La culture n'a pas de prix
07 —> 09.2015
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sommaire
ours
Nº35 Directeurs de la publication et de la rédaction : Bruno Chibane & Philippe Schweyer Rédacteur en chef : Emmanuel Abela emmanuel.abela@mots-et-sons.com 06 86 17 20 40 Secrétaire de rédaction : Cécile Becker Direction artistique et graphisme : starlight
Ont participé à ce numéro : REDACTEURS Natacha Anderson, Florence Andoka, Cécile Becker, Betty Biedermann, Marie Bohner, Benjamin Bottemer, Caroline Châtelet, Mégane Dongé, Sylvia Dubost, Nadja Dumouchel, Sylvain Freyburger, Anthony Gaborit, Chloé Gaborit, Xavier Hug, Paul Kempenich, Claire Kueny, Nicolas Léger, Stéphanie Linsingh, Camille Malnory, Guillaume Malvoisin, Marie Marchal, Alice Marquaille, Fanny Ménéghin, Antoine Oechsner de Coninck, Adeline Pasteur, Julien Pleis, Martial Ratel, Mickaël Roy, Vanessa Schmitz-Grucker, Christophe Sedierta, Sophie Simon, Claire Tourdot, Fabien Velasquez. PHOTOGRAPHES ET ILLUSTRATEURS Éric Antoine, Vincent Arbelet, Janine Bächle, Pascal Bastien, David Betzinger, Julian Benini, Laurence Bentz, Oriane Blandel, Olivier Bombarda, Aglaé Bory, Sébastien Bozon, Marc Cellier, Ludmilla Cerveny, Caroline Cutaia, Léa Fabing, Mélina Farine, Chloé Fournier, Xavier Frère, Sherley Freudenreich, Sébastien Grisey, Marianne Maric, Patrick Messina, Renaud Monfourny, Elisa Murcia-Artengo, Zélie Noreda, Arno Paul, Yves Petit, Olivier Roller, Dorian Rollin, Frédéric-Judicaël Rollot, Camille Roux, Christophe Urbain, Nicolas Waltefaugle, Sophie Yerly.
ÉDITO
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CARNET Le monde est un seul 7 Le bréviaire des circonstances 9 Pas d’amour sans cinéma 11 Plastic Soul 13 Une balade d’art contemporain 40-41 Carnaval 98
INSITU 12-20 Le tour d’horizon des expositions de peinture, œuvres sur papier et installations
FOCUS 22-38 La sélection des spectacles, festivals et inaugurations
CONTRIBUTEURS Catherine Bizern, Bearboz, Christophe Fourvel, Vanessa Schmitz-Grucker, Chloé Tercé, Sandrine Wymann.
COUVERTURE Christophe Urbain www.urbainc.com
IMPRIMEUR Estimprim – PubliVal Conseils Dépôt légal : juillet 2015 ISSN : 1969-9514 – © Novo 2015 Le contenu des articles n’engage que leurs auteurs. Les manuscrits et documents publiés ne sont pas renvoyés.
Ce magazine est édité par Chic Médias & médiapop Chic Médias 12 rue des Poules / 67000 Strasbourg Sarl au capital de 25000 € Siret 509 169 280 00013 Direction : Bruno Chibane bchibane@chicmedias.com – 06 08 07 99 45 Administration, gestion : Charles Combanaire
médiapop 12 quai d’Isly / 68100 Mulhouse Sarl au capital de 1000 € Siret 507 961 001 00017 Direction : Philippe Schweyer ps@mediapop.fr – 06 22 44 68 67 www.mediapop.fr
RENCONTRES 42-58 Schuiten & Peeters 42 L’équipe de Fluide Glacial 46 Enrica Antonioni 48 Anna Calvi 50 Loup Barrow 52 David Krakauer 53 Owen Pallett 54 Olivier Py 56
MAGAZINES 60-93 Olivier Cadiot 60 Philippe Poirier 66 BangBangCockCock 70 Hot Chip 72 Vincent Perrottet 74 le Studio Horstaxe 76 Ayline Olukman 78 Claire Morgan à Fernet-Branca 80 Jorge Mendez Blake à la Kunsthalle 82 Robert Cahen au Musée du Temps 84 Elmar Trenkwalder au Frac Alsace 86 Morgane Tschiember au Musée des Beaux-arts de Dole 88 Claude Marguier 89 Le Théâtre du Peuple 90 Scènes de rue à Mulhouse 92
ABONNEMENT — www.novomag.fr Novo est gratuit, mais vous pouvez vous abonner pour le recevoir où vous voulez. ABONNEMENT France 5 numéros — 40 euros / 10 numéros — 70 euros ABONNEMENT hors France 5 numéros — 50 euros / 10 numéros — 90 euros DIFFUSION Vous souhaitez diffuser Novo auprès de votre public ? 1 carton de 25 numéros — 25 euros 1 carton de 50 numéros — 40 euros
SELECTA Disques 94
Livres 96
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édito Par Philippe Schweyer
Le vélo, le soleil, le rock et la pizza
Je pédalais en solo sur l’Eurovéloroute, quelque part entre Nantes et Budapest. De temps en temps un cycliste aux mollets d’acier et aux chaussettes en titane me dépassait sans me laisser la moindre chance de m’accrocher à sa roue. Ce satané soleil faisait fondre le bitume qui s’accrochait comme du chewing-gum à mes boyaux. Je me suis arrêté sous un saule pleureur pour me dégourdir les jambes et reprendre mon souffle. Encore quelques kilomètres et il serait temps de planter ma tente au bord de l’eau. Alors que je m’apprêtais à repartir, un cycliste, qui arrivait en sens inverse, s’est arrêté à ma hauteur. Quoique équipé comme un super pro, les jambes parfaitement rasées et huilées, le maillot fluo collé à la peau et la tête avantageusement casquée, il semblait en état de déshydratation avancée : – Putain j’ai soif. – Tu veux un peu d’eau ? – Je ne bois plus d’eau. Je suis sûr que l’eau est empoisonnée et que c’est à cause de ça que les femmes ne veulent plus de moi. – Tu me rappelles Something in The Water, une chanson de Prince. – Tu parles, ce nabot a tout pompé sur moi. – Toi aussi tu joues de la guitare comme un Dieu ? – Plus maintenant, j’ai de l’arthrose à cause de cette saloperie de flotte empoisonnée ! – Il me reste quelques canettes de bières. – Elles sont fraîches ? – La bière trop fraîche, ça te coupe les jambes. – Je t’en prends quand même une et je repars. Je n’aime pas discuter quand je fais du vélo. Je préfère mouliner tout seul dans ma tête… – Tu penses à quoi quand tu moulines ? – Aujourd’hui, j’ai commencé à compter mes amis. Il y a les amis pour la vie, les amis oubliés, les amis potentiels, les amis déjà morts… – Un ou deux amis pour la vie, c’est déjà pas mal. C’est ce dont tout le monde rêve, mais ça n’existe qu’au cinéma ! – Si tu penses à Gianni, Antonio et Nicola dans Nous nous sommes tant aimés, le film est plutôt amer… Nous voulions changer le monde, mais le monde nous a changés ! – Si seulement mes amis voulaient changer le monde au lieu de se laisser dériver. – On passe tous notre vie à changer. Mieux vaut un ami qui change qu’un ami qui te trahit. Un ami qui te trahit, c’est tragique comme un coup de couteau dans le dos et ça fait mal comme un coup de poignard en plein cœur. – Tu veux une autre canette ? – Je ne préfère pas. L’alcool me donne des idées noires. J’ai besoin de pédaler pour me changer les idées. Quand la vie part en sucette, heureusement qu’il reste le vélo ! – Le vélo et le soleil… – Le vélo, le soleil et le rock… – Le vélo, le soleil, le rock, la littérature, le cinéma et la pizza… – Bon je te laisse. J’ai l’impression qu’on aurait presque pu être amis. – La vie est faite de morceaux qui ne se joignent pas. – C’est bien ce que je disais, on aurait presque pu être amis.
Livre disponible en librairie 49€
Olivier Roller Regards sur 20 ans de portraits
Visage 200 portraits | 300 pages chicmedias éditions
Avec la participation de Rodolphe Burger, Jean-Claude Brisseau, Daniel Cohn-Bendit, Christophe Donner, Clara Dupont-Monod, Mike Hodges, Julia Kerninon, André S. Labarthe, Jean-Luc Nancy, Nathalie Quintane…
shop.zut-magazine.com www.chicmedias.com
mis à nu
Le monde est un seul
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Christophe Fourvel
Comment va le monde depuis trente cinq ans ? Les chansons dessinent des moments aussi légers que ceux de l’amitié. Pas de ces heures pendant lesquelles on questionne vraiment notre vie, mais de celles où l’on s’attarde à une terrasse d’automne ensoleillée, où l’on marche dans des paysages qui nous rendent généreux et gais, et parfois « délicieusement tristes » comme l’écrit Sei Shōnagon. Je fais partie de ces gens qui ont toujours eu du mal à se passer de mots. Qui ont toujours écouté des chanteurs. Depuis Brel, depuis Ferré, bien sûr. Ces chanteurs qui donnent à l’adolescence un peu de théâtralité et beaucoup de sublime ; qui vous désignent comme albatros tout en décrivant un ciel qui en est peuplé. Ensemble, ils préfigurent un ailleurs autrement plus enivrant que « la chétive vie ». Les chansons n’ont pas remplacé les livres et les films, non, mais c’était comme des voisines amies que j’aimais croiser dans les escaliers de ma vie, le matin ou le soir, quand je partais grandir. Alors, maintenant qu’il n’est plus tout à fait question de grandir, j’avais envie de rendre hommage à ces compagnons, qui furent de vinyles, de bandes, sur CD. C’est, je crois, avec les chansons de Bernard Lavilliers que je vis la plus longue histoire. Des types un peu plus âgés que moi m’avaient fait découvrir Ô Gringo à sa sortie, en 1980, j’avais 15 ans. 35 ans que les paroles d’Attention fragile esquissent dans mon imaginaire un matin précieux ; que j’aime l’idée d’un enfer, où l’on pourra prendre le gouvernement. À l’adolescence, j’ai remonté le temps, jusqu’au Stéphanois, dans la foulée de ma découverte de Sertao et de Trafic. Je crois avoir toujours été fidèle à l’exception d’un petit trou d’air que je ne m’explique pas du temps d’État d’urgence et de Tout est permis rien n’est possible que je n’ai jamais possédés. J’allais voir tous les concerts, adorais Pouvoirs, Quinzième round...
Je me souviens du soir où j’ai acheté Solo sous le format CD parce que désormais je possédais un « baladeur ». Une chaîne de magasins s’était offert l’insolence d’ouvrir jusqu’à minuit, il n’était pas loin de cette heure magique, je venais de tomber amoureux et j’errais. Je commençais à me méfier des aphorismes et des formules, je préférais le témoignage d’un rapport au monde différent à un texte de contestation et c’est justement ce virage qu’opérait le chanteur alors j’ai continué mes trajets en voiture avec lui. Il y a longtemps déjà que je réserve les chansons à l’espace de ma voiture. Les mots et les rimes se réverbèrent mieux dans la solitude des routes, sur les paysages fugaces. Comme tout le monde, je pourrais citer ici des titres de chansons et des paroles, celles que j’ai gravées ensemble pour le plaisir des raccourcis du temps que nous offre la musique : Berceuse pour une shootée avec Solidaritude, Copoëira avec L’amour et la mort… Mais tout le monde sait ça, cette foutue tendresse que nous renvoie les souvenirs de notre vie collée à sa bande-son discrète et fidèle. Tout le monde connaît ce flocon d’émotions qui s’agrège à quelques notes de musique. Ce trajet au long cours que l’on accomplit avec quelques accords, parmi des beautés et des rimes simples qui sont comme ces draps que l’on ne change pas, plein de grains de sable et de parfums mêlés. J’aime l’idée qu’il y a dans la discographie d’un homme tous les visages de mon existence. Il faut un immense talent pour durer ainsi. La durée est devenue un sujet politique, une beauté antique et bafouée. Entre Utopia et Vivre encore, dans le ressac mélancolique entre l’amour et la mort, entre « les alizés du Pacifique » et « les îles d’or », le temps s’est emparé de l’affaire avec la discrétion de mes rides. Des noms de villes lointaines couvertes de poussière et de saudade maintiennent des ailleurs sur une planète qui n’en a plus beaucoup et cela marche encore, deux minutes, trois minutes, le temps que l’enfant en moi retourne le sablier d’une nouvelle chanson ; le temps que le timbre ami de la voix fasse taire le grand désordre de mes pensées. Même les chansons tristes sont des sourires entre les cordeaux d’une vie. Le sourire des choses qui passent. Des défaites provisoires. Des armes remises. Des causes et des combats perdus avec dignité. Du point de vue des solitaires, des vaincus magnifiques et des insomniaques qui traversent tant de chansons de Lavilliers, le monde n’a guère changé depuis trente cinq ans. Il reste « rouge sang ». Et à mon avis, il l’est pour longtemps.
7
33e
festival
édition
66
compositeurs
38
créations
Strasbourg
Frantisek Zvardon, Iron Heroes
17 sept — 3 oct
Le Bréviaire des Circonstances
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Vanessa Schmitz-Grucker
À Nagyúr À mes pieds, au sol désolé, un trait séparait déjà l’oubli du pardon. J’avançais encore, ankylosée, en funambule, sur une ligne fantôme, incapable de me résigner à l’un ou l’autre camps. Ravagée par le doute et la peur que ni mon âme ni la tienne ne survivent, je me suis terrée dans l’espoir de nous voir échouer dans un endroit que tu ne connaissais pas encore, un endroit dont je ne savais pas grandchose, dont je savais seulement que rien ne pouvait s’y ancrer tant la neige y avait enterré toute attache. Mais je devine que tu aimes les vastes étendues enneigées et que la seule chose que tu redoutes n’est nulle part ailleurs qu’en toi-même. Nagyúr, j’ai essayé de t’appeler au milieu de la foule. Nagyúr, je ne t’ai pas vu descendre la pente vers le chemin de ronde. J’ai seulement vu qu’une partie de toi avait déjà abdiqué quand une autre se révoltait encore. J’ai seulement vu qu’une partie de toi était encore capable quand l’autre était déjà enterrée. Tu as fait le tour du chemin de ronde ; je t’ai observé, au loin, silencieusement. J’ai bien vu que tu veillais tard mais je ne voulais pas prendre le risque de te voir t’enfuir. Parce qu’il est une chose que je redoute davantage encore que tes orages, ce sont les miens.
Comme toi, je joue les rôles qu’on m’assigne. Comme toi, je me réveille le matin, stérile, incertaine, impuissante. J’ignore les règles du jeu. J’observe les soldats qui partent au combat. J’admire leur alignement divin et leurs mouvements si bien ordonnés. Voilà donc qui fait les Hommes rois quand il n’y a plus rien en jeu ! Mais ton chaos est aussi le mien. Pourtant, ni toi ni moi ne sommes condamnés à tourner la meule de la prison et si ce même temps qui nous porte aujourd’hui, nous tuera demain, je ne prétends pas pouvoir mesurer ce qu’il nous reste, ce que nous avons entre nos mains ni le chemin à parcourir. Toi seul détruis ce que tu construis et si tu es juge et consacré, je ne serai pas celle qui coupera tes cheveux ni celle qui osera demander tes secrets. J’ai déjà trop osé, j’ai déjà trop demandé et pour être tout à fait honnête avec toi, je n’ai même pas de raisons à cela. Mais peut-être est-ce précisément parce que j’ai perdu la ligne qui donnait un nom à la raison que je regarde en direction de tes montagnes.
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EPPUR SI MUOVE
ART ET TECHNIQUE, UN ESPACE PARTAGÉ UNE collaboration avec le Musée des arts et métiers – Cnam, PARIS
09.07.2015 – 17.01.2016 MUDAM LUXEMBOURG
Tableau représentant un phénomène d’interférences exécuté par Pierre Ernest Peuchot en 1882 (détail) © Musée des arts et métiers – Cnam, Paris Photo : Aurélien Mole
MUDAM LUXEMBOURG MUSée D’ART MODERNE grand-DUC JEAN 3, PARK DRÄI EECHELEN L-1499 Luxembourg info@mudam.lu www.MUDAM.lu Exposition sous le haut patronage de Xavier Bettel, Premier ministre, Luxembourg. À l’occasion de la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’Union Européenne au second semestre 2015.
PARTENAIRES DE L’EXPOSITION : Fonds National de la Recherche Luxembourg, The Loo & Lou Foundation, abritée sous l'égide de la Fondation de Luxembourg, CFL - Société Nationale des Chemins de Fer Luxembourgeois.
PARTENAIRES MédiaS :
Pas d'amour sans cinéma
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Catherine Bizern
Encore une fois, Before Love Jesse et Céline ont maintenant deux jolies petites filles, ils vivent en France et Henry, le fils de Jesse, les rejoint pour les vacances. Cet été-ci, ils sont en Grèce à l’invitation d’un écrivain qui admire l’œuvre de Jesse, auteur reconnu. Les courses, le plaisir du jardin avec les filles pour elle, les discussions sur ses projets avec son hôte pour lui. Les repas entre amis où chacun tient sa place brillamment et disserte sur les rapports amoureux. L’une a perdu son mari il y a peu, de jeunes gens viennent de tomber amoureux et un ménage de quadra rejoue sa sempiternelle représentation publique. Sans doute l’ombre de Voyage en Italie plane sur Before Midnight : étouffement de la relation, menace de son épuisement, tension palpable chargée de non-dit, de lassitude et de frustration derrière la figure du couple en société, l’image de la famille parfaite en vacances. Jesse et Céline seraient donc au bord de la rupture, la dispute finale comme dernier assaut. À moins qu’il s’agisse d’autre chose. Déambulation, fragment, aventure d’un jour pour une vie, dans une absence de repos, depuis Before Sunrise l’histoire est toujours quête de l’histoire. Ce qui noue Jesse et Céline l’un à l’autre depuis le premier instant de leur première rencontre dans le train pour Vienne, c’est la libre parole entre eux, une parole qui les enveloppe d’une certitude amoureuse, érotique. Une parole comme un corpsà-corps au-delà d’un amour physique qui ne sera d’ailleurs jamais montré à l’écran. Dans Before Sunrise, 1995, Jesse et Céline ont 20 ans, ils se rencontrent avant d’entrer dans le labyrinthe de l’existence à construire. Dans Before Sunset, 2004, Jesse et Céline se retrouvent et c’est encore à l’orée de tous les possibles. En 6 séquences, Before Midnight, 2013, est tel une remontée du couple vers le temps de la parole, de la conscience, et finalement d’un amour naissant. Même si cette fois la joute verbale va se transformer en une dispute grandiose jusqu’à dépasser les bornes de la cruauté. Il y a Jesse qui vient de raccompagner son fils à l’aéroport et qui aimerait qu’il leur soit possible aussi de vivre ensemble. Rentrer à New York ? Il y a Céline, juriste de haut niveau, qui s’interroge sur la pertinence de son engagement professionnel. Doit-elle accepter d’aller travailler pour le gouvernement – et un type particulièrement détestable – afin de pouvoir agir plus efficacement ?
Deux remises en question personnelles qui viennent s’entrechoquer. Deux questionnements qui semblent incompatibles d’où émerge de manière abrupte et dans un silence criant, une interrogation plus aiguë encore : comment aimer sans se perdre, sans se perdre soimême ? Certainement Jesse ne se pose-t-il pas la question ainsi et peut-être n’est-ce pas absolument la question de Céline. Pourtant, je reconnais en elle cette angoisse de femme amoureuse, toujours la même, d’être prise au piège, quand il s’agit aussi de ne pas abandonner ce désir si farouche de vivre sa vie librement. La vague de la dispute enfle peu à peu. D’abord le questionnement, puis la tentative badine de goûter de la joute verbale comme au commencement, comme au temps de la rencontre, comme il y a dix ans, se révéler l’un à l’autre, se faire des confidences, se blesser un peu, se séduire au-delà et retrouver une assurance commune. Mais Céline ne trouve ni dans les phrases ni dans la marche à la tombée du jour dans les méandres d’un village ancien et d’un probable futur commun, la relation complice, de quoi être rassurée. Au contraire, Jesse ne dit pas les mots qu’il faut et peut-être que déjà empêtrée dans des sentiments contradictoires jusqu’à la révolte, ne veut-elle plus qu’une chose : laisser la vague emporter une bonne fois pour toute et le couple et l’angoisse. Tout mettre en pièce. Insupportable détresse hors contrôle qui engage Céline dans une entreprise de démolition systématique attaquant l’homme, jusque dans ses sentiments fallacieux, son machisme inconscient et son inaptitude d’amant. L’homme ploie, riposte sur tous les fronts, prend les coups. Et lorsque Céline quitte la chambre qui n’a pourtant subi aucun dommage, c’est un champ de ruines. Et puis, plus tard, dans la nuit, Jesse viendra à nouveau. Vaillamment, revenir une fois encore pour reprendre le fil de la parole. Se présenter devant Céline sans craindre une nouvelle salve, sans craindre de s’exposer à nouveau. Pour dire non et faire renaître le possible de ce qui semble totalement ravagé. Malgré la colère et la douleur des coups portés, malgré les portes du doute et de la peur qui ont été ouvertes avec fracas. Il s’impose indéfectiblement aux côtés de Céline et se faisant il dit : « je ne te crains pas, je ne nous crains pas ». Dans Before midnight, Jesse et Céline sont encore dans un temps d’avant. Ils sont avant que de s’aimer, là où Jesse contient l’angoisse de Céline. Une angoisse qu’à la fois il génère et tient en échec. Ils le savent désormais tous les deux. Peut-être que le temps d’aimer peut alors advenir enfin.
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LEIRIS & CO.
03.04 > 14.09.15
centrepompidou-metz.fr
Masque Dogon, Sanga, Afrique, musée du quai Branly, Paris © 2015. musée du quai Branly, photo Thierry Ollivier/Michel Urtado/Scala, Florence – Wifredo Lam, Le bruit, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Localisation : Marseille, musée Cantini © ADAGP, Paris 2015 © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Droits réservés - Francis Bacon, Portrait of Michel Leiris, 1976, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris © The Estate of Francis Bacon / All rights reserved / ADAGP, Paris 2015 © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Bertrand Prévost
PICASSO, MASSON, MIRÓ, GIACOMETTI, LAM, BACON...
Plastic Soul
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Emmanuel Abela
I’m gonna getcha getcha getcha Via son iPhone, Céline L. m’envoie une photo prise à Rough Trade East, London : à l’image, un double album live de Blondie, Swim to the Moon. On y trouve les enregistrements de l’early et du late show des 20 et 21 septembre 1977 à Old Wardorf, à San Francisco, tous deux diffusés sur KSAN-FM. Une rapide écoute sur l’Apple Store me renseigne : belle prise de son et approche punk séminale avec un enchaînement de bon nombre de titres fétiches figurant sur le premier LP du groupe sorti l’année précédente chez Private Stock, avant d’être réédité en janvier 1977 par le label Chrysalis. Kung Fu Girls, In The Sun, Little Girls Eyes, Look Good In Blue dans une veine électrique avec l’omniprésence de l’orgue Farfisa de Jimmy Destri – flamboyant sur Man Overboard ou la reprise de Moonlight Drive des Doors – ; ce qui fait dire à Lester Bangs : « It just seemed so long since I’ve heard a keyboard player with the downright courage to go through a whole song making like the guy in Question Mark and the Mysterians 96 Tears instead of noodling all over the board ». Ne pointe-t-il pas là l’objet de ma fascination ? Ce clavier qui, dans ce contexte punk, semble au moins aussi incongru que celui de Dave Greenfield chez les Stranglers – sur Rifle Range, l’expressivité de Jimmy rappelle qu’ils sont tous deux les héritiers du style baroque initié par le grand Ray Manzarek dix ans plus tôt. Quoi qu’il en soit, ce live révèle la dimension primitive d’un groupe qu’on ne cherchera plus à réduire à ses gimmicks disco : on tient là un fucking rock’n’roll band, dont on s’étonne encore qu’on lui ait fait jouer, dans ces années-là, le rôle d’outsider voire de parfait loser – « The perennial opening band », comme le rappelle Jimmy Destri. Sauf que ces soirs-là, il assure la tête d’affiche, après avoir ouvert pour Iggy Pop au printemps 1977, au moment où ce dernier tournait avec David Bowie dans le cadre de l’Idiot Tour, un choix dicté selon certaines sources par le Thin White Duke himself – et quand on sait, depuis le refus de Kraftwerk d’ouvrir pour lui en 1976, l’importance qu’il accorde à ses premières parties, on mesure le potentiel pop qu’il situe lui-même à propos du jeune groupe new-yorkais avec sa bien remuante petite chanteuse blonde… *
Birmingham, Odeon, le 15 septembre 1978 : Blondie est en grande forme ce soir-là, mais la magie de la veille à Manchester a disparu. Le groupe débute avec la reprise des Nerves, Hanging On The Telephone, Debbie chuchote des confidences à l’oreille du public, mais malgré quelques cris d’adoration l’audience reste distante. Les membres du groupe n’ont plus l’habitude d’être accueillis de la sorte, et le guitariste Frank Infante lance un « Come on! » presque résigné. Et là, à la surprise générale, la glace se brise : un tsunami humain déferle aux pieds des musiciens. Certains spectateurs tentent de se saisir de la cravate de Chris Stein et de Jimmy Destri, les mains se baladent et la vague semble irrésolue. « That’s better! », se fend laconiquement Debbie, avant d’entamer un One Way Or Another de circonstance : One way or another I’m gonna find ya / I’m gonna getcha getcha getcha getcha / One way or another I’m gonna win ya / I’m gonna getcha getcha getcha getcha. Elle n’a pas besoin d’enchaîner avec le Get It On de T.Rex pour le constater, elle le sait : la Blondiemania est là ! * Quand Jamie James de la revue Rolling Stone l’interroge en juin 1979 sur ce qui constitue un sommet dans la carrière de Blondie, le batteur Clem Burke lui répond : « Si on met de côté le succès que nous rencontrons, j’ai envie de dire que c’est d’avoir pu rencontrer David Bowie. […] Oui, je pourrais citer des tonnes de choses, mais là c’était déjà quelque chose d’énorme : se rendre à Toronto, voir Bowie et Iggy entrer dans notre loge et se présenter eux-mêmes en disant : “nous allons bien nous amuser sur cette tournée !”. Ce jour-là, je me suis perçu moi-même comme “a rock’n’roll Virgin”, et c’est effectivement ce que nous étions tous ». * « So you wanted to be a disco icon? – No, a rock’n’roll star! – Ok, but now you’re a disco icon! C’est tout de même drôle pour quelqu’un qui ne sait pas danser ! – What? – Ben écoute, Debbie chérie, admets que le rythme c’est quand même pas ton truc, non ? – What? – Ce que tu fais-là dans le vidéo-clip d’Heart of Glass, c’est pas naturel. Pareil pour ces twists que tu improvises sur scène. –… – Bref, darling, you ain’t no dancer! Et j’aime ça ! »
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InSitu
Rudolf Koppitz (1884-1936) En collaboration avec le Photoinstitut Bonartes de Vienne, le musée Niépce accueille la première grande rétrospective en France consacrée à Rudolf Koppitz. Refusant l’idée que la photographie ne serait qu’un enregistrement du réel, le photographe viennois s’inscrit dans la perspective du pictorialisme et s’attache à la diversité des techniques de tirage les plus raffinées. S’étirent au cœur d’une nature théâtrale, des corps nus et athlétiques qui ont malheureusement valu à leur auteur de se voir récupérer par le nationalsocialisme de l’époque. (F.A.) Rudolf Koppitz, Etude de mouvement, 1925 © Photoinstitut Bonartes, Vienne
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Jusqu’au 20 septembre au musée Nicéphore Niépce, à Chalon-sur-Saône www.museeniepce.com
Silvia Bächli / Weiter wird. Les abords. Le travail de Silvia Bächli déroute. Avec régularité, l’artiste marche dans la nature puis dessine, peint. Bien que traversées ça et là par quelques figures, les œuvres ne cherchent pas à représenter les paysages fréquentés. Les dessins témoignent du désir de transcrire les sensations éprouvées par l’artiste. Si le processus créatif au regard de l’Histoire de l’art occidentale rappelle les principes de l’abstraction lyrique née aprèsguerre, le rendu formel tient sans doute des traditions asiatiques. Le tracé est fluide mais vulnérable, les rares couleurs sont discrètes et nuancées. Bächli invite l’œil à considérer les vides. (F.A.) Jusqu’au 18 octobre au FRAC Franche-Comté, à Besançon www.frac-franche-comte.fr
Silvia Bächli, Ohne Titel, 2014 © Silvia Bächli
Bonne chance pour vos tentatives naturelles, combinées, attractives et véridiques
Joana Bastos, If I were you II
Dans le domaine de l’art, le commerce n’est pas toujours le bienvenu. Et pourtant, derrière le commerce on trouve l’échange. Et c’est précisément sur cet échange que s’appuie cette exposition qui s’inspire de Charles Fourier, philosophe bisontin et figure du socialisme « critico-utopique ». Au programme, du coopératif tous azimuts qui aboutit aussi bien à de l’œuvre matérielle qu’immatérielle – avec même de la denrée alimentaire comme du pain ! Tout cela au profit de la circulation des idées, des connaissances, bref de belles intentions. (E.A.) Jusqu’au 20 septembre au CRAC Alsace, à Altkirch www.cracalsace.com
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Antoine Schmitt Antoine Schmitt se penche sur le mouvement et ses causes et a choisi le programme informatique, matériau contemporain par excellence, pour révéler et manipuler les forces à l’œuvre. Ce pionnier de l’art du code présente ici sa dernière série, War, tableaux génératifs qui mettent en scène des situations de guerre où des pixels sont programmés pour se tuer les uns les autres, en même temps qu’un choix de pièces emblématiques de son travail. (S.D.) Jusqu’au 7 juillet à La Filature, à Mulhouse www.lafilature.org
Antoine Schmidt, War, 2015
La vie héroïque de B.S
La vie héroïque de B.S. Acte II – Le dilemme de l'œuf, 2015, © Hoël Duret
Venez vous détendre et vous instruire dans le salon aménagé avec goût au rez-de-chaussée du Musée des Beaux-arts où est projeté pendant tout l’été La vie héroïque de B.S, un opéra vidéo en trois actes réalisé par Hoël Duret, lauréat de la biennale mulhouse 012. L’artiste utilise ses installations faites de trois bouts de ficelle comme décors d’une épopée esthétique empruntant tour à tour les codes du documentaire édifiant, du film d’entreprise, de l’émission C’est pas sorcier et du délire psychédélique. Tout cela pour résoudre une bête question de design dont l’enjeu prend un tour métaphysique : comment rationnaliser la forme d’un œuf ? (S.F.) Jusqu’au 20 septembre au Musée des Beaux-arts, à Mulhouse
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InSitu Haroon Mirza, LED Circuit Composition 11 © hrm199 Ltd - Photo : David Bebber
Haroon Mirza/hrm199 Ltd. L’artiste anglais Haroon Mirza s’intéresse tout particulièrement aux facultés sensorielles de l’être humain, qu’il met au défi par la technologie. Avec des installations in situ qui associent le son et la lumière à des objets, vidéos ou construction, Mirza souhaite abolir les frontières entre bruit et musique. Perdant la notion même d’espace et de temps, le visiteur est comme immergé dans un monde électromécanique sonore et lumineux qui semble familier et fabuleux à la fois. (A.M.) Jusqu’au 6 septembre au Musée Tinguely, à Bâle www.tinguely.ch
Frank Stella On l’oublie un peu, mais l’Américain Frank Stella a suscité la polémique à ses débuts : « Ce que vous voyez est ce que vous voyez ». C’était sa manière de botter en touche, mais pas seulement. Une manière de rompre également avec l’avènement de l’art conceptuel. Ce que nous voyons aujourd’hui, aussi bien en peinture que sur papier, c’est un art qui a un impact immédiat sur le visiteur. Un art sensible et affectif qui joue des formes et des couleurs pour dire simplement ce qu’il est : vital et grave à la fois. (E.A.) Jusqu’au 30 août au Museum für Gegenwartkunst, à Bâle www.kunstmuseumbasel.ch/mgk
Frank Stella, Ifafa II, 1964 © Martin P. Bühler / Kunstmuseum Basel
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InSitu
Bruce Nauman, Sex and Death by Murder and Suicide, 1985 © Martin P. Bühler, Öffentliche Kunstsammlung Basel
Future Present Future Present est un état des lieux de l’extraordinaire collection d’art contemporain de la fondation Emanuel Hoffmann. Créée en 1933 par Maja Sacher, elle est à l’origine du Schaulager qui fut initialement conçu pour conserver la collection allant de Delaunay à Beuys en passant par Dalí. Jamais encore l’étendue de la collection n’avait été montrée et le sera ici sur 4 300 m2 appuyant dans le même temps le regard audacieux – résolument tourné vers l’avenir – de la fondation. (V.S-G.) Jusqu’à 31 janvier 2016, au Schaulager, à Bâle www.schaulager.org
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Art-Act, Viridis, La ferme à spiruline, 2014-2015 (installation, jeu vidéo)
Open Source Deuxième volet du triptyque d’expositions conçu par le collectif COAL, spécialiste des questions esthétiques liées au développement durable, Open Source interroge la notion de propriété intellectuelle en se penchant sur des expériences artistiques favorisant la réappropriation des ressources et des savoirs. Après avoir analysé dans Systémique les liens inhérents au fonctionnement du monde vivant, sont présentées ici des alternatives au mode de pensée unique pour agir, ensemble et autrement. (C.B.) Jusqu’au 18 octobre au CEAAC, à Strasbourg www.ceaac.org
Marlene Dumas Depuis plus de 40 ans, la Sud-africaine Marlene Dumas peint la souffrance physique et psychique. Des portraits souvent en gros plan, à la fois doux et terribles, dont la vision tient souvent du cauchemar. Des personnages isolés, connus ou inconnus, qui évoquent la tristesse du monde et provoquent la sidération. Des œuvres qui font d’elle une des artistes contemporaines les plus influentes, et que la fondation réunit ici en une imposante et nécessaire rétrospective. (S.D.) Marlene Dumas, The Swan, 2005 Photo: Peter Cox © ProLitteris, Zurich
Jusqu’au 6 septembre à la Fondation Beyeler, à Riehen (Bâle) www.fondationbeyeler.ch
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InSitu
Eppur si muove
Tatsuo Miyajima, Life (Corps sans Organes) No.18, 2013 © Tatsuo Miyajima & Lisson
L’exposition, montée avec le musée des Arts et Métiers du Luxembourg, interroge les liens entre la technique et l’art contemporain. L’espace entre ces deux notions révèle l’instrumentalisation d’un savoir – notamment scientifique – dans le processus de création. De même, on retrouve dans l’intuition des chercheurs, l’esprit créatif des artistes. Temps, matière et invention se lisent ici comme trois chapitres interdépendants où l’art croise la science. (V.S-G.) Du 9 juillet au 17 janvier 2016 au Mudam, à Luxembourg www.mudam.lu
Marco Godinho, Forever Immigrant, encre à tampons
Tous les chemins mènent à Schengen Le temps est au déplacement, de manière ludique quand il s’agit des touristes, mais aussi, bien sûr, de manière beaucoup plus dramatique quand il s’agit des migrants. Cette exposition centre son propos sur la figure de l’éternel marcheur, depuis le juif errant jusqu’aux migrante de Calais en passant par la communauté des gens du voyage. Elle réunit les œuvres de dix artistes contemporains, dont Marc Godinho et ses fameuses interventions murales réalisées à partir de coups de tampons avec la mention « Forever Immigrant », pour une réflexion autour du statut de l’immigré, du voyageur, et sur la notion d’accueil au sein de nos sociétés modernes. (E.A.) Jusqu’au 4 octobre au Frac Lorraine, à Metz www.fraclorraine.org
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SAISON QUINZE SEIZE Stand 2000
Théâtre Group’
Théâtre de l’Unité
2500 à l’Heure
La Ménagerie de verre
Retour à Reims
Le Chagrin
Quelque Chose de possible
didier éribon / Laurent Hatat
les hommes approximatifs / Caroline Guiela Nguyen
Histoires à la Noix
King Size
Guillaume Delaveau
Comment on freine ?
Christoph Marthaler
Les Géants de la Montagne
Serge Amisi / Arnaud Churin
Sur le concept du visage du fils de Dieu
Stéphane Jaubertie / Maud Hufnagel - bruno sÉbag
L’Enfant de demain
Violaine Schwartz / Irène Bonnaud Luigi Pirandello / Stéphane Braunschweig
Létée
Tennessee Williams / Daniel Jeanneteau david sanson / Aurélia Guillet
Tartuffe ou l’imposteur Molière / Benoît Lambert
Nous sommes repus mais pas repentis
Thomas Bernhard / Séverine Chavrier
Braise et Cendres
Blaise Cendrars / Jacques Nichet
Romeo Castellucci
graphisme & photo Jérôme le Scanff
ABONNEZ-VOUS www.cdn-besancon.fr
03 81 88 55 11 Avenue Édouard Droz 25000 Besançon
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L’Orchestre de chambre de Paris dirigé par Sir Roger Norrington au Grand Kursaal l’année dernière © Yves Petit
L’été au Château En 2013, le Conseil régional de Bourgogne lance de vastes travaux de réhabilitation au Logis des Hôtes à Châteauneuf-en-Auxois. Aujourd’hui, le lieu devient un Centre d’interprétation, et propose au visiteur de découvrir tant l’architecture du bâtiment que son histoire autour de la figure fondatrice de Philippe Pot, riche propriétaire de l’édifice au XVe siècle. Le Logis des Hôtes pour la saison estivale se dote également d’une programmation culturelle éclectique mêlant les disciplines pour mieux toucher un vaste public. Des visites guidées animées par des comédiens permettenvt de découvrir ce château médiéval et les coutumes de l’époque. Des rendez-vous se dessinent à un rythme régulier, avec les chevaliers du mercredi, où les plus jeunes pourront être initiés au tir à l’arc, au tissage de la laine, comme à la fabrication d’arbalète. Le château accueille également de nombreux concerts de fado, de jazz manouche, et consacre plusieurs soirées au répertoire des harpistes du XVIIIe siècle interprété par Tiphaine Vigneron. Les arts plastiques n’ont pas été oubliés, puisqu’une exposition figure également dans ce programme d’été. Cécile Maulini, dans le cadre de l’association dijonnaise des Ateliers Vortex, présente son travail aux mediums variables. Le motif de la fleur, très présent dans la poésie du Moyen-âge comme de la Renaissance, crée une résonance entre le travail de la plasticienne et l’espace qui l’accueille. Par Florence Andoka - Photo : Vincent Arbelet
LES ATELIERS VORTEX, exposition jusqu’au 21 septembre au Logis des Hôtes à Châteauneuf-en-Auxois www.region-bourgogne.fr/chateauneuf
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Tous les soleils Tous les deux ans, le Festival international de musique (classique) de Besançon se distingue par un éclectisme surprenant. C’est d’ailleurs l’un des seuls à accueillir en son sein un concours international (le 54e) de jeunes chefs d’orchestre et à délivrer un Grand Prix de composition. La programmation de cette 68e édition aussi, est on ne peut plus éclectique : allant des grands romantiques du XIXe – avec une insistance sur Brahms – aux grands solistes, en passant par un croisement séduisant de musiques métissées (à l’instar de cet intriguant jazz balkanique), à la musique vocale... Mais le Festival n’a pas fini de surprendre par son allonge franc-comtoise car cette année, la Haute-Saône, le Jura, Belfort et le Doubs feront partie du programme. Enfin, le nouveau compositeur en résidence souligne la consistance qu’a pris le festival avec le temps : Guillaume Connesson, spécialiste de musique contemporaine et Victoire de la musique classique cette année, sera programmé dans près de la moitié des concerts. Depuis 1948, cet événement est un peu le centre de tous les soleils compte parmi les grands rendez-vous de la musique classique. Par Antoine Oechsner de Coninck
FESTIVAL INTERNATIONAL DE MUSIQUE DE BESANÇON, du 10 au 26 septembre à Besançon, Belfort, Vesoul, Arc-et-Senans, Baume-les-Messieurs et Gigny-sur-Suran www.festival-besancon.com
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La vie dans les bois
Jeanne Added
Détonante rentrée À Besançon, la rentrée se fera en musique ! Pour la quatrième année consécutive, la ville fortifiée accueille un événement explosif : le festival Détonation. Pour cette nouvelle édition, ce rendez-vous des fêtards francs-comtois se renouvelle et s’agrandit. Afin d’accueillir une programmation toujours plus pointue et ambitieuse, le festival investit cette fois un lieu bien connu du paysage culturel bisontin : la Friche. C’est donc dans l’enceinte de cette usine désaffectée au bord du Doubs et à La Rodia que les festivaliers pourront, trois jours durant, fêter dignement la fin des grandes vacances. Pour satisfaire ce public étudiant et exigeant, les organisateurs n’y vont pas de main morte. Sont annoncés, pour le pendant électronique du festival des artistes dont la renommée n’est plus à faire comme Brodinski, créateur du très prolifique label Bromance, le nantais N’to, ou encore Pedro Winter, DJ émérite et ancien manager des Daft Punk ou de Justice, rien que ça. Pour les amateurs de belles voix : Selah Sue, Hindi Zahra et bien d’autres répondront présents. Mention spéciale pour la présence de Jeanne Added dont la voix envoûtante mêlée à des rythmes rock et électro hypnotisera le public à coup sûr. Musique, lieu d’exception, projet vidéo, mapping, tous les éléments sont réunis pour un festival qui s’annonce… détonant ! Par Paul Kempenich
DÉTONATION, festival du 24 au 26 septembre à la Friche et La Rodia, à Besançon www.larodia.com
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C’est du roman de Roy Lewis Pourquoi j’ai mangé mon père qu’est tirée la formule « Back To The Trees ! » L’injonction donne souvent lieu à deux interprétations, la première relevant son pertinent appel à la décroissance, la seconde soulignant son aspect réactionnaire, grégaire. À l’écart de l’une et l’autre de ces visions, la manifestation proposée conjointement par l’association Elektrophonie organisatrice de la feue Nuit Bleue à la Saline d’Arc-etSenans –, la Saline royale, l’École d’art de Besançon (ISBA) et l’association des Villages de la Forêt de Chaux inviterait elle, plus simplement à prendre de la distance. Une retraite à la lisière du monde autant qu’une incitation à y intervenir différemment. Après un premier opus en 2011, ce deuxième rendez-vous réunit plasticiens, musiciens, philosophes, performers, conteurs, paysagistes, bûcherons, charbonniers, ou encore luthiers pour investir la deuxième plus grande forêt de feuillus française. En leur compagnie, l’opportunité offerte est bien autant de poser un regard sur les conditions de la production artistique aujourd’hui, que sur la société que nous participons à construire. Et plutôt que Roy Lewis, il s’agirait de s’essayer à la philosophie d’Henry David Thoreau, qui dans Walden ou la Vie dans les bois, raconte sa vie à demie isolée au bord d’un étang. Près de tout, sans rejet frontal du monde, et animé du désir de décaler ses pratiques et de bousculer les usages par un isolement temporaire. Par Caroline Châtelet - Photo : Alain Goy
BACK TO THE TREES !, colloque le 27 juin à la forêt de Chaux, Baraques du 14 Facebook : Back to the trees
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Vol et voile, Charles Walch, collection du Musée d’Art moderne André Malraux, Le Havre
La tentation de la couleur Célèbre pour ses coqs et ses nombreuses présences au salon d’Automne [salon d’art historique à Paris, ndlr] le peintre alsacien a connu des périodes ingrates au cours de sa carrière. Bien que proche du groupe de L’École de Paris, le public restera relativement indifférent à son travail, notamment à ses débuts. Son passage à Paris – où il suit le cursus de l’École des Beaux-arts puis celui des Arts décoratifs – le rapproche de Georges Rouault et Jean Bazaine. Il partage avec le premier le goût de la géométrisation et des lignes simplifiées, avec le second le goût de la couleur. La couleur entre au cœur de son travail dès les années 30. Le rouge domine ses toiles, accompagné du vert et du bleu, couleurs primaires qui renforcent ce colorisme exacerbé. Avec une touche tantôt brossée tantôt en pointillé, certaines œuvres se rapprochent des Fauves du début du siècle. Ce nouveau chemin le mènera à une reconnaissance suffisante pour vendre quelques toiles et quitter son poste d’enseignant en dessin à Neuilly avant la Seconde Guerre mondiale. Le Musée des Beaux-arts de Mulhouse lui avait déjà consacré une exposition quelques mois avant sa mort en 1948. Cette nouvelle exposition, forte d’une centaine d’œuvres, rend hommage à la palette et à la poésie d’un peintre dont le nom est resté quelque peu méconnu.
L’art est dans la rue Tiraillé entre éthique de pirates urbains et inscription dans le circuit de l’art contemporain, le street art a tiré de cette confrontation sa capacité à évoluer tout en gardant sa part de subversion. Preuve aussi qu’entre l’art qui se montre en galerie et celui qui se fait dans la rue, le lien est aussi fécond que conflictuel. StreetArt, l’innovation au cœur d’un mouvement le démontre d’abord en résumant en quelques vitrines l’épopée du graffiti et de ses dérivés. Fondation EDF oblige, l’exposition s’attache à démontrer comment les innovations technologiques auraient changé la face du street art. Au programme : street mapping, light painting, anamorphose… Des installations interactives permettent de s’essayer à la bombe sans risquer la contravention. La fresque comparative entre les carrières de JR, affichiste bien connu des Mulhousiens, et de Shepard Fairey, connu pour son portrait de campagne de Barack Obama, dévoilent un street art devenu plus respectable, contredit par les menées subversives de Zevs ou de Kidult. Paradoxes de l’art de rue. Par Sylvain Freyburger - Photo : Oriane Blandel
Par Vanessa Schmitz-Grucker
CHARLES WALCH, un univers poétique et coloré, exposition jusqu’au 20 septembre au Musée des Beaux-arts de Mulhouse www.musees-mulhouse.fr
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#STREETART, L’INNOVATION AU CŒUR D’UN MOUVEMENT jusqu’au 30 août au musée EDF Electropolis, à Mulhouse electropolis.edf.com
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Licence n째3-1020057
Conception
Illustration judykaufmann.com
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The Hook
Les étoiles du cinéma
Le temps se lève Le jazz est affaire sérieuse. À côté des mondanités qu’on associe à ce genre musical et qui se manifestent par des applaudissements polis à la fin de chaque solo, il existe de vraies expériences musicales. De tout temps, Météo, anciennement Jazz à Mulhouse, a cherché à réunir des artistes frondeurs qui savent nous chatouiller délicatement les oreilles, quitte à les froisser un peu. Solistes décapants, instrumentistes sidérants, jazz-bands avant-gardistes, ils abordent tous le matériau sonore comme cette chose à laquelle ils donnent une forme en temps réel, sous nos yeux. C’est le cas de James ‘Blood’ Ulmer, guitariste entier qui a le blues dans le sang – et le mot « sang » dans son nom – au point que le regretté Ornette Coleman l’a repéré comme celui qui appliquait ses théories musicales de manière spontanée. Et que dire du saxophoniste James Chance ? Lequel au sein de Teenage Jesus and the Jerks a contribué à changer la face du monde musical dans les années 70 en initiant le mouvement no wave, une manière dissonante et radicale de faire table rase du passé. Aujourd’hui, qu’on se le dise, le trublion est loin d’être assagi… Souvent plus proche de la performance que du simple concert, une apparition de l’immense Fred Frith ou de Okkyung Lee, improvisatrice de l’extrême qui vit une relation organique au violon, nous fait lever la tête, puis regarder le ciel : les nuages s’éloignent, le temps se lève ! (E.A.) Par Emmanuel Abela - Photo : Sébastien Bozon
MÉTÉO, festival du 25 au 29 août dans différents lieux à Mulhouse www.festival-meteo.fr
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Pour sa 20e édition, le festival Plein Air du cinéma associatif Bel Air s’annonce fidèle à ses trois piliers : bonne bouffe, bonne musique live, bons films d’auteurs grand public sous les étoiles. Les trois ingrédients s’accordent en de copieuses soirées à thème. Le grand banditisme 70’s vu par William Friedkin dans The French connection est introduit par le hard-blues des surexcitants jeunes loubards de The Hook. Autre groupe mulhousien en phase ascensionnelle : Singe Chromés joue en prélude des Nouveaux sauvages de Damien Szifron. On peut aussi opter pour l’évasion plus peinarde, option kayak, de Bruno Podalydès dans son tout récent Comme un avion, en écho au répertoire festif de chansons françaises assuré par Balstringue. Et c’est le groupe Taraf’Algar, spécialiste ès musique tsigane, klezmer et des Balkans, qui anime l’entrée du Grand Budapest hotel de Wes Anderson. Citons encore le dernier Ken Loach, Jimmy’s Hall, le déjà mythique Birdman d’Inarritu et l’émouvant Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin. Autant de films qui ont concilié succès public et approbation critique au cours de l’année écoulée. Deux exceptions rétro : French connection et Vincent, François, Paul et les autres de Claude Sautet, avec Yves (Montand), Michel (Piccoli), Serge (Reggiani) et les autres. Huit films, huit groupes, sans céder à la vogue du ciné-concert, et pour la première fois en numérique. Par Sylvain Freyburger
PLEIN AIR AU BEL AIR, festival du 25 juillet au 1er août au cinéma Bel Air, à Mulhouse www.cinebelair.org
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ancy.fr
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Illustration Schlep - mise en page Ville de Nancy
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Nah-Lou au TAPS Laiterie le 23.07
Belle plongée en mélancolie
Theo Hakola
L’Amériqueuh Le festival Natala, finalement, ce ne serait pas notre SXSW à nous à taille humaine et en plus sympa ? Rêvons un peu et dansons sous le Stars and Stripes au son des grands classiques de la musique US avec Theo Hakola, l’Américain le plus Français d’entre nous, ex-Orchestre Rouge et ex-Passion Fodder décrit par la bible NME comme un « Baudelaire avec une guitare électrique ». Pure poésie des notes. Entre blues, country, folk, il accompagnera le film muet Au Bonheur des Dames en faisant résonner sa voix de velours à la manière du petit jeune James Finch Jr. plus dans une veine do it yourself enrobée de douceurs. Moins doux, les Australiens de Puta Madre Brothers feront les foufous avec leur garage déglingué, quand, par chez nous, les Alsaciens les plus Américains d’entre nous (oui, parce qu’eux, ils l’ont, la frite) Electric Electric revisiteront au côté de Pierre Lambla le Où est la maison de mon ami d’Abbas Kiarostami. On n’oubliera pas de zyeuter le dessin-concert de Vincent Vanoli et Lauter entre folk et onirisme. Autour : des bières, une piste glissante (!), un confessionnal (!), un karaoké (!), des DJs sets électriques (hello Céline B. from Mulhouse !), des concours de pétanque, tirs à la corde ou babyfoot et de l’amour. Beaucoup d’amour. Are you ready ? Qu’ils disent les Américains. Par Cécile Becker
NATALA, festival du 16 au 19 juillet au Parc du Natala, à Colmar hiero.fr
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L’été est souvent signe d’insouciance, et pourtant la saison est aussi propice à une forme de réflexion. Avec la nouvelle édition de son programme estival Été cour, été jardin, le Théâtre Actuel et Public de Strasbourg (TAPS) réunit les artistes de la région sur ses deux scènes pour des spectacles réjouissants qui ne s’épargnent pas, en ces temps d’incertitude, une petite pointe de gravité. C’est le cas par exemple avec le conte pour enfants Nah-Lou, une histoire hawaïenne animée par des marionnettes en papier qui constitue à la fois une invitation au voyage et une belle prise de conscience : les habitants d’un petit village perdu dans les îles se voient coupés de l’eau et vont devoir sortir de leur village pour arpenter les montagnes… Pour les amoureux de musique classique ou ceux qui veulent la découvrir, un programme classique et romantique avec Schubert, Fauré, Brahms ou encore Liszt facilite une belle plongée en… mélancolie ! Le spectacle de clôture, Mon bien cher Marcel retrace les années de guerre 14-18 en chanson. Les musiques, introduites pas des extraits de lettres que s’envoyaient Marcel et Augusta, deux habitants de Lunéville. Parmi elles, des chansons souvent interdites comme le magnifique Craonne (1917), qui manifeste à merveille la résignation du combattant, ou Le Légionnaire alsacien (1911). Une clôture alsacienne avec des paroles dont la mémoire populaire se souvient encore ! Par Mégane Dongé - Photo : Clément Protto
ÉTÉ COUR ÉTÉ JARDIN, festival de théâtre du 21 juillet au 21 août au TAPS Laiterie et TAPS Scala, à Strasbourg www.taps.strasbourg.eu
et l’Abbaye des Prémontrés présentent
la mousson d’été WVZ 284, une sculpture monumentale d’Elmar Trenkwalder pour le jardin du Frac Alsace
du 21 au 27 août 2015
université d’été européenne rencontres théâtrales internationales à l’Abbaye des Prémontrés Pont-à-Mousson – Lorraine 03 83 81 20 22 – www.meec.org
au programme de cette 21e édition lectures, spectacles, conférences, débats, spectacle de rue, Université d’été européenne
avec notamment ROUKAYA BENJELLOUN (Maroc) / RACHID BENZINE (France) / GEORGE BRANT (USA) / DAVIDE CARNEVALI (Italie) / DANIEL DANIS (France) / PEDRO KADIVAR (France-Iran-Allemagne) / WAEL KADOUR (Syrie) / JONAS HASSEN KHEMIRI (Suède) / PAU MIRO (Espagne) / MAGALI MOUGEL (France) / MICKAEL DE OLIVEIRA (Portugal) / GUILLAUME POIX (France) / MARIANNA SALZMANN (Allemagne) / ROBERTO SCARPETTI (Italie)
venez redécouvrir le jardin tout l’été
en partenariat avec le projet de coopération Fabulamundi. Playwriting Europe «Crossing generations» soutenu par le programme culture 2014-2020 de l’Union Européenne / avec le soutien du CnT, de la SACD, de l’ONDA et des éditions L’Arche
Programmation en cours.
à Pont-a ̀-Mousson en Lorraine Programme complet sur www.meec.org et sur facebook : www.facebook.com/lameeclamousson
rendez-vous pour une journée inédite, programmation artistique autour du portail d’Elmar Trenkwalder Les pieds dans l’herbe dimanche 20 septembre de 11 h à 18 h • conception graphique Julien Cochin
et aussi des spectacles • Le spectacle de rue juste avant que tu ouvres les yeux de la compagnie ktha • Les guêpes de l’été nous piquent encore en novembre texte russe de Ivan Viripaev mise en scène, jeu et scénographie Sophie Cattani, Antoine Oppenheim, Michael Pas
Fonds régional d’art contemporain Agence culturelle d’Alsace / Sélestat frac.culture-alsace.org avec le soutien du ministère de la Culture et de la Communication / Direction régionale des affaires culturelles d’Alsace
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Le chant des silos
Une image vaut mille mots. Rarement ce proverbe ne s’est aussi bien adapté à une œuvre qu’à celle de Josef Heinrich Darchinger. Le travail de ce photojournaliste allemand est le sujet de Wirtschaftswunder, première exposition posthume dédiée au personnage. Les clichés du photographe, publiés dans des journaux comme Die Zeit, Der Spiegel ou The Daily Mirror, dressent le portrait d’une Allemagne d’après-guerre divisée où les bâtiments en ruines contrastent avec une jeunesse prise d’une véritable fièvre de reconstruction. D’une soif de vivre. Il a vécu la guerre de l’intérieur mais son passé de soldat et de prisonnier de guerre, Josef Heinrich Darchinger préfère l’oublier et c’est bel et bien le renouveau d’un pays et de sa société qu’il choisit d’immortaliser, en couleur, pour ses premiers pas dans la photographie. Vie de famille, fêtes, scènes du quotidien, le photographe capture des tranches de vie d’un peuple allemand qui sourit au miracle économique. Derrière son objectif, c’est une œuvre à mi-chemin entre art contemporain et cours d’Histoire, un véritable témoignage d’une époque tiraillée entre les spectres du passé et une volonté de repartir à zéro qu’a livré au monde Josef Heinrich Darchinger. L’œuvre d’une vie.
On a beau affirmer qu’Arvo Pärt est le compositeur vivant le plus joué aujourd’hui dans le monde, le moins qu’on puisse dire c’est que les occasions d’assister à l’exécution d’une de ses œuvres ne sont finalement pas si fréquentes. Étrange paradoxe, à l’image sans doute du personnage : une notoriété planétaire – depuis le succès de l’enregistrement Tabula Rasa en 1984 pour le label ECM Records –, une discrétion légendaire et sans doute un brin de suspicion à son égard, du moins de la part des orthodoxes d’une certaine forme de musique contemporaine. Que reprochent-ils au compositeur estonien ? Ce goût prononcé pour une certaine forme de spiritualité – à la manière d’ailleurs de son compatriote à l’époque de l’ex-URSS, Andreï Tarkovski – et surtout cette manière qu’ils jugent rétrograde de retourner à des formes anciennes, y compris médiévales avec la pratique du style tintinnabuli qu’il a initiée à partir des clochettes qui ponctuent les instants liturgiques. Laissonsles chuchoter et ne boudons pas notre plaisir de découvrir, à l’occasion de son 80e anniversaire, le portrait-hommage que lui consacre Günter Atteln et la projection du spectacle mis en scène par Bob Wilson à partir de son Adam’s Passion. Sans doute la meilleure façon de réconcilier tout le monde autour d’une œuvre lumineuse qui, bien qu’anachronique, raconte quelque chose de notre temps.
Par Paul Kempenich
Par Emmanuel Abela - Photo : Kaupo Kikkas
WIRTSCHAFTSWUNDER, exposition du 12 juin au 30 août à La Chambre, à Strasbourg www.la-chambre.org
MUSIC’ARTE, HOMMAGE À ARVO PÄRT, projections en avant-première de Arvo Pärt, Portrait et Adam’s Passion dans le cadre de Musica le 23 septembre à l’UGC Ciné Cité, à Strasbourg www.festival-musica.org
© Joseph Heinrich Darchinger, Wirtschaftswunder, Jeunes devant la maison du politicien Frits Henssler, Dortmund, 1959
Photographier la vie
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49 NORD 6 EST d
TAKE A WALK ON THE WILD SIDE ENTRE METZ & SCHENGEN (LU) JUIN-SEPT 15 ENVIE D’EXPÉRIENCES INÉDITES ? DE SENSATIONS NOUVELLES ? ENTRE METZ & SCHENGEN, ENGAGEZ-VOUS SUR DES VOIES INSOLITES, REPOUSSEZ VOS LIMITES PHYSIQUES ET PSYCHIQUES, ET RENOUEZ AVEC VOTRE NATURE SAUVAGE !
m SAM 06/06 - EN SARRE / 6H / 12KM Randonue En partenariat avec la Fédération Française de Naturisme & Nacktwandern
m SAM 20 & DIM 21/06 - METZ>SCHENGEN 2 JOURS / 50KM Aléas Schengen avec Hervé Foucher m SAM 27 & DIM 28/06 - ARRY 2 JOURS / JUSQU’À ÉPUISEMENT Infusions, jus de pomme & randonnée avec Nicolas Pinier m SAM 04/07 - GORZE / 5H / 4KM Marche lunaire En partenariat avec l’association Ressource
m SAM 18 & DIM 19/07 - METZ / 1H30 / 3KM Le dessin vient en chemin avec Agnès Gorchkoff Dans le cadre de Metz en fête
m SAM 12/09 - TALANGE / 4H / 10KM Canaux, canon, charbon avec Camille Panza Dans le cadre de Cabanes, festival de Moselle
m SAM 26/09 - METZ / 3H / 8KM Errance avec Amar Bellal Dans le cadre de Cabanes, festival de Moselle
ACCÈS/INFOS : WWW.FRACLORRAINE.ORG Le 49 Nord 6 Est bénéficie du soutien du Conseil Régional de Lorraine et du Ministère de la Culture et de la Communication - DRAC Lorraine Extrait du film Mot Naturen d’Ole Giæver, 2014 © DR
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Coute que coute dans le cadre de Court Toujours © Brigitte Eymann
Boes, Sardaigne, Italie, série Wilder Mann, Charles Fréger, 2010/2011
L’Homme et la Bête L’homme est-il un animal comme les autres ? S’il est certainement un loup pour ses semblables, jusqu’où va son animalité ? En exposant le travail de Benjamin Rabier, célèbre père de la Vache Qui Rit, le Musée de l’Image d’Epinal donne à voir l’œuvre prolifique de celui qui n’a cessé de croquer la nature humaine sous les traits de l’animal. Un peu comme le poète Jean de la Fontaine, dont il a d’ailleurs illustré les célèbres Fables. Face au travail de Rabier, à son trait simple et efficace, s’affichent les singulières photographies de Charles Fréger. L’artiste, célèbre pour ses portraits autour du thème de l’uniforme, a voyagé autour du monde et saisi les moments où l’homme retrouve ses instincts sauvages à travers les traditions. L’on croise des hommes grimés en cerf, en ours ou en créatures étranges lors de célébrations païennes tout autour du globe. Ainsi, l’exposition L’Esprit des Bêtes cherche à réveiller la bête qui sommeille en l’homme. D’un côté corrosif et humoristique, de l’autre brut et contemplatif. Pour parachever ce travail qui consiste à associer le XXe siècle de Rabier au contemporain Fréger, le Musée de l’Image a commandé des œuvres à de jeunes illustrateurs. L’objectif est de réinterpréter la thématique à partir du travail de Rabier. Comme un lien entre passé et présent. Ou passé, présent et futur. Par Camille Malnory
L’ESPRIT DES BÊTES, exposition jusqu’au 1er novembre au Musée de l’Image, à Épinal www.museedelimage.fr
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Court poème Une nouvelle édition de Court toujours se dessine pour la rentrée. Les différents arts scéniques comme le théâtre, danse, cirque, marionnette et cinéma, se présenteront devant les spectateurs dans une forme courte variant de 5 à 40 minutes. Pour l’occasion, le Théâtre Nest met à disposition une scène libre d’expression – sur inscription – pour venir présenter ses propres créations, toujours sous forme de brèves. Le festival s’achèvera sur une touche humoristique et joviale grâce au duo Ko’n’rv et leurs chansons belges ! Encore une fois, la programmation de Court toujours ouvre le bal aux autres événements à venir du Théâtre Nest pour la saison 2015 et 2016. À partir du 7 octobre, les représentations reprennent de plus belle en débutant par Angelo, tyran de Padoue sur un texte de Victor Hugo. La metteure en scène, Cécile Arthus, à travers les personnages hugoliens évoque à nouveau la question de l’émancipation des femmes, des stéréotypes et clivages imposés par les conventions. Le Nest se veut également dans une approche pédagogique pour les adolescents avec sa semaine spéciale Extra : « Cette année, il est question d’explorer les incertitudes chaotiques et joyeuses de l’intime. La chambre, un peu comme la boîte noire du théâtre, sera le lieu de tous les délits, le lieu clos et à soi où tout est permis, lieu des fantasmes et du charnel où l’adulte en devenir se découvre et se projette, fait ses premiers choix », affirment Jean Boillot et Cécile Arthus, directeurs du festival. Par Mégane Dongé
COURT TOUJOURS, pièces de théâtre du 18 au 20 septembre au Nest, à Thionville www.nest-theatre.fr
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Neuf petites filles de Sandrine Roche © Eric Didym
Matières brutes Lang/Bauman, Street Painting #7 (intervention à Rennes en 2013)
Sur les pavés, l’Art Un enfant fabriquant, assis par terre, une guirlande de drapeaux anglais ; une plage sous les pavés. Ils peuvent n’être que des dessins et des mots sur les murs, mais ils sont une œuvre. Celle d’artistes qui utilisent le monde comme toile. Nancy a décidé de donner la part belle à cet art particulier qui se voit partout : le street art. Celui des bombes de peintures et des pochoirs. Celui de Banksy et d’Invader. La ville de Stan offre son corps à des graffeurs venus de toute l’Europe mais aussi de ses propres entrailles, dans sa démarche contemporaine d’offrir l’art à tous. Elle se pare de couleurs et de messages sur quatre lieux différents : l’ancienne usine abandonnée Alstom, la rue des Ponts, la façade du Saint-Sébastien, et celle du CCAS. Ils sont 47 artistes invités à bomber, pocher, graffer et taguer la capitale des Ducs de Lorraine. Parmi eux, David Walker, portraitiste sans pinceau ni crayon qui dessine des visages de femmes pudiques ou sensuelles à la bombe aérosol et qui, par ses traits ultra-colorés ou non, flirte avec le surréalisme d’Enki Bilal. À ses côtés, le français Alexöne qui recouvre les murs de son univers doux-dingue et de son bestiaire de dessin animé. Et puis, il y a le couple artiste Lang/Baumann à qui on confie ici une rue entière. 183 mètres pour poser leurs formes géométriques, gaies et d’une étrange poésie enfantine. Voilà peut-être pourquoi on aime autant le street art : parce qu’il appelle au plaisir régressif de dessiner sur les murs. Par Camille Malnory
STREET ART, festival estival à Nancy www.nancy.fr
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La Mousson d’été se distingue comme un événement à part dans le paysage théâtral en Lorraine : « Tout commence toujours par un auteur » dit-elle. Au sein de l’Abbaye des Prémontrés, pour la 21e année consécutive, la Mousson d’été crée un espace à part dédié aux écritures, s’insérant entre le travail solitaire de l’auteur et la mise en scène. À partir de textes d’auteurs du monde entier, et en présence de certains d’entre eux, des lectures de textes inédits ou jamais traduits en français seront organisées. Michel Vinaver sera l’invité d’honneur de cette édition 2015, pour une lecture de Bettencourt Boulevard ou une histoire de France. Trois spectacles « mis en espace » sont également à l’affiche : Les guêpes de l’été nous piquent encore en novembre d’Ivan Viripaev, Juste avant que tu ouvres les yeux, spectacle de rue de la compagnie Ktha, et Blé de la Clinic orgasm society. La dimension internationale de la Mousson d’été fait partie intégrante de son ADN : une nouvelle fois, s’y tiendra une Université d’été européenne réunissant 70 stagiaires. Conférences et rencontres avec les auteurs viendront s’ajouter au programme, faisant de ce lieu de découverte d’écritures nouvelles une zone de croisements : entre éditeurs, metteurs en scènes et auteurs venus à la rencontre du public, entre la langue et le vivant. Par Benjamin Bottemer
LA MOUSSON D’ETE, festival de théâtre du 21 au 27 août à l’Abbaye des Prémontrés, à Pont-à-Mousson www.meec.org
10/04 — 06/09 2015
RegaRdeR Une collection d’art graphique contemporain
re l i re l Po i r i e t o r Po e l ic ga eV cy 3 ru 0 Nan .f r 0 ncy 540 .na l e r oi w. p ww
Identité visuelle : atelier Pentagon | Conception : Agence Tandem Image extraite de l'affiche Antidote de Mathias Schweizer
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Fakear © Laurene Bercheteau
Le long des gazons verts
I’ll be your mirror L’œuvre d’Andy Warhol ne peut que difficilement se comprendre en dehors d’un contexte global, musique, cinéma, vidéo, danse, performance – on serait tenté de rajouter outrance, tant le célèbre peintre new-yorkais a su exploiter le star-system à ses fins propres ! À l’occasion des 50 ans de sa rencontre avec le Velvet Underground, il était bon de resituer, et sans doute au-delà de certains clichés, le fantasme d’un art total qui mêle à dessein son & vision. Ainsi, au travers de plus de 150 photographies sur lesquelles on retrouve les figures célestes, Nico, Edie Sedgwick, Gerard Malanga, etc., mais aussi des pochettes de disque dont le premier Velvet Underground ou Stinky Fingers des Rolling Stones – l’album justement réédité ces jours-ci ! – ou encore des documents d’archives, c’est tout un univers qui remonte à la surface. Celui de la Factory bien sûr, mais aussi de manière plus générale celui de la ville de New York toute entière. Laquelle opère, à elle seule, la grande bascule des dead 60’s vers la flamboyance punk des 70’s. Mais comme rien ne naît ex nihilo, signalons l’un des temps forts du parcours avec la présentation de Rain Forest (1968), une chorégraphie de Merce Cunningham au cours de laquelle les danseurs évoluent dans les Silver Clouds de Warhol, nuages aussi argentés que les murs de la Factory. Une façon de raconter, via les filiations, l’histoire d’une ville. L’histoire d’un siècle ! Par Emmanuel Abela
WARHOL UNDERGROUND, exposition jusqu’au 23 novembre au Centre Pompidou-Metz centrepompidou-metz.fr Visuel : L’artiste pop américain Andy Warhol (à droite) avec son associé Gerard Malanga et les membres du Velvet Underground, New York, vers 1966
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Le Cabaret Vert souffle ses 10 bougies cette année sur les sons électro, pop ou rock de ses invités. Un peu d’histoire : en 2003, un groupe d’Ardennais monte l’association FlaP avec un seul but : dynamiser leur département en organisant des manifestations culturelles. C’est ainsi que naît le Cabaret Vert en 2005, en plein cœur de Charleville-Mézières. Le Cabaret Vert se veut à l’image de son nom : vert. Il y ajoute la solidarité. Parce que les fondateurs veulent partager leur engagement écologique et régional. Alors le Cabaret achète local et durable. Tente de limiter sa consommation d’énergie. Se veut transparent au niveau de ses prix. Donne la voix aux artistes régionaux. Se veut convivial et sans chichis. Et se voit récompensé de ses efforts. En 2013, le Cabaret Vert obtient le Greener Festival Award. L’édition 2015 est un rodéo d’origines et d’horizons, voyageant entre les États-Unis et l’Australie en passant par la Norvège et la France, oscillant entre soul et électro. On trouve notamment Benjamin Clementine, Victoire de la Musique 2015 catégorie révélations scènes qui s’inspire autant d’Erik Satie que de Nina Simone. Ou encore les Chemical Brothers, les papas du big beat britannique des 90’s au son brut, rock presque agressif. Et à leurs côtés, leurs enfants musicaux, ceux qui créent la nouvelle identité électro : le féerique Rone ou l’enfant d’ici et d’ailleurs Fakear. Pour les autres, la pop d’Étienne Daho, l’énergie d’Algiers ou la mélancolie de Selah Sue. Par Camille Malnory
CABARET VERT, festival de musique du 20 au 23 août au Square Bayard, à Charleville-Mézières cabaretvert.com
Photo Alistair Overbruck
GÜNTER UMBERG
Photo André Morin
BERNARD FRIZE
17 mai > 4 octobre 2015 PHILHARMONIE ROYALE DE FLANDRE PHILIPPE HERREWEGHE
CLAIRE MORGAN
CHAMBRE PHILHARMONIQUE EMMANUEL KRIVINE ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE BÂLE DENNIS RUSSELL DAVIES Photo Galerie Karsten Greve
ABDEL RAHMAN EL BACHA B DAVID ZINMAN FINE ARTS QUARTET...
14 juin > 15 novembre 2015 FONDATION FERNET-BRANCA 2 rue du Ballon - 68300 Saint-Louis
www.fondationfernet-branca.org
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Une balade d’art contemporain Par Sandrine Wymann et Bearboz
Meriç Algün Ringborg, A Work Fiction (Revisited) jusqu'au 19 juillet au Kunstverein à Freiburg (fermé le lundi) www.kunstvereinfreiburg.de
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François Schuiten & Benoît Peeters 10.04 Le livre à Metz Arsenal Par Benjamin Bottemer Photo : Frédéric-Judicaël Rollot
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Rencontres
Monumental et tentaculaire, le cycle des Cités Obscures, dont le dessinateur François Schuiten et le scénariste Benoît Peeters sont les architectes, compte douze albums et autant d’ouvrages associés. Depuis 1983 et Les Murailles de Samaris, nous y découvrons des villes et des personnages plongés dans des futurs antérieurs et des réalités qui se répondent : Samaris, Urbicande, Brüsel, Pâhry sont les reflets déformés de notre monde. Le dernier projet de ses auteurs, baptisé Revoir Paris, nous place aux côtés de Kârinh, commandant d’un immense vaisseau spatial ramenant sur Terre les exilés d’une planète considérée comme perdue. Destination : l’immense cité de Pâhry, que la jeune femme s’obstine à rêver, au sens propre et figuré, d’après des utopies tracées sur papier, vestiges d’un lointain passé. À l’instar du personnage principal de Revoir Paris, Benoît Peeters et François Schuiten sont de véritables « utopiomanes » qui apprécient les allers-retours incessants d’un univers à l’autre ; le premier est un théoricien reconnu et un critique majeur du médium bande dessinée, le second un dessinateur féru d’architecture. Tout comme dans leurs récits, fiction et réalité se croisent et se contaminent régulièrement au sein de leurs pratiques. A l’occasion du festival le Livre à Metz, les auteurs ont présenté une « conférence-fiction » autour de leur diptyque en construction, alternant entre récit, planches et documents d’époque d’un Paris imaginé par Jules Verne, Albert Robida, Jean Nouvel ou Auguste Perret, tandis que la Cité Chaillot y consacre une exposition également créée par Schuiten et Peeters. Entre visions de la ville d’aujourd’hui et de ses futurs possibles, réflexions autour d’un médium qu’ils expérimentent et déclinent depuis plus de trente ans, ces gentlemen fascinés par l’Histoire et les sciences dépassent des cases et brisent les codes. Les liens entre les Cités Obscures et Revoir Paris semblent nombreux. Pourquoi avoir choisi de dissocier ce nouveau projet de votre cycle fétiche ? François Schuiten : Ce fut l’objet d’un long débat entre nous. Nous avions la volonté d’installer ce récit dans le présent, de moins jouer à cache-cache entre le passé, le présent et le futur comme dans les Cités Obscures. Certains lecteurs n’ont pas compris ce choix, affirmant que Revoir Paris est profondément dans le même esprit.
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— Nous sommes fascinés par une époque qui a bâti la nôtre : les Cités Obscures nous aident à comprendre le monde d’aujourd’hui. — Benoît Peeters : C’est à cause du graphisme ! Il y a une unité de style « Schuiten » que les gens identifient immédiatement. Mais je suis persuadé que Revoir Paris s’inscrit dans une logique qui lui est propre. Revoir Paris se décline en exposition et en conférence, les Cités Obscures en ouvrages divers, émissions, base de données en ligne, voire dépassent le cadre de la fiction, comme lorsque vous avez participé à la réhabilitation de la Maison Autrique à Bruxelles, cadre de l’un des vos albums, où lorsque François a scénarisé la station Arts et Métiers à Paris. Y a-t-il pour vous un besoin de sortir de l’univers bande dessinée stricto-sensu ? François Schuiten : Les choses ne sont pas préméditées dans notre travail, elles ne naissent pas d’une conviction du type : « on sait ce que l’on fait, on maîtrise tout ». C’est quelque chose d’organique. J’adore qu’une forme me dépasse, l’idée que l’histoire est plus forte que nous. Tout contrôler serait sclérosant et ennuyeux. Benoît Peeters : Nos histoires empruntent de gros morceaux au réel. Lorsque nous avons représenté la Maison Autrique à Bruxelles, nous l’avons fait de manière quasi-obsessionnelle. Mais je pense que, pour la majorité des lecteurs, cela n’est pas très important... François Schuiten : Peut-être, mais pour moi, ça l’est ! Paris est souvent évoquée dans les Cités Obscures, mais jamais abordée de manière frontale. Vous l’aviez mise de côté jusqu’à aujourd’hui, dans l’idée d’en faire un projet à part entière ? Benoît Peeters : C’est une ville qui nous marque énormément. On a souvent tourné autour, mais à chaque fois, ça restait trop éclaté, fragmentaire, une histoire plus forte prenait le dessus. Cette fois-ci, tout est parti du titre et de son double sens, perçu différemment dans l’exposition à la Cité Chaillot (dans le sens de « réinventer ») et dans les albums (dans le sens de « retrouver »). Cela a d’ailleurs posé des problèmes de traduction, comme pour les Cités Obscures, où c’est la notion de villes enfouies, cachées, qui prédomine. François Schuiten : Le côté sombre qu’évoque le titre de notre cycle ne me déplaît pas non plus...
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Il y a un côté à la fois utopique et dystopique dans les mondes que vous décrivez, des notions d’harmonie et de chaos, comme une lutte entre raison et « forces obscures » justement... Benoît Peeters : Il faut qu’il existe une tension, une lutte entre ces deux pôles. Sinon, quel intérêt ? Nos personnages tentent toujours de comprendre, d’anticiper les événements, comme dans La Tour ou La Théorie du Grain de Sable, mais ce sont des phénomènes impossibles à maîtriser. François Schuiten : La raison triomphera-t-elle dans les Cités Obscures ? Je ne suis pas sûr de vouloir le savoir. En trente ans, depuis la pré-publication dans le magazine (A suivre), comment les Cités Obscures ontelles évolué, au sein d’un monde de la bande dessinée qui a lui-même beaucoup changé entre-temps ? François Schuiten : On s’est toujours tenus au fait de ne pas avoir de héros récurrent... et je peux vous dire que changer de lieu et de personnages à chaque fois, alors que l’on commence à peine à les saisir, c’est une sacrée affaire ! C’est un monde qui a fini par nous dépasser. Quelque chose que l’on n’a pas vu venir, c’est que le dessin traditionnel, très précis, est devenu un peu has-been. Le dessin « relâché » constitue la norme actuelle.... François Boucq disait qu’un dessin « achevé » finissait par se déliter. Benoît Peeters : Certes, le dessin « fini » est presque devenu académique, mais c’est aussi une question de modes et d’époque. Il y a eu une coïncidence entre cette tendance et une nouvelle économie de la BD : ce n’était plus raisonnable de faire une planche par semaine, il fallait être capable de faire plusieurs albums pas an. Alors qu’à l’époque d’(A suivre), JeanPaul Mougin, le rédacteur en chef, voulait des choses denses et soignées. Quand on lui faisait une double page, il avait l’impression d’être lésé ! Esthétiquement, on a pu rapprocher votre œuvre du mouvement « steampunk », qui met en scène des technologies du passé dans un cadre futuriste. Qu’en pensez-vous ? François Schuiten : Tout d’abord, le terme n’existait pas lorsque nous avons débuté les Cités Obscures. J’avoue que cette comparaison me hérisse, comme si l’on s’attachait avant tout à l’aspect « décoratif », ce qui est à l’opposé de ce que nous avons cherché à faire. Nous sommes fascinés par une époque qui a bâti la nôtre : les Cités Obscures nous aident à comprendre le monde d’aujourd’hui. N’en garder que les effluves, c’est réducteur. Quelle est votre opinion concernant la BD de sciencefiction et d’anticipation actuelle ? Pensez-vous qu’elle puisse manquer d’ambition ? Benoît Peeters : Je ne dirais pas qu’elle manque d’ambition. Peut-être, à la rigueur, est-elle souvent
trop inscrite dans le genre. Nous n’avons jamais été très attachés aux codes traditionnels de la sciencefiction et du fantastique ; nous estimons par exemple que de tels récits deviennent rapidement ennuyeux s’ils ne contiennent que des éléments étranges. On tient à intégrer des repères pour le lecteur, dans ces mondes où même les bâtiments et les véhicules que François dessine ont une forme de logique. Le lecteur a besoin de points d’appui, sinon il est mis dans une posture de spectateur, il se sent complètement extérieur aux choses. Une planète qui explose, finalement cela laisse plutôt indifférent. François Schuiten : De même, je n’ai pas trouvé très intéressant, dans Revoir Paris, de dessiner Kârinh plongeant dans un réseau informatique. C’est très difficile de dessiner un ordinateur, alors qu’une montre, on comprend comment cela fonctionne, on la visualise. Je crois qu’on a toujours un besoin de comprendre « comment ça marche ». La ville est une notion au cœur des Cités Obscures, elle a un attrait très fort (et c’est toujours le cas dans Revoir Paris). Du coup, lorsqu’on lit certaines critiques de votre œuvre, on a l’impression que vos personnages, aux personnalités développées et plutôt attachants, sont un peu oubliés. François Schuiten : Merci de le remarquer ! On aime beaucoup s’inspirer de personnes réelles, de connaissances, pour créer nos personnages. Par exemple, Bruno (Letort, musicien qui a mis en musique la « conférence-fiction » de Revoir Paris) va bientôt en devenir un. Ce sera une sorte de Rémy Bricka des Cités Obscures ! Les gens nous nourrissent, nous donnent plein de choses, même si l’on ne sait pas toujours quoi. Et ça change tout. Cette présence de la ville est si prégnante que l’on vous consulte parfois comme des urbanistes plutôt que comme des auteurs de bande dessinée ! Avezvous pour ambition de contribuer à réinventer la ville avec votre travail ? François Schuiten : C’est vrai, on nous interroge sur nos idées en termes de transport public, ferroviaire, à propos du Grand Paris... mais attention, nous sommes des raconteurs, pas des futurologues ! Nos utopies sont des utopies passées, mais ancrées dans des angoisses de leur temps. Il reste très intéressant pour nous de détecter ces moments où la ville s’organise, se structure, devient porteuse d’intelligence, et les moments où elle s’abandonne au chaos, sous le joug des promoteurs et des politiciens. Le temps d’évolution d’une ville est très long, ce n’est pas celui des politiques. On voit à quel point celle-ci est fragile, soumise à l’irrationnel, à des intérêts locaux. Parfois, des gens ont une vision qui traverse cela, et des fusions avec l’imaginaire surviennent. Benoît Peeters : Dans Revoir Paris, on est loin de dépeindre un Paris idéal, ce n’est pas notre objectif.
Par exemple, on y intègre une réflexion à propos d’un Paris muséifié, et aussi une dimension écologique, dans le sens d’une mise en garde. Et notre quartier de la Défense a un côté plutôt rude dans la BD, même si dans le cadre de l’exposition il ne produit pas le même effet. L’état d’esprit à propos de la ville tel qu’il existait dans les années 80 n’est plus du tout le même aujourd’hui. J’ai travaillé sur Le Corbusier, à l’époque pris dans une critique très contemporaine ; désormais, il appartient à l’Histoire.
— Nous n’avons jamais été très attachés aux codes traditionnels de la science-fiction et du fantastique. — Avez-vous déjà en tête des « destinations » futures, des questions nouvelles que vous souhaitez aborder à travers les Cités Obscures, d’autres projets ? Benoît Peeters : Déjà, nous n’avons pas dit notre dernier mot avec Revoir Paris, dont le second tome est prévu pour 2018. François Schuiten : J’ai conçu Train World, un musée du rail qui ouvrira prochainement ses portes à Schaerbeek, en Belgique. L’idée n’est pas d’en faire un musée poussiéreux, mais une expérience pleine d’émotions. Je veux que l’on soit surpris, émerveillé, fasciné comme je l’ai toujours été par les trains. D’ailleurs, vous verrez bientôt dans un prochain album une locomotive à vapeur inversée, suspendue à cause des inondations, un peu comme le tramway de Wuppertal, en Allemagne. Vous parlez de voyages, de destinations... peut-être y a-t-il une sorte d’appel à l’aventure et à l’audace dans les Cités Obscures. C’est une idée assez troublante, peut-être une caractéristique de la bande dessinée belge, qui s’est souvent lovée dans l’imaginaire des voyages, de l’aventure. Benoît Peeters : Le projet principal, c’est de continuer de réaliser de bons livres ensemble, de faire voyager le lecteur. Dans Revoir Paris, Kârinh se replonge dans les vieux livres, les gravures. De nos jours, le voyage est devenu très ennuyeux : on peut voir sa chambre d’hôtel et la moindre ruelle aux alentours sur Internet, la météo... c’est une catastrophe. On est obligés de se re-fabriquer un imaginaire ; avec Revoir Paris, on reconstruit le voyage.
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L’équipe de Fluide Glacial 10.04 Le livre à Metz, Auditorium de l’École Supérieure d’Art de Lorraine Par Benjamin Bottemer Illustration : Jeff Pourquié
Le mensuel bizarrement estampillé « Umour et bandessinées » créé par Marcel Gotlib en 1975 après son départ du Pilote de Goscinny puis de l’Écho des savanes est devenu une véritable institution. En 2012, les ventes de Fluide Glacial étaient en augmentation, plafonnant à 70 000 exemplaires, dont la moitié destinée aux abonnés. Une rareté dans le milieu des mensuels payants en France. Pour fêter dignement les 40 ans du magazine, Yan Lindingre, rédacteur en chef et messin de son état, a convié une foultitude d’auteurs dans la capitale mosellane : Christian Binet, papa des immortels Bidochon, Daniel Goossens, Bruno Léandri, Pixel Vengeur, Diego Aranega, Romain Dutreix, Charlie Zanello, Jeff Pourquié et quelques autres étaient donc réunis début avril au festival le Livre à Metz, dont ils étaient, n’ayons pas peur des mots, les invités d’honneur. Autour d’un beau gâteau et d’une sculpture en glace, au son du cor des Alpes, le numéro 467 de Fluide Glacial était publié en exclusivité mondiale. Exposition, rencontres, dédicaces et même concert-dessiné (grand moment de délire total), le moment était idéal pour dévoiler le fond de l’affaire Fluide. C’est à Léandri, Binet et Goossens que revenait le devoir de témoigner de la grande et de la petite histoire devant un parterre de fans béats, lors d’une
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« table ronde » pas vraiment ronde (et sans table d’ailleurs) animée par un Yan Lindingre en roue libre comme il se doit. La discussion s’emballe rapidement : on se chambre, on en met plein la tête à Jacques Diament, ex-rédacteur en chef et gestionnaire intraitable, on évoque l’héritage de Choron, d’Harvey Kurtzman et du magazine MAD ainsi que quelques anecdotes transformées en cartoons vivants... C’est cela : on nous avait en fait conviés à la reconstitution d’une conférence de rédaction chez Fluide. « On essaye d’être les héritiers de Gotlib, en réunissant des talents aux univers différents, résume Yan Lindingre. Certains disent que son esprit s’est perdu, mais ce qui aurait tué le mag, c’est de faire venir des sous-Edika, des sous-Binet, alors que l’on invite des gens de l’Association, des Requins Marteaux, qui font la nouvelle culture de Fluide tout en étant issus des mêmes matrices. » Bruno Léandri est présent au sein de la rédaction depuis le tout début de l’aventure : interviews, chroniques et reportages au sein de sa rubrique « Palinodies » furent les armes du plumitif officiel de Fluide. « J’ai vieilli en même temps que Pilote, qui a muté vers un traitement de l’actualité au tournant de Mai 68, comme le fait Fluide, expose l’auteur. Gotlib et Goscinny ont importé un humour à la MAD qui a été notre impulsion de départ ». Après une sombre
Rencontres
évocation des événements du 7 janvier et un vif débat autour de l’humour et de sa perception dans les différentes cultures, qui vire presque à la séance dominicale de l’Académie Française, tous tombent d’accord avec Daniel Goossens, pour qui « l’humour ne doit pas être quelque chose de difficile à comprendre ; l’idéal est de réunir des gens qui aiment l’humour «vieux dragon», l’humour «champagne» et l’humour «scato» ». Christian Binet ajoutant, croyant avoir trouvé la formule du succès de Fluide : « Les gens sont fatigués de chercher dans le tsunami des publications, ils se tournent vers des valeurs sûres ». Sous le chapiteau place de la République, les « petits jeunes » sont presque aussi sollicités que leurs glorieux aînés. Charlie Zanello est arrivé dans les pages de Fluide voici deux ans, au sein de la mythique Gazette de Frémion, et avoue « encore découvrir l’histoire du magazine. Mais je n’en fais pas un culte ». Pixel Vengeur, qui après dix ans fait quasiment partie des grisonnants, pense que l’arrivée de Yan Lindingre coïncide avec un certain renouvellement : « On devient peut-être plus mordants, avec un côté social, comme dans Les Caniveaux de la gloire par exemple, explique-t-il. D’un côté, ça existait déjà avec les Bidochon... Ce n’est pas une question de génération ». Arrivé en 1994, Romain Dutreix est un pilier du Fluide
Glacial actuel. Publié pour la première fois après avoir remporté le concours de la « couverture blanche » du numéro 212, ses confrères ne tarissent pas d’éloges à son endroit. « L’esprit n’a pas changé, et c’est très bien comme ça. J’entends dire : “ça ronronne”, mais on s’en fout ! s’agace-t-il. Il y a toujours de nouveaux auteurs avec des styles différents qui entrent à Fluide, et des pointures qui regardent ton travail et te disent : “c’est bien ce que tu fais”, et ça fait chaud au cœur. À Fluide, personne ne reste dans son coin. » L’esprit impertinent et rock’n’roll ne semble pas avoir bougé d’un poil, malgré les changements de direction, les hésitations, les difficultés qui ont parsemé l’histoire d’un magazine qui se décline en Série Or et accouche de nombreux albums via les éditions Audie. Peut-être grâce à un sang neuf régulièrement injecté, et aussi à l’ombre des grands frères (voire grands-pères) que sont Gotlib, Franquin, Gimenez, Edika, Maëster, Larcenet et d’autres. Certains hausseront les sourcils et passeront leur chemin, d’autres continueront à s’esclaffer comme des baleines à la lecture de leur « madeleine de prout » telle que la définit le jeune Lindingre. En attendant la nouvelle vague de grosse déconne.
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Enrica Antonioni 14.04
Librairie Kléber
Strasbourg
Par Emmanuel Abela Illustration : Olivier Bombarda
Pour le titre de l’ouvrage de Michangelo Antonioni, vous avez opté pour Je commence à comprendre, mais vous hésitiez avec Je commence à te comprendre. Dans un cas, c’est Michelangelo qui commence à comprendre, dans l’autre cas, c’est vous qui vous adressez à lui… Il y a encore une autre possibilité : l’auteur qui rédige ces notes comprend celui qui les lit. Michelangelo a commencé à rédiger ces notes alors qu’il souffrait déjà. Il s’agissait de donner un titre à cet ouvrage, mais il ne savait pas comment l’intituler. Moi, en tant que sa femme mais aussi en tant que personnage de ses films, j’avais proposé Je commence à te comprendre parce qu’il a eu besoin d’une vie entière pour me comprendre, moi Enrica ! Mais comme ses notes constituent des pistes pour comprendre la vie, au final, avec Carlo di Carlo, son biographe, ils ont penché pour Je commence à comprendre. Ces notes donnent à entendre une voix dont vous dites qu’il ne la faisait pas beaucoup entendre dans l’intimité. D’autant moins qu’il était réduit au silence dès 1985. À la lecture, on suppose une voix mesurée, raisonnée, mais aussi enjouée, capable de fulgurances. C’était un homme tout à fait enjoué, très jeune. Plus jeune que moi ! [Michelangelo était plus âgé de 42 ans, ndlr] Il a toujours gardé un corps très agile. Dans ce livre, il a eu la générosité d’écrire ses impressions. Une générosité qu’il mêle à une grande exigence en tant qu’artiste. Quand il écrivait, c’était un luxe pour lui. Parce qu’il prenait tout le temps nécessaire pour écrire dans son bureau. Alors que faire du cinéma était une souffrance, contrairement à mon ami Wim Wenders pour qui tourner reste une joie, notamment quand il filme de magnifiques panoramiques avec le ciel. Michelangelo, lui, favorisait les petits mouvements transversaux et les petits cadrages. Il a tourné dans des endroits minuscules, comme dans son bureau. Cet effort de création, faire du cinéma et de la poésie en même temps, il se l’était choisi moralement. Mais cela nécessitait pour lui un effort physique et intellectuel considérable alors que rester assis et écrire face à la fenêtre d’où il voyait Rome et l’horizon bien au-delà, ça lui permettait de puiser au fond de son âme.
Les premiers passages concernent la relation très affective qu’il entretient à l’écriture elle-même dans ce qu’elle présente de graphique. Il écrit : « J’aime ces ratures, ces taches noires, sur ce mince papier ». Finalement, même là, la dimension plastique finit par l’emporter… Oui, parce qu’il était architecte aussi. Il disait souvent : « Si je n’avais pas été metteur en scène, j’aurais été architecte. Sinon, j’aurais choisi d’être peintre ». Mais le cinéma peut regrouper tous ces arts. Il avait un sentiment de l’espace qui lui venait de la ville de Ferrare, comme dans les peintures de Chirico, ces magnifiques peintures métaphysiques. Avec sa note « Je n’ai rien à dire, mais j’écris », on pense à John Cage qui écrit dans Silence : « Je n’ai rien à dire et je le dis, et c’est là la poésie ». Vous savez, tous les artistes de ce temps n’ont été qu’un seul et même artiste. Un jour, Michelangelo a écrit au peintre Mark Rothko : « Monsieur, vous et moi, nous faisons le même métier : vous peignez, et moi je filme du rien ». Dans les couches de couleurs de Rothko, il situait une recherche incroyable. Chez Michelangelo, il peut ne rien se passer comme dans la scène finale de L’Eclipse. Mais combien d’intentions, combien de travail faut-il pour arriver à ce sentiment de vide, pour atteindre cette simplicité, cette élégance absolue ? Dans son cinéma, le silence valait autant que le dialogue… Il est étonnant de constater dans la construction du livre que les silences, les blancs entre les paragraphes, parlent autant que les mots.
— Michelangelo exprimait beaucoup de sentiments mais par pudeur, il ne voulait rien dévoiler. —
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Michelangelo vivait dans le silence. Avec ce livre, il a connu une urgence de création. Lorsqu’il écrivait, il aimait adopter la position du témoin, cette position hautement morale qu’il adoptait déjà au cinéma. C’était pour lui une manière d’impliquer le spectateur : en effet, si le spectateur devient le témoin de la scène, il ne se préoccupe plus guère des
Rencontres
mouvements de caméra, il est dans le film. Dans un temps nouveau, celui d’Antonioni. D’où l’importance des silences. On se souvient de ces moments où il laissait tourner sa caméra après la scène pour chercher l’émotion chez l’acteur ou l’actrice, comme s’il laissait le récit en suspens. Oui, c’étaient les scènes qu’il préférait. Parfois il demandait au monteur de couper certains photogrammes de la séquence, ce qui est imperceptible à l’œil nu, afin de créer un moment de respiration. Il aimait laisser cet instant silencieux en bout de scène.
Il écrit une chose très belle : « Tel est ce que j’ai perdu avec l’âge : le courage des sentiments ». Mais on a du mal à le croire : même avec l’âge, on suppose qu’il avait gardé une grande capacité à s’émouvoir. Effectivement, il ne faut pas le croire ! Michelangelo était d’une grande élégance. Il exprimait beaucoup de sentiments mais par pudeur, il ne voulait rien dévoiler. Il ne m’a jamais exprimé la moindre jalousie par exemple. De même, il est mort de façon très élégante sur son fauteuil, dans un ultime souffle, de manière silencieuse et sans exprimer la moindre douleur. Avec beaucoup de courage. Sa mort est un chef-d’œuvre…
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Anna Calvi 08.04 PopArtiserie Strasbourg Photo : Éric Antoine
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Loup Barrow 15.02 Festival GéNéRiQ au Consortium Dijon Parmi les nombreux instruments qui t’entourent, il y a un violoncelle, un cristal Baschet inventé en 1952 ou encore un hang datant du début des années 2000. C’est une volonté forte de croiser les âges ? D’abord, je cherche à m’enrichir. Mes instruments je les choisis en me disant : tiens, ça sonne, et si j’en jouais ? Le violoncelle est mon instrument préféré, du coup on le retrouve dans ce projet [il est accompagné de Goulven Kervizic au violoncelle, ndlr]. J’aime le cristal et j’aime aussi chanter. Mais je ne crois pas que ce soit réfléchi, même s’il y a une quête de sons et une quête introspective : je cherche des paysages émotionnels. Quel a été ton instrument de « départ » ? On va dire que c’est le violon même si ce n’est pas mon instrument de départ parce que mes jeux consistaient à le désaccorder. Je n’avais pas franchement envie d’en jouer. Mon instrument de départ, vers neuf ans, a été la batterie. Comme mes parents étaient musiciens, j’ai commencé à les accompagner à des concerts, c’était surtout une question de curiosité. Mais dans le même temps étant enfant de musicien, j’avais une oreille un peu plus sensible à la musique et lorsque j’ai vu jouer le batteur de mes parents, j’ai été sidéré par le côté un peu sportif de la performance. Il s’éclatait vraiment. Je m’y suis mis d’abord pour me défouler, le côté intellectuel est venu après.
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Par Martial Ratel Photo : Vincent Arbelet
À l’écoute de ta musique, on a l’impression que tu mets de la pop dans des bouts de structures de musique savante, et l’inverse… C’est ça. Je suis autant influencé par Antony and the Johnsons que par Chopin ou Schubert. J’ai pas mal écouté de rock progressif aussi, ça m’a inspiré au niveau des structures. J’ai écouté des groupes comme Tool avec des mesures composées, impaires, un jeu très syncopé, très rythmique. Je suis batteur mais j’ai fini par aller vers des instruments harmoniques dans lesquels je distille du rythme. Le cristal m’emmène quand même vers une musique plus éthérée, et rythmiquement c’est compliqué. C’est comme si devant un instrument je me disais : cet instrument est incroyable mais je ne peux pas tout faire avec. En fait, chaque instrument vient équilibrer les défauts de l’autre, chaque instrument se complète. C’est pour cela que je suis multi-instrumentiste, pas parce que je le veux mais parce que ça se fait naturellement ! Je vois tout ça comme un grand instrument, en fait. Sur scène, il y a cinq ou six instruments mais pour moi, il n’y en a qu’un.
David Krakauer
Rencontres
26.05 Arsenal Metz Par Benjamin Bottemer Photo : Julian Benini
Enfant, David Krakauer se demandait ce qui pouvait bien se cacher derrière l’accent yiddish de ses grandsparents, qui une fois installés aux États-Unis ont abandonné leur langue maternelle pour mieux s’intégrer. Il a rapidement pressenti qu’il y avait là-dessous une foule de récits, et parmi eux, le sien. « En France, on s’endort à l’ombre des cathédrales et des synagogues du XIIIe siècle, relève-t-il. Mais moi, à New York, je n’avais rien de tout cela. » Fils de musiciens, il adopte la clarinette durant son adolescence, joue du classique et du jazz, et se tourne à 30 ans vers le klezmer, la porte d’entrée vers une quête de son identité qu’il poursuit encore aujourd’hui. « Longtemps, la musique klezmer est restée enfermée au sein de la communauté juive, c’était avant tout de l’ethnic-music réservée aux mariages, raconte le musicien. Ils étaient peu à sortir de ce cadre, comme Benny Goodman et Ziggy Elman dans les années 40. Il faudra attendre les années 70 pour que de jeunes musiciens donnent une nouvelle vie à cette musique. » Lors de l’explosif concert qu’il donne à l’Arsenal de Metz, entouré de sa nouvelle formation Ancestral Groove, ce sont ces histoires-là qu’il expose, offrant au public des interludes vifs et chaleureux où son enthousiasme est communicatif. Ses découvertes culturelles et musicales, son voyage en Europe de l’Est dans les années 80 (qui lui inspirera le titre de son dernier album, Checkpoint), sa famille, Sidney Bechet, à qui il rend hommage avec Klezmer à la Bechet, la rencontre avec John Zorn qui signera son premier album, Klezmer madness, en 1998, les hippies qui « avaient foutrement raison » ou encore la tradition de la Pessa’h, la Pâque juive, où un verre de vin est placé dans l’entrée laissée ouverte pour le prophète ou le nécessiteux. « C’est ce que j’ai fait quand j’ai rencontré DJ So Called et Fred Wesley : laisser ma porte ouverte. » On le connaît pour son talent à revisiter, réactualiser au sens noble du terme ces sonorités ashkénazes, qu’il aborde en jazzman et teinte de rock et de musiques électroniques. Mais plus que cela, Krakauer est un conteur. « Ces mélanges, c’est avant tout pour faire du klezmer une musique vivante, pour ne pas le laisser au musée, précise David Krakauer. Derrière chacune de mes musiques, il y a une histoire qui a changé ma vie. Saisir ces images, c’est très important pour moi. »
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Rencontres
Owen Pallett 25.04 Grillen Colmar Par Cécile Becker Photo : Brian Vu
En dehors de votre dernier album In Conflict, de la bande-son du film Her de Spike Jonze réalisée avec Arcade Fire [groupe au sein duquel il a été violoniste, ndlr], vous avez écrit des analyses sur des phénomènes pop publiés sur le site Slate. J’avais envie de vous demander ce que vous pensiez du groupe de métal que l’on vient d’entendre, complètement à l’opposé de la pop. Ce genre de musique ne me touche pas. Je ne dis pas que c’est bon ou mauvais, je ne le trouve pas utile à ma vie. Quand j’entends cela, ça m’évoque des choses que je ne comprends pas : des mecs hétéros répétant ensemble dans un studio, jouant de la musique pensée pour des studios de répétition. Beaucoup de genres musicaux ont été pensés pour le plaisir seul du musicien. De la même façon, je ne comprends pas la deep house. Avez-vous besoin de comprendre la musique pour l’apprécier ? Non, bien sûr que non ! J’aime la deep house, mais je ne la comprends pas. Le truc chouette à propos de la pop c’est que je la comprends, je sais pourquoi ça fonctionne. Je sais pourquoi Burt Bacharach [compositeur majeur des années 60 à 2000, il a écrit pour Tom Jones, Aretha Franklin, Isaac Hayes ou encore Claude François, ndlr] était ce compositeur de génie des 70’s, Prince, celui des 80’s et Max Martin, des 90’s et 00’s [il a notamment écrit… Baby One More Time de Britney Spears, Shake it Off de Taylor Swift ou I Kissed a Girl de Katy Perry, ndlr].
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Katy Perry est-elle un génie ? Le terme « génie » veut tout et rien dire. Mais je dirai qu’elle en est un considérant qu’elle a sorti de nombreux hits. Elle est clairement capable de tirer profit du système au point d’avoir beaucoup de succès, c’est du génie ! J’adorerais pouvoir faire ça. 90% des personnes travaillant dans l’industrie pop adoreraient accomplir ce qu’elle a accompli. C’est très important de reconnaître que si Max Martin a écrit Teenage Dream, Katy Perry est la performer qui a su la porter. Ils sont tous les deux responsables de ce succès. On ne peut pas dire : « C’est un escroc, elle n’écrit pas ses chansons », je n’aime pas cette façon de penser. Je ne pense pas que la propriété d’une chanson soit un critère nécessaire concernant la musique pop. Vous êtes passé par le Conservatoire et avez collaboré avec Arcade Fire, c’est un grand écart assez rare. Peuton dire que vous passez constamment du champ des musiques savantes aux champs des musiques pop ? Je rejette le terme de musiques savantes ! Si vous regardez la production des compositeurs de musique moderne, ce ne sont que des conneries emo à l’eau de rose ! Nils Frahm, Ólafur Arnalds, toutes les productions du label Erased Tapes… C’est de la jolie musique sentimentale et cotonneuse ! Il n’y a rien de savant à ça. C’est simplement de la musique de cœur ! Je n’essaye pas de dénigrer quoi que ce soit mais c’est de la pop jouée avec des instruments classiques. Même la musique contemporaine (qui est une chose divine !) : toute la production populaire de Pierre Boulez, le cinquième mouvement du Quatuor pour la fin du temps d’Olivier Messiaen, ce très joli passage au violoncelle et au piano, tout ça est presque religieux. Je ne pense pas que la distinction entre la musique savante et populaire
doive exister. Fonctionnellement, c’est la même chose. Le temps le prouvera : c’est la musique du cœur qui gagnera. D’ailleurs, ma musique ne vient pas assez du cœur. Je suis trop scolaire, faussement intellectuel dans ma façon d’écrire ou de poser des structures. Je suis pointilleux, frustré, d’une certaine manière. Mes chansons les plus populaires sont celles que j’ai écrites quand j’étais déprimé ! [Rires].
tôt. Il y a une dichotomie entre ces deux mondes : mieux faire/faire ce que le public attend de nous pour gagner un peu d’argent. Aujourd’hui, on a des musiciens qui font évoluer leur musique en même temps que leur public : Björk par exemple ou Scott Walker. Eux évoluent tout le temps, et ont trouvé la manière de communiquer avec le public. C’est rare et merveilleux.
Être musicien finalement, c’est être un éternel insatisfait… Notre but ultime, c’est d’arriver à communiquer avec le public. C’est notre souci à tous, également celui de musiciens établis que je connais comme Sufjan Stevens. II m’a confié qu’il déteste la musique qu’il fait ! Il veut constamment mieux faire. Pourtant les auditeurs eux, sont persuadés d’avoir compris la musique de Sufjan Stevens. C’est une des raisons qui fait que la pop nous force à quitter la musique très
Avez-vous déjà eu la sensation d’atteindre votre idée de la perfection ? J’essaye de ne pas penser en terme de perfection, il y a des chansons que j’ai faites qui me satisfont, d’autres moins. Je suis persuadé que c’est assez malsain de s’auto-congratuler. Si tu penses que tu as créé quelque chose de parfait, pourquoi continuer ? Tout l’éclat de la créativité réside dans le manque, dans ce besoin de quelque chose. J’ai encore beaucoup de chemin à faire…
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Olivier Py 21.04
Opéra national du Rhin
Rencontres
Strasbourg
Par Marie Bohner Photo : Pascal Bastien
À quelques jours de la première d’Ariane et BarbeBleue à l’Opéra du Rhin, prévue pour le dimanche 26 avril, Olivier Py semble fébrile, écartelé entre de multiples rendez-vous presse et des répétitions grand format avec orchestre. Fébrile mais décidé, à l’image de l’Ariane du spectacle, il a le regard et le verbe clairs. Car au-delà d’Ariane et Barbe-Bleue, Olivier Py a un slogan, une ambition sociétale qui s’étend de cet opéra au prochain, Pénélope, mais aussi au Festival d’Avignon ainsi qu’à tous ses autres projets : la culture et l’éducation. Cela fait, dites-vous, presque vingt ans que vous souhaitez monter Ariane et Barbe-Bleue de Paul Dukas. Comment êtes vous arrivé à vos fins ? Tout simplement parce que j’ai rencontré un directeur qui a accepté de la faire avec moi. Quand on s’est rencontrés avec Marc Clémeur nous avons parlé de plusieurs œuvres, moi je rêvais toujours d’Ariane et Barbe-Bleue, lui avait envie de travailler sur Pénélope... Ce sont des œuvres qui sont proches, que nous avons imaginées comme une sorte de diptyque. Je tiens Ariane et Barbe-Bleue pour l’un des grands opéras du XXe siècle, injustement oublié. Donc cela s’est fait en un éclair avec Marc Clémeur : nous avions une passion commune, et nous y avons cru. Et puis Ariane et Barbe-Bleue n’a jamais été joué à Strasbourg il me semble. En quoi Ariane et Barbe-Bleue et Pénélope formentelles un diptyque ? C’est la même époque, 1907 et 1913. Ce sont aussi deux œuvres oubliées du répertoire français, par deux très grands musiciens qui n’ont fait qu’un seul opéra chacun. Ces œuvres ont des thèmes communs, comme l’utilisation du mythe, bien sûr. Et puis il y a la question des femmes : l’attente des femmes dans un monde en changement. Ce sont des œuvres un peu crépusculaires : elles sont peut-être plus les dernières œuvres du XIXe siècle que les premières du XXe. Vous décrivez Maeterlinck comme un « poète des aveugles », est-ce ce qui fait la force de l’opéra Ariane et Barbe-Bleue ? Dans toute l’œuvre de Maeterlinck, on ne sait pas. On ne comprend pas, et en progressant on comprend de moins en moins, plus du tout même. Ses dernières œuvres ressemblent vraiment à celles de Beckett : obscures, sceptiques. Il a hautement conscience
que des forces sombres et indicibles sont à l’œuvre, au niveau intime et au niveau des sociétés. Il fait les mêmes découvertes que Sigmund Freud, mais dans le théâtre – pas à la clinique. Et il y a beaucoup d’aveugles dans son théâtre. Dans cet opéra, il n’y a pas d’aveugles, mais les femmes sont presque toujours dans le noir – c’est d’ailleurs l’une des difficultés de la mise en scène –, et quand elles ne sont pas dans le noir elles sont totalement éblouies. Eblouissement de la vérité ou philosophie sceptique : il y a toujours cette balance dans l’écriture de Maeterlinck. Quand la vérité apparaît, elle est beaucoup trop lumineuse et on n’arrive pas à la regarder.
— Quand la vérité apparaît, elle est beaucoup trop lumineuse et on n’arrive pas à la regarder. — Vous parlez aussi du féminisme de Ariane et BarbeBleue, à l’époque où l’opéra a été écrit mais aussi dans sa résonance actuelle. Rien n’aurait changé pour les femmes depuis le début du XXe siècle en France ? Ce qui a changé, c’est le droit. À cette époque-là, les femmes n’étaient pas des « citoyens ». Aujourd’hui elles le sont à part entière. Mais ce que Maeterlinck avait déjà compris, c’est que le droit ne suffit pas. Moi je pense que l’œuvre est assez féministe. Mais elle est aussi bien taxée de son contraire. Je le laisse à votre appréciation. Je pense qu’elle est féministe parce qu’elle parle du « plafond de verre » : ces femmes sont légalement libres, libérées par Ariane, mais elles ont intériorisé les forces d’oppression, ce qui est infiniment plus difficile à changer que les lois. Cela prend plus de temps. Est-ce que des spectacles comme celui-là peuvent aider à une prise de conscience de ces discriminations dans la société ? Je crois que c’est l’art qui fait changer les sociétés en général et en profondeur. Les sociétés changent avec des récits, des fictions constituantes. Celle-ci en est
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—L e seul combat politique digne d’être mené aujourd’hui c’est celui de la culture. — une. Mais bon, nous avons vécu 10.000 ans de patriarcat, donc il ne faut pas imaginer en sortir en 50 ans ! Avez-vous une manière particulière de travailler avec les femmes sur le plateau ? On aurait tort d’écraser l’œuvre uniquement sous la grille féministe. C’est une œuvre politique au sens large, qui peut parler de l’oppression des femmes mais aussi de l’oppression des peuples en général. Cela peut même parler de l’intime, peut-être que cette œuvre est encore bien plus métaphysique que politique : pourquoi refusons-nous la liberté ? Pourquoi refusons-nous la lumière ? Pourquoi sommes-nous attirés par l’obscur ? Vous poursuivez, à travers cet opéra, votre compagnonnage avec Pierre-André Weitz, pour les décors et les costumes. Que vous apporte-t-il ? Nous sommes un duo. Nous avons fait ensemble 27 mises en scène d’opéra. Il était un homme d’opéra avant que je ne le sois, il a chanté dans cette maison [l’Opéra du Rhin, ndlr] pendant 6 ans, il connaissait donc l’opéra beaucoup mieux que moi, et de l’intérieur. Il était architecte et chanteur lyrique. Ensemble nous avons inventé une manière de faire de l’opéra, un théâtre lyrique, dès notre première collaboration il y a une vingtaine d’années à Nancy. Ce théâtre lyrique tient beaucoup à la mobilité des décors, à un certain rapport à la lumière, un ensemble de choses qui forment un style. Nous avons refusé la tradition aussi bien que l’adaptation contemporaine. Nous avons essayé de trouver notre propre chemin. Vous évoquez « la défaite du politique » dans Ariane et Barbe-Bleue, cet apparent pessimisme reflètet-il votre état d’esprit par rapport à la politique aujourd’hui ? Ce n’est pas moi qui parle de la « défaite du politique », c’est Maeterlinck. Mais il est certain que nous vivons des temps difficiles. La pièce fait écho à une difficulté de réinventer le politique. C’est une pièce où les forces révolutionnaires sont découragées, qui prend acte d’un doute sur le politique et sur l’Histoire. Mais on prend acte pour en sortir, pour donner des éléments de lumière dans l’obscurité de l’histoire. Il y a cette impression aujourd’hui que l’engagement ne sert à rien. Je ne le crois pas, même si je vois l’immobilisme à l’œuvre dans nos sociétés.
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Pensez-vous que des institutions culturelles comme l’Opéra national du Rhin ou le Festival d’Avignon sont des lieux d’engagement culturel et politique ? Le seul combat politique digne d’être mené aujourd’hui c’est celui de la culture. Si les politiques tournent le dos à la culture c’est qu’ils tournent le dos à la politique. Le signe le plus fort de la volonté démocratique des politiques, c’est toujours la culture. Quand on les voit régresser sur ce terrain-là, on sait que l’intérêt général n’est plus ce qui les guide. Avez-vous l’impression qu’une régression de ce type est à l’œuvre en ce moment ? Ça n’est pas qu’une impression ! Nous trouvons actuellement sur Internet une carte retraçant la suppression de tous les festivals en France, il y a des baisses de subventions partout. C’est un fait. Ce qui est peut-être nouveau, c’est que ce n’est plus l’apanage de quelques politiques droitières. La gauche s’y est mise aussi. Vos déclarations autour du Festival d’Avignon et du Front national ont tout de même impacté fortement les élections, ce qui est le signe d’un certain impact des acteurs culturels. C’est incontestable. Le Festival d’Avignon a été, par ma voix, opposant à la montée du Front national. C’est agissant, en tout cas au niveau local. Même sur l’abstention, qui est encore un autre type de fléau. Qu’y a-t-il d’urgent à dire et à faire aujourd’hui ? La culture, l’éducation. D’abord la culture et l’éducation, ensuite la culture et l’éducation, enfin la culture et l’éducation. C’est-à-dire créer des hommes et non plus créer des marchandises. C’est ça, l’avenir de la France. À nous et aux citoyens de convaincre ceux qui ont le pouvoir. Vous reconnaissez-vous dans les mouvements qui se créent autour d’une certaine alternance, comme les Fab Labs, l’économie créative, etc. ? Pas forcément dans tous les mouvements, mais je me reconnais dans l’imagination au pouvoir. Il faut faire une politique à partir des idées, pas seulement à partir du faux pragmatisme des chiffres. C’est ce que nous allons continuer à développer cette année au Festival d’Avignon avec « les ateliers de la pensée ». Ces ateliers convoquent des penseurs, mais aussi des citoyens. Cela doit aider à trouver des idées, des nouveaux moyens pour la justice sociale et pour la circulation, pas seulement de l’argent, mais aussi du pouvoir symbolique.
SAISON 15.16 PRÉSENTATION DE SAISON vendredi 18 septembre au Théâtre en Bois COURT TOUJOURS 18 › 20 septembre Festival pluridisciplinaire de la forme brève ANGELO, TYRAN DE PADOUE 7 › 11 octobre Victor Hugo / Jean-Marie Piemme / Cécile Arthus RETOUR AU DÉSERT 18 › 19 novembre Bernard-Marie Koltès / Arnaud Meunier ILLUSIONS 28 novembre Ivan Viripaev / Julia Vidit TEXTES SANS FRONTIÈRES 29 novembre QUAND J’ÉTAIS CHARLES 8 › 10 décembre Fabrice Melquiot LES ÉPOUX 7 › 9 janvier David Lescot / Anne Laure Liégeois CEUX QUI RESTENT 28 › 30 janvier David Lescot COMMISSION CENTRALE DE L’ENFANCE 30 janvier David Lescot QUELQUE CHOSE DE POSSIBLE 9 › 13 mars David Sanson / Aurélia Guillet RETOUR À REIMS 22 mars Didier Eribon / Laurent Hatat LA SEMAINE EXTRA 29 mars › 1er avril DANS MA CHAMBRE Samuel Gallet / Jonathan Pontier WERTHER ! Goethe / Nicolas Stemann À LA RENVERSE Karine Serre / Pascale Daniel-Lacombe LES IROQUOIS 2016 ÇA IRA (1) FIN DE LOUIS 23 avril Joël Pommerat HÉRO % 18 › 20 mai Karine Ponties LA CERISAIE 8 › 9 juin Tchekhov / Yann-Joël Collin
nest-theatre.fr +33(0)3 82 82 14 92 CDN de Thionville Lorraine direction Jean Boillot
Le Nord ESt Théâtre, CDN de Thionville-Lorraine, est subventionné par le Ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Lorraine, la Ville de Thionville et la Région Lorraine
centre dramatique national Thionville-Lorraine direction Jean Boillot
La langue proliférée 60
Par Caroline Châtelet Photos : Olivier Roller
À l’occasion de la publication de Providence, son dernier roman, Novo rencontre l’écrivain Olivier Cadiot. Il y a des auteurs dont on aime immédiatement la langue, les positions, les récits. Et il y en a d’autres pour lesquels cela prend un peu plus de temps. Comme si dans leur travail, quelque chose résistait. Comme s’il se nouait des tensions et des luttes internes à l’écriture et ses formes mêmes, qui rendent les œuvres plus rétives. Les écrits d’Olivier Cadiot sont de ceux-là, de ces textes dont il faut patiemment apprivoiser les structures et les récits. Pour autant depuis son premier livre publié en 1988 L’Art poétic’, ouvrage de poésie basé sur le cut-up [technique littéraire consistant à produire un texte à partir d’un autre découpé en fragments, ndlr], Cadiot déploie une œuvre passionnante par sa cohérence. En vingt-cinq années et sept romans, l’écrivain a construit des récits proliférants, suscitant de réelles sensations de vertige chez le lecteur. C’est bien dans l’élaboration d’une langue aussi articulée que protéiforme, et où la structure porte en elle le foisonnement des espaces et des histoires traversées, que se niche la puissance littéraire (parfois déstabilisante) de Cadiot. Cette intensité, qui n’est certainement pas pour rien dans les incursions de l’auteur dans des champs autres que littéraires – il collabore ainsi fréquemment avec le musicien Rodolphe Burger et le metteur en scène Ludovic Lagarde – aborde avec Providence une nouvelle étape. Dans ce roman paru en janvier, Olivier Cadiot laisse Robinson, son personnage ayant traversé tous ses précédents récits, pour investir d’autres figures. Si cette manière de l’écriture de s’excéder et se dépasser ellemême demeure, s’il est bien toujours question de personnages en lutte avec le monde et les modèles qui les entourent, les histoires semblent plus apaisées, moins nerveuses. Autour de cet ouvrage, de son travail et du reste, rencontre avec Olivier Cadiot.
Pourquoi avoir choisi pour titre de votre nouveau roman celui du dernier des quatre textes le composant, Providence ? À première vue ce livre ressemble à un recueil de nouvelles, et ceux-ci prennent traditionnellement pour intitulé le titre d’un des textes. Celui-ci vient du dernier plan de Providence d’Alain Resnais. Dans ce film, le personnage central est un écrivain qui vit retiré dans son château à la fin de sa vie. Toute la nuit, à coup de bouteilles de Chablis, il met en scène des personnages maléfiques dans des scènes cauchemardesques. À la fin, il se retrouve pour déjeuner, entouré de sa famille. Puis, la caméra fait un magnifique panoramique qui fait littéralement changer de saison et de temps : on quitte ce déjeuner d’été, on passe sur les façades et dans les arbres, on tourne dans le ciel pour revenir au même point, mais cette fois-ci c’est l’automne, on comprend qu’il va mourir. Ce serait bien de trouver l’équivalent littéraire de ce plan, à la fois rapide et ralenti, qui fait tourner le temps. Dans tous vos romans ce sont toujours les personnages (voire un seul) qui guident les récits. Pourquoi ? J’ai besoin du roman, de personnages pour sortir de la poésie. Bon, pour mes précédents livres je n’en ai eus qu’un – ce qui était aussi une manière de faire une autobiographie déguisée. Mais un jour, ce cobaye, cette doublure qui m’a accompagné pendant sept livres a disparu, je ne l’avais plus à ma disposition pour vivre les aventures à ma place. Il a fallu que je trouve une ruse, et que je disparaisse comme auteur à mon tour. Dans le premier chapitre, un personnage se retourne contre son créateur et lui explique qu’il ne pourra rien faire sans lui. Dans le deuxième, un jeune homme – dans lequel je pourrais me retrouver – devient une vieille dame en accéléré. Dans le troisième c’est une
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jeune fille qui prend ma place. Et dans le dernier l’auteur est devenu un vieux monsieur perdu. En même temps les lieux, la géographie, occupent une place très importante dans vos romans. Comme si vous conceviez des territoires à travers l’écriture ? Pour écrire un livre, je construis dans un premier temps des lieux séparés. Je travaille pendant des années des espaces, des figures distinctes, et progressivement se dessine une carte, une carte incomplète – les livres permettent de ne pas tout voir et laissent des trous dans le décor. Ces préparatifs durent des années... On se demande à quoi bon passer une semaine à écrire une scène dont vous ne savez pas à quoi elle va servir. Et puis le scénario finit par se construire ; les scènes les plus éloignées se rejoignent. Le livre est apparemment terminé, mais il manque de vie. Il faut le réécrire une seconde fois du point de vue du « héros ». Il faut qu’une voix, un corps, retraverse ce territoire – comme dans les jeux vidéo où le paysage évolue et se transforme en fonction de vos mouvements. J’ai construit un espace, il faut bien y vivre. C’est le bon moment du travail, on va vers une fluidité. N’ayant pas voulu pour Providence reprendre cette drôle de méthode que j’utilise depuis Futur, ancien, fugitif, le premier roman de la série, j’ai choisi quatre territoires séparés : un non-décor situé dans les limbes ; un dans le Berlin des années 80 ; une montée à Paris balzacienne ; et une maison de repos au bord d’un lac. Certains éléments, personnes, objets, reviennent comme des motifs d’un livre à l’autre : une photographie, une femme au chignon sur le haut de la tête, des jumeaux. Sont-ils à l’origine de situations ou surgissent-ils au fil de celles-ci ? Ce n’est pas prévu et organisé dans une composition, mais des choses reviennent d’elles-mêmes, comme si cette série de livres ne formait que les épisodes d’un même livre. Dans Providence de drôles de motifs se répondent dans les quatre récits. Le personnage tombe sur un problème, une idée, un objet, une sensation ressentie par l’autre personnage, d’un autre point de vue. Le découvrir presque a posteriori à la fin du projet est assez étonnant. C’est comme si le livre avait travaillé tout seul dans votre dos et produit organiquement ses réseaux et ses liens. Vous n’êtes pas obligé de tout savoir. Derrière, ça travaille. C’est quelque chose qui est dans un angle mort, dans tous les sens du terme, comme si une activité intense en produisait une autre. Parmi les motifs de Providence figure Joseph Beuys. Que représente cet artiste pour vous ? J’ai été frappé par son utilisation du miel, du feutre ; l’idée de la protection, de l’agressivité et de la douceur. J’utilise énormément d’œuvres et d’idées plastiques. Ça permet de transmettre au lecteur des sensations par d’autres moyens. Quelquefois une image de cinéma que tout le monde connaît fera avancer le récit plus vite. D’ailleurs, c’est aussi pour cela que nous avions conçu la Revue de littérature générale avec Pierre Alferi : pour écrire des livres, on peut se servir, même de manière désinvolte, de tous les savoirs possibles dans des domaines très différents.
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Un autre artiste présent dans votre travail est la poétesse et écrivaine américaine Gertrude Stein. Elle figure dans votre roman Fairy Queen, vous l’avez traduite, etc. Quelle place occupet-elle dans votre parcours ? Ses textes m’ont ouvert les yeux. Plus généralement, ils m’ont montré qu’avec la poésie américaine, on pouvait ne pas avoir à choisir entre les formes et la fiction. On pouvait trouver une issue entre les contraintes et les histoires, entre les formes et le lyrisme. En France, dans le début des années 80, Georges Perec aussi montrait la voie. Son œuvre m’a fait rêver à des livres où l’on pourrait tout avoir, des éléments abstraits mélangés à des visions très concrètes, des références très cultivées mixées à la culture populaire, sans hiérarchie.
— J’ai besoin du roman, de personnages pour sortir de la poésie. — Vous avez été en 2010 artiste associé au Festival d’Avignon. Comment cette expérience a-t-elle nourri votre travail d’écriture ? Ce que je retiens peut-être, par-delà l’expérience de rencontrer le public, des lectures de livres, des pièces, des concerts ou des débats, c’est ma rencontre avec le metteur en scène Christoph Marthaler [second artiste associé au festival cette année-là, ndlr]. Pour un auteur, voir quelqu’un qui fait du texte sans texte, avec des cris, des onomatopées, des souffles, des silences ; quelqu’un qui n’a pas besoin de vous est extrêmement oxygénant. Marthaler parvient avec un geste, un trait de caractère, à construire un être entier. Ce n’est pas cruel : dès qu’il fait un gag, il enlève l’ironie, la connivence facile avec le spectateur, il la déjoue en exagérant, en répétant. Je me sens très proche de cette manière de travailler. Il y a toujours quelque chose d’un peu comique dans mes livres. Au fond ce qui m’intéresse chez les autres artistes, ce sont moins les contenus que les méthodes. Je ne lis pas seulement de la philosophie, par exemple, pour
essayer de mieux comprendre des choses, je lis pour voir comment quelqu’un réfléchit. Je regarde par où il passe, j’observe son chemin de pensée. Cela me donne beaucoup d’énergie. Comment avez-vous rencontré le théâtre ? J’avais un atelier à Ménilmontant vers 1980 et le bistrot du coin était celui de l’école de théâtre où Ludovic Lagarde et Laurent Poitrenaux étaient élèves. Un jour, alors que je venais de publier L’Art poétic’, mon premier livre de poésie, Lagarde est venu me voir et m’a dit : « Dans ce que vous faites, il y a du théâtre ». À cette époque, je faisais beaucoup de lectures publiques de poésie et j’étais assez loin du théâtre, et même si je n’étais pas performer ou poète sonore, j’avais du mal à confier mes livres à des acteurs. En découvrant le premier travail de Ludovic Lagarde sur Beckett, j’ai pensé qu’il y avait une piste possible, que la scène pouvait être un endroit où se réconciliaient le livre, la voix et le corps. Lagarde, par la suite, m’a commandé un texte, j’ai écrit Sœurs et frères, ma seule pièce dialoguée. Parallèlement j’avais écrit le livret de Roméo & Juliette, le premier opéra de Pascal Dusapin. Le théâtre m’a fait travailler au présent, mais ces deux expériences m’ont fait comprendre que je n’étais pas doué pour la scène, que je ne savais pas la rêver. C’est pourquoi dans les projets suivants, qui s’inaugurent par Le Colonel des Zouaves, monologue interprété par l’extraordinaire Laurent Poitrenaux, j’ai changé de méthode et livré au metteur en scène des romans à adapter. Cela a modifié notre travail : de leur côté, ils ont dû trouver des dispositifs scéniques et sonores étonnants pour faire passer ce texte littéraire sur la scène ; et de mon côté, même si le texte ne ressemblait pas à une pièce
de théâtre, il était dédié à l’oral. À partir de cette première expérience, les livres sont écrits au présent, ce sont en fait des didascalies... vivantes. Cela a permis aussi au metteur en scène et à son équipe de déconstruire et rebâtir le texte à leur guise. Finalement cette décision nous a rendus très libres ; chacun partant dans sa direction intensément. Vous dites « Le théâtre m’a fait travailler au présent ». Et la littérature ? Et la poésie ? Finalement, après mon premier livre de poésie, j’ai fait des objets romanesques qui eux-mêmes contiennent une part de poésie, mais qui peuvent s’adapter au
— La poésie est un plat qui se mange froid, je n’arrête pas de la réchauffer, la reprendre ; je ne la quitte jamais. — 63
— Les livres, comme les amis, servent à vous rendre moins fou, moins seul. — théâtre et dont des extraits peuvent faire la base des chansons composées par Rodolphe Burger. Je ne suis ni dramaturge ni parolier pour autant. Écrire au présent pose peut-être quelques problèmes au lecteur, il ne retrouve pas toujours cette fonction si apaisante du passé simple. Pour Providence, pour la première fois il y a un peu d’imparfait. Et c’est pas mal... Qu’est-ce que ça change ? Ça change tout. Ça crée un délai, un peu d’espace où le lecteur peut se nicher. Il n’est pas embarqué avec moi. J’ai réalisé cela en revoyant Un Mage en été, notre dernière pièce, ce présent intégral m’a tout d’un coup serré le cœur. Je me suis dit qu’il fallait que je calme les personnages. D’abord, en en prenant quatre au lieu d’un. J’ai aussi un peu changé la forme. Peutêtre que sans le savoir, j’ai fait jusqu’ici des romans avec une structure poétique, utilisant le blanc pour faire des coupes, avec des phrases qui viennent séparer des choses. Pour Providence, je voulais voir ce que ça pouvait donner avec une notation plus musicale, moins graphique, et j’ai remplacé le blanc par des points-virgules et des tirets. Le blanc est angoissant, il crée un soupçon de profondeur. C’est pour ça que je n’aime pas la poésie, à cause de ce soupçon et de la présence vraiment exténuante des poètes. Enfin, bien sûr que j’aime la poésie, le bord de la poésie, les expériences bizarres : Jack Spicer, Robert Creeley, Le Tombeau d’Anatole de Mallarmé. Ce texte qui se compose de notes, de préparatifs à un poème sur la mort de son fils est le plus émouvant du XIXe siècle. D’ailleurs, ce n’est pas tellement fait pour être lu, c’est fait pour être juste regardé. J’ai un rapport amour/ haine à la poésie, je passe mon temps à la faire disparaître et la trimballer. C’est un plat qui se mange froid, je n’arrête pas de la réchauffer, la reprendre ; je ne la quitte jamais. D’une certaine manière, elle est tout le temps là, en anamorphose. Qu’est-ce que ça veut dire un poème qu’on ne voit pas ? C’est possible ça ? Certains textes seraient faits pour « ne pas être lus » ? Parfois, c’est bien d’ouvrir un ou plusieurs livres en même temps et d’attraper juste une tournure, une sensation. Idéalement, on pourrait avoir des livres chez soi, les consulter, les mettre en rapport, ne pas les finir et les garder pour toujours sous la main. En même temps, je peux aussi dire l’inverse : c’est génial de dévorer un polar et le laisser dans la villa de location... Mais on peut aussi les ouvrir rapidement, en prendre connaissance, les feuilleter, les lire dans tous les sens. Voir si avec on voit mieux, s’approprier la méthode, la manière plutôt que le contenu. Après avoir lu le début de La Cloche de détresse de Sylvia Plath : « C’était un été étrange et étouffant. L’été où ils ont électrocuté les Rosenberg », on peut refermer le livre tellement ces phrases contiennent toute la mélancolie à venir. Mais lisez-le quand même !
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Quels sont vos livres de chevet ? Je relis une quarantaine de livres auxquels je reviens toujours, et heureusement s’en ajoutent d’autres. Je les emmène avec moi, comme des talismans. Je suis un lecteur un peu particulier qui ne peut pas vraiment lire : si un livre me plaît, me surexcite, si un paragraphe me bouleverse, j’ai envie de le recopier, de le prolonger à ma manière et je passe mon temps à interrompre la lecture par l’écriture. J’en ai besoin aussi quand je suis à court d’idées ou de courage. Découvrir dans un livre une similarité avec vos pensées est émouvant, il ne s’agit pas de fierté, mais d’amitié, c’est réaliser que le chemin emprunté n’est pas complètement faux. Les livres, comme les amis, servent à vous rendre moins fou, moins seul. Savez-vous vers quel livre vous irez après Providence ? Je pense que je vais faire ce que je n’ai jamais osé faire : un essai, ou quelque chose qui y ressemble. Un essai sous forme... de roman. Avec d’autres moyens, d’autres envies, un autre rythme de parution. J’ai l’impression qu’une nouvelle manière de travailler s’ouvre, techniquement aussi. Peut-être que je me trompe, que je ne devrais pas en parler, que tout cela va disparaître dans six mois, mais j’ai l’impression que je suis dans une nouvelle période. Après l’âge de la poésie, l’âge du roman, l’âge de l’essai. Et il s’écroula, mort… [Rires]. L’autrice Nathalie Quintane dont on vous rapproche assez souvent réalise ce même chemin, puisqu’elle a publié fin 2014 son premier essai, Les années 10... Je pense que nous avons des choses en commun. Je comprends très bien son chemin. Après, quand je dis « essai », ce ne sera pas si loin de ce que j’écris, je ne vais pas changer de style ou d’écriture. Je vais modifier plutôt ma méthode de pensée, de travail, la fréquence et la rapidité d’exécution. J’ai décidé un jour de passer de la poésie au roman, et au final j’ai passé 20 ans à continuer de faire de la poésie par d’autres moyens, en l’emmenant dans mon territoire à moi. Là, je vais essayer de transporter le roman dans un espace plus critique. C’est la deuxième fois que je ressens la nécessité de ne plus écrire de la même manière.
Nathalie Quintane précise qu’il y a pour elle une nécessité politique à ce passage à l’essai (Novo n°33). Est-ce la même chose pour vous ? J’ai quitté la poésie pour faire mon premier roman au début des années 90 au moment où il y avait tout un renouveau poétique, avec Tarkos, Quintane, etc. J’ai quitté la poésie, car elle ne me permettait pas de faire entendre la violence ; cela restait trop angélique, trop langagier. Ce n’est pas la poésie qui n’en avait pas les moyens, c’est moi qui n’avais pas les moyens poétiques pour trouver sa dimension politique. J’avais envie de confronter des régimes de parole très différents et d’envoyer mon Robinson en mission contre des tyrans. Maintenant je voudrais faire la même chose, mais à nu, sans le filtre des personnages. Providence, Olivier Cadiot, P.O.L.
Par Caroline Châtelet Photo : Céline Gaudier
Qu’est-ce que le travail avec l’IRCAM sur le son, les voix, prend en charge ou révèle de la langue de Cadiot ? Cela peut révéler son aspect polyphonique. Même si elle est dans ses livres précédents portée par un seul narrateur, il y a dans tous ses textes une multiplicité de voix. Cette question est centrale chez Olivier : petite voix, grande voix, sur-voix. Ses personnages sont toujours traversés par des discours qu’ils transforment. Quand on déploie cette multiplicité sur la scène, entre autres grâce au dispositif sonore, cela produit une mise en relief, comme un livre pop-up. Mais ce n’est pas de l’incarnation au sens traditionnel du terme, il s’agit d’évoquer, de faire exister de façon sensible ou concrète.
Les voix du théâtre Les interviews ont parfois des airs de trois-petits-chats, l’une amenant l’autre. En résonance à l’entretien avec Olivier Cadiot, Novo a interrogé le metteur en scène Ludovic Lagarde. Directeur de la Comédie de Reims, le metteur en scène Ludovic Lagarde poursuit depuis plus de 20 ans un compagnonnage avec Olivier Cadiot. Depuis la première – et seule – pièce de l’auteur qu’il monte en 1991, il a adapté cinq de ses romans. En novembre 2016, il créera la version théâtrale de Providence. Si le travail sur ce texte ne fait que débuter et que le langage scénique demeure à inventer, certains choix sont déjà connus : celui des deux comédiens, soit Laurent Poitrenaux, fidèle de Lagarde, rompu à l’écriture de Cadiot et fascinant par sa plasticité de jeu, et Clotilde Hesme, César du meilleur espoir féminin en 2012. Autre certitude, la prolongation de la collaboration avec l’IRCAM. Un choix qui promet de révéler et de souligner, par le travail de traitement et de spatialisation sonore, le foisonnement de la langue de Cadiot.
Est-ce ce foisonnement des personnages, ce déploiement de la langue, qui vous intéresse dans son écriture ? Non. Enfin, je n’en sais rien … C’est tout. C’est très difficile de le définir et je n’ai pas envie de distinguer forme et fond dans son écriture. C’est le sens de ce qu’il veut raconter qui prime, ce que ça traverse. Et après il y a cette langue particulière, très travaillée, magnifique, qui rend le travail encore plus passionnant dans ses développements. Comment son travail a-t-il pu faire évoluer votre rapport au théâtre ? Il l’a fait à plusieurs endroits. J’avais depuis mes débuts une intuition sur le son et j’abordais cette question, mais sans savoir où j’allais. Avec Le Colonel des zouaves, Olivier m’a indiqué le chemin du son de manière beaucoup plus sensible et claire. Ça a été un tournant et cela a beaucoup compté dans mon approche théâtrale. L’autre élément important est qu’à partir du moment où Olivier m’a proposé de travailler différemment – non pas de m’écrire une pièce comme pour Sœurs et frères mais de partir d’un roman et de le transposer pour la scène –, inévitablement il a fallu inventer un outil de théâtre original. Trouver une méthodologie que je ne connaissais pas moi-même, qui ne venait pas de ma culture théâtrale, qui permette de faire tenir un texte non-théâtral sur une scène, dans un rapport à l’espace, au mouvement. Faire tout cela, pour que le spectateur puisse recomposer les espaces dans son imaginaire a été déterminant dans la modification de mon rapport à la scène. La Comédie de Reims www.lacomediedereims.fr
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Par Emmanuel Abela et Paul Kempenich Photos : Pascal Bastien
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à cœur et accord
Lors d’une résidence à la Maison de la Poésie, Philippe Poirier a rejoint Rodolphe Burger pour réinterpréter en duo des titres de Kat Onoma dont les chansons inspirées par l’œuvre du poète américain Jack Spicer. À l’occasion de la sortie de Play Kat Onoma, rencontre avec Philippe Poirier, guitariste et saxophoniste. Toute reformation de Kat Onoma est malheureusement devenue chose impossible depuis la disparition de Guy “Bix” Bickel, mais vous avez choisi avec Rodolphe Burger de revisiter le répertoire de Kat Onoma. Peut-on voir là un hommage à votre groupe ? Oui, il y a trois ans, nous avons commencé à rejouer ensemble et spontanément nous avons exprimé l’envie de revisiter certains morceaux. À l’occasion de la carte blanche Explicit Lyrics de Rodolphe à la Maison de la Poésie, à Paris en 2014, l’idée de réinterpréter les morceaux composés à partir des textes de Jack Spicer s’est imposée. Ça coïncide malheureusement avec la disparition de “Bix” [le 18 avril 2014, ndlr], d’où l’idée de rendre hommage à notre groupe, Kat Onoma. Qu’est-ce qui te titillait à l’idée de revisiter justement les morceaux de Kat Onoma ? Nous nous étions arrêtés depuis plus de 10 ans, et je sentais qu’il me fallait entendre quelque chose. Derrière cela, c’est une affaire de temps. Tout de même, on ne fait pas de la musique pour faire de la musique. On en fait aussi pour accompagner le temps qui passe. Tout cela finalement vient de loin, non ? Les premières expériences musicales de Rodolphe remontent à l’âge de 11 ans. De mon côté, j’évoluais avec “Bix” déjà dans les années 70… Et puis, cette interruption dans le groupe, même si elle a été éprouvante d’une certaine façon, a généré bien des projets, pour Rodolphe bien sûr, mais pour les autres aussi d’une certaine façon. Elle a aussi favorisé une interrogation : celle de savoir ce que la musique de Kat Onoma devenait pendant tout ce temps. En rejouant avec Rodolphe, j’ai pu constater que finalement quelque chose avait été préservé. Et dès les premiers instants, tout s’est remis en route, de manière très naturelle. Par contre, il n’a jamais été question de reformation, nous voulions simplement visiter notre répertoire comme s’il s’agissait d’un répertoire historique, sous la forme du duo mais sous d’autres formes aussi – ça sera le cas par la suite avec des artistes invités. Par contre, il est hors de question d’aborder ces morceaux de manière nostalgique. Le but est simplement d’explorer de nouvelles formes.
À l’écoute de l’enregistrement Play Kat Onoma, on ressent une émotion particulière. C’est le cas sur l’une de tes compositions, Ballade mexicaine. Votre façon de la réinterpréter est très intime. Cette forme d’épure était-ce une manière de retourner à la source même du morceau ? Pour Ballade Mexicaine, c’est particulier. Il me tenait à cœur de l’emmener là où elle devait aller. Je n’étais jamais pleinement satisfait de la façon dont on l’avait jouée, même si ces versions étaient très belles. Là on a réussi, me semble-t-il, à lui donner une forme quasi définitive. Je ne sais pas si c’est possible, bien sûr – c’est une projection purement fantasmagorique. Il n’est pas question de penser qu’on cherche à conduire les morceaux à leur niveau de perfection, il n’est pas question de cela, mais plutôt de justesse. Tenter ce qui semble juste dans son interprétation. Vous avez opté pour des titres construits sur les mots du poète Jack Spicer. Oui, nous avons sélectionné une vingtaine de morceaux – nous en avons écrits beaucoup qui se sont ainsi nourris de la poésie de Jack Spicer. Et puis, petit à petit, le choix s’est recentré sur ce qui nous semblait le mieux fonctionner. On a le sentiment que l’univers de Jack Spicer a toujours collé à celui de Kat Onoma, même si ça date de Billy the Kid. Qu’est-ce qui est contenu chez Spicer qui vous a tant inspiré ? Je crois que c’est une affaire d’énergie. Nous étions dans une tension musicale
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très spécifique, me semble-t-il, avec ce groupe. Et puis Rodolphe cherchant les mots pour cette musique a découvert Spicer grâce à des amis. Et effectivement, ça a marché immédiatement. Nous nous sommes basés sur cette tension contenue dans sa poésie, cette écriture singulière et profonde dans laquelle les phrases sont systématiquement rabotées, réduites à l’os – lui-même utilise un peu ces images-là. On découvre dans la poésie selon Spicer un surgissement comme ça, assez violent, qui correspond à ce qu’on a toujours cherché dans la musique. Subitement, quelque chose advient, une présence. Son écriture était étroitement liée à la musique, notamment au jazz. On peut difficilement le dissocier de son environnement direct. Oui, c’est sans doute ce qui a fait que notre musique a parfaitement fonctionné avec ses mots. Nous avons pu le vérifier une fois encore quand nous avons rejoué les morceaux. Même rythmiquement, on sent une tenue…
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Dans le film que tu avais réalisé sur Kat Onoma, Comme son nom l’indique, tu évoques le fait que « la musique peut provoquer des émotions de nature irréparable ». J’aime cette idée : Charlie Parker, Jack Spicer, même combat ? Oui, c’est assez difficile à expliquer ainsi parce que la poésie c’est justement cela ! Cette façon à la fois de ne surtout pas dire les choses et malgré tout de frôler l’éloquence. Il y a une évidence qui aboutit, au-delà de l’expérience à une émotion. Quelque chose d’intense que je ne saurai qualifier. D’existentiel ! Même si Julien Perraudeau vous accompagne sur le disque, vous avez évolué sous la forme d’un duo. Il y a un précédent à cela : vous aviez interprété certains de ces morceaux en duo lors d’un live enregistré à Colmar, avec des extraits à l’époque de Billy The Kid. Oui, c’est une reprise effectivement ! Cette forme en duo c’est peut-être aussi une manière d’approcher ce que la musique présente de plus intime quand elle se met à chercher le noyau dur. Il est vrai qu’à deux guitares on se rapproche un peu plus du secret. Là aussi, on rejoint la forme poétique de Spicer qui peut sembler compliquée, pas toujours lisible d’emblée, mais qui cherche elle aussi à entretenir le secret entre le poète et le lecteur dans ce que cela présente de plus intime.
On constate une très belle réception à la sortie de l’album notamment d’un point de vue critique. L’attente reste intacte de la part du public, l’affection vous est manifestée avec la même ferveur. Cela te surprend-il ? Oui, bien sûr. En tout cas, j’ai senti beaucoup de chaleur et d’amitié. Ça ne nous est pas toujours témoigné directement à nous, mais ça se transmet entre les gens qui écoutent notre musique. Ça me semble important dans la mesure où la musique reste liée à l’émotion première de l’adolescence. C’est bien sûr très différent en fonction de chacun, mais il y a un moment où quelque chose fait figure de point de départ initial. Rodolphe Burger & Philippe Poirier, Play Kat Onoma, Dernière Bande Publication en vinyle de Billy The Kid, début d’un travail de réédition du catalogue de Kat Onoma
Billy The Kid I love you Rodolphe Burger nous relate la découverte de l’univers de Jack Spicer.
Rodolphe Burger découvre le poète Jack Spicer grâce à Emmanuel Hocquard, un poète et traducteur qu’il a rencontré par l’intermédiaire de Pierre Alféri et Olivier Cadiot. Il se souvient : « Quand je me suis rendu chez lui avec Pierre, il m’a montré un fac-similé d’un recueil de poèmes de Spicer qu’il m’a fait lire. Grâce à lui, j’ai immédiatement compris qu’il s’agissait d’un poète culte. Peu de temps après, je suis tombé par hasard sur une édition de Billy the Kid traduite chez Fourbis. Dès que j’ouvre le livre, je suis frappé par cette phrase : C’est la radio qui m’a appris la mort de Billy the Kid ». Immédiatement, il comprend que ces mots peuvent impulser une chanson pour Kat Onoma. Il montre le poème aux autres qui, tout comme lui, voient qu’il y a quelque chose à faire avec ces mots-là. « Avec C’est la radio qui m’a appris la mort de Billy the Kid, on se situe d’emblée dans de la fiction poétique. Ce choix n’est pas innocent : la radio connecte avec le son, puis avec la musique ». La radio à laquelle il se sent redevable. « Oui, elle m’a permis de découvrir le rock’n’roll ! Comme dans Rock’n’Roll de Lou Reed ! » Et de fredonner : « One fine mornin’, she puts on a New York station / And she couldn’t believe what she heard at all / She started dancin’ to that fine-fine-fine-fine music / Ooohhh, her life was saved by rock’n’roll / Hey baby, rock’n’roll ». Par la suite, il se procure les autres écrits de Spicer, souvent en anglais parce que peu traduits, sa correspondance, des conférences, etc., et se passionne pour ce personnage mort à quarante ans dont l’autobiographie est rédigée sous la forme d’un poème – à « quiconque désire des informations complémentaires », il donne comme adresse un bar qui s’appelle The Place, 1546, Grant Avenue, San Francisco. « Je le relis, j’y
retourne régulièrement. Quand je regarde de plus près ce qu’il formule de sa propre conception de la poésie, cela me confirme ce que j’avais ressenti la première fois : il dit, par exemple, qu’un poème n’existe jamais seul, il n’est jamais dans une clôture sur soi ; selon lui, le poème est en attente de sa réponse et de son lien. » Par l’intermédiaire d’Emmanuel Hocquard, Rodolphe a reçu une cassette audio avec l’enregistrement de la voix de Spicer – un enregistrement émouvant, le seul existant ! Cet enregistrement date de la fin des années 50 ; il lit Billy the Kid et un autre texte dans la librairie City Lights de Lawrence Ferlinghetti à San Francisco. Rodolphe a samplé sa voix et quand il a repris le morceau The Trap avec Olivier Cadiot sur l’album consacré aux Welches, On n’est pas des indiens c’est dommage, il a utilisé l’échantillon. De même, dans Hôtel Robinson, le deuxième disque qu’il a enregistré avec Olivier cette fois-ci sur l’Île de Batz, dans le morceau Billy the Kid, I love you, la phrase est dite par Jack Spicer lui-même. « Dans un cas comme celui-là, constate-t-il amusé, le sampling revêt une fonction quasi chamanique. Quand on fait cela, on manipule des fantômes ! » De son vivant, Jack Spicer entretenait une relation à la musique, le jazz notamment – Steve Lacy a mis en musique certains de ses textes –, mais il n’y avait aucun lien entre Spicer et le rock. Par contre, se souvient Rodolphe, « quand on a contacté son meilleur ami qui était son éditeur et qui est devenu son ayant droit, Robin Blaser, pour lui faire écouter ce qu’on avait fait, il nous a répondu de manière très enthousiaste que Jack aurait adoré cela ! ».
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Par Cécile Becker Photographi-sme : Christophe Urbain + Lefutur
Metamorphosis
Après un premier essai en forme d’EP, les Strasbourgeois de BangBangCockCock sortent Heidentum premier album surprenant pour qui était habitué à leur disco-fun-new-wave. Le mystique reste quand le son s’affine, plus rock, et que la formation, enfin, se pose. Autant le dire tout-de-go, brisant du même coup un mythe journalistique : l’objectivité n’existe pas. On parlera plutôt d’honnêteté face à l’information et de précision portée aux faits et ressentis. La mission est donc claire : écrire sur ce groupe, BangBangCockCock, tout en tentant, malgré des relations amicales entretenues quasiment quotidiennement, d’être la plus juste possible. Si l’exercice est périlleux la distance étant quasiment annihilée, c’est aussi une place de choix pour observer la trajectoire du son, de personnalités forcément attachantes, d’individus au sein d’un groupe et du groupe luimême. Cette place-là s’est justement ouverte à la sortie de l’EP Thank you for not being a dick. Une chaîne hi-fi ruinée à cause
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des paillettes incrustées sur le disque plus tard, les concerts se sont enchaînés dont une micro-tournée Paris-VerdunStrasbourg où la formation, encore à géométrie variable [plus une adaptation aux circonstances qu’un véritable choix, ndlr], a pu diffuser sa fascination pour le mystique. Toges portées en live, t-shirts de l’espace, une esthétique cosmique à laquelle venait répondre un son disco-new-wave pas tout à fait assumé puisque jamais très franc. On sentait là les prémisses d’un changement « tout à fait conscient » précipité par l’intégration du batteur Francesco Rees et par l’utilisation du claviériste Paul-Henri Rougier d’un synthétiseur analogique. « On voulait ajouter une batterie et que son son ne soit pas trop mixé, qu’il reste brut, précise Adrien Moerlen, tête pensante inavouée de BBCC [par modestie, ndlr]. Sur les compositions, on a mis de coté les chansons plus fun, notamment celles de
l’EP, l’album est de fait plus dark. » Alors que les précédentes chansons étaient toutes travaillées sur ordinateur, elle sont sur Heidentum plus brutes privilégiant un côté plus primitif. Comme si BangBangCockCock revenait à ses origines éprouvées avec les Crocodiles y ajoutant des références krautrock mais aussi expérimentales, la batterie cohabitant toujours avec une boîte à rythmes. L’on pense là à Beak> et Broadcast, notamment à l’écoute de la tonalité de la guitare travaillée par Stefan Nieser, flagrante sur AAS, et de manière plus extrême à Liars (Hiroshemale, Duesenberg). « J’aime bien la démarche de ce groupe, il me fascine, avoue Adrien. D’un disque à l’autre, c’est très différent. Le fait de tenter à chaque fois de nouvelles choses me plaît beaucoup. » La différence majeure avec les Crocodiles et le premier EP tient surtout de l’épure. Sebastien Metzger, bassiste et aux machines explique : « Il y a eu une sorte de maquette de base à laquelle chaque membre est venu ajouter ses propres idées issues des répétitions ou même des lives. La difficulté a donc été de faire le ménage et d’enlever des couches plutôt que d’en rajouter, ce qu’on faisait auparavant ». S’il reste toujours cette belle complémentarité entre les deux chanteurs, Adrien Moerlen et Anne Ahlers, le mode de fonctionnement n’est donc plus le même privilégiant une pensée de groupe. Un compromis parfait entre six personnalités, six musiciens œuvrant à cet équilibre sonore et en live, à une complicité naturelle et une cohérence évidente. L’imagerie, en revanche, demeure attachée aux thèmes de l’astral, voire de la démence gentille. Pour faire simple : « On est moins couillons sur la musique mais on le reste sur l’esthétique et sur scène, on en a besoin pour s’amuser et pour s’assumer aussi ». Couillons et même carrément couillus, notamment sur leur clip éponyme qui devrait rapidement ouvrir la voie à une série de vidéos entre mysticisme et déconnade. Une constance dans l’image, mais peut-être alors jamais dans
le son. Les nouvelles envies semblent toutes converger vers une part grandissante accordée à la guitare, faisant écho aux changements déroutants des Liars d’album en album, l’on devrait donc retrouver BBCC sur de nouveaux registres à mesure de leur développement. L’article touchant à sa fin, reste à suggérer, en toute objectivité donc, l’achat de cet excellent album, hébergé sur l’excellent label Rival Colonia, pressé sur vinyle par l’excellent Médiapop Records également co-éditeur de ces pages. Heidentum, BangBangCockCock / Rival Colonia / Médiapop Records soundcloud.com/bangbangcockcock www.rivalcolonia.com www.mediapop-records.fr
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Par Cécile Becker Photo : Steve Gullick
Something for your body Why make sense?, littéralement « Pourquoi faire sens ? », annonçait d’emblée les couleurs : se perdre dans les ondes sonores. Ne pas penser, faire pour la beauté du geste. Derrière cette ode aux plaisirs simples, Hot Chip dévoile son manifeste mais aussi, une vraie vulnérabilité.
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La sortie d’un album d’Hot Chip est toujours une fête. L’on sait que derrière quelques pistes se trouve le prochain trésor du dancefloor, mieux, quelques diamants s’affinant avec le temps dont le brillant se révèle encore, au fur et à mesure des écoutes. Menée par le duo prolifique Alexis Taylor/Joe Goddard, la formation déroule depuis six albums l’histoire de l’électronique passant de ses balbutiements les plus bruts, à la profondeur de la house music imprégnée de basses bedonnantes, en passant par quelques indispensables coquetteries disco et pop. Felix Martin, aux synthétiseurs et machines, nous explique par téléphone, en pleine tournée promo : « Si on est très inspirés par la musique des années 80 – cela se retrouve notamment dans l’équipement analogique qu’on utilise : les tables de mixage, les synthétiseurs, les boîtes à rythmes –, Alexis s’assure toujours que le résultat reste très contemporain, que notre musique ne soit pas vécue comme un hommage ». Très loin d’un certain mimétisme, Hot Chip opère un véritable voyage dans le temps et avec Why Make Sense?, donne une suite à l’histoire techno là où d’autres l’ont depuis longtemps abandonnée, peut-être par peur de sombrer dans le ridicule. Nos chers Anglais eux, n’ont peur de rien et surtout pas de puiser dans les gimmicks vocaux usés jusqu’à la moelle dans de nombreuses productions techno, nous rappelant parfois ses heures les plus sombres (ou heureuses, c’est selon). Cet album est pour eux l’occasion d’utiliser pour la première fois des samples vocaux. C’est le cas sur le sublime et criant Need you Now ou avec ce « Something for your mind, your body and your soul » retentissant avec verve dans Huarache Lights, déjà utilisé par C’hantal, Speedy J et de nombreux producteurs (même Ice Cube !). Cet acapella commun dans les années 90 est en fait issu de Let No Man Put Asunder, superbe chanson funk du groupe First Choice. Un choix donc nourri de paradoxes nous prouvant une nouvelle fois la science musicale d’Hot Chip. Cette science innocente dont la finalité avouée serait simplement de « donner du fun ». « Notre but ultime est de faire danser les gens, c’est ce qui nous inspire le plus, confirme Felix Martin. Mais en dehors de cette volonté, on ne conceptualise pas grand chose. Rien n’est fait consciemment. Notre idée c’est de faire des chansons qui soient parfaites à nos oreilles. » Sur ce dernier album en particulier, le son paraît particulièrement travaillé, calé à la seconde près, offrant des montées auxquelles on ne s’attend pas et des ruptures jouissives. Jamais une nuance ne vient empiéter sur le territoire d’une autre. Si l’on connaissait le perfectionnisme légendaire d’Hot Chip, là, il est tout simplement sidérant. « Pour chaque album, on a une montagne
d’idées qu’il faut trier. Ce qui était le plus difficile sur Why Make Sense?, c’était de tout faire sonner parfaitement et de faire un choix pour ne garder que ce qui était nécessaire. On a passé énormément de temps à revoir les détails, plus que d’ordinaire. Mais je crois qu’on y a mis plus de joie que d’ordinaire aussi. » Plus de joie et étonnamment, plus de fragilité aussi. Quand la voix d’Alexis Taylor est souvent chavirante, donnée incompressible de l’univers Hot Chip, elle s’accorde ici à l’épure musicale laissant place à des passages sur le fil, comme ces très belles harmonies au violon venant soutenir la fin de Love is the Future. L’émotion est toute entière. « Notre musique a toujours voulu être la plus nue possible, concède le musicien. Cette vulnérabilité a toujours été essentielle à notre son. Alexis n’a jamais eu peur de l’exposer. » Et quand sur le dernier titre éponyme de l’album, le groupe s’éloigne de la fragilité pour retrouver l’énergie rock plus primitive de ses lives, l’on s’interroge. Pourquoi ce besoin de dénoter en fin de course ? Estce pour marquer une donnée essentielle que l’on avait jusque-là manquée ? On ne peut alors s’empêcher d’y trouver un hommage au Stop Making Sense des Talking Heads qui surviendrait alors qu’Alexis Taylor vient tout juste de boucler une tournée avec David Byrne et son big band Atomic Bomb. Le prétexte serait parfait et pourtant démenti par Felix Martin : simple « connexion inconsciente ». Ils nous avaient pourtant prévenus : Why Make Sense? Pourquoi chercher des justifications ? L’entretien téléphonique se termine d’ailleurs par une adresse amicale : « Vous semblez avoir beaucoup réfléchi à l’album. On aime le fait que les gens s’interrogent ! Sachez que vos interprétations sont sûrement les bonnes, tout comme celles que peuvent avoir d’autres auditeurs. Nous laissons les choses ouvertes. » Le mystère continue donc de planer autour d’Hot Chip, ces surréalistes de la musique sachant mieux que quiconque capter l’essence d’une génération et la transmettre en sons irrésistibles. Hot Chip, Why Make Sense?, Domino
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Par Benjamin Bottemer Photo : Arno Paul
Mémoire de forme En prêtant à la galerie Poirel à Nancy quelque 450 affiches de sa collection pour l’exposition Regarder, le graphiste Vincent Perrottet propose un parcours dans l’histoire récente d’une forme d’expression unique, entre désir de la faire reconnaître et volonté de lutter contre son appauvrissement.
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Aux visiteurs venus découvrir en avantpremière l’exposition d’art graphique installée à la galerie Poirel composée d’une partie de sa collection personnelle, Vincent Perrottet propose un petit jeu : « Qui peut me dire quelle affiche a attiré son attention sur le trajet pour se rendre jusqu’ici ? ». Flottement dans l’assistance. « J’ai moi-même quitté les villes pour échapper à la pollution visuelle, aux images imposées et stéréotypées, à l’absence d’intelligence de certains graphistes » annonce ce marnais d’adoption. Natif de Saint-Denis, Vincent Perrottet rejoint le collectif Grapus dans les années 80, puis les Graphistes associés, émanation de ce groupe qui voulait « changer la vie », dénonçant la guerre du Vietnam, travaillant au profit d’organisations culturelles, humanitaires et d’utilité publique. Vincent Perrottet a lui-même réalisé plus de 150 affiches pour des théâtres, ou encore pour les campagnes de prévention du Crips [Centre régional d’information et de prévention du sida d’Île de France, ndlr]. Il collectionne depuis les années 80 « quelque chose qui ne vaut rien ». Loin d’être un collectionneur obsessionnel, le graphiste réunit ses pièces par le biais de dons, à l’occasion de rencontres et de voyages. « Le don, le partage, c’est tout l’esprit de ma collection que j’offre à des fonds, car il n’en existe presque pas. Il est dommageable que les graphistes eux-mêmes ne conservent souvent rien, et surtout que les institutions ne soient pas assez généreuses envers l’art graphique ». Il a souvent déploré, notamment dans son manifeste Partager le regard, l’absence de culture française en la matière, contrairement aux Pays-Bas « où même les usines et les centres commerciaux sont bien dessinés », ou à l’Allemagne et son Bauhaus.
On parcourt à ses côtés l’exposition, véritable explosion de formes, de couleurs, d’images abstraites, délirantes, sobres, découvrant des artistes tous méconnus, créateurs d’un véritable patrimoine graphique en passe de disparaître du fait d’un manque de reconnaissance généralisé. Le langage tout en simplicité des affichistes allemands, des trésors oubliés et inédits issus du fonds réuni par le Centre Pompidou à l’occasion de l’exposition « L’Image des mots », des affiches réalisées par les graphistes polonais des années 60, « ramenées de voyages comme certains ramènent du vin », des nus, des visuels totalement cryptiques, informatifs, revendicatifs... La traversée flatte l’œil et les neurones, tant on se plaît à déchiffrer les langages comme on le ferait pour les toiles d’un maître flamand du XVIIe siècle. « L’art graphique est un art contemporain, insiste Vincent Perrottet. Comme dans la peinture, on y questionne l’abstraction, on recherche comment l’artiste a su s’approprier une œuvre de commande tout en restant informatif. Ces œuvres-là ne sont pas à mettre sur le même niveau que la production indigente de la publicité. » Liberté, engagement, responsabilité : pour Vincent Perrottet, les trois mamelles du graphisme comme outil d’expression artistique et citoyenne. Il exhorte les graphistes à ne pas céder aux diktats des publicitaires et des communicants, dénonce les contraintes de formats édictées par Decaux, la SNCF et la RATP, signale la survivance de l’affichage sauvage des cirques et des organisateurs de concerts, et ne mâche pas ses mots envers certains de ses confrères, qu’il appelle « les techniciens de surfaces visuelles » : « On a le droit de refuser de travailler pour des imbéciles, c’est ce que je fais ! Les graphistes peuvent être, comme les architectes et les designers, de grands dialecticiens qui savent convaincre les commanditaires que certains sujets méritent une forme extraordinaire ». Son exigence envers la profession ne l’empêche pas de s’engager en faveur de conditions de travail et de rémunération décente pour les graphistes, qu’il appelle de ses vœux via la pétition qui
accompagne son texte Partager le regard. Pour ce passionné militant, il existe « un mépris des décideurs et des industriels pour le travail graphique » qui se traduit par exemple par la présence envahissante des logos. Le manque d’imagination et d’audace de la part des institutions, des entreprises et par extension du monde de la communication et de la publicité participent selon Vincent Perrottet de la reconnaissance plus que partielle de l’art graphique en France. « Ces milieux sont relativement incultes, ils ne savent pas ce qu’est une bonne image. Les directeurs de la communication devraient être remplacés par des intellectuels et des artistes. » Lorsqu’il participait à la direction artistique du Festival international de l’affiche et des arts graphiques de Chaumont, entre 2002 et 2009, Vincent Perrottet a milité pour la création d’un lieu dédié à l’art graphique. Cette année, le Centre International du Graphisme ouvrira ses portes à Chaumont, avec 1000 m² d’espaces d’exposition et d’ateliers. « Il faut conserver une mémoire de cet art et de sa technique, car dans dix ans, il n’existera plus d’affiches comme celles-là. Régulièrement, je ressors des affiches qui ont 20 ans : parfois, c’est daté, parfois ça a la valeur artistique d’un Toulouse-Lautrec ! » REGARDER, exposition jusqu’au 6 septembre à la galerie Poirel à Nancy www.poirel.fr www.vincentperrottet.com www.partager-le-regard.info
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Par Mégane Dongé
Free Jazz !
Avec une sélection officielle au Festival international de Chaumont et la présence d’une affiche dans la collection présentée par Vincent Perrottet à la Galerie Poirel, le studio graphique strasbourgeois Horstaxe accède à une belle reconnaissance. L’occasion d’échanger avec l’un de ses co-fondateurs, Rémi Gaudet.
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Si on se plonge en arrière, peut-on resituer le facteur déclencheur de l’édition d’affiches par Horstaxe ? Je pense que la rencontre avec l’entreprise Lézard Graphique de Brumath a été déterminante. C’est vraiment un haut lieu où les meilleurs graphistes de France viennent imprimer. JeanYves Grandidier et Jean-Marc Burtscher portent nos projets et parlent de nous autour d’eux. Et même s’ils affirment que ça n’est pas le cas, ils nous ont quand même introduits, à Chaumont, dans le cercle très fermé des graphistes. Nous leur devons énormément ! La sérigraphie, c’est un vrai dialogue. Les recommandations techniques qu’ils nous donnent sont précieuses. Aujourd’hui,
Lézard Graphique n’est plus un prestataire, mais un réel collaborateur du studio. L’une de vos affiches a été sélectionnée dans le cadre du Festival international de Chaumont. Peut-on y voir une forme de consécration ? Le Festival de Chaumont est malheureusement l’un des rares événements en France dédié au graphisme. À chaque fois que nous nous y rendons, nous sommes subjugués par la qualité du travail montré, mais aussi désespérés par l’ampleur du travail qu’il nous reste à accomplir pour accéder à l’excellence ! [Rires]. Par le passé, nous avions décidé de faire de l’affichage sauvage le temps du festival. Un peu comme des mauvais garçons pour nous faire remarquer. Nous partions avec nos pots de colle, nos affiches sous le bras, et c’était “Chaumont nous voilà !”. D’avoir été sélectionnés de manière officielle cette année par le festival, oui, c’est vraiment un aboutissement. D’autant plus que le jury récompense une commande et non l’esthétique d’une affiche réalisée en autoproduction. Ce qui l’intéresse c’est de voir comment on introduit du graphisme et des techniques d’impression à partir de la commande. Comment avez-vous imaginé l’affiche sélectionnée à Chaumont ? L’association La Chambre, à Strasbourg, nous avait sollicités pour des affiches avec un impact fort afin de promouvoir leur marathon photographique ClicClac. Après plusieurs allers et retours avec le commanditaire, nous avons opté pour une affiche très gaie, avec un vert très prononcé pour capter l’attention des passants. Nous cherchions également à faire passer dans l’image le rythme du bruit « clic clac » lorsque l’on appuie sur le déclencheur avec des mots et des symboles peu évidents à illustrer. Nous avons rencontré un joli succès avec la présence de ces affiches dans les abribus de la ville. Et pourtant, vous poursuivez l’affichage sauvage… L’affichage sauvage nous permet d’expérimenter des formes graphiques que nous n’utiliserions pas forcément dans nos commandes. Ces formes sont souvent issues des réflexions et problématiques que l’on rencontre. En associant les signes qui naissent de nos échanges, nous arrivons à créer un nouveau langage. On ne peut pas créer sans passer par cette phase
d’expérimentation. Nous ne nous considérons pas comme une agence de publicité et encore moins comme une agence de communication. Nous sommes vraiment un studio de graphistes qui veut proposer un autre langage visuel. Les gens ne prêtent plus attention à ce qui les entoure parce qu’ils sont pollués visuellement de messages publicitaires. Ils ne voient plus rien jusqu’à ce qu’une belle affiche leur apparaisse enfin, un visuel qui les amène à réfléchir au discours que l’on veut faire passer. L’affichage sauvage nous permet de nous adresser à un public un peu plus concerné. Et puis, il reste cette volonté de provoquer une réaction dans la rue devant nos affiches. Si les gens opèrent ne serait-ce qu’un temps d’arrêt, cela prouve que le travail a été bien fait. Pourquoi rendre aujourd’hui vos affiches disponibles au public ? Nous vivons dans un monde d’individualisation, les gens ont besoin de s’approprier les affiches, de parcourir le message dans l’intimité de leur appartement. C’est pourquoi les affiches que nous avons collées dans les rues – la nouvelle série Pratiques qui regroupe de manière libre, presque chaotique, les idées formelles que nous avons exprimées avec Ludovic Bail et Hugo Feist –, nous les avons rendues disponibles sur notre boutique en ligne. Le graphiste Vincent Perrottet a choisi pour l’exposition Regarder à la Galerie Poirel l’une de vos affiches qui figure dans sa collection. La présence de cette affiche constitue là aussi une belle reconnaissance pour Horstaxe… Le graphiste se retrouve souvent isolé dans son travail, il a besoin de la reconnaissance de ses pairs pour continuer ! De manière générale, les collectionneurs comme Vincent Perrottet sont très importants parce qu’ils donnent une seconde vie aux affiches. C’est bien le collectionneur qui va porter son regard et révéler l’intérêt de l’affiche qu’il intègre à sa collection. Pour l’exposition, il a sélectionné une affiche plus ancienne [de 2011, ndlr], ce qui nous apparaît forcément un peu étrange ! Le graphiste est un éternel insatisfait. Dès qu’il termine quelque chose, il veut passer à la suite. [Rires]. Quoiqu’il en soit, cette présence à la Galerie Poirel constitue une bulle d’air pour nous, elle nous fait du bien. www.horstaxe.fr
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Par Emmanuel Abela
Au moment où Ayline Olukman part s’installer à New York, on découvre une magnifique autrice qui nous livre la part de mélancolie contenue dans les photographies publiées dans son deuxième ouvrage chez Médiapop, America.
Saisir l’infini Dans ton livre America, tu cultives un paradoxe : il est question de déplacement, alors que la photo fige l’instant. Entre mobile et immobile, quelque chose se joue-t-il pour toi ? J’aime l’idée de créer une narration à partir d’images figées, et naturellement de permettre au lecteur de s’approprier ce récit. Le livre a été pensé ainsi : le fait qu’on passe d’un endroit à un autre situe le mouvement, le texte évoque ce cheminement en assurant le lien entre les images. Tu le formules à plusieurs reprises dans tes notes : en Amérique, il y a cet horizon qui s’ouvre à l’infini. Cet infini est sans doute la raison pour laquelle je parcours ce territoire sans cesse. Je le confirme, quand on voyage en Amérique, on a la sensation que le ciel bouge différemment avec les nuages qui défilent. J’aime cette ouverture et je me sens animée par cette sensation de pouvoir me perdre dans cet horizon-là. C’est une vraie source d’inspiration, ça me permet de vivre les choses de manière apaisée et en même temps de pouvoir projeter mes images comme je l’entends.
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Dans ces images, on ne trouve nulle vocation documentaire. Tu ne te sens pas dans l’obligation de rendre compte, quitte à maintenir une certaine distance par rapport au sujet… Oui, avec ces images, je brouille totalement les pistes ! Effectivement, je n’exprime aucune vocation documentaire, je ne suis pas dans le reportage. Quand on feuillette le livre, on peut avoir le sentiment d’un voyage qui se fait dans la continuité, d’un seul trait, mais ça n’est pas le cas. Au final, beaucoup d’énigmes restent irrésolues, et il faut sans doute chercher un fil conducteur à tout cela. Je ne cherche ni à révéler de vérité ni à décrire la réalité. Ça part sans doute de faits concrets, intimes, lesquels sont complètement détournés. Ce qui m’intéresse avant tout ce sont ces fragments qui me suivent, et qui me donnent la possibilité d’établir des parallèles, qu’ils soient poétiques ou plastiques. On te sait plasticienne, photographe, mais là on te découvre autrice. Les textes dans l’ouvrage sont-ils rédigés en temps réel ? Je ne sais pas encore comment me situer par rapport à cela, mais j’ai toujours un carnet avec moi – depuis l’adolescence, j’écris beaucoup ! Le fait de voyager, souvent seule, me donne énormément envie d’écrire. La première fois où j’ai eu envie de montrer des textes c’était à l’occasion de la publication de Small Eternity en 2012 [déjà chez Médiapop, ndlr]. Ceux-ci servaient déjà de lien entre les images avec cette idée du carnet de voyage. Et donc, ils trouvaient aisément leur place. J’aurais du mal à définir ces écrits, mais c’est quelque chose qui me paraît léger par rapport à l’acte de peindre ou de prendre une photo. Techniquement, un papier, un stylo, c’est magique !
Ces textes confirment la mélancolie qui s’installe au fil des pages : elle est marquée par l’absence – très souvent, l’absence physique de tout être dans des espaces désertés. L’Amérique, ses espaces, ses territoires, servent de miroir à des sentiments très personnels… J’entretiens un rapport assez doux à la mélancolie. J’aime la mélancolie ! Comme un leitmotiv, c’est elle qui m’aide à travailler. De manière plus générale, elle est l’élément clé de l’acte photographique : quand on part avec un appareil, on cherche à capter des instants, mais ça reste vain. Ça s’apparente à une quête de l’impossible. C’est peut-être pour cela que je réalise des séries de photos qui s’attachent à une route au bout de laquelle il n’y a rien, comme dans certaines zones désertiques. Dans un désert – je joue à me perdre moi-même dans le désert ! –, même accompagné, on se retrouve face à soi-même. Une notion apparaît clairement dans certaines images, celles de Coney Island, par exemple : cette notion est l’abandon. C’est l’une des raisons qui fait que j’aime tant ce pays : tout est livré à l’abandon. Comme les Américains n’ont pas de problème d’espace, ils sont en mesure de laisser les choses telles qu’elles sont. Et le fait de voir cohabiter des éléments du passé, des panneaux, de vieilles architectures, avec des extensions récentes – un quartier, un nouveau building, etc. –,
c’est forcément très intéressant d’un point de vue photographique. Tu parles de la vanité de l’acte photographique, mais ce qui importe malgré tout pour toi c’est la captation du réel. Une problématique presque cinématographique. As-tu le sentiment que ce réel t’échappe ? Oui, totalement. Je prends des photos parce que je cherche à mieux comprendre ce que je vois. Mais quand je vois le résultat je ne suis pas sûre de mieux comprendre. J’ai une réelle interrogation sur ce qui nous est réellement présenté. Un paysage qui défile nous offre plusieurs niveaux de lecture, lesquels entrent naturellement en résonance avec notre propre questionnement. Ayline Olukman, America, éditions Médiapop www.mediapop-editions.fr
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Par Alice Marquaille
Curiosités aériennes Artiste irlandaise pratiquant le dessin et la sculpture, Claire Morgan fait preuve d’une troublante minutie dans ses installations. Animaux ou insectes naturalisés sont suspendus dans les airs, au sein de nuées de couleur. Le résultat, très poétique, interroge notre rapport à la nature et à la mort.
Les œuvres exposées ici présentent une grande cohérence, tant pour l’esthétique que pour le thème exploré, celui de notre relation à la nature. Est-ce représentatif de l’ensemble de ton travail ? Oui, car je m’intéresse uniquement à la nature et aux relations que l’on a avec la mort. Les œuvres ne doivent pas raconter quelque chose, il s’agit plus de mon exploration. Tes œuvres intègrent toutes des animaux empaillés mais il n’y pas une once de morbidité, comment fais-tu ? La mort est un processus qui fait partie intégrante de la vie, non seulement humaine, mais plus généralement, biologique. Nous vivons comme si la mort n’existait pas et quand nous arrivons à ce moment fatidique, c’est souvent avec des regrets. Mes installations les plus colorées sont les plus dures : je trouve les sacs plastiques bien plus horribles que les animaux morts. Ce sont des déchets de l’homme, c’est ce qu’ils sont et ce qu’ils représentent de notre relation à la nature.
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Tes dessins sont-ils préparatoires ou bien totalement indépendants de tes installations ? Les deux en réalité, cela dépend. Je réalise les taxidermies sur les grands formats : on peut encore y lire des notes préliminaires sur les dimensions des animaux. Le papier reçoit alors les traces du travail de taxidermie du sang ou des poils. Ensuite, je peux ajouter du dessin au crayon. Au-delà d’un travail préparatoire, le dessin devient un processus en soi. Tu réalises les taxidermies toi-même. Comment as-tu appris cette méthode ? Pourquoi est-ce si important pour toi de la pratiquer ? Depuis le tout début, j’utilise des matières organiques et, à un moment, il m’a semblé que les animaux étaient tout autant une matière organique. J’aime que mes créations soient issues d’un processus d’apprentissage, pour le public, mais surtout pour moi. L’idée de progression m’est chère. Pratiquer la taxidermie permet d’avoir une connaissance fine de l’anatomie des animaux, et pouvoir ainsi leur conférer les attitudes qui soient justes pour l’œuvre et respectueuses de ce qu’ils ont été de leur vivant.
Où trouves-tu les animaux ? Ce sont des animaux déjà morts. J’en trouve certains au bord de la route, comme le faon ou le corbeau, mais le rat a été tué par mon chat. Une œuvre présente un chat qui m’a été confié par un ami, il était son animal de compagnie. Je l’ai conservé deux ans avant de l’utiliser, car c’est une très grande responsabilité de travailler un animal qui a été aimé. Pourrais-tu revenir sur ton processus de travail en général, cette volonté de progression au travers de la pratique… J’aime travailler manuellement, avoir une certaine complexité de mise en œuvre. Je ne prépare aucune œuvre sur ordinateur, je prépare chaque installation sur du papier calque millimétré, couche après couche, patiemment. La plupart du temps je réalise la taxidermie et les détails complexes, mes assistants fabriquent la suite des œuvres. Tes œuvres sont très structurées, les formes, très maitrisées. Cela est particulièrement fascinant dans les petites sculptures de mouches alignées qui dessinent des formes complexes dans l’espace. Quelle est ta relation à la géométrie ? Certaines de mes œuvres ne sont pas si géométriques, elles ont plus de mouve-
Nipple, Claire Morgan, 2012 © Claire Morgan
ment. C’est vrai qu’ici, c’est très « contrôlé ». Mais c’est aussi une façon de refléter que l’homme souhaite maîtriser la nature et ainsi la ramener dans les limites de notre compréhension. Les mouches sont les premiers animaux que j’ai utilisés. Elles ont un vrai pouvoir esthétique. Elles représentent la mort, le changement, le cycle de la vie en fait : du cocon à l’éclosion. Elles se nourrissent de matières en putréfaction. Normalement, leur vol est chaotique. Ici, je les réorganise d’une certaine façon. Paradoxalement, j’aime surtout les formes et matières qui ne sont pas solides. Par ailleurs, je suis intéressée par l’art minimal, cela doit aussi m’inspirer.
Comment choisis-tu les titres de tes œuvres ? Ils viennent souvent en premier ! Dans mon atelier, j’ai toute une liste de titres. J’utilise souvent des citations ou des phrases, mais je ne fais pas de citations littérales, je les modifie ou les mélange. Voudrais-tu ramener l’humain dans ton art ? Non ! Je réfléchissais dernièrement à sa présence dans le dessin, mais pour le moment ça ne m’intéresse pas. Quand j’étais étudiante, je voulais faire de la sculpture figurative mais les enseignants ont catégoriquement refusé, ils étaient agressivement conceptuels. La taxidermie est une façon de ramener la figuration dans la sculpture. CLAIRE MORGAN, exposition jusqu’au 15 novembre à la Fondation Fernet-Branca, à Saint-Louis www.fondationfernet-branca.org
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Par Alice Marquaille Photo : Sébastien Bozon
L’écrit sans écriture La littérature est une source inépuisable pour l’artiste mexicain Jorge Mendez Blake dont on devine, d’une installation à l’autre, la bibliothèque idéale où se côtoient Borges, Mallarmé et Lowry. Né en 1974 à Guadalajara, Jorge Méndez Blake est invité pour la première fois en France dans le cadre d’une exposition monographique, Projets pour une possible littérature. La bibliothèque est un élément fondamental de son travail. Avec la volonté de réunir en un même espace art et littérature, l’artiste a installé ses œuvres selon une grille géométrique. Ses études en architecture lui ont permis une analyse fine de l’espace de la Kunsthalle afin de lier davantage les objets aux lieux dans lesquels ils sont exposés et donc de nous offrir de belles clés de lecture. Peux-tu nous décrire en quelques mots le projet que tu as mis en place pour l’exposition ? Les œuvres sont organisées comme les entrées d’une encyclopédie, avec des éléments connectés les uns les autres et des œuvres qui se répondent.
En français, « linéaire » désigne les rangements des bibliothèques. On y est entouré par le savoir, dans le calme. Ici, les tables très légères et l’alignement des œuvres apportent cette atmosphère à l’exposition. Pour toi, l’art et la littérature partagent-ils le même objectif ? Oui, c’est organisé comme si les œuvres étaient sur des étagères de livres, comme une bibliothèque ludique. Art et littérature sont liés au savoir. Les deux tentent de se confronter au monde. À travers eux, nous essayons de comprendre ce que nous faisons ici ou comment se situent les choses autour de nous. Mais il est difficile de définir l’âme mystérieuse de l’art, de décrire la façon dont l’art produit de la connaissance. Essaies-tu d’écrire parfois ? Non, j’essaie plutôt d’écrire sans écriture, mais la plupart de mes œuvres intègrent de l’écriture. Je suis, en fait, intéressé par l’espace in between, la frontière où art et littérature se touchent. Les œuvres de cette exposition multiplient les matières, se jouent d’elles-mêmes. Cette matérialité des œuvres, est-ce ce qui te permet de te confronter au texte ? Les matériaux, les techniques, les objets parlent au sein du monde. Les objets ont des histoires, un passé, et lorsque ces histoires s’interconnectent alors cela nous permet de penser à de nouvelles façons de concevoir le monde. Dans cette matérialité je dois souligner l’utilisation sensible et délicate des couleurs qui viennent structurer l’espace, le ponctuer. J’ai cherché un équilibre entre la couleur et son absence,
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entre l’abstrait, le concept et les objets. J’ai aussi cherché cet équilibre entre les œuvres et les piédestaux. L’espace est très particulier, il contient beaucoup d’informations : il est à la fois fort et anonyme, je devais faire coïncider le projet avec ce lieu.
correctement, alors apparaît la création. Tout est lié, donc il faut être attentif au lieu d’où l’on vient. Je pourrai ajouter Stéphane Mallarmé ou Marcel Broodthaers qui ont été très inspirants pour l’œuvre Une page de Mallarmé.
Avec cette exposition, j’ai le sentiment que tu proposes une symphonie. La légèreté s’oppose à la massivité, la couleur au noir et au blanc, le plat à la dimension et ces accords produisent une sensation d’harmonie qui englobe le visiteur dès l’entrée. En effet, la musique est importante pour moi. J’en écoute toute la journée. C’est vrai que cela pourrait se rapprocher d’une composition : il y a une structure, une grille, des coupures et des reprises, etc.
Pourquoi la fiction t’intéresse-t-elle plus que la théorie – philosophique par exemple ? L’art ne doit pas convoyer un message au monde, il peut toutefois advenir à travers l’œuvre. Le destin de l’artiste n’est pas d’apporter un message. L’art n’est pas un jeu de pouvoir, il est ouvert et l’œuvre existe pour créer des discussions. L’œuvre doit aller au-delà de l’intention de l’artiste et quand elle génère des discussions qui ne la touchent plus, alors c’est un succès.
Tes références littéraires sont au cœur même des œuvres. L’œuvre Un Balcon évoque Piranèse… Les références artistiques sont-elles aussi importantes ou essaies-tu de t’en détacher ? Non, c’est très important ! J’ai en effet un grand attachement au Piranèse des Prisons. Ses constructions fantastiques sont proches de mon travail, et je trouve qu’elles feraient de parfaites bibliothèques, avec ces escaliers, ces coins sombres, c’est si étrange. Les références en histoire de l’art, littérature et architecture sont fondamentales. On ne peut rien inventer de nouveau, on ne fait que citer. On choisit juste qui citer, que citer, et comment agencer les choses ensemble. Si on le fait
JORGE MÉNDEZ BLAKE, Projets pour une possible littérature, exposition jusqu’au 23 août à la Kunsthalle – Centre d’art contemporain, à Mulhouse kunsthallemulhouse.com
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Par Florence Andoka
La rencontre Robert Cahen, artiste pionnier de l’Art vidéo, présente au Musée du temps un ensemble d’installations. Dans la verticalité des écrans fleurissent les rencontres, celles de la musique, des corps et des œuvres.
Un écran d’une blancheur énigmatique ouvre l’espace d’exposition. Ce n’est pourtant pas l’écran blanc du Hurlement en faveur de Sade, imposé par Debord en 1952. Robert Cahen invite le visiteur à prendre le temps de considérer l’œuvre car la surface blanche qui la constitue ne s’anime que de temps en temps à intervalles plus ou moins réguliers. Chaque silhouette émerge de la brume, s’avance. L’individu fait face à celui qui le regarde puis disparaît dévoré par la blancheur dont il avait émergé quelques secondes auparavant. La vidéo présentée en boucle est une ronde où les apparitions se succèdent. Un corps en chasse un autre. On se croise, on s’oublie. L’œuvre réalisée au studio du Fresnoy à Tourcoing en 2002 s’appelle Traverses. Cahen en redressant à la verticale les écrans des trois installations vidéo qui composent cette exposition, rompt avec l’horizontalité du cinéma et son immanence.
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C’est bien la rencontre d’autrui qui est au centre, non pas seulement le regard de l’autre comme le permettent les gros plans au cinéma, mais le corps dans son ensemble, son allure, sa silhouette. Il y a une transcendance qui se glisse dans le geste de l’artiste redressant les écrans, cette perspective est aussi celle du vidéaste Bill Viola dans des œuvres récentes comme Observance ou Tristan’Ascension. Cahen joue sur la visibilité. L’écran blanc où il n’y a rien à voir et auquel on pourrait ne pas prêter attention est ramené à sa fonction première, il est une surface d’apparition. L’autre se manifeste, on guette sa venue hors de la brume épaisse, on tente de distinguer le visage qui s’annonce. Visibilité et identité s’entremêlent.
… avec Boulez L’exposition Temps contre temps impose au visiteur un chemin. L’espace muséal se parcourt ici selon un sens induit par la position des écrans. Si l’on quitte la ronde des corps de Traverses, la seconde installation est tout d’abord perceptible par la musique qu’elle met en scène, celle de Mémoriale, une œuvre composée par Pierre Boulez en 1985 en hommage à son ami flûtiste Lawrence Beauregard. La puissance de l’altérité revêt un autre corps dans cette deuxième installation vidéo intitulée Le Maître du temps - Pierre Boulez dirige « Mémoriale ». Cahen concentre le regard sur le corps du compositeur, sur la gestuelle qu’il a inventée pour diriger le jeu de la musique contemporaine. Les écrans tentent de restaurer la présence de l’homme. Comme dans un portrait en pied où l’on enregistre l’image de l’autre pour mieux s’en souvenir, Boulez se tient droit laisse voir la chorégraphie minutieuse de ses mains guidant le jeu d’un orchestre invisible. D’où vient cette musique qui emplit la salle ? L’installation surprend parce
Robert Cahen, Le Maître du temps – Pierre Boulez dirige « mémoriale », 2011 Photographies : Nicolas Fussler / Collection de l’artiste, ADAGP Paris 2015
qu’elle perturbe la perception. On peut faire le tour du corps de chef d’orchestre à l’œuvre, voici que l’écran est réversible, que Boulez danse de face comme de dos sur cette musique qui n’a d’autre origine que ses mains. La gestuelle rend visible la musique et le rythme de l’existence fait écho à celui des sons. Robert Cahen, qui a suivi l’enseignement de Pierre Schaeffer, est aussi compositeur de musique contemporaine. En écho au concours international des jeunes chefs d’orchestre qui se tient à Besançon, Cahen choisit également d’intégrer à son exposition un entretien exigeant réalisé avec Pierre Boulez. La rencontre des êtres peut devenir celle des œuvres comme le laisse entendre la troisième installation vidéo du parcours, Temps contre temps, créée
en 2014. « Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie », selon le mot de Lautréamont, le film offre un rapprochement poétique entre Indestructible object de Man Ray et l’Infiltration homogène pour piano à queue de Joseph Beuys. La rencontre des œuvres intervient comme un ajout aux significations portées par chacune. L’écran dévoile Robert Cahen au piano disparaissant dans l’obscurité, abandonnant les œuvres à leur face à face. Le métronome au départ de l’œuvre de Man Ray retrouve sa fonction d’usage par-delà les mouvements retenus par l’histoire de l’art. L’objet surréaliste bat la mesure du piano au chant étouffé par le feutre anthracite. Dans un mouvement hypnotique l’œil de Lee Miller suit le rythme entêtant du métronome : « Vous entendez votre vie passer », lance l’artiste rieur. ROBERT CAHEN, TEMPS CONTRE TEMPS, exposition jusqu’au 27 septembre au Musée du temps, à Besançon www.mdt.besancon.fr
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Par Sylvia Dubost Photos : David Betzinger
Sur le feu Le Frac Alsace vient d’inaugurer WVZ 284, œuvre qu’il a commandée à l’artiste autrichien Elmar Trenkwalder. Un portail en céramique pour son jardin, une pièce monumentale qui s’est révélée un défi et une performance technique. Retour dans l’atelier de l’artiste, quelques mois avant l’inauguration.
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Dans son atelier en bordure du centreville d’Innsbruck, Elmar Trenkwalder œuvre inlassablement à la réalisation des éléments de son portail. Dans deux mois, les 28 pièces en céramique des deux piles de 5m de haut viendront s’accrocher au bout de la façade du Frac, le long de l’Ill, et ouvrir sur le jardin et le vignoble planté par l’artiste Nicolas Boulard. Dans la tradition des domaines viticoles, le Frac a passé commande d’un portail sans grille à l’artiste autrichien, qu’il avait exposé en 2008 et qui réalise ici sa première œuvre pour un espace public français. Dans les pièces terminées et celles en cours, on reconnaît bien le langage sculptural luxuriant d’Elmar Trenkwalder, où se mêlent une multitude de figures, de détails végétaux et corporels, où les finitions assez brutes contrastent avec l’aspect lisse du vernis : « On pense
l’œuvre. « Souvent, les sculptures monumentales ne sont que des agrandissements, des maquettes gonflées, regrette Elmar Trenkwalder. Ça sonne faux, il faut penser chaque centimètre de la sculpture. Une idée agrandie ne m’intéresse pas. » WVZ 284 est en effet une pièce colossale, qui représente un vrai défi. Le travail avance doucement, mais très sûrement, et a nécessité pas mal d’expérimentations. Des éléments de cette envergure, Elmar Trenkwalder, pourtant habitué des pièces monumentales, n’en avait jamais réalisés. Ses œuvres étaient toujours composées de modules de plus petite taille, et étaient surtout conçues pour l’intérieur. Il lui a fallu résoudre à la fois la question du volume et celle de la résistance au froid et aux changements de température. Et essuyer quelques échecs. Pour WVZ 284, l’artiste travaille seul, ou presque. Son complice céramiste
à des temples hindous, décrit Olivier Grasser, le directeur du Frac, on sent aussi l’influence de la culture baroque autrichienne qu’il connaît bien, de la sculpture maniériste et de l’art brut. Il y a là une profusion qui noie le regard ». Un monde fantasmagorique, à la fois sculpture et architecture, qui conjugue le bas relief et la ronde bosse et que l’on lit différemment suivant l’endroit d’où on le regarde. Sur la face avant des deux piles asymétriques, tournée vers la ville, un motif de cannelures rappelle le rythme de la façade ; à l’arrière, des éléments végétaux luxuriants rappellent la vigne. Un monde foisonnant à l’échelle de
ne peut l’accompagner sur un travail d’aussi longue haleine, et Elmar Trenkwalder doit acheter son propre four. Les trois étages sur sept fabriqués dans un premier temps n’ont pas résisté à l’hiver ; il a fallu tout recommencer, tester une terre espagnole que l’artiste découvre, et une nouvelle température de cuisson, qui change la couleur finale. Une fois modelée (à la taille maximale pour entrer dans le four), chaque pièce doit sécher de manière homogène pendant au moins deux semaines, pour éviter que la vapeur générée par d’éventuelles poches d’humidité ne fasse exploser la terre dans le four. « À
Sèvres, les pièces sèchent pendant des mois, explique Elmar Trenkwalder. Ici, ce n’est pas possible. » Il était d’ailleurs question qu’il travaille en résidence à la manufacture, mais les phases de séchage et de cuisson auraient mobilisé l’intégralité de l’atelier sur une trop longue période. Des cuissons, il en fait deux : une première porte les pièces à 1000°C, une deuxième fixe le vernis à 1250°, chacune nécessitant deux jours pour la montée en température et la descente. C’est la condition pour que les pièces résistent à l’extérieur. « Il faut être tout le temps là pour surveiller, et optimiser le déroulé sinon on perd du temps. » Ici, les pièces sont modelées, cuites, séchées en parallèle selon un planning ultra-précis et serré, qu’il faut respecter pour que l’œuvre puisse être inaugurée à temps. Une fois tous les éléments du portail terminés, sur place au Frac, il faudra encore régler la question du montage. Elmar Trenkwalder a comme à son habitude dessiné un plan d’une grande précision, parce que la « partie technique fait aussi partie du travail », mais les détails seront réglés avec un prestataire qui doit fabriquer, au fur et à mesure de l’installation, la structure en métal sur laquelle viendront s’ancrer les modules en céramiques. Pour cette phase, Elmar Trenkwalder prévoit 15 jours de montage, car « on sous-estime toujours la durée du travail ». Au final, grâce à une préparation méticuleuse et des collaborateurs efficaces, il en faudra seulement trois… Ici s’achève promptement le long parcours d’une œuvre, commencé en 2010 avec les dessins d’étude, qui nous rappelle que concevoir, fabriquer et installer une œuvre est un vrai travail… WVZ 284, sculpture d’Elmar Trenkwalder dans le jardin du Frac Alsace, à Sélestat www.culture-alsace.org/artcontemporain
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Par Florence Andoka
Les aventures de la matière Morgane Tschiember perçoit son œuvre comme « un système de navigation parmi les signes ». Plus qu’une rétrospective, Taboo est une histoire conçue pour l’espace qui l’accueille, où le sens abonde par strates, révélant les échos infinis qui composent le travail de l’artiste.
Shibaris, 2015 Courtesy de l’artiste / galerie Loevenbruck
Aux prémisses de Taboo, se tient une sculpture représentant Lesbie. La jeune femme tient dans son girond le passereau auquel s’identifiait le poète Catulle dans ses poèmes. Cette sculpture, réalisée en 1832 par François Lanno, Morgane Tschiember a choisi de la laisser enserrée dans la cage de bois qui permet son transport. Corps de marbre enfermé, Lesbie dialogue étrangement avec les Shibari des pièces suivantes. Art de la torture dans le Japon ancien, le Shibari devient au XIXe siècle celui de la contrainte amoureuse. Nabuyoshi Araki a immortalisé des femmes ficelées, enlacées, écartelées, comme des poupées captives aux vulves offertes. Morgane Tschiember a délivré ces corps féminins, les a remplacés par des corps de céramiques. La terre à son tour est contrainte, déformée par la puissance du chanvre contre sa mollesse meurtrie. Les Shibari de l’artiste plongent l’érotisme du côté de la matière. Les formes suspendues rappellent des coquillages bicolores. Le regard caresse les lignes accidentées, glisse le long des surfaces ondoyantes.
L’artiste aime à pousser le matériau hors de ses limites et apprend sans cesse de nouvelles techniques qu’elle détourne jusqu’à l’impossible. Il n’y a pas d’interdit, tout événement à l’atelier est une aventure du matériau. Si « le faux est un moment du vrai », comme le disait Hegel quant à la manifestation de l’Esprit, alors la dérive technique de l’artiste relève d’un hasard illusoire et permet la naissance de l’œuvre. Rash dévoile ainsi des volumes de béton qui ont été coulés dans des moules en carton. Sous le poids de cette boue aqueuse le carton s’est déformé laissant apparaître d’étranges sculptures semblables à des jambes torves écartées vers les cieux. Contrairement aux Shibari dont les cordes premières avaient disparu lors de la cuisson de la terre, le moule dans Rash n’a pas entièrement disparu, des fragments de carton restant prisonniers du béton. Amélie Lavin, directrice du musée et commissaire de l’exposition, emprunte à Marcel Duchamp la notion d’ « inframince » pour éclairer cette proximité du contenant et du contenu. Qu’en est-il du moule, du socle, du support, de la surface pour Morgane Tschiember qui a partagé autrefois l’atelier d’Olivier Mosset ? L’artiste se joue de cette histoire et de notre regard. Voici que le béton repose sur la mousse, le socle est devenu plus léger que ce qu’il porte. Parmi les salles des collections permanentes, de petites sculptures de l’artiste ont été habilement placées aux côtés de pièces tardives de Rodin, tendues vers l’abstraction. Partout le contact sensuel – entre les volumes, entre les matières – éblouit et devient le ressort de cette romance sans parole. TABOO, MORGANE TSCHIEMBER, exposition jusqu’au 30 août au Musée des beaux-arts de Dole www.musees-franchecomte.com
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Par Florence Andoka
Images sans mouvement La collection Hors limite des éditions de La Maison chauffante dévoile un nouvel objet poétique en série limitée, réalisé par le vidéaste expérimental Claude Marguier. Manuel pour cinéaste éclairé est un livre d’artiste décomposant les processus cinématographiques.
Qu’est-ce que le cinéma ? Si la question a été posée par nombre d’artistes et de penseurs, depuis son invention sous ce vocable à la fin du XIXe siècle, le cinéma expérimental est sans doute une voie qui privilégie la réflexion sur le médium. Manuel pour cinéaste éclairé s’inscrit dans la pratique cinématographique de Claude Marguier. Au point de départ du projet, l’artiste souhaitait filmer les collages qu’il réalise frénétiquement depuis plusieurs années, puis c’est le format de la boîte qui s’est imposé. Le sens circule d’un médium à un autre. Ceci n’est pas un livre mais un film muet où c’est la mise en rapport des images qui prime et plus précisément le rapprochement des formes et de leurs connotations. Manuel pour cinéaste éclairé se compose de feuillets translucides, en rhodoïde comme les pellicules du cinéma, susceptibles d’êtres mêlés à loisir. Les 24 feuillets décomposent une seconde cinématographique devenue éternelle. Voici que les images mouvements du film sont devenues des plans fixes sur lesquels sont imprimées des images issues de collages. Au détour d’un feuillet, on peut lire ironiquement « à la recherche d’un sujet », pourtant le sujet de ce manuel n’est jamais que le cinéma lui-même.
L’ordre des feuillets est modulable, chacun peut se superposer à un autre et offrir à la lumière une tierce image. Le montage est au cœur de l’œuvre, comme une mémoire folle multipliant les rencontres hasardeuses. Les feuillets, hors de leur coffret, fonctionnent comme des plans indépendants, et peuvent aussi être disséminés en constellation. Si l’on rompt alors avec l’idée de la séquence, de l’articulation linéaire des plans, apparaît l’absence de réponse définitive au classement des images. Il n’y a pas d’histoire absolue, de narration fixe, c’est l’agencement des formes qui devient pleinement visible. Le rythme des formes, et la puissance des noirs de l’encre imprimée l’emportent. L’élégant boîtier métallique contient ainsi une œuvre exponentielle où les images se confrontent dans l’infini des possibles. Claude Marguier, soucieux de la pauvreté des matériaux, refuse les clichés tapageurs des revues de mode. Un vieil ouvrage, consacré à la technique du Super 8, a servi de matière première au collage de l’artiste empreint d’une esthétique rappelant, par sa tension vers l’abstraction et l’absence de couleur, certains travaux constructivistes de Rodchenko. Attentif aux correspondances comme à l’étrangeté qui creuse le réel, Claude Marguier fait advenir des êtres hybrides, mi-homme, mi-machine, rappelant que chaque cinéaste est avant tout un homme à la caméra, un artiste faisant de l’objet technique le corps de son imaginaire. MANUEL POUR CINÉASTE ÉCLAIRÉ, Claude Marguier, éditions de La Maison chauffante www.collectionhorslimite.com
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Par Caroline Châtelet
Bussang neuf Fêtant ces 120 années d’existence, le Théâtre du Peuple continue son travail théâtral en lien avec son territoire et en prise avec le monde contemporain.
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Bussang, il y a ceux qui connaissent et ceux qui ne connaissent pas. Sacrée lapalissade, n’est-il pas ? Disons alors, pour préciser l’affaire, qu’il y aurait ceux qui savent ce que désigne Bussang – et peu importe qu’ils y soient allés – et ceux qui ne le savent pas. Car le terme qui revient chaque été parsemer les pages cultures des journaux, magazines et autres émissions culturelles spécialisées désigne bien plus que la petite ville nichée au cœur des Vosges. « Bussang » est un état d’esprit, un symbole, une utopie devenue réalité, un art de vivre [générique, lancer de fleurs, chants d’enfants]. Bon, arrêtonslà les clichés ou plutôt, parlons-en : oui, Bussang est un cliché, un archétype, de ces mythologies que le théâtre aime à construire. Mais l’histoire de ce théâtre justifie la fascination qu’il exerce. Créé en 1895 par Maurice Pottecher, fils d’un industriel local, journaliste et poète revenu dans ses pénates lassé de la vie parisienne, le Théâtre du Peuple naît avec pour ambition de participer de l’élévation et de l’émancipation de l’individu. Une sorte d’éducation populaire avant l’heure, saupoudrée de ce qu’il faut de valeurs morales et prenant comme repoussoir le théâtre parisien d’alors (bourgeois, officiel, fondé sur le seul divertissement). Si évidemment depuis 1895 et Pottecher le lieu a évolué, le paysage théâtral national itou, le mythe d’un théâtre populaire ravissant spectateurs occasionnels et assidus (professionnels du secteur compris) perdure. Le principe d’un théâtre pour et par le peuple y est toujours revendiqué et le Théâtre du Peuple se fait fort chaque année de réunir aux côtés de comédiens professionnels des acteurs amateurs. Son
bâtiment subsiste également et l’imposante bâtisse conçue avec pour objectif d’annihiler les hiérarchies sociales en vigueur dans les salles à l’italienne – la division des salles prolongeant la division des classes – enchante encore les spectateurs. Car le Théâtre du Peuple a un dispositif aussi unique qu’insolite qui amène son fond de scène à s’ouvrir sur la montagne et la forêt environnante à la fin de chaque spectacle. La nature et la vie plus fortes que l’art ? La revendication d’une création simple, s’adressant à tous ? La nécessaire production d’un art relié à son territoire et au monde dans lequel il s’inscrit ? Parmi les possibles significations que charrie cette particularité architecturale, peut-être est-ce la dernière qui désigne le mieux le travail revendiqué par le metteur en scène Vincent Goethals. Car le directeur du lieu, arrivé là en 2012, prolonge à travers son projet un double mouvement : en prise avec son territoire d’implantation, local comme régional, et positionné dans un réseau de production et de diffusion plus vaste. Pour les 120 ans de Bussang, et outre les désormais habituels ballet d’ouverture, concert de clôture, stages et spectacles (L’Opéra de Quat’sous de Bertolt Brecht et Intrigue et Amour de Friedrich von Schiller), Bussang accueille des temps plus particulièrement dédiés à Maurice Pottecher : un hommage sur un week-end réunira la majorité des précédents directeurs de Bussang, tandis que le spectacle Un d’eux, nommé Jean propose une adaptation de textes de Maurice Pottecher et de lettres de son fils mort lors de la guerre 14-18.
Trois questions à Vincent Goethals, metteur en scène et directeur de Bussang. Vous mettez en scène cette année L’Opéra de Quat’sous de Bertolt Brecht. Pourquoi ? Depuis mon arrivée à Bussang, chaque édition a proposé une thématique centrée autour d’un pays. C’était la France avec l’auteur Laurent Gaudé la première année, la Belgique avec Stanislas Cotton la deuxième et Carole Fréchette et le Québec la troisième. Après avoir consacré mon premier mandat à des commandes d’écritures à des auteurs francophones, j’ai aussi envie de faire la part belle aux auteurs, aux tubes. Il m’est apparu évident de profiter des 120 ans du Théâtre du Peuple pour faire une année allemande, également en raison de la proximité de ces deux territoires et des souffrances communes de ses populations. L’Opéra de Quat’sous – tout comme Intrigue et Amour de Schiller mis en scène par Yves Beaunesne – font partie de ces grands classiques. Je crois que tout metteur en scène rêve un jour de monter L’Opéra de Quat’sous, qui est une grosse aventure mêlant le chant, la danse et le jeu.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans cette histoire ? Deux choses. Bertolt Brecht et le compositeur Kurt Weill ont très clairement voulu écrire un opéra des pauvres, du peuple, en réaction à l’opéra bourgeois. La pièce se révèle incroyable, elle change de registre tout le temps et musicalement comme dans les codes de jeu on sent la volonté de briser les poncifs, les codes. En cela monter cet « opéra pour le peuple » au Théâtre du Peuple s’avère presque naturel. Après, il y a également le propos : la pièce, qui dit clairement « L’homme est un loup pour l’homme et il oublie que luimême est un homme », a été écrite en 1928, au moment de la montée des fascismes. Tout en critiquant la bourgeoisie, les injustices, cette question de la perte des valeurs est importante et résonne avec ce que nous vivons aujourd’hui.
travaillé en lien avec un lieu, en menant un travail sur le territoire et au cœur de la population, j’ai le sentiment d’être dans un lieu qui me ressemble, de faire de la décentralisation à l’ancienne. C’est la même chose concernant cet anniversaire : même si nous essayons de proposer une année prestigieuse, fastueuse, c’est plus du plaisir que de l’angoisse. Pour ma création, il est vrai que le temps de répétition est très court, mais c’est le principe de Bussang, du travail avec des amateurs et cela fait partie du jeu. Je travaille pour le public et tout mon travail est axé là-dessus. LE THEATRE DU PEUPLE, saison estivale du 11 juillet au 23 août à Bussang www.theatredupeuple.com
Comment fait-on pour ne pas être écrasé par le poids du symbole du Théâtre du Peuple ? C’est peut-être de l’inconscience mais je ne me sens pas « écrasé ». Ayant toujours
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Par Florence Andoka
Tous ensemble Cela fera bientôt 20 ans que le festival Scènes de rue anime chaque été l’espace urbain de la cité mulhousienne. Depuis 2007, Fred Rémy est le directeur de ce festival qui a le vent en poupe, attire un public varié, toujours curieux de découvrir de nouvelles compagnies.
Cie Pernette, La figure du gisant – Photo : © Vincent Vanhecke
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Scènes de rue se définit comme étant un festival des arts de la rue. De quoi s’agitil ? Comment est née cette désignation des arts de la rue ? Les arts de la rue émergent à la fin des années 70, avec des formes de théâtre activiste, des performances qui investissent l’espace urbain. La rue a permis à ces artistes, qu’ils soient circassiens, performeurs, issus du théâtre forain, de dévoiler leur création à un public venu les voir, comme à un public passant. Michel Crespin, figure fondatrice des arts de la rue en France, évoquait à ce sujet un « public-population », puisque le passant habite l’espace urbain dont s’emparent les artistes et que le spectacle invite ce passant à détourner le regard, à rompre avec l’usage routinier du lieu. Michel Crespin a créé, en 1982, Lieux publics, le Centre national de création des Arts de la rue, puis en 1986, le Festival européen de Théâtre de rue d’Aurillac. Au fil des années, il y a de plus en plus d’artistes qui se sont tournés vers les arts de la rue, pas seulement des bateleurs, des artistes jongleurs ou sur échasses. Des spectacles se sont écrits avec une scénographie et une dramaturgie interrogeant l’espace urbain et mêlant la danse, le théâtre, la musique, les arts plastiques. Les arts de la rue renvoient donc à un ensemble très vaste de pratiques. Leur spécificité tient au fait que la création sorte des espaces conventionnels. Le spectacle peut investir des friches industrielles, comme des gares ou des supermarchés, des lieux qui ne sont pas conçus a priori pour accueillir la création et où s’opère par conséquent une perturbation des perceptions du public. La rue serait-elle un espace plus démocratique que les bâtiments des institutions ? Par définition l’espace public est libre, en ce sens, il est plus démocratique qu’un lieu qui dispose d’une salle avec une billetterie. Les gens assistent aux spectacles de rue parce qu’ils savent que c’est gratuit et qu’ils peuvent partir au bout de 10 minutes si ça ne leur plaît pas. La rue offre la possibilité de picorer entre les propositions. Par ailleurs, il existe tout un travail de la part des institutions culturelles de démocratisation de la culture. Le travail de médiation invite de plus en plus de personnes à fréquenter les lieux clos. Je crois que le travail des
uns nourrit celui des autres. Les spectacles de rue peuvent donner envie de se rendre aussi en salle. De plus en plus de théâtres intègrent des propositions hors de leurs plateaux. On ne peut pas opposer la rue aux institutions, il faut travailler de concert pour que l’art soit visible par tous. Comment ce désir démocratique se traduit-il au sein de la programmation de Scènes de rue ? Quelle est la place dévolue au jeune public ? Le festival qui est porté par la ville de Mulhouse, a été créé il y a 19 ans. C’est un temps fort pour la ville, cela compose une mémoire collective. Les gens s’approprient cette manifestation, ils participent. Pendant quatre jours Mulhouse est transformée, quelque chose se passe. La programmation du festival se veut toujours très éclectique et pluridisciplinaire. On accueille une trentaine de compagnies lors de chaque édition, l’idée étant de toujours faire cohabiter des oeuvres fédératrices, populaires, avec des œuvres plus intimes, plus fragiles, proposées notamment par des compagnies émergeantes. Cette diversité des formes et des disciplines renvoie à la variété des publics. Par ailleurs, les indications de classe d’âge données parfois au spectacle n’empêchent pas qu’un adulte prenne plaisir à accompagner un enfant. Il ne faudrait pas qu’une création jeune public ne soit qu’un chemin vers la facilité, parce qu’on ne peut pas anticiper l’appréhension du spectateur. Il est inutile de tracer des frontières trop radicales, tout reste ouvert. Quelle est la spécificité de Scènes de rue par rapport à d’autres festivals français comme Chalon dans la rue ou le Festival de théâtre de rue d’Aurillac ? Un festival des arts de la rue est toujours ancré dans l’histoire de la ville et joue sur l’architecture des lieux. Chalon et Aurillac sont deux grandes plateformes où se rassemblent les professionnels, les programmateurs notamment et les compagnies figurant dans la programmation officielle bénéficient d’une grande visibilité. J’aime l’idée que Mulhouse soit un laboratoire. C’est le soutien aux jeunes compagnies qui marque la programmation de Scènes de rue. On accueille également des artistes issus d’autres pays d’Europe. Cette année, la compagnie finlandaise, Viivi Roiha & Sade Kamppila est présente. Cela permet de faire entrer d’autres influences esthétiques, d’autres visions du monde, de décaler le regard. Il y a aussi les artistes en résidence au sein de la ville qui proposent souvent des étapes de leur création au sein du festival. Le public les accueille toujours avec une grande bienveillance. SCÈNES DE RUE, festival des arts de la rue du 16 au 19 juillet à Mulhouse www.scenesderue.mulhouse.fr
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JAAKKO EINO KALEVI
Jaakko Eino Kalevi / Weird World Ce qui est fascinant chez ce Finlandais, c’est cette manière d’évoluer hors temps comme si la vie n’avait pas de prise. Ça se ressent dans l’orchestration de ce qui semble être la plus aboutie de ses tentatives – une écoute de ses albums précédents, dont l’intrigant Modern Life en 2010 s’impose cependant ! – et dans des arrangements qui en font un lointain cousin des pionniers de l’électro-disco première mouture dans les années 70 avec toutefois dans la voix ce petit quelque chose de Brian Ferry, David Bowie ou même de Winston Tong, le chanteur de Tuxedomoon. Cousin ou rejeton c’est selon, tant il semble puiser à des sources soft-porn inavouables. Avec l’étrange nectar qu’il en extrait, l’invitation n’est cependant pas à la danse, mais plus à un déhanchement contemplatif. La distance semble marquée, mais le rapprochement est inévitable tant se révèle d’écoute en écoute la sensualité diffuse de ce qui s’apparente à des ballades pop d’un genre nouveau. (E.A.)
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JACQUES
THEE OH SEES
Tout est magnifique / Pain Surprises
Mutilator Defeated at Last / Castle Face
Fallait-il avoir écouté 25 fois son EP pour enfin se rendre compte que Jacques était Strasbourgeois, vivant à Saint-Ouen, mais tout de même ! Ceci dit, ce qui importe c’est que le jeune homme de 23 ans apporte enfin du sang neuf et un peu de fraîcheur à un milieu qui tend à se scléroser : de la boucle, oui mais en constante brisure, comme si la recherche se faisait en temps réel. Et tous ces bruits qui le rapprochent d’Herbert, père d’une approche domestique de l’électro, et de manière plus éloignée de Brian Eno ou même de l’Alan Psychedelic’s Breakfast, le chef-d’œuvre naturaliste de Pink Floyd. Un jeune prolifique semblet-il, à suivre donc. (E.A.)
Exit les envolées psychédéliques aux chœurs envoûtants, place à une section rythmique sèche et tendue et à des plages instrumentales planantes. Il semble que notre homme, John P. Dwyer, non content de développer ses dons en matière d’arrangements électroniques avec son projet solo Damaged Bug, amorce un virage radical avec Thee Oh Sees, une formation qui a déjà connu de superbes mutations. Ce Mutilator Defeated at Last apparaît comme une œuvre hybride de transition qui, avec un Whithered Hand furieux, un Palace Doctor aux boucles envoûtantes, un Holy Smoke instrumental à la guitare presque folk, un Poor Queen très pop, nous donne envie de suivre Dwyer et ses comparses du label Castle toujours plus loin. (So.S.)
BRUCE BRUBAKER Glass Piano / Infiné Dès les premières notes, nul doute possible : nous sommes bien dans l’univers de Philip Glass. Les familiers de Glass Works reconnaissent les tempos lents, langoureux et chargés de cette douce mélancolie qui caractérise l’œuvre du célèbre compositeur contemporain dans les années 80 et au début des années 90. Sauf qu’ici l’interprétation prend tout son sens. Adepte de la technique du remix, le pianiste Bruce Brubaker a suivi la recommandation de Glass qui, un jour, lui a dit : « Voyons ce que tu as à dire dans ce morceau ». Ce qu’il nous dit au final, c’est que nos vies suivent leur cours sans nostalgie aucune, avec une vitalité qui ne se dément pas au fil des années. Le message est bien reçu ! (E.A.)
RICH DELUXE Orchids / Bang! Bang! Records Avec Rich Deluxe, le dandysme a de beaux jours devant lui ! Un dandysme revisité dans sa version moins solaire, à la manière d’un Nick Cave qui explorerait les tréfonds de la musique noire. Quitte à y délaisser le salut de son âme. Du rhythm’n’blues qui pourrait séduire jusqu’à Tarantino luimême, roucoulant en apparence mais tranchant comme une lame de rasoir, acide, classieux et cuivré. Cet Anglais qui a élu domicile à Nancy a su s’entourer pour ce beau projet qui réinscrit la ville sur la carte du rock. Comme au bon vieux temps, diraient certains. Comme toujours, répondront les autres ! (E.A.)
1-1024928 / 2-1024929 / 3-1024930 Ursula Kaufmann
MUSIQUES ET DANSE
METZ
MONUMENT 0
©
www.arsenal-metz.fr
L.E.S :
ARSENAL
Danse
15.10.15 20H JEUDI HANTÉ PAR LA GUERRE (1913-2013) ESZTER SALAMON
DICHOTOMIES De Claude Louis-Combet et Jean-Claude Terrier / Aencrages&Co
FRANZ FERDINAND LA TOURNÉE DES GRANDS DUCS De Alex Kapranos / Le Rouergue Quel délice que de suivre Alex Kapranos de Franz Ferdinand découvrant les subtilités de son palais ! En tournée avec son groupe et sur une proposition de The Guardian, le chanteur et guitariste – ancien chef ! – a tenu durant deux ans et demi un journal contant ses aventures (et mésaventures) culinaires sur les routes, publiées sur le site du quotidien anglais. Le livre réunit ces 51 textes, nourris de détails et débordants d’humour, écrits avec une simplicité réjouissante où l’on découvre un passionné de cuisine et aux détours des pages, de belles confessions autobiographiques. Un format inspiré de l’écriture blog qui nous fait ici renouer avec un genre oublié et pourtant passionnant : le récit de tournée dans la plus pure tradition du gonzo journalisme. « Laissez moi manger du gâteau ! Je suis une rock star ! » (C.B.)
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La dichotomie, le schisme, la schize traversent l’écriture de Claude Louis-Combet depuis ses premiers ouvrages et notamment Marinus et Marina, grande œuvre de 1979. C’est le passage de l’Un au Deux qui anime le poète. Si toute dualité est une perdition, l’écriture doit dire la chute, celle du monde et de ses créatures abandonnées par Dieu et divisées en deux sexes pour mieux parachever leur isolement. Mais l’écriture est surtout un moyen de renouer avec l’éternité primordiale. L’amour comme désir d’unité clôt le texte de Claude LouisCombet venu éclairer les fractures profondes des peintures de JeanClaude Terrier. (F.A.)
LA POLITESSE de François Bégaudeau / Verticales À qui le métier d’écrivain ferait (encore) rêver, on ne saurait trop conseiller la lecture de ce roman. François Bégaudeau brosse un portrait du milieu littéraire français à la justesse et la férocité terribles. Ballottés de rencontres assommantes en participation à d’obscurs salons, confrontés à des publics qui n’ont le plus souvent pas lu leur livre, les auteurs apparaissent soumis dans leur majorité à une grande précarité. Aussi percutant que drôle, ce constat trouve son échappatoire via la projection de l’auteur dans un monde futur. L’autofiction bascule alors dans un récit d’anticipation plus doux et apaisé, où la création se déploierait en dehors des contraintes commerciales. (C.C.)
CECI N’EST PAS UN BLASPHÈME De Mounir Fatmi et Ariel Kyrou / Dernière marge L’image, les marques, le scandale, la religion, la société, la vie : en six chapitres thématiques, l’essayiste Ariel Kyrou et l’artiste plasticien Mounir Fatmi échangent sur les multiples visages du blasphème. Devant initialement paraître en 2014, ce dialogue au long cours prend après les attentats de janvier 2015 une résonance particulière. Son interrogation des rapports aux images entretenus en fonction des références et des époques, de l’histoire et des sociétés, révèle les ambivalences charriées par cette notion. Du politique au religieux, ce riche essai marque le début autant que la prolongation d’une aventure éditoriale, les éditions Dernière marge renouant avec les activités du collectif Inculte. (C.C.)
SUR LES TRACES DE BOBBY FISCHER AVEC UNE MONTRE LIP De Christophe Bordet / Les Éditions de La Boucle En fin connaisseur des combats en noir et blanc, Christophe Bordet, investit le jeu d’échecs à travers un roman d’apprentissage construit autour de la figure d’un jeune joueur. Si l’adolescent, par un combat d’échecs, doit venger la mémoire de son père disparu, les étapes de l’initiation se révèlent également politiques puisque l’intrigue se déroule dans le milieu ouvrier franc-comtois à l’aube des années soixante-dix et retrace l’affaire Lip et notamment la marche du 29 septembre 1973 qui rassembla plus de cent mille personnes à Besançon. (F.A.)
Exposition du 20 juin au 20 septembre 2015 Entrée libre tous les jours (sauf mardis et jours fériés) de 13h à 18h30
Les amis de
Charles Walch charles-walch.com
1869–1954
Intimité d'un peintre réaliste + starHlight
Musée des Beaux-Arts de Mulhouse
albert andré Conception :
Un univers poétique et coloré
Visuel : Albert André, Jacqueline lisant, corsage rayé rouge, 1935 (détail), huile sur toile – Collection Musées de Montbéliard, dépôt du Musée d'Orsay – Photo Pierre Guenat.
Charles WALCH
11.04 — 27.09 2015
Musée du château des ducs de Wurtemberg
Direction régionale des affaires culturelles Alsace
Joana Bastos Simon Boudvin Louise Hervé & Chloé Maillet David Horvitz Nicolás Paris Marinella Senatore
Chris Evans Jarbas Lopes Praneet Soi
18 rue du Château F-68130 Altkirch +33 (0)3 89 08 82 59 www.cracalsace.com
Visuel : Jorge Méndez Blake, The James Joyce Monument, 2012
18.06 – 20.09.2015 CRAC Alsace
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Chloé Tercé / Atelier 25
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des livres sublimes
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Billetterie en ligne: www.schaulager.org Peter Fischli / David Weiss, Tisch, 1992-1993, table et objets, polyuréthane, taillés et peints (détail), table: 60 × 800 × 324 cm, Fondation Emanuel Hoffmann, prêt permanent à la Öffentliche Kunstsammlung Basel, © Peter Fischli / David Weiss, photo : Tom Bisig