Guidance Savoie N°63

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DOSSIER

Orientation professionnelle et dynamique du sens Extraits de conférence - Rencontre nationale des MIFE - Roanne 12 Juin 2008 Est-ce que la vie a un sens ? Je ne sais pas si on arrivera un jour à donner une réponse à cette question d’ordre métaphysique, mais à la question “est-ce que ma vie a un sens ?” ou “est-ce que ma vie peut avoir un sens ?”, il peut-être possible d’y répondre.

Donner du sens à sa vie Je ne pense pas que notre vie a un sens prédéterminé et qu’il nous appartient de le découvrir. Mais comme le dit le poète Antonio Machado, le chemin se trace en marchant, et plutôt que de découvrir un sens préexistant, il est utile de donner, de créer un sens dans notre vie. Ce sens est unique, il appartient à chacun de nous, il peut être issu d’un modèle sur lequel on peut s’appuyer, s’inspirer, mais il n’est pas un standard. De façon générale, la question à se poser serait plutôt “qu’est-ce que l’existence attend de nous ?”, selon l’expression de Victor Frankl. Ce psychiatre, fondateur d’un courant thérapeutique, la logothérapie ou thérapie par le sens, jeune a été déporté et a perdu la majorité de sa famille, dont son épouse. Quand il est revenu des camps, il a écrit un ouvrage en neuf jours, qui est devenu un best-seller mondial, sauf en France, “Découvrir un sens à sa vie”. Victor Frankl s’est appuyé sur son expérience de camp : à deux prisonniers qui avaient décidé de se suicider il leur a posé la question “est-ce que quelque chose t’attend après les camps” dans l’idée de “qu’est-ce que la vie attend de nous ?”, et de façon surprenante cette prise de conscience a aidé ces deux hommes à survivre. L’un avait pensé à son enfant qui l’attendait, et l’autre, enseignant universitaire, à ses étudiants. Même s’ils avaient le sentiment que la vie ne pouvait rien leur apporter, l’un et l’autre avaient pris conscience qu’ils pouvaient encore apporter quelque chose aux autres. “Cette unicité, nous dit Frankl, cette singularité qui caractérise chaque individu et qui donne un sens à la vie influence autant le travail créatif que l’amour humain. Lorsqu’il se rend compte à quel point il est irremplaçable un homme devient profondément conscient du fait qu’il est responsable de sa vie ; un homme qui réalise l’ampleur de la responsabilité qu’il a envers un être humain qui l’attend ou vis-à-vis d’un travail qui lui reste à accomplir ne gâchera pas sa vie, il connaît le pourquoi de cette vie et pourra supporter tous les comment auxquels il sera soumis”1.

Lien, loi, sens, conditions de la résilience C’est en travaillant sur le thème de la résilience, que j’ai été amené à m’intéresser à la question du sens. J’ai réalisé une enquête auprès de personnes maltraitées dans leur enfance, qui

sont devenues des parents affectueux. Et je suis parti des travaux de Stefan Vanistendael 2, qui a été le premier auteur à expliquer les fondements de la résilience, c’est-à-dire le lien, comme processus interpersonnel, et le sens comme processus intra personnel. On retrouve cette idée forte dans l’ensemble des travaux sur ce sujet, dont ceux de Boris Cyrulnik 3. Mais au fur et à mesure que je recevais des témoignages de personnes résilientes, je me suis rendu compte qu’un troisième élément était à prendre en compte, c’est la loi. Et cela m’a amené à élaborer un modèle de la résilience sous la forme d’une triangula- Jacques LECOMTE tion “lien, loi, sens”. Lorsque des jeunes sont en souffrance, ils ont psycho-sociologue, enseignant à l’Université Paris X Nanterre besoin de rencontrer autour d’eux des adultes qui manifestent non seulement de l’affection, de la chaleur, de la valorisation, de la reconnaissance, mais qui représentent aussi la loi, des règles, un cadre structurant. Le lien et la loi créent du sens.

Les composantes du sens : valeurs, relations, action J’ai eu donc envie d’approfondir la notion de sens, et cela m’a amené à faire une autre enquête auprès d’adultes, autour d’une seule question : “qu’est-ce qui donne un sens à votre vie?”. Je me suis alors tourné vers de nombreux travaux essentiellement anglo-saxons parce que les chercheurs en psychologie francophones s’intéressent peu à la question du sens. Quel que soit l’âge, quel que soit le sexe, quelle que soit la culture, la première réponse à cette question concerne les relations interpersonnelles : l’amitié, l’amour, la parentalité, le fait d’être grands-parents ou le fait d’être enfant... La deuxième composante a trait à nos convictions, nos valeurs, nos croyances. Et la troisième est définie par l’action, qu’elle soit au sein du monde professionnel ou associatif. Ce qui donne du sens à notre vie se situe bien dans cette articulation relations/convictions/action. Il ne s’agit pas de trouver une égalité entre ces composantes ; chacun de nous va accorder plus d’importance à l’une, plus d’importance à l’autre, mais si une facette écrase les autres cela ne fonctionne pas. En particulier, lorsque nos convictions écrasent nos relations humaines cela peut être très agréable pour soi mais cela peut être très intolérable pour les autres. Ces composantes interagissent entre elles.

Le travail, créateur de sens Lorsqu’on demande aux gens “pourquoi vous aimez travailler ?”, les réponses sont en général que le travail permet d’accéder à une certaine qualité de vie matérielle, mais aussi de se réaliser, de se

1

Victor Frankl, Découvrir un sens à sa vie avec la logothérapie, Editions de l’homme, 1988.

2

Jacques Lecomte, Stefan Vanistendael, Le bonheur est toujours possible, construire la résilience, Bayard éditions, 2003

3

Boris Cyrulnik, Un merveilleux malheur, Paris, Odile Jacob, 1999.

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