par nicolas querci visuel : Grande Blanche Touraine, 1973. Huile sur toile. 189 x 309 cm
focus Olivier Debré, exposition jusqu’au 25 avril à l’Espace d’Art Contemporain Fernet Branca, à Saint-Louis 03 89 69 10 77 – www.museefernetbranca.org Visite guidée nocturne le 4 décembre à 20h30 par Auguste Vonville.
Olivier Debré, signes des temps La peinture se prête mal aux reproductions. Ceux qui visitent les expositions au pas de charge, téléphone ou digital camera en main, en seront pour leurs frais. La peinture d’Olivier Debré (1920-1999) s’apprécie en grand, et pas sur des écrans de deux pouces. Sa force vient d’abord de l’échelle des tableaux, qu’aucune illustration ne peut rendre. Dès les années 60 et jusqu’à la fin de sa vie, Olivier Debré s’est lancé, avec ses Signes-paysages, dans la réalisation d’œuvres monumentales destinées à des lieux publics, et de toiles de très grand format. Si la peinture d’Olivier Debré se prête si mal aux reproductions, c’est aussi parce que ces dernières sont incapables d’en restituer la texture, la richesse des couleurs, leur subtilité, leur transparence, leur densité. Olivier Debré est considéré comme un des représentants majeurs de la peinture abstraite en France, mais ses tableaux se rattachent toujours à un élément concret, que ce soit un paysage ou une couleur précise, qu’il combine dans des titres censés donner le ton d’une œuvre, comme en musique : Ocre blanche d’hiver de Touraine, Longue ocre Rubens (dite Morne Plaine), etc. Ces titres n’ont rien d’une provocation, et personne à ce jour n’a mieux retranscrit en peinture l’émotion, l’impression que procure la vue des paysages des bords de la Loire par une matinée brumeuse. La peinture d’Olivier Debré sait se faire lumineuse, comme dans le tableau intitulé Rouge coulé de Touraine (400 x 915 cm, tout de même), qui irradie l’espace de toute sa couleur. Elle peut être calme, agitée, réflexive, méditative ou lyrique. Pour Olivier Debré, marqué par sa découverte de la calligraphie japonaise, imprégné de la culture hébraïque, elle est un langage. Avant de trouver définitivement le sien, il a peint, influencé par Picasso (qu’il a rencontré pendant l’Occupation) des compositions géométriques pour s’orienter rapidement vers l’abstraction et créer ses premiers Signes-personnages, tout en verticalité. De nombreux travaux de cette période, antérieurs aux grands formats, sont présentés à l’étage. Certains font immanquablement penser à Pierre Soulages, d’un an son aîné, qu’il a fréquenté et avec lequel il a participé au Salon des Surindépendants, en 1948. D’autres toiles plus récentes, de format réduit et carré, souvent réalisées au cours de ses nombreux voyages, comme d’autres prennent des notes, permettent de saisir l’artiste sur le
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vif : Rose de Ouarzazate, Pâle rose de Teotihuacan / Mexique, Bleu léger de Chine / Montagne Hong Kong University forment des instantanés d’un calme, d’une douceur, d’une finesse et d’un rendu proches de l’aquarelle ou de l’estampe japonaise. Un reportage photographique de Marc Deville nous le montre d’ailleurs surplombant une vallée fluviale, en Chine, en train de peindre le paysage, en bleu, qu’il a non pas sous les yeux, mais à l’esprit. Olivier Debré était alors à Shanghai pour réaliser le rideau de scène du nouvel opéra. On le voit marcher sur l’immense surface aux couleurs éclatantes rouge et orange, bleu, jaune et vert, tel un volcanologue, ou un fondeur, qui ferait jaillir des étincelles. C’était un an avant sa mort. Olivier Debré n’avait jamais cessé de peindre. Sa peinture se prête mal aux reproductions. Elle s’éprouve, en face à face. D