Quand l'Op art rencontre les neurosciences

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Youri Messen-Jaschin, Op Ar4ste et chercheur

Quand l’Op Art rencontre les neurosciences par Jacques-Henri Addor

Sous ses formes contemporaines, l’art op4que a un peu plus de 50 ans. Parmi ses pionniers, Youri Messen-Jaschin a développé son Op Art à tel point qu’il se penche depuis quelques années sur les incidences des illusions d’op4que sur le cerveau humain. En étroite collabora4on avec le CHUV, son laboratoire de neuro-imagerie et plusieurs chercheurs, l’Op Art est par4 pour fusionner avec la recherche scien4fique.

En pénétrant au 9e étage de la Tour de Valmont où Youri Messen-Jaschin a à la fois son appartement, son atelier et sa galerie, l’amateur d’art passe en une frac@on de seconde de la froide et asep@sée cage d’escaliers sur une autre planète, celle de l’univers cosmographique et protéiforme du propriétaire des lieux. Une caverne d’Ali Baba féérique où se côtoient à la fois les sources d’inspira@on, les réalisa@ons – nombreuses et diverses, il faut avoir l’œil ! –, des références aux projets précédents, et les nouvelles technologies de la communica@on contemporaine. Outre les tableaux souvent monumentaux, on repère un flipper d’époque, le texte manuscrit sous verre de « Je t’aime moi non plus » de Gainsbourg, des afficheUes de journaux, une bibliothèque chargée à craquer de vinyles, on rencontre une perceuse et des disques durs d’ordinateurs traînant par-là en compagnie de boîtes de pinceaux, d’une imprimante, de haut-parleurs, d’une pile de polycopiés et même d’une authen@que pompe à essence années 60... Avis aux amateurs d’intérieurs bien ordonnés : au cœur d’une telle jungle, le ver@ge, à tout le moins la désorienta@on sont garan@s. Le capharnaüm de Youri Messen-Jaschin, kaléidoscopique et génial, est aussi mul@ple qu’imprévisible, pétri d’inspira@ons et d’idées créa@ves inimaginables avant d’y être allé, à des années lumières des processus de formatage qui commandent notre société. Dans le salon d’autrefois transformé en galerie d’exposi@on, ses œuvres sont au coude à coude, tant la pièce en est saturée. Des œuvres sur toile, sur bois, en sérigraphie, sur plexiglas ou sur verre, certaines incrustées de néons ou d’affichages alphanumériques, se reflétant dans un socle-miroir, avec ou sans éclairage,... Une table ancienne, un canapé et deux fauteuils déca@s en sont réduits à la por@on congrue. C’est là le cœur de l’Op Art visible de Youri, en 2 ou en 3 dimensions, où se vivent l’approche comme les découvertes de ce que les illusions d’op@que sont en mesure de nous faire voir – jusqu’à découvrir l 4e dimension et, un jour peut-être, la 5e. Pour s’en faire une idée, une visite dans l’atelier de l’ar@ste s’impose.

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Après ses études ar@s@ques à Paris de 1958 à 1962 – Ecole natonale supérieure des Beaux-Arts et Ecole pra@que des hautes études de la Sorbonne – Youri Messen-Jaschin s’est découvert une passion pour l’Op Art, alors qu’il séjournait à Göteborg, en 1967. Il y effectuait des recherches d’objets ciné@ques tex@les à l’Université de de la Högskolan för design & konsthantverk. A l’occasion d’une exposi@on au Musée d’Art Moderne, il rencontre Jesús-Rafael Soto, Carlos Cruz-Diez et Julio Le Parc, précurseurs dans ce domaine. Les perspec@ves de l’Op Art le fascinent d’emblée et Jesús-Rafael Soto lui fait part de ses expériences et conseils. Ses premières recherches eurent un important reten@ssement en Scandinavie. On trouve les premières traces d’art ciné@que, ou Op Art, dans les années 1910. Mais c’est à Zurich à par@r des années 1960 que l’art ciné@que prend véritablement son essor. Dans certaines œuvres, le mouvement est obtenu par un moteur, par le vent ou par le spectateur lui-même. Le principe de base de l’art ciné@que repose sur les illusions d’op@que. Parmi les plus célèbres, on connaît celle de la canne qui regarde à gauche, mais qui est en même temps un lapin qui regarde à droite, la cascade d’Escher, le triangle de Penrose, la grille d’Hermann ou encore le cube de Necker. Toutes ces illusions d’op@que ne sont en fait que des « erreurs » d’interpréta@on qui s’expliquent de la façon suivante : l’œil (qui n’est en fait qu’un capteur) transmet des signaux au cerveau, lequel les réorganise (en commençant par les meUre à l’endroit, car normalement, comme l’œil est construit, on devrait voir « à l’envers » !), les complète et les ajuste. Il y a donc en permanence une certaine interpréta@on de la réalité brute par nos neurones. Les ar@stes u@lisent le contraste entre le noir et le blanc, mais aussi les moirages obtenus par la superposi@on décalée de réseaux (trames) ou de lignes noires et blanches, puis de lignes colorées. Ces effets, captés par l’œil puis interprétés par le cerveau qui nous en donne la percep@on, procurent l’illusion de percevoir un mouvement, une vibra@on, ou de voir apparaître des couleurs alors que l’œuvre n’est « qu’en » noir, gris et blanc. Youri Messen-Jaschin n’a pas cessé de se passionner pour ceUe forme d’art et l’a développé à ce point qu’il produit aujourd’hui des œuvres étonnantes, pour ne pas dire stupéfiantes (sérigraphies, « sculp- tures » ou « installa@ons »). Aujourd’hui, ses œuvres se trouvent dans de nombreux musées et collec- @ons aussi bien en Suisse qu’à l’étranger. Le principe de base est toujours le même : en jouant avec les formes et les couleurs, il produit ces fameuses illusions d’op@que, soient-elles des mouvements, des vibra@ons ou des appari@ons de couleurs. En poussant ses illusions d’op@que toujours plus loin (c.f. liste de liens ci-après **), Youri Messen-Jaschin a observé que certaines personnes étaient prises de ver@ge, d’autres étaient au bord de la nausée, alors que d’autres encore ne percevaient rien de spécial. Il s’est alors dit qu’il y avait certainement de quoi faire des recherches, pour comprendre la forma@on et le déroulement de ces perturba@ons, variables par ailleurs d’un individu à l’autre. Il s’approche du laboratoire des neurosciences du CHUV, mais les portes restent invariablement closes. L’Op Art ne semble pas intéresser spontanément le corps médical. Après plusieurs tenta@ves dans le vaste monde du CHUV, Youri Messen-Jaschin finit par faire la connaissance de Bogdan Draganski, chercheur et directeur du laboratoire de neuro-imagerie. Il est tout de suite cap@vé par sa proposi@on et un comité de médecin appuie la démarche. C’est ainsi que le projet Brain Project 1 est fondé en 2013, sous la forme d’une associa@on sans but lucra@f.

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L’objec@f de Brain Project 1* est de comprendre comment le cerveau des personnes réagit lorsqu’elles sont confrontées à des œuvres d’Op Art, en recourant pour ce faire à l’imagerie par résonnance magné@que (IRM). On prend un candidat, on l’installe dans le tunnel de l’IRM, et là, il va voir défiler toute une série d’œuvres de Youri. Au moyen de boutons poussoirs, il pourra communiquer ses impressions aux chercheurs situés de l’autre côté de la vitre, au pupitre de commande de l’IRM. L’ « examen » est complété par une discussion et dure env. 90 minutes. Depuis son lancement, d’autres universités, notamment celle de Zurich, se sont associées au projet. Chaque image, ou carte, produite par l’IRM est analysée. Associée au projet, Sigita Venclove, une chercheuse de l’Université de Vilnius (Lituanie), les décor@que et les compare entre les différents candidats – ce qui demande autant de pa@ence que de compétences. Actuellement, les recherches sont en cours mais laissent déjà entrevoir des découvertes excep@onnelles. En u@lisant les procédés du champ de la psychologie cogni@ve, les acteurs de Brain Project veulent étudier l’impact et les interac@ons entre l’Op Art et le cerveau humain. Leur but est ainsi de démontrer l’impact généré par une image spécifique à fort contraste visuel sur les réseaux ves@bulaires, limbiques et cogni@fs du spectateur. Poussant le résonnement à l’extrême, Youri Messen-Jaschin se dit que, pourquoi pas, l’Op Art, s’il a de tels effets sur le cerveau, pourrait peut-être contribuer à soulager de certaines maladies, voire de les guérir. A suivre, les recherches scien@fiques sont en cours. Elles devraient livrer leurs premiers résultats en 2018.

* Par4ciper à Brain Project Prochaine session au CHUV, à Lausanne, le samedi 10 juin (à 10.30 h / 15.30 h / 16.30 h ) et le dimanche 11 juin 2017 (9.30 h / 10.30 h / 11.30 h / 15.30 h). Inscrip@on obligatoire sur hUps://opartmeetsneurosciences.wordpress.com/ au moyen du formulaire en ligne (candidatures bénévoles et sans rémunéra@on).

** Op Art de Youri Messen-Jaschin sur Internet hUps://www.youtube.com/watch?v=TBWzQlNYqAU hUps://www.youtube.com/watch?v=8g7_gseVdsY hUps://www.youtube.com/watch?v=qrYqekt337w hUps://www.youtube.com/watch?v=IdkOjTdpX08 hUps://www.youtube.com/watch?v=NadSGOqP91U hUps://www.youtube.com/watch?v=kV-gdV1kvfc hUps://www.youtube.com/watch?v=8fTaxYDFysE hUps://www.youtube.com/watch?v=0GoDyRdCfx0 hUps://www.youtube.com/watch?v=C2N2jSUzaHU

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