paperJam Economie & Finance - Janvier 2011

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5 Marc Hoffmann

«Je me sens plus conservateur qu’avant» La crise économique et financière a renforcé l’approche prudente caractérisant le fondateur de la CBP, qui a eu aussi fort à faire, en 2010, en tant que président des conseils d’administration de Luxair et de Cargolux.

Jean-Michel Gaudron (texte), David Laurent/Wide (photo)

Etre patron d’une banque privée, qui plus est une banque privée que l’on a soi-même créée, n’est pas nécessairement un exercice de tout repos dans la conjoncture actuelle. Marc Hoffmann, tout autant que ses proches collaborateurs à la Compagnie de Banque Privée (CBP), peut en témoigner, même si, au final, la banque s’en sort plutôt bien au cœur des remous. Il n’en reste pas moins évident que la crise laissera certaines traces indélébiles. «Nous avons tous surtout découvert que les éléments les plus improbables qui, dans des distributions statistiques théoriques, ont des probabilités d’occurrence quasi nulles, ont tout de même pu arriver dans la réalité, observet-il. La séquence des événements a été tout aussi incroyable, avec un effet de chaos qui se précipite et se propage et dont l’étendue nous a tous surpris.» De quoi, fatalement, amener à envisager les choses sous un regard un peu différent. Un peu, seulement, car Marc Hoffmann n’a jamais été du genre flambeur et a toujours suivi un certain conservatisme, qui ne lui a pas trop mal réussi jusqu’à présent. Et cette approche n’est sans doute pas prête d’être démentie, bien au contraire. «Je me sens aujourd’hui plus conservateur qu’avant, avec tous les improbables qui sont devenus réalités. Il est clair que cette approche prudente ne peut être que renforcée par rapport à ce que toute une génération a vécu jusqu’à pré-

sent. Nous ne verrons plus les choses de la même manière qu’auparavant.» L’observation qu’il fait de l’évolution de cette crise économique n’est, de surcroît, pas de nature à lui faire croire, comme beaucoup d’autres, que le pire est derrière. «Il y a eu une première phase provoquée par la faillite virtuelle d’environ 40% des banques au niveau mondial. On s’achemine aujourd’hui vers une autre crise, avec 10% des Etats qui sont, à leur tour, virtuellement en faillite. Or là, derrière, il n’y a plus personne pour y remédier. On espère que certaines leçons seront retenues pour très longtemps, mais l’une des caractéristiques de l’homme réside dans sa capacité à oublier et à s’emballer de nouveau pour les mêmes choses. Il est difficile de ne pas imaginer qu’il y aura encore des moments très durs à venir.» Cette crainte vaut, tout autant, pour la situation au Luxembourg, tant économique que politique, sur laquelle Marc Hoffmann jette un regard qui pourrait paraître un tant soit peu désabusé. «Nous ne pouvons que constater que le gouvernement est limité dans sa capacité d’avancer sur des réformes essentielles. Mais le jeu démocratique au Luxembourg a ses limites et les alternatives sont peu nombreuses. La profondeur du paysage politique, ici, est un peu inquiétante. Nous sommes en présence d’une coalition qui a dû se couper en quatre pour rester au pouvoir. Mais si elle a été réélue, c’est aussi parce qu’il n’y avait pas vraiment d’autres options viables. Et d’ici

aux prochaines élections, je ne vois pas trop comment les choses pourraient changer.» La récente déclaration d’impuissance du ministre de l’Economie et du Commerce extérieur Jeannot Krecké («Si je me prenais vraiment au sérieux et si j’étais honnête avec moi-même, je devrais démissionner», avait-il déclaré lors d’une table ronde paperJam Business Club, début novembre) ne l’a évidemment guère rassuré non plus. «On observe un durcissement des positions de chaque côté. On n’a pas l’impression d’aller vers un consensus et je vois ça avec inquiétude.» Comme si tout cela ne suffisait pas, Marc Hoff­mann a eu aussi à traiter l’encombrant dossier Cargolux, dont il préside le conseil d’administration depuis deux ans et demi. Amendes infligées par la justice américaine et la Commission européenne dans le cadre d’enquêtes «antitrust»; inculpation du CEO de la compagnie, Ulrich Ogiermann, par ces mêmes Américains; destitution de ses fonctions et remplacement, le 1er janvier 2011, par Frank Reimen: autant d’événements que l’on ne peut pas qualifier de récurrents dans la vie d’une société. «Nous étions déjà dans un moment de fortes turbulences lorsque j’ai repris la présidence de Cargolux. Nous sommes en train de passer à travers les bourrasques les plus difficiles et nous en vivons les derniers épisodes. Le nouveau management en place et l’arrivée de M. Reimen vont permettre de dégager une nouvelle dynamique.»

paperjam  |  Janvier 2011 | économie & finance

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