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In L i ia e S T B.B.

Cette éternelle femme-enfant portant curieusement les initiales B.B. a marqué à jamais l’histoire du cinéma. Icône absolue, emblème de l’émancipation des femmes et de la liberté sexuelle, Brigitte Bardot était adorée des plus grands.

Et Dieu créa Brigitte Bardot en 1934. Issue d’une famille bourgeoise, Brigitte Bardot pratique dès son plus jeune âge la danse et le chant, la berçant aussitôt dans le milieu artistique. Gracile et jolie au possible, elle se fait rapidement remarquer par la directrice du magazine Elle et amie de sa mère, Hélène Lazareff, qui la choisit comme visage de plusieurs de ses couvertures alors qu’elle a tout juste 15 ans. L’année suivante, elle rencontre Roger Vadim, alors assistant, qu’elle épouse deux ans plus tard, à ses 18 ans. La même année, en 1952, la jeune Bardot décroche son premier rôle dans le film Le trou normand aux côtés d’une figure de la comédie à la française, Bourvil. En 1956, son mari lui donne le rôle principal dans le long-métrage Et Dieu... créa la femme. Alors qu’il s'agit presque d’un film amateur, c’est un véritable choc cinématographique qui dépasse les frontières : Et Dieu... créa la femme est le premier film français à se classer au box-office américain. Avec sa crinière blonde, sa peau gorgée de soleil, ses courbes envoûtantes et sa danse endiablée sur du mambo, le monde entier succombe à B.B. Elle est érigée au rang de star internationale, indiscutable mythe vivant. Brigitte Bardot fascine, toutes et tous. Tant les intellectuels, comme Picasso ou Andy Warhol, que les cinéastes comme Jean-Luc Godard ou Sacha Guitry, que les chanteurs comme Elvis, Bashung ou Bob Dylan, que les femmes qui tentent d’imiter son look délicieusement naturel et sensuel.

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« Appelez ça du charisme ou du magnétisme, ou simplement la magie qu'elle pouvait jeter. Quoi qu'il en soit, c'était vraiment incroyable. Il y avait quelque chose de tellement unique en elle. Bien sûr, elle avait une posture parfaite et la plus belle des marches. Mais c'était plus que ça. Elle entrait dans une pièce pleine de gens et tout s'arrêtait. Je voyais cela tout le temps, surtout dans les restaurants, où les gens qui étaient sur le point de mettre une fourchette dans leur bouche se figeaient littéralement là où ils étaient, comme si elle envoyait des signaux et qu'ils savaient instinctivement qu'elle était là », raconte son amie et réalisatrice Nina Companeez.

Icône de la Mode

B.B. est l’une des plus grandes It Girls du 20e siècle. Son look unique, naturel et décontracté, a tout du style bobo chic qui revient à la mode encore et encore des décennies plus tard. De larges rubans dans les cheveux pour donner du volume, un faible pour les chapeaux, des robes évasées, des shorts pour les beaux jours, un jeans et une marinière... Sans oublier les fameuses cuissardes et les smokings. Brigitte Bardot est une muse qui transcende le temps et les tendances. D’ailleurs Yves Saint Laurent l’adorait, et ce n’était pas le seul. Véritable muse pour le créateur, ils partageaient tous deux un goût prononcé pour des pièces simples mais symboles d’émancipation tels que le caban, la cravate, ou bien le smoking, initialement réservés aux hommes. Hormis pour les grandes occasions, le style Bardot n’a jamais été un total look tiré à quatre épingles, comme pouvaient le porter Elizabeth Taylor ou Sophia Loren. Brigitte Bardot aimait la simplicité. Jean Cocteau disait d’elle : « Elle vit comme tout le monde en étant comme personne ». À la ville, B.B. opte pour la simplicité. On la voyait souvent déambuler pieds nus dans les rues de Saint Tropez, ou bien en ballerines, ses chaussures fétiches depuis son passé de danseuse. Elle a même inspiré la mythique ballerine BB de Repetto, aussi appelée Cendrillon. À sa demande, Rose Repetto a créé un modèle spécifiquement pour son rôle dans Et Dieu... créa la femme de Roger Vadim. Cette ballerine sera la première création Repetto destinée à être portée dans la vie de tous les jours. Et B.B. les adorait bel et bien dans son quotidien. « Elle a été l’étincelle qui a déclenché les choses. Les gens voulaient avoir le même produit qu’elle. Elle est devenue un symbole de l’émancipation des femmes. Elle a rompu avec les codes de l’époque », déclarait ainsi Jean-Marc Gaucher, actuel directeur général de Repetto.

Icône des icônes, un maroquinier de renom s’inspire de cette muse absolue trente-sept ans après qu’elle ait quitté le grand écran. Lancel dévoile en 2010 son sac BB, véritable hommage à l’artiste. Bestseller incontesté de la Maison, ce sac noué a été longuement pensé pour refléter son côté femme fatale, sexy et glamour. Il est expliqué : « L'anse torsadée s'inspire de ce large bandeau noir qu'elle portait si souvent. Tandis que l'anatomie de Bardot, ses courbes et son sex-appeal ont été “récupérés” pour dessiner le corps du sac. Sans oublier la poche extérieure, inspirée du décolleté plongeant qu'affectionnait la blonde explosive. Enfin, comme sa muse aime la musique, le BB se pare aussi d'une bandoulière de guitare et d'une ceinture bohémienne. » Le directeur artistique derrière cette création affirmait : « C'est une femme très sauvage et sensuelle. Son sac ne pouvait pas être une boîte carrée et dépouillée ! » Son allure naturelle, féminine et chic à la fois, aura redéfini le style bohème et le style riviera. C’est donc peu dire que la mode lui doit considérablement. Tout comme les cols à large encolure, qui dévoilaient ses épaules et qu’elle aimait porter, désormais rebaptisés Cols Bardot... À y creuser davantage, nous pourrions en citer encore et encore sans doute.

Bardot en musique

Au-delà des chansons qu’elle a interprétées, Bardot en a largement inspirées. On débute en 1958. Ray Ventura et son orchestre enregistrent Bardot Mambo, probablement inspiré de la scène culte de Et Dieu... créa la femme de Roger Vadim. Trois ans plus tard, c'est Dario Moreno qui entonne la chanson Brigitte Bardot dont le refrain “Brigitte Bardot, Bardot - Brigitte beijou, beijou” est un sujet entêtant. Nymphe indéniable des années 50 et 60, B.B. fait partie de la culture populaire, à l'instar de Marilyn Monroe. Sa beauté et sa personnalité attirent également les plus grands auteurs-interprètes, comme un dénommé Bob Dylan. À vrai dire, la première chanson qu’il ait jamais écrite a été inspirée par Brigitte Bardot ; son titre en dit long, Song for Brigitte, un morceau écrit à tout juste 15 ans mais qui n’est jamais sorti. Lui-même pensait qu’il la lui chanterait un jour, mais il ne l’a jamais rencontrée. Le célèbre musicien a également fait référence à Bardot dans sa chanson I Shall Be Free sortie en 1963, dans laquelle il chante : « Eh bien, mon téléphone a sonné, ça ne s’arrêtait pas / C’est le président Kennedy qui m’appelle / Il a dit : “Mon ami, Bob, de quoi avons-nous besoin pour faire grandir le pays ?” /J’ai dit : “Mon ami John, Brigitte Bardot.” »

Son autre grande histoire musicale est mythique. Quand l’un des auteurscompositeurs les plus doués et sulfureux de sa génération rencontre la plus incendiaires des blondes de l’époque, la chimie opère irrémédiablement. Alors qu’elle est encore mariée au richissime Gunther Sachs - son troisième mari - ils se lancent dans une idylle passionnelle ; elle n’aura duré que trois mois mais aura été une source inépuisable d’inspiration pour Serge Gainsbourg. Le fumeur de Gitanes se met à composer plusieurs titres pour Bardot, des tubes. En 1967 sort Harley Davidson. On sait alors que B.B. n’a besoin de personne sur son terrible engin. L’homme à la tête de chou avouera quelques années plus tard, en 1972, à Paris Match : « Je lui ai proposé d’écouter Harley Davidson. Chez elle, nous étions comme deux chats, en observation, presque en confrontation. Dévorés par une timidité totale, nous étions pétris de trac. La chanson passait mal. Mais le champagne rosé fut le catalyseur et calma les esprits. Lorsqu’elle chanta “Que m’importe de mourir / En Harley Davidson”, j’ai pris ces mots en pleine gueule, c’était d’une sensualité inouïe. Le soir de l’enregistrement, nos existences allaient devenir un courant continu que rien ne pouvait dissocier. Le flash était aveuglant et notre passion magnifique. » Bardot interprète également Comic Strip et Bonnie and Clyde. Cette dernière chanson, qui évoque le couple légendaire de criminels des années 30, a été composée ensemble à partir d’un poème écrit par Bonnie elle-même. L’une des chansons les plus intimes des amants terribles n’aura au final jamais connu son succès avec la voix de B.B. Pourtant, c’est leur chanson d’amour, Je t’aime moi non plus, qu’elle n’a jamais voulu sortir en raison de sa situation maritale et qui sera reprise par Jane Birkin deux ans plus tard, en 1969... année érotique. Gainsbourg admettra : « Recroquevillée avenue Paul Doumer, au cœur de la nuit, elle me demanda de lui écrire “sa” chanson d’amour. Ce fut Je t’aime moi non plus. L’enregistrement fut une épreuve pour nous deux. Je ne pouvais effacer le fait qu’elle était une femme mariée. Et je réalisais que Günter Sachs, son époux, ne pouvait écouter ces paroles sur les ondes. Cela devenait dégueulasse et moche. C’est ainsi que j’ai ordonné à Philips de retirer le titre de l’album qui devait partir incessamment vers la gravure. Les voix de Brigitte et la mienne, en fusion érotique et amoureuse, s’endormirent dans un tiroir de Phonogram. Malgré ma promesse faite à Brigitte, j’ai donné à Jane la chanson qui est devenue numéro 1. J’ai blessé Brigitte en livrant à une autre ces paroles écrites pour elle. J’ai blessé Jane en lui révélant que cette chanson avait été écrite pour Bardot. Je le regrette »

La dernière composition est un vibrant hommage à Bardot, au lendemain de leur douloureuse séparation : Initials BB, titre qui donnera aussi son nom à l’album du musicien. Gainsbourg s’inspire de l'ouvrage de Louis Pauwels, L’amour monstre, que B.B. lui avait conseillé de lire. Il écrit : « Une nuit que j'étais / À me morfondre / Dans quelque pub anglais / Du cœur de Londres / Parcourant l'Amour Monstre de Pauwels / Me vint une vision / Dans l'eau de Seltz / The initials, the initials, the initials B.B (...) À chaque mouvement / On entendait / Les clochettes d'argent / De ses poignets / Agitant ses grelots / Elle avança / Et prononça ce mot / “Alméria”. » Le mot Alméria claque à la fin comme un couperet, elle qui fut la ville de la rupture définitive entre Serge et Brigitte ; elle met un terme à leur relation et part tourner dans cette ville espagnole Shalako aux côtés de Sean Connery. Elle avouera plus tard : « Initials BB reste la plus belle déclaration d’amour qu’un homme m’ait jamais faite. »

En l’espace de 21 ans, de 1952 à 1973, Brigitte Bardot aura joué dans près de 50 films et interprété plus de 70 chansons. Infatigable militante pour la cause animale depuis 50 ans, fondatrice de la Fondation Brigitte Bardot depuis 1986 - son engagement et sa personnalité ont permis de nombreuses avancées pour la protection des espèces. Celle qui ne se sentait bien « que les cheveux défaits, pieds nus, et habillée comme si je venais de sortir du lit », à la beauté implacable, a incarné malgré elle la femme libérée qui vit la vie qu’elle choisit. Muse des muses du milieu artistique et de la mode, elle est, aujourd’hui encore, un mythe vivant qui perdure.

HISTOIRE | LE ROUGE À LÈVRES