franche-comté
l'ouverture Hors-série n°7 Mars 2013
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Hors-série n°7 Mars 2013
sommaire Édito r 05
Voyage dans le temps et dans l’espace de l’institution avec Sylvie Zavatta, la directrice du Frac Franche-Comté, par Claire Kueny r 06
Pour l’inauguration des nouveaux bâtiments du Frac Franche-Comté, l’artiste Ryoji Ikeda réalise une pièce monumentale in situ, par Claire Kueny r 10 Le nouveau bâtiment du Frac Franche-Comté à Besançon croqué par Bearboz r 12 Au musée du Château à Montbéliard, Aurélie Voltz et Bernard Goëtz présentent une exposition aux allures de cabinet de curiosités et aux partis pris décalés en associant art ancien et contemporain, par Mickaël Roy r 14 À Belfort, Monique Chiron et Nicolas Surlapierre nous donnent rendez-vous il y a trente ans, aujourd’hui et dans dix ans, par Claire Kueny r 18
Au 19 à Montbéliard, Philippe Cyroulnik présente le travail de Philippe Gronon et Sylvie Fajfrowska, deux artistes qu’il connaît bien, par Mickaël Roy r 22
Au musée des Beaux-Arts à Dole, l’artiste Francis Baudevin conçoit Tacet, exposition où l'auteur cède la place à l’œuvre, par Caroline Châtelet r 24
En résidence au Frac Franche-Comté ce printemps, Zahra Poonawala dissèque et personnifie le son, par Cécile Becker r 28
Pour conclure sa résidence bisontine, Cécile Meynier expose à la MJC Palente et à Toshiba House à Besançon, par Philippe Schweyer r 29 La programmation du Frac Franche-Comté r 30-31 Les éditions du Frac Franche-Comté r 32
Au Programme à Besançon et en Franche-Comté r 33-34
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Directeur de la publication et de la rédaction Philippe Schweyer Direction artistique et graphisme starHlight
Dépôt légal : mars 2013 ISSN : 1969-9514 / © Novo 2013 Le contenu des articles n’engage que leurs auteurs. Les manuscrits et documents publiés ne sont pas renvoyés.
On participé à ce numéro hors-série : Redacteurs Cécile Becker, Caroline Châtelet, Claire Kueny et Mickaël Roy. Dessinateur Bearboz Couverture Cité des arts et de la culture, Besançon Kengo Kuma & Associates / Archidev © Nicolas Waltefaugle Ce magazine est édité par médiapop médiapop / 12 quai d’Isly – 68100 Mulhouse Sarl au capital de 1000 euros / Siret 507 961 001 00017 Direction : Philippe Schweyer / ps@mediapop.fr 06 22 44 68 67 – www.mediapop.fr
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mai > juin Spectacle du Cirque Plume, Tempus fugit avril Ouverture de la Cité des Arts mai Festival de musiques anciennes juin Festival de jazz et musiques improvisées juin > septembre Exposition des sculptures monumentales de Ousmane Sow à la Citadelle et au Musée des Beaux-Arts
Atelier Poste 4
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www.besancon.fr www.besancon-tourisme.com 4
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6 septembre Ouverture de la Maison natale de Victor Hugo, Concours de jeunes chefs d’orchestre et Festival de musique de Besançon Franche-Comté 7 novembre Festival Génériq - Tumultes musicaux en ville
édito
l'idée de constellation
par Caroline Châtelet
En 1982 naissent les Frac. Trente ans plus tard, c'est avec Les Pléiades, manifestation à l'intitulé un brin pompeux que ces structures, fondées sur la volonté de l’État et des régions de diffuser l’art contemporain, soufflent leur bougies. Pompeux, oui, car en tant que « réunion de personnes célèbres », le terme « pléiade » évoque – si l'on songe au groupe de poètes constitué par Ronsard et Du Bellay – la structuration de la culture française. La transposition est ici vite faite et tout comme la Pléiade du XVI e siècle a œuvré au développement de la langue française, les Frac se définiraient comme des éléments structurants de l'art contemporain. Mais ce serait oublier que la Pléiade pré-citée tire son nom du groupe de poètes d'Alexandrie du IIIe siècle av. J.-C., eux-même le tenant des sept étoiles constitutives de la constellation du Taureau. Si remonter à la source du sens ajoute au lustre de celui-ci, cela a l'extrême avantage d'ouvrir le champ des interprétations. Oui, les Frac sont constitutifs du paysage artistique contemporain. Participant du maillage du territoire et devenus des interlocuteurs essentiels du monde de l'art, ils accompagnent des artistes et participent à l'émergence de nouveaux talents. Mais chacun ayant aussi su, en tant que purs rejetons de la décentralisation, développé ses spécificités propres, Les Pléiades s'annoncent comme une constellation de regards rétrospectifs et prospectifs sur l'art. En Franche-Comté, l'idée de constellation domine, qu'il s'agisse des lieux ou des expositions. Célébrant avec son anniversaire la fin de son nomadisme, le Frac – qui figure parmi les six Frac dits de « nouvelle génération » – propose, parallèlement à son exposition inaugurale dans la Cité des Arts de Besançon (aux côtés du Conservatoire régional, une exception) des manifestations avec ses partenaires. Galeries, musées et centres d'art l'ayant accueilli au fil des ans explorent ainsi son fonds d’œuvres. Moyen d'affirmer le souhait de la directrice Sylvie Zavatta de ne pas se sédentariser, cette pléiade de rendez-vous confirme l'attention portée aux interlocuteurs régionaux. Outre la force structurante de la question du temps – défendue par Sylvie Zavatta –, ce programme révèle en creux une pertinente mise en jeu par les « invités à exposer » des problématiques inhérentes à « l'institution Frac ». Et tandis que L'embarras du choix interroge l'inscription dans le temps et dans l'histoire des anciennes acquisitions du Frac ; Tacet questionne – avec le contournement par Francis Baudevin de la thématique proposée – la place de l'artiste dans l'institution ; Monsieur Surleau et le Cyclope traverse les notions de patrimonialisation et de muséologie par la réunion de divers types de pièces ; et Au plus près met en tension les notions de collection et de monographie. Souhaitons, alors, que de cette constellation de réflexions surgissent d'autres mondes possibles...
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Jeter l'ancre ? En avril, le Frac Franche-Comté, jusqu’alors nomade, s’installe sur le site de l’ancien port fluvial de Besançon, dans un grand « navire », réalisé par l’architecte Kengo Kuma. Voyage dans le temps et dans l’espace de l’institution avec sa directrice Sylvie Zavatta.
Vue de l'exposition Robert Breer, Besançon, 2007, credits photographiques C.H. Bernardot Robert Breer, Float, 1970-2000, Collection Frac Franche-Comté © Droits réservés
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Parallèlement à l’inauguration du nouveau bâtiment, les Frac fêtent leurs 30 ans, avec pour consigne de plonger dans leurs collections et de les faire découvrir et partager au plus grand nombre. Constituer une collection, c’est comme créer une petite histoire de l’art. Pourriez-vous nous faire partager celle du Frac Franche-Comté ? Comme pour tous les Frac, les débuts ont été un peu éclectiques. J’ai moi-même été aux origines du Frac Basse-Normandie et j'ai pu en faire l’expérience. Le mot d’ordre était de collectionner des œuvres contemporaines, sans thématique. La notion de fonds prédominait sur celle de collection. Progressivement, de nombreux Frac ont ressenti la nécessité de construire leur spécificité. Le Frac FrancheComté a une histoire un peu particulière,
puisqu’il ne disposait pas de lieux spécifiques et qu’il a longtemps été installé au Musée de Dole. Avec Anne Dary (directrice de 1992 à 2005), la question de la représentation a dominé dans la continuité des œuvres acquises par François Cheval (directeur de 1988 à 1991). L'ensemble était marqué par un souci de cohérence avec la collection du Musée de Dole qui privilégiait la Figuration Narrative. À mon arrivée en 2005, j'ai souhaité orienter la collection vers la question du Temps pour son ancrage régional mais surtout pour son éternelle actualité et pour les interrogations pluridisciplinaires que cette problématique suscite. Au sein de cette problématique les œuvres sonores occupent une place privilégiée. L'exposition Des Mondes Possibles, conçue pour l'ouverture du Frac à la Cité des arts, est consacrée pour l'essentiel aux œuvres acquises depuis 2006, lesquelles interrogent la temporalité sous ses différents aspects. Les différentes expositions qui auront lieu en région semblent être le reflet de cette histoire. Entre L’embarras du choix et Tacet par exemple, c’est un condensé historique qui sera visible ? Oui, effectivement. Pour l’exposition L’embarras du choix, les commissaires Nicolas Surlapierre et Monique Chiron ont choisi des peintures figuratives de la collection. Ils ont proposé un regard plus historique, mais réactualisé par l’invitation des artistes à réagir à leurs propres productions, acquises il y a des années déjà. L’exposition Tacet est pensée par Francis Baudevin (artiste dont l'œuvre est représentée dans notre collection). Elle sera présentée au Musée des Beaux-arts de Dole dans le cadre des 30 ans des Frac avant d'être montrée aux Abattoirs de Toulouse en septembre, aux côtés des expositions proposées par les autres Frac pour cet anniversaire. Le titre choisi par Francis Baudevin fait référence à John Cage et l'exposition est conçue comme une partition. Nous assisterons donc à un déploiement spatial et chronologique de la collection en Franche-Comté, enrichi par une pluralité de points de vue.
Avec Des Mondes Possibles, vous convoquez quant à vous des acquisitions récentes, autour de la question du temps. Pourriezvous nous dévoiler quelques éléments de votre exposition inaugurale ? Il s’agit d’une exposition d’œuvres de la collection qui emprunte son titre à Leibniz, lequel stipule l’existence de mondes parallèles ou alternatifs cohérents. J’ai choisi ce titre non pas pour transposer littéralement cette théorie dans le champ des arts visuels mais pour indiquer que chacun des éléments qui composent la micro galaxie qu’est l’exposition est un monde en soi, doté d’une logique interne et susceptible de transformer la vision du monde dans lequel nous vivons. L’angle choisi pour cette exposition est celui du Temps car de facto la théorie des mondes possibles s’ouvre presque logiquement sur une autre spéculation, celle « des temps possibles » à travers la notion de coexistence, d’uchronie, de bifurcation temporelle … Or ces mondes en soi que sont les œuvres, qui possèdent leurs propres règles et logiques et se développent respectivement dans un espace-temps spécifique, interrogent chacune à leur manière non seulement la dimension temporelle mais aussi leur propre temporalité. Il s’agira de proposer au visiteur un parcours dans le temps ou plutôt au sein de la double acception du temps, physique et psychologique via des œuvres qui le questionnent. Pour la première, je peux évoquer les œuvres de Motti et de Berthier. Quant à la seconde qui relève de la durée, du temps vécu, les choses sont plus complexes. Le temps est aussi mouvement physique ou psychique. Le float de Robert Breer se meut lentement dans l’espace, la photographie d’une vague de Burkhard fige un instant dans le flux et reflux incessant. Une peinture de Decrauzat se dilate, telle une constellation, dans l’espace du mur. Des artistes (Beggs, Norman, Tixador) ont arpenté diverses géographies, de ces œuvres immatérielles sont nées d’autres œuvres qui en sont la trace. Au rythme incantatoire de la voix d’Abramovic, des visages émergent du néant.
— le Frac ne va pas se sédentariser —
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Nina Beier, Cars Non Finito, 2010 Collection Frac Franche Comté © Droits réservés
La danseuse filmée par Manon de Boer évolue sur une musique absente. D’autres œuvres sont en devenir permanent (Bublex, Beier), tandis que les protagonistes de Garcia Torres traversent un musée en courant, en hommage à Godard… Cette dernière œuvre, par l’usage de la citation, renvoie aussi à un mouvement dans le temps… Cette exposition est en cohérence avec l’exposition de Ryoji Ikeda dont le travail sonore et visuel relève d’une réflexion sur le temps, la vitesse. J’ai découvert qu’il citait souvent Leibniz mais là pour les mathématiques… La collection continuera-t-elle à se propager en région et poursuivrezvous ce dialogue avec vos partenaires une fois que le Frac aura « jeté l’ancre » ? Bien sûr, nous voulons affirmer que le Frac ne s’enfermera pas dans ses murs. Cela fait d’ailleurs partie de nos missions que de présenter et prêter les œuvres de nos collections. Évidemment, comme je l’ai dit précédemment, la situation antérieure du Frac a nécessité des partenariats assez intenses avec certaines structures. Réaliser aujourd’hui des expositions dans tous les lieux qui ont compté pour le Frac – et qui compteront encore – comme le Granit, le 19, les Musées de Belfort, de Montbéliard, de Dole, de Lons-le-Saunier, etc. est une manière d’affirmer que le Frac ne va pas se sédentariser.
— nous espérons que quelque chose d'inédit sortira de ces dialogues —
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Georgina Starr, Yesterday, 2010 Collection Frac Franche Comté © Droits réservés
Donc, malgré votre implantation à la « Cité des arts », vous n’allez pas vous sédentariser ? Surtout pas ! Je conçois ce nouvel équipement comme un port d'attache à partir duquel nous continuerons à sillonner les territoires. Il est clair que nous aurons une activité intense au sein du Frac, mais nous ferons en sorte qu'il y ait un mouvement de va-et-vient pour les publics. Un certain nomadisme qui vous est cher sera perpétué entre autres par un dispositif de « satellites »… Oui. Il s’agira d’un camion, conçu par Mathieu Herbelin, reprenant l’idée des épiceries ambulantes qui passent dans les villages. Tout en montrant des œuvres vidéo ou des dispositifs sonores, il se déplacera de villes en villes, d’établissements scolaires en établissement scolaires et nous permettra de faire un travail pédagogique de fond ou de créer des phénomènes de surprises, d’être présents lors d’un événement culturel important… Le nomadisme sera donc réaffirmé avec ce premier dispositif. Le bâtiment lui même est également en perpétuel mouvement. Il est en harmonie avec la nature, mais aussi d’une certaine manière avec vos sensibilités et avec les œuvres de la collection qui interrogent le temps… Oui, l’architecte est vraiment sensible à la question du temps et la Cité des arts en atteste.
Etienne Bossut, Etude, 2012 © Etienne Bossut
Le temps, son écoulement sont signifiés par la stratification des éléments construits, par le mouvement ondulatoire de la toiture mais aussi par le traitement de la lumière. Kengo Kuma a souhaité recréer dans son architecture ces jeux de lumière que nous observons à travers les feuillages d’un arbre que les japonais appellent « Komorebi ». Ici les particules de lumière traversent le bâtiment par d’innombrables interstices ménagés dans les cinq façades. Mouvante, changeant d’intensité, évoluant au gré des heures et des saisons, la lumière participe de la « prise au temps » de la Cité des arts. Finalement le bâtiment entre en harmonie avec notre collection. C’est assez magique ! Vos besoins de mobilité, vos réflexions sur le temps et le son sont également importants dans le cadre de vos futurs échanges avec le Conservatoire, avec qui vous partagez le bâtiment de la Cité des arts ? Oui. Nous avons une volonté de travail en commun et de croisement de nos publics. Les arts plastiques ont déjà bien intégré cette transversalité, que nous essayerons de développer à l’aide de partenariats avec les enseignants du Conservatoire, avec les artistes en résidences, avec la programmation de concerts par exemple ou avec des expositions qui sont à la croisée des arts visuels et sonores, comme celle de Ryoji Ikeda. Ce dialogue pose de vraies questions et nous espérons que quelque chose d’inédit en sortira.
Joël Auxenfans, Etude, 2013 – © Joël Auxenfans
Ces échanges seront d’ailleurs illustrés par les œuvres produites spécifiquement pour le nouveau bâtiment, qui résonnent avec tout ce dont nous venons de parler : temps, musique, dialogue, déplacement, mouvement... Pourriezvous nous les présenter brièvement ? D'abord une production éphémère : en avril, pour son projet Cartes postales du Mont Fuji, Jean-Christophe Norman reliera par la marche notre Frac à celui de Paca, également conçu par Kengo Kuma. l'artiste prolonge sa pratique "infiltrante" avec une proposition discrète dans un temps distendu. Par ailleurs des oeuvres pérennes : Le Ruban de Joël Auxenfans, coproduit par les Nouveaux Commanditaires, le Réseau Ferré de France et le Frac est une œuvre paysagère. Placée le long des voies à la Gare TGV de Besançon, elle aborde très clairement la question du temps entre vitesse et lenteur. Elle est composée de bandes de végétaux qui se développent et se transforment au fil des saisons et des années, ainsi que de quatre panneaux de mélèze servant d’espaces d’accrochage au Frac. Ils accueillent des projets
d’artistes sous forme d’affiches, qui se délitent, elles aussi, au fil du temps. Pour l’ouverture du Frac, dans le cadre d’un partenariat avec Le Pavé dans la Mare, des affiches de l’artiste Rodolphe Huguet seront installées sur ces panneaux, ainsi que sur un panneau supplémentaire, situé à proximité du bâtiment. Etienne Bossut a produit une œuvre intitulée Tam-tam Jungle, superposition de moulages de tabourets tam-tam qui renvoie à l’image de branches de bambous. Avec beaucoup d’humour, cette œuvre est à la fois un clin d’œil à l’architecture de Kengo Kuma et au Conservatoire de musique. Enfin, Marylène Negro propose avec la Sirène une réponse poétique à la commande qui lui a été faite. Il s’agit d’une interpellation du public par le son d’une sirène de paquebot qui sonnera trois fois, avant chaque vernissage. Ultime métaphore maritime et nautique, invitation au voyage et à la découverte du Frac et de ses futures traversées. par Claire Kueny
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Cent commentaires Pour l’inauguration des nouveaux bâtiments du Frac Franche-Comté, l’artiste Ryoji Ikeda est invité à réaliser une pièce monumentale in situ : test pattern n°4. « Avec beaucoup de sincérité, je suis ce principe depuis deux décennies déjà, qui consiste à affirmer que l’art est une expérience inexplicable : L’ŒUVRE SE PASSE DE COMMENTAIRES », annonce d’emblée Ryoji Ikeda. Comment parler d’une œuvre dont l’artiste lui-même ne veut, ne peut pas parler ? Telle est l'une des difficultés, mais aussi l'un des enjeux du métier de critique ou d’historien de l’art. Cela suppose inévitablement une certaine subjectivité de notre part. Mais surtout, cette attitude impose une grande dose de curiosité. Un seul mot d’ordre : feel it yourself ! Après des débuts en tant que DJ, puis au sein du groupe Dumb Type, l’artiste japonais est aujourd’hui réputé pour son travail de compositeur de musique électronique minimale, ainsi que pour son œuvre plastique. Cette dernière, composée essentiellement d’installations numériques, est très marquée par les mathématiques, par les nouvelles technologies et bien évidemment par la musique. Dans cette veine, il présentera au Frac son installation test pattern n°4 à laquelle fera écho un concert-performance test pattern [set live] qu’il donnera le 6 avril à la Rodia. Test pattern est une série initiée en 2008 qui convertit en temps réel des données extérieures saturant notre monde, comme le son ou la lumière, à partir d’un dispositif technique perfectionné. Il retranscrit les
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informations sous forme de code-barres, défilant à une vitesse impressionnante sous nos yeux, et pour le coup, sous nos pieds puisque les images produites par test pattern n°4 seront projetées au sol de l’espace d’exposition. En accord avec les préoccupations du Frac qui interroge le temps et le son, cette œuvre est également une réponse aux mesures de la salle et à l’architecture « pixélisée » de Kengo Kuma. L’artiste tient systématiquement à ce que son œuvre soit le plus en harmonie possible avec l’espace donné, mais là encore, c’est à chacun de découvrir la pièce dans son lieu et d’imaginer les rapports qu’entretiennent les mouvements des codes-barres avec l’extérieur. Invariablement, il convie les spectateurs à vivre une expérience sensorielle, visuelle et cognitive atypique, qui les mènera peut-être aux Portes de la perception. L’allusion à l’ouvrage éponyme d’Aldous Huxley paru en 1954 qui raconte, entre autres, des expériences de transcendances vécues sous l’emprise de psychotropes, n’est évidemment pas sans évoquer l’univers psychédélique dans lequel nous baignent les œuvres de Ryoji Ikeda. Cependant, contrairement à l’artiste minimaliste américain Frank Stella qui affirmait que « Ce qui est à voir est ce que vous voyez » [what you see is what you see], rien de plus, rien de moins, Ryoji Ikeda au contraire,
test pattern [enhanced version], audiovisual installation, 2011 – © Ryoji Ikeda Crédit photographique : courtesy of Forma – © James Ewing
insiste sur le fait que « chaque interprétation est un miroir de [soi-même]. […] Ce que vous recevez, ressentez, pensez est le pur reflet de votre personne, déclenché par l’œuvre ». Attendez-vous donc à vivre une expérience tout à fait personnelle, qu’elle soit transcendante, fascinante, plus neutre ou même effrayante. Alors que le travail de Ryoji Ikeda ne peut se passer de la musique, des mathématiques, des nouvelles technologies et du monde virtuel et immatériel, c’est bien le réel, la vie, par l’enregistrement des données extérieures et invisibles bien souvent, et surtout le public qui donnent à l’œuvre tout son sens. Un public qui se retrouve immergé dans cet espace alternatif, dans ce monde de machines, de sons stridents, d’images ultra-rapides
et de codes-barres géants. Quelle place peut-il trouver dans ces espaces monumentaux et parfois effrayants ? Ne peut-il pas se sentir oppressé par ces images qui l’entourent ? Si dans l’œuvre de Ryoji Ikeda « il n’y a que des questions et qu’il n’existe aucune réponse », il se risque toutefois à citer Kant, « le Beau et le Sublime » en guise de réponse. Deux images sont ainsi convoquées, celles de la mesure et de la démesure, pouvant s’appliquer aux installations de l’artiste. Comme Kant qui affirmait que « l’art ne veut pas la représentation d’une belle chose, mais la belle représentation d’une chose », soulignant ainsi l’infinité des jugements, Ryoji Ikeda, en altruiste, veut « laisser les réponses au public, respecter chacun – auditeurs, visiteurs, regardeurs, specta-
teurs » et le laisser vivre sa propre expérience esthétique ou physique. Si l’on se risque toutefois à lui demander pourquoi il instaure une telle distance avec son œuvre et refuse de l’expliquer, il rétorque au contraire que son œuvre « lui colle à la peau, qu’il vit pleinement avec son travail jusqu’à ce qu’il soit achevé » et que s’il refuse d’en parler c’est parce que ce qu’il a à dire « est impossible à verbaliser ». Sans commentaires ? Au contraire, il y a, pour son œuvre autant de commentaires possibles que de regards innocents et d’expériences vécues. par Claire Kueny
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Cadrages exquis & grands écarts !
Eric Poitevin, Sans titre, 1991 Collection Frac Franche-Comté © Adagp, Paris
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Aurélie Voltz, directrice, et Bernard Goëtz, conservateur des Musées de Montbéliard, présentent une exposition aux allures de cabinet de curiosités et aux partis pris décalés en associant art ancien et contemporain. Petite histoire.
Monsieur Surleau et le Cyclope De la collection beaux-arts de Montbéliard aux œuvres du Frac Franche-Comté du 5 avril au 15 septembre 2013 Musée du château des ducs de Wurtemberg, Montbéliard www.montbeliard.fr
Depuis votre arrivée début 2011 à la direction des Musées de Montbéliard, vous donnez un versant résolument contemporain à la programmation. Dans quelle mesure l’exposition Monsieur Surleau et le Cyclope répond-elle au cap que vous avez fixé ? Aurélie Voltz : L’invitation de Sylvie Zavatta à participer à ce parcours en région correspond tout à fait au projet que j’ai mis en place, c’est-à-dire une confrontation, sans qu’elle soit systématique mais davantage au fil de la programmation, d’œuvres contemporaines et de positions d’artistes contemporains en lien avec les collections des musées, qu’il s’agisse de l’archéologie, des sciences naturelles ou des beaux-arts. Les expositions d’Ariel Schlesinger en 2011 et de Jorge Peris il y a peu, présentaient des travaux différents qui faisaient écho à l’histoire industrielle locale, tandis que les œuvres de Luca Francesconi, qui a été invité en 2012 à proposer une relecture de l’Hôtel Beurnier-Rossel, entraient en résonance de façon intuitive avec les collections de mobilier. Toujours imaginées en contexte, les expositions contemporaines n’interviennent pas en superposition ou en surimposition, mais plutôt de façon à être à côté des collections, ce qui permet mentalement de faire le lien en toute liberté pour le public de l’une à l’autre des propositions. J’ai voulu que l’exposition qui va se tenir parallèlement à l’ouverture du Frac à Besançon soit un reflet de cette programmation en partant des collections beaux-arts des Musées de Montbéliard et en choisissant à partir de ce point de départ des œuvres contemporaines du Fonds régional pour répondre à l’idée d’une traversée dans le temps. Il ne s’agissait pas pour cette occasion d’aller de l’art contemporain à l’art contemporain, mais plutôt d’essayer de jouer de croisements depuis le XVIIIe jusqu'au XXIe siècle.
Le soutien des Musées de Montbéliard à l’art actuel ne passe pas seulement à travers les expositions temporaires. L’enrichissement de la collection d’œuvres contemporaines fait également l’objet de votre attention. Bernard Goëtz : Il s’agit d’une collection qui s’est constituée à partir des années 1970, à une époque où il y avait peu de moyens d’acquisitions : le choix a d’abord été fait de privilégier les arts graphiques. Environ 300 pièces, gravures et estampes, ont été acquises jusque dans les années 1980, après quoi la collection s’est diversifiée en fonction de la succession des conservateurs, avec notamment la constitution d’un fonds Jean Messagier, le plus important de la collection avec une centaine d’œuvres, qui s’est régulièrement enrichi. S’en est suivi un intérêt pour la jeune peinture dans les années 90-95 avec l’arrivée notamment d’œuvres, achetées toujours avec l’aide du Fonds régional d’acquisition des musées, de Djamel Tatah et de Vincent Corpet qui étaient les jeunes artistes de cette époque. Puis dans les années 97-98, il y eut un intérêt pour l’abstraction géométrique. Il s’agit de fait essentiellement d’une collection de peintures. Aujourd’hui, la collection comporte environ un millier d’œuvres contemporaines du milieu du XXe siècle jusqu’à nos jours. A.V. : Par ailleurs, j’ai souhaité donner un coup de projecteur sur d’autres médias représentatifs de la création contemporaine en ouvrant la collection à la photographie, la vidéo, la sculpture, l’installation qui en étaient jusque-là totalement absents. Depuis 2011, on a ainsi pu prolonger la collection avec l’acquisition d’œuvres de jeunes artistes internationaux, notamment avec l’achat récent d’une grande peinture de
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Najia Mehadji, artiste franco-marocaine, déjà représentée dans les collections des Musées de Montbéliard. Il s’agit de « Eros et Thanatos » actuellement exposée dans le cadre du nouvel accrochage sur les collections contemporaines qui valorise les dernières acquisitions, à voir jusqu’au 26 mai prochain. S'il y a continuité, il y a aussi nouveautés avec l’acquisition d’une installation, un vélo, d’Ariel Schlesinger, un ensemble d’œuvres de Gernot Wieland, artiste autrichien, une série d’aquarelles sur impressions jet d’encre de Camille Henrot et une œuvre d’Hassan Khan qui figure un pot de géraniums imprimé sur bâche, toutes deux acquises en 2012. En 2013, il y aura sans doute l’achat de collages de l’artiste espagnol Jorge Peris. De la même manière que la programmation contemporaine est liée aux départements des Musées de Montbéliard, toutes ces œuvres sont aussi acquises avec la volonté d’être en résonance avec la spécificité de nos différentes collections, préhistoriques ou naturalistes. L’accrochage des dernières acquisitions aux côtés des œuvres contemporaines fonctionne de façon assez intuitive, dans une volonté de confronter et croiser des œuvres, en tant que singularités, qui n’auraient pas vocation à se rencontrer dans l’histoire de l’art, pour créer des hasards formels qui peuvent raconter des histoires. Créer des associations - voire des collages, d’une temporalité à l’autre de la création artistique à travers une promenade d’une quarantaine d’œuvres, c’est précisément le propos de l’exposition aux accents surréalistes que vous proposez. Comment le parcours a-t-il été imaginé ? A.V. : Nous avons commencé dans un premier temps par regarder la collection beaux-arts XVIIIe - XIXe - XXe siècles des musées, disponible principalement en réserve puisqu’il n’y a qu’une salle actuellement qui est attribuée aux peintres régionaux. Nous avions le souci de présenter ces œuvres peu montrées au public et de les réveiller en les mettant en regard d’un choix d’œuvres de la collection du Frac, pour entrer dans un système de résonances et créer ainsi des face-à-face extrêmement variés. Ce qui en ressort, c’est la mise en exergue de sujets tels que le paysage, la scène de chasse, la silhouette, l'autoportrait, qui permettent de
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Albert André - Jacqueline lisant, corsage rayé rouge, 1935, Huile sur toile. 65,5 x 55 cm. Inv. A.M.4438P. Dépôt du MNAM, Coll. Musées de Montbéliard © Marc Cellier
— Nous souhaitons inviter le spectateur à vivre l'expérience de la découverte spatiale des œuvres — traverser en raccourci l’histoire de l’art d’un point de vue classique. Il s’agit de proposer au public d’envisager l’art contemporain de façon décomplexée par le biais d’œuvres anciennes et inversement de permettre une lecture renouvelée de la peinture classique par l’intermédiaire d’œuvres contemporaines. S'agissant, par exemple, de la pièce de Martin Boyce - œuvre sans doute la plus radicale de l'exposition - où l'on a à faire à la stylisation d'un arbre en néons, le public pourra la découvrir de façon plus classique à côté de la toile de paysage de Paul-Alfred Colin. Il y a dans ce parcours la volonté ludique et risquée,
décalée et expérimentale de montrer que l’art contemporain peut être accessible à travers des formes figuratives d'un autre temps. C’est une sorte de challenge sans que l’on puisse savoir si ces confrontations vont fonctionner à cent pour cent. Mais cela aura été l’occasion de ressortir de nos collections parfois inégales, des tableaux que l’on aurait eu du mal à voir seuls et de leur redonner une actualité, au risque d’être parfois un peu littéral... B.G. : Mais en même temps ce ne sont pas vingt-deux histoires identiques ! Pour le couple Monsieur Surleau et le Cyclope, le lien est assez distendu et même osé. Jean-Georges Surleau est
— Ce projet d’exposition pose métaphoriquement la question un pasteur de Montbéliard né en 1744 et mort en 1826, ancien professeur de mathématiques, d’histoire et de géographie au gymnase de des points de rencontre et des échanges Montbéliard, personnage connu et ancré dans l’histoire de la ville, représenté ici dans un possibles entre deux institutions portrait du peintre Dominique Erra, restauré pour l’occasion mais à propos duquel on ne culturelles sur un même territoire — possède que très peu d’informations et qui reste un mystère. L’exposer va lui donner un sens nouveau et le remettre à l’honneur en l’associant à l’œuvre d’Alfred Courmes, une huile sur toile marouflée sur bois de 1960 intitulée Ave Maria, le Cyclope n’avait qu’un œil mais c’était le bon. Quel est le lien, pourrait-on se demander ? Il s’agit d’un rapprochement assez improbable et intuitif entre deux représentations d'ecclésiastiques, entre un catholique et un protestant sans doute. Ce qui est drôle, c’est ce lien avec le territoire que tisse cette œuvre à travers la représentation de cette fillette des publicités du chocolat Menier : les plaques émaillées étaient faites chez Japy, ici au cœur du Pays de Montbéliard. A.V. : Considéré comme "l’ange du mauvais goût" par ses détracteurs, Alfred Courmes est connu pour avoir détourné des tableaux à thèmes mythologiques ou chrétiens à des fins humoristiques. Lui-même jouait déjà d’une forme de transgression et d’anachronisme cocasse : c’est pour cette raison que j’ai voulu que le titre de l’exposition, Monsieur Surleau et le Cyclope, associe les noms de ces deux tableaux, écho surréaliste au titre déjà complètement improbable de l’œuvre d’Alfred Courmes. Cela dit beaucoup de choses sur une idée qui traverse souvent les expositions que je prépare en partant d’associations d’images, de thèmes, de formes qui peuvent conduire à un abandon du sens pour le laisser volontiers à l’appréciation du visiteur... Si cette exposition défend un parti pris didactique d’échanges entre œuvres historiques et récentes, de quelle manière vont-elles pouvoir se rencontrer, s’opposer, se superposer ou même se défier les unes les autres dans l’espace d’exposition ? A.V. : Nous avons souhaité essayer des accrochages différents, jouer sur des superpositions, et même des suspensions, tout en portant une attention particulière à la situation et au rapport de proportions que les œuvres pourront
entretenir à l’égard de la position même du spectateur. Ceci afin de l’inviter à vivre l’expérience de la découverte spatiale des œuvres. La sculpture en bois de Stephan Balkenhol, Petit nu, montée sur socle, de 1993, sera par exemple mise en lien avec un très beau dessin dans un carnet de croquis de Georges Marconnet : une association à travers laquelle on se propose de jouer sur la proximité iconographique des figures et des silhouettes, entre monumentalité et éloignement... Cette exposition, conçue très librement dans le rapport que nous entretenons aux œuvres, dit en filigrane que finalement peu de choses ont changé et que l’on regarde les mêmes choses. Il s’agit aussi de déclencher des surprises, s’agissant de la confrontation de deux peintures, Atelier de reliure de Ch. Michaud, datée de 1945, et J’insiste pas de Jacques Fournel, datée de 1984-1985, au sujet desquelles l’on pourrait se demander si la première n’est pas plus contemporaine que la seconde ! Cette approche implique en effet de se questionner... Et si ces rapprochements sont peut-être très parlants, parfois étonnants ou même manqués, ils sont, je crois, à mettre en perspective avec ce que représentent le Frac d’un côté et les Musées de Montbéliard de l’autre, avec leurs collections et leurs identités propres. Ce projet d’exposition pose métaphoriquement la question des points de rencontre et des échanges possibles entre deux institutions culturelles sur un même territoire.
écart de grandeur, entre monumentalité pour l’un et dimension réduite pour l’autre... A.V. : J’apprécie les grands écarts comme ceux qui s’opèrent entre la peinture de Simon Vouet, Neptune et Cérès, du XVIIIe siècle et le dessin à l’encre de Raymond Pettibon, Although some living, de 1988 ou encore entre la photographie Out and out de 2002 de Istvan Balogh et Le sommeil d’Antiope, une peinture de Auguste Sage réalisée vers 1869 qui est une copie du Corrège. Entre toutes, il y a quelque chose qui déborde, et qui donne l’idée de l’exposition dans laquelle ces confrontations sont représentatives d’une certaine nonchalance, d’un abandon, de ce moment où on lève toutes les censures : c’est un peu ma philosophie. Cela me rappelle une œuvre de Jean-Michel Sanejouand, un visage calme, serein, qui se laisse porter, que nous avions présenté dans Notre vallée, une exposition qui avait donné en 2011 le coup d’envoi de la ligne que je défends : l’envie de décloisonner les départements des Musées de Montbéliard à travers des rencontres artistiques inattendues. par Mickaël Roy
Parmi les vingt-deux couples d’œuvres que vous avez imaginés, en quelque sorte de gré ou de force, y en a-t-il qui retiennent plus particulièrement votre attention ? B.G. : Pour ma part, je retiens le couple Jean Le Gac / Eugène Fromentin pour le dialogue des teintes et des couleurs, et pour la façon dont les personnages s’estompent, se perdent, dans un
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Commissaires de l’exposition L’embarras du choix, Monique Chiron, directrice de la Galerie du Granit et Nicolas Surlapierre, directeur des Musées de Belfort nous donnent rendez-vous il y a trente ans, aujourd’hui et dans dix ans.
La Règle du jeu L’embarras du choix : la peinture figurative dans les collections du Frac Franche-Comté À la Tour 46 à Belfort, du 8 mars au 27 mai À la galerie du Granit, du 8 mars au 13 avril Vernissage le samedi 9 mars www.legranit.org + www.musees-franchecomte.com
Pourquoi avez-vous choisi d’exposer les peintures figuratives de la collection du Frac ? Nicolas Surlapierre : Depuis quelques années, les Frac réfléchissent aux logiques de collection qui, au départ, n’avaient pas de relation au patrimoine. Or, nous voulions montrer ce phénomène de patrimonialisation qui se fait depuis quelques années maintenant. C’est ce que nous avions déjà abordé en 2011, avec l’exposition Hic sunt leones, dans laquelle nous avions valorisé un fonds de sculptures. Lorsque Sylvie Zavatta nous a invités pour le second round, nous excluions donc une grande partie de la sculpture ainsi que les axes plus récents de la collection. Légitimement, et sans se concerter, nous nous sommes tous, assez étrangement, orientés sur la peinture. Monique Chiron : Ce qui permettra de valoriser pratiquement l’ensemble de la collection sur le territoire et notamment des pièces qui ont été peu montrées.
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Quels sont les enjeux, pour vous, de construire une exposition à partir d’une collection ? Quelle latitude vous accorde-t-elle ? N.S. : Pour cette exposition, nous avions une règle du jeu. D’une part, l’invitation de Sylvie Zavatta. D’autre part, des peintures qui sont des choix d’acquisition spécifiques. Nous avions donc, bien sûr, la contrainte de la collection, mais nous avons essayé, pour ne pas simplement présenter des œuvres, de raconter une histoire. Quelle histoire peut-on raconter à partir des collections ? En regardant ces peintures, je me suis justement rendu compte que l’on pouvait raconter l’histoire de l’histoire de la peinture. Ça a été l’épine dorsale, le préalable historique. M.C. : Au Granit, nous avons jusqu’à présent exposé très peu de peinture. C’est évidemment lié à des raisons très concrètes d’espace. Par contre, à plusieurs reprises, il a été question de l’atelier du peintre dans ce lieu et dans cette exposition, sous différentes formes. N.S. : Cette notion d’atelier est très importante aujourd’hui, dans un contexte où l’atelier lui-même change. D’ailleurs, la galerie du Granit ressemble à un atelier, à un atelier infini, continu, qui suit pratiquement le fil de l’eau. Il fallait respecter la teneur du lieu et du Granit. C’est donc une sorte d’atelier du discours que nous allons présenter.
Russel Connor, The Kidnapping of Modern Art, 1991 Collection Frac Franche-Comté © Droits réservés
Et puis vous avez ajouté des règles au jeu, en proposant aux artistes sélectionnés de réactualiser leur regard sur leur œuvre… N.S. : Oui, tout ce travail a été fait, entre autres, pour réfléchir à la pratique de l’exposition, comme lieu d’expérimentation. C’est pourquoi il nous fallait une règle du jeu supplémentaire, qui a été l’invitation de l’artiste, soit à présenter une œuvre récente, soit à parrainer un jeune artiste pour répondre à son travail passé, soit à choisir une œuvre d’une collection. Ce qui m’intéressait c’était, un peu comme dans une mauvaise chanson sentimentale, de dire « on se retrouve 30 ans après, au même endroit ». L’exposition est finalement pensée comme une mauvaise chanson sentimentale, mais ce ne sera pas pour autant une mauvaise exposition. [rires] Elle sera à la fois tragique et très drôle, à l’image de l'Enlèvement de l’art moderne de Russel Connor, par exemple. D’ailleurs, on aurait pu appeler l’exposition La Règle du jeu, en référence au film de Jean Renoir, qualifié par son auteur de « drame
gai ». Ça aurait été très cinématographique, très peinture et ça aurait ramené extrêmement bien au sujet. M.C. : Mais nous avons déjà une règle du jeu dans l’exposition de Nicolas Pinier présentée actuellement au Granit. Et malheureusement, les récits que nous avons pu nous faire et l’aspect ultra-cinématographique ne seront certainement pas visibles dans l’exposition. Alors pourquoi L’embarras du choix ? N.S. : C’est moins sur le choix des œuvres que nous avons été embarrassés, que sur l’idée que la peinture est embarrassante, pour des tas de raisons. Elle est par exemple embarrassante dans un lieu comme la galerie du Granit. M.C. : Mais, cette exposition montrera justement qu’on peut intégrer des peintures dans ce lieu. Quelles ont été les réactions des artistes à cette invitation ? Se sont-ils prêtés au jeu ? N.S. : C’est une démarche très étonnante que de recontacter un artiste 30 ans après.
D’ailleurs, il y en a certains que nous avons eu du mal à retrouver, d’autres que nous n’avons jamais retrouvé, des artistes qui sont décédés… Pour ceux avec qui nous avons pu entrer en contact, ça a été très intéressant de voir ce qu’ils sont devenus et de voir si vous êtes toujours en accord avec leur travail ou non. Encore une fois, il y a une règle du jeu à accepter. Bien sûr, les artistes sont contents d’exposer, mais au début, j’imaginais qu’ils diraient « quelle chance d’être sorti de nulle part ! », « vous ressortez d’ailleurs une œuvre que j’ai complètement oublié… ». Au contraire, les artistes ont émis de grandes réserves. En revanche, ils ont souvent cherché à savoir pourquoi nous nous intéressons à ce qu’ils ont fait il y a quinze, vingt ou trente ans. Même si les réactions ont toujours été courtoises, un artiste a refusé de montrer son travail, et certains n’ont jamais répondu. M.C. : Notamment la seule artiste femme. Je ne m’en remets pas ! N.S. : En revanche, ce qui est très intéressant avec cette exposition, c’est de montrer que ces artistes qui font maintenant partie des collections patrimoniales ont pratiquement tous continuer à créer. Et de peindre ? N.S. : Oui ! Et non. Pour certains c’est un peu
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plus compliqué. Jacques Fournel, par exemple, a toujours fait des autoportraits. Maintenant, il réalise des autoportraits photographiques, car la photographie lui permet de créer des micro-narrations sur la peinture. Il travaille l’éclairage, le tirage, la qualité du papier, de sorte qu’elle soit, pour lui, le média le plus proche de la peinture. Ces paradoxes sont très intéressants à amener aussi parce que nous ne sommes plus du tout dans les mêmes formats. Nous sommes face à quelque chose de plus mutique qui demande un effort de concentration pour pouvoir répondre à deux questions devant son œuvre : quelle est la micro-narration qu’il nous délivre ? et surtout est-ce une problématique de la peinture ? Qu’est-ce qui fait peinture ? une photographie ? deux crânes de chèvres ? Cette exposition offre donc un regard sur la peinture figurative aujourd’hui. Est-elle un reflet de ce qui se fait dans les années 2010 ? N.S. : Je pense que oui. En sortant de l’exposition, on pourra se dire ce qu’est une certaine forme de peinture. Je suis frappé de voir qu’il s’agit d’une peinture débarrassée de toutes sortes de choses, assez emberlificotée, mais aussi assez libérée. M.C. : Il n’est évidemment pas possible de dire qu’il s’agit de la peinture telle qu’elle est aujourd’hui. Mais, tout de même, je suis persuadé que cette exposition donne tous les éléments de problématique sur la peinture aujourd’hui. On a une difficulté folle à généraliser et j’aimerais que cette exposition travaille aussi sur cette difficulté, car même si nous n’avons pas de réponse à donner, nous avons la possibilité d’observer et de faire observer des phénomènes.
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Vincent Bioulès, Vénus nous quitte, 1998 Collection Frac Franche-Comté © Adagp, Paris
Écrivez-vous, avec cette exposition qui propose une traversée du territoire pictural des années 80 à aujourd’hui, une petite histoire de l’art ? De la peinture ? N.S. : Oui, en quelque sorte. Du moins une histoire de l’art récente avec deux contraintes essentielles. La première est celle du manque de recul et la seconde est celle de la collection et qui a ainsi ses qualités indéniables, mais aussi ses lacunes. C’est cependant en assumant les lacunes que l’on peut voir ce qui se passe. C’est toujours passionnant de rassembler des
œuvres qui semblent au départ disparates et qui pourtant disent quelque chose. Il y a en tout cas des continuités, qui sont un peu notre pari de départ. Des œuvres comme celles de Bioulès, de Gasiorowski ou de Pommereulle nous permettent de mettre les bases de ce tournant pris par la peinture au début des années 1980. Et bien sûr, les sujets de ces peintures permettent de construire une certaine narration. M.C. : Cette exposition sera peut-être la seule sur l’histoire du Frac, sur le Frac dans son Histoire.
Gérard Gasiorowski, Préhistoire et Art Saïte, Femmes dans l'atelier, 1984 Collection Frac Franche-Comté © Galerie Maeght, Paris
M.C. : Oui, car ce sont deux lieux très différents : la Tour 46 est historique et patrimoniale tandis que la Galerie du Granit est plus expérimentale. Il y aura certainement deux histoires dans l’histoire, qui se rencontreront ou non et les peintures ne raconteront certainement pas la même chose en fonction du lieu dans lequel elles seront présentées.
Elle est le fruit d’un dialogue, entre vous, avec les œuvres, avec les artistes, entre les artistes et leurs œuvres anciennes, mais aussi entre les lieux ? Avoir deux lieux participet-il de cette narration ? N.S. : Je pense que cet aspect sera important, même si au départ, ce sont des faits matériels que d’avoir deux lieux séparés par la Savoureuse et par 400 mètres. C’est un peu tôt pour répondre, car nous n’avons pas encore vu les œuvres dans l’espace, mais je suis sûr que quelque chose va se dire.
Cette exposition est historiographique. Elle est également faite de générosité, de plaisir, d’humour et de jeu ? N.S. : Je l’espère [rires]. C’est sûr en tout cas qu’il y a un côté décalé, qui donne une touche de plus et qui répond également à la programmation du Granit. C’est aussi pour cela que je voulais travailler avec Monique. M.C. : La notion d’humour et de jeu est effectivement le fil conducteur de cette saison au Granit et c’est parce qu’elle est présente dans la proposition de Nicolas que j’ai décidé, justement, de jouer le jeu. De mon côté, il y a aussi une grande curiosité et une forme
de connivence. En tout cas, c’est sûr, il y a du plaisir. N.S. : J’ai l’impression que cette exposition, c’est exactement comme si on avait une cassette audio d’un enregistrement. Or, les cassettes deviennent désuètes puisque bientôt, nous n’aurons plus de lecteurs pour les lire. Ce que nous avons proposé, grâce à la confiance de Monique, c’est un nouvel enregistrement pour repartir pour dix ans. Puis dans dix ans, quelqu’un refera un mixage de tout cela. C’est en quelque sorte une manière de préserver la collection et de la réactualiser. par Claire Kueny
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Pour sa programmation printemps-été 2013, Philippe Cyroulnik, le directeur du Centre régional d’art contemporain Le 19 à Montbéliard, présente le travail de deux artistes qu'il connaît bien. Gros plan.
Aux bords du réel Au plus près / Sylvie Fajfrowska + Philippe Gronon du 18 mai au 25 août 2013 Le 19, Centre régional d’art contemporain à Montbéliard www.le19crac.com
Alors que certaines structures partenaires du Frac Franche-Comté ont construit leurs expositions essentiellement à partir d'œuvres de sa collection, vous faites le choix d’une formule en contrepoint. Si Le 19 a déjà été coutumier d’emprunts au Frac pour certaines de ses expositions, j’ai cette fois-ci souhaité regarder au plus près l’œuvre de deux artistes français représentés dans la collection du Frac, la peintre Sylvie Fajfrowska et le photographe Philippe Gronon. Cela me semblait riche de participer à cet événement d’ouverture sur le territoire en proposant, aux côtés de propositions de groupe, deux expositions monographiques pour lesquelles je n’emprunte qu’une pièce de chaque artiste au Frac, sur une sélection d’une vingtaine d’œuvres au total, plutôt récentes. Une collection étant à mon sens un survol d’œuvres, une monographie est une façon d’entrer dans l’intériorité du travail d’un artiste. Etre au plus près suggère un rapport d’attention à un ensemble d’œuvres, ce qu’autorise dans une moindre mesure une rencontre avec une seule pièce, si importante soit-elle. Mais il est peut-être encore un peu tôt pour considérer que toutes les œuvres du Frac Franche-Comté sont des chefs-d’œuvre...
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À travers des photographies d’artefacts de notre ère industrielle, Philippe Gronon décrit un monde en noir et blanc et en faceà-face... Un monde d’objets, au sens large, puisqu’il ne s’agit pas toujours d’objets que l’on manipule, mais qui ont du sens ! Parmi ses sujets, on trouve des observatoires, ascenseurs d’hôtels, monte-charges, tableaux d'amphithéâtres - supports d’écriture et d’effacement qui renvoient d’une certaine manière à une archéologie du savoir ; des objets de rangement, index, catalogues - la photographie servant aussi à une forme de catalogage ; des écritoires, compteurs d’établissements publics, pierres lithographiques, cuvettes de développement, châssis de tableaux... Je vois les sujets que photographie Philippe Gronon comme des objets qui traduisent des lieux et des outils de production, de circulation, d’accumulation d’énergie et de savoir et de reproduction de l’image. Ses photographies d’objets ne racontent pas des événements : leur force consiste à porter en elles beaucoup d’éléments du réel et de paramètres sur les rapports sociaux, ces « eaux glacées du calcul égoïste », pour paraphraser Karl Marx ! Il y a en effet une distance qui peut faire froid dans le dos ! Sans être métaphoriques, ses photographies possèdent un pouvoir de suggestion, entre des intérieurs, confinés, et des exté-
Philippe Gronon, HUBLOTS, 1994 Collection Frac Franche-Comté © Adagp, Paris
rieurs, sources de projection vers un ailleurs. Il ne s’agit pas d’une photographie du charnel : il n’y a pas de corporéité, mais plutôt une économie, une géométrie, une structuration, une architecture des objets, portés par leurs potentialités productives, d’accumulation, d’accueil, de fermeture, de protection, de transport. Ce travail n’esthétise pas le monde. Le caractère frontal des photographies est d’ailleurs une manière d’éviter toute forme de théâtralisation qui dramatiserait l’image. Chaque photographie de Gronon est un lieu construit et tendu, un lieu qui ne connaît pas d’états d’âme, qui ne se laisse pas aller au point de vue pittoresque. Et s’il y a une part documentaire, il y a aussi une logique d’abstraction des objets et de distanciation du réel qui ne récuse pas leur inscription dans un contexte historique et social.
Cette approche frontale ne rejoint-elle pas le souci de Sylvie Fajwroska de ménager dans sa peinture une articulation poreuse entre un traitement figuratif et abstrait de la forme ? Si Fajwroska commence chacun de ses tableaux en laissant apparaître progressivement le travail de la peinture, les formes et objets qu’elle représente sont comme mis à distance d’une certaine gestualité et perçus comme des motifs peu incarnés. Elle ne se situe pas dans un expressionnisme hystérique de la touche. Les couleurs, vives et mates, absorbent plus qu’elles ne réfléchissent, tandis que le modelé ne passe pas à travers un naturalisme mimétique. Le fonds des tableaux est d’ailleurs traité de façon abstraite, le dur comme mou, et le corps humain détaché de toute prise en charge psychologique. Dans
une série de tableaux intitulée Rencontres, les figures ont à la fois une dimension anthropomorphe et schématisée, comme s’il s’agissait d’androïdes, de figures humaines abstraites. Dans Trophées, sorte de vanité peu classique, des crânes ressemblent à des masques, donnant le sentiment qu’ils aient pu être fabriqués en série. La démarche de Sylvie Fajwroska prend place dans cette ambiguïté : faire une peinture où la figure serait un motif aux limites de l’abstraction et traiter un motif comme s’il pouvait porter en lui quelque chose d’une figure. En tout état de cause, ces deux artistes m’intéressent pour l’énergie et la structuration qu’ils donnent à leurs images. par Mickaël Roy
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Le fonds du silence Pour les trente ans des Frac, l'artiste Francis Baudevin conçoit avec des pièces issues du fonds du Frac Franche-Comté Tacet, exposition où l'auteur cède la place à l’œuvre.
TACET, Musée des Beaux-arts de Dole, exposition, 22 juin au 8 septembre 2013, www.musees-franchecomte.com
Terme latin se traduisant par « il se tait », « Tacet » signale, sur une partition, un moment de silence. Mais depuis 1952, l'annotation musicale a acquis une connotation particulière. En constituant l'unique indication de 4'33'', pièce pour piano de John Cage célèbre par le renouvellement du rapport à la musique qu'elle instaure, « Tacet » annonce autant une période de silence qu'elle appelle à une attention à l'environnement. Que Francis Baudevin choisisse ce terme pour l'exposition conçue au Musée des Beaux-arts de Dole à l'invitation du Frac Franche-Comté, n'a ici rien d'étonnant. D'abord, les références musicales traversent régulièrement le travail de l'artiste Suisse. Ses peintures, dont certaines utilisent les couvertures (recadrées, tronquées, agrandies) de disques et de logos, puisent leur inspiration dans ce domaine, tout en les abstrayant de leur contexte. Ensuite, il y a dans l'intitulé une mise en jeu, chère à Baudevin par ailleurs, du rapport à l'auteur, doublée d'une invitation à l'écoute. Si les artistes (de Claude Closky à Xavier Veilhan en passant par Bruno Serralongue) de la
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quarantaine d’œuvres exposées sont réduits au silence – l’accès aux pièces se faisant par leur titre et non par leur auteur –, c'est, peutêtre, pour dessiner un autre espace. Où ce qui est donné à entendre (et à voir) fait fi des catégories habituelles de courants artistiques et de médiums, pour révéler les trajectoires que les œuvres composent les unes avec les autres. Comment avez-vous reçu l'invitation du Frac Franche-Comté ? Pas si aisément que cela. Hormis une exposition réalisée récemment pour les enfants à la Salle de Bains, à Lyon, celles sur lesquelles j'ai travaillé se sont toujours focalisées sur des questions musicales, les collections y étant liées. Lorsque je suis venu rencontrer l'équipe du Frac, j'avais donc la ferme intention de renoncer à cette proposition, pensant ne pas être la bonne personne. Pourquoi ferais-je le commissariat alors qu'il y a plein de gens dont c'est le métier ? Après avoir découvert que le projet reposait sur une invitation à un artiste et vu la liste des œuvres du Frac, j'ai finalement accepté. Avez-vous choisi une problématique particulière ? À la base, l'invitation englobait les thématiques du temps et de la musique, mais je n'avais pas
Daan Van Golden, Heerenlux, 2003
envie d'y répondre de façon illustrative. Le temps est intrinsèque aux expositions : visiter, ça prend du temps. La musique, elle, n'est pas tellement présente, aussi parce connaissant peu les pièces sonores du fonds du Frac, je ne les ai pas choisies. Je considère qu'en tant que commissaire, il est difficile à la fois de découvrir et de montrer. Ayant besoin de faire des choix identifiés, je suis parti de ce que je connaissais. Quels sont les œuvres qui ont particulièrement influencé votre décision ? Une photographie noir et blanc de James Welling – qui n'est peut-être pas très emblématique du fonds –, a notamment constitué un déclic. Welling n'est pas un artiste qui fait les couvertures de magazine, c'est un peu un artiste pour les artistes et on ne s'empare pas immédiatement de son travail. Pour ma part, j'ai eu une entrée en matière humainement et artistiquement assez privilégiée à l’École Supérieure des Arts Visuels de Genève lorsque j'y étais étudiant. Avec Catherine Quéloz [historienne de l'art et commissaire d'exposition, ndlr], responsable du programme curatorial Sous-Sol, nous avons pu inviter James Welling à exposer. À l'époque, les stars de la photographie étaient des artistes tels que Cindy Sherman et les étudiants étaient assez peu curieux de son
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travail. Aujourd'hui encore, lorsque j'évoque Welling ils ont beaucoup de réticence, ne le comprennent pas bien. Le côtoyer pendant une semaine a vraiment été riche pour moi, c'est quelqu'un qui doute, et son approche m'a rassuré. Lorsque j'ai vu qu'il figurait dans le fonds du Frac, je me suis dit que si je ne le choisissais pas, il ne le serait peut-être pas et me suis senti investi de cette mission. Puisque il est un artiste pour les artistes, je me devais en tant qu'artiste de l'exposer... Qu'est-ce qu'un « artiste pour les artistes » ? Quelqu'un qui travaille en se disant que son public sont ses collègues et qui du même coup a une exigence particulière. Cézanne, par exemple, est un peintre pour les peintres et je ne sais pas si on le saisit bien lorsqu'on n'est pas peintre. Sa peinture est difficile, assez rude en termes d'images, sans effets. Pour ma part, j'ai eu tôt le sentiment que je me devais de faire un art compréhensible par ma famille, et suis donc assez soucieux du public. Après, il s'avère que ce n'est pas toujours le cas et certaines de mes pièces convoquent des références, sont plus codées que d'autres. Outre le souhait de donner à voir un artiste tel que James Welling, quels ont été vos choix ? Je pense d'emblée à un choix formel qui n'est pas lié à un médium mais à l'idée d'une nonoccupation de l'espace. Un certain nombre d’œuvres utilisant le dessin, la photographie, ou encore la vidéo donnent l'impression de libérer des espaces plus que de les contenir. Je ne dis pas « vide », car il s'agit plus de maîtriser l'espace du dessin de manière ouverte et dégagée. Ça me paraît important parce que cela permet les passages, ce n'est pas autoritaire. Les œuvres ne disent pas « regarde-moi ». C'est aussi pour cela que je n'ai pas choisi
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James Welling, Grrenhouse I, 1998
— Est-ce que le name dropping de l'art contemporain donne envie, au final ? —
— C'est en lisant Steve Reich que j'ai pris conscience de certaines choses sur l'idée de formes, les rapports entre contenu et contenant — beaucoup de vidéos : dans une exposition, assister au début d'une projection donne une contrainte. Là, on peut ne voir qu'une partie de celles proposées. Après, le fait que ces pièces dialoguent relève d'une intuition. Si je la formule maintenant, tout cela repose sur des paramètres pouvant être démentis par les pièces elles-mêmes au moment de l'accrochage. Mais disons que dans une intuition il y a déjà une demie vérité... Sylvie Zavatta évoque au sujet de vos choix cette idée de vide... Il s'agit plus précisément des interstices, des transitions. Le vide est par nature ce qu'il y a entre deux choses. La pièce de Cage, 4'33'', offre littéralement ça : entre les trois informations de durées, il y a du silence. Le seul geste observable – la fermeture du couvercle du clavier par le pianiste – serait alors l’œuvre. Mais cette action n'est pas du vide, elle est le moment de déplacement d'une pièce à l'autre. De la même façon, lorsque nous regardons une œuvre dans une exposition nous demeurons attentifs à ce qui se passe autour. J'aimerais rester attentif à cela lors du montage. À quel moment ce titre Tacet est-il apparu ? Le choix des pièces était fait. Je l'ai choisi intuitivement, en fonction de sa sonorité et de son emplacement en tant que « terme qui pourrait annoncer ». Il y a certes l'emprunt à John Cage, mais je trouve aussi que ça sonne bien. Et puis les expositions sont souvent silencieuses... Anticiper une œuvre silencieuse est impossible – si Cage avait su ce que donne 4'33'', cela n'aurait eu aucun intérêt – et ce titre me permet, peut-être, également de dire ça.
Pourquoi avoir choisi de ne pas communiquer le nom des artistes ? En dressant l'inventaire des œuvres, je me suis dit qu'il existe des piles entières de cartons d'expositions collectives avec les seuls noms propres, à tel point que ces derniers deviennent interchangeables. Je me suis alors demandé si nous étions réellement obligés de communiquer sur une liste de noms d'artistes. Est-ce que le name dropping de l'art contemporain donne envie, au final ? Avec une liste d'artistes, on catégorise inconsciemment assez vite – artiste conceptuel, figuratif, etc. – alors qu'en mettant les titres bout à bout autre chose se construit. Sans savoir si nous sommes dans le récit, cela me semble plus ouvert, plus prospectif, et en terme d'intrigue, plus étrange.
obsessionnelle. Cela me permet aussi d'être détaché vis-à-vis de mon travail et d'investir ce qui pourrait m'encombrer dans un domaine qui n'est pas le mien. Être obsessionnel avec mon travail serait horrible, tandis que dans la musique je suis un vrai collectionneur. Je recherche les moindres trucs obscurs, principalement en musique contemporaine, mais aussi en jazz, en rock. J'ai aussi plus de facilités à communiquer sur la musique que sur l'art, ayant l'impression que si l'on commence à mettre des mots sur ce qu'on fait, on en verrouille le sens. Mais pendant longtemps la musique a assez peu influencé mon travail. Cela a commencé avec l'enseignement, lorsque mes étudiants et mes collègues m'ont encouragé à en faire quelque chose. Et effectivement, j'en ai fait quelque chose.
Sylvie Zavatta évoque le prolongement de vos interrogations sur la notion d'auteur... Retirer les artistes du carton convoque évidemment cette question. Personnellement, cette notion m'est proche car je fais un travail à partir d'éléments dont je ne suis pas l'auteur. Je suis le fabricant, l'exécutant de mes tableaux, mais n'en invente ni les motifs, ni les couleurs et prendre quelques décisions ne fait pas de moi un auteur à part entière. Après, je ne suis pas dupe non plus et sans avoir un immense désir de cela, par la force de choses (comme ma raison sociale), je suis artiste...
Les références musicales traversent aujourd'hui nombre de vos œuvres... Ça m'a appris à devenir artiste. C'est en lisant Steve Reich que j'ai pris conscience de certaines choses sur l'idée de formes, les rapports entre contenu et contenant. Avant je ne savais pas que la forme pouvait précéder le contenu et découvrir cela m'a plutôt libéré, je me suis dit que je pouvais aussi être un artiste. Même maintenant, cela me permet de voir jusqu'à quel point on peut être radical. La musique m'offre un champ dans lequel j'ai une marge de manœuvre et peux évoluer. Elle m'est indispensable et je pourrais difficilement m'en passer.
Au-delà de l'exposition, quelle place occupe la musique dans votre travail ? Une place liée à la façon dont je pourrais m'informer. N'étant pas musicien, je découvre ce domaine sans a priori, de manière assez
par caroline châtelet
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En résidence au Frac Franche-Comté ce printemps, Zahra Poonawala dissèque et personnifie le son au travers d'installations amenées par sa passion pour la musique contemporaine.
Bouches de pouvoir
Installation Tutti, lors de l'exposition Panorama Fresnoy 2012 © Zahra Poonawala
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Qu’ils diffusent de la musique, des messages hautement politiques ou simplement destinés à améliorer le quotidien des usagers, les hautparleurs sont partout sans forcément que l’on s’en rende compte. Ces « bouches de pouvoir » comme les nomme Zahra Poonawala, jeune artiste passionnée par la spatialisation du son, sont aussi l’objet de son travail. Ses installations les mettent en scène comme des personnages à part entière, hiérarchisés presque comme une famille : « Les haut-parleurs ont leur propre vie. Ils dénotent d’une subtilité acoustique et physique différente selon leur forme et leurs caractéristiques. Cette curiositélà dépasse la langue. », explique l’artiste. De ce postulat découle une interrogation inhérente à son travail sur la propagation visuelle du son qu’elle a notamment formalisé derrière son installation Tutti, mise en place au studio national des Arts contemporains Le Fresnoy
où elle a passé deux ans. Divers haut-parleurs sont installés et jouent chacun une partition sonore différente, interprétant alors un orchestre nouvelle génération. Certains sont mobiles et réagissent à la présence humaine. Suivie par l’artiste Edwin Van Der Heide avec qui elle partage l’idée de recherches autour de l’interaction sonore, elle a pu « évoquer les mouvements entre musiciens, les déplacements du son, les variations de fréquence et de niveaux que l’on ressent au milieu d’un orchestre. » Une place qui n’est pas étrangère au fait que Zahra Poonawala soit elle-même musicienne et mue par l’idée que le public découvre de l’intérieur la musique. « Le côté visuel de mon travail m’est apparu en simultané, dit-elle. Je m’approche des musiciens quel que soit le biais : micro, caméra et je rends compte de cette documentation au travers de mon travail. Sans que cela soit trop pédagogique, je rends sensible le public à la perception du son pour qu’il participe de manière active. » Des acousmoniums, selon le terme de François Bayle, compositeur de musique concrète, représentés de manière plastique et cherchant toujours à rendre compte des variations de fréquence. Durant sa résidence et vu la proximité du Frac Franche-Comté avec le Conservatoire, Zahra Poonawala souhaite faire participer des musiciens, et, a priori, se pencher sur les voix. Une résidence de création qui lui permettra de pousser plus loin ses idées déjà très précises, mises en forme grâce au numérique. Médium par excellence accélérant notre compréhension du monde. par cécile becker
Double jeu Schüwer-Boss à l’origine du lieu (« une forme de résistance ! ») et à Sébastien Chaperon qui les a rejoint en cours de route. Désormais repérée, la galerie attire les soirs de vernissage une petite foule qui se presse autant pour la chaleur de l’accueil que pour découvrir les œuvres d’artistes choisis par affinité formelle et pour leur capacité à se confronter au lieu par Cécile et Hugo, ou, de plus en plus, invités dans le cadre de partenariats avec l’Isba ou la licence Méti notamment. Une fois n’est pas coutume, pour conclure sa résidence bisontine, Cécile Meynier s’apprête à exposer à domicile. Pas vraiment facile pour une artiste qui s’est fait une spécialité de travailler dans l’urgence in situ et qui ne veut surtout pas se contenter de déplacer son atelier dans la salle d’expo. Pendant sa résidence, elle a commencé par photographier les nombreuses maisons “Castors” que l’on trouve dans le quartier Palente. À partir des photos, elle a dessiné des formes noires symétriques qui ressemblent terriblement aux dessins d’Allan Mc Collum. « Ça me gênait dans la mesure où je ne voulais pas faire une redite du travail d’un artiste connu. » Alors, en partant de ces dessins qu’elle ne montrera peut-être pas pour laisser une place au mystère, elle a fabriqué des moules en carton. « J’affectionne cette méthode qui permet d’obtenir des formes très rigoureuses. Ces moules peuvent rester à l’état de maquette et devenir eux-mêmes des sculptures. » Pour poser ses sculptures en plâtre ou en carton, elle réalise des socles qui deviennent eux-mêmes œuvres à partir de matériaux de récup. « Ce sont des microarchitectures, des scénettes… On ne sait pas si ce sont des maquettes d’un environnement futur beaucoup plus grand ou si ça s’arrête là. C’est cette ambiguïté qui m’intéresse ». Si le premier volet de l’exposition à la MJC Palente permettra de montrer les étapes de sa recherche, le travail final exposé à Toshiba House sera plus sculptural avec une grosse installation. « Ma série des dérapages est terminée, mais je continue de travailler à partir d’éléments de l’espace réel que je m’efforce d’emmener ailleurs. Qu’est-ce que l’art pour moi ? C’est une question de dérapages, de déraillements. Il s’agit de trouver mes propres règles, mon propre système, pour proposer une alternative à la réalité. » Afin que cette histoire de duplicata s’inscrive au mieux et déborde dans les locaux de Toshiba House, Cécile Meynier a proposé à Hugo Schüwer-Boss et Sébastien Chaperon de réaliser une réplique d’une de ses pièces et réciproquement...
Pour conclure sa résidence bisontine, Cécile Meynier expose ses recherches à la MJC Palente et un ensemble de pièces symétriques à Toshiba House, à la fois atelier et lieu d’exposition.
Volume 16 : Duplicata / Cécile Meynier (voir p.33) Exposition de clôture de résidence FRAC Franche-Comté/MJC Palente. Du 25 mars au 7 avril à la MJC Palente et du 29 mars au 14 avril à Toshiba House 21 rue du Polygone à Besançon / 06 20 91 71 70 / www.toshibahouse.com
Pour rencontrer Cécile Meynier à Besançon, il faut s’échapper de la boucle par la rue de Dole ou le boulevard Charles de Gaulle et grimper pendant quelques centaines de mètres avant de virer dans la rue du Polygone. Là, au numéro 21, les automobilistes qui roulent au pas aux heures de pointe, ont quelques secondes pour apercevoir les œuvres exposées derrière la vitrine d’un ancien magasin de photocopieurs reconverti en galerie d’art depuis 2009. À l’arrière, trois petites pièces servent d’ateliers à Cécile Meynier et Hugo
par Philippe Schweyer
photo Vue d'atelier © Cécile Meynier
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Programme agenda
du Frac Franche-Comté dans la Cité des arts
Week-end d’ouverture : 6 et 7 avril 2013 Deux expositions : Des Mondes Possibles 6 avril au 25 août 2013 Marina Abramovic, Micol Assaël, Richard Baquié, Rosa Barba, Neal Beggs, Nina Beier, Julien Berthier, Etienne Bossut, Robert Breer, Alain Bublex, Balthasar Burkhard, James Lee Byars, Manon De Boer, Philippe Decrauzat, Silvie Defraoui, Simon Faithfull, Mario Garcia Torres, Shilpa Gupta, Jung Hee Choi, Julius Koller, Suzanne Lafont, Didier Marcel, Gianni Motti, Jean-Christophe Norman, Hans Schabus, Gregor Schneider, Georgina Starr, Laurent Tixador. L’exposition réunit pour leur grande majorité des œuvres entrées récemment dans la collection, laquelle, depuis 2006, se développe autour de la question du temps. Alors que les théories de la physique moderne ont ouvert une correspondance entre temps et espace, faisant surgir une quatrième dimension, les œuvres d’art, en marge du réel, ouvrent la voie à d’autres mondes possibles. Abordant le temps dans son acception scientifique mais aussi par le prisme du vécu, à travers la durée, les œuvres peuvent aussi engendrer des temporalités qui leurs son propres : processus de création qui sont donnés à voir ou à expérimenter par le visiteur, uchronies et récits fictionnels, distorsions historiques et anachronismes, vitesse, mouvement sont autant de portes d’entrées sur des univers temporels intrinsèques aux œuvres. Autant de « mondes en soi » à découvrir. test pattern [nº4] Ryoji Ikeda 6 avril au 15 septembre 2013 Comme un écho à l’architecture pixellisée de la Cité des arts, l’installation test pattern [n°4] de l’artiste et musicien japonais Ryoji Ikeda convie le visiteur à pénétrer dans un univers ultra-contemporain, à faire l’expérience d’une immersion dans l’image, la lumière et un son électronique minimal. Cette proposition inaugure une programmation régulière d’œuvres pensées et produites expressément pour la très atypique salle d’exposition située au rez-de-chaussée du Frac.
informations pratiques
Frac Franche-Comté / Cité des arts 2, passage des arts / 25000 Besançon +33 (0)3 81 87 87 00 contact@frac-franche-comte.fr www.frac-franche-comte.fr Le Fonds régional d’art contemporain de Franche-Comté est financé par la Région Franche-Comté et le Ministère de la culture et de la communication (Direction régionale des affaires culturelles Franche-Comté). Il est membre de PLATFORM, regroupement des Fonds régionaux d’art contemporain.
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Des événements gratuits Samedi 6 avril à 15h : Les Modulables, performances créées par Joanne Leighton, directrice du Centre Chorégraphique National de Franche-Comté à Belfort, et présentées dans les expositions du Frac. Samedi 6 avril à 20h30 : test pattern [live set], concert de Ryoji Ikeda à La Rodia, avenue de Chardonnet, 25000 Besançon *Entrée gratuite sur présentation du ticket à retirer à l’accueil de la Cité des arts à partir du lundi 18 mars (du lundi au vendredi de 8h à 18h - dans la limite des places disponibles)
Dimanche 7 avril à 15h : Brancusi contre les Etats-Unis, un procès historique, 1928, lecture d’extraits des minutes du procès Dimanche 7 avril à 17h30 : Tirage au sort du passeport pour l’art contemporain dans le cadre de Déviation# 2, proposé par le BRAC (Besançon Réseau Art Contemporain) Jeudi 11 avril à 18h30 : Les Mondes Possibles : des virtualités concrètes, conférence d’Anne Cauquelin Samedi 18 mai : ouverture exceptionnelle jusqu’à 23h dans le cadre de la « Nuit des Musées » / concerts d’Alessandro Bosetti à 20h30 et à 22h Jeudi 23 mai à 18h30 : Sophie Lapalu / JeanChristophe Norman : de l’action à la conversation, échange autour du projet Cartes postales du Mont Fuji Jeudi 30 mai à 20h : ElectroA, concert de eRikm et Abril Padilla en partenariat avec l’association Intermèdes Geographiques dans le cadre du projet Traversées Jeudi 6 juin à 18h30 : conférence autour d’une œuvre de la collection du Frac Rosa Barba, les géologies de la distance de Marjorie Micucci Mercredi 12 juin à 20h : soirée Playtime : Tom Johnson et l’ensemble Ictus
Horaires Du mercredi au dimanche Hiver (du 16.09 au 14.06) de 11h à 17h Eté (du 15.06 au 15.09) 11h à 19h Fermeture le 01.05, les 24, 25, 31.12, le 01.01 Scolaires du mardi au vendredi de 10h à 17h du 16.09 au 14.06 et de 10h à 19h du 15.06 au 15.09 Horaires du centre de documentation : du mercredi au samedi de 14h à 18h (été) et de 13h à 17h (hiver) Tarifs Tarif plein : 4 euros / Tarif réduit : 2 euros Gratuité : scolaires, moins de 18 ans et tous les dimanches
Les expositions du deuxième temps Exposition monographique de Francis Baudevin Du 11 septembre 2013 au 5 janvier 2014, vernissage le 24 septembre Exposition monographique de Susanna Fritscher Du 25 septembre au 1er décembre 2013, vernissage le 24 septembre
Service des publics du Frac Franche-Comté dans la Cité des arts
avril r septembre 2013
Les propositions tous publics
Familles, enfants, ados
La traversée de l’exposition : un parcours accompagné à la découverte de l’exposition en cours. Découverte de l’exposition Des Mondes Possibles : tous les samedis et dimanches à 15h ; durée 1h30.
Le Carré : un espace temporaire installé dans le hall, point de rencontre entre les médiateurs, les enfants et les parents à travers des jeux, des mini-expériences ou des « ateliers-flash », pour partir dans l’exposition avec quelques pistes à explorer ensemble. Tous les premiers dimanches du mois de 14h à 17h
Découverte de test pattern [n°4] de Ryoji Ikeda : tous les samedis à 14h ; durée 30 à 45 min. Le tour d’une œuvre : un focus sur une œuvre exposée pour tenter d’en faire le tour, avant la pause déjeuner ; durée 45 min. Vendredi 12 avril à 12h15 autour de test pattern [n°4] de Ryoji Ikeda. Vendredi 24 mai à 12h15 autour de Float de Robert Breer. Vendredi 21 juin à 12h15 autour de Tam Tam jungle d’Etienne Bossut. Vendredi 13 septembre à 12h15 autour de test pattern [n°4] de Ryoji Ikeda. L’itinéraire bis laisse le champ libre aux parcours croisés, aux approches thématiques, aux rencontres avec des intervenants extérieurs. Tous les samedis de juin et de juillet, de 14h à 15h, visite de la Cité des arts : un point de vue architectural proposé par l’office de tourisme de Besançon. En août : les samedis 3, 17 et 31 août. Renseignements auprès de l’office de tourisme. Samedi 4 mai de 10 à 12h : une « marche simultanée » avec l’artiste Jean-Christophe Norman. En parallèle de son propre parcours à pied reliant le Frac Franche-Comté et le Frac PACA tous deux conçus par Kengo Kuma, nous marcherons nous aussi à la découverte de la question de la marche dans l’art. (date sous réserve, inscription préalable conseillée)
agenda
Les ateliers touchatou, les mercredis et pendant les vacances scolaires, pour aborder les oeuvres par le biais d’une démarche créative et des expérimentations de toute sorte. Age : 7-12 ans Ateliers touchatou «marche du temps, temps qui court », ou comment évoquer le temps autrement que par les calendriers et les pendules. Durée : 1h30. Les mercredis 15 et 22 mai ; 5, 12 et 19 juin et le mercredi 3 juillet. Vacances scolaires de Pâques : le jeudi 18 et vendredi 19 avril et le jeudi 25 et vendredi 26 avril. Vacances scolaires d’été : le jeudi 11 et vendredi 12 juillet ; le jeudi 8 et vendredi 9 août et le jeudi 15 et vendredi 16 août à 14h30. Atelier touchatou autour de l’œuvre de Ryoji Ikeda : « touche la lumière, attrape le son ! » : expérimenter des matériaux aussi insaisissables que la lumière ou le son. Les mercredis 22 mai, 26 juin, et les 4 et 11 septembre à 14h30. Vacances scolaires d’été : le jeudi 25 et le vendredi 26 juillet ; le jeudi 22 et le vendredi 23 août à 14h30. Les teen set s’adressent particulièrement à la tranche d’âge des 12-15 ans avec des propositions de stages de pratique sur quelques jours initiés par des artistes ou des collectifs. Premier teen set en juillet avec Superseñor, collectif de graphistes à Besançon. Expérimentations avec une photocopieuse et sérigraphie, jeux autour de la notion de temps. www.supersenor.fr 3 demi-journées : le samedi 6, mercredi 11 et jeudi 12 juillet de 14h à 17h Renseignements, pré-inscriptions : 03 81 87 87 00
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Les éditions
Diffusion les presses du réel / www.lespressesdureel.com
du Frac Franche-Comté Collection Conférences La collection Conférences offre une analyse approfondie d'œuvres de la collection du Frac. Chaque ouvrage propose une lecture d'une œuvre par un spécialiste (historien, critique, chercheur...). Actualité
#2 (2012, édition bilingue français/anglais) Istvan Balogh - Out-and-Out (Ecstasies) / Stéphanie Jamet-Chavigny Déjà paru #1 (2012, édition bilingue français/anglais) Mario Garcia Torres – What doesn’t kill you makes you stronger / Elisabeth Wetterwald A paraître #3 (2013, édition bilingue français/anglais) Stephan Balkenhol – Petit nu / Erik Verhagen Collection Abécédaires La collection Abécédaires est une proposition éditoriale offerte aux artistes représentés dans la collection ou reliés à la programmation artistique du Frac. Ils acceptent de se plier à la contrainte du genre mais choisissent librement les modalités de leur expression (textes, dessins, images...). Actualité
#2 (2013, édition bilingue français /anglais) Sophisme by Joël Hubaut (version anglaise inédite de Ian Monk) Déjà paru #1 (2012, édition bilingue français/anglais) Abécédaire de Taroop & Glabel A paraître #3 (2013, DVD, édition français/anglais) ATOZ/ Robert Breer Collection Sound-Houses La collection Sound Houses enfin propose chaque année la production d'un vinyle ou d'une édition en lien avec les arts sonores (poésie sonore, arts plastiques, cinéma et musique expérimentale...). Cette collection s'inscrit dans un espace plus large de recherches intermédia dédié aux pratiques et au champ culturel des arts sonores que le Frac propose depuis 2011 à travers sa programmation et son centre de documentation et d'archives. Actualité
LP # 2 : Renard /Alessandro Bosetti (2013) (Alessandro Bosetti (voix, oscillateur), Laurent Bruttin (clarinette, clarinette basse), Seth Josel (guitare classique)) Déjà paru LP # 1 : Les chiens de la casse (2012) (Le vinyle de Charles Pennequin en collaboration avec le groupe Gun-Gi et Laurie Franck) Hors collection Par ailleurs, le Frac Franche-Comté édite ou coédite des ouvrages directement liés à sa programmation artistique, à ses axes de recherches et aux artistes qu’il soutient. Actualité Phill Niblock – Working Title + DVD (2013, édition bilingue français/anglais) Les presses du réel – collection Ohcetecho (arts sonores) - Publié avec le Centre d'art mobile, le Consortium, l'Espace Gantner, le Frac FrancheComté, le Musée de l'Elysée et la Villa Arson.
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Déjà paru Architecture et temps (2012, édition bilingue français/anglais) Contributions de Elie During, Kengo Kuma, Christine Buci-Glucksmann, Sophie Houdart, Florian de Pous / Agence Lacaton & Vassal, Alain Bublex, Flavien Le Bouter, Joël Garnier, JeanSébastien Cluzel, León Arellano-Lechuga, Bruno Marzloff.
Les circonstances du hasard / Jean-Christophe Norman (2012, édition bilingue français/ anglais) Publié par les Frac Alsace, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Lorraine. Texte de Laurent Buffet, entretien de Marjorie Micucci avec Jean-Christophe Norman A paraître Traversées - Stephan Girard / True Love Nicolas Waltefaugle (avril 2013)
En même Temps, en Franche-Comté À Besançon BRAC Besançon Réseau Art Contemporain Déviation# 2 Mars à mai 2013 Expositions, éditions, événements et grand jeu de l’art : Passeport pour l’art contemporain du 20 mars au 7 avril Vernissages, performances et nocturne le jeudi 4 avril jusqu'à 21h parcours du jeudi 4 au dimanche 7 avril En partenariat avec le Frac Franche-Comté artyevents/ronchauxRoom 26 rue Ronchaux / 25000 Besançon +33(0)6 03 54 02 54 ouverture exceptionnelle les vendredi 5 et samedi 6, 14h-18h et le dimanche 7, 14h-17h sinon sur rendez-vous. du 4 au 21 avril 2013 vernissage : jeudi 4 avril, 16h-21h Saison 2, épisode 7 : Sébastien Chaperon ; Joëlle Flumet Centre d'art Le Pavé Dans La Mare 7 place Victor Hugo / 25000 Besançon +33(0)3 81 81 91 57 du mercredi au samedi de 14h à 18h ouverture exceptionnelle le dimanche 7 avril de 14h à 17h du 4 avril au 24 mai vernissage : jeudi 4 avril, 16h-21h Camarde Camarade Rodolphe Huguet Galerie Jean Greset 7 rue Rivotte / 25000 Besançon +33(0)3 81 81 38 52 et +33(0)6 80 21 33 03 du mardi au samedi : 10h-12h et 14h-19h, et sur rendez-vous ouverture exceptionnelle le dimanche 7 avril : 10h-12h et 14h-17h vernissages et nocturne le jeudi 4 avril jusqu’à 21h
She's a Rainbow du 20 mars au 27 avril 2013 vernissage : mercredi 20 mars, 16h-21h nocturne jeudi 4 avril jusqu'à 21h Suite de l'exposition à l'Espace Zéro, l’infini galerie Jean Greset 3 rue Clos / 70150 Etuz 33(0)3 81 81 38 52 et +33(0)6 80 21 33 03 ouverture exceptionnelle les samedi 6 et dimanche 7 avril : 10h-12h et 14h-18h, sinon sur rendez-vous Institut supérieur des Beaux-arts (ISBA) de Besançon Franche-Comté 12 rue Denis Papin / 25000 Besançon tél. : +33(0)3 81 87 81 30 du lundi au vendredi : 14h-18h Monozokuri 2 Grande Galerie du 21 mars au 12 avril 2013 vernissage : jeudi 21 mars, 18h30-21h (soto) / Dehors Commissariat : Frédéric Weigel Espace 24, Sous-sol et bibliothèque du 2 au 12 avril vernissage : mardi 2 avril, 18h30-21h L'Artothèque de Besançon 7 rue Rivotte / 25000 Besançon +33(0)3 81 81 38 52 et +33(0)6 80 21 33 03 du mardi au samedi : 10h-12h et 14h-19h Magasins et lieux publics du quartier Rivotte du jeudi 4 au dimanche 7 avril Rivotte, le quartier des Arts Musée du Temps 96 Grande Rue / 25000 Besançon +33(0)3 81 87 81 61 Salle des partenaires du jeudi 4 au dimanche 7 avril 14h-18h et dimanche de 14h à 17h Vente d’éditions et de livres d’artistes par La maison chauffante et les éditions Untitled performances proposées par EnCasOù le 4 avril 17h30 Omnibus, concept-store 18 rue de la Bibliothèque / 25000 Besançon / tél. : +33(0)3 81 50 88 46 et +33(0)6 23 68 12 67 le lundi de 14h00 à 19h00 ; du mardi au
vendredi : 10h-12h30 et 13h30-19h ; le samedi : 10h-19h du samedi 2 mars au 18 avril vernissage : vendredi 8 mars, 18h-21h nocturne le jeudi 4 avril, jusqu'à 21h Sex and Rituals. Jean-Pierre Sergent Toshiba House, atelier & lieu d'exposition 21 rue du Polygone / 25000 Besançon +33(0)6 20 91 71 70 ouverture exceptionnelle les vendredi 5 et samedi 6, 14-18h et dimanche 7, 14h-17h ou sur rendez-vous du vendredi 29 mars au dimanche 14 avril vernissage : jeudi 28 mars, 18h-21h nocturne jeudi 4 avril, jusqu'à 21h Performance/conférence de Marguerite Bobey le samedi 6 avril à 11h suivie d’un brunch Volume 16 : Duplicata. Cécile Meynier En partenariat avec le Frac Franche-Comté Un second volet est présenté à la MJC Palente 24 rue des Roses / 25000 Besançon +33(0)3 81 80 41 80 Jusqu’au au dimanche 7 avril vernissage : mercredi 27 mars, 18h-20h
Passeport pour l’art contemporain Du 20 mars au 7 avril Visitez les expositions du parcours, participez au jeu gratuit et gagnez de nombreux objets d’art. Lors de votre passage dans chaque lieu participant à Déviation #2, n’oubliez pas de faire tamponner votre Passeport pour l’art contemporain. Six cases sur neuf doivent être validées pour que le bulletin puisse être déposé. Déposez votre Passeport avant le 7 avril à 16h dans l’une des urnes présentes dans les lieux participants. Un tirage au sort aura lieu le dimanche 7 avril à 17h30 dans la salle deconférence du Frac à la Cité des arts.
brac.contact@gmail.com
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Espace multimédia gantner Grimoire du futur de Suzanne Treister du 23 mars au 31 août. Grimoire du futur est une exposition qui interroge l’histoire des technologies au travers des programmes militaires, de l’évolution du Web 2.0, de la science-fiction, de la contre-culture, des expérimentations scientifiques ou de la manipulation des masses… Vernissage le 23 mars à 17h. Espace multimédia gantner, 1, rue de la Varonne à Bourogne (90) 03 84 23 59 72 / lespace@cg90.fr Entrée libre du mardi au samedi de 14h à 18h et le jeudi jusqu'à 20h. www.espacemultimediagantner.cg90.net Le 19, Crac Montbéliard Le 19 est fermé pour la réalisation de travaux jusqu'au 17 mai… Cependant les expositions hors les murs continuent : Des Projets des Armes – Du 29 mars au 12 avril Collectif Encastrable Du mardi au vendredi de 14h à 18h. Espace Gandhi, 77 grande rue à Audincourt, 03 81 36 37 85 Florence Chevallier – Du 9 mars au 13 avril Du lundi au samedi de 9h à 12h et de 14h à 18h, 2 avenue de l'espérance à Belfort, 03 84 36 62 10 Montagne froide Le 7 mars, FabrikaVoxa / Montagne Froide événement art contemporain Son Poésie Performance, Espace Gantner (90). Avec Patrick Beurard-Valdoye Denys Blacker, Joan Casellas, Julien Cadoret, Dejan Gacond, Sébastien Lemporte, Collectif Action… Du 16 au 25 mars, soirée le 22 mars VideoCapitale / Montagne Froide avec le Conseil Général de Haute-Saône, à Montbozon Vidéos de Pierre Alferi, John Armleder, Thananasis Chondros & Alexandra Katsiani, Hervé Constant, Julien Daubigny, Anne Durez, Collectif Fact… Le Centre d'Art Mobile et le Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon présentent : Beat Generation # 4 Brion Gysin Une exposition qui aura lieu au Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon du 13 mars au 14 mai 2013 Art en plein air à Malbuisson du 8 juin au 15 septembre Pièces d’été est une exposition d’Art contemporain en plein air dont la première édition accueillera pendant près de cent jours, le long d’un parcours de cinq kilomètres entre forêt de sapins, bords du lac Saint-Point et le village de Malbuisson (25) des œuvres et installations de plus d’une vingtaine d’artistes de renommée internationale. Des performances, conférences et animations ponctuelles sont programmées tout au long de la durée de l’exposition. Contact : organisation@malbuisonart.com 34
Parcours Fourier Sylvie Auvray Roe Ethridge Liam Gillick Swetlana Heger Loïc Raguénès Franck Scurti
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Beat Generation John Cale Alain Dister Paul-Armand Gette John Giorno Brion Gysin Matthieu Messagier Olivier Mosset Claude Pélieu
Asc lub C
www.centre-dart-mobile.eu
claude.alex@gmail.com
En Franche-Comté
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TACET Musée des beaux-Arts de Dole
22 juin —— 8 septembre 2013
Jurahokusai — Sans titre — 70 — Namibie (D) — Un virage — Georg Friedrich Haendel 1685-1753 Domenico Scarlatti 1685-1757 — Neugier — Roulor — The Mozart room — Chiara and Chair — Glare Debate (18% Reflectance) N°1 — Halle IV — Clarinet Trio — Soleils, Lunes — Les Lumières de la ville Ouverture de la Chauve-Souris / Orchestre de Besançon-Montbéliard Franche-Comté Orientacia Sport HRY — Walt Disney production — Harnes (62) — Fumel (47) — Sans titre Taste — Casting IV — Sans titre — Mashup IV — Bedded bed — Sans Titre — She sees people Table des matières — Moulinex — Plakat VIII — KKG V — KKG IX — Mediavision Sommet Mondial sur la Société de l'Information, Tunis, 2005 — Heerenlux Paysage Fantôme n°5 — Sans titre (Architectures) I see sunny — Greenhouse I
)
des mondes possibles test pattern [nº4] duplicata tacet monsieur surleau et le cyclope au plus près sylvie fajfrowska, philippe gronon l’embarras du choix : la peinture figurative dans les collections du frac franche-comté les pléiades - 30 ans des frac la sirène tam tam jungle le ruban / skull cartes postales du mont fuji
des œuvres des expositions
Cité des arts 2, Passage des arts 25000 Besançon
+ 33 (03) 81 87 87 00 contact@frac-franche-comte.fr www.frac-franche-comte.fr