6 minute read

PORSCHISTE

Ce collectionneur a figuré dans les pages du fameux Christophorus, le magazine officiel des propriétaires et des passionnés de Porsche fondé en 1952, qu’un des fondateurs avait judicieusement baptisé du nom du légendaire porteur de l'enfant Jésus et saint patron de tous les conducteurs. La collection est logée dans un bâtiment anodin au sud d'Anvers et, en entretenant et profitant des voitures de Johan, une petite entreprise appelée 911 Motorsport Belgium s'est développée. Outre l'entretien et la maintenance, son équipe propose la reconstruction de moteurs, la restauration complète et la préparation de circuits pour les modèles refroidis par air, ainsi que le stockage de voitures.

: Combien de voitures as-tu ?

Advertisement

Johan-Franck Dirickx : Je possède actuellement 55 voitures, dont 48 Porsche. J'ai possédé bien plus d'une centaine de Porsche ces 30 dernières années. Mais le nombre n'est pas important, ce qui compte, c'est le caractère unique de chaque voiture. Elles sont toutes remarquables, toutes les voitures de ma collection. Même celles qui sont plus normales : chacune a été achetée pour une raison, et elles font toutes partie d'une série limitée ou sont une pièce unique.

: Quelle fut la toute première ?

J-F. D. : J’ai acheté ma première Porsche à l'âge de 18 ans : une Porsche 911 T de 1970. Mais je n'avais pas assez d'argent à l'époque pour la restaurer, elle a donc été vendue. Quelques années plus tard, j’ai négocié avec le fils du type à qui je l'avais vendue en 1978. J'étais le deuxième propriétaire de la voiture et j’en suis aussi le quatrième. Ce n'est qu'en 1991, à 33 ans, que j’ai acheté ma deuxième Porsche 911, une 964 RS flambant neuve. Le fait qu'il s'agisse d'une RS était important, pas seulement parce que je voulais une voiture rapide, mais aussi parce que c'était un lien avec mon grand-père, et ma première expérience de l'automobile. Et ce qui s'est développé à partir de là, c'est une appréciation de la légèreté.

: Tu as une grande collection de Porsche, toutes uniques en leur genre. Est-ce que certaines sont 100% made in Johan?

J-F. D. : Dans les années 90-96, on était en mesure de commander des voitures uniques chez Porsche.

Après que Wiedeking a dit « Non, non, non, on fait des voitures de série », il n’y avait plus moyen de faire des voitures personnalisées. Maintenant, tu peux faire ce que tu veux, la seule condition c’est qu’il faut payer (rires). Ils ont bien compris que les clients voulaient des voitures spéciales. Certaines ont des peintures “Made To Sample”, donc unique en leur genre.

: As-tu un jour souhaité créer ta propre marque ?

J-F. D. : J’avoue que j’ai toujours rêvé d’avoir ma marque personnelle. C’est bien d’avoir le nom Porsche. Mais je n'ai pas eu la chance de pouvoir le créer. J’ai cependant la deuxième meilleure chose qui est de pouvoir dire que j’ai eu une voiture fabriquée selon mes désirs : couleurs, intérieur, etc. J’arrive maintenant à faire ça chez Porsche, ils arrivent doucement à me reconnaître à ce niveaulà.

: Avez-vous déja participé à des courses automobiles avec une ou plusieurs de ces voitures ?

J-F. D. : Oui, avec la 911 2.0L de 1965. Dans le bon temps, il y a quelques années, je courais. Normalement, je vais repartir en course avec cellelà, dans la série de la 2.0L Cup Patrick Peter. Ce sont de beaux circuits, pour un bon amusement qui reste très familial. Après le championnat Peter, l’année prochaine, nous allons faire les 24h du Mans Classic avec la 934, celle juste à côté. C’est une voiture qui a déjà roulé au Mans en 1976, 1977 et 1978. Nous sommes en train de la refaire complètement parce que j’ai une idée en tête : je veux taper les 300 km/h. J’ai fait les 24h du mans dans le passé et j’arrivais dans les 240 km/h sur la ligne droite, mais je ne trouvais pas ça suffisant. Je me suis dit qu'il fallait aller plus loin.

: Le marché des Porsche 911 connaît une forte augmentation de nos jours. Quelle est celle qui a le plus de valeur ?

J-F. D. : “The Holy Grail”. Celle que personne ne connaît mais qui est la plus importante dans l’histoire des 911, celle qui est sûrement la plus chère des 911 actuellement : la 911 R de 1976. La R est une voiture développée à l'époque par Piëch, le beau-fils de Ferdinand Porsche. Piëch était un peu “un fêlé”, parce qu’il était dans tout ce qui est “engineering”. Il était passionné par la course et ne regardait pas à la dépense dans ce département. Quand il est entré dans l’usine, son premier travail fut de construire une voiture de course : une 911, celle qui est devenue maintenant la R. Sur son bureau, deux balances : une avec la pièce d’origine d’une 911, l’autre avec la pièce qu’ils allaient utiliser sur la R. Chaque pièce de la voiture devait être plus légère que celle d’origine. En sortant de l’usine, la voiture pesait 800 kg, avec un moteur 2.0L, double allumage et 210 chevaux sous le capot. Ils n’en ont produit que 20. 20 exemplaires précieux qui ne pouvaient rouler qu’en catégorie prototypes dans les courses. À l’époque, cela revenait à se battre contre des Ferrari 12 cylindres, les Alfa Romeo, les Mirage, etc. C’est une voiture qui porte l’ADN de toutes les 911 de course désormais.

: Nous entrevoyons des Porsches estampillées en voiture de police... une autre passion ?

J-F. D. : La Porsche 911 2.4E, une de 1971. Être policier et rouler en Porsche en même temps ? Personne ne peut rêver mieux. Nous avons le droit de rouler avec des peintures de ce genre, mais sans les gyrophares. Mais un soir, je revenais de Knokke avec la Targa, et il y avait un trafic inouï. J’en avais marre, ça n'avançait pas. J’ai mis mon gyrophare, mes sirènes, et tout le monde s’est poussé. Je suis content qu'on ne m'ait jamais attrapé à ce momentlà, parce que sinon j’aurais encore fini en tôle. Mais qui ne rêve pas de faire une connerie comme ça ? Puis j’ai une 911 grise de 1975 qui est spéciale, puisque c’est une série de 20 avec un moteur RS. La police, à l’époque, voulait une Porsche qui soit la plus rapide mais sans que la population sache et voit qu’elle est la plus rapide. Donc ils ont décidé d’une caisse étroite sur une Targa, comme dans les autres pays, mais avec le moteur de la RS. La Targa faisait 245 de vitesse de pointe, ce qui était fabuleux en 1976. 20 voitures pour la police belge avec le moteur de la RS, et celle-ci en fait partie ; il n’en reste que 5.

: Parmi toutes les Porsches de cette collection, est-ce que certaines ont des petits surnoms ?

J-F. D. : La 911 de 1974 : une RS verte 3.0L. Une atmosphérique appelée “La Bête”. Quand vous êtes devant et que vous voyez le train arrière avec des pneus énormes et son écrou central. Encore aujourd'hui, quand je monte dedans, j'ai les mains en sueur. Quand tu mets le moteur en marche, tu vois la caisse et tu te dis “Non, ce n'est pas possible”. Une voiture qui se conduit très bien, mais sur laquelle il y a une chose à savoir : il faut la mettre en glisse avant le virage. Tu arrives dans le virage, tu la mets en glisse, tu tapes à fond, et puis tu passes.

C’est la seule façon de la conduire. C’est fabuleux à partir du moment où tu as compris. Sinon, tu rentres à la maison. Ensuite, la 911 3.0L Turbo, communément appelée la “Widowmakers”. À cette époque-là, Porsche n’avait pas encore bien cerné le problème de déclenchement du Turbo radical, parfois à retard : ce qui veut dire que tu accélerais à fond, et tu pouvais compter 3-4 secondes avant que le turbo soit enclenché. Ceci n’était pas encore trop grave. Ce qui l’était beaucoup plus, c’est que tu accélérerais à fond, tu lachais ton accélérateur, et ça demandait aussi 5 secondes avant que le moteur ne tombe en régime. Tu pouvais faire ce que tu voulais : au lieu de freiner la voiture, elle continuait à avancer. Moi j’ai eu le cas dans un virage : j'arrive, je relâche, et au lieu de freiner, la voiture avançait encore.

: Laquelle serait la plus spéciale ?

J-F. D. : Compliqué de dire laquelle serait LA plus spéciale, mais la RS blanche et verte est une voiture très spéciale. La RS a été conçue en 1972. En fin d’année, elle a été présentée au salon de Paris et, à la fin du salon, ils avaient déjà vendu les 500 exemplaires qu’ils allaient produire. Puisqu’ils ont vu que ça marchait aussi bien, ils ont fait une deuxième et une troisième série. Il y a donc eu 1 580 RS et, actuellement, à peu près 3 500. On ne sait pas combien il y en a encore d’origine, 800-900 je pense, les autres sont des copies. Dans la série, il y a eu une touring, une Light et 17 RSH. Les RSH étaient des modèles pour la route et la course. Celle-ci fait partie d’une des 17 RSH. Quand je l’ai achetée, je ne le savais pas. En plus j’ai tout le dossier : papiers, factures, 1er propriétaire, etc. C'est une vraie voiture de collection.

: On aperçoit la fameuse Martini...

J-F. D. : La 935 Martini que Porsche a sortie en 2018, lors des 70 ans de l’usine. 75-76 voitures ont été construites, dont 70 ont été vendues à des collectionneurs; les autres sont restées à l’usine. C’est la seule en Belgique, c’est assez rare d’en voir une, une voiture bien spécifique pour la course.