980, « est lue comme l’apparence privée de son référent : l’âge de la Photographie correspond précisément à l’irruption du privé dans le public, ou plutôt à la création d’une nouvelle valeur sociale, qui est la publicité du privé8 ». Il ajoutait que la photographie est un médium d’amateur, car ce dernier « se tient au plus près du noème de la Photographie9 ». L’amateur sévissant aujourd’hui dans les réseaux sociaux est bien, comme son ancêtre épris d’argentique, celui qui prête foi au témoignage de l’image photographique, ce fameux noème étant le « ça-a-été » : « cela que je vois s’est trouvé là10 ». C’est que l’amateur, quoiqu’on en dise et malgré le scepticisme que devraient apparemment soulever les technologies numériques et leur manipulation facile, est un croyant, du moins en ce qui concerne ses propres photographies et celles des membres de son réseau social.   Toutes ces photographies qui s’accumulent dans le cyberespace proviennent d’une frénésie partagée de la prise. Prise au sens de conquête : j’y étais, j’étais là, j’y suis, me voici, m’y voici… une preuve imagée parfois renforcée par le géotagging et la possibilité de faire apparaître sa photographie à l’endroit exact de sa captation, sur une carte du monde terrestre reproduite dans le Web. En plus de ces images conquérantes, saisies du monde réel, la prise peut aussi se concevoir comme l’acte du téléchargement. Pourquoi, en effet, sortir de chez soi ou manier un appareil alors que toutes les images du monde sont si aisément disponibles et qu’il est si facile de se les approprier ? Et s’il n’est pas possible de télécharger, une capture d’écran fera l’affaire (le clignement de ces petits logiciels de capture, mimant celui de l’obturateur d’un appareil photo analogique est, à mon avis, irrésistible de futilité).

On prend donc pour (re)mettre en ligne, on s’accapare ce qui flotte déjà quelque part dans le cybermonde pour le rendre visible ailleurs et jamais, pour cause d’incessante multiplication, la notion d’instantané n’aura si bien résonné. Le Web, comme support par lequel sont portés les images et l’environnement où elles baignent, suppose une temporalité singulière, que plusieurs caractérisent comme un présent de l’image auparavant impensé. À cet égard, Lev Manovich et Nadav Hochman parlent d’intemporalité ou d’une sorte d’épaississement du temps11, alors que Fred Ritchin suppose un éternel présent – ou un temps « élastique » – des images numériques12. Si l’on considère le temps des images selon les itinéraires des internautes, producteurs comme récepteurs, il se décrit assurément en infinis défilements, agrégations continues, mouvements constants (entre) des images fixes qui, se multipliant in-(dé)finiment, se repoussent les unes les autres, disparaissent pour mieux réapparaître, à la fois éphémères et omniprésentes, pour emprunter les termes de Ritchin13. Et les images fixes, loin d’être supplantées par la vidéo, resteront encore longtemps les plus nombreuses sur la toile, pour cette simple raison qu’elles se transmettent mieux et plus vite.

Flux   En plus de témoigner des choses du monde – d’en recueillir l’apparence –, la photographie a toujours eu l’avantage d’être transportable et légère, et donc, de bien voyager. Elle a pris le train, le bateau, l’avion, a transité par les fils télégraphiques et téléphoniques pour faire voir des ailleurs dans un ici, et inversement. Aujourd’hui, un même code à la fois la rend visible et la véhicule. C’est dire que l’objet et son lieu – ou son contexte – sont faits de la même substance, ce qui autorise la saisie et la mobilité quasi simultanées : l’image captée peut être immédiatement projetée dans le cyberespace. Ce même code a rendu aisée la reproduction et, de là, la multiplication et la profusion, tout en entraînant une certaine confusion entre producteurs et récepteurs. De plus, grâce à quelques logiciels et à des acteurs qui n’ont pas à être si nombreux, les

Roland Barthes, La chambre claire. Note sur la photographie, Paris, Gallimard, 1980, p. 153.

8.

9.

Ibid., p. 154.

10.

Ibid., p. 120-121.

« And as images become “timeless” (or, better, timethickened), we are all in the same times together. » Nadav Hochman et Lev Manovich, « Zooming into an Instagram City: Reading the local through social media », First Monday, vol. 18, no 7, juillet 2013, n. p., http://firstmonday.org/ ojs/index.php/fm/article/ view/4711/3698 (consulté le 4 août 2014).

11.

Fred Ritchin, After Photography, Londres, W. W. Norton & Company, 2009, p. 51 et 142.

12.

13.

Ibid., p. 51.


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[Fig. 1]

Flickriver, capture d’écran, 17 juillet 2014

« About Flickriver », Flickriver, http://www.flickriver. com/about/ (consulté le 22 août 2014).

14.

Dina Kelberman, I’m Google (débuté en 2011), voir le blogue Tumblr de Kerlberman, http://dinakelberman.tumblr. com (consulté le 6 août 2014).

15.

Bruno Latour, Sur le culte moderne des dieux faitiches suivi de Iconoclash, Paris, La Découverte, coll. « Les empêcheurs de penser en rond », 2009 ; et Bruno Latour, L’espoir de Pandore : pour une version réaliste des activités scientifiques, Paris, La Découverte, 2001.

16.

Latour, Iconoclash, op. cit., p. 170.

17.

Bruno Latour et Adam Lowe, « La migration de l’aura ou comment explorer un original par le biais de ses fac-similés », Intermédialités, no 17, 2011, p. 177.

18.

images semblent proliférer littéralement par elles-mêmes.   Au-delà de l’activité foisonnante dans ces méga- (ou méta-) albums que sont devenus Flickr et Instagram (les statistiques au sujet du nombre d’images téléversées dans le premier ou prises grâce à la seconde, de même que les nombres de vues, sont étourdissantes), des dizaines, voire des centaines de « visionneuses » (viewers) ont fait leur apparition, dans lesquelles les images de Flickr sont versées, ou aspirées, automatiquement. Elles sont présentées comme des outils rendant plus aisée, plus ludique ou plus esthétique la consultation des images produites par les internautes. L’une de ces visionneuses retient l’attention par son nom évocateur, Flickriver [FIG. 1] ; son concepteur (Alex Sirota alias iosart) affirme avoir voulu organiser les photographies en un flux continu, un infini défilement (infinite scroll), une rivière d’images14.   Dans d’autres coins du cyberespace, des « curateurs » nouveau genre amassent, amoncellent et « épinglent » des images repiquées et reprises un peu partout dans le Web. Dans ces sites de « curation », de collecte ou de reblogage que sont

Tumblr, Pinterest ou Scoop.it, pour n’en nommer que quelques-uns, la circulation est intense. Notons que, tout en empruntant la manière du défilement vertical aussi en usage pour les visionneuses – défilement qui peut parfois sembler infini, par exemple dans l’œuvre fascinante de Dina Kelberman15 –, les images ainsi assemblées conduisent à leur emplacement d’origine (on n’ose pas dire à l’original), promettant d’autres découvertes à qui veut bien jouer le jeu du clic et du re-clic. Une autre dimension, plus réticulaire, s’ajoute à l’exploration, en une dérive ou un flottement de lien en lien, complexifiant les trajectoires. Le Web semble ainsi se construire en cascades d’images, expression empruntée à Bruno Latour16, ce qui implique que les images s’enfilent, défilent et se défilent, sans temps d’arrêt (sans « arrêt sur image » dixit Latour), chacune s’inscrivant en prolongement des autres, chacune permettant à l’autre d’exister, de persister, chacune donnant accès à d’autres. Latour a aussi parlé de « long flot d’images17» ou de « bassin hydrographique18 » pour décrire cet effet. Du coup, la métaphore géographique de notre expédition s’avérerait plus fluviale que terrestre, notre reconnaissance psychogéographique pourrait devenir plus aquatique qu’urbaine… Et, suivant ces idées de


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flot, de flux, le Web serait tout aussi bien une cybertemporalité (le fleuve, toujours tel qu’en lui-même, n’est jamais le même) qu’un cyberespace.   Serait-ce pour s’opposer à ces rivières gonflées de photographies, à tous ces débordements, que des applications comme Snapchat – conçue aux fins de « partager des images disparaissantes19 » – ont été mises au point ? Plutôt que de tout garder, évitant le déluge, les photographies disparaîtraient à mesure de leur (très bref) visionnement. Mais les images ne s’évanouissent pas si commodément. Bien sûr, on peut en faire des captures d’écran ; et, bien évidemment, des contre-sites ont fait leur apparition, Snapchatleaked.com par exemple (savourons l’ironie de cette appellation), une plateforme d’échange où sont montrées des images générées par Snapchat et donc censément effacées… Ce qui illustre bien l’élaboration continuelle du cybermonde, d’un mouvement perpétuel où rien, surtout pas les images, ne se perd, où tout s’additionne.

Trafics   La cascade des images se présente comme le mouvement et l’addition en continu des images, l’image elle-même étant « un ensemble d’instructions permettant d’atteindre la suivante dans la série20 ». Si Latour et ses collègues appliquent cette notion aux inscriptions scientifiques, ils et

elles affirment également que ce type de relation n’est pas étranger au domaine de l’art : « Mettre en rapport une image avec d’autres, jouer avec des séries d’images, les répéter, les reproduire, les transformer subtilement sont, et étaient, pratiques artistiques courantes avant même le tristement célèbre “âge de la reproduction mécanique”21». Chaque œuvre s’enchaînerait aux autres et serait prolongée « par une autre œuvre, souvent maladroite et minuscule, et qui en étendra l’ébranlement jusqu’à un autre porteur d’art22». Dans le Web, cette mobilité et ces parcours des œuvres et des représentations sont assurés par une chaîne d’acteurs, d’objets et de techniques où l’amateur, l’internaute reproducteur, le créateur d’œuvres ou le curateur-épingleur23, autant que tous ces procédés qui aspirent et multiplient les photographies, et aussi les images elles-mêmes s’ouvrant au passage (hâtif ou flâneur) et donnant forme au cyberespace, sont tous d’égale importance. La toile n’est-elle pas le milieu et le support privilégié d’œuvres reproductibles, de reproductions « photographiques », d’images abandonnées, à la dérive, dont s’empareront certains artistes, et aussi le lieu de pratiques photographiques rassemblant des communautés qui, par leurs activités, assurent la survivance d’objets et d’œuvres qui autrement seraient aujourd’hui ignorés ou invisibles ? De tout ce trafic, de tous ces trafics, extrayons quelques trajectoires, pour mieux illustrer ces mouvements en cascade.

[Fig. 2]

Grant Wood, American Gothic, 1930, capture d’écran d’une recherche d’images Google, mai 2014

« [...] an application for sharing disappearing pictures », http://blog.snapchat.com/ post/84407744185/putting-the-chat-into-snapchat (consulté le 30 juillet 2014).

19.

Latour, Iconoclash, op. cit., p. 186.

20.

21.

Ibid., p. 189.

Latour, Enquête sur les modes d’existence. Une anthropologie des modernes, Paris, La Découverte, 2012, p. 249 (en ligne, p. 248), http://www. modesofexistence.org (consulté le 14 avril 2015).

22.

Ibid., p. 245 : « […] c’est parce que l’œuvre exige qu’il fasse partie, lui le pâle amateur, l’interprète génial ou le critique passionné de son trajet d’instauration […] ». Voir aussi (et surtout) les travaux d’Antoine Hennion, entre autres La passion musicale. Une sociologie de la médiation, Métailié, 2003 ; et « Pour une pragmatique du goût », Papiers de recherche du CSI, no 001, 2005, n. p. (en ligne, p. 244) : « […] cette série de médiations est hétérogène mais continue, la production du monde de l’art se fait par passages, ajouts, transformations croisées […] », http://halshs.archives-ouvertes. fr/docs/00/09/08/19/PDF/ WP_CSI_001.pdf (consulté le 27 janvier 2015).

23.



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LAIA ABRIL Jacques Pugin

After Fa cebØØK

Fre d Ritchin

Roberto Pell egri nuzzi

Isabelle Le Minh

Roy Arden

Joachim Schmid

Ow en Kydd

Liam Maloney

Paul Wong

Janet Cardiff & George Bures Miller

Simon Menner

Di n a K e lbe r m a n

D e rrick de Kerckhove


Erik Kessels

Da vid Tomas Christopher Bak er

Sean Snyder

Miss P i xels

Leandro Berra

Pa tri cia Pi cci ni ni

Christina Battle

Joa n F ontcub er ta

Adam Broomberg & Oliver Chanarin

A n d r e as R u t kau skas

Ha ns Eijkelb oom

Dominique Sir ois

Suzanne Pa quet GrĂŠgory Chatonsky

Dominique Blain


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NOTICES BIOGRAPHIQUES LAIA ABRIL (ESPAGNE)

Née en 1986, Laia Abril vit et travaille à Barcelone. Son travail a été exposé dans plusieurs galeries et festivals, notamment à la galerie Ivorypress à Madrid (2015) ; à PhotoEspaña à Madrid (2014) ; au Musée de l’Elysée à Lausanne (2014) ; au Lodz Fotofestiwal (2013) ; au centre Arts Santa Mònica à Barcelone (2013) ; au Fotomuseum Winterthur (2012) ; au Festival d’hiver de Sarajevo (2012) ; au Festival Lumix à Hanovre (2012) ; au New York Photo Festival (2011) ; au Studio la Città à Verone (2010) ; et à Caja Madrid (2010). Elle est récipiendaire de plusieurs prix et distinctions, dont le CENTER Choice Award (2013), et elle a été choisie pour la Fabrica, résidence d’artistes de Benetton à Trévise (2013). Elle était en nomination pour le prix FOAM Paul Huf en 2015 et pour le Joop Swart Masterclass en 2014. Son livre The Epilogue a été sélectionné pour le Prix du Premier Livre aux PhotoBook Awards 2014 de Paris Photo-Aperture Foundation. Laia Abril est représentée par INSTITUTE à Los Angeles et à Bath. www.laiaabril.com www.instituteartist.com

AFTER FACEBØØK (QUÉBEC , CANADA)

After FacebØØk est un projet qui a été développé dans le cadre d’une résidence de recherche au Centre des arts actuels Skol à Montréal en 2012. Les artistes qui y participent parcourent des pages du réseau social Facebook afin de constituer une documentation sur la production et la circulation de photographies sur cette plateforme. Le projet s’intéresse aux enjeux économiques, politiques et sociaux liés au partage d’images sur Facebook, ainsi qu’au changement de paradigme de la photographie actuelle qui est coextensif de l’essor des réseaux sociaux. Depuis 2012, After FacebØØk a produit des expositions qui prennent en compte le lieu et la communauté où elles sont présentées, tel qu’à ARTsPLACE Gallery à Annapolis Royal (2015) ; à Latitude 53 à Edmonton (2014) ; à SetUp Art Fair à

Bologne (2014) ; au Alternator Centre for Contemporary Art à Kelowna (2014) ; à L’Écart Lieu d’Art Actuel à Rouyn-Noranda (2014) ; et à l’Espace F à Matane (2013). www.afterfacebØØk.com

ROY ARDEN (COLOMBIE-BRITANNIQUE , CANA DA )

Né en 1957, Roy Arden vit et travaille à Vancouver. Il a présenté ses œuvres dans des expositions individuelles et collectives, notamment à l’Equinox Gallery à Vancouver (2015) ; à la Monte Clark Gallery à Vancouver (2013) ; au Smithsonian Hirshhorn Museum à Washington (2013) ; à l’International Center of Photography à New York (2013) ; à La Alhóndiga à Bilbao (2012) ; à la Vancouver Art Gallery (2012, 2010, 2007) ; au Fotomuseum à Anvers (2012) ; aux Rencontres d’Arles (2011) ; et au Centre de la photographie Genève (2010). Ses œuvres font entre autres partie des collections publiques de la Banque d’œuvres d’art du Conseil des arts du Canada à Ottawa, du Centre Pompidou à Paris, du Hammer Museum à Los Angeles, du Musée d’art contemporain de Montréal, du Museu d’Art Contemporani de Barcelona et du Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa. Il est représenté par la Monte Clark Gallery à Vancouver. www.royarden.com www.monteclarkgallery.com

CHRISTOPHER BAKER (ÉTATS-UNIS)

Né en 1979 à Redford, au Michigan, Christopher Baker vit et travaille à Chicago. Ses œuvres ont été exposées dans plusieurs musées et galeries, parmi lesquels le Center for Arts Virgina Tech (2014) ; le Krannert Art Museum à Urbana-Champaign (2013) ; le Tokyo Metropolitan Museum of Photography (2013) ; le National Taiwan Museum of Fine Arts (2012) ; la Gallery MZ à Augsburg (2011) ; et le Museum of the Moving Image à Astoria (2011). Il a présenté des œuvres spécialement commandées

pour la Frankfurt Buchmesse en 2011 et le Paivalehti Museum à Helsinki en 2010. Plusieurs bourses et prix lui ont été décernés, dont le Efroymson Midwest Contemporary Arts Fellowship en 2014, le Merit Award de l’American Society of Landscapes Architects en 2012 et l’Artist Initiative Grant du Minnesota State Arts Board en 2009. Ses œuvres font partie de diverses collections, telles que la Saatchi Collection à Londres et l’Edelman New York Collection. www.christopherbaker.net

CHRISTINA BAT TLE (ALBERTA, CANADA / ÉTATS-UNIS)

Née en 1975 à Edmonton, Christina Battle vit et travaille à Denver. Elle détient une maîtrise en beaux-arts du San Francisco Art Institute (2005). Ses œuvres ont été présentées dans de nombreuses expositions individuelles et collectives en Amérique du Nord et en Europe, notamment à l’Arvada Center for the Arts and Humanities (2014) ; à la Gallery 44 à Toronto (2014) ; au Ryerson Image Centre à Toronto (2012) ; au Rotterdam Film Festival (2008) ; à la Galerie d’art Foreman à Sherbrooke (2007) ; et au London Film Festival (2007). Elle est récipiendaire de plusieurs prix et bourses, parmi lesquels le Best Canadian Work Jury Prize au WNDX Festival of Moving Images à Winnipeg en 2013, le Steam Whistle Homebrew Award au Images Festival of Toronto en 2008 et 2006, et le James Broughton Film Award du San Francisco Art Institute en 2005. www.cbattle.com

LEANDRO BERRA (ARGENTINE / FRANCE )

Né en 1956 à Buenos Aires, Leandro Berra vit et travaille à Paris. Depuis 1987, il a présenté de nombreuses expositions individuelles et collectives, entre autres à la Galerie UNIVER / Colette Colla de Paris (2013) ; à l’École des Beaux-Arts de Besançon (2011) ; aux Rencontres d’Arles (2010, 2007, 2005) ; au Centro Cultural


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Recoleta à Buenos Aires (2003) ; et à la Maison des Arts André Malraux à Créteil (2000). Ses œuvres font notamment partie des collections publiques du Fonds National d’Art Contemporain de France, de la Mairie de Gentilly, de la Maison de l’Amérique latine à Paris, du Musée Martiniquais des Arts des Amériques et du Museo de Arte Contemporáneo de Buenos Aires. Il a reçu le prix de la Joven Pintura de la Fondation Fortabat de Buenos Aires en 1993 et le prix Fondation Fortabat de la Maison de l’Amérique latine de Paris en 1990. Il est représenté par la Galerie UNIVER / Colette Colla à Paris. www.leandroberra.com www.uni-ver.com

DOMINIQUE BLAIN ( QUÉBEC , CANADA)

Née en 1957, Dominque Blain vit et travaille à Montréal. Diplômée de l’Université Concordia en 1979 et de la New York Film Academy en 1996, elle a exposé son travail en Amérique du Nord et en Europe, notamment à la Bentley Gallery à Phoenix (2015) ; au Musée des beaux-arts de Montréal (2012) ; au Musée de l’Europe à Wroclaw (2009) ; au Musée de l’Europe à Bruxelles (2008); et à la Galerie de l’UQAM à Montréal (2004). Ses œuvres font partie de nombreuses collections publiques, telles que celles du Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa, du Scotsdale Contemporary Art Museum en Arizona, du Los Angeles County Museum of Art, du Musée national des beaux-arts du Québec et du Musée des beaux-arts de Montréal. Elle a reçu le prix Paul-ÉmileBorduas en 2014 et le prix Les Elles de l’Art en 2009, attribué par Pratt & Whitney en association avec le Conseil des arts de Montréal. Elle est représentée par la galerie antoine ertaskiran à Montréal. www.dominiqueblain.com www.galerieantoineertaskiran.com

ADAM BROOMBERG (A FRIQUE DU SU D / ROYAUME -UNI)

& OLIVER CHANARIN (ROYAUME -UNI)

Adam Broomberg est né en 1970 à Johannesburg, et Oliver Chanarin est né en 1971 à Londres. Ils vivent et travaillent tous deux à Londres. Ils ont présenté de nombreuses expositions d’envergure internationale, notamment à la Tate Modern à Londres (2015) ; au CSW Varsovie (2015) ; à la Tate Liverpool (2014-2015) ; au Museo Jumex à Mexico (2014-2015) ; à la Biennale de Shanghai (2014) ; au Museum of Modern Art à New York (2013) ; au Mathaf Arab Museum of Modern Art à Doha, au Qatar (2013), à la Biennale de Gwangju (2012) ; au KW Institute for Contemporary Art à Berlin (2011) ; au Stedelijk Museum à Amsterdam (2006) ; à l’International Center of Photography à New York (2006) ; et à la Photographers’ Gallery à Londres (2013). Ils sont également professeurs invités à la University of the Arts London. Leurs œuvres font partie de collections publiques et privées majeures, telles que celles de la Tate Modern, du Museum of Modern Art, du Stedelijk Museum, du Victoria and Albert Museum à Londres, du Musée de l’Elysée à Lausanne, de l’International Center of Photography à New York et du Musée des beaux-arts de l’Ontario à Toronto. Ils ont reçu l’ICP Infinity Award en 2014 pour leur publication Holy Bible, et le Deutsche Börse Photography Prize en 2013 pour War Primer 2. Ils sont représentés par la Lisson Gallery à Londres et la Goodman Gallery à Johannesburg. www.broombergchanarin.com www.lissongallery.com www.goodman-gallery.com

JANET CARDIFF & GEORGE BURES MILLER (COLOMB IE -B RITANNIQUE , CANA DA )

Janet Cardiff est née en 1957 à Bruxelles, en Ontario, et George Bures Miller est né en 1960 à Vegreville, en Alberta. Ils vivent et travaillent en Colombie-

Britannique. Collaborant depuis 1995, les artistes sont reconnus mondialement pour leurs œuvres multimédias immersives provoquant des expériences transcendantes et multisensorielles qui transportent le spectateur dans des récits souvent déstabilisants. Cardiff et Miller ont présenté de nombreuses expositions individuelles dans des institutions artistiques internationales, notamment au ARoS Aarhus Art Museum (20152014) ; à la Vancouver Art Gallery (2014) ; au Musée des beaux-arts de l’Ontario à Toronto (2013) ; au Modern Art Oxford (2008) ; au Miami Art Museum (2007) ; au Museu d’Art Contemporani de Barcelona (2007) ; et au Mathildenhöhe à Darmstatdt (2007). Leurs œuvres ont également fait partie d’expositions collectives, comme Soundscapes à la National Gallery de Londres, et de biennales telles que la 19 e Biennale de Sydney en 2014 et la dOCUMENTA (13) de Cassel. Ils représentaient le Canada à la Biennale de Venise en 2001, où ils ont remporté le Prix Premio et le Prix Benesse. Les artistes ont récemment entrepris de nouveaux projets in situ commandés par la Fondation Louis Vuitton à Paris, la Menil Collection à Houston et le Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia à Madrid. Ils sont représentés par Luhring Augustine à New York. www.cardiffmiller.com www.luhringaugustine.com

GRÉGORY CHATONSKY (FRANCE / QUÉB EC, CANA DA )

& DOMINIQUE SIROIS (QUÉB EC, CANA DA )

Né à Paris en 1971, Grégory Chatonsky vit et travaille à Montréal et à Paris. Diplômé en multimédia de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris et de Paris I La Sorbonne, il fonde en 1994 Incident.net, un collectif de netart implanté en France, au Canada et au Sénégal. Née en 1976, Dominique Sirois vit et travaille à Montréal. Détentrice d’une maîtrise en arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal, son travail a été diffusé dans de nombreuses


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Coordonnatrice communications et marketing

Amélie Aumont Adjointe administrative

Majorie Paré Coordonnatrice aux services éducatifs et au développement des publics

Dominique Myrand Coordonnateurs aux événements spéciaux

Adrian Tusa Nataliya Petkova Assistant à la programmation

Rodrigo Moreira Assistante aux communications

Fanny Gravel-Patry Coordonnatrice à l’accueil

LE MOIS DE LA PHOTO À MONTRÉAL ÉQ U I P E Directrice générale

Katia Meir Directeur par intérim

Dima Karout Stagiaire assistante de recherche et développement

Ariane Thibodeau Stagiaires à la médiation culturelle

Marion Lemoine Camille Mothes Designer graphique et identité visuelle

Chuck Samuels

Marie Tourigny

Directrices adjointes

Designer Web

Yasmine Tremblay Chantal T.Paris Commissaire invité 2015

Joan Fontcuberta Commissaire associée

Corina Ilea Coordonnatrice des publications

Marie-Catherine Leroux Coordonnateurs des expositions

Hugues Dugas Jack Stanley

Mat3rial CONSEIL D’ADMINISTRATION Présidente

Diane Charbonneau Vice-Président

Serge Clément Secrétaire

Jean-François Bélisle Administrateurs

Isabelle Gagnon Audrey Genois Yann Pocreau


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PA RT EN AI R ES Partena ires d’exposition L’Atelier Circulaire Centre CLARK Centre des arts actuels Skol Centre PHI Galerie B-312 Galerie de l’UQAM Galerie Joyce Yahouda Galerie Leonard & Bina Ellen,   Université Concordia Maison de la culture Frontenac Musée des beaux-arts de Montréal Musée McCord Occurrence espace d’art et d’essai  contemporains Optica, centre d’art contemporain Quartier des spectacles de Montréal SBC galerie d’art contemporain

Quartier général de la biennale Parisian Laundry

Partena ires gouvernementaux et institutionnels Conseil des arts et des lettres du Québec Secrétariat à la région métropolitaine Emploi-Québec Ministère de la Culture et des  Communications Conseil des Arts du Canada Conseil des arts de Montréal Ville de Montréal Patrimoine canadien Tourisme Montréal Australia Council for The Arts Consulat général de France à Québec Institut Français Consulat général de Suisse à Montréal Consulat général de la République   Argentine à Montréal

Partenaires universitaires

DONATEURS

Concordia University Université du Québec à Montréal Figura, le Centre de recherche   sur le texte et l’imaginaire RADICAL

Robert Ascah, Raymonde April, Alain Chagnon, Diane Charbonneau, Robert Graham, Suzy Lake, Jocelyn Philibert, Gabor Szilasi, Ewa Zebrowski, donateurs anonymes.

Partenaires culturels Centre Canadien d’Architecture Dazibao VU, centre de diffusion et de   production de la photographie La Fabrique Culturelle Le Regroupement des centres   d’artistes autogérés du Québec FORMATS RIDM - Rencontres Internationales   du Documentaire de Montréal

Partenaires médias Canadian Art Ciel variable Aperture Foundation Art Papers Aesthetica Magazine esse arts + opinions Fisheye Magazine Mat3rial Galeries Montréal Daylight Direction ART MTL

Partenaires de l’expérience MPM La petite commission 1one Apollo Studios Médiatech Vidéographe Groupe Quadriscan LesPHOTOGRAPHES.org Au Pain Doré

REMERCIEMENTS Albert Ades, Roxanne Arsenault, Dan Barzel, Marie-Ève Beaupré, Sylvie Bussières, Marthe Carrier, Stéphanie Chabot, Caroline Clément, Paula Conde, Daniel Cottini, Wayne Ross Cullen, Pascale Daigle, Noémie da Silva, Pip Day, Gwenaëlle Denis, Louise Déry, Brenda Dionne, Michaël Fortin, Jean-Baptiste Gabbero, Samuel Gaudreau-Lalande, Ruth Hogan, Lindsay Inouye, Justine Jacob-Roy, Martina Kupiak, MarieJosée Lafortune, Geneviève Lafrance, Olivia Lagacé, Laurent Lallane, Martha Langford, Julie-Ann Latulippe, Myriam Lavoie, Vincent Lavoie, Stephane Le Bigot, Hardip Manku, Louise Matte, Maya Meir, Petra Merschbrock, Catherine Métayer, Lili Michaud, Lara Orsoni, Alain Paradis, Ian Partridge, Anne-Marie Proulx, Anil Ragubance, Jeanie Riddle, Danielle Roberge, Sophie Robnard, Maria Luisa Romano, Hélène Samson, Caroline Savaria, Larry Silberman, Cheryl Sim, Mar Sorribas Roca, Eszter Steierhoffer, Penny Teale, Michèle Theriault, Zev Tiefenbach, Manon Tourigny, Marie Tourigny, Julie Tremble, Joyce Yahouda.




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Ce livre a été publié pour accompagner l’événement : Le Mois de la Photo à Montréal – 14e édition : La condition post-photographique Commissaire invité : Joan Fontcuberta 10 septembre – 11 octobre 2015 Direction de la publication : Joan Fontcuberta Coordination de la publication : Marie-Catherine Leroux Révision : Corina Ilea, Marion Lemoine, Camille Mothes, Colette Tougas Traduction : Nathalie De Blois (J. Fontcuberta et textes sur les artistes), Francine Delorme (D. de Kerckhove, F. Ritchin, D. Tomas), Colette Tougas (divers textes) Correction d’épreuves : Catherine Métayer Direction artistique : Marie Tourigny marietourigny.com Design graphique : Marie Tourigny Catherine Métayer Images graphiques : Marie Tourigny Johan Högdahl Joan Fontcuberta Emmanuelle Charneau Toutes les images graphiques ont été générées à partir d’images glanées dans nos banques personnelles, et/ou sur des sites d’images libres de droits. Elles ont toutes été modifiées selon les préceptes post-photographiques. Traitement des images : le Cabinet, espace de production photographique Gestion de projet, Kerber Verlag : Martina Kupiak Crédits des textes : Joan Fontcuberta (Introduction : Un regard infini, une image dissolue ; La condition post-photographique ; textes sur les artistes ; bibliographie), Derrick de Kerckhove (son essai), Suzanne Paquet (son essai), Fred Ritchin (son essai), David Tomas (son essai) Crédits des œuvres : Avec l’aimable autorisation des artistes et de leurs galeries Pages 20-25 Lisson Gallery, Londres ; Page 27 Bruno Munro Wright Collection, Vancouver, et Monte Clark Gallery, Vancouver ; Page 28 Yuri Fulmer et Monte Clark Gallery, Vancouver ; Page 29 Nelson Leong et Monte Clark Gallery, Vancouver ; Pages 30-31 Galerie PierreFrançois Ouellette Art Contemporain, Montréal ; Pages

42-43 © SD Holman ; Page 50 © Joan Fontcuberta ; Page 61 © LucGirouard.com ; Pages 68-71 Luhring Augustine Gallery, New York ; Pages 72-75 Galerie Esther Woerdehoff, Paris ; Pages 87-89 Galerie Chantal Crousel, Paris, Lisson Gallery, Londres, et Galerie Neu, Berlin ; Pages 90-91 galerie antoine ertaskiran, Montréal ; Page 95 © Chris Houltberg ; Pages 99101 © Laia Abril / INSTITUTE ; Pages 102-105 galerie UNIVER / Colette Colla, Paris ; Pages 106-109 Galerie Christophe Gaillard, Paris ; Pages 111-115 © Simon Menner et BStU 2013 ; Pages 117-119 Œuvre commandée par Multistory ; Pages 120-121 XPO Gallery, Paris Crédits photo : Pages 13 (J. Fontcuberta) Domaine public, Wikimedia Commons, https://en.wikipedia.org/wiki/Celebes_crested_macaque Pages 130-137 (D. Tomas) [FIG. 1-2-3] © David Tomas, en collaboration avec Catherine Lescarbeau ; [FIG. 4] Source : A.B.C. Telegraphic Code 5th Edition, 1901, par Atlantic Cable, domaine public,http://en.wikipedia.org/wiki/Global_ network#mediaviewer/File:1901_Eastern_Telegraph_ cables.png ; [FIG. 5] © Félix Pharand-Deschênes / Globaïa ; [FIG. 6] Source : « Rapport sur l’existence d’un système d’interception mondial des communications privées et économiques (système d’interception ECHELON) (2001/2098(INI)) », Parlement européen, 11 juillet 2001, p. 42. Illustration originalement parue dans Hans Dodel et Sabrina Eberle, Satellitekommunikation, Heidelberg, Hüthig Verlag, 1999 © Hüthig GmbH [texte : notre traduction] ; [FIG. 7] © Rand Corporation [texte : notre traduction] Pages 138-143 (D. de Kerckhove) [FIG. 1] © ART+COM Studios, Berlin ; [FIG. 2] © Christian Moeller ; [FIG. 3] © Maurice Benayoun ; [FIG. 4] © Paolo Cirio et Alessandro Ludovico ; [FIG. 5] © Sarah Kenderdine et Jeffrey Shaw Pages 144-149 (F. Ritchin) [FIG. 1] © 1982 National Geographic Society  [FIG. 2] © Taryn Simon et Aaron Swartz Pages 150-155 (S. Paquet) [FIG. 1] © Raymond McBride, Hint of Colour (Perch Rock Lighthouse New Brighton), 30 juin 2014 (http://www. flickriver.com/photos/raymac10/tags/perchrock/) [FIG. 2] Google ; [FIG. 3] © Hermann Zschiegner [FIG. 4] Collection Centre Canadien d’Architecture / Canadian Centre for Architecture, Montréal. Don de Dr. Dara Alexandra Charney / Gift of Dr. Dara Alexandra Charney © SUCCESSION MELVIN CHARNEY / SODRAC(2015) [FIG. 5] © Corbis ; [FIG. 6] © THOMAS RUFF / SODRAC (2015) Pages 160-161 (portraits) Laia Abril © Piero Martinello ; Cristopher Baker © Chris Houtberg ; Dominique Blain © Ministère de la Culture et des Communications et La Cavalerie ; Adam Broomberg & Oliver Chanarin © Basil Davidson ; Janet Cardiff & George Bures Miller © Zev Tiefenbach ; MissPixels © Luc Girouard ; Patricia Piccinini © Alli Oughtred ; Joachim Schmid © Pete Boyd ; © artistes et auteurs


Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Mois de la photo à Montréal (14e : 2015 : Montréal, Québec) ​La condition post-photographique (​ Kerber photo art) ​Catalogue de vingt-cinq expositions de la 14e édition du Mois de la photo à Montréal présentées dans 16 lieux à Montréal du 10 septembre au 11 octobre 2015. ​Publié aussi en anglais sous le titre : The post-photographic condition. ​Publié en collaboration avec Kerber Verlag. ​Comprend des références bibliographiques. I​ SBN 978-2-9808020-6-5 (Mois de la photo à Montréal) ​ISBN 978-3-7356-0128-5 (Kerber) ​1. Photographie artistique - Expositions. 2. Photographie artistique - 21e siècle. I. Fontcuberta, Joan, 1955- . II. Mois de la photo à Montréal (Organisation). III. Titre. TR646.C32M6 2015​

779.074’71428​

C2015-941229-3

La Deutsche Nationalbibliothek a répertorié cette publication dans la Deutsche Nationalbibliografie les données bibliographiques détaillées peuvent être consultées sur Internet à l’adresse : http://dnb.d-nb.de. Imprimé et publié par : Kerber Verlag, Bielefeld Windelsbleicher Str. 166–170 33659 Bielefeld Allemagne Tél. +49 (0) 5 21/9 50 08-10 Téléc. +49 (0) 5 21/9 50 08-88 info@kerberverlag.com www.kerberverlag.com

Publié sous la direction de : Le Mois de la Photo à Montréal 5445, avenue de Gaspé, espace 335 Montréal (Québec) H2T 3B2 Canada Tél. +1 (514) 390-0383 info@moisdelaphoto.com www.moisdelaphoto.com

Kerber, Distribution aux États-Unis : D.A.P., Distributed Art Publishers, Inc. 155 Sixth Avenue, 2nd Floor New York, NY 10013 Tél. +1 (212) 627-1999 Téléc. +1 (212) 627-9484 www.artbook.com

Les publications de KERBER sont disponibles dans plusieurs librairies et boutiques de musées dans le monde entier (elles sont distribuées en Europe, en Asie, en Amérique du Nord et du Sud). Tous droits réservés. Il est interdit de reproduire, de traduire, de stocker dans un système de recherche ou de transmettre le contenu de cette publication, en totalité ou en partie, sous quelque forme ou par quelque procédé que ce soit (électronique, mécanique, photocopie, enregistrement ou autre), sans l’autorisation écrite préalable de l’éditeur. © 2015 Le Mois de la Photo à Montréal, Kerber Verlag, Bielefeld/Berlin, les artistes et les auteurs

978-3-7356-0128-5 (Kerber Verlag) www.kerberverlag.com 978-2-9808020-6-5 (Le Mois de la Photo à Montréal) www.moisdelaphoto.com Imprimé en Allemagne Dépôt légal, 2015 Bibliothèque et Archives nationales du Québec Bibliothèque et Archives Canada





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