La transmission d'une culture à travers un mode d'habiter (Île de La Réunion)

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La transmission d’une culture à travers un mode d’habiter



Page de garde Collage à partir de photos ancienne de l’île de La Réunion Production personnelle


Photo ancienne Coupeurs de canne Ă sucre rĂŠunionnaisdumonde.com


La transmission d’une culture à travers un mode d’habiter


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Remerciements

Je souhaite adresser mes sincères remerciements à mon directeur de mémoire, Christophe Bouriette, enseignant à l’ENSAPBx, pour le temps qu’il m’a accordé, son soutien et ses conseils constructifs et encourageants tout au long de ma réflexion. Je le remercie également pour sa patience et sa bienveillance face aux épreuves personnelles que j’ai rencontrées qui m’ont obligée à mettre, le temps de quelques mois, mon mémoire entre parenthèses. Je souhaite remercier toute l’équipe du séminaire Architecture Ville et Territoire, qui par leurs paroles, leurs écrits, leurs conseils et leurs critiques ont guidé mes réflexions et m’ont aiguillée tout au long de mon travail. Je remercie également toutes les personnes ayant nourri mes recherches, mes proches, des connaissances et amis, à travers nos discussions formelles ou informelles sur ce sujet et bien d’autres concernant notre île. Il est important pour moi de remercier chaleureusement ma famille et mes amis, qui ont pris le temps de me relire et de m’apporter, parfois, un regard neuf sur le sujet, et qui m’ont toujours soutenue quelles que soient les circonstances.

Merci I 7


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Avant-propos Terre de métissage, la Réunion est une île qui regorge de cultures différentes. Ayant moi même grandi dans cet environnement et dans une case créole traditionnelle, j’ai pu expérimenter, observer et faire vivre mon imaginaire dans l’habitat réunionnais. J’ai souhaité, à travers ce mémoire, partager mon vécu en tant que Réunionnaise et l’approfondir en tant qu’étudiante en architecture. Ces deux composantes m’ont permis d’avoir toute les cartes en main afin approfondir mon sujet. En effet, ma formation d’architecte me permet d’obtenir le recul nécessaire afin d’analyser les choses sous un autre angle que celui d’habitante réunionnaise. Les questions autour du thème de l’habitat m’ont fortement intéressées dès le début de ma scolarité au sein de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux. En me penchant de plus près sur le sujet, notamment dans le cadre de mon mémoire, j’ai pu approfondir l’étroite corrélation qui existe entre l’habitat et l’habitant. Ainsi, il m’a paru évident de traiter la notion de l’habitat à La Réunion et les diverses formes qu’il peut revêtir en fonction d’une époque, d’un mode de vie, d’un lieu ou d’une culture. J’ai donc pu analyser l’habitat réunionnais à travers deux prismes différents: le premier étant mon point de vue en tant que Réunionnaise et future architecte, et le second, celui d’autres Réunionnais, des proches ou des connaissances vivant sur l’île. J’ai également réalisé de nombreuses recherches afin d’essayer de comprendre l’habitat réunionnais et tout ce qu’il englobe, depuis le peuplement de l’île jusqu’à aujourd’hui.

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Une mosaïque de cultureS : l’histoire de l’habitat à l’île de la Réunion

Sommaire

A. L’arrivée sur l’île, la colonisation

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B. La départementalisation

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C. Le «post-départementalisation»

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Remerciements

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Avant-propos

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Introduction

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02 03 La structure familiale et le mode d’habiter à la Réunion : Une évolution socio-culturelle

La standardisation et la modernisation de l’habitat et du mode d’habiter: à la recherche d’un nouveau mode de vie

A. Malbar, indien tamoul

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B. Sinoi, d’origine chinoise

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A. évolution de la structure familiale depuis la départementalisation

C. Zarab, indo-musulman

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B. à la recherche d’une nouvelle identité

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C. Un nouveau modèle constructif

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Sources

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D. Créole, métis aux origines mul- 90 tiples E. Zoreil

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Conclusion

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Introduction

Figure 1 Croquis d’un paysage réunionnais Production personnelle

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Habitat : «Partie de l’environnement définie par un ensemble de facteurs physiques, et dans laquelle vit un individu, une population, une espèce ou un groupe d’espèces.»1.

Avant toute chose, il nous a paru évident de commencer par définir le thème du sujet, puisque celui-ci nous a permis de nous orienter vers des pistes à suivre afin de déceler toute les facettes de l’habitat réunionnais. Parmi ces pistes, il est ressorti que nous devions analyser plus en détails la population réunionnaise et son fonctionnement depuis ses débuts. Avant de nous plonger dans le coeur du sujet, nous allons effectuer une brève présentation de l’île de La Réunion et de son histoire. La Réunion est une petite île française de 2 512 km2 qui fait partie de l’archipel des Mascareignes et qui se situe au cœur de l’Océan Indien. Ce département d’outre-mer se situe à près de dix mille kilomètres de la Métropole. En 2019, on estime la population à 866 506 personnes, principalement concentrées sur les côtes où se situent les principales villes dont Saint-Denis, le chef-lieu. Cependant, les démographes prévoient que d’ici 2030, l’île passera le cap du million d’habitants. Cette île qui jouit d’un climat tropical est avant tout une île volcanique créée par un point chaud ayant fait émerger deux volcans : le Piton des Neiges, point culminant à 3071 m et le Piton de la Fournaise. Initialement inhabitée, elle est repérée dès le Moyen Âge par les Arabes sous le nom de « Dina Morgabin »2, puis elle est découverte et colonisée au XVIème siècle par les Portugais et devient française en 1638. Elle est alors nommée « Mascarenhas », du nom du navigateur portugais Pedro de Mascarenhas, qui lui donnera par la suite le nom d’île Mascarin. Elle devient une escale de la Compagnie Française des Indes orientales sur la route des Indes, elle est alors rebaptisée l’île Bourbon. Sur cette colonie, est pratiquée la culture du café à partir des années 1710. Cinquante ans plus tard, l’île qui est devenue une société de planteurs, passe sous le contrôle direct du roi de France. Puis, à la fin des guerres napoléoniennes, les plantations sont réaffectées à la culture et l’industrie de la canne à sucre. C’est à cette époque qu’elle est rebaptisée «Île de la Réunion», puis l’esclavage y est aboli en 1848. 1. Définition «habitat» - Larousse.fr 2. «l’île couchant» I 13


À partir des années 1870, l’île connaît une crise économique. Elle devient département français en 1946, mais reste structurellement fortement dépendante à la France métropolitaine. Le niveau de pauvreté et le taux de chômage de 29% restent très hauts malgré ce rattachement à la Métropole. Ce qui fait la particularité de l’île de La Réunion, comme l’indique son nom, c’est le métissage. Elle est composée d’une population originaire des quatre coins du globe : Afrique, Chine, Europe, Inde, Madagascar. Cette diversité influence beaucoup la culture réunionnaise qui se caractérise par sa richesse sociale (religions et ethnies différentes), sa cuisine, son histoire, sa musique (le sega et le maloya), sa langue (le créole réunionnais), mais aussi son architecture. Selon moi, elle est l’association d’un patrimoine naturel exceptionnel et d’une société métissée faite de cultures très variées. C’est cette alliance originale qui donne lieu à toute la diversité que l’on y trouve. Dans le cadre de ce mémoire, nous nous pencherons plus particulièrement sur la richesse de son architecture. Une architecture, fruit de cette rencontre unique, de cette «Réunion», qui possède ainsi sa propre identité. La conscience de ce patrimoine architectural hétéroclite est tout à fait présente à La Réunion. Nous pouvons la retrouver notamment dans la conservation ou la réhabilitation de maisons et monuments anciens tels que d’anciennes usines de canne a sucre transformées en piscine (Figure 2 & 3) ou encore en musée (Figure 4 & 5). L’unité départementale d’architecture et du patrimoine, la DAC3, permet de conserver une partie de l’identité architecturale de l’île. Néanmoins, la notion de patrimoine à la Réunion est différente de celle de Métropole ; l’île possède un patrimoine architectural fragile puisqu’il n’est pas destiné à être préservé sur le long terme à cause des problèmes météorologiques (notamment les cyclones) : «L’idée de réhabiliter en l’état les bâtiments est difficile à concevoir du fait de cette fragilité de construction. C’est pourquoi, sur le territoire, il est dans la coutume de détruire pour reconstruire, une vision très asiatique du patrimoine.»4 Il ne cesse de se renouveler et se retrouve donc plus ou moins récent selon les régions, sans compter que l’île reste tout de même assez jeune. Notons d’ailleurs que «La surface protégée de l’île soumise à l’avis de l’ABF représente 10 % de sa surface, et elle est majoritairement

3. http://atlas.patrimoines.culture.fr/atlas/trunk/ 4. http://www.culture.gouv.fr 14 I


Figure 2 Ancienne usine de canne à sucre de Vue-Belle à la Saline-les-hauts. Ici, une photo des ruines avant la réhabilitation. https://www.ouest-lareunion.com

Figure 3 Photo après réhabilitation de l’ancienne usine de canne à sucre en piscine municipale. https://www.wikipédia.org

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Figure 4 Photo avant la réhabilitation. Ancienne usine de canne à sucre de Stella Matutina, à Saint-Leu. https://www.maisonduvolcan.fr

Figure 5 Photo après la réhabilitation de l’ancienne usine de Stella Matutina en musée. https://www.voyage.michelin.fr

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concentrée sur les côtes. C’est ce qu’on appelle des lieux d’implantation historique.»5 La notion d’urbanisme à La Réunion semble donc tout à fait différente de celle que nous connaissons en Métropole, elle est sans doute moins aisée à mettre en œuvre dans un paysage possédant un tel relief. Si elle semblait moins présente, ou insuffisante jusqu’ici, on observe toutefois des changements en cours. En effet, les quartiers ne sont plus cet amas, jusque- là construit en s’ajoutant les uns aux autres tels un puzzle formant un bout de ville, mais ils sont réfléchis et pensés dans leur globalité afin de former un ensemble cohérent en terme d’architecture et d’urbanisme. De plus, la croissance importante de la population6 et le niveau de pauvreté qui reste élevé entraînent des problématiques de demande croissante et rapide de logements et posent donc question sur l’accessibilité au logement à la Réunion. Ainsi, nous nous posons demandons si il existe une réelle conscience du patrimoine architectural à La Réunion, et si celle-ci est prise en compte dans les plans futurs de l’île. Cette reflexion en amenant une autre, nous soulèverons et nous essaierons, tout au long de ce mémoire, de répondre à la question suivante: La Réunion et son architecture possèdentelles une ou plusieurs identité(s) ? Cette question soulève donc la notion contemporaine de l’identité. à partir de cela, nous allons analyser le mode de vie des Réunionnais à travers leur mode d’habiter, en tentant d’abord de comprendre le contexte historique de l’île et de l’habitat de manière générale. Afin de répondre au mieux à cette problématique, nous avons effectué des recherches, des analyses, des entretiens ou encore des discussions, qui nous ont amené à organiser ce mémoire en trois parties distinctes, répondant chacune à une question.

5. Ibid 6. Plus de 800 000 habitants fin 2008, pour atteindre 837 868 habitants en janvier 2012. Le taux de fécondité est de 2,36 enfants par femme et le solde migratoire est positif. On estime que la population pourrait atteindre le million d’habitants entre 2025 et 2030. I 17


Quelle est la continuité, dans le temps, de l’habitat et du mode d’habiter à La Réunion ? Dans une première partie, avant de nous plonger dans l’histoire de l’habitat, nous verrons comment s’est structurée la société réunionnaise à travers son histoire, quel est son mode de vie et son fonctionnement. En s’appropriant cette histoire, nous pourrons comprendre l’évolution de l’habitat à travers trois moments forts qui ont marqué l’île : la colonisation, la départementalisation et ce que nous appellerons la «post-départementalisation». Existe-t-il une réelle une évolution dans le comportement de la structure familiale réunionnaise? Quel est l’impact de ce comportement sur l’habitat lui-même? En deuxième partie, nous rentrerons au cœur du sujet de l’habitat réunionnais, puisque nous verrons quelle a été son évolution à travers les différentes structures familiales, formées par les différentes ethnies qui font la particularité de l’île. Nous tenterons de comprendre quelle est la relation entre la structure familiale et le mode d’habiter7 à La Réunion. Pour cela, nous étudierons, de manière générale, le mode d’habiter et la structure familiale de chaque ethnies afin de mieux en comprendre toute les particularités, puisqu’il n’existe pas un «type» d’habitat, ni un «mode» d’habiter à la Réunion. Vers la continuité ou la rupture avec un patrimoine architectural et culturel fort ? Quels sont les effets de la modernité sur l’habitat et sur la société réunionnaise ? Dans la dernière partie, enrichie des analyses précédentes, nous prendrons un peu de recul afin d’observer et d’analyser le comportement de l’habitat et de la structure familiale face à la modernité. Nous observerons les changements que celle-ci à engendrer au sein de la famille mais aussi l’impact que cela peut avoir aujourd’hui sur l’habitat réunionnais. Ya-t-il une standardisation du logement ? Ou une certaine perte du modèle ancestral et traditionnel par la perte de la notion de transmission ? 7. «Quand Nicole Mathieu signale que la notion de « mode d’habiter » se trouve à mi-chemin entre la notion géographique de « genre de vie » et celle sociologique de « mode de vie », Mathis Stock insiste sur la pratique des lieux, et d’autres, dont Lévy et Lussault, renvoient à la spatialité des acteurs individuels. Néanmoins, au-delà des relations à l’environnement, le mode d’habiter ne devrait-il pas composer avec une relation aux lieux et à la communauté locale?» - Serge Shcmitz, Le «mode d’habiter»: histoire d’une notion émergente en géographie, 13 janvier 2011 18 I


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L’arrivée sur l’île, la colonisation

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La départementalisation

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Le «Post-départementalisation»

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01

L’histoire de l’habitat à l’île de la Réunion Une mosaïque de cultures


La construction architecturale à La Réunion connaît deux grandes périodes : la colonisation (début 1665) et la départementalisation (1946). Ce sont principalement ces deux périodes marquantes dans l’histoire de La Réunion que nous allons aborder en premier lieu en développant le déroulement de faits historiques importants, l’organisation de la société,ainsi que l’évolution de l’habitat dans cet environnement tropical. L’héritage architectural des villes coloniales est très varié, à l’image du peuple de l’île issu de différentes origines (Asie, Madagascar, Afrique, Europe). C’est la raison pour laquelle on ne peut distinguer aucune «forme» architecturale à proprement parler. Il existe plusieurs typologies d’habitat puisque La Réunion est un lieu de métissage des cultures et donc de l’architecture. Cependant, l’architecture réunionnaise possède tout de même ses propres caractéristiques. Les matériaux utilisés ou les techniques de construction sont adaptés au climat de l’île et à la géologie présente, et on retrouve également des éléments de décoration ou même une disposition spécifique des pièces et des éléments de la «case».

De par ses particularités, nous ne pouvons pas parler seulement de «l’habitat» sans essayer de comprendre le mode de vie et le fonctionnement de la société bourbonnaise depuis ses débuts. C’est en comprenant le fonctionnement de la société que l’on réussira à mieux appréhender toute les facettes du mode d’habiter et de l’habitat créole.

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Saint-Denis Saint-Marie Le Port

Saint-Paul Saint-Benoît

Saint-Gilles

Saint-Leu

OCEAN INDIEN

Saint-Pierre

Figure 6 Carte de l’île de La Réunion

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A. L’arrivée sur l’île, la colonisation Dans cette première partie, nous allons aborder l’histoire de La Réunion de manière générale, de l’arrivée des colons sur l’île jusqu’à aujourd’hui, afin de nous permettre d’appréhender les lieux et le sujet principal qu’est l’habitat réunionnais. Suite à ces présentations, nous verrons en détails l’évolution de la société réunionnaise et de son habitat dans le contexte si particulier de cette île tropicale. Nous l’avons vu dans l’introduction, les Portugais sont les premiers à découvrir et investir l’île au XVIème siècle. Elle n’est peuplée de manière permanente qu’à partir des années 1660 et connaît alors plusieurs phases de peuplement. Les premiers colons français s’installent dès 1665 avec une main d’œuvre malgache et c’est à ce moment-là que l’île devient française mais également une escale de la Compagnie des Indes. Vers 1671, un recensement est effectué et dénombre alors 71 habitants sur l’île. On constate à cette période un certain désintérêt de la Compagnie des Indes car l’île se trouve être trop loin de la France et surtout dépourvue d’un port naturel. Cependant, le peuplement ne stagne pas, suite à un soulèvement malgache qui entraîna la destruction du port Dauphin, un certain nombre de rescapés viennent se réinstaller sur l’île. De plus, dès 1686, on note l’arrivée de forbans1, flibustiers2 et malades, les «délaissés» qui contribuent également au peuplement de l’île. Les premières installations observées sur l’île se sont faites à Saint-Paul, aujourd’hui l’une des plus importante commune de La Réunion. En effet, en 1690, on compte 166 habitats dans cette commune, 77 à Saint-Denis et 71 à Sainte-Suzanne. On constate une certaine faiblesse de la colonisation de l’île, c’est le début d’une dissémination de la présence humaine sur l’île.

1. Pirate qui se livrait à des expéditions armées sur mer pour son propre compte. Définition du Larousse. 2. Pirate de la mer des Antilles, aux XVIIème et XVIIIème siècle. Définition du Larousse. 24 I


Figure 7 Deux hollandais assis sur une tortue aux premières heures d’histoire de La Réunion

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Figure 9 Coupeurs de canne à sucre d’antan https://www.reunionnaisdumonde.com

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À partir du début du XVIIIème siècle, l’île voit éclore une économie de plantation avec les premières exploitations mises en place notamment avec la culture du café. L’île connaît alors une immigration depuis l’Europe, particulièrement des colons français, mais également depuis les pays de la zone indo-océanique avec les esclaves importés de Madagascar, d’Afrique (majoritairement du Mozambique) et d’Inde. À cette période, aux alentours de 1715, la population compte 3 600 personnes dont 2 000 esclaves. Dès lors, la population ne cesse d’augmenter puisqu’à la veille de la Révolution française, l’île compte 46 000 habitants dont 35 000 esclaves. (figure 8) Puis, à partir de 1815, avec l’ère de la canne à sucre et malgré l’interdiction de la traite, des esclaves et des travailleurs engagés d’Afrique et de l’Inde sont introduits sur l’île. En 1847, les esclaves représentent 56 % de la population (58 308 esclaves sur 103 491 habitants). Suite à l’abolition de l’esclavage et jusque dans les années 1930, l’île va faire appel à une main d’œuvre constituée de travailleurs sous contrat ou engagés, lesquels sont recrutés majoritairement en Inde, en Afrique, à Madagascar, en Chine, aux Comores ou encore à Rodrigues. En 1881, on estime que sur les 169 493 habitants de l’île, entre 46 000 et 62 000 sont des engagés indiens, cafres3, malgaches et chinois. 3. Historiquement, «cafre» vient de l’arabe «kafir» signifiant « infidèle » ou « impur». C’est ainsi que les marchands d’esclaves arabes désignaient les autoch-

Figure 8 Registre d’engagés de La Réunion

Archives départementales de La Réunion

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La grande richesse culturelle de l’île est en partie issue à ces trois siècles et demi de mouvements de population. L’identité de la société créole réunionnaise s’est construite à partir de la coexistence de ces migrants d’origines diverses, de leur métissage culturel et de la richesse humaine que cela a engendrée. C’est grâce à son histoire que La Réunion possède cette identité particulière, une identité en perpétuelle mutation, comme nous le verrons dans un second temps. Les premiers habitants de l’île vont bâtir des édifices très rudimentaires puisque qu’ils ne sont pas voués à durer dans le temps. Les premières constructions restent donc très sommaires et ne sont à l’origine que de simples «paillotes» composées en matériaux locaux (chaume, torchis, bambou, vacoa, lataniers etc.). (figure 10 & 11) Ce type de bâtiment ne disparaîtra d’ailleurs pas totalement du paysage puisqu’il reste l’une des formes les plus communes de l’habitat réunionnais jusqu’à la départementalisation et restera même d’usage pour les classes sociales défavorisées de l’île. Il n’en subsiste aujourd’hui que quelques spécimens dans les îlets isolés des cirques de Mafate ou de Cilaos. tones des pays s’étendant du comptoir mozambicain à la région du Cap, en Afrique du Sud. Plus tard, les Européens ont repris le terme qui est devenu «cafre» sous sa forme francisée qui allait donner kaf’ en créole réunionnais. source : clicanoo.re

Figure 10 Croquis de regroupement d’habitation et de paillottes Production personnelle

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Figure 11 ÂŤCase en pailleÂť, collection Y. Patel

https://dpr974.wordpress.com/2016/07/28/la-case-de-tikok/

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Figure 12 Les premières cases créole en «dur» - «Sainte-Suzanne lontan», Lithographie de Roussin en 1881. http://7lameslamer.net

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Rapidement, les premières vraies cases créoles voient le jour, il s’agit d’habitation en armature bois, construites notamment par les premiers colons de la culture du café et des épices. L’île Bourbon étant une île de formation volcanique, la seule pierre disponible se trouve être le basalte, une pierre dure à travailler. C’est la raison pour laquelle on ne bâtit exclusivement qu’en bois, qui est une ressource disponible à profusion grâce aux grandes forêts primitives recouvrant la totalité de l’île. (figure 12) Au début du XVIIIème siècle, les constructions commencent à se calquer sur le modèle français, à l’image de la maison Adam de Villiers à Saint-Pierre.(figure 13) De manière plus générale, l’influence européenne va se répandre dans l’architecture réunionnaise, tout en intégrant des héritages multiples inspirés des styles néoclassique, colonial ou indien. On observe à ce moment-là un phénomène architectural nouveau qui restera par la suite un emblème de la case créole : la varangue.(figure 14) Le terme n’est pas très courant en métropole mais est très répandu à la Réunion. « Varangue » est un dérivé du terme « véranda » terme marin d’origine scandinave. À La Réunion, il désigne une galerie légère en bois, construite comme une terrasse couverte, adossée à une maison. Elle est habituellement fermée par un vitrage uniquement sur les côtés. Il s’agit d’un espace privilégié de la case créole, largement ouvert sur le jardin, traditionnellement encadrée de deux colonnes. L’habitat réunionnais accordant une grande importance au jardin, cette «pièce» de la case permet une transition entre le jardin et l’intérieur du logis. En 1705, le chroniqueur Durot, hébergé dans la cure de SaintPaul, en fait la description suivante : « La maison du curé était composée de trois pièces de plain-pied. Ce corps de logis était séparé de la cuisine et du galetas aux poules. Il y avait également un petit hangar au toit soutenu de quatre piliers sous lequel on prenait le frais »4. On observe également que la paille étant désuète, elle n’est plus la couverture autrefois fréquemment utilisée et sera remplacée par le bardeau qui s’est étendu à la majorité des constructions. Ce modèle architectural se maintiendra plus ou moins jusqu’à l’arrivée du béton et de la construction « en dur » entre les deux guerres. Néanmoins, la tradition de la construction en bois se maintient, et s’enracine même de plus en plus.

4. Article «18eme Siecle : Origine De La Varangue A La Reunion», www.iledelareunion.net. I 31


Figure 13 Maison Adam-Devillier Ă Saint-Pierre Photographie Michel FRANCES

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Figure 14 La varangue de la maison VallĂŠ, Saint-Pierre

http://www.mi-aime-a-ou.com

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Pendant cette période, sont construites de superbes demeures représentatives de l’évolution de l’architecture réunionnaise, à l’image de la maison Folio, au cœur de Hell-Bourg, un Îlet de la commune de Salazie, construite au XIXème siècle. Avec son jardin créole, elle est aujourd’hui inscrite à l’Inventaire des Monuments Historiques du Département. L’ancienne station thermale, alors très à la mode, accueillait le gouverneur et les grandes familles créoles de la côte dans d’élégantes petites « cases de changement d’air » au style raffiné, témoins de la splendeur de la société coloniale de cette époque. Il s’agit d’une maison en bois dont l’ossature est composée de bois de fer et bois de natte, des bois extrêmement résistants. Pour permettre à la maison de respirer sous ce climat tropical, elle est assise sur un vide sanitaire en pierre. En façade, on peut observer les nombreuses composantes typiques de la case créole telles que le lambrequin, la varangue, le jardin etc. (Figure 15 & 16) La villa est construite de manière symétrique avec un couloir de circulation en son centre permettant de distribuer les chambres situées sur les côtés de la maison. Les ouvertures en enfilade permettaient une meilleure climatisation. Pour finir, les dépendances à l’exterieur de la maison accueillaient la cuisine, la salle de bain, les toilettes ainsi que les parties réservées aux domestiques.

Figure 15 La case Folio à Hell-Bourg, Salazie - L’entrée sur le terrain de la maison se fait par un petit portail menant à une petite fontaine au coeur du jardin luxuriant. Au fond on observe un kioske (ou guétali). Production personnelle

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Figure 16 La case Folio à Hell-Bourg, Salazie - Ici une petite véranda mène à l’entrée de la maison Production personnelle

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La maison Martin-Valliamé, dans le style Art Déco créole, est elle aussi représentative de l’architecture créole. Elle est construite en 1925 par le Docteur Léopold Martin dans la commune de Saint-André. Cette villa se compose de 24 pièces, deux varangues, deux tourelles et de différentes entrées qui étaient attribuées en fonction de la classe sociale des invités. Entièrement construite en bois, sur trois niveaux, on peut observer la finesse du travail du bois sur sa façade principale très ordonnée, notamment un élément emblématique de l’architecture réunionnaise : le lambrequin. À la mort du Docteur Martin, la maison est revendue à la famille indienne Valliamé, d’où son nom composé. Une nouvelle âme pour la villa qui se pare de la culture tamoule avec décorations, ameublements mais aussi fêtes et cérémonies. Elle est ensuite rachetée par la mairie en 1891, et sera classée monument historique de la Réunion un an plus tard. (figure 17) Durant cette période de colonialisme, on observe donc deux types de cases et, avec elles, les différences sociales s’établissent : d’un côté de petites cases en tiges de lataniers couchées recouvertes de feuilles du même arbre; et de l’autre, de grandes cases en madriers de bois de natte, plus dur. à l’aube de la départementalisation, la société est marquée par l’esclavage et le colonialisme. La répartition des terres est inégale, et celles-ci sont principalement destinés aux cultures, face à une population grandissante majoritairement peuplée d’esclaves des quatre coins du monde. De nombreuses questions sociétales se soulèvent donc, auxquelles tentera de répondre la départementalisation.

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Figure 17 Croquis de façade avant de la maison Valliamé-Martin. Détails lambrequins Production personnelle

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Figure 18 Croquis de détails de la case créole. Lambrequins, jardin créole, guètali Production personnelle

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Figure 19 Croquis de dĂŠtails de la case crĂŠole. Bardeaux, varangue Production personnelle

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Figure 20 Le 12 février 1946, les députés réunionnais déposent le projet de loi de la départementalisation reunion.orange.fr

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B. La départementalisation En 1946, alors que l’empire colonial français se fissure, La Réunion devient, le 19 mars, dans la continuité de ses revendications d’avant-guerre, le 87ème département français. À cette période, la situation se révèle assez mauvaise : un environnement tropical complexe conjugué aux empreintes de trois siècles de colonisation qui auront contribué à maintenir la population dans des conditions de vie rudimentaires. Nous sommes donc face à une société largement sous-développée. En effet, lors des premières années de la départementalisation, un inventaire réalisé révèle une île fatiguée et dont la population vit dans un état de délabrement physiologique et psychologique proche de la misère, aggravé par l’interruption des relations économiques avec la France durant le second conflit mondial. Cette départementalisation annonce donc tout un ensemble de mesures politiques, économiques et sociales destinées à impulser le développement de l’île dans une logique de rattrapage et d’égalité avec la Métropole. La Réunion connaît alors une succession de grands chantiers qui vont modeler et transformer son paysage. C’est toute l’île qui est en mouvement, les mutations les plus significatives de la société réunionnaise au cours de ces premières années de départementalisation concernent l’habitat et la santé, suivis dans un deuxième temps des équipements collectifs (écoles, hôpitaux, routes, électrification, réseaux d’eau potable, etc.), la démographie, la scolarisation, la protection sociale, la transformation de l’appareil productif et la consommation de masse. En effet, le réseau routier se développe (130 km en 1946, contre 1300 km en 1994), avec notamment la construction ,entre 1956 et 1963, de la route sur le littoral («la route en corniche») qui relie Saint-Denis à La Possession (figure 21); avec lui, le parc automobile prend également de l’ampleur, 56 000 véhicules en 1972, contre 234 600 en 1999. Le commerce de quartier cède la place à la grande distribution (un supermarché recensé en 1981, pour 89 en 1988), annonçant par là-même l’avènement de la société de consommation de masse. Les transports aériens se développent et atténuent, de fait, l’isolement insulaire de La Réunion. (figure 22) L’espace médiatique se renouvelle et se démocratise à partir des années 1980. La population, majoritairement analphabète dans les années 1960, accède de manière massive à la scolarisation.

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Figure 21 La route en corniche dans les annĂŠes 1960 reunionnaisdumonde.com

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Figure 22 L’aéroport de Gillot dans les années 1960 reunionnaisdumonde.com

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Au lendemain de la départementalisation, l’île toute entière est orientée vers son économie d’exportation coloniale, à savoir la monoculture sucrière. Celle-ci intègre alors les deux tiers des travailleurs. Les premières mesures économiques de la départementalisation sont largement orientées vers le secteur sucrier au sein duquel de grandes inégalités subsistent de la société de plantation coloniale. Les terres sont inégalement distribuées et les grands propriétaires bénéficient d’un relatif monopole leur permettant, via le colonat partiaire qui est une forme dérivée de métayage, de reproduire une domination sur la masse des ouvriers agricoles et des colons journaliers. Jusque dans les années 1950, une large majorité de Réunionnais vit dans des logements précaires, essentiellement des paillotes, parfois des petites cases en bois, qui sont des constructions particulièrement vétustes en grande partie détruites à chaque passage de cyclone. Ces constructions n’ayant pas l’électricité et l’eau courante, on pouvait apercevoir des porteurs d’eau sillonner les rues. Les mairies avaient construit des citernes publiques alimentées en eau potable par des camions dans chaque quartier. Rares sont ceux qui possèdent des réchauds modernes pour la cuisine, chacun ayant sa cuisine feu de bois dans l’arrière-cour. Une fois le soleil couché, les lampes à pétrole font leur apparition, uniquement à l’intérieur des principales pièces, cuisine ou salle à manger. On se couche tôt et on se lève tôt, au rythme du soleil. C’est dans cet environnement familial qu’au fil du temps naquit le mode de vie créole que l’on connaît encore aujourd’hui. (figure 23) En 1967, l’Insee installé à La Réunion depuis un an, établit ses premières statistiques alarmantes: «En 1967, le père réunionnais a six enfants. Son espérance de vie est de 56 ans. Sans diplôme scolaire, il vit dans une case en tôle, sans eau ni électricité.». Face à cette démographie galopante et ses conditions de vie précaires, il faut loger dans l’urgence. C’est donc la départementalisation et l’explosion démographique des années 1960 qui vont véritablement marquer le début de l’architecture collective. À partir de cette période, les mutations de l’habitat, et les progrès en matière de confort sont spectaculaires. La loi «anti-bidonville» du 14 décembre 1964 consacre l’urbanisme de masse avec, en particulier, la création de vastes quartiers de relogement et la construction d’immeubles de logements sociaux pour les populations qui vivaient jusqu’à lors dans des bidonvilles. (figure 24 & 25)

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Figure 23 «La case créole à travers les âges» reunionnaisdumonde.com

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Figure 24 Croquis d’immeuble de logements collectifs construit après la départementalisation Production personnelle

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Figure 25 Croquis d’immeuble de logements collectifs construit après la départementalisation Production personnelle

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C’est sous l’impulsion de l’Etat que plusieurs sociétés furent créées pour participer à l’effort de développement de ces logements sociaux. En effet, depuis les années 1960-1970 jusqu’à aujourd’hui, la « case Tomi » ou la « case Satec » ont contribué à démocratiser l’architecture de l’habitat populaire. En 1961, la Satec (Société d’aide technique de coopération)1 voit le jour et permet de reloger la population. Les cases «satec» sont de bonne qualité et permettent à de nombreux foyers modestes de devenir propriétaires moyennant un investissement raisonnable. Les plans proposés marient bois, métal, parpaing et les fameux « nacos »2. (figure 26) À la même période, naît la «case Tomi», dessinée par l’architecte Louis Dubreuil, financée par la Crédit Agricole de Jean de Cambiaire et construite par le bâtisseur Maurice Tomi, d’où elle tient son nom. La première expérimentation a été réalisée sur le domaine de La Giroday à Sainte-Marie, et la première case Tomi est livrée le 15 août 1961. Elle est en bois sous tôle avec une ossature à bois para-cyclonique. Conçue pour s’intégrer parfaitement à l’environnement local, elle continue toujours aujourd’hui à résister au temps comme aux cyclones. (Figure 27 & 28)

« Adaptée au mode de vie créole. Ses pièces d’habitation, en bois, se trouvent nettement séparées de la cuisine et de la salle d’eau en maçonnerie. Le plan carré de la partie en bois avec des panneaux de deux types seulement permet une disposition intérieure simple avec l’orientation de la façade principale vers la voie d’accès. Le local cuisine, bloc eau peut se raccorder à l’une des trois autres façades. La forme de la toiture en tôle à quatre pans offre dans tous les cas la meilleure résistance aux cyclones. Liaison directe de la toiture par l’intermédiaire de panneaux extérieurs avec un mur de soubassement périphérique armé. Présence d’une centrale en forme de portique en T ou en croix de béton armé. Le volume et l’espace disponibles sont très larges ».3

1. La Satec est créée l’initiative de l’Etat et de la Coopérative d’habitat rural, émanation de la Caisse régionale du Crédit Agricole Mutuel de La Réunion. 2. Succession de lames de verre disposées aux fenêtres sur châssis à ouverture variable. 3. Description de cette habitation que fait l’ancien directeur du Crédit Agricole, dans son livre «la certitude du développement», paru en 1983 48 I


10-6.jpg (Image WEBP, 999 × 824 pixels) - Redimensionnée ...

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Figure 26 Les premières cases Satec construites en béton, quanrtier de la Petite-Île à Saint-Denis reunionnaisdumonde.com

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omi, maison Satec : révolution de l’habitat à la Réunion...

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Accueil / Magazine / Portraits & interviews / Case Tomi, maison Satec : révolution de l’habitat à la Réunion

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26/12/2019 à 17:26

Figure 27 Construction d’une maison Tomi de type Carousel dans l’Est de La Réunion, vers 1961 reunionnaisdumonde.com

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Figure 28 Plan d’une case Tomi. Le séjour au centre distribue les 4 chambres sur les côtés de la maison, et au centre à l’arrière on retrouve la cuisine et la salle de bain reunionnaisdumonde.com

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5-13.jpg (Image JPEG, 646 × 840 pixels) - Redimensionnée ...

Figure 29 « 4 oeufs tout les jours, une maison toute la vie ». Tract publicitaire pour la case Tomi reunionnaisdumonde.com

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Un partenariat avec le Crédit Agricole permet au constructeur de proposer aux familles d’acquérir leur case à bas prix grâce à un crédit sur le long terme. Soit la valeur marchande de quatre œufs par jour pour l’accession à la propriété d’une maison économique baptisée « case Tomi » ou « case carrousel ». Certains se souviennent encore de ce célèbre slogan : « Construisez votre maison avec quatre œufs ». (figure 29) Le succès de ce type d’habitation a été immédiat. En 40 ans, plus de 22 000 maisons ont été bâties sur l’île. La bataille pour résorber l’habitat insalubre est engagée, permettant à de nombreux Réunionnais d’accéder à un logement décent et moderne. Encore aujourd’hui, les Réunionnais restent très attachés à ces cases Tomi ou Satec, probablement liés à la nostalgie d’y avoir vécu avec leurs parents ou grands-parents. Si le bâti s’améliore petit à petit, les ménages demeurent le plus souvent dans une situation de surpeuplement compte tenu du niveau soutenu de la croissance démographique. Au recensement de 1967, on compte en moyenne 5,1 personnes par logement contre 4,4 en 1954, les logements étant le plus souvent composés d’une ou de deux pièces, avec un niveau de confort assez sommaire. L’habitat à La Réunion n’est équipé que très progressivement de l’électricité, l’eau courante et des WC à l’intérieur du logement. On peut considérer que jusqu’en 1982, plus de 50 % des logements étaient insalubres. En effet, en 1954, seulement 13 % des logements disposaient de l’électricité et 17 % de l’eau courante. Puis en 1967, 28 % des logements disposaient de l’eau courante, et pour 37 % d’entre eux, il fallait se la procurer à plus de 100 m. Toujours en 1967, 29 % des logements avaient l’électricité, et 18 % un WC à l’intérieur de l’habitation. Enfin, en 1982, 71% avaient l’électricité et 82% l’eau courante. Aujourd’hui, à quelques exceptions près, tous les ménages disposent de ces équipements. Ce n’est que très tard que l’on constate une prise de conscience de la valeur inestimable de l’architecture créole réunionnaise. Elle fait d’ailleurs aujourd’hui l’objet de mesures de préservation et de restauration, et il est donc encore possible d’observer quelques trésors architecturaux, allant de la paillote ou case créole à des demeures urbaines ou grandes propriétés typiques de l’architecture créole réunionnaise.

I 53


C. Le «post-départementalisation» De 1947 à nos jours, l’île de La Réunion connaît une accélération de son histoire. (figure 30) En un demi-siècle, les bouleversements sociaux, économiques et politiques sont considérables. La société de plantation de l’époque coloniale laisse place à la société de consommation, mais l’économie réunionnaise reste fragile. La Réunion n’est plus tout à fait cette « île à sucre », ce territoire insulaire marqué par un climat, un cadre et un genre de vie. D’une certaine manière, elle a su se projeter en avant en moins de cinquante ans de changements, notamment grâce au soutien budgétaire de l’Etat. Des infrastructures et projets d’envergure émergent dans le but de continuer à faire évoluer l’île. Parmi eux : la construction de la route des Tamarins, une 2x2 voies longue de 34 kilomètres qui relie le Nord au Sud de l’île par la côte Ouest. (figure 31) Elle permet une fluidité du trafic en désengorgeant les petites routes jusqu’à présent complètement embouteillées aux heures de pointes; mais également le chantier de basculement des eaux de l’Est de l’île vers l’Ouest, bien moins arrosé. Le projet, débuté en 1980, est constitué d’une série de canalisations qui traversent les cirques de Salazie et de Mafate, afin de permettre une irrigation abondante à la culture de la canne à sucre dans les Hauts de l’Ouest. En l’espace de seulement cinquante ans, la population a triplé : 227 000 habitants en 1946 pour 740 000 habitants en 2004. (figure 32) C’est le résultat de progrès médicaux considérables entraînant une baisse spectaculaire de la mortalité tandis que la natalité reste forte. De plus, récemment, le pouvoir attractif de l’île attire de plus en plus d’immigrants de la Métropole, d’Europe et de l’Océan Indien. Malgré la croissance économique forte, le taux de chômage reste élevé puisqu’il est compliqué de donner de l’activité à la population qui ne fait qu’augmenter. Nous l’avons vu, la politique de relogement de masse de la départementalisation pour faire face à l’insalubrité d’un habitat précaire, a profondément transformé le paysage de l’île. Nous avons vu éclore deux types d’habitation. Dans un premier temps, un modèle de logement collectif très peu adapté à la société locale. En ville, le système de défiscalisation a fait naître un modèle d’immeuble dont la raison d’être n’était que financière. Le résultat donnant des bâtiments de typologies métropolitaines sur lesquelles venaient se greffer les fameux signes distinctifs de l’architecture réunionnaise (toits en pente, lambrequins etc.). 54 I


Figure 30 Photos aériennes de l’évolution de la ville du Port en 60 ans. (A gauche : 1950; A droite 2010). On observe une croissance urbaine très forte et un étalement urbain important sur les zones vierges de constructions googleearth

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Figure 31 Route des Tamarins www.reunion.fr

1946 225 000

1961 349 000

1974 476 000

1982 515 000

Figure 32 Évolution du nombre d’habitant de 1946 à 2030. *Projection de l’INSEE selon un scénario central source : Insee

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1990 597 000

1999 706 000

2012 838 000

2030* 1 026 000


Ces bâtiments, non ventilés et non intégrés à leur contexte, sont des immeubles à l’architecture pauvre et répétitive, affublés des apparats de la créolité. De la même manière, des maisons individuelles se sont vues affublées de ces mêmes apparats : maçonnerie crépie, et signes distinctifs de la case créole traditionnelle. Cette typologie est insuffisante pour s’intégrer au fil de l’histoire réunionnaise. Dans un second temps, les cases Tomi et Sartek ont vu le jour. Elles s’intègrent davantage au contexte de l’île et se fondent sur un plan mieux adapté aux modes de vie et aux besoins des Réunionnais. Toutefois, l’île de La Réunion évoluant à grande vitesse, la problématique du logement est toujours d’actualité puisque ces dernières années ont vu la démographie exploser. En effet, la population grandissante entraîne un besoin de nouvelles infrastructures et de nouveaux logements, et ces changements viennent radicalement transformer le paysage réunionnais.. Malgré toutes ces mutations, le déséquilibre social présent avant la départementalisation se fait toujours ressentir et l’île demeure très profondément attachée au « temps lontan »1, à son histoire et à ses difficultés. En effet, l’histoire de l’esclavage à La Réunion est très jeune et reste donc, encore aujourd’hui, ancrée dans les mémoires. Le passé colonial a laissé des marques, même si, depuis la départementalisation, les mentalités évoluent.

1. Traduit littéralement par «le temps longtemps», ce terme désigne la période allant de 1938 (fin de l’engagisme) à 1975 (le baby boom). I 57


Ces siècles d’histoire ont façonné le paysage et l’identité de l’île. En effet, la population s’est vue évoluer vers le métissage que l’on connaît aujourd’hui et l’habitat s’est vu prendre des formes diverses et variées au fil du temps, adaptées ou non au contexte de l’île de La Réunion. L’architecture réunionnaise possède de nombreuses facettes, évoluant à travers l’histoire et marquées (si tu parles des facettes, ce qu’on comprend) par les grandes périodes de changements qui ont bouleversé l’île toute entière et son mode de vie. Est-il dès lors possible de définir un modèle architectural réunionnais ? La réponse est tout aussi complexe que l’est le peuple réunionnais. De nombreux modèles architecturaux ont marqué l’histoire, de la simple paillote à la grande villa traditionnelle, en passant par les immeubles de logements collectifs et les cases Tomi et sartek. Néanmoins, lorsque l’on parle d’architecture réunionnaise on pense premièrement à la fameuse «case créole», représentative de l’architecture de l’île. Il semble toutefois difficile de concentrer de manière définitive les différentes cases créoles existantes dans un seul modèle type, en une seule case qui regrouperait toute la richesse du patrimoine architectural de l’île. En effet, les cases créole se distinguent de par leur variété et leur hétérogénéité, elles évoluent selon des époques, le statut social des occupants, des procédés techniques ou tout simplement des modes. Il existe cependant bien un sentiment commun qui permet aux Réunionnais de qualifier une case de « créole » ou non. À première vue, ce sentiment s’appuie sur des signes distinctifs, des éléments comme les lambrequins, les toitures en pente, la symétrie ou la couleur. Aujourd’hui, plus que jamais, La Réunion cherche à trouver un dénominateur commun, à illustrer une unité rassurante face à la recherche d’identité d’une société jeune et multiculturelle. Cette quête aboutit à restreindre la case réunionnaise à une simple image, celle de «la case créole» en tant que seule identité. Cependant, il est nécessaire de prendre conscience qu’il ne s’agit que d’une face émergée d’un iceberg culturel beaucoup plus riche et complexe. L’architecture réunionnaise, reflet de son peuple, est métissée et tire son essence dans des usages, des symboles, dans des facteurs économiques ou dans des problématiques spatiales et environnementales auxquels elle fait face au fil du temps.1 La Réunion possède une faculté de digestion hors du commun. Aujourd’hui, toute ces formes architecturales de l’habitat font partie du décor de l’île, elles font partie intégrante de son paysage, de son patrimoine et de son identité. 1. Cases créoles de La Réunion. Patrimoine, Réunion, Éducation, Cultureune collection pour l’histoire des arts à La Réunion - Jérôme Giovannoni, chef de projet. Cette ouvrage relate l’histoire de la case créole à La Réunion. Dans la partie «Cases réunionnause, et maintenant? et après?» page 33, on retrouve toute une réflexion sur ce qu’est la case créole réunionnaise, et quelles sont ses différentes typologies. 58 I


I 59


Malbar, indien tamoul

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Sinwa, d’origine chinoise

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Zarab, indo-musulman

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Créole, métis aux origines multiples

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Le ZOreil, français métropolitain

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02

La structure familiale et le mode d’habiter à la Réunion Une évolution socio-culturelle


Figure 33 La RĂŠunion lontan

reunionnaisdumonde.com

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Dans cette partie, nous allons analyser la relation entre la structure familiale et le mode d’habiter en nous appuyant sur l’article «le quartier et l’unité de voisinage à l’île de La Réunion» de Monique Richter1. Elle a travaillé sur le thème de la prise en compte des identités culturelles dans le domaine de l’habitat et de l’aménagement à La Réunion. Il s’agit d’une partie dans laquelle mon expérience personnelle en tant que native de l’île m’a beaucoup aidée puisqu’elle nousa servi d’appui sur le sujet. Même s’il ne s’agissait que de simples souvenirs ou observations, le but ici a été de questionner ma mémoire, mon savoir et mon expérience en tant que Réunionnaise afin de rentrer dans une démarche d’analyse sociologique et architecturale. Cela a été un travail de «prise de conscience», pour ainsi dire, puisqu’en confrontant mon vécu à des analyses, articles, recherches et entretiens, j’ai dû réinterroger ce que je savais ou pensais savoir. Nous l’avons vu précédemment, l’habitat à La Réunion possède sa propre histoire et sa ou ses propre(s) identité(s) grâce à la mixité sociale et au métissage présents sur l’île. Il existe donc, sans aucun doute, différents «modes d’habiter», que nous allons analyser afin de mieux en comprendre l’origine et le fonctionnement. Dans son article, Monique Richter écrit une phrase qui résume parfaitement la situation : «C’est à travers l’habitation que s’exprime la structure de la société bourbonnaise». C’est donc à partir de ce prisme que nous allons réaliser notre analyse. En effet, la société réunionnaise est constituée de différents groupes appartenant à des ethnies, possédant toutes des modes d’habiter, des structures familiales, des cultures et des origines différents, qui nous permettrons de comprendre les spécificités de l’habitat réunionnais. Il s’agit donc d’analyser un mode de vie à travers un mode d’habiter. Avant toute chose, il semble important de noter que le fonctionnement de la société créole se base sur le modèle d’origine qui est celui du paternalisme, probablement en lien avec l’exploitation agricole des terres. Cependant, il semble évident que les différentes ethnies ont véhiculé des modes de vie, des représentations et des utilisations de l’espace différents qui viennent se mêler au système de base pour faire de la société réunionnaise ce qu’elle est aujourd’hui. Nous avons donc affaire à un modèle de société tout à fait unique, sur lequel nous allons nous pencher afin d’en décrypter toutes les particularités. De plus, géographiquement, l’île se compose de plusieurs communes dans lesquelles on 1. Monique Richter, architecte , urbaniste et sociologue, travaille depuis une vingtaine d’année sur la prise en compte des identités culturelles dans le domaine de l’habitat et de l’aménagement en outre-mer. I 63


retrouve différentes villes. Néanmoins, ces villes possèdent une échelle différente de celle que nous connaissons en Métropole, la réalité vécue par les Réunionnais est donc différente. On parlera davantage de la notion de «quartier», ou «kartier», qui désigne en général un regroupement d’habitations, plutôt que de ville. La partie suivante va donc être l’objet d’une analyse de société à travers les différentes ethnies et leur structure familiale. Nous verrons que la société évolue en entraînant avec elle de nombreux questionnements sur la place qu’occupe chaque ethnie. Puis, nous allons identifier les spécificités de chacune d’elles et observer comment cela pourrait avoir une influence sur l’habitation et le mode d’habiter à La Réunion. Comme nous l’avons vu dans une partie précédente, il n’existe pas un seul et unique type de case. Il existe plusieurs cases, différentes les unes des autres qui s’adaptent à la cellule familiale qui l’habite et donc à sa culture et son mode de vie. Pour cette raison, il m’est impossible de faire un répertoire du langage de LA case réunionnaise. Le travail de cette partie sera plutôt orienté sur l’analyse des différentes ethnies présentes sur l’île et de leur mode d’habiter. Le peuple réunionnais, que l’on qualifie de peuple «arc-en-ciel», compte plusieurs ethnies très différentes : les Créoles2 (entre 40 et 50% de la population), les Zarabes3 (environ 3%), les Chinois4 ( environ 3%), les Malbars5 (entre 22 et 27%), et les Zoreils6 (entre 9 et 11%),7, qui représentent une composante fondamentale de la population réunionnaise. Nous allons donc analyser le mode de vie de ces ethnies, les plus présentes et influentes sur l’île, à travers leur mode d’habiter. Nous exprimerons, de manière générale et le plus simplement possible, les origines, la culture, les appartenances religieuses, les façons d’habiter, le lien avec le quartier et le rapport entretenu au sein- même d’une communauté mais également avec les autres ethnies. Il ne s’agit pas forcément d’une analyse architecturale à proprement parler puisque, si certaines ethnies possèdent des différences notables quant à l’architecture de l’habitat, d’autres ne sont pas spécialement attachées à un esthétisme d’habitat spécifique. Les réflexions et les recherches présentes tout au long de cette partie seront appuyées par 2. Le Créole est un réunionnais aux origines multiples. 3. Le Zarab est un indien musulman du sud de l’Inde. 4. Le Chinois, ou plus communément appelé «Sinoi» à La Réunion, est un réunionnais d’origine Chinoise. 5. Le Malbar est un indien tamoul. 6. Le Zoreil est un métropolitain installé à La Réunion. 7. Estimation de la présence des ethnies à La Réunion, d’après la source : www.indereunion.net 64 I


des entretiens, formels ou informels, permettant de présenter une autre vision des choses que la mienne, à propos de l’habitat et du mode de vie réunionnais. Il s’agit ici d’un réel travail de compréhension de l’autre en tant qu’usager et habitant réunionnais. Comprendre l’usager afin de pouvoir comprendre son lieu de vie, son habitat et son environnement.

Figure 34 «Le monde est réunionnais», à l’occasion du 150ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage

wordpress.com

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A. Malbar, indien tamoul Les Indiens, ou plus communément appelés «Malbars» à la Réunion, sont présents sur l’île depuis le XVIIIème siècle, avec l’introduction de domestiques et d’artisans indiens engagés. Ceci s’expliquant par les rapports étroits qu’entretenait Bourbon avec l’Inde française à cette époque. Cette «tradition» se perpétue jusqu’en 1858, où l’île comptait 4 631 travailleurs indiens. Après leur immatriculation sur les registres de l’immigration, ils recevaient leur livret d’engagement et étaient conduits sur leurs futurs lieux de travail. Le logement était prévu dans les contrats et les travailleurs étaient logés dans des camps formés par des paillotes et des cabanons de pierre ou de bois et recouverts de tuiles et de bandeaux. Devant leur case, certains engagés cultivaient un petit jardin et élevaient des animaux. Dès 1860, apparaissent quelques petits propriétaires malbars sur des terrains généralement difficiles à cultiver. Aussitôt après l’abolition de l’esclavage, l’immigration indienne va davantage se développer pour faire face au besoin de main d’œuvre. Alors que pour un long moment encore, la majorité des Malbars reste dans les camps des plantations sucrières, une minorité va devenir commerçant et par ce moyen, cette population a lentement entamé son ascension sociale. Une petite bourgeoisie indienne se constitue ainsi dans l’entre- deux guerres. Aujourd’hui, la majorité des Malbars continue à porter le poids de leur histoire. Ils se réconfortent autour de rituels ancestraux. Une élite économique et intellectuelle s’est cependant formée, désireuse de valoriser un héritage qu’elle recherche dans un pays Tamoul mythique et prestigieux.

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Figure 35 «Comment 18 000 engagés indiens sont devenus les Malbars de La Réunion» https://www.clicanoo.re

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Les lieux essentiels de la vision du monde des Indiens sont : le temple et l’unité domestique. Ceci s’explique par le fait que, pour les Indiens, l’unité familiale est quelque-chose d’important qui permet une continuité entre leur mode de vie et leur adaptation à la société réunionnaise. De plus, la religion hindouiste occupe une part importante dans la culture indienne. Dans la culture hindoue, le temple et l’habitation sont synonymes d’ordre et de protection, alors que l’environnement extérieur représente le désordre et l’insécurité. Ainsi, la maison est considérée comme une entité vivante et le bien-être de ses occupants dépend donc de son entretien. A la nuit tombée, on ferme les volets et le portail afin de tourner la vie vers l’intérieur. Les enfants jouent dans la cour car ils y sont protégés. On constate qu’il y a une grande importance donnée à l’habitation, c’est un lieu replié sur lui-même dans lequel on vit à l’abri des regards et de l’insécurité extérieure, d’où l’importance de la notion de séparation et donc de clôture.1 Tout ceci renforce la séparation que les Indiens maintiennent entre eux et les autres ethnies de La Réunion. Ainsi, les relations au sein de l’espace communautaire sont donc rares et ne s’expriment qu’à l’occasion de fêtes ou de célébrations. Ceci explique sans doute le fait qu’il n’existe pas de regroupement spatial de la communauté indienne à La Réunion. Il n’y a pas de «village» ou quartier indien. On observe certaines similitudes entre l’unité spatiale domestique indienne vivant en quasi-autarcie et le modèle spatial de la société créole incarné par l’habitation, unité de vie également repliée sur elle-même. La famille constitue la cellule de base de la culture indienne. Traditionnellement, elle est très hiérarchisée, le sommet de la famille étant occupé par le père et éventuellement, le frère aîné. Les femmes sont dépendantes de ces figures masculines qui représentent pour elles une protection et une sécurité. Au sein même de la famille et de la communauté, les notions de solidarité et d’entraide sont très importantes. Nous pouvons dire que les valeurs de fonctionnement de la famille indienne sont : la hiérarchie, l’interdépendance et la propriété terrienne, qui sont d’ailleurs des valeurs en accord avec la société globale de l’île. Les Indiens ont su s’adapter à la société réunionnaise tout en gardant leur valeurs et leurs racines identitaires.2

1. Monique Richter, article «Le quartier et l’unité de voisinage à l’île de la Réunion». p 12 2. Ibid. p 14 68 I


L’hindouisme fait partie intégrante du paysage et du rythme de vie réunionnais. En effet, l’architecture indienne est marquée par des couleurs vives, la présence d’animaux totems en statuettes à l’entrée des maisons, dans les jardins ou sur les temples (exemple: l’éléphant est symbole de protection). Comme nous l’avons vu, la communauté indienne se rassemble lors de fêtes religieuses malbars ou tamoules dans les nombreux temples présents sur l’île. En effet, plusieurs fois par an, des cérémonies et processions (marche sur le feu3, Pongol4, le jour de l’An tamoul, Tamij varoucha pirappou5 etc.) font vivre certains quartiers avec les couleurs chatoyantes des vêtements traditionnels (les saris) et le rythme des tambours et clochettes. (figure 36 & 37) Pour les Indiens, la religion et la spiritualité sont des notions très importantes et font partie intégrante de leur mode de vie. Les grands temples traditionnels, lieux de culte publics, sont construits dans l’espace géographique des plantations de canne à sucre, c’est-à-dire sur les basses pentes de la région au vent de l’île et à mi-pente de la région sous le vent, zones de forte densité de peuplement malbar. Ils sont presque tous édifiés à proximité des usines sucrières dans les anciens camps d’esclaves ou d’engagés : Grand-Bois, Vue belle, Stella, Camp de Villèle, Savannah, La Mare, Bois-Rouge, Colosse, Beaufonds en sont des exemples. Ils ont tous été construits ou reconstruits depuis moins de trente ans, soit dans cette période de rapides mutations provoquées par la départementalisation de l’île depuis 1946.

3. Un rituel d’expiation. A travers une marche sur des charbons ardents, le pénitent assouvit un engagement personnel et honore les dieux. 4. On parle de congé Pongol en référence aux 2 ou 3 jours de liberté que les propriétaires des usines sucrières laissaient à leurs engagés indiens à la fin de la campagne sucrière. 5. Le premier jour de l’année correspond au 14 avril du calendrier chrétien. Le jour de l’An tamoul marque une période de renouveau de la nature. Le jour de l’An tamoul donne lieu dans l’île à de nombreuses festivités publiques, auxquelles tous les Réunionnais sont invités à participer. I 69


Figure 37 Cérémonie Tamoule, défilés et rites https://www.cartedelareunion.fr

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Figure 37 «Malbar y marche dan feu» - cérémonie religieuse tamoule, la marche sur le feu http://www.arbreduvoyageur.re

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Certaines familles possèdent également leur propre lieu de culte domestique caractérisé par des mini-temple devant la case familiale, dans la cour. Le temple familial va du simple petit abri en tôle jusqu’au bâtiment en dur richement décoré contenant parfois des statues et des objets de culte luxueux que le propriétaire a fait venir de Maurice ou de l’Inde. Ces temples sont des lieux de rencontre et de partage d’une communauté soudée par des liens familiaux ou culturels.(figure 38, 39 & 40) Pour conclure, les indiens possèdent leur propre rapport à l’espace qui se traduit par la place importante de l’unité domestique et des lieux de culte. En effet, l’absence d’investissement, hormis dans la famille et les lieux de culte, et la notion de séparation et de clôture nous montrent que la communauté indienne s’investit très peu dans les espaces communs tels que le quartier et s’investit également très peu, voire pas du tout, dans les relations avec les autres ethnies.6 Aujourd’hui, la modernité est venue ébranler l’univers de la structure familiale indienne avec, par exemple, l’émancipation des jeunes filles et des femmes qui bouleverse totalement la structure familiale traditionnelle de base. La question qui se pose donc aujourd’hui est : comment répondre à ces nouvelles attentes? Entre valeurs identitaires, cultures traditionnelles et modernisation du modèle de pensée et donc du modèle familiale.

6. Monique Richter, article «Le quartier et l’unité de voisinage à l’île de la Réunion». 72 I


Figure 38 Terrou ou Radou, chariot des Indiens - carte postale début du XXème siècle)

https://www.anthropologieenligne.com

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Figure 39 Temple Narassingua Perournal de Saint-Pierre à La Réunion https://www.malbar.fr

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Figure 40 Chappelle Tamoule, «mini-temple», dans la brousse dans le quartier de l’Eperon à Saint-Gilles-Les-Hauts, La Réunion Photographie personnelle, Mimose MORFIN

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B. Sinwa, d’origine chinoise Tout d’abord, la langue créole définit des réalités propres à la société réunionnaise, les mots ont leur sens et leur poids est symbolique.1 Pour cette raison, il existe une distinction entre «Chinois» et l’expression créole «Sinwa» ou «Sinoi». Le Chinois est né et a vécu jusqu’à un certain âge en Chine, en général jusqu’à l’adolescence. Il a acquis les éléments de base de la culture chinoise avant d’immigrer à La Réunion. Le Sinwa est un Réunionnais qui ne sait plus parler chinois (le cantonais ou le hakka sont les langues des migrants chinois) et qui a perdu l’essentiel des éléments de la culture chinoise. Il est né, scolarisé et socialisé à La Réunion, et constitue ce que l’on appelle les «deuxième et troisième générations» de Chinois. Les premiers chinois arrivent sur l’île en tant qu’engagés, au moment de l’abolition de l’esclavage.(figure 41) Dès leur arrivée sur l’île, ils se mêlent rapidement à la société locale, principalement dû au manque de femmes chinoises sur l’île qui les poussent à se marier avec des femmes d’autres ethnies. Ils gardent leur distance avec ceux qui constituent le bas de l’échelle sociale, mais n’ont pour autant aucun contact possible avec la grande bourgeoisie blanche de l’île. Le métissage existant se fait donc avec ceux que l’on appelle «les petits blancs». Une plus grande vague d’immigration de chinois se fait par la suite en 1862. À cette période, le commerce représente peu d’intérêt pour la bourgeoisie créole blanche, ce qui leur permet de s’insérer facilement dans ce secteur. Ils interviennent principalement dans le commerce de produits alimentaires : l’agro-alimentaire, les grandes surfaces mais aussi de petites épiceries locales. Ces épiceries que l’on appelle plus communément «boutique chinois», sont d’ailleurs encore présentes aujourd’hui et sont un emblème de le communauté chinoise de l’île. Elles proposent à la vente un grand choix de marchandises, ce sont de véritables cavernes d’Ali Baba d’épicerie, de quincaillerie, de mercerie et de pharmacie. Elles sont ouvertes sept jours sur sept, même les jours fériés, ce qui en fait un lieu indispensable en cas de besoin. (figure 42, 43 & 44) 1. « Des motes comme des images », la langue créole est en effet très imagée. Le sens des mots veut parfois litéralement traduire ce que le mot lui-même réprésente. 76 I


Figure 41 Des engagés chinois - «histoire de la communauté chinoise à La réunion https://www.clicanoo.re

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Les chinois détiennent donc la plupart des petits commerces et deviennent les fournisseurs exclusifs des Réunionnais. Après une ascension fulgurante, ils se retrouvent aujourd’hui à la tête de grands réseaux de distribution et les plus jeunes occupent les professions libérales les plus rémunératrices : médecins, pharmaciens ou autres hautes fonctions administratives. De plus, ils ont joué un rôle important dans l’alimentation réunionnaise. Ils furent les premiers et les plus nombreux à ouvrir des restaurants, et les relations établies permirent aux autres habitants d’être familiers des produits et plats proposés. Aujourd’hui, la nourriture traditionnelle chinoise fait pleinement partie de la gastronomie réunionnaise.

Figure 42 «La dodo lé la, Thai kon fat, alimentation générale ect...» - Boutique chinoise https://www.geo.fr

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Figure 43 Croquis d’une «boutik chinoi» à La Réunion Production personnelle

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Figure 44 Boutique chinoise à La Réunion

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Les Chinois restent longtemps très liés à leur pays d’origine et ne sont d’ailleurs parfois que de passage sur l’île, ce qui explique, à l’époque, la création de leurs propres écoles, dans lesquelles était enseignée leur langue maternelle. Aujourd’hui, ces écoles n’existent plus puisque la communauté chinoise a rompu le lien avec le pays d’origine en s’installant définitivement à la Réunion. En effet, elle compte désormais plus de 20 000 personnes et paraît donc bien intégrée à la société réunionnaise. On observe alors une perte de la langue maternelle qui n’est quasiment plus parlée aujourd’hui à La Réunion, et donc un certain détachement de leurs origines, ce qui leur a permis de s’adapter au contexte de l’île sans trop de difficulté. «La nouvelle génération se considère avant tout Française ou Réunionnaise d’origine chinoise, avant de se dire Hakka ou Cantonnais» explique Guy Siew2, coordonnateur de la Fête de Guan Di. Depuis la fin des années 1970, un certain nombre de Sinwas, de retour de France après leur études universitaires, estiment que leur culture d’origine s’est appauvrie, voire perdue, car diluée dans un mouvement de francisation et de créolisation. Par réaction à cette déculturation, ils expriment la volonté de revenir aux «racines chinoises» et à leurs traditions. Dans cette optique, ils créent des associations culturelles dont l’objectif est de se réapproprier et de diffuser la culture chinoise. En effet, le président du Temple Chane de Saint-Denis3, constate que depuis 2017, la tendance tend vers une nette augmentation de la fréquentation du temple par les jeunes générations : «Ils viennent pour des activités culturelles mais aussi pour comprendre les rites traditionnels autour des fêtes, du culte des ancêtres.»4 Guy Siew constate également : «On en voit un certain nombre retourner à la recherche de leurs racines à travers des activités culturelles diverses, calligraphie, danses, arts martiaux…»5. Les motivations poussant à de telles actions résident dans le questionnement des Sinwas face à leurs identités chinoise et réunionnaise ou française du fait «qu’ils vivent un paradoxe existentiel, se reconnaissant comme chinois ou descendants de chinois, ont un

2. Guy Siew, un des piliers de la communauté chinoise à la Réunion qui est notamment à l’initiative de la première grande fête de Guan Di sur l’île. 3. Victor Chane Nam est le président du Temple Chane de Saint-Denis. Il dirige depuis plus de 20 ans le cabinet CNV Consultants spécialisé en Stratégie, Communication et Organisation. Il est également administrateur de la technopole de la Réunion et président de l’Incubateur Régional de la Réunion. 4.Citation extraite de l’article «Le temple Chane de Saint-Denis : 120 ans d’histoire réunionnaise», publié par clicanoo.re 5. Citation extraite de l’article «Histoire de la communauté chinoise à La Réunion», publié par clicacoo.re I 81


phénotype chinois, mais ne possèdent ni la langue ni la culture chinoise.»6 L’univers traditionnel chinois est donc très marqué par les notions de réseaux et d’associations, qui introduisent également des valeurs de solidarité et d’entraide, chères à cette communauté. Cette dernière se partage entre les Hakkas et les Cantonnais qui possèdent néanmoins un mode de fonctionnement identique. Mis à part le métissage avec les «petits blancs», avec lesquels le contact reste tout de même limité, la communauté chinoise n’a pas vraiment de rapport avec les autres ethnies de La Réunion, même si l’on remarque un certain nombre de points communs avec les Indiens, par exemple.7 Les Sinwas transposent leur schéma traditionnel sur la société créole, ce qui a permis une harmonie entre des sociétés différentes mais qui ont tout de même des ressemblances. Comme chez d’autres ethnies, les notions de hiérarchie et de soumission à un chef ont une réelle importance. Les commerces et entreprises sont avant tout des structures familiales dans lesquelles l’homme et la femme travaillent ensemble; l’homme s’occupe de l’administration et de la gestion, et la femme de la gestion clientèle. On observe des similitudes entre la hiérarchie au sein de la famille et de l’entreprise familiale. Tout comme les Indiens, l’investissement des Sinwas se fera essentiellement au travers de l’unité domestique qui correspond, en l’occurrence, ici à la «boutique», puisque habitation et commerce y sont réunis. Cependant, ils maintiennent une nette séparation avec les autres ethnies, traduite par le manque d’investissement dans les espaces communs, notamment le quartier. Il existe donc une notion de séparation importante comme chez les Indiens mais pour des raisons différentes. L’unité domestique constitue donc la référence de base.8 Nous l’avons vu, la disparition des écoles chinoises et l’installation définitive de la communauté ont entraîné la perte de la langue maternelle. De plus, à travers le système éducatif français, s’est développée la transmission de nouvelles valeurs occidentales. La départementalisation et la modernité représentent donc un réel bouleversement dans l’histoire de la communauté chinoise. Le commerce traditionnel se dissout, la vie en communauté a disparu et des alliances extra-familiales se développent ce qui crée donc un nouveau métis6. Live Yu-Sion, «illusion identitaire et métissage culturel chez les «Sinoi» de la Réunion.», Perspective chinoise, n°78, Juillet-août 2003. 7.Monique Richter, article «Le quartier et l’unité de voisinage à l’île de la Réunion». p 15. 8. Ibid. p 16-17. 82 I


sage des traditions culturelles. Les nouvelles générations font donc face à la perte de certaines valeurs traditionnelles chinoises à travers la modernisation. Toutefois, nous pouvons observer, en parallèle, une certaine volonté de retour aux sources, comme chez les Indiens, puisque encore aujourd’hui, la cellule de base, constituée par la famille et l’entreprise familiale, reste l’unité de référence traditionnelle. Il y a donc une errance entre tradition et modernité à laquelle la nouvelle génération se retrouve confrontée et ne s’identifie pas vraiment.

Figure 45 Boutique chinoise à La Réunion

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Figure 46 Jeu de sept familles réunionnais, «Famille Zarab»

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C. Zarab, d’origine indo-musulmane Le terme «Zarab» (Zarabe ou Z’arabe) provient du créole réunionnais et de la confusion entre « Arabe » et religion musulmane. Zarab est le nom donné par tous les Réunionnais à la communauté musulmane originaire du sous-continent indien et plus spécifiquement du Gujarat. Les Zarabes sont musulmans sunnites, d’obédience hanafite, et rattachés à l’école de Déoband en Inde. Ces Indiens musulmans ont été qualifiés d’Arabes vraisemblablement pour plusieurs raisons. D’une part, à cause de leur religion, à l’époque de l’arrivée des premiers musulmans d’origine indienne, la communauté créole était peu au fait des réalités géopolitiques. Enfin, l’aspect des premiers arrivants, dont leurs vêtements, a pu jouer également, notamment leurs chapeaux cylindriques de couleur rouge ressemblant aux fez des Turcs ou des Moyent-Orientaux, lesquels étaient présumés tous musulmans par la population résidente. Une seconde confusion conduisit à l’assimilation entre musulmans et Arabes. Par conséquent, les « Zarabes » sont tous musulmans et dans leur immense majorité sunnites. Dès l’abolition de l’esclavage en 1848, la colonie a recruté des engagés en Inde du Sud, principalement dans le Tamil Nadu et un peu au Kérala. Si ces engagés étaient majoritairement hindous, une bonne part d’entre eux étaient musulmans. Cependant, les musulmans du Sud de l’Inde de cette première vague, du fait de leur proximité linguistique et culturelle avec leurs compatriotes hindous, furent absorbés dans la masse hindoue, et perdirent leur foi. Ces Indiens originaires du Sud de l’Inde sont les malbars, que nous avons vus précédemment. Les tout premiers indo-musulmans, ou «Indiens mahométans de Bombay» comme les dénomment alors les Services de l’immigration à La Réunion, sont arrivés dans les années 1850. Ils faisaient la navette entre Maurice et La Réunion avec des marchandises à vendre. C’est après avoir constaté que La Réunion était un marché à prendre, qu’ils se sont installés, principalement dans les villes. Paysans d’origine, les premiers arrivants se sont quelque temps essayés à la culture de la canne à sucre. La place étant prise dans l’agriculture , le commerce leur offrait une perspective plus favorable. Il y eut quelques grossistes mais c’est surtout dans le commerce de détails que les migrants, à l’instar des Chinois, se sont impoI 85


sés dans le paysage économique de l’île. Installées au coeur des villes, les «boutik zarab» proposaient de tout sauf du porc et de l’alcool, laissés aux Chinois. On y trouvait du riz, des «grains»1, du café pointu, des pois du Cap, mais aussi des objets de première nécessité. Venus pour prospecter les possibilités commerciales de l’île, ils s’imposent ensuite dans une activité qui fait défaut à l’île : le commerce des cotonnades. Leur entreprise connut un certain succès et le développement économique de la communauté fut rapide. Symbole de leur acceptation par le reste de la population, ils firent inaugurer, dès 1905 à Saint-Denis, une première mosquée appelée Noor-e-Islam, la première jamais construite sur le sol français.(figure 47) La Réunion fut longtemps le seul département français à posséder une médersa2 franco-musulmane. Néanmoins, leur insertion n’a pas été facile, des mesures discriminatoires ont d’ailleurs été prises à certaines époques. En 1882, 20 Gujaratis musulmans sont installés dans l’île. Cinq ans plus tard, ils sont 205, 176 hommes, 26 femmes et 3 enfants. Le nombre de femmes est très inférieur à celui des hommes, d’où les unions des immigrants avec des femmes locales et le métissage biologique qui s’en suivra. Lorsque les femmes indiennes seront en nombre suffisant, la règle de l’endogamie prévaudra. La situation s’est envenimée au début de la Première Guerre mondiale. En raison de leur appartenance religieuse, les Zarabes sont accusés de se ranger aux côtés de la Turquie, donc de l’Allemagne. Pendant cette période, l’immigration est au point mort. Il faudra attendre la fin de la guerre pour que de nouveaux arrivants viennent grossir la communauté. En effet, la plus importante vague d’immigration des Indo-Musulmans aura lieu entre 1920 et 1935, année où un décret réglementant l’admission des étrangers dans les colonies marque l’arrêt de l’immigration. Les étrangers en faillite sont expulsés, et l’année 1936 est une année noire pendant laquelle une crise économique oblige des familles à repartir en Inde. Les Gujaratis, au nombre de 1 325 en 1931, ne sont plus que 920 en 1936. C’est la Seconde Guerre mondiale qui va faire des Gujaratis des Réunionnais. Coupés du monde par le blocus imposé par la Grande-Bretagne à la France, les Réunionnais vont survivre ensemble et apprendre à vivre en communauté. L’émigration s’arrêtera totalement après la départementalisation en 1946. En 1948, on recense 2 500 Indo-Musulmans contre, entre 23 000 et 25 000, en 2006. À cette période ils représentent 3 à 3,5% de la population 1. Le terme «grain» en créole signifie haricot sec, on l’emploi généralement pour les lentilles et les harricots rouge ou blancs, qui accompagnent le cari, plat traditionnel réunionnais. 2. Ecole musulmane. Le terme vient du mot arabe «madrassa» qui signifie école. 86 I


Figure 47 Mosquée Noor-e-Islam, Saint-Denis, La Réunion www.dowzr.com

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totale évaluée à 777 000 habitants. Les Zarabes représentent aujourd’hui environ 5% de la population et participent activement à la vie sociale, politique, associative, syndicale, économique et culturelle de l’île. Les touristes, comme les Réunionnais, qui arpentent les rues commerçantes des villes du littoral, les croiraient aisément beaucoup plus nombreux, tant leur présence est visible, tant est manifeste leur rôle incontournable dans l’économie locale. Le moule éducatif français pèse sur la personnalité du jeune Zarab et, en conséquence, sur l’avenir identitaire de la communauté entière. En effet, l’intégration sociale à l’entité réunionnaise est multiple puisqu’on côtoie, dans les salles de classe et les cours de récréation, Créoles, Cafres, Malbars, Chinois. Les modes de pensée et d’horizons intellectuels sont donc profondément déterminés par l’empreinte française et occidentale, bien que les références morales et religieuses soient intimement islamiques. Il s’agit donc là de trois caractéristiques en équilibre toujours mouvant et dont les rapports de force peuvent s’infléchir en fonction des contextes particuliers, des circonstances, des individus et des familles. La vie familiale obéit, à peu près, à ces trois mêmes principes. Notons au passage que la constitution même de la famille ne suit pratiquement plus aujourd’hui la règle de «patrifocalité» : jusque vers le début des années 1980, les fils mariés et les enfants non mariés vivaient fréquemment au domicile du père, les filles, à partir de leur mariage, entrant dans le foyer de leur beau-père. En effet, pendant longtemps, toute la famille vivait et travaillait ensemble, et beaucoup, sous l’autorité du père. L’apparence a pu être celle d’un système où la femme est soumise et l’homme dominant, mais en réalité, l’égalité des sexes est de plus en plus de mise. Longtemps tenues à l’écart des responsabilités, autres que familiales, les femmes ont acquis un rôle de plus en plus déterminant et évident, notamment dans le commerce, mais aussi dans d’autre secteurs professionnels. Toutefois, c’est avant tout le cercle familial qui constitue le premier microcosme de référence. La famille représente la cellule économique de base puisque toute la famille travaille au sein de l’entreprise familiale. «Une famille, un toit, une marmite». Comme chez les Sinwas, logement et lieu de travail sont confondus. Si le premier ferment d’une culture et son ciment le plus solide sont constitués par la langue, il faut croire que la communauté Zarabe est largement engagée dans un processus d’acculturation. De la langue d’origine, il ne reste que des bribes : le savoir de quelques «anciens», quelques phrases échangées dans les familles ou quelques textes que parcourent 88 I


les érudits. Cependant, on peut considérer aujourd’hui que c’est la religion musulmane qui représente le ciment de cette communauté. Elle est soudée et solidaire via cette particularité qui accentue leurs différences face aux autres ethnies de l’île. Comme les Sinwas et les Malbars, les Indiens musulmans sont Zarabes avant d’être des Réunionnais. Une fois encore, la séparation par rapport aux autres ethnies est une notion importante, elle permet le maintien des valeurs et de la culture d’origine. En effet, même si la société musulmane a tendance à se regrouper spatialement, elle ne s’investit aucunement dans les espaces communs tels que le quartier.3 La culture Zarab est celle qui a eu probablement le plus à pâtir de l’évolution actuelle. Au milieu année 1960, la jeune génération prend ses distances avec les traditions et les pratiques religieuses s’amoindrissent. Cette nouvelle génération est à la recherche d’une identité qui ne soit ni le résultat de l’éducation familiale ni la copie conforme de l’Occident. Il y a un réel sentiment de perte d’identité, comme pour les Chinois et les Indiens, mais le modèle familiale reste tout de même la référence de base. Les jeunes générations sont donc en quête de nouveaux espaces spatiaux et sociaux.

3. Monique Richter, article «Le quartier et l’unité de voisinage à l’île de la Réunion». p 18. I 89


D. Créole, aux origines multiples Le Créole est un métis aux origines multiples, il n’est ni « Zoreil », ni « Malbar », ni « Sinoi », ni « Zarab ». Contrairement aux autres ethnies, ce groupe social a perdu la mémoire de ses racines ethniques puisqu’il est le fruit d’un métissage pluriculturel. Le Créole représente la plus grande partie de la population à La Réunion (40 à 50%) puisqu’il possède une identité plurielle due au métissage. Il est initialement originaire de Madagascar et d’Afrique et issu d’ancêtres esclaves et souvent métissé avec les blancs ou d’autres ethnies. La famille créole est une famille nombreuse et très soudée, les liens familiaux y sont très forts, sans doute dû au fait de vivre tous ensemble sur une petite île. Les Créoles sont majoritairement catholiques et la religion occupe, pour beaucoup d’entre eux, une place importante au sein de la famille. De plus, il existe une forte solidarité au au sein des familles, d’un point de vue économique et social mais aussi psychologique. Pour eux, toutes les occasions sont bonnes afin de réunir la famille. À la plage ou à la montagne, le pique-nique du dimanche midi est une véritable tradition sur l’île. Chaque dimanche, ces lieux sont envahis par les nombreuses marmites de «cari»1 et animés par la bonne ambiance musicale et familiale créole.(figure 48) La notion de «famille» est quelque-chose de très important pour cette communauté. Cependant, l’évolution des moeurs depuis les années 1960 et l’arrivée en force de la société de consommation ont un peu bousculé les structures traditionnelles. La famille étant la cellule de base du mode de vie créole, on constate que les «anciens» occupent une place à part entière dans ce schéma. Traditionnellement, les trois générations d’une même famille vivaient sous le même toit, ou sur la même propriété. En effet, si le terrain est assez grand il est subdivisé pour y construire la maison des enfants. L’ensemble des cellules familiales se retrouvent donc au sein d’un quartier qui constitue souvent l’espace géographique d’une ancienne propriété. C’est sans doute la raison pour laquelle dans beaucoup de quartiers à La Réunion, les habitants ont souvent une généalogie commune. Même si, encore aujourd’hui on retrouve quelques foyers vivant avec les grands-parents de 1. Le cari, que l’on écrit aussi carry, est le plat de base de la cuisine réunionnaise, il se compose d’une viande ou d’un poisson préparé avec des tomates, des oignons, du curcuma, et parfois du gingembre et bien d’autres épices. 90 I


Figure 48 Croquis d’un pique-nique créole sur la plage de Grande-Anse, dans le Sud-Est de l’île Production personnelle

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la famille, cette tradition se perd un peu. Néanmoins, la famille créole étant une famille très unie, les uns et les autres se rendent très souvent visite, en discutant des komeraz2 et ladilafé3 dans la cour de la maison. La cour est en effet le support spatial de la maison, le lieu où l’on reçoit les visiteurs intimes, c’est là que circule l’information sur ce qu’il se passe dans le quartier. (figure 49) Même si la cellule familiale reste l’unité de référence, des liens sont établis avec le reste du quartier. La solidarité s’élargit à l’unité de voisinage: le soir, on sort les chaises dehors et on discute avec les voisins. Ce sont souvent les relations généalogiques qui définissent les relations dans le quartier. Si la cour fait partie des lieux de vie sociale du quartier, la boutique chinoise constitue également un lieu de rencontre privilégié dans un quartier, mais ce sont principalement les hommes qui s’y retrouvent pour boire un verre en fin d’après-midi. Toutes les familles d’un quartier se connaissent, et vivent chacune sous le regard des autres. La notion de repli sur soi, que l’on a retrouvée jusqu’à présent chez d’autres ethnies, est beaucoup moins présente chez les Créoles. Néanmoins, le respect de l’espace privatif est fondamental, on retrouve donc, comme chez les communautés précédentes, l’importance de la clôture dans l’habitat. Comme nous l’avons vu, il n’existe pas un seul type d’habitat créole, il en existe une multitude. Cependant, nous notons certains facteurs communs, propres à un mode de vie, que nous allons évoquer ici afin de comprendre le mode d’habiter créole. (figure 51 & 52) Nous retrouvons généralement au moins deux entrées, l’une à l’avant qui est plus élaborée (1), pour les visiteurs étrangers, et l’entrée secondaire située sur le côté qui est réservée aux intimes (2). Entre le barreau4 et l’entrée de la maison, on retrouve le traditionnelle et luxuriant jardin créole (3). Il donne accès à la varangue (4) qui est largement ouverte sur le jardin. L’habitation, souvent de plain-pied , est organisée symétriquement autour de la varangue, et, de part et d’autre de celle-ci, les chambres (5) sont des espaces strictement privatifs. À l’arrière de la maison, s’organisent les pièces de vie commune. Puis, les dépendances (6), que l’on retrouve à l’extérieur de la maison, sont organisées autour de la cour arrière, dans laquelle nous retrouvons la cuisine (7), nommée le «boucan». Dans des cases plus récentes, ou a l’occasion de restauration, la cuisine est venue s’adosser au corps de logis principal (8), voire s’y intégrer complètement. (figure 52)

2. Mot créole voulant dire «comérage». 3. Mot créole désignant une rumeur. 4. Désigne en créole la clôture de l’habitation. 92 I


Figure 49 Dans la kour de la case Folior Ă Salazie Production personnelle

Figure 50 Quelques fleurs et plantes du jardin traditionnel crĂŠole Production personnelle

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Figure 51 Plan d’une maison créole, la «case Fombert», située à Fleurimont dans la commune de Saint-Paul. Production personnelle

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Figure 52 Façade avant de la maison Fombert, côté varangue. Production personnelle - Aquarelle

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«Antan lontan, on cuisinait au feu de bois dans un cagibi ou une dépendance, puis on laissait les marmites de cari dans la cour et chacun se servait et mangeait quand il voulait.» Monsieur Fontaine, créole réunionnais.

Nous retrouvons, même dans la façon de cuisiner et d’organiser le repas, cette notion de partage et de convivialité chère aux créoles. Les autres dépendances abritent les latrines5 ou les animaux, voire, dans les cases les plus importantes, les domestiques et les travailleurs attachés a la maison.6 Les créoles sont également attachés à des éléments de décoration, que l’on retrouve dans certains cas, comme les lambrequins7, ou encore les façades et/ou les volets très colorés. (figure 52) L’habitat traditionnel créole est souvent tourné vers l’extérieur, vers la cour et la varangue qui sont les lieux de vie privilégiés. Si, traditionnellement, dans certaine famille créole c’est le père que l’on retrouve au sommet de la hiérarchie familiale, aujourd’hui, dans beaucoup de famille, c’est la mère qui représente l’autorité. En effet, dans les couches sociales défavorisées on retrouve une société matrilinéaire. La femme est attributaire d’un certain nombre de prestations sociales et devient l’élément clé de la famille, quand l’homme, sans emploi fixe, n’assume plus le rôle économique et voit son importance diminuer. Son espace sera donc à l’extérieur de l’unité domestique, dans la rue ou dans la boutique du quartier. Ces lieux, qui étaient auparavant des lieux de sociabilité, deviennent des lieux d’errance pour les hommes marginalisés par la société moderne. De plus, les relations sociales de voisinage dans la cour ne sont plus aussi fortes qu’avant. La vie de famille se replie davantage sur elle-même et la famille créole prend ses distances par rapport aux autres. Si la cellule familiale reste le modèle de base de la famille créole, l’homme sans travail en est aujourd’hui exclu. La modernité aura donc, à sa façon, bouleversé le modèle familial créole. De plus, ces dernières années, les jeunes ont commencé à émigrer vers la Métropole pour les études ou le travail, ce qui a également un impact sur la structure familiale. 5. Les latrines étaient à l’origine le terme utilisé pour désigner l’espace où les gens pouvaient se retirer pour satisfaire un besoin naturel. Il s’agit de l’ancêtre des toilettes modernes. définition du Larousse. 6. Architecture créole. Analyse de l’habitat créole sur l’île de La Réunion - Anne-Rose Bouyer & Emmanuel Schuck 7. Elément que l’on retrouve très souvent sur les maisons à La Réunion, même sur des constructions neuves. I 97


E. Zoreil, français métropolitain Au début, les Zoreils n’étaient pas bien vus par la population réunionnaise. L’origine du terme Zoreil, ou Zorey, n’est pas encore tout à fait déterminée puisqu’il y a plusieurs hypothèses à ce sujet. Toutefois, elles se basent quasiment toutes sur le mot « oreilles ». Pour commencer, le nom «zoreil» fait référence à l’histoire : les chasseurs d’esclaves Blancs coupaient les oreilles des esclaves en fuite qui s’échappaient des plantations. Il se réfère également aux oreilles rouges des touristes métropolitains, victimes de coup de soleil en arrivant sur l’île. Le terme peut aussi signifier le geste que font les Métropolitains quand ils tendent leurs oreilles lors de discussions avec les Créoles qu’ils ne comprennent pas. Enfin, le dernier sens se rapporte au mot «zorey» qui semble provenir du tamoul où il signifie «maître».1 Malgré leur histoire peu appréciée, les Zoreils représentent une communauté importante à La Réunion, ils jouent un rôle considérable dans la société et leur nombre ne cesse d’augmenter. En effet, selon les chiffres de l’Insee2 fournis à L’Express3, ils ne représentaient en 1982 que 4,1% de la population, contre 10,2% en 2010, soit environ 80 000 personnes. Selon Claire Grangé4, «les migrations ont surtout été importantes dans les années 1990, elles se tassent un peu depuis le début 2000». La forte présence des Zoreils à La Réunion s’expliquerait peut-être par le fait que la communauté zoreil englobe également les «Zoréoles», terme qui peut désigner l’enfant d’un couple mixte Zoreil / Créole réunionnais, mais aussi un enfant né à La Réunion d’au moins un parent zoreil. Le mot Zoréol vient de la contraction entre les termes «Zoreil» et «Créole».

1. Définition du mot «Zoreil» extraite de plusieurs sources telles que : reunionweb.org et www.indereunion.net 2. Institut nationale de la statistique et des études économiques. 3. Officiellement, en France les statistiques ethniques sont interdites. Mais en croisant le critère «lieu de naissance» avec une série de données issues du dernier recensement de 2006, le bureau réunionnais des études et diffusion de l’Insee aboutit à certaines estimations. Article «les Zoreils, une communauté à part», par Laurent Decloître. www.lexpress.fr 4. Chef de la division documentation de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques). 98 I


Les Zoreils monopolisent beaucoup de postes à responsabilités tels que fonctionnaires, cadres de grandes sociétés hexagonales ou chefs d’entreprise. En effet, selon Laurant Decloître, «Les zoreys sont surdiplômés: 41,7 % d’entre eux possèdent un diplôme de premier cycle universitaire ou supérieur, soit deux fois plus que la moyenne en France et cinq fois plus que l’ensemble des Réunionnais.»5. Si nous regardons donc proportionnellement, nous constatons qu’il y a trois fois plus de chefs d’entreprise chez les Zoreils que chez les Réunionnais, et six à sept fois plus de professions libérales et de cadres de la fonction publique et du privé. La conséquence est notable, puisque leur niveau de vie est largement plus élevé que la moyenne du département. Nous pouvons observer également des signes extérieurs de richesse, 30,5% des Zoreils vivent dans des habitations de plus de 100 mètres carrés, contre 17,9% de Réunionnais, tout en étant moins nombreux par domicile, de plus on observe également la présence plus importante de piscine.6 Notons également que, selon des données attestées par l’Insee, la concentration de Métros est bien plus importante sur la côte Ouest de l’île (La Possession, Les Avirons, L’Etang-Salé et Saint-Paul), qui mérite son surnom de «Zoreyland».(figure 53 & 54) Pour une grand majorité des Zoreils, leur séjour à La Réunion s’inscrit dans le court terme, ils sont donc peu enclins à faire des efforts pour s’intégrer et vivent souvent entre eux. En effet, la population se renouvelle à grande vitesse puisque environ 30 % des Zoreils repartiraient tous les cinq ans.7 Le passé colonialiste de l’île reste très ancré dans la mémoire des Réunionnais, ce qui peut parfois générer quelques tensions entre Zoreils et Réunionnais. Les liens qui lient les Réunionnais aux Zoreils semblent donc assez complexes. Cependant, d’autres Zoreils, plus rares, choisissent de rester sur l’île et s’intègrent parfaitement à la population réunionnaise, si bien qu’ils en oublient parfois leurs origines. Nous l’avons vu précédemment, les différentes communautés (Malbar, Sinoi, Zarab, Créole), présentes depuis plus longtemps sur l’île, ne se mélangent pas entre elles. Selon nous, le statut de nouvel arrivant du Zoreil qui souhaite s’installer sur l’île sur le long terme, le pousse à se mêler davantage aux autres ethnies afin de s’intégrer à la société. Il semble toutefois que ce soit les enfants zoreils ou zoréoles qui s’intégrent le mieux à la société, en tissant des liens plus facilement, notamment dans la cour d’école.

5. Article «les Zoreils, une communauté à part», par Laurent Decloître. www.lexpress.fr 6. Ibid 5. 7. Selon une étude réalisé par l’Insee. I 99


egales

Lotissement de Grand Fond

Plage des Roches-Noires Lotissement Carosses Port de SaintGilles Plage des Brisants

Lotissement Mont Roquefeuille

Figure 53 Vue aérienne de Saint-Gilles-Les-Bains - «Zoreyland» géoportail.gouv.fr

© IGN 2019 - www.geoportail.gouv.fr/mentions-le

100 I Longitude :

55° 13


Figure 54 Vue aérienne de Saint-Gilles-Les-Bains, «Zoreyland», la résidence Mont Roquefeuille (à droite) géoportail.gouv.fr

© IGN 2019 - www.geoportail.gouv.fr/mentions-legales

ouv.fr/mentions-legales

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Comme chez les autres ethnies, la famille est une notion importante pour les Zoreils. Toutefois, la cellule familiale métropolitaine à La Réunion, est un peu différente puisqu’elle se retrouve restreinte au schéma parents/enfants, et parfois, dans de rares cas, grands-parents. Le Zoreil étant un immigré, parfois juste de passage, il n’a donc pas la même proximité avec sa famille que les autres ethnies réunionnaises. Ce rapport différent à la famille possède sans doute une influence sur leur mode d’habiter. La plupart des Zoreils arrivent sur l’île pour seulement quelques mois ou années et cherchent donc à se loger dans un habitat existant en location. De manière générale, le Zoreil est sensible a l’architecture réunionnaise et au charme rustique des cases créoles. Ainsi, l’autre partie des Zoreils qui vont s’installer définitivement à La Réunion, cherchent soit à acheter une maison créole qu’ils rénovent tout en gardant le cachet et le charme de celle-ci, soit à construire une maison sur place, très souvent en restant fidèle au style réunionnais. Cependant, une petite partie d’entre eux décide de rentrer en Métropole (suite au départ des enfants par exemple) et laisse derrière eux la maison qu’ils ont bâtie, comme une petite empreinte de leur passage. Ce schéma restant tout de même peu fréquent, nous ne pouvons donc pas dire que le Zoreil ait une réelle influence sur l’habitat réunionnais et son architecture. On peut toutefois parler d’une certaine adaptation de l’habitat réunionnais au mode de vie métropolitain, avec notamment l’utilisation différente des espaces, comme la varangue ou la cour. En effet, cet espace est d’abord un lieu de vie commune privilégié par les Réunionnais, c’est là que l’on reçoit les invités et la famille et que l’on prépare les légumes pour le repas. Alors que pour les Zoreils, cet espace est davantage un lieu de détente, l’endroit où l’on mange en famille ou avec des invités. Nous pouvons même constater que, selon leur catégorie socio-professionnelle, ce sont parfois les Réunionnais qui calquent le mode de vie des Zoreils, et perdent certains usages traditionnels tels que l’utilisation de la varangue et de la cour. Dans le milieu populaire, les familles réunionnaises ont tendance à conserver les traditions en séparant le terrain familial sur lequel ils vivront tous ensemble.

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Nous l’avons vu, La Réunion est une terre pluri-ethnique, colorée par le métissage de cultures diverses et variées venant des quatre coins du globe. En nous penchant de plus près sur ces différentes ethnies qui forment le peuple réunionnais, nous avons pu constater que, malgré leurs nombreuses différences culturelles et religieuses, l’ensemble de la société réunionnaise partage des valeurs communes et se rejoint sur un point en particulier : la famille est la cellule de base de leur mode de vie et du fonctionnement social et économique. C’est sans doute pour cela que, malgré ces différences ethniques, culturelles, religieuses ou sociales, il existe une réelle harmonie dans laquelle cohabitent toutes ces communautés. Toutefois, il est bien question de cohabitation, en effet, si chacun respecte l’autre, les cultures ne se mélangent pas. Les enfants eux-mêmes, tout à fait inconsciemment, se regroupent très souvent par communauté dans les cours de recréation. Chacun tient à sa culture et ne se préoccupe pas de celle des autres. Quelle que soit la communauté concernée, on peut donc dire que l’habitat, qui est le support spatial de l’unité domestique, est fondamental puisque l’organisation sociale s’exprime avant tout autour de l’habitation, unité de travail et de vie fonctionnant en quasi- autarcie. De plus, l’habitat sera à l’origine du quartier qui, au-delà d’être un espace spatial, est un regroupement de familles. Si, aujourd’hui, il est possible d’en sortir grâce à la voiture, on en sort uniquement pour les courses, le travail et les sorties familiales. On constate donc que l’univers de vie des Réunionnais se limite principalement au quartier et à l’unité d’habitation. Comme nous avons pu le voir, la notion de séparation est très importante pour les Réunionnais. La cohabitation fonctionne donc également sur le principe de base selon lequel chacun possède son intimité et doit respecter celle de l’autre. La séparation spatiale par la clôture et la protection des regards extérieurs deviennent donc réellement primordiales. Les modèles familiaux ont donc façonné le mode d’habiter à La Réunion. En effet, le regroupement et la proximité intergénérationnelle ont généré des modes d’habiter spécifiques, lesquels se sont prolongés au fil des successions. Il convient par ailleurs d’insister sur l’importance de la progression de l’espace public (baro, jardin d’apparat, façade écran) vers l’intimité (varangue, salon d’invités, pièces, arrière-cour). L’architecture réunionnaise est largement tournée vers l’extérieur, brouillant les limites du dedans et du dehors avec la varangue et la cour. Ces dispositions familiales et ces gradations d’intimité sont issues de la culture locale. Ces codes établis entre les individus sont révélés et transmis aux générations futures à travers l’organisation des cases.

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Figure 55 «Kaf, Chinois, Zarab, Zorey, Malbar», «La Réunion nout nation», graffe sur le front de mer de Saint-Pierre, réalisé par Fred House

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Le contexte économique a également influencé l’architecture de l’île. Les difficultés économiques ont effectivement induit une architecture évoluant au fil des ans, révélant l’histoire familiale de la case. La culture réunionnaise est jeune, âgée d’à peine 350 ans, elle est issue d’importations qui se sont peu à peu transformées. L’architecture de l’habitat est donc très diversifiée, et le plus gros danger serait de la figer en la rangeant dans une case définitive, celle de «la caze créole», élément certes essentiel, mais qui n’en constitue en réalité qu’une composante. Cette classification présenterait le danger de ne conserver que quelques signes visibles qui, s’ils ne sont pas compris et intégrés dans un projet global, appauvrissent la culture et le paysage de l’île. L’architecture réunionnaise est dynamique et ne cesse d’évoluer, entre traditions et modernité. Les changements rapides des structures de la société réunionnaise (éclatement des familles, société de consommation, place de l’automobile) entraînent de fait des évolutions de l’habitat. De plus, les nouvelles générations n’aspirent pas aux mêmes modes de vie que leurs parents et sont donc en quête d’une identité. D’un autre côté, l’augmentation du prix du foncier et sa rareté engendrent une réduction des surfaces des terrains. Face à l’errance d’une société plus jeune et à la complexité d’aménagement du territoire qu’entraîne la topographie de l’île, se soulèvent plusieurs questions concernant l’habitat de demain. Dans la majorité des cas, nous ne pourrons plus privilégier une case intégrée dans un vaste jardin, mais nous devrons plus souvent penser des maisons de ville, des lotissements ou des collectifs qui sont dès aujourd’hui intégrés dans un tissu de plus en plus dense. Ce questionnement arrive en plein temps de mondialisation, les échanges accrus favorisent certes la connaissance des autres cultures mais paradoxalement, font naître une architecture standardisée, aux codes et écritures ne correspondant pas totalement au mode de vie des Réunionnais.

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évolution de la structure familiale depuis la départementalisation

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à la recherche d’une nouvelle ideNtité

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Un nouveau modèle constructif

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La standardisation et la modernisation de l’habitat et du mode d’habiter des réunionnais À la recherche d’un nouveau modèle et mode de vie?


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Nous l’avons vu, des siècles d’histoires ont marqué la culture réunionnaise et le paysage de l’île. La départementalisation a profondément marqué La Réunion, d’un point de vue économique, social, mais également architectural. En effet, l’influence occidentale se fait ressentir dans la standardisation de l’habitat qui ne semble plus adapté au mode de vie des Réunionnais. C’est l’urgence de loger rapidement la population, à l’époque, qui est à l’origine de cette construction de masse de logements collectifs, qui a été en quelque sorte imposée au paysage réunionnais. Les années qui ont suivi, plus calmes, ont sans doute permis d’avoir un regard différent sur l’architecture réunionnaise en ayant une nouvelle approche de l’habitat dans son ensemble. C’est la créolisation de la société, via cette superposition d’architectures, et notamment de l’architecture de l’habitat, au fil du temps, qui a généré un nouveau vocabulaire. Aujourd’hui encore, le logement est au centre de l’attention sur une île qui fait face à de nombreuses problématiques que nous développerons dans un premier temps. Il est l’objet d’une réelle réflexion quant à son évolution à travers celle du mode d’habiter des Réunionnais. En effet, les familles évoluent et changent, et avec elles leur mode de vie et donc leur mode d’habiter. En cela, toute une nouvelle génération se questionne donc sur l’évolution de l’habitat sur l’île, tout en prenant conscience de l’importance de son patrimoine culturel et architectural unique. Dans une seconde partie, nous analyserons les nouveaux modèles constructifs qui ont émergé après la période de départementalisation, en essayant de comprendre en quoi consiste cette nouvelle logique d’aménagement. Puis, pour finir, il s’agira d’interroger l’architecture et l’habitat de demain à La Réunion en essayant de comprendre quels seraient les nouveaux liens possibles entre celui-ci et l’espace urbain, afin de créer ou réinventer la vie sociale de quartier.

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A. évolution de la structure familiale et du mode d’habiter depuis la départementalisation Comme nous le savons, les nouvelles générations s’émancipent et se détachent du mode de vie des parents. Les jeunes partent à l’étranger ou en Métropole pour les études ou le travail, certains s’y installent et ne reviennent donc pas sur l’île. Cela entraîne une quête d’identité de la part des nouvelles générations qui oscillent entre modernité et une certaine volonté de retour aux racines ancestrales. Elles ne s’identifient donc plus, ou de moins en moins, au mode d’habiter traditionnel réunionnais et cherchent à créer un nouveau langage, propre aux changements culturels de leur époque. À coté de cela, dans l’air de la mondialisation, on observe de plus en plus de mouvements migratoires, entre la Métropole et La Réunion, qui déclenchent la nécessité de trouver un nouvel équilibre à travers un mode de vie propre à cette nouvelle génération. Ce mouvement s’étant effectué très rapidement, on note un vrai bouleversement au sein de la société réunionnaise, ce qui nous amène à nous demander quelle est la capacité de la population réunionnaise à accueillir ces changements rapides, et quels vont être, à long terme, les impacts de ce chamboulement sur la société et le paysage de l’île. Les Réunionnais ressentent également la crainte de perdre ce patrimoine culturel, si cher à leurs yeux. Aujourd’hui, avec une croissance démographique très importante, La Réunion se retrouve face à un besoin de construire davantage de logements, tout en trouvant des solutions au contexte particulier de l’île. En effet, une grande partie du territoire est occupé par un parc naturel protégé de 105 447 hectares, soit 42 % de la surface de l’île. Ainsi, la question de l’urbanisation et de la construction de l’habitat demande à être le fruit d’une réflexion sur l’aménagement du territoire dans sa globalité. Dans un futur indéterminé, l’habitat individuel que nous connaissons, la case créole, va sûrement disparaître du paysage, ou du moins ne plus être renouvelée exactement comme nous la connaissons. Par manque de place, l’habitat collectif à la verticale sera sans doute privilégié. Notons que l’île impose depuis toujours des contraintes très fortes. Elle se trouve régulièrement exposée à de nombreux aléas, souvent majeurs : volcanisme éruptif, précipitations considérables (avec des records mondiaux), dégâts cycloniques récurrents (figure 56 & 57), 112 I


Figure 56 Dans cases ravagées par un cyclone tropcial très intense en 1948 à La Réunion : des vents de 250 km/h avec des rafales à 310 km/h http://www.firinga.com

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Figure 57 Le cyclone Benjisa à la Réunion, Janvier 2014 https://www.zinfos974.com

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instabilité des pentes et mouvements de terrain permanents. L’île est rude, elle est l’expression d’une violence propre à elle-même, naturelle et sans doute même indispensable, car participant à la construction d’une identité. Au cœur de l’île, les cirques et les grandes vallées encaissées sont des espaces difficilement accessibles, aménageables et habitables. De plus, des ravines1 et des grandes vallées découpent le territoire et constituent une multitude d’obstacles à franchir. Le reliefs impressionnants et les aléas climatiques ne facilitent donc pas les programmes d’aménagement. (figure 58 & 59) Malgré tout, on considère que 40 % de l’espace sur l’île est en réalité utilisable.2 Dans un contexte de croissance démographique soutenue et d’urbanisation accélérée, l’espace insulaire demeure toujours fortement contraignant et les questions foncières revêtent évidemment un caractère stratégique pour les nombreux programmes d’infrastructures et d’habitats. Aujourd’hui, on remet en cause la progression générale de l’habitat des basses pentes vers les « hauts » de l’île, qui fut trop longtemps un schéma récurrent. En effet, ce sont les premières pentes qui supportent l’essentiel de la croissance urbaine. (figure 60) Une dynamique d’extension des zones urbaines envahit donc le paysage vers les hauts de l’île et un mitage, très inégalement maîtrisé, grignote les terrains de culture de la canne à sucre, de moins en moins nombreux. À l’air de la mondialisation, l’île est sous tension. Il semble donc que le processus inévitable de croissance urbaine ne soit pas entièrement sous contrôle, et que l’île soit maintenant confrontée à des enjeux majeurs, auxquels il semble indispensable de répondre dans les années à venir.

1. Lit creusé par un torrent. Petit ravin. 2. Une île en mutation. Infrastructures, aménagement et développement à La Réunion. Thierry Simon I 115


Figure 58 Paysage rĂŠunionnais, cirque de Mafate, depuis la randonnĂŠe de Cap Noir. Photographie personnelle

Figure 59 Paysage de Mafate

Photographie personnelle

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Figure 60 Saint-Denis, toute les terres du littoral sont urbanisées et s’étale sur les mi-pente. Le défi de beauséjour, une ville tropicale durable à La Réunion, Dominique Gauzin-Müller. p. 21

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B. de nouveaux modèles constructifs Depuis la départementalisation, les dispositifs constructifs sont montés en puissance et sont venus percuter de plein fouet la société réunionnaise. Les logements collectifs, notamment des logements sociaux, fleurissent sur toute l’île à une vitesse démesurée et la société commence tout juste à se demander quelle est la place de ces logements dans la culture réunionnaise et s’ils interfèrent avec l’architecture locale, jusqu’à présent très représentative d’un mode de vie réunionnais. En effet, depuis quelques années, les promoteurs immobiliers se sont emparés du marché de l’habitat à La Réunion, et malgré une tentative d’adaptation au paysage, les constructions ne cadrent pas toujours avec certaines traditions locales. Nous allons analyser des exemples de logements correspondants à des constructions récentes, afin d’observer comment l’habitat est interprété aujourd’hui, et nous verrons s’il existe des points communs avec nos analyses vues en partie 02. Dans un premier temps, nous allons nous pencher sur un exemple de maisons individuelles mitoyennes situées à l’Etang, dans la commune de Saint-Paul. Ce projet de lotissement est constitué d’une vingtaine de maisons sur deux niveaux, chacune accessible depuis une impasse. Elles s’organisent de la manière suivante : nous retrouvons tout d’abord un jardin à l’avant (1) et à l’arrière (2) de la maison; au rez-de-chaussée, l’entrée se fait par une véranda fermée (3), puis la cuisine donne sur l’avant de la maison (4), et le salon sur l’arrière (5). Depuis le salon, on accède à une varangue (6) donnant sur le jardin et au niveau supérieur, un couloir permet de distribuer les trois chambres (7) et la salle de bain (8). (Figure 61, 62, 63, 64 & 65) Dans le plan original de la maison, une varangue se situe au premier étage à l’avant de la maison.(a) Celle-ci a toutefois été fermée, dans certain cas, pour accueillir une quatrième chambre.(b)

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gales

Cinéma de Cambaie

Lotissement de maisons individuelles de l’Etang

Etang de Saint-Paul

Zone commercial de Savannah

Figure 61 Vue aérienne de l’Etang de Saint-Paul géoportail.gouv.fr

© IGN 2019 - www.geoportail.gouv.fr/mentions-legales Longitude : Latitude :

55° 17′ 18″ E 20° 59′ 13″ S

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Figure 62 Vue aérienne du quartier de la cocoteraie, ou de l’Etang Saint-Paul géoportail.gouv.fr

© IGN 2019 - www.geoportail.gouv.fr/mentions-legales Longitude : Latitude :

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Figure 63 Photos de l’impasse pensée d’eau - maisons individuelles mitoyennes googlemaps.fr

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55° 17′ 13″ E 20° 59′ 03″ S


a

7

b

7

7 8

AVANT

APRES

1

3

4

Figure 64 5

Plans RDC & R+1 d’une des maisons Production personnelle

6

2

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Figure 65 Façades avant et arrière de la maison Production personnelle

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La «kour» d’antan disparaît peu à peu de certain modèle car, à l’époque elle était située dans la jardin entre la maison et la dépendance qui servait de cuisine. Or aujourd’hui, la cuisine est intégrée systématiquement à l’intérieur du logement. Cependant, la varangue est toujours présente, elle permet une extension de l’intimité de l’intérieur de la maison vers l’extérieur. Le climat tropical réunionnais permet une ouverture de la maison, ce qui créé une confusion entre l’intérieur et l’extérieur du logement. L’usage de la varangue se trouve être néanmoins occidentalisé, puisqu’en effet, on l’utilise ici davantage comme un espace de détente plutôt que comme un réel lieu de vie, comme cela peut être encore le cas dans certaines cases et familles créoles. Les traditionnelles pièces en enfilade, déployées sur une seul niveau de plain- pied, sont réorganisées de manière à optimiser l’espace, ici sur deux niveaux. On observe toutefois l’utilisation de quelques détails typiques de l’architecture réunionnaise tels que les lambrequins ou décors dentellés (figure 65). Dans ce genre de modèle constructif, ici, de maisons mitoyennes, le Réunionnais reste attaché à l’intimité de sa famille et semble donc se cacher du regard extérieur grâce à quelques arbres et arbustes.

Nous pouvons faire les mêmes constats sur des immeubles de logements collectifs. Premièrement, le logement à la verticale n’est pas traditionnel, il s’agit d’un modèle occidental importé lors de la départementalisation. De plus, qui dit logements collectifs dit mitoyenneté, un mode de vie qui est loin de ressembler à la vie d’antan lorsque la maison se trouvait dans son écrin de verdure, loin des regards indiscrets des voisins ou passants. Comme nous l’avons vu dans l’analyse précédente, le Réunionnais tient à son intimité familiale. Il s’agit là d’un mode d’habiter tout à fait différent auquel les Réunionnais ont dû s’accommoder puisque, devant répondre à certaines contraintes, le logement collectif semble devenir inévitablement le nouveau modèle constructif privilégié de l’île.(Figure 66, 67, 68 & 69) Toutefois, nous savons que l’espace extérieur dans l’habitat est quelque-chose d’important pour les Réunionnais, et nous pouvons constater que, dans la majeure partie des logements collectifs construits sur l’île, nous retrouvons une terrasse ou un balcon qui permet, en quelque-sorte, de remplacer la traditionnelle varangue de la case créole. Cet espace semble, dans tout les cas, indispensable dans un climat tel que celui de La Réunion. Les façades se veulent plus contemporaines et se parent de toute sorte de matériaux et motifs nouveaux, encore jamais vus dans le paysage de l’île.

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Résidence coteau des letchis

Figure 66 Vue aérienne de la résidence «coteau des letchis», La Montagne, Saint-Denis géoportail.gouv.fr

© IGN 2019 - www.geoportail.gouv.fr Longitude : Latitude :

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www.geoportail.gouv.fr/mentions-legales 55° 24′ 51″ E 20° 53′ 49″ S

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© IGN 2019 - www.geoportail.gouv.fr


Figure 67 Agence Urbanarchitectes - Résidence coteau des letchis, à La Montagne «Ruisseau blanc». 61 logements collectifs https://www.urbanarchitectes.com

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Résidence les Aigrettes

Figure 68 Vue aérienne de la résidence «les Aigrettes», Saint-Gilles-les-bains géoportail.gouv.fr

© IGN 2019 - www.geoportail.gouv.fr Longitude : Latitude :

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ww.geoportail.gouv.fr/mentions-legales 55° 13′ 20″ E 21° 02′ 21″ S

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© IGN 2019 - www.geoportail.gouv.fr


Figure 69 Résidence «les Aigrettes», Saint-Gilles-les-bains 55 logements collectifs sociaux https://www.clicanoo.re

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Nous avons pu observer que le mode d’habiter créole, proposant une organisation singulière entre l’espace privé et public, restait dynamique même dans le cadre de logements collectifs sociaux de type vertical. On s’aperçoit néanmoins que les nouvelles formes de logements, développées massivement ces dernières années, touchent une grande partie de la population et finissent par bouleverser radicalement les habitudes de vie des Réunionnais et remettent en question la gestion traditionnelle du lien social.1

En 2015, 40 % des Réunionnais vivaient sous le seuil de pauvreté, soit 342 000 personnes. Le taux de pauvreté est trois fois plus élevé qu’en Métropole (14 %).2 Ceci explique donc sûrement l’augmentation considérable du nombre de constructions de logements collectifs ces dernières années, notamment des logements sociaux. En effet, de 2016 à 2018 les logements locatifs sociaux implantés à La Réunion sont passés de 67 650 à 73 700.3 Ainsi, même si ces nouveaux modèles de construction ne correspondent pas à l’architecture présente jusqu’ici sur l’île, ils semblent correspondre à la nécessité de la forte demande de logements par une population moyenne, voire vivant en dessous de seuil de pauvreté. Néanmoins, selon Michel Watin et Eliane Wolf4, la politique conduite sur le moyen terme en matière d’habitat, notamment social, continue à faire défaut.

Certains projets construits par des promoteurs privés ne correspondent pas à l’architecture et au mode de vie local, et certains même, ne s’intègrent que très peu dans le paysage. Des doutes surgissent également sur la cohérence de ces projets multiples qui convergent difficilement dans une vision d’ensemble. En effet, l’habitat se densifie, la ville s’empare des terrains ruraux et à l’échelle de l’ensemble de l’île, la construction massive de logements entraîne la nécessité d’un réaménagement spatial du territoire. On observe donc, aujourd’hui, une réelle réflexion sur l’architecture de demain et sur l’organisation urbaine de l’île. La Réunion se voit évoluer vers une volonté d’architecture durable, tout en essayant de créer 1. L’émergence de l’espace public a la Réunion. Un contexte socio-historique singulier. - Michel Watin et Eliane Wolff 2. Niveaux de vie et pauvreté à La Réunion en 2015. Selon une études réalisée par l’Insee. 3. Selon la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement à La Réunion. 4. Auteurs de «l’émergence de l’espace public à La Réunion.Un contexte socio-historique singulier.» 128 I


une nouvelle dynamique de vie urbaine qui tend à donner une importance grandissante à l’espace public «physique» dans les projets d’aménagement. L’espace public urbain est donc seulement en train de naître puisque ces espaces ouverts à tous ne sont, pour le moment, appropriés qu’occasionnellement par certains groupes.

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C. mODE DE VIE ET HABITAT DE DEMAIN ? Aujourd’hui et demain, il semble donc essentiel de penser l’urbanisme, de manière globale, sur le territoire, et notamment, de réfléchir au lien entre l’habitat et l’espace public extérieur afin de créer une vie sociale autour de l’unité d’habitation. Monique Richter explique qu’elle est «Convaincue que construire du logement ne suffit pas, mais qu’il faut aider à construire et/ou reconstruire la vie sociale autour du logement.», elle a donc orienté son activité professionnelle en ce sens, en alliant projet social et projet urbain. À coté de cela, nous sommes entrés dans une époque d’intégration et de mélanges, dans laquelle nous pouvons maintenant nous appuyer sur les fondements du passé, afin d’élaborer d’autres façons d’habiter avec des modèles alternatifs. Le principal d’entre eux concerne évidemment le développement durable, ou du moins, le rapport qu’entretient l’habitat avec le climat réunionnais (les vents, le soleil,les cyclones oules pluies). Cette prise de conscience est, de nos jours, devenue obligatoire. La Réunion souhaite donc s’engager sur cette voie et en faire sa nouvelle identité. L’architecture pourra profiter de la richesse du climat, de ses atouts et de ses contraintes, pour devenir un réel lieux d’expérimentation et de recherche sur ce sujet. En 2010, l’école d’architecture de La Réunion a créé un troisième cycle spécialisé en architecture tropicale et environnementale, qui pourrait renforcer ce savoir-faire et déteindra sur l’architecture produite sur l’île. Il semble important que ces pratiques environnementales soient intégrées par les futures générations d’architectes de l’île. Trois grands défis attendent donc La Réunion. Le premier est d’adapter l’architecture à l’environnement de l’île en fonction de l’altitude, du relief, des vents ou de l’ensoleillement. Antan lontan, les anciens intégraient ces données dans l’habitat ; néanmoins, ces dernières décennies, ces habitudes ont tendance à se perdre. Aujourd’hui on ne différencie guère un bâtiment des zones côtières d’un autre des hauts. Adapter l’architecture devrait alors générer des formes différentes selon le versant de l’île ou l’altitude. Des solutions diverses seraient alors apportées en terme de protections solaires, d’isolation ou d’utilisation des espaces extérieurs tels que la varangue. L’identité de chaque micro-région de l’île se verrait donc renforcée par les particularités climatiques de chacune. Le deuxième défi, comme nous l’avons vu, consiste à faire évoluer l’architecture en fonction de l’espace disponible sur l’île. Jusqu’ici, la réponse fut de densifier en proposant des 130 I


maisons à étages ou des logements collectifs. Cependant, il n’existe pas encore d’exemple d’immeuble faisant partie intégrante de la culture réunionnaise. Il semble donc important d’intégrer et de créer de nouveaux modèles qui se fonderont sur les modes d’habiter des nouvelles générations. Les villes et le paysage réunionnais seront très impactés par ces changements, néanmoins, ils devront réussir à s’intégrer et se faire accepter de la population. Le troisième et dernier défi concerne la création d’une vie sociale autour de l’espace public à La Réunion. On relève, ces dernières années, l’importance de créer du lien entre les habitants d’une société où la nouvelle génération cherche encore ses marques. Jusqu’à ces dernières années, on s’est peu intéressé à l’espace public. En effet, les principaux changements observés dans l’espace urbain ont été effectués seulement très récemment, avec par exemple, l’aménagement du front de mer de Saint-Gilles-les-bains et celui de Saint-Paul. (figure 70 & 71). Ici, il s’agit toutefois de zones urbaines, aménagées en promenade et lieu de détente en dehors de l’unité d’habitation. L’idée serait d’effectuer ce travail au sein même de l’unité d’habitation, au coeur de ce que l’on appelle à La Réunion, le kartier. Notons d’ailleurs que la notion de kartier, telle que la connaissent encore aujourd’hui les Réunionnais, est certainement vouée à disparaître d’ici quelques années. Les constructions vont s’étaler sur le territoire, et ce qui concernait juste quelques habitations, une boutique chinoise et une boulangerie, se noiera dans un étalement urbain. Il semble donc réellement important de créer, dans ces futurs océans urbains, des espaces publics dédiés à la rencontre afin de maintenir un lien entre les habitants. Aujourd’hui, les constructions se veulent de plus en plus denses, ce qui veut dire que le jardin privatif qui accompagnait jusqu’alors la maison familiale, se verra de moins en moins présent. Ceci entraînera sans doute une évolution du mode de vie des Réunionnais, qui passaient alors une grande partie de leur temps, en dehors du travail, dans leur jardin. Ils seront désormais amenés à sortir dans cet espace public aménagé, et donc à s’ouvrir aux autres communautés.

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Figure 70 AmĂŠnagement du front de mer de Saint-Paul http://www.reunionile.com

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Figure 71 AmĂŠnagement du front de mer des Roches Noires

http://runombrage.fr

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Certains projets réalisés ou en cours, ont tenté, selon nous, de répondre à ces défis. Notamment le projet de Beauséjour situé dans la commune de Sainte-Marie, un quartier qui se veut durable et tropical, on parle même de «ville nouvelle». (figure 72, 73, 74 & 75) La commune a pour projet d’accueillir entre 7 000 et 8 000 habitants supplémentaires uniquement avec ce projet situé sur un terrain de 78 hectares. Le but de la ZAC1 est d’accompagner la croissance de La Réunion tout en mettant en place un nouveau modèle urbain durable qui devrait consommer moins d’espace. C’est aussi un moyen d’équilibrer les Bas et les Hauts de l’île (ici, de la commune de Sainte-Marie) en termes d’équipements structurants, en dédiant des surfaces non négligeables aux commerces, bureaux et services (respectivement, 16 000 m², 26 000 m² et 49 000 m²). Le projet propose une offre de logements diversifiés, sur les 2 300 logements, 40% seront des logements sociaux. De plus, 27 hectares (soit 34% de la ZAC) seront consacrés aux espaces verts et aux aménagements urbains. Il s’agit donc d’une nouvelle façon de faire et d’utiliser la ville à La Réunion. Un projet de ville durable adapté au territoire, dont l’architecture bioclimatique est présente à travers l’orientation des bâtiments, en fonction du vent et de l’ensoleillement, des rideaux brisevent qui limitent l’impact des Alizés sur l’habitat et un dispositif de récupération des eaux de pluie. Pendant plusieurs décennies, le modèle de développement urbain à La Réunion était le mitage, en développant des lotissements, mais surtout de l’habitat diffus sur les hauteurs et les mi-pentes. Résultat : la consommation foncière hors-norme actuelle compliquera la création de nouveaux logements dans les dizaines d’années à venir. C’est pourquoi, en créant un nouveau pôle attractif avec un centre identifiable équipé de nombreux commerces et services, les Réunionnais retrouvent une vie et une ville accessible à pieds. Un des défis de la ZAC est donc de réussir la mixité sociale en insistant sur l’importance de l’espace public, lieu de partage et de rencontre sans distinction entre les classes sociales, pour un «bien vivre ensemble». Le végétal, très présent, avec les jardins et promenades plantées, semble être un atout pour ces espaces publics. Le projet de paysage de Didier Larue est en harmonie avec le site : « En suivant le tracé conducteur du fil de l’eau, nous avons utilisé les ravines pour créer trois parcs linéaires parcourant le quartier de la montagne vers la mer, et les replats pour des places en belvédère sur le panorama.»

1. Zone d’aménagement concerté. 134 I


La Réunion ambitionne donc d’être exemplaire dans la voie du développement durable, et à juste titre puisqu’elle possède des atouts majeurs et une réelle maîtrise de son territoire. L’enjeu est donc maintenant de réussir à constituer une référence de base sur laquelle s’appuyer dans la durée. Ce schéma parait plausiblement transposable ailleurs, en adaptant l’architecture aux composantes climatiques du lieux et au paysage de l’île. Il réunit certaines réponses aux défis que nous avons soulevés auparavant, cependant, il est encore sûrement trop tôt pour tirer des conclusions d’un concept encore tout jeune (le projet s’est construit par étape, le projet final sera livré en 2020). Les notions de privé et de public ne signifient pas les mêmes choses, selon si l’on se trouve dans un cadre moderne ou dans le contexte de la tradition. C’est cette séparation particulière entre le privé et le public du monde créole qui structure les interactions sociales quotidiennes. L’une des clés de la compréhension de la transformation actuelle de la société locale est donc sûrement la réorganisation et la transformation des sphères privées et publiques, particulièrement visibles dans les réaménagements en cours à La Réunion. L’histoire et l’insularité continuent de peser fortement sur la construction de la citoyenneté réunionnaise, ceci pose donc la question, toujours en débat, de l’identité réunionnaise.2

2. L’émergence de l’espace public a la Réunion. Un contexte socio-historique singulier - Michel Watin et Eliane Wolff I 135


Quartier de Beauséjour

Figure 72 Vue aérienne actuelle du quartier de Beauséjour, Sainte-Marie géoportail.gouv.fr

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© IGN 2019 - www.geoportail.gouv.


Figure 73 Plan du projet du quartier de Beauséjour, Sainte-Marie «Le défi de Beauséjour, une ville tropicale durable à La Réunion»

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Figure 74 ZAC de Beauséjour, image du projet - Espace public, promenade plantée «Le défi de Beauséjour, une ville tropicale durable à La Réunion»

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Figure 75 ZAC de Beauséjour, Sainte-Marie

«Le défi de Beauséjour, une ville tropicale durable à La Réunion»

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L’évolution actuelle du mode de vie et d’habiter des Réunionnais est liée à plusieurs facteurs de la mondialisation. L’île est sous tension, il est donc urgent de trouver des solutions. De nouveaux modèles constructifs ont vu le jour ces dernières années, en essayant de répondre à certaines problématiques, notamment celle de la demande très forte de logements. Nous nous éloignons donc de la «case» traditionnelle afin de privilégier la verticalité de l’habitat collectif par gain d’espace ; toutefois, la réflexion sur la globalité du territoire et l’avenir du mode de vie créole à travers le logement est manquante. Puis, récemment, quelques projets ont commencé à émerger en proposant des solutions aux problématiques soulevées précédemment, en tentant d’apporter à la population un réconfort, ou du moins, une voie à suivre pour continuer d’élaborer et de tisser notre identité culturelle et architecturale métissée, qui fait la fierté du peuple réunionnais. En parallèle, nous pouvons tout de même nous demander quel est l’avenir de la case créole traditionnelle à La Réunion, même si, un futur riche et divers ne peut se réduire à une simple image. Le futur nous dira si, finalement, un modèle réussira à sortir du lot et parviendra à concentrer en lui seul tous les facteurs de cette complexité. Ce scénario semble prématuré, mais les prochaines années verront se poursuivre l’architecture d’aujourd’hui teintée d’hier, dans toute l’unicité de l’île. Une fois encore, l’île de La Réunion s’appuiera sur la diversité, les contrastes et le métissage qui fondent son identité.

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CONCLUSION Conclusion


CONCLUSION - La transmission d’une culture à travers un mode d’habiter L’île de La Réunion représente une mosaïque complexe dont notre objectif a été de comprendre le mode de vie des Réunionnais à travers leur mode d’habiter, et leur évolution dans le temps, dans le passé, le présent mais aussi dans le futur. Nous avons donc retracer l’histoire du peuple réunionnais et de son habitat, en replaçant les faits historiques marquants dans leur contexte, avant de nous pencher sur la compréhension d’un mode de vie à travers un mode d’habiter, ce qui nous a permis d’en apprendre plus sur les structures familiales des différentes communautés ethniques de l’île. Cette partie d’analyse nous a permis de faire certains constats du passé, mais également le constat d’un présent en pleine mutation sociale entraînée par les jeunes générations qui, en se détachant du modèle ancestral, cherchent une nouvelle identité qui leur correspond. Nous l’avons vu, La Réunion ne possède pas une seule identité, c’est une société pluriethnique et multiculturelle qui a traversé les âges, et donc à l’image de son peuple, elle possède une identité plurielle évoluant sans cesse au grès du temps et des changements. Enfin, après avoir compris toute la complexité que renferment La Réunion, son peuple et son architecture, il a été nécessaire de cibler les problématiques contemporaines et de comprendre l’évolution actuelle de l’architecture, notamment celle du logement. Ce travail nous a permis une identification claire de ce à quoi s’apparente l’architecture de l’habitat aujourd’hui, et de déterminer celle ne s’adaptant pas à l’île, ni à son peuple ni à son climat. Suite à ces différents constats, les différents enjeux du département ont donc été énoncés. Dans un premier temps, nous nous retrouvons devant l’urgence de loger une population dont la démographie ne cesse d’augmenter, tout en faisant face au manque de place dû a la topographie particulière de l’île. En installant une réflexion urbaine globale sur le territoire quant à la mise en place de nouveaux logements, l’île s’engage dans la voie du durable en essayant d’adapter l’architecture à son environnement et en utilisant ses atouts climatiques. De plus, à l’air de tout ces changements, il semble plus qu’inévitable d’entamer une réflexion nouvelle sur la création de la vie sociale dans l’espace public, en adaptant les aménagements publics à l’émergence d’un nouveau mode de vie réunionnais. Toutefois, nous nous demandons si ces nouveaux aménagements seront suffisants pour créer un lien social entre les communautés qui forment le peuple réunionnais et s’ils permettront d’intégrer les nouvelles populations issues du récent mouvement migratoire. 144 I


Il semble important de ne pas mettre de côté le patrimoine architectural existant et passé. En effet, la particularité de La Réunion est le métissage, et donc l’assemblage de ses siècles d’histoire et de leurs changements. Le patrimoine réunionnais est donc, à la fois, la protection de ce qui fut à une période l’identité de La Réunion, la case créole traditionnelle, mais aussi l’évolution de cette même identité se tissant au fil du temps, qui sera demain encore constituée de nouveaux fragments. Il y a donc bel et bien un patrimoine réunionnais, fluctuant avec l’histoire et les identités multiples qui pareront La Réunion.

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Mémoire de master - ENSAPBx Directeur de mémoire - Christophe BOURIETTE Mimose MORFIN La transmission d’une culture à travers un mode d’habiter L’île de La Réunion Impression Dimatep 2000, Bordeaux à Bordeaux, Janvier 2020



Mémoire de Master - ENSAPBx - Janvier 2020 Directeur de mémoire - Christophe Bouriette Mimose Morfin


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