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vendredi 12 octobre 2012 www.metrofrance.com

Vincent Riou à bord du PRb, monocoque de 18 mètres de long. BeNOît SticheLBaUt / PRB

Voile C’est la mer qui prend l’homme expérience. Notre reporter a navigué durant six heures sur le bateau de Vincent Riou, qui prendra le départ du Vendée Globe le 10 novembre. reportage. Une aventure formidable qui montre combien la navigation en solitaire est unique. Récit.

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mbarquer à bord d’un bateau conçu pour participer au Vendée Globe, le tour du monde à la voile en solitaire, est une expérience dont on ne sort pas indemne. En tout cas, pas sec. Avant de larguer les amarres pour un entraînement automnal entre l’archipel des Glénan et les îles du Ponant (Finistère), installé tant bien que mal sur le rebord du PRB – le monocoque de 60 pieds de long (18 mètres) –, Vincent Riou, son skipper, me lance : « C’est bien, parce qu’il va y avoir un peu de gaz », comprendre « de bonnes rafales de vent ». Si la nouvelle ravit le marin aguerri, c’est moins vrai pour celui dont le passé de « voileux » se résume à un stage d’Optimist effectué quatorze ans plus tôt en mer Méditerranée.

Ouvrir l’œil

En quelques minutes, le bateau prend de la vitesse, beaucoup de vitesse, et s’incline de 25° (la fameuse « gîte »). Je suis toujours assis, mais debout, les pieds calés contre le toit du cockpit. En bas, l’eau défile. Poussé par le

vent, PRB atteint 23 nœuds (43 km/h). Sa vitesse de croisière, ou presque : « Entre les Açores et l’Irlande, je monte à 33 nœuds (60 km/h). Quand tu es seul, il faut faire attention à ne pas te laisser griser, à garder le recul nécessaire pour éviter la casse, pour choisir les bonnes trajectoires », m’explique, entre deux paquets d’eau, le marin qui a remporté « le Vendée » en 2004. Sauf que la vigilance baisse proportionnellement au nombre d’heures passées sans dormir. Et quand, pas attaché, le skipper joue les équilibristes sous le toit de son cockpit, à 60 km/h au milieu de dizaines de mètres de BeNOit SticheLBaUt / PRB

emmanuel bousquet

Vincent Riou, skipper du PRB, vainqueur du Vendée Globe en 2004.

« Il faut faire attention à ne pas te laisser griser, à garder du recul pour éviter la casse. »

cordage, il a intérêt à ouvrir l’œil. Et pour ça, mieux vaut se contraindre à les fermer. Car la fatigue renforce aussi le spleen du marin, seul pendant trois mois.

L’humidité et le sel, ennemis du marin

« Quand tu es épuisé, tu as plus facilement le bourdon. Alors tu te fais un bon repas et tu vas te coucher », préconise Riou. Si un gratin dauphinois au poulet en conserve retape ce Breton « élevé à la patate », question repos, deux heures d’affilée dans la cabine de 4 m2 – trois fois par jour dans l’idéal – sont suffisantes. « Si tu accumules trop de dette de sommeil, tu deviens incapable de savoir si tu as dormi ou pas. » Et pas la peine de compter sur les bienfaits d’une douche pour émerger. Sur PRB, pendant près de quatre-vingt-dix jours à naviguer sur l’océan Atlantique, les mers du sud, l’océan Indien et l’océan Pacifique, le Finistérien essaiera d’oublier l’humidité (« l’ennemi du marin, avec le sel qui t’agresse la peau ») en se lavant grâce à six bouteilles d’eau, « versées sur la tête, à poil, à l’extérieur de la cabine ». Impensable en ce qui me concerne. Après seulement six heures passées sur l’eau – enfin, plutôt sous l’eau, puisqu’en course le bateau passe 70 % du temps balayé par des paquets de mer –mon réconfort à moi viendra d’une bonne douche chaude.§


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