NOVO N°12

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numĂŠro 12

01.2011

gratuit



ours

sommaire numéro 12

01.2011

Directeurs de la publication et de la rédaction : Bruno Chibane & Philippe Schweyer Rédacteur en chef : Emmanuel Abela emmanuel.abela@mots-et-sons.com u 06 86 17 20 40 Direction artistique et graphisme : starHlight

Édito

Ont participé à ce numéro :

L’actu culturelle du Grand Est à vive allure 8 La sélection des spectacles, festivals, expositions et inaugurations à ne pas manquer 12 Une balade d’art contemporain : Meisenthal-Tétouan-Doha 28

REDACTEURS Jeanne Bergeron, Olivier Bombarda, Caroline Châtelet, Baptiste Cogitore, Sylvia Dubost, Nathalie Eberhardt, Magali Fichter, Virginie Joalland, Kim, Christophe Klein, Nicolas Léger, Guillaume Malvoisin, Adeline Pasteur, Nicolas Querci, Sophie Ruch, Christophe Sedierta, Fabien Texier, Gilles Weinzaepflen. PHOTOGRAPHES Vincent Arbelet, Arthur Babel, Pascal Bastien, Vincent Courtois, Marianne Maric, Olivier Roller, Christophe Urbain, Nicolas Waltefaugle. CONTRIBUTEURS Bearboz, Catherine Bizern, Ludmilla Cerveny, EM/M, Christophe Fourvel, Sophie Kaplan, Christophe Meyer, Henri Morgan, Nicopirate, Julien Rubiloni, Denis Scheubel, Vincent Vanoli, Henri Walliser, Sandrine Wymann. PHOTO DE COUVERTURE The Dø par Marianne Maric Retrouvez entretiens, photos et extensions audio et vidéo sur les sites novomag.fr, facebook.com/novo, plan-neuf.com, mots-et-sons.com et flux4.eu Ce magazine est édité par Chic Médias & médiapop Chic Médias u 12 rue des Poules / 67000 Strasbourg Sarl au capital de 12500 euros u Siret 509 169 280 00013 Direction : Bruno Chibane u bchibane@chicmedias.com 06 08 07 99 45 Administration, gestion : Charles Combanaire médiapop u 12 quai d’Isly / 68100 Mulhouse Sarl au capital de 1000 euros u Siret 507 961 001 00017 Direction : Philippe Schweyer u ps@mediapop.fr 06 22 44 68 67 – www.mediapop.fr IMPRIMEUR Estimprim ~ PubliVal Conseils Dépôt légal : janvier 2011 ISSN : 1969-9514 u © NOVO 2011 Le contenu des articles n’engage que leurs auteurs. Les manuscrits et documents publiés ne sont pas renvoyés. ABONNEMENT www.novomag.fr novo est gratuit, mais vous pouvez vous abonner pour le recevoir où vous voulez. ABONNEMENT France 6 numéros u 40 euros 12 numéros u 70 euros ABONNEMENT hors France 6 numéros u 50 euros 12 numéros u 90 euros DIFFUSION Vous souhaitez diffuser novo auprès de votre public ? 1 carton de 25 numéros u 25 euros 1 carton de 50 numéros u 40 euros Envoyez votre règlement en chèque à l’ordre de médiapop ou de Chic Médias (voir adresses ci-dessus). novo est diffusé gratuitement dans les musées, centres d’art, galeries, théâtres, salles de spectacles, salles de concerts, cinémas d’art et essai, bibliothèques et librairies des principales villes du Grand Est.

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FOCUS

RENCONTRES F.J. Ossang, Romain Cogitore et François Civil 31

le carnet de novo Novo ouvre ses colonnes à des interventions régulières ou ponctuelles Pas d’amour sans cinéma / 3 : Fin publique, par Catherine Bizern 36 Le monde est un seul / 11 : Deux bonnes nouvelles, par Christophe Fourvel 37 Chronique de mes collines : Le Tribunal de l'impossible, ORTF, 1967-1974, par Henri Morgan 38 Songs To Learn and Sing : Tiny waters in the sand par The Wave Pictures, par Vincent Vanoli 39 Tout contre la BD, par Fabien Texier 40 EM/M www.emslashm.com 42 Herbier n°2 : Flocon de neige, par Sophie Kaplan 44 Bicéphale / 3, Il pleut des jours, par Julien Rubiloni et Ludmilla Cerveny 45 Cinérama 6 par Olivier Bombarda 46 Sur la crête, par Henri Walliser et Denis Scheubel 47 La vraie vie des icônes / 8, Multimédiamnation, par Christophe Meyer 48 Mes égarements du cœur et de l'esprit, égarement # 34, par Nicopirate 49

MAGAZINE Marianne Maric photographie The Dø en Finlande pour la pochette de leur second album. Rencontre avant leur nouvelle tournée 52 Rencontre avec Robert Cahen, l'un des pionniers de l'art vidéo, à l'occasion d'une expo au ZKM et de la sortie d'un coffret vidéo 57 La Ribot explose avec humour les frontières entre danse et arts visuels 62 Georges Gagneré intègre de nouveaux médias dans le processus de création des spectacles 64 Sylvain Maurice explore l'infiltration de la magie dans le réel 66 Benoît Lambert continue sa traque d'une intelligence collective possible 68 Rodéo d'âme rappelle que l'art était une forme de survie dans les camps 70 Antoine Schmitt est invité à l'Ososphère 72 L'Ososphère explore de nouveaux territoires urbains à Strasbourg 74 Roméo & Sarah poursuit sur scène sa belle trajectoire vers les sommets 75

selecta Disques, BD, livres et DVD 77

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édito par philippe schweyer

Indignation sur canapé (ma résistance)

J’étais allongé sur le canapé, accomplissant consciencieusement ma première résolution de l’année : lire enfin Indignez-vous ! dont on me bassinait les oreilles depuis des semaines. Alors que j’en étais à la moitié du livre, c’est à dire à la page 16, le téléphone a sonné. C’était mon banquier qui voulait me souhaiter la bonne année. - Alors Novo, ça marche ? - Oui oui… - Parce que je viens de lire que le journal Particules s’arrête… - Ah bon ? - Va falloir résister ! - Hein ? - Ben oui, va falloir rentrer du blé… - Je vous ai déjà dit que la culture c’est compliqué en ce moment. Les collectivités sont à sec et l’Etat, qui n’a plus un sou non plus, veut passer de la “culture pour tous” à la “culture pour chacun”… - Tout ça c’est du blablabla. Quand je feuillette Novo, je vois bien qu’il y a des nouveaux lieux qui ouvrent un peu partout : la Rodia à Besançon, Pompidou à Metz, la Kunsthalle à Mulhouse, bientôt le Moloco à Audincourt, l’Usine à Dijon et la Cité des arts et de la culture à Besançon, dont 4600 m² rien que pour le Frac ! - C’est vrai que les maçons n’ont pas à se plaindre… - Heureusement pour vous, la révolution est pour bientôt. - ??? - Fin 2011 ! Avec le nouveau TGV, Dijon ne sera plus qu’à quelques minutes de Mulhouse… Du coup, faire un magazine à cheval sur plusieurs régions prendra tout son sens ! - Nos lecteurs vont être contents… - Vous devriez même vous appeler “TGV-Novo” pour récupérer un peu de sous ! - Vous croyez ? - TAKE THE MONEY AND RUN ! - ??? - En fait, ce que je crois, c’est que vous feriez mieux de faire un magazine de coiffure. J’ai un client qui a un salon, il vient de s’acheter le même “hummer” que Michael Young. - Je me fiche des grosses bagnoles. - N’empêche que vous ne faites pas ça pour la gloire, hein ? J’ai prétexté une poussée de gastro-entérite pour raccrocher. À peine replongé dans ma lecture, ça a commencé à mitrailler sec dans le quartier. Les voisins avaient dû recevoir le bouquin de Stéphane Hessel à Noël et l’heure de la révolution avait peut-être enfin sonné. Maintenant que tout le monde avait lu le petit livre à 3 euros, l’indignation était à son comble et le pouvoir vacillait. J’imaginais déjà les riches moins riches, les pauvres moins pauvres, les opprimés moins opprimés… J’ai encore lu quelques phrases, le cœur battant, puis je me suis soulevé de mon canapé pour observer de plus près la tournure des événements. En fait d’émeute, le voisin d’en face balançait des pétards en direction des passants depuis son balcon. Il me restait quelques pages à lire pour calmer mes nerfs et apprendre la non-violence. La révolution n’était pas pour demain, mais ça faisait du bien de se sentir un peu moins seul.

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THÉÂTRE / ALLEMAGNE

EIN CHOR IRRT SICH GEWALTIG MISE EN SCÈNE RENÉ POLLESCH / VOLKSBÜHNE BERLIN

www.le-maillon.com | 03 88 27 61 81

Photo © Thomas Aurin

VEN 28 + SAM 29 JANVIER / 20H30 MAILLON-WACKEN


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1 ~ PFFF Hélène Sturm publie Pfff aux éditions Joëlle Losfeld. 2 ~ JP NATAF Plus vraiment innocent, JP Nataf sera en concert à Colmar le 27/1. 3 / LUCIE LUX Sex is Rock’N Roll, livre de Lucie LuX délicieusement illustré par MissCandy Dion est en vente à la boutique Old School à Mulhouse. www.danslavitrine.com 4 ~ Recherche Art-Décor Conférence de Frédéric Maufras-Samson le 20/1 au Quai à Mulhouse. www.lequai.fr 5 ~ CHAOS Guillaume Chamahian expose à la Galerie Hors-Champs, 16 rue Schlumberger à Mulhouse jusqu’au 23/2. 6 ~ BIBOUILLE Le magazine Bibouille est maintenant en ligne : http://bibouille.net 7 ~ PJ@MELLOR Le groupe, qui joue désormais avec deux bassistes, sera le 11/2 au Raumstation Stermen à Auggen (D), le 19 au Bar le Marais à Montigny les Vesoul et le 22 au Café des Anges à Strasbourg.

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8 ~ AUDRIEL Le duo se met à nu sur son nouvel album, dans un clip signé Robin Hunzinger et en concert à Colmar le 25/2. www.audriel.fr 9 ~ Sirio Magnabosco Les personnages de Sirio Magnabosco semblent comme figés dans un tableau introspectif et mélancolique. Expo jusqu’au 6/3 à la Chambre à Strasbourg. www.la-chambre.org 10 ~ WOLKE Wolke sort un album “live in Alspach” aux accents muratiens. Attention : édition limitée à 56 exemplaires. 11 / BURI ET ALOË Les deux artistes bâlois Samuel Buri (visuel) et Carlo Aloë sont exposés à l’Espace d’art contemporain Fernet-Branca à Saint-Louis du 16/1 au 8/5. www.museefernetbranca.fr 12 / Déplacements de compétences Suite de «Déplacements de compétences : un jeu pour 18 artistes curateurs» du 3 au 26/2 à Strasbourg. www.accelerateurdeparticules.net

13 ~ GRAND MARCH Novels premier album impeccable du duo strasbourgeois Grand March (programmé dans le cadre du Festival des Artefacts le 2/4) est téléchargeable gratuitement sur : http://grandmarch.bandcamp.com

17 ~ Crevecoeur Pour son exposition inaugurale l’atelier galerie Etching accueille l’artiste belge Kikie Crevecoeur et ses gommes, 28 rue Mazelle à Metz. www.atelier-etching.com

14 ~ EPIDEMIC EXPERIENCE#8 Festival électro aux Tanzmatten de Sélestat le 26/2. www.zone51.net

18 ~ CHAPELIER FOU VS CHEFS-D’ŒUVRE ? Chapelier Fou investit l’exposition « Chefs-d’œuvre ? » et y propose des créations originales en écho aux œuvres exposées le 18/2 à 21h. www.centrepompidou-metz.fr

15 ~ DE LEUR TEMPS (3) Récompense créée en 2000, le prix Marcel Duchamp est à l’honneur à travers des prêts de collections privées au Musée d’Art moderne et contemporain de la ville de Strasbourg et au Frac Alsace à Sélestat jusqu’au 13/2. 16 ~ JACK LANG Le Malraux de Mitterrand était à l’ICN Business School de Nancy le 6/12 pour une conférence sur le thème « Quel combat pour l’Art et la Culture ? ». L’occasion de se faire tirer le portrait pour Novo (30 secondes de pose en mode “sourire Colgate” dixit Ludmilla). www.ludmillacerveny.com

19 ~ MY RUIN Le duo Nils Guadagnin/Claire Trotignon qui forme White Office (à la fois un lieu d’exposition et une entité artistique) questionne les notions d’espace et d’occupation de celui-ci. Expo du 10/2 au 11/3 chez My Monkey à Nancy. www.mymonkey.fr 20 ~ Figures de l’humain L’autre e(s)t moi, est le premier volet d’une programmation consacrée à la question de la représentation de l’humain dans l’art contemporain proposée par le 19, Crac Montbéliard. à Belfort, à l’École d’art Gérard Jacot jusqu’au 19/3 et à la galerie du Granit jusqu’au 3/3.


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21 ~ BAQUET ET SON VIOLONCELLE L’expo célèbre le demi-siècle d’amitié farceuse qui lie Maurice Baquet (musicien, comédien, humoriste, alpiniste…) et Robert Doisneau. Jusqu’au 19/2 à l’allan à Montbéliard. www.lallan.fr 22 ~ DEUX FOIS RODOLPHE BURGER Rodolphe Burger est en concert le 28/1 à la Maison du Peuple à Belfort à l’invitation du Granit. La veille, Cinéma d’Aujourd’hui propose une projection de And I ride, and I ride, le film que lui ont consacré Franck Vialle et Emmanuel Abela. www.theatregranit.com 23 ~ BURKI + ANTILLE Le Frac et l’Erba de Besançon organisent un cycle de projections d’œuvres vidéo et/ ou cinématographiques d’artistes contemporains. Prochaines séances : Marie Joé Burki le 26/1 et Emmanuelle Antille le 1/2 au Petit Kursaal à Besançon. Entrée libre. www.frac-franche-comte.fr 24 ~ RENAUD PATARD Chez Robert jusqu’au 6/3. www.chez-robert.com

25 ~ TOPOLOGIE Le Frac Franche-Comté invite Annie Vigier et Franck Apertet -les gens d’Uterpan- à réactiver la performance “Topologie” dans le centre-ville de Besançon du 17 au 26/3, en partenariat avec le Centre chorégraphique national de Franche-Comté. www.frac-franche-comte.fr 26 ~ CINEMAS D’ASIE Le Cambodge et la Corée à l’honneur du 17ème festival international des cinémas d’Asie de Vesoul du 8 au 15/2. Ouverture avec Le Voleur de lumière d’Aktan Arym Kubat et clôture avec Le Cercle de Jafar Panahi, cinéaste condamné à six ans de prison en Iran pour délit d’opinion (photo). www.cinemas-asie.com 27 ~ KESKESAY ?!? Les apéros info du jeudi initiés par la Poudrière et la Moloco se poursuivent : «Better raise your voices !!» (La Poudrière, le 3/2), Réussir la promo web d’un événement (Maison de l’Unité, le 17/2), Choisir, entretenir et régler sa batterie (Rockhatry, le 3/3)… http://pmabelfort.com

28 ~ APPEL A PROJETS l’Estafette organise un festival d’art contemporain dans l’ancienne filature de Ronchamp les 21 et 22/5 et lance un appel à projets aux artistes émergents issus des régions Alsace et Franche-Comté. http://lestafette.asso.fr 29 ~ world tour #5 Entre poire et fromage World Tour #5 en partenariat avec l’école nationale supérieure d’art de Dijon. Avec Edouard Lebourgeois, Emmanuelle Ly et Mathilde Rachet du 20 au 29/1 chez Interface à Dijon. www.interface-art.com 30 ~ David Askevold Expo jusqu’au 13/2 au Consortium à Dijon. www.leconsortium.com 31 ~ THE UNKNOWN GROUP Expo jusqu’au 27/2 au Frac Bourgogne à Dijon. www.frac-bourgogne.org 32 ~ ANTOINE D’AGATA Ice : Photographies et documents d’Antoine d’Agata du 12/2 au 15/5 au Musée Niépce à Chalon sur Saône. www.museeniepce.com

33 ~ ARMAN L’exposition rétrospective réunit près de 120 pièces et propose une approche inédite de l’œuvre d’Arman. Du 16/2 au 15/5 au Musée Tinguely à Bâle. www.tinguely.ch 34 ~ Controverses Une histoire juridique et éthique de la photographie : expo jusqu’au 6/2 au Centre National Audiovisuel du Luxembourg. www.cna.public.lu (visuel : Oliviero Toscani, Kissing-nun, 1992). 35 ~ L’âge du symbolisme en Lettonie Le Musée national d’histoire et d’art du Luxembourg présente une selection d’œuvres des symbolistes lettons les plus importants de la fin du XIXe et du début du XXe siècle jusqu’au 27/3. www.mnha.public.lu 36 ~ HALF OF THE DARKNESS Kevin Muhlen propose une expo de l’artiste canadien Pascal Grandmaison au Casino Luxembourg du 29/1 au 1/5. www.casino-luxembourg.lu

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ANSELM KIEFER

OUT-OF-SYNC

BEATRIZ MILHAZES

MADE IN IEAC

Pour sa nouvelle exposition, le Musée Würth s’intéresse à l’un des plus importants artistes allemands de l’après-guerre, Anselm Kiefer. Politiquement engagé depuis le début de sa carrière, nombreuses sont ses œuvres – aux proportions très imposantes pour la plupart – qui évoquent et condamnent les destructions de la Seconde Guerre mondiale. D’autres encore traitent de la mythologie nordique, de la religion juive, de l’œuvre poétique de Paul Celan ou de l’Ancien Testament. Depuis 2002, Anselm Kiefer travaille également le béton, construisant des tours et des espaces – ses « maisons » – mettant en scène ses toiles et ses sculptures.

L’exposition Out-of-Sync (The Paradoxes of Time) s’intéresse à des œuvres dans lesquelles plusieurs temporalités coexistent, se superposent, se contredisent, développant une relation paradoxale au temps. Son ambition est de souligner la manière dont les œuvres – en donnant corps aux phénomènes de non-synchronie, de retard, de syncope, de boucle – nous offrent l’expérience du caractère insaisissable du temps. L’expo entend considérer simultanément la place qu’occupe cette question dans les œuvres d’artistes de renom tels que Bruce Nauman, Dan Graham, Valie Export, David Lamelas, Tony Conrad et sa présence dans la pratique d’une génération d’artistes ultérieure, parmi lesquels Anri Sala, Manon de Boer, David Claerbout, Marco Godinho et Laurent Montaron.

La Brésilienne Beatriz Milhazes puise les thèmes fondamentaux de son œuvre dans la richesse de la nature tropicale ainsi que dans l’histoire et la culture de sa patrie, donnant naissance à des compositions très vivantes, remplies d’arabesques, d’ornements floraux et abstraits, de formes géométriques et de motifs rythmiques, qui révèlent une somptuosité chromatique lumineuse. La Fondation Beyeler présente dans son Souterrain quatre nouvelles peintures monumentales de l’artiste, une sélection de ses collages les plus impressionnants et un mobile. Les toiles spécialement réalisées pour cette exposition déclinent le thème des quatre saisons. C’est la première fois que Milhazes décide du sujet d’une œuvre avant de se mettre à peindre.

L’institut Européen des Arts Céramiques de Guebwiller présente les installations de cinq anciennes élèves récemment diplômées : Jessy Geffray, Helène Houin, Christine Rousseau, Anna Parot et Irène Mascret, cinq céramistes aux approches artistiques et aux techniques singulières. Christine Rousseau s’est attachée à l’étude des volumes et de la matière, proposant 75 objets aux formes, surfaces et couleurs différentes, autour du thème de la gourmandise et de l’éveil des sens. Cette exposition sera l’occasion pour ces jeunes artistes de soumettre leur démarche créative au public pour la première fois, et de confronter leur production artistique à son regard.

Exposition, à partir du 17/02 au Mudam Luxembourg www.mudam.lu

Exposition, à partir du 29/01 à la Fondation Beyeler à Riehen, près de Bâle www.fondationbeyeler.ch

Exposition à partir du 28/01 au Musée Würth, à Erstein www.musee-wurth.fr — Visuel : Les batailles navales de Chlebnikov 2005 Huile, émulsion, acrylique, plomb et plâtre sur toile Collection Würth Inv. 9166 © Anselm Kiefer – Photo : Thaddaeus Ropac, Salzburg

— Visuel : Laurent Montaron, Stream, 2007 © Laurent Montaron, courtesy galerie schleicher+lange, Paris

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— Visuel : Beatriz Milhazes, Summer Love

Exposition à partir du 04/02 au Moulin de la Blies, musée des Techniques faïencières, à Sarreguemines www.sarreguemines-museum.com — Visuel : Christine Rousseau Gourmandises


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LE MOTET BAROQUE

JAPAN NOISE

PHI-PHI

Le Prince Miiaou

Depuis quelques années, on s’attache de plus en plus aux trésors de la musique baroque, y compris interprétée sur les instruments d’origine. On redécouvre par la même occasion l’importance du motet baroque, un type de composition vocale qui remonte au Moyen-Âge, et dont les développements seront magnifiés au XVIIe et XVIIIe siècles en France, à côté des monuments signés JeanSebastien Bach. Sur la période, de nombreux compositeurs ont écrit des motets sous forme de polyphonies a capella ou de petits concerts de soliste, que ce soit en latin ou en langue vernaculaire. Après le succès de son premier enregistrement des Petits Motets de Madin, Le Concert Lorrain revient sur ce répertoire merveilleux pour sa troisième académique.

Primé par le festival international du film de Belfort en 2009 et projeté lors du dernier festival Impetus, le film de Cédric Dupire et Gaspard Kuentz We don’t care about music anyway est d’abord “un film sur le son et sa perception : les sons primitifs, instinctifs, en deçà de tout code musical, recherchés constamment par les musiciens protagonistes”. Le nouveau rendez-vous d’exploration de la musique extrême asiatique proposé par la Poudrière en partenariat avec l'Espace gantner permettra grâce au soutien de la Japan Foundation de découvrir en live quelques uns des protagonistes du film : Sakamoto Hiromishi, Kirihito, L?K?O et Umi No Yeah. Otomo Yoshihide, créateur du groupe Ground Zero produit par John Zorn, sera également présent. Attention aux oreilles !

Créée en 1918 le lendemain même de la victoire, Phi-Phi, opérette en trois actes d’Henri Christiné, donnait le ton et le coup d’envoi des Années folles. Tout en gaieté, en anachronismes charmants, en costumes grecs et en esprit gaulois, l’opérette fit un malheur. Les membres de la Compagnie Les Brigands avaient déjà côtoyé le grand librettiste Albert Willemetz avec Ta Bouche, Toi c’est moi et Arsène Lupin banquier. Avec Phi-Phi, ils abordent la grande pierre de son édifice. À leurs côtés, le metteur en scène Johanny Bert a imaginé une version pour chanteurs et marionnettes, qui raconte une histoire où les corps sont objets d’étude et de convoitise… (Photo : Yves Petit)

Sans nul contestation, l’une des révélations de la dernière édition des Eurockéennes ! Forcément féline, Maud Elisa-Mandeau aka Le Prince Miiaou sidère tous ceux qui la croisent sur scène. Avec un goût prononcé pour des structures à la limite de la rupture, elle explore chaque chanson comme un territoire qui menace de se dérober sous nos pas. Sur scène, cette artiste terriblement engageante qui libère des torrents de candeur – au sens romantique du terme –, constitue l’une des réponses hexagonale les plus prometteuses à PJ Harvey, Arcade Fire ou Radiohead. (Photo : Vincent Arbelet)

Le 13/02, à l’Arsenal à Metz (concert gratuit, billets à retirer à partir du 18/01) www.arsenal-metz.fr

Le 18/03 à la Poudrière à Belfort www.pmabelfort.com À noter la projection de We don’t care about music anyway le 15/03 à 20h au cinéma Bel-Air à Mulhouse www.cinebelair.org

Le 19/02 au Théâtre musical de Besançon (Direction musicale : Christophe Grapperon) www.letheatre-besancon.fr

Le 15/02 à La Filature à Mulhouse, en première partie de Diving With Andy www.la filature.org

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par sylvia dubost

par caroline châtelet photo : julien demengel

Geste serpentine et autres prophÉties, exposition, du 15 janvier au 1er mai au Frac Lorraine à Metz www.fraclorraine.org

L’ART EST LA QUESTION, fausse conférence, 17 février, 18h, Théâtre du Saulcy, Metz et 24 mars, 20h au Centre Pompidou-Metz www.patriesimaginaires.net www.centrepompidou-metz.fr

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Until the end of the world Réchauffement climatique, catastrophes naturelles en série : la fin du monde n’a jamais paru plus proche qu’aujourd’hui. Et l’apocalypse devient un sujet pour les artistes… Le genre n’est pas réservé au cinéma et à la littérature. Même si Hollywood reste à ce jour le plus grand eschatologue, les arts visuels se penchent eux aussi sur la fin de notre monde. Les champs de la science-fiction ou de l’anticipation sont pourtant rarement labourés par les plasticiens… Ceux rassemblés ici privilégient d’ailleurs l’idée de disparition et de finitude aux images d’un anéantissement brutal de notre planète. La seule approche frontale est celle d’un cinéaste. Dans son documentaire Lessons of Darkness, Werner Herzog filme les puits de pétrole koweïtiens en feu, après l’invasion des troupes de Saddam Hussein. Les images sont détachées de leur contexte. On ne voit que des paysages dévastés, et la citation de Pascal, en ouverture du film, ne laisse pas planer le doute sur le sens que leur donne Herzog : « La chute de l’univers stellaire se produira – comme la création – dans une splendeur grandiose. » Une proposition d’une violence qui tranche avec le reste de l’exposition. Tout en retenue, la peinture murale du Thaïlandais Pratchaya Phinthong n’en est pourtant pas moins explicite. Elle reproduit le texte d’un blog qui « révèle » que les recherches du CERN ont pour but de téléporter une partie de la population sur Mars, avant qu’elle n’entre en collision avec la terre. Imprimée à l’encre symphatique, la « prophétie » s’effacera au fur et mesure de son exposition. Et l’on ne sait pas trop ce qui finira par disparaître : notre monde ou ses Cassandre… D

Werner Herzog, Lessons of Darkness - Courtesy Werner Herzog Film Pierre-Étienne Morelle, GROW, 2008 © DR

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Question de position L’art est-il la question ? Voilà ce que vous risquez de vous demander à la découverte de cette conférence quasi-éponyme mêlant parole universitaire et débordements multiples... Car si tout est a priori nommé, le propos de L’Art est la question ne cesse, au final, de jouer au chat et à la souris avec sa forme. Soustitrée « fausse-conférence », cette création de la compagnie des Patries imaginaires fondée par Perrine Maurin épouse tous les contours du genre annoncé, mettant en scène l’exposé d’un universitaire aidé de sa secrétaire. Sauf que ça dérape. Et que de petites tracasseries informatiques en désaccords hiérarchiques, de frictions en interruptions spontanées, l’allocution est rapidement dominée par son parasitage. Aux différents modes de communication se mêlent les multiples niveaux de discours et d’adresses. Qui parle ? De quoi ? À qui ? Et si les deux intervenants sont de vrais (et bons) comédiens, l’allocution est elle aussi réellement écrite. Signée par le professeur d’Esthétique en Arts du Spectacle à Paris III Didier Aubert, elle part d’un texte du plasticien Hans Bellmer postulant que « toute expression est une douleur déplacée ». De ce premier et joli point de fuite, le propos s’échappe vers des figures aussi diverses que Sarah Kane, Jean Dubuffet ou Jacques Lacan. Dans ce parasitage très organisé, ce sont, alors, plus les frontières mouvantes de la réalité, de la fiction, de l’adresse – qui parle au nom de qui ? – et du crédit donné à un discours en fonction du statut de l’énonciateur qui nous sont posées. Avec en filigrane, peut-être, la question de la place de l’art... D


par nicolas léger

par nicolas léger photo : c. leutenegger + s. rouge

CYCLE CINE-CONCERT du 2 au 6 février, à l’Arsenal, à Metz. www.arsenal-metz.fr

Erik Truffaz 4TET, en concert le 9 février aux Trinitaires, à Metz www.lestrinitaires.com

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Symphonies visuelles

Chiaroscuro Jazz

Cinéma et musique ont toujours été indissociables. Plus encore, le 7ème art a initié une profonde métamorphose des compositions modernes. Ce dialogue entre ces deux médias est au cœur d’un cycle de ciné-concerts à Metz : l’occasion d’un partenariat entre l’Orchestra national de Lorraine et Metz en Scènes.

Le trompettiste Eric Truffaz, figure incontournable du jazz européen, revient en concert accompagné de Marcello Giuliani, Marc Ebetta et Benoit Corboz. Ce quartet qui se produit depuis dix ans n’a eu de cesse d’inventer et d’éprouver le jazz aux confluences de nombreux styles.

Accompagner musicalement des films muets a donné naissance à un genre spécifique : « la musique de cinéma ». Allant bien au-delà de la simple illustration sonore, la musique y explore sa potentialité narrative et donne une force nouvelle aux images qu’elle sublime. La restauration des premiers films muets dans les années 80 a inauguré un nouveau mouvement dans lequel la composition contemporaine se pense et se renouvelle. L’orchestre national de Lorraine et L’Arsenal revisitent des grands classiques tels que Le Cirque de Charlie Chaplin ou Nosferatu de Murnau. Pour Le cirque, sorti à l’apparition du cinéma parlant, Chaplin compose lui-même la musique du film prenant ainsi parti contre le dialogue : cette composition sera jouée par l’orchestre national de Metz sous la direction de Stéphane Cardon. Le sombre chef d’œuvre de Murnau sera, quant à lui, l’occasion d’une improvisation du pianiste et compositeur Jean François Ziegel, accompagné de musiciens jouant des instruments rares. D’autres créations originales émailleront cet évènement : L’île solaire par Samuel Sighicelli, inspirée du roman Vendredi ou les limbes du Pacifique, ou encore Divine féminin par le Traffic Quintet, qui mène une réflexion passionnante sur la figure féminine au cinéma de Médée à Marylin. D

Erik Truffaz, musicien franco-suisse, est une réjouissante énigme : son art évolue et prend des voies originales et inattendues. Pétri d’influences, perméable aux rencontres, aux voyages, l’art et la vie se confondent dans sa discographie riche et iconoclaste. Si Miles Davis paraît bien être la figure sous-tendant sa conception du jazz, Truffaz opère sans cesse des mouvements, des digressions, des détours donnant une teinte élégante et puissamment novatrice à son œuvre. De nouvelles formes y sont perpétuellement explorées et mêlées, lorgnant tantôt vers une pop élégante, puis flirtant avec l’électro, le hip-hop. Le son de sa trompette navigue dans tous ces styles, faisant de chacun d’eux un écrin nouveau. En solo ou entouré de ses acolytes, Truffaz remet à chaque fois ses gains en jeu. Le dernier album, In Between a, une nouvelle fois troublé, ravi son public. Oscillant entre lumière et mélancolie, cet album se donne comme un parcours electro-pop porté par une recherche musicale exigeante et jubilatoire. Ses collaborations éclectiques avec Sly Johnson, Christophe ou encore Ed Harcourt achèvent de nous convaincre que cet homme nous réserve mille surprises… Et pour ceux qui n’auront pas la chance d’assister au concert pour une raison ou une autre, l’écoute ou la réécoute du morceau fleuve The Secret of the Dead Sea s’impose : onirisme et désenchantement s’y marient dans une subtile complexité. D

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par virginie joalland photo : emmanuel valette

par virginie joalland

Stabat Mater Furiosa, spectacle musical, du 16 au 19 février, au Centre Culturel André Malraux de Vandœuvre. http://centremalraux.com

On n’est pas là pour disparaître, théâtre, du 18 Janvier au 23 Janvier. Co-production Centre Culturel André Malraux/ CDN-La Manufacture. Au CCAM, rue de Parme à Vandœuvre-lès-Nancy.

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Le bruit de la guerre

Les voix d’Alzheimer

Stabat Mater Furiosa c’est le chaos des mots et des sons, de la lumière et des mouvements à découvrir au CCAM de Vandœuvre du 16 au 19 février.

On n’est pas là pour disparaître traite de l’oubli, du désespoir, de la mort mais c’est avant tout une approche différente du mal. La pièce tire son portrait à la maladie sans restriction et sans pathos.

La pièce sonne comme un hommage aux mots de Jean-Pierre Siméon. Hommage car l’adaptation est fidèle au texte, à son empreinte, à son rythme, guère évident, essoufflant tant il fait courir le lecteur, d’une page à l’autre. Sur scène, une femme souffre avec fureur, elle est interprétée par Catriona Morrison. Mère, femme, fille ? On ignore qui elle est, mais pas ce qu’elle est : une femme lançant un cri contre l’homme de guerre. Véritable ode à la femme, Stabat Mater Furiosa, dévoile un être sensible, intransigeant qui ne se résigne pas et qui jamais ne se plaint. Ici donc ni fatalité ni pathos mais une guerre à la guerre. La subtilité de la mise en scène et du jeu d’acteur réside dans le choix de ne pas tomber dans une série de lamentations pesantes mais aussi sur un savant mélange entre le texte et la danse liés par les mouvements que l’un suggère et que l’autre illustre. Arrive l’instant troublant où la comédienne se noie dans une transe perturbante et où, sous les yeux du spectateur, elle semble se désintégrer comme la structure centrale de la scène dont la peau s’effrite. C’est au milieu de carcasses de télévisions et d’ordinateurs abandonnées, symboles de l’actualité constante de la guerre, qu’évoluent la comédienne et un véritable génie du son, Patricia Diallo. Si la première porte le texte par sa voix, la seconde a construit son habillage sonore. À l’aide d’une lutherie électronique, Patricia Diallo jongle avec les nuances des mots et des maux offrant ainsi à la pièce un attrait singulier. D

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Basé sur le texte d’Olivia Rosenthal paru en 2007, le point de départ de ce récit qui « fait œuvre » est un fait divers remontant à juillet 2004 : l’histoire de Monsieur T, un vieil homme accusé d’avoir poignardé sa femme, mais qui n’en garde aucun souvenir. Les médecins évoquent alors le nom de la terrible maladie, ayant « réduit un homme à l’état de page blanche sur laquelle plus rien ne sera jamais écrit ». La dévoreuse de mémoire fait peur ; elle trouble, provoque l’incohérence, l’incompréhension, mais révèle également le courage des uns face à la maladie des autres. Tout au long du spectacle, plusieurs voix s’entremêlent. On y croise même Aloïs Alzheimer, le médecin ayant découvert la maladie en 1906. Sur scène, un chœur de femmes, la voix d’un homme, une batterie, des percussions, une contrebasse et une viole de gambe s’expriment. Tantôt la parole est au malade, tantôt à sa femme ou à sa fille. Et puis, il y a le médecin, et l’auteure qui s’interroge sur le sens de son écriture. Le rythme est tel que le spectateur s’égare parfois, ne sait plus qui parle, qui a mal. On n’est pas là pour disparaître ne se contente pas de décrire la maladie, il l’incarne dans un souci d’apprentissage de soi, de rapport à l’identité et au temps. La pièce hésite, trébuche parfois et entraine avec elle son public dans un labyrinthe émotionnel et personnel intense. D


par sylvia dubost

par jeanne bergeron

Notre Avare, théâtre, du 19 au 22 janvier au Beffroi à Thionville, du 1er au 3 février à l’IRTS de Metz et en décentralisation www.nest-theatre.fr

LE MOCHE de Marius Von Mayenburg, théâtre, du 11 février au 12 février à 20h30 et le 13 février à 17h00, au TAPS Scala, à Strasbourg www.taps.strasbourg.eu

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Looking for Harpagon

Frappe chirurgicale

Dix ans après, Jean Boillot, directeur du NEST à Thionville, reprend sa création Notre Avare, où les amants de la pièce se souviennent d’Harpagon. Et dix ans plus tard, leur regard a forcément changé…

Culte de la beauté, jeunesse artificielle, dynamisme, Rolex, arrivisme, performance à tout prix, dents plus blanches que blanc et teint cuivré en toutes saisons. Autant de fléaux de nos sociétés contemporaines qui n’ont malheureusement plus rien à envier aux dix plaies d’Égypte.

Que reste-t-il de l’intrigue de L’Avare et du personnage d’Harpagon ? Tout. Ce sont des gens qui se souviennent et qui reconstituent cette histoire avec, en sus, leurs points de vue. Quand on raconte le père, on pose sur lui un regard. Le spectacle révèle Harpagon mais aussi les quatre personnages, dans le temps, à leur âge. Quelle était votre intention pour ce projet, lors de sa première création ? À l’époque c’était assez circonstanciel. On devait monter un texte classique, c’est un passage obligé pour les jeunes compagnies. J’ai choisi cette pièce drôle, cruelle, noire, ma pièce préférée de Molière. Mais j’ai adopté ce point de vue polyphonique des quatre amants qui racontent et jouent en même temps. À la fin de la pièce de Molière, Harpagon part avec sa cassette. De quoi héritent ceux qui restent ? Pas d’argent, mais d’un trauma et d’un état d’esprit. Comment le spectacle a-t-il évolué depuis dix ans ? Le regard est maintenant plus apaisé, moins violent. Cela nous révèle nous aussi dans notre rapport au temps. À 40 ans, on comprend mieux la posture du père qu’à 30. D

Autant d’impératifs professionnels que le pauvre Lette n’avait pas envisagés. Autant de diktats que cet ingénieur, jusque-là trop occupé par ses recherches pour s’apercevoir du caractère disgracieux de ses traits, va recevoir de plein fouet quand son patron lui annonce qu’il est bien trop laid pour présenter au public sa dernière invention. On ne peut pas être un bon commercial avec un tel visage. Abasourdi par cette découverte que lui seul semblait ignorer, Lette va prendre l’irréversible décision d’avoir recours à la chirurgie esthétique pour gommer ce petit accroc qui se tient entre lui et le succès. Contre toute attente, le résultat dépasse largement tout ce que Lette aurait pu imaginer. Son nouveau visage devient un canon de beauté. Grâce à lui, sa carrière décolle, son couple s’enflamme et il aligne les conquêtes féminines. Devant un tel succès, son chirurgien décide de reproduire à grande échelle un visage si parfait, et des clones de Lette apparaissent dans les rues. L’ingénieur devient alors un produit standard et facilement remplaçable… Par le biais de sa pièce, le jeune dramaturge allemand Marius Von Mayenburg nous renvoie à notre propre uniformisation, et à la perte d’identité – et d’humanité – qui en découle. D

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par sylvia dubost photo : koen broos

focus Onder de vulkaan, théâtre, du 15 au 19 février au Théâtre National de Strasbourg www.tns.fr

Visibles visions Le metteur en scène belge Guy Cassiers parvient à adapter l’inadaptable. Onder de vulkaan, d’après le roman-culte de Malcolm Lowry. Il abolit, grâce à l’image et au son, les frontières entre les mondes intérieur et extérieur.

Alcool, aventure et littérature. Ces trois passions ont créé la légende Malcolm Lowry, au-delà même de son œuvre… Ceux qui se sont donné la peine de le lire savent avec quelle intensité elles convergent dans son livre-culte, Au-dessous du volcan, paru en 1947. Un récit largement autobiographique où se bousculent les références littéraires, philosophiques, mythologiques, cinématographiques et musicales. Un livre-monde tellement dense qu’il a occulté le reste de ses écrits, parus pour la plupart de façon posthume. Au-dessous du volcan, autre Chronique

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d’une mort annoncée, raconte la dernière journée, la fin tragique et pathétique de Geoffrey Firmin, ex-consul dévasté par l’amour et l’alcool. Le jour de la fête des morts, assailli de remords et de visions cauchemardesques, il verra surgir les fantômes du passé aussi bien que ceux de Dante ou de Tolstoï… Considéré comme inadaptable du fait de la multitude de décors, de l’importance des descriptions et du croisement incessant entre réalité et hallucinations, il le fut pourtant une première fois au cinéma par John Huston en 1984. C’est peut-être cette difficulté qui fait du texte de Lowry un matériau théâtral particulièrement intéressant. Il oblige le metteur en scène à une réelle adaptation, échappant d’emblée à la simple transposition. Exit, la tentation des décors exubérants et de l’exotisme… Ce n’est de toute façon pas le langage de Guy Cassiers, qui renonce, justement, à tout décor et place ses acteurs devant un mur, à la fois vitre et écran, où les images évoquent tantôt la géographie de l’action, tantôt le monde intérieur du consul. Le texte, adapté par l’immense Josse de Pauw qui incarne aussi le consul, se recentre sur les dialogues et la mise en scène, sur les comédiens qui, équipés de micros, évitent le piège de la profération qui nuit souvent à l’intensité. Cassiers, habitué aux adaptations de romans (Hiroshima mon amour de Duras, Au bois lacté de Dylan Thomas, À la recherche du temps perdu de Proust ou la trilogie autour de L’Homme sans qualités de Musil), use encore une fois des « nouvelles technologies » pour ouvrir au théâtre d’infinies possibilités et faire fi des lois dramaturgiques historiques imposées, selon lui, par les limitations techniques. Il rend ainsi palpable, sur une scène de théâtre, la confusion qui règne, dans l’esprit du consul et dans le roman de Lowry, entre la réalité et le monde intérieur. D


par sylvia dubost photo : thomas aurin

focus Ein Chor irrt sich gewaltig, théâtre, les 28 et 29 janvier au Maillon à Strasbourg www.le-maillon.com

Théâtre pop Quand le théâtre allemand s’empare de la pop-culture française, ça donne Ein Chor irrt sich gewaltig (traduisez : Un chœur, ça trompe énormément), spectacle polyphonique et énervé du Berlinois René Pollesch.

On a eu tort de croire la franchouillardise intraduisible. Visiblement, René Pollesch a su apprécier le film d’Yves Robert à sa juste valeur : Un éléphant ça trompe énormément est un monument de la culture populaire made in France. Et sur la culture populaire, René Pollesch en connaît un rayon. Ses ressorts, ses esthétiques, ses enjeux, ses héros, à partir desquels il crée presque tous ses spectacles depuis une dizaine d’années. À Strasbourg, on se souvient encore des deux qu’il avait présentés. Telefavela reprenait les codes du soap-opera à la brésilienne, tout en plaçant les acteurs dans le showroom d’un magasin de meubles et les spectateurs sous une tente de foire, pour évoquer les rapports Nord-Sud et la standardisation des modes de vie et de pensée. Ragazzo dell’Europa (titre emprunté à une chanson de Gianna Nannini) voyait exploser un groupe engoncé dans un cube vitré, qui s’envoyait à la figure, entre deux scènes presque désinvoltes, un tourbillon d’extraits de chansons, de livres, de feuilletons et de films, mais aussi des citations de philosophes et de sociologues. Sans jugement de valeur, se dessinait ainsi avec violence et rare intelligence, ce qui compose notre identité européenne, de Jean-Paul II à Hitler en passant par le commissaire Rex (mieux connu de nos voisins allemands). Chez Pollesch, on l’aura compris, les éléments de culture populaire ne sont pas le sujet du spectacle. Ils fonctionnent plutôt à la fois comme des signes de reconnaissance et des surligneurs. Au final, il n’en garde jamais grand chose. Du film d’Yves Robert et des tribulations des quatre copains quadra par exemple, il ne reste rien de l’histoire, encore moins des personnages, seulement quelques scènes et quelques disputes. Les comédiens et le chœur de jeunes filles qui s’ébat en robe XVIIIe les tricotent avec, une fois encore, des citations de philosophes, d’économistes… et des chansons de Juliette Gréco, Katerine, Brigitte Fontaine, Gilbert Bécaud, Serge Gainsbourg. De gag en gag, la troupe dessine un portrait au vitriol de notre société. Jamais frontalement : Pollesch n’est pas un donneur de leçon, et les artistes engagés, souvent trop politiquement corrects,

ont plutôt tendance à l’énerver. Ce spectacle, il le résume d’ailleurs ainsi : « C’est la critique d’une certaine forme de critique du capitalisme qui est très répandue au théâtre et que je trouve inappropriée. » D

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par sylvia dubost

focus Thomas Bayrle, films and material, exposition, du 4 février au 5 mars à La Chaufferie à Strasbourg Conférence et projection en présence de l’artiste le 3 février à 18h à l’auditorium de l’École Supérieure des Arts Décoratifs www.esad-stg.org

Images de synthèse Grâce à La Chaufferie, le Grand Est va enfin découvrir le travail de Thomas Bayrle, artiste allemand dont l’œuvre transcende les courants, des années 60 à aujourd’hui.

Reconnu en Allemagne, en Chine et aux Etats-Unis comme un artiste majeur, Thomas Bayrle ne l’est en France que depuis quelques années, lorsque le Frac Limousin lui consacre en 2007 sa première importante exposition dans l’hexagone. Majeur, il l’est pour son œuvre mais aussi pour son influence auprès des jeunes générations d’artistes. Thomas Bayrle débute sa carrière au milieu des années 60. Ses influences sont multiples et éclectiques et ne cesseront de s’enrichir. Art cinétique et cybernétique, pop art, évidemment, art vidéo des années 60 et 70, mais aussi art et poésie concrets : il opère dans son œuvre une synthèse des courants artistiques des époques qu’il a traversées, sans jamais se rattacher à aucun mouvement et en intégrant toujours de nouveaux éléments. Le principe de son travail est resté invariable : il crée des images à partir d’autres images. Le motif choisi peut être un logo, un objet, puis plus tard un paysage ou un portrait, qui accumulé et parfois anamorphosé, se transforme en ce que Bayrle appelle « super-images ». Jeu de sens et d’échelles, où un élément devient le tout ou inversement, où l’on peut imaginer à loisir des liens de causalité, où l’accumulation d’éléments a priori anodins devient spectaculaire et renvoie, dans le même temps, à une métaphore ironique de notre société de consommation… Ce procédé a donné naissance à toute l’œuvre de Bayrle : peintures, collages, aquarelles, objets, sculptures, œuvres graphiques et, depuis 1980, des films, qui sont l’objet de cette exposition à La Chaufferie, pilotée par Christophe Jacquet dit Toffe, graphiste et enseignant aux arts décos de Strasbourg. On peut évidemment lire dans les œuvres de Bayrle les influences de Vasarely, aussi bien que celles de Warhol. Mais là où l’op art créait des images abstraites, Bayrle introduit la figuration. Là où le pop art interrogeait avant tout sa société contemporaine, Bayrle élargit le champ à d’autres enjeux politiques et historiques. Et les places de parking, Staline ou les manifestations de masse dans la Chine des années 60 deviennent ses motifs, autant que les Vache qui rit. D

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par jeanne bergeron

par jeanne bergeron

PARTIR DE LOIN…, exposition, du 5 février au 27 mars, au Musée des Beaux-arts, à Mulhouse

SALONS DE LECTURE, exposition, du 3 février au 3 avril, à la Kunsthalle Mulhouse www.kunsthallemulhouse.fr

Et le carré pour seul alphabet

J’aime lire

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L’artiste Elisabeth Bourdon explore depuis plus de dix ans la problématique de la couleur, avec comme maîtres-mots curiosité et acceptation de l’aléatoire. La production artistique d’Elisabeth Bourdon se nourrit de découvertes, de sensations, et de libres expérimentations, à l’intérieur de la contrainte pourtant si stricte du carré. Mais si l’artiste mulhousienne s’impose un tel impératif, c’est pour mieux « entrer en peinture ». Il lui permet ainsi d’éliminer toute exigence de composition, laissant libre cours à la création chromatique. L’unité du carré est pour elle comparable à une note de musique, et l’accumulation de cette forme dans l’espace libre du tableau participe de la mise en place d’une phrase musicale, dans une « symphonie colorée » si chère à l’artiste. La résultante de cette quête de la couleur n’en est que plus poétique. Elle nous entraîne dans un voyage pictural aux harmonies douces ou dissonantes, naviguant entre quasi monochromie et complémentarité de teintes, voyage qu’elle-même décrit comme « un processus énigmatique ». L’artiste se laisse porter par le flot de création de son tableau, attendant la rencontre finale avec son œuvre, et le partage avec son public. C’est donc tout naturellement que l’artiste, qui s’inscrit en filiation directe avec les peintres avant-gardistes du XX siècle tels que Paul Klee ou Vassily Kandinsky, trouve sa place pour cette exposition au musée des Beaux-arts de Mulhouse. La mise en dialogue de ces vibrations, de ces frémissements que la couleur inspire trouvera une résonance intéressante dans ce lieu qui met un point d’honneur à soutenir la création régionale. D

La relation entre l’art et la littérature, la présence de l’écritdans l’art contemporain, le « livre-œuvre d’art »,autant de questions centrales sur lesquelles se penche l’exposition Salons de lecture. Il n’est pas rare que les formes écrites flirtent avec la création visuelle et les arts graphiques. On pense bien sûr à la poésie visuelle, à la typographie expressive, aux caractères pictographiques, tels que les idéogrammes ou les hiéroglyphes, ou, plus simplement, aux affiches. Au cœur d’une mise en scène orchestrée par les V8 designers, qui ont réorganisé la Kunsthalle en un appartement de six salons thématiques (salon historique, salon des relectures, salons des procédés, salon livre, salon narratif et salon documentaires), et un bar, le visiteur est invité à lire, déambuler, picorer diverses œuvres écrites. Toutes les conditions sont réunies pour faire de sa visite une (ou plusieurs) expérience(s) de lecture privilégiée(s). Au nombre des artistes et collectifs conviés, on retrouve Edouard Boyer, Pedro Reyes, Jochen Gerner, Anne-James Chaton, Philippe Cazal… Par le biais de leurs travaux, ils participent de la réflexion sur la multitude de formes qui peuvent lier l’art et l’écrit, en interrogeant la relation physique à l’œuvre et l’acte même de lecture. La Kunsthalle proposera également des rencontres, conférences, lectures et performances autour de l’exposition, dont une « kunstprojection », réalisée en partenariat avec l’espace Gantner de Bourogne. Cette sélection de films expérimentaux en résonance avec le thème de Salons de lecture sera présentée le jeudi 10 mars. D

Scénographie exposition Salons de lecture, La Kunsthalle Mulhouse V8 DESIGNERS

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par fabien texier

focus MOMIX du 25 janvier au 8 février à Kingersheim www.momix.org

Vingt ans après C’est l’anniversaire d’un festival de spectacles jeune public transdisciplinaire international qui s’est forgé une belle réputation. Faits, fidélités et perspectives…

Le Roi sans royaume, de l’Agora Theater

Momix, le festival jeune public du Créa de Kingersheim, est devenu une manifestation de référence pour les professionnels du secteur et un rendez-vous important pour le public. Transdisciplinaire, européen (et au-delà), apportant son soutien à la création avec une véritable exigence artistique, il s’est bâti dans la dynamique des rencontres avec les compagnies, des contacts avec d’autres festivals et lieux jeune public. « Ce n’est pas le genre d’objectif qu’on se fixe dès le départ dans une ville de 15 000 habitants. Nous avons d’abord voulu construire un public, œuvrer en direction des scolaires », rappelle Philippe Schlienger directeur du Créa et directeur artistique du festival depuis ses débuts. Aujourd’hui, cette réussite se mesure à la fréquentation en hausse, à la bonne centaine de professionnels qui se déplacent pour Momix, au statut de scène conventionnée jeune public accordé au Créa depuis 2006, au soutien renouvelé des financeurs publics. Mais aussi aux liens qu’il a su tisser avec des structures comme l’ONDA (Office National de Diffusion Artistique) et La Filature de Mulhouse avec qui il organise son focus Jeune Public qui réunit 14 spectacles français à destination des programmateurs étrangers. Momix se « balade » d’ailleurs dans un peu toute la région grâce à ses partenaires : le TJP à Strasbourg, la Salle du Cercle à Bischheim, le Théâtre de la Méridienne à Lunéville, le Granit à Belfort… Certaines compagnies, accueillies en résidences au Créa ou qui ont pu présenter leurs spectacles pour la première fois à Momix, ont bien grandi et reviennent sur les lieux pour ces vingt ans. Il y a le Bob Théâtre, invité des tout débuts, devenu depuis une référence dans le théâtre d’objets, la compagnie strasbourgeoise Flash Marionnettes, le théâtre d’ombre Théâtre de Nuit à qui son savoir-faire a valu une certaine réputation ou Arcosm qui hybride musique et danse contemporaine. Le public s’avère lui aussi constant puisque 50 à 80 % des gens qui le composent lui restent fidèles sur une période de quatre ou cinq ans. Les spectacles s’adressant également aux adultes, on en voit même certains revenir sans leurs enfants l’année suivante. Après vingt ans de programmation, Philippe

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Schlienger s’interroge aujourd’hui sur la manière de faire évoluer Momix. « Peut-être en ne plaçant plus la programmation au cœur du projet mais en se préoccupant plus d’enjeux sociaux ou de travailler davantage la proximité. » Le Créa est d’ailleurs en train de forger un outil d’accompagnement au spectacle vivant à destination des enfants et des adultes. Une sorte de guide, illustré par Jochen Gerner (créateur de l’affiche 2011) a qui est réservé une exposition aux Sheds de Kingersheim) tirée de cette expérience de vingt ans mais aussi de celles d’autres acteurs du milieu. D Sélection toute personnelle de Philippe Schilnger de trois spectacles dans cette édition : Ente, Tod und Tulpe, du Theather Couturier et Ikkola Le Roi sans royaume, de l’Agora Theater High Dolls, de L’Opéra Pagaï


par guillaume malvoisin

focus festival trans(e), arts scéniques, du 4 au 12 mars à La Filature scène nationale, à Mulhouse, www.lafilature.org

trans(e) : global underground Qu’est-ce qu’un festival, à l’heure de la dématérialisation et des échanges mondiaux ? Quand d’autres trouvent l’issue en reconstituant des villages, La Filature, scène nationale de Mulhouse, ouvre grands les battants et cherche la transe.

Transfrontalier le festival Trans(e) l’est assurément, transversal sans conteste au vu de la pléthore de disciplines (théâtre, danse, arts numériques, photo, video...) présentes dans sa programmation. Mais ce qui fait sa spécificité, c’est sans doute cette conscience de résistant face à la mode qui décore tout le jeune théâtre. Bretzels et petites pépées. C’est le moins qu’on puisse attendre des alentours d’un festival contemporain, sis qui plus est en Alsace. Mais à Mulhouse, on semble davantage tourné vers le sens et l’expérience de la scène. Posé au carrefour des pratiques allemandes, françaises et suisses, Trans(e) ne semble pas fait pour la pose. Non plus pour la pause, l’immersion est au programme de cette quatrième édition. Pas de pause non plus, pour le Don Giovanni remis en selle par David Marton. L’ex-assistant du trublion en vogue Christoph Marthaler, tend à relire Mozart et ses enfers par le bout de la guitare rock et de l’orgue jazz. Confettis pop-modernes ou réinvention générationnelle ? Marton, musicien et metteur en scène, essouffle le mythe et fournit l’opéra Don Giovanni - keine pause en questions et en détours. Mettre un frein aux troussages funestes du héros, l’idée a du bon. Décodage à vérifier pour la première fois en France. Allen Ginsberg, qui s’amusait à flinguer les symboles, faisait dire au séculaire S.O.S. : same old shit. C’est pourtant du neuf avec du vieux que proposent Yan Duyvendak et Nicole Borgeat pour leur performance. SOS retrouve son sens original (Save Our Souls) et emprunte les chemins novateurs d’une traversée au cœur de la crise. Qu’elle soit identitaire,

économique, mondiale ou existentielle, la crise en question est ce grand distributeur d’illusions rancies, de rêves éventés. Dématérialisation toujours, les écrans qui parsèment nos vies trouvent là une raison d’être les reflets d’une déroute qu’il va bien falloir combattre. SOS (Save Our Souls) pourrait être un genre de stage préparatoire à la lutte. Au-delà de cet axe opéra-performance, il faut noter les autres cotylédons propices à la trans(e). Outre la Nuit hypnotique® #4, on pourra visiter Megalopolis de la chorégraphe berlinoise Constanza Macras ou encore les brumes de Matin brun, le célèbre récit de Franck Pavloff mis en scène par Christophe Greilsammer. Andersen, royal dealer de contes, sera présent lui aussi avec L'intrépide soldat de plomb revu par la compagnie allemande de marionnettes Stefan Wey. D Don Giovanni

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par jeanne bergeron photo : pascal bichain / le quai

par caroline châtelet illustration : gérard nicolas

TRANCHES DE QUAI N°14, soirée de découvertes, le 27 janvier à 19h30 au Quai, Mulhouse www.lequai.fr

LE FESTIVAL, association Art danse, du 22 janvier au 1er février, Dijon www.art-danse.com, 03 80 73 97 27

focus

Vous en reprendrez bien une tranche ? Le Quai ouvre ses portes au public et présente les travaux de ses étudiants, l’aboutissement créatif d’une semaine d’ateliers en immersion, imaginés et encadrés par des artistes invités. Autour de thèmes aussi variés que la relation de l’œuvre à l’espace, l’art sonore, la sculpture ou encore le portrait, les jeunes artistes de l’école d’art mulhousienne se voient offrir la possibilité d’échanger avec des créateurs confirmés tels que Pierre Malphettes, Seth Cluett, Michel Bouvet, Patrick Gente… Mais également avec d’autres étudiants provenant d’années et d’options différentes, créant de ce fait des groupes de réflexion inhabituels. L’un de ces workshops, proposé par Christian Savioz et Claire Morel, invitera les étudiants à concevoir et réaliser une ou plusieurs affiches en sérigraphie. Un autre, intitulé « À l’écoute du terrain », sera conduit par l’artiste sonore Eric La Casa. Son travail autour de la propagation du son dans l’environnement l’entraîne depuis une quinzaine d’années dans une suite d’expérimentations qu’il poursuivra au Quai autour de la question « Comment construire et penser avec le son et l’écoute ? ». De ces ateliers trimestriels, rompant avec le rythme habituel des cours, ressortent des expérimentations aux formes variées – performances sonores et visuelles, photographies, sculptures –, que les étudiants du Quai dévoileront lors de cette soirée organisée dans le cadre de la 8e semaine du son. À leurs côtés, des interventions de certains artistes invités, des dégustations et de nombreuses surprises. Une soirée qui s’annonce créative et inspirée… D

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Danse polysémique À Dijon, la danse contemporaine, c’est Art danse. Et si d’autres structures ouvrent parfois leur porte à cette discipline, elles le font le plus souvent en partenariat avec l’association de développement chorégraphique. Peut-être est-ce l’une des raisons pour lesquelles Art danse décide cette année de simplifier l’intitulé de son festival, le nommant « Le Festival ». Ce choix étonnant, en ce qu’il réduit l’événement à son seul format, n’est pour autant pas nouveau à Dijon. L’appellation fut tentée en 2007 par le Théâtre Dijon Bourgogne, lorsqu’il s’agît de passer du festival Frictions porté par l’ancien directeur Robert Cantarella à une autre manifestation. Las, devant la difficulté à communiquer sur un tel « nom », l’équipe le remisa dès l’année suivante. Ici, cela risque fort d’être différent, le nom de l’association Art danse ayant toujours été étroitement lié à son festival, partie immergée et visible de ses activités. Cette dissociation vise peut-être plus à identifier l’événement comme ce qu’il est, soit un temps fort de l’association mais non son seul objet. Si seul le long terme permet d’apprécier la viabilité de tels choix, la programmation peut, elle, d’ores et déjà se savourer : durant onze jours une quinzaine de propositions chorégraphiques sont réunies, mêlant grosses pointures et découvertes. Et de la danse parfois dérangeante de Maguy Marin à celle minimale et esthétisante de Christian Rizzo, de la danse née de la révolte de Michèle Noiret à celle des gestes du quotidien de Vanessa Larré, on saisit toute la diversité de la danse contemporaine. Et la difficulté à tenter de la nommer... D


par caroline châtelet illustration : guillaume malvoisin

focus BATTLING (((LESREPUBLIQUES))), spectacles, les 19 janvier, 8 février, 7 mars, 2 avril, 5 mai et 17 juin, Théâtre Mansart, Dijon 03 80 63 00 00 – www.theatre-mansart.com www.wearebattling.com

Républiques à construire À rebrousse-poil des contraintes financières actuelles, les Mécaniques Célibåtaires réinventent le travail en chantier, incluant l’aléatoire et le rapport au public dans le cheminement vers un spectacle.

Qu’on ne s’y trompe pas : si aujourd’hui les lectures, présentations de pièces inédites, « mises en espace » et « fins de chantier » essaiment un peu partout, ce n’est pas uniquement par amour de la langue ou désir d’exposition des rouages de la fabrication d’un spectacle. Le développement de ces œuvres « en travail » caractérisées par un dispositif réduit révèle en creux le manque patent de financement. La visibilité légitimée devient alors le moyen pour une équipe de solliciter des soutiens pour la création – qu’on espère – à venir. Et si ces formes plus légères sont souvent présentées comme des occasions de découvertes de jeunes auteurs, de nouvelles dramaturgies, l’on a du mal à imaginer en quoi elles remplissent plus ou moins bien cette mission que le spectacle qu’elles annoncent. Ni, mieux, ni moins bien. Seulement différemment, l’une des vertus de leur simplicité formelle étant leur accessibilité directe.

Il arrive pourtant que certains artistes retournent la contrainte et réinvestissent l’idée de « work in progress ».Voilà le pari tenté par l’équipe des Mécaniques Célibåtaires et la coopérative initiée par Why Note la Générale d’Expérimentation. Le principe est simple : en 2012 naîtra le spectacle Le Nerf (vies légendaires) en partie inspiré de The Connection de Jack Gelber. Mais pour y parvenir, le metteur en scène et auteur Guillaume Malvoisin – qui [se] commet régulièrement dans ces pages – initie un cheminement républicain au Théâtre Mansart. Dans ce qui relève d’une « utopie concrète vécue in situ », Malvoisin reprend la forme du Battling déjà expérimentée avec le musicien Sébastien Bacquias en l’ouvrant à d’autres artistes. Ainsi Battling (((lesRépubliques))) propose un cheminement poétique, théâtral et musical en six opus mensuels, chacun placé sous les auspices d’un poète, de Jean-Claude Pinson à Jack Kerouac, Walt Whitman, Blaise Cendrars, Antoine Emaz et Stephen Crane. Lors de ces laboratoires à théâtre ouvert, le public assiste à des sets d’improvisation réunissant des équipes toujours renouvelées. Les productions de ces musiciens, comédiens, auteurs et graphistes enrichiront la création finale du Nerf (vies légendaires). Comment ? Difficile de le dire, l’enjeu étant de construire ensemble. Et c’est bien à l’épreuve de la réalité qu’on bâtit les républiques... D

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par sylvia dubost

focus Raphaël Zarka, exposition, du 18 février au 12 juin au musée des Beaux-arts de Lons-le-Saunier (proposée par le Frac Franche-Comté) www.frac-franche-comte.fr

Géométrie à roulettes Artiste et skateur, skateur et artiste, Raphaël Zarka poursuit l’inventaire des formes du monde urbain du haut de sa planche.

Raphaël Zarka, image extraite de Topographie anecdotée du skateboard, 2008. Vidéo, 40’. Collection du Frac Franche-Comté. Photo : Courtesy galerie Michel Rein, Paris

L’apport des cultures urbaines à l’art contemporain se limite bien souvent au graff et au tag, parfois à la musique. Fana de skateboard qu’il pratique et étudie, l’artiste Raphaël Zarka s’est plutôt intéressé aux formes de l’espace urbain que les skateurs investissent et s’approprient, et sans lesquelles ils ne pourraient pratiquer leur art. Des formes qui leur sont dédiées ou qu’ils ont choisies, bien qu’elles soient initialement dévolues à un autre usage. Quoiqu’il en soit, ils les caressent et les soulignent, en exploitent toutes les potentialités. « Je me suis rendu compte à quel point cette pratique avait formé ma manière de regarder les choses. Même certains de mes goûts pour des œuvres d’arts (notamment celles de l’Art minimal ou du Land Art) me semblaient venir d’une familiarité avec certaines formes (pyramides, poutres, quarters) ou avec certains espaces. » Raphaël Zarka scrute le paysage construit et en répertorie les formes, comme un collectionneur ou un archiviste. Il les photographie, les filme ou les reproduit en sculptures, les déplaçant dans l’espace d’exposition. En 2001, il ouvre ainsi une série de photographies qu’il intitule Les formes au repos, où il inventorie des objets en béton perdus dans des terrains vagues, qui semblent attendre qu’on les chevauche. Dans Rhombus Sectus (2009), présenté l’été dernier au Frac Alsace (voire Novo n°9), il filme le rhombicuboctaèdre de la bibliothèque nationale de Minsk sous toutes ses coutures… Mises bout à bout, ces œuvres soulignent la pérennité des formes, à travers le temps et la planète.

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La vidéo Topographie anecdotée du skateboard, projetée à partir de février au musée de Lons-le-Saunier (que d’institutions, décidément, pour un skateur !), met ces formes en relation avec leurs utilisateurs. Déjà auteur de Chronologie lacunaire du skateboard – Une journée sans vague 1779 – 2005 (éditions ère), il poursuit ici sa démarche « d’historien du skate » avec un montage de films qui permet de suivre plusieurs générations d’amateurs dans leur quête de terrains. La ville et le paysage ne sont plus ici qu’un ensemble de lignes et de courbes… En parallèle et en complément, la série photo la Piste du pendu s’attarde sur un terrain de bicross (une fois n’est pas coutume), qui ne s’intègre pas au paysage urbain mais modèle incontestablement le parc dans lequel il s’est installé. D


par nicolas querci photo : arthur babel

focus EXHIBITING POETRY TODAY : MANUEL JOSEPH, exposition jusqu’au 5 février à l’Ecole régionale des Beaux-arts de Besançon (ERBA) www.erba.besancon.com

Univers univers L’artiste suisse Thomas Hirschhorn consacre une exposition à son ami le poète Manuel Joseph.

Avec Exhibiting Poetry Today : Manuel Joseph, l’artiste invente une nouvelle manière de montrer la poésie : totale, pénétrante, percutante, éprouvante, déroutante, dont la poésie de Manuel Joseph constitue la matière brute. Cet amas de livres, cartes, notes, affiches, K7, journaux, papiers, griffonnages, collés avec du scotch renforcé aux murs en carton sur lesquels sont peintes des briques, posés dans des tiroirs, des vitrines, sur des empilements, à même le sol, suspendus en l’air, semble chaotique au premier abord mais Thomas Hirschhorn est un forcené du détail : « Il faut travailler dans l’exagération et être précis : c’est ça le principe » expliquet-il aux étudiants de l’ERBA, au cours d’un briefing. Durant l’entretien qui suivra, il bondira d’une pièce à l’autre pour appuyer son propos et parlera avec emportement pour se faire bien comprendre. Extraits. Comment vous êtes-vous rencontrés ? Manuel Joseph m’avait invité à une exposition, Babylon Bobigny, qui se tenait dans le hall d’entrée de la préfecture de Seine-Saint-Denis, en 1989. Il était curator de cette exposition. Je crois que c’est la première et dernière expo qu’il a organisée. Nous sommes devenus amis et puis j’ai lu ses textes. J’ai trouvé ça très fort, très beau, en lien avec le monde. C’est une écriture qui est dans le temps.

Pourquoi lui consacrer une exposition ? Ce qui m’intéresse, c’est l’écriture magnifique, belle, forte. C’est sa poésie. Cette exposition est mon manifeste : comment exposer la poésie aujourd’hui ? Comment exposer un poète aujourd’hui ? Qui vit aujourd’hui. Partager sa vie. Comment avez-vous travaillé sur cette exposition ? On ne collabore pas. On travaille en « responsabilité non-partagée ». D’un côté, lui, il me donne tout. C’est ça sa responsabilité. Il me dit, je serai d’accord avec tout ce que tu fais. Mais c’est mon exposition, je ne lui demande pas son avis. Je suis responsable de ce que je montre. Ce que je veux montrer, c’est que tout est important : cette note a la même force qu’un poème. Tout, là-dedans, est expression littéraire. À moi de trouver une forme pour montrer ce qu’il y a dans sa tête. Je veux donner une forme au temps, créer une dynamique de la réflexion, par la sculpture. Et je suis responsable de tout. Les choix on doit les prendre et les assumer tout seul. D

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par adeline pasteur

focus Stand Alone Zone, spectacle de danse de la Compagnie Système Castafiore, du 11 au 14 janvier 2011, au Théâtre de l’Espace, à Besançon 03 81 51 03 12 - www.theatre-espace.fr

Utopies et réalités Un monde détruit, une zone interdite porteuse d’espoirs, des névroses de notre existence moderne et des fleurs qui poussent dans la tête d’un enfant… Avec Stand Alone Zone, la compagnie Système Castafiore nous entraîne dans un univers mystique, déroutant, et terriblement fascinant.

La chorégraphe Marcia Barcellos et le metteur en scène Karl Biscuit ont conjugué talent et imagination pour faire naître ce spectacle atypique. En résidence au théâtre de Grasse, ils ont imaginé une histoire fantasmagorique, manifestement ancrée dans l’avenir mais parsemée de références plus proches de nous, comme Georges Méliès ou Jules Verne. C’est un conte onirique et psychanalytique avec pour héros un jeune garçon nommé Nietzsche, qui doit se rendre dans « la zone interdite » afin de trouver le remède à son mal étrange. « Nous avons essayé de créer une forme qui évoque notre époque, notre rapport au monde, avec une dimension vraiment imaginaire, un univers utopique et réinventé. C’est une image très poétique de ce que l’on est, un regard particulier sur notre monde », explique Karl Biscuit.

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Trois danseurs interprètent l’histoire, parés de costumes singuliers, avec pour toile de fond un décor composé d’images de synthèse mouvantes, projetées sur un immense écran circulaire en fond de scène. De beaux visuels, très travaillés, pourtant modestement mis au point dans l’atelier de la compagnie… Cette technique de rétroprojection permet de créer des dimensions abyssales, dans lesquelles l’œil plonge avec délectation. « Cela rappelle un peu les décors de l’époque Renaissance, avec la création des premières perspectives. C’est une technique ancestrale que l’on réinterprète avec les moyens d’aujourd’hui ! » L’ensemble réussit le tour de force d’être à la fois sombre et léger, dense et optimiste : des paradoxes savamment orchestrés. Quelques courts passages de récit invitent à écouter une langue imaginaire, faite de borborygmes piochés dans les enregistrements de poètes d’après-guerre. Lorsqu’il évoque ce spectacle, Karl Biscuit avoue avec humour que « c’est un peu comme un film de sciencefiction tchèque des années soixante, à qui l’on aurait enlevé les sous-titres ». À savoir, déroutant et fascinant à la fois. Une belle découverte pour ce début d’année 2011. D


par philippe schweyer

photos : nicolas waltefaugle

focus La Rodia, Scène de musiques actuelles, 4 av. de Chardonnet à Besançon www.larodia.fr

SMAC in the city : saison 1 Cela faisait au moins vingt-cinq ans que les bisontins attendaient une salle pour les musiques amplifiées. Le 27 janvier, l’inauguration officielle de la Rodia (sans « h », mais en souvenir de l’usine textile Rhodiaceta qui fut longtemps le premier employeur de la ville) mettra un terme à cette criante injustice.

Fièrement dressée face la Citadelle, élégamment surélevée et flanquée côté Doubs d’une tour de verre du plus bel effet, la Rodia conçue par Denu & Paradon, est assurément une réussite architecturale. Située à deux pas de la future Cité des arts et de la culture qui regroupera le Frac et le Conservatoire à rayonnement régional, et à trois pas du centre-ville, la nouvelle Smac (Scène de musiques actuelles) dispose d’une vaste terrasse panoramique qui vaut à elle seule le détour. On pourra par exemple venir y savourer une bière (le bar sera ouvert à tous les soirs de concert) en méditant sur le passage du temps (avec une pensée pour Vauban qui fortifia la ville et une autre pour les milliers d’ouvriers, les « Rhodias », qui travaillèrent là, sans oublier Godard et Marker qui leur prêtèrent du matériel cinématographique lorsqu’ils se mirent en grève un an avant 68). Maintenant que les usines se sont évaporées, que la friche a été ratiboisée (des plantes « mangeuses » de métaux lourds sont en charge de la dépollution des sols alentours !) et que la Rodia est sortie de terre, il ne reste plus qu’à faire chauffer la sono (le fond biseauté de la grande salle devrait éviter aux riffs de guitare de rebondir contre les murs). Pour piloter cette Smac dernier cri (une grande salle et un club de 900 et 320 places debout, deux studios de création ) qui risque de faire des envieux dans le Grand Est, l’équipe municipale a fait confiance au trio expérimenté qui officiait jusqu’à

peu au Cylindre : Manou Comby, le directeur, tellement sympa qu’on passerait bien l’après-midi à refaire l’histoire du rock franc-comtois en sa compagnie, Jean-Pierre Cote-Colisson dit Tico, le programmateur, toujours à l’affût pour dénicher les dernières nouveautés sans renier les ancêtres (le mot du cuisinier dans le programme c’est lui, même s’il n’a jamais eu de moustache !) et Mario Lontanaza, le directeur technique, chargé de veiller à ce que tout fonctionne au poil dès l’ouverture. La Rodia entend profiter de la nouvelle dynamique pour accompagner au mieux les groupes locaux grâce à un pôle « Ressources & Action culturelle » animé par Philippe Angelot et Anouk Clerc, par ailleurs chanteuse éblouissante de Somadaya (voir Novo n°6). Malgré tout ce beau monde, la Rodia ne serait rien sans les quatre filles à l’œuvre dans les bureaux (Catherine, Anne-Marie, Anaïs, et Charlotte) et les garçons de la technique (Taric, Thierry, Antonin, Pascal…). Enfin, on ne manquera pas d’admirer le logo dessiné par Thomas Huot-Marchand et de proposer en guise de mise en bouche une petite sélection suggestive piochée dans le programme de la saison 1 : Oh la la ! (Natasha, ex chanteuse déchainée d’AS Dragon) le 28 janvier, Hindi Zahra le 5 février, Erik Truffaz quartet le 10, Lee Scratch Perry le 11, 22 Pistepirkko le 16, Yules le 25, les Nuits de l’Alligator le 26 et le revenant CharlElie Couture le 26 mars. D

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Meisenthal ~ Tétouan ~ Doha Par sandrine wymann et bearboz

C’est une histoire en trois chapitres, ou plutôt, ce sont trois histoires qui avaient peu de chance d’en composer une seule et qui par des hasards et des évidences ont donné naissance à une œuvre : Zahra-Zoujaj.Younès Rahmoun est un artiste marocain qui vit à Tétouan. Dans son travail plastique, il tente de donner corps à l’immatériel, de donner matière à une philosophie, un rapport au monde qui formulent tout son être. Il mène une quête spirituelle et sa pratique artistique le révèle d’œuvre en œuvre. Entre pureté et méditation, il conçoit ses formes, ses installations qui soustraient le public à l’harassement du quotidien. Le Centre International d’Art Verrier de Meisenthal, dans les Vosges du Nord, développe le savoir faire des verriers, en mettant le métier des maîtres au service des artistes et de leurs exigences. Entre tradition et innovation, ils permettent aux projets les plus fous de s’incarner. À Doha, au Qatar, tout se construit, tout se développe selon un vecteur de rapidité inouï, dans un cadre d’excellence. La culture n’échappe pas à cette dynamique et sous l’impulsion d’un cheikh collectionneur, le pays a donné naissance ce mois de décembre à une exposition consacrée à l’art contemporain arabe. Une exposition grandiose en tout point : les artistes les plus talentueux, des œuvres ambitieuses, une ouverture mondiale. New York, Londres, Paris, Damas, Le Caire, de partout à l’heure du vernissage les acteurs du monde artistique ont accouru.

L’histoire a commencé deux ans plus tôt quand Younès Rahmoun est venu observer le travail des verriers et trouver l’inspiration dans leur pratique. La pureté du matériau des maîtres et la sensibilité du travail de l’artiste avaient de grande chance de s’entendre et de leur souffler le projet d’une œuvre. Younès Rahmoun travaillait depuis quelques temps sur le motif de la fleur qu’il avait déjà dessinée, présentée en médaillons lumineux à Murcia en Espagne. À Meisenthal, l’idée lui est venue de la créer en volume, 77 fois (chiffre sacré et récurent dans son travail) comme un objet répété mais unique à chaque fois. 77 fleurs en verre, destinées à être suspendues et animées d’une pulsation lumineuse aléatoire : Zahra-Zoujaj, Fleur-Verre, telle la vie intérieure matérialisée par le verre et la lumière, était une œuvre ambitieuse qui n’a pu voir le jour que grâce à la perspective d’être exposée au Qatar dans le cadre de Told, Untold, Retold, une exposition conçue par Sam Bardaouil et Till Fellrath, deux commissaires qui ont su regrouper une scène contemporaine arabe enthousiasmante.

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Told, Untold, Retold A Doha, Qatar jusqu’en mai 2011

Dans Zahra-Zoujaj, chaque fleur est différente, chacune de ses parties est travaillée selon un protocole qui en fait une pièce unique composée d’un cœur, de pistils et de pétales. À Doha les fleurs sont présentées selon une composition qui relève de l’installation. Dans son travail Younès Rahmoun crée des univers qui permettent le retrait, la concentration. Ses chambres, conçues comme de petits espaces intimistes, mènent au recueillement et c’est sur ce principe que l’artiste a choisi de présenter Zahra-Zoujaj. Dans une architecture tout en hauteur, minutieusement dessinée par l’artiste, les fleurs sont suspendues telles une voute céleste. Les murs de la pièce sont plongés dans le noir et les miroirs installés sur les parois les reflètent à l’infini. Les cœurs des fleurs s’allument et s’éteignent lentement sur un fond musical qui renforce la paisibilité du lieu. On ne pénètre dans la chambre qu’après avoir enlevé ses chaussures. On s’assied, lève les yeux puis la patience et le temps s’imposent. Dans un premier temps, l’intensité de la lumière brouille la vision. On ne comprend pas. Petit à petit la vue se fait plus claire, le calme s’installe en nous et les fleurs apparaissent. Incroyable ! Le public réuni sous ce même ciel s’émerveille et s’abandonne. Le silence est de mise, la communion aussi. Quelques chuchotements en arabe, anglais et français trahissent l’émotion et l’émerveillement. Dehors, le brouhaha de l’exposition semble lointain et abstrait. En repassant par la petite porte, dos courbé, ébloui par les néons, on réalise la force du voyage intérieur auquel Zahra-Zoujaj nous a invités. Espérons que tôt ou tard, l’œuvre sera visible non loin des Vosges du nord.

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Danse en région

Stella suivi de Io sono Je suis Ich bin

Chorégraphie, mise en scène et interprétation Virginia Heinen, Cie Blicke Chorégraphie, mise en scène et interprétation Enrico Tedde, Cie Blicke

Taps Scala en février : mardi 1er et mercredi 2 à 20h30

Ainsi surgit... Pan !

Une proposition de Stefane Marques Cie Estro, Mulhouse

Visuels Raoul Gilibert et Kathleen Rousset, conception graphique Polo

Taps Gare en février : jeudi 3 et vendredi 4 à 20h30

Duo Mira

Direction artistique, chorégraphie Sébastien Véla Lopez, Cie Mira

Taps Scala en février : samedi 5 à 20h30 et dimanche 6 à 17h Info. 03 88 34 10 36 ou www.taps.strasbourg.eu


rencontres par philippe schweyer

photo : vincent courtois

à écouter : sur www.flux4.com (rubrique EntreVues)

PUNK UN JOUR, PUNK TOUJOURS Rencontre avec l’écrivain, chanteur et cinéaste F.J. Ossang, accompagné de son actrice égérie Elvire, lors du dernier festival international du film de Belfort. Comment avez-vous rencontré Joe Strummer qui joue dans Docteur Chance ? Au départ j’avais contacté Vince Taylor qui était très intéressé. Il me laissait des messages sur mon répondeur : « Allo, c’est Vince Taylor, le chanteur de rock’n’roll ! » Vince est mort en 1991 et j’ai naturellement rebondis sur Joe Strummer qui avait beaucoup fait pour Vince en reprenant Brand New Cadillac. Je suis venu à la musique uniquement par le punk : les Pistols, Richard Hell and the Voidoids… C’était vraiment la révélation ! Auparavant, j’étais plutôt dans la poésie performance, mais c’était plus intéressant d’utiliser la musique comme prétexte au chaos ! J’ai envoyé par fax une lettre d’une dizaine de pages à Joe Strummer en lui expliquant le projet. Peu de temps après il m’a donné une adresse postale où lui envoyer le scénario. Il m’a répondu deux jours plus tard : « I love the script. But don’t you think that acting is better for actors ? » Les choses ont encore traînées deux ans avant qu’il finisse par arriver au Chili. Contrairement à certaines microvedettes, Strummer a été très cool. C’est un compagnon de route d’un autre cinéma : il a tourné avec Jarmusch, Kaurismäki… F.J. Ossang est de retour avec son cinéma poétique beau comme la rencontre fortuite sur une table de montage d’une bobine de film muet irradiée et d’un riff de guitare punk. Chanteur de MKB-Fraction provisoire (Messageros Killers Boys), écrivain prolixe inspiré notamment par Burroughs (poèmes, récits, journaux de voyage), F.J. Ossang était invité par EntreVues en tant que cinéaste “pirate”. L’occasion de revoir trois de ses films (L’Affaire des division Morituri, Le Trésor des Îles Chiennes, Docteur Chance) avant de découvrir en avant-première Dharma Guns, son nouveau long métrage tourné aux Açores et en Auvergne avec Guy McKnight (chanteur de The Eighties Matchbox B-Line Disaster) et Elvire, sublime comme jamais. Impossible de ne pas évoquer avec lui le chanteur du Clash auquel il confia le pilotage d’un avion fantôme dans Docteur Chance.

Et vous, êtes-vous resté punk ? Il y a eu des allers-retours, mais j’aime bien citer Strummer : Punk un jour, punk toujours ! L’esprit punk, c’est aussi le “do it yourself”… C’est vrai que je fais mes films comme je peux. Je suis très attaché à l’argentique, bien que j’ai introduis dès le début des éléments de vidéo dans mes films. J’étais axé sur la révolution électronique de Burroughs, mais dès que j’ai touché de la pellicule, tout s’est décanté et je suis vraiment allé vers la photographie. Où peut-on voir vos films ? Un coffret doit sortir chez Potemkine & Agnès b DVD en mars et j’espère que Dharma Guns sortira en salles en avril. ❤

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rencontres par Sophie Ruch et Emmanuel Abela

photos : pascal bastien

L’ultime part d’humanité La Résistance a été l’occasion de bien des réalisations au cinéma, mais peut-être n’a-t-elle jamais été montrée avec l’intimité de Nos Résistances de Romain Cogitore. Rencontre avec le jeune réalisateur alsacien et son acteur principal, François Civil.

Dans ce long-métrage, la Résistance n’est pas présentée comme héroïque, on sent une réelle volonté de présenter la réalité historique. À partir de quel moment, vous êtes-vous décidé à traiter la Résistance sous cet angle-là ? Romain Cogitore : Au départ, il s’agissait d’une tentative de documentaire. À l’amorce du projet, j’ai interrogé plusieurs personnes, notamment mon grand-père. Par la suite, j’ai trouvé que de prendre l’axe de la jeunesse était le moyen le plus intéressant pour traiter le sujet de la Résistance. Grâce à mes recherches et les éléments qui m’ont été rapportés, j’ai pu faire de la fiction à partir de bribes du réel. Bien au-delà des repères que nous avions, vous dévoilez une autre forme de réalité, y compris avec ses zones d’ombres. Ne craignez-vous pas de soulever une polémique ? R.C. : Le film est en grande partie composé de choses réelles, le Maquis n’y est pas dénigré ! Les anciens qui voient le film peuvent y trouver la reconnaissance de leur grande humanité. Paradoxalement, le film n’a pas pour vocation de restituer une vérité historique pure. On y découvre des anachronismes de langage assumés. Il s’agit donc principalement de restituer la réalité des situations vécues. François Civil : Je crois que c’est un parti pris dès le départ. Dans la direction d’acteurs, Romain nous a demandé de ne pas jouer l’Histoire, mais effectivement de nous concentrer sur les situations.

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Romain, dans le film, vous évoquez votre grand-père sans forcément lui rendre hommage. Les discussions avec lui sont-elles à l’origine de votre envie de réaliser un long métrage sur la période de la Seconde Guerre Mondiale ? R.C. : J’ai grandi dans l’univers de la Résistance mythifiée. Si les histoires de mon grand-père étaient souvent relatées de manière adaptée pour l’enfant de 12 ans que j’étais, cela a quand même contribué à alimenter un univers assez fort. Comment s’est porté le choix sur François pour incarner le personnage principal ? R.C. : Ma directrice de casting m’a conseillé de rencontrer François malgré mes réticences. Lors de ses premiers essais, François était assez mal à l’aise, mais nous l’avons recontacté pour des essais de groupes au cours desquels il m’a vraiment convaincu. F.C. : C’est vrai que j’ai même été malade lors de mes premiers essais, mon stress habituel a été décuplé, mais j’avais une telle envie de décrocher le rôle… À la lecture du scénario de Romain, quelles ont été vos premières impressions ? F.C. : J’ai tout de suite adoré et je tenais à participer à ce film. Romain a d’ailleurs été récompensé pour ce scénario bien mené, rythmé, très émouvant à sa simple lecture. Est-ce perturbant de porter le prénom de son personnage ? F.C. : Pas particulièrement dans le cas présent puisque je ne porte mon prénom qu’au début et à la toute fin du film. À ce propos, durant tout le tournage, nous ne nous appelions que par les pseudonymes de nos personnages, si bien que certains prénoms me restent inconnus. Aujourd’hui, cette habitude est restée quand nous nous passons des coups de téléphone ! « Allo, “Poux”, comment vas-tu ? », « Et toi, “Racine” ?” [rires]


François / Racine, justement, le personnage que vous incarnez, donne l’impression qu’il n’y a pas de rédemption possible notamment lors de la scène finale, et pourtant, on ne décèle chez lui aucun désespoir : il continue d’exprimer malgré tout un désir de vie absolu. F.C. : Son désir premier, il l’exprime à travers l’histoire d’amour qu’il vit avec la jeune fille qu’il a laissée au village. Par la suite, il est martelé par pleins d’événements qui vont le cabosser et le rendre presque animal jusqu’à la fin. Mais il redécouvre son désir premier après tout ce qu’il a vécu. R.C. : Certains penseront, comme François, que le personnage devient de plus en plus bestial là où d’autres verront quelqu’un qui retrouve justement sa part d’humanité. J’apprécie ces deux compréhensions, j’aime cette double lecture. En tant qu’acteur, Romain a-t-il révélé chez vous des choses que vous ne soupçonniez pas de vous-même ? F.C. : L’évolution du personnage est telle que ce rôle m’a offert la possibilité d’élargir la palette des émotions que j’avais déjà pu travailler sur d’autres films. Dans Nos Résistances, il y a des scènes tellement extrêmes – la scène d’opération, la scène finale – que d’essayer de les vivre et pas uniquement de les jouer techniquement a été une chance incroyable pour moi. C’était un réel plaisir de jouer ce rôle-là.

Concernant la musique du film, anachronique elle aussi, comment s’est fait son choix ? R.C. : Il y a eu beaucoup d’allers et retours concernant la réflexion du choix de la musique. J’ai d’ailleurs pensé à faire du scratch sur le discours de De Gaulle… [rires] Finalement, nous étions trop loin des personnages et de leur intimité, il fallait quelque chose de plus classique. Nous nous sommes laissés porter par le film, mais le hip-hop semblait tout de même nécessaire. On nous rappelle aujourd’hui qu’il est bon de nous indigner. Le titre du film sonne comme une exhortation à des résistances plus actuelles. R.C. : Même si je ne m’oppose pas à une telle lecture du titre, il ne faut pas y voir de réelle volonté politique. Pour moi, le mot résistance joue plus sur la question de l’intime mêlé au mythe historique, sur la base de questions aussi simples que : où commence et où s’arrête l’humanité ? À quel moment plonge-t-on dans une forme de bestialité ou d’animalité ? Je cherche à naviguer dans ces questionslà, qui ont des connotations psychologiques, sociales, et naturellement historiques. La question est : finalement, à quoi résistons-nous ? ❤

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EXHIBITION

d

GESTE SERPENTINE ET AUTRES PROPHÉTIES B. BILLOTTE, I. BONILLAS, A. GORMLEY, M. GRZYMALA, W. HERZOG, C. MCCORKLE, P-E. MORELLE, P. PHINTHONG, I. WILSON

15 JAN -–01 MAI 11 REGARDS PARALLÈLES --------------------------------

17/01 m

ATELIER DU SPECTATEUR PRENEZ LA PAROLE !, PAR TIAGO BARTOLOMEU COSTA --------------------------------

18/01 m

RENCONTRE LIBÉREZ LA LIGNE, AVEC MONIKA GRZYMALA --------------------------------

19/01«m

PERFORMANCE MATÉRIAUX DIVERS, PAR TIAGO GUEDES --------------------------------

03/02«m

CONFÉRENCE QU’EST-CE DONC QUE LE TEMPS?, AVEC ETIENNE KLEIN --------------------------------

10/02 m

PERFORMANCE EDEN MATIN MIDI ET SOIR, PAR CHLOÉ DELAUME & ANNE STEFFENS --------------------------------

19/02«m

CONCERT AU-DELÀ DES LIMITES DU TEMPS, PAR JEAN-CLAUDE ELOY & ERIC CORDIER --------------------------------

24/03 m

CONFÉRENCE WERNER HERZOG, LA VISION APOCALYPTIQUE, PAR MICHAEL KUMMER --------------------------------

31/03 m«

CONFÉRENCE ACTUALITÉ DES MESSIANISMES D’AFRIQUE ET D’AILLEURS, PAR SERGE MBOUKOU & JEAN-PIERRE DOZON --------------------------------

20/04 m«

LECTURE DE TANT EN TEMPS, DE NOËLLE RENAUDE, AVEC NICOLAS MAURY

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Pas d’amour sans cinéma / 3 Par Catherine Bizern (fin décembre 2010)

Fin publique Salle de la quinzaine des réalisateurs au Noga Hilton à Cannes, première projection du film de Mathieu Amalric, La chose publique. C’est un film pour Arte dans la série « masculin, féminin ». Mathieu Amalric a choisi deux acteurs de théâtre Anne Alvaro, Jean Quentin Chatelain. Elle joue la comédienne, il joue le cinéaste. La voix de l’une est une voix de velours rouge profond, la voix de l’autre est d’acier bleuté. Ils ont déjà vécu, leur corps en porte la trace, accueillante chez l’une, agréablement usée chez l’autre. C’était en 2003, nous étions séparés depuis un an. Ni la connaissance intime, ni l’habitude que nous avions l’un de l’autre ne s’étaient encore effacées. Nous étions proches, très proches encore. Mais séparés. Je n’étais plus sa compagne, j’en étais soulagée, mais j’en portais parfois les habits, comme une usurpatrice dont il était complice, cela nous soulageait aussi. Nous baladions ainsi cette année-là, à Cannes, l’illusion que nous compterions toujours l’un pour l’autre, qu’à une si belle histoire ne pouvait succéder qu’un doux épilogue éternellement harmonieux. Mathieu Amalric filmait la politique comme du théâtre – de manière littérale – mais je l’avais oublié comme j’avais oublié que le film défiait la vie privée, entre dissolution et surexposition dans la fiction. Philippe Roberts, le cinéaste, filme chacune des scènes avec sa compagne comédienne où se joue la désagrégation du couple, diluant à chaque fois la réalité de la rupture dans la représentation et, pour le spectateur, la représentation de la représentation. Le film ainsi syncopé semblant lutter, dans sa forme même, contre la linéarité de la séparation inéluctable. Tous ces artifices n’avaient pourtant rien évité, nous avions vu La chose publique côte à côte et revécu cette année 2002, celle du film et la nôtre, dans une proximité sans doute suffocante : ne plus vouloir tout partager et quitter l’appartement, le bonheur du travail partagé désormais impossible, Le Pen au second tour des élections comme dernière indignation vécue ensemble, s’échapper avec un autre, se plaindre d’étouffer, « on a fusionné on est mort » : elle, elle le disait, et c’était tellement juste ! La vérité de notre séparation à l’écran, de manière spectaculaire.

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Dans la dernière séquence de Voyage en Italie, le couple empoisonné convient enfin de divorcer. C’est une libération tant le spectacle de cet amour finissant a été cruel : le silence entre mépris et indifférence des époux, la désinvolture de l’homme parti s’amuser à Capri, le désespoir presque mystique de la femme devant le corps des amants figés dans leur baiser à Pompéi. Cruauté d’autant plus grande que c’est aussi de l’état du couple Rossellini-Bergman dont le film fait étalage, là encore entre dissolution et surexposition, sans pudeur. Leur voiture est stoppée par une grande procession, ils en sortent un instant, on entend « Miraloco Miracolo ! » Quand un mouvement de foule sépare brutalement Alexander et Katherine, ils crient leurs noms. C ’est un arrachement, arrachement nécessaire sans doute, mais tout à coup insupportable pour les deux amants qui se retrouvent alors avec fougue. Et avant un mouvement final sur une multitude de visages napolitains, la caméra isole le couple serré l’un contre l’autre, souriant… Je n’avais jamais voulu conclure si cette image du couple redevenu en un instant tellement amoureux était un miracle ou un mirage et plus d’une fois, je crois, j’aurais aimé pouvoir jouer à la fin de Voyage en Italie… Là, après une absence de plusieurs mois, d’une année peut-être, la comédienne téléphone à son ancien compagnon. Dans une dernière séquence, ils se retrouvent pour une nuit : dîner, éclats de voix, chuchotements, champ contre champ, baiser de noyés. Chacun son tour a quitté la table et est allé se regarder dans le miroir des toilettes. Deux fois la même image, deux fois le même tête-à-tête, deux fois la même suspension… C’est l’aube, chacun repart… Des retrouvailles intenses mais sur un trottoir. La sensation d’un infime point de contact sur la tangente de leur histoire. Juste un point, un instant, un mirage. À la fin du générique, la lumière revenue dans la salle, notre histoire, fondue, était là en flaque à nos pieds.


Le monde est un seul / 11 Par Christophe Fourvel

Deux bonnes nouvelles Le dernier film de Xavier Beauvois, Des hommes et des dieux, relate les jours de peur, de recueillement et d’interrogation que vécurent les moines français de Tibhirine, en Algérie, juste avant leur assassinat, par un groupe radical islamiste, en 1996. Plus de trois millions de personnes sont allés voir ce film. Si on tente quelque comparaison avec d’autres films français, on dira que Des hommes et des dieux se classe, pour l’année 2010, entre L’Arnacoeur et Arthur 3, pas très loin, de Camping 2 qui a réalisé 3,9 millions d’entrées. Quelles que furent les attentes qui conduisirent trois millions de personnes à aller voir ce film, tous furent confrontés à une question existentielle. Beaucoup, certainement, sont sortis revigorés, heureux d’avoir saisi leur conscience d’un choix qui nous rappelle tout à la fois notre grandeur et notre petitesse. Qui se pose en des termes familiers à chacun. Les moines de Tibhirine savent qu’ils vont probablement être assassinés et telle qu’elle s’annonce, leur mort ne sauvera aucune vie. Il serait alors plus juste de fuir. Mais fuir équivaut à abandonner tout un village d’autochtones opposé fermement au Jihad et attaché aux moines qui les soignent, les écoutent, les conseillent parfois. À mettre à mal le sermon intime qu’ils se sont faits en venant ici, en terre algérienne, et qui dit que la vie de chacun appartient à Dieu ; qu’elle n’est déjà plus celle que l’on possède et pour laquelle on édicte un devenir. Ainsi, pour ces moines, il n’y a aucune réponse au dilemme “archaïque” revenu visiter l’homme occidental contemporain. Il n’y a pas de choix qui puisse satisfaire un esprit exigeant et pas de réponse au mal qui ronge leurs cœurs. La somme des trahisons que constituerait pour eux leur fuite, briserait le reste de leur vie. Pour qui exècre de se rêver en héros, rester est une absurdité. Alors que faire ? Qu’aurait-il été juste de décider ?

Il n’y a guère de films, parmi ceux qui totalisent plusieurs millions d’entrées, qui montrent ainsi la complexité de vies intérieures et humbles. Que sacrifier de sa liberté pour répondre à l’attente de ceux qui nous aiment ? Où notre vie a-t-elle l’opportunité d’être la plus rayonnante ? Au-delà de quelle quantité de morts et d’injustices autour de soi, sauver sa vie n’est plus le but suprême ? Le monde médiocre auquel nous sommes si souvent tenus, les horizons fades réduits au seul rayonnement des indicateurs économiques connaissent parfois des lézardes à grandes échelles. À l’échelle de trois millions de personnes, revenues pendant deux heures et par la grâce du cinéma, faire face à notre miroir le plus exigeant. Ces derniers mois, cent mille personnes sont allées voir Les rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch. Un documentaire consacré au (re)montage de la pièce Kontakthof de la chorégraphe allemande récemment disparue, avec des adolescents de la ville de Wuppertal. Le film montre la manière dont l’histoire artistique, conçue des années avant leur naissance, finit par entreprendre les mots, les réserves, la pudeur des enfants. Leur « incompréhension ». Leurs corps. Ils deviennent « pas à pas » les interprètes de cette foutue histoire qu’on aurait cru taillée pour d’autres et comme chaque fois en pareil cas, nous sommes émus de voir, au contact du sublime, des devenirs de jeunes gens s’inventer ; des réflexions les traverser qu’ils n’avaient jamais envisagées avant. Ni eux, ni nous, ne comprenons tout à fait comment cette rencontre entre des corps et des gestes s’opère. Mais il faut résister à cette inquiétude moderne de ne pas comprendre. Dans un livre de Tanizaki, un vieil homme écoutant un chant traditionnel dit ces phrases qu’il conviendrait d’écrire sur chaque tableau d’école : comprendre vaguement, c’est déjà bien. Le texte a d’autant plus de résonances qu’il est moins précis. En finir avec la clarté à tout prix : cette horrible barrière qui nous tient à distance du plus intime des vies ; celles de ceux qui se savent mourir bientôt comme des plus grands artistes.

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Songs to learn and collines sing Chronique de mes Henri Morgan vit retiré à la campagne, et se consacre à l’étude et à la méditation. Par Vincent Vanoli

Le Tribunal de l’impossible, ORTF, 1967-1974

Quand les gens parlent de la télévision, c’est presque toujours de celle de leurs jeunes années. Le téléviseur a la double caractéristique de faire partie des meubles, et donc de renvoyer nostalgiquement au foyer de l’enfance, et d’être une fenêtre sur le monde, c’est-à-dire, le plus souvent, sur un monde fictionnel, – d’où une autre forme de nostalgie. Pour l’adolescent épris de fantastique que j’étais, le plus intrigant, à la fin des années 1960, c’était Le Tribunal de l’impossible de Michel Subiela, série d’« évocations dramatiques » suivies d’un débat. Par l’intermédiaire de la boutique en ligne de l’INA, j’ai pu, en échange d’un peu de monnaie, revoir Les Rencontres du Trianon ou la dernière rose (10 février 1968), Qui hantait le presbytère de Borley ? (30 novembre 1968) et Un esprit nommé Katie King (24 janvier 1970). Les fameuses « évocations dramatiques » hésitent entre le docudrama et la fiction sur fond historique. Les Rencontres du Trianon sont pratiquement le dossier de ce que les parapsychologues appellent « l’incident Moberly-Jourdain », raconté par ses protagonistes. À l’inverse, Un esprit nommé Katie King est une pièce de théâtre, pas mauvaise au demeurant, montrant comment le physicien William Crookes tombe amoureux du fantôme Katie King, matérialisé par le médium Florence Cook, qui devient en quelque sorte jalouse d’elle-même, car, dans cette version, l’esprit est présenté comme une personnalité secondaire du médium. Quant à savoir si Florence Cook produit effectivement un ectoplasme ou si elle se déguise en fantôme, la question est volontairement laissée dans le vague, même s’il est assez nettement suggéré qu’il y a supercherie.

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Les « évocations dramatiques » sont suivies d’un débat où des vieux métapsychistes bardés de diplômes expliquent que tout fantôme qui n’est pas obtenu dans les conditions du laboratoire est hautement suspect. En face d’eux, des psychologues spécialistes d’hygiène mentale rappellent que ces histoires de revenants ont un effet déplorable sur les esprits débiles. Pris dans ces feux croisés, Michel Subiela et Francis Lacassin expliquent que l’amour spiritique du physicien Crookes ou l’apparition, en 1901, de Marie-Antoinette dans le hameau du Petit Trianon, c’est beau comme une nouvelle de Henry James, et demandent poliment la permission de rêver un peu. Ces messieurs sont chauves, doctes et cravatés de noir. La télévision des années 1960 n’était pas un repaire de zazous. Même ainsi, il n’y eut que quatorze séances du Tribunal de l’impossible, en sept ans. L’époque n’était pas au rêve, et toute fiction qui lâchait la bride à l’imagination amenait les protestations véhémentes de téléspectateurs qui n’aimaient pas qu’on se paie leur tête.


Songs to learn and sing Par Vincent Vanoli

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Tout contre la bande dessinée Par Fabien Texier Illustration : Affiche des 20 ans de la FMAC, Winshluss / Les Requins Marteaux (détail)

« Quelle est la différence entre la bande dessinée et la production de Roy Lichtenstein ? L’histoire de l’art.» Propos cité par Jochen Gerner dans Contre la bande dessinée, l’Association

Entretien avec Franky Balooney, directeur des Relations Publiques des Requins Marteaux, à l’occasion des vingt ans de la FMAC. Édouard-Michel Méroll est un de nos grands capitaines d’industrie qui, non content de doper le CAC 40 et de créer des emplois, se montre un fervent défenseur des arts. À l’occasion des vingt ans de la Fondation Méroll pour l’Art Contemporain (FMAC), le public a pu découvrir à la galerie Beaurepaire à Paris les pièces inouïes qu’il a capitalisées au fil des années : Martes Bathori, Blex Bolex , Cizo, Danny Steve, Guillaumit, Le Gentil Garçon, Edouard-Michel Méroll Junior, Moolinex, Morgan Navarro, Michel Pirus, Sam Rictus, Charlie Schlingo, Tanxxx, Amandine Urruty, Willem et Winshluss. Comment quelqu’un, qui est aujourd’hui un des leaders mondiaux de la production d’huile pour moteurs et fritures, a-t-il trouvé le temps de se constituer une aussi impressionnante collection ? Si Édouard-Michel Méroll est friand de maxi-bénéfices, il est aussi astreint à la mini-sieste. Comme Néron, Ghandi, Jacques Chirac et beaucoup d’autres Français, M. Méroll utilise cette technique ancestrale qui permet de se reposer sept fois plus en quatre fois moins de temps. Tant que la Mélatonine ne sera pas en vente libre en France aurons-nous d’autres choix ? Toujours est-il que M. Méroll consacre une partie de son temps de sommeil, et celui de quelques assistants, au développement de sa collection d’objets d’art.

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C’est d’autant plus méritoire que bien avant la biennale d’art contemporain du Havre, Bande dessinée et art contemporain, la nouvelle scène de l’égalité, il a choisi de mettre en avant peintures, dessins, estampes, sculptures et vidéos issues de l’imagination fertile et débridée de bédéastes, d’illustrateurs, plutôt que d’artistes plus réputés comme ceux réunis avec tant d’à propos par M. Pineau au palazzo Grassi. Savez-vous si la FMAC a eu l’heur d’attirer tant les amateurs de bulles que le public cultivé ? D’ailleurs, devant la subtilité et la qualité des œuvres proposées, ne peut-on parler simplement d’art contemporain plutôt que de rester attaché à des sous catégories telles que la BD, l’illustration ? Il est vrai que dans le domaine de l’art, le transdisciplinaire est en train de prendre le pas. N’est-ce pas là, ce que nous appelons dans le monde de l’entreprise la diversification ? Ces deux mondes, l’art et l’industrie, sont intimement liés. À l’instar de la politique et des médias, du sexe et de l’argent ou encore de la poire et du fromage. Pour ce qui est du pont entre de la bande dessinée et de l’art contemporain, on me permettra de rester sceptique. Vous me pardonnerez l’image, mais cela me fait penser à un petit garçon tout nu en train de pleurer, courant désespérément après un slip qu’il ne trouvera jamais.


Vous êtes un des administrateurs des Requins Marteaux, la maison d’édition qui publie les monographies de tous ces artistes “Méroll”, elle-même couplée à un centre d’art albigeois. Votre consortium a également produit la mémorable exposition Supermarché Ferraille, hommage discret à la grande distribution, et coproduit Villemolle 81, le long métrage de Winshluss/Vincent Parronaud, un des rédacteurs en chef du magazine Ferraille Illustré, co-réalisateur de Persépolis et prix du meilleur album à Angoulême en 2009 pour son Pinocchio. Dans un secteur fortement concurrentiel (selon une étude sino-américaine une BD paraît en France chaque seconde) s’agit-il pour vous d’un redéploiement sur des secteurs stratégiques, d’une offensive de communication ? C’est vrai nous sommes sur tous les fronts, pas par excès de testostérone, (rappelons que la masse salariale de notre groupe est composée à 50,2% de femmes) mais simplement par goût de l’aventure. Nous venons tout juste d’ouvrir notre premier supermarché Ferraille au Brésil (Belo Horizonte) et sommes en train de finaliser nos contrats d’exploitation pour la Suède (Stockholm). Nous continuons donc de développer nos acquis. Nous avons également créé un joint-venture avec la société Ferraille essentiellement axé sur la prospection et l’exploitation artistique. C’est cette branche qui s’occupera dorénavant de toute notre production audiovisuelle. La FMAC, quant à elle, sous le contrôle des Requins Marteaux, spécule sur les artistes en devenir ou en fin de droits. BDCul (le numéro 1 de la BD de cul ) qui vient à peine d’être lancé dépasse déjà nos espérances... Nous ne nous redéployons pas ! Nous affirmons, couteau entre les dents, notre leadership.

En tant que spécialiste, expert, critique, historien et théoricien, on me demande parfois : la bédé, art ou industrie ? Question idiote : l’industrie est un art ! On reste pourtant parfois sidéré par l’audace de votre business model : des livres au façonnage luxueux pour des auteurs quasi inconnus, des ouvrages bankable imprimés dans l’arrière-cour d’un restaurant haïtien, des best-sellers en tirage limité, une revue, Ferraille Illustré, avec une périodicité à éclipse… Qu’est-ce qui fait courir Les Requins Marteaux comme des Bernard Tapie ? Nous ne laissons aucune place à la réflexion et nous n’avons pas peur du vide que nous allons laisser. C’est tellement facile d’avancer quand on est léger... C’est ce que me disait encore récemment Edouard-Michel Méroll, à dada sur mes épaules, alors que nous faisions l’accession du Mont Blanc. C’est un excellent exercice de team building que je recommande à tous ! Avez-vous déjà acheté le champagne pour fêter l’inéluctable victoire de Santa Rivera de Morvandiau, Mancuso et Arnal à Angoulême ce mois-ci, ou réservez-vous cette ligne budgétaire pour quelque chose de plus important ? Je mentirais si je vous disais que nous ne sommes pas émoustillés à l’idée de gagner un tel prix. Mais nous aurons la victoire modeste, nous célébrerons l’évènement au calva. Le meilleur bien sûr, cela va de soi. www.lesrequinsmarteaux.org www.artsfactory.net/galerienomade/fmac/index.html Jochen Gerner sera aussi exposé avec des « vrais » artistes là : http://kunsthallemulhouse.com/

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Herbier n°2 : Flocons de neige Par Sophie Kaplan Visuel : Denis Oppenheim, Annual Rings, 1968, 150 X 200 m, © Denis Oppenheim

Dimanche 19 décembre 2010. Alors que j’avais prévu d’aller à Saint-Gall avec mon Kangoo rouge poursuivre mon tour des centres d’art suisses, la météo est trop mauvaise et je suis bloquée chez moi, condamnée à regarder tomber la neige par la fenêtre. Alors je regarde la neige recouvrir le sol, laissant encore émerger ça et là quelques plaques de terre brune et d’herbe humide. Et je pense à la pièce de Roman Signer, Schneefleck (1). Schneefleck est un diptyque photographique en noir et blanc. Y est à l’œuvre un système où, comme très souvent chez Signer, la transformation des éléments se révèle lors d’un processus temporel. Sur la première photographie, on voit une plaque de neige sur une pente herbeuse, qui résiste encore à la fonte, île imaginaire et éphémère. Sur la seconde photographie seules les bordures de la plaque existent encore : l’île est devenu atoll. La neige est vivante. Alors je regarde la façon dont la neige en tombant souligne et découpe les branches noires et nues des cerisiers du jardin. La neige dessine.

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Et je pense à la pièce de Denis Oppenheim, Annual Rings (2). À Fort Kent, New Brunswick, la frontière entre les États-Unis et le Canada est une rivière. Cette rivière marque aussi le passage d’un fuseau horaire à un autre. De part et d’autre de cette ligne temporelle, politique et géographique, Denis Oppenheim a tracé de grands cercles concentriques, qui rappellent ceux des troncs d’arbres et qui disent le temps, celui qui s’écoule autant que celui qui pousse. Alors je regarde tomber les flocons. Je les compte et je m’endors en plein jour. Je me réveille, je commence à les classer en différentes espèces et je pense à la pièce de Carsten Nicolai, Snow Noise (3). Snow Noise est un laboratoire dans lequel le phénomène naturel et microscopique de formation des cristaux de neige est recréé. Dans des tubes cylindriques dont la température est portée à - 25°, les cristaux apparaissent en quelques minutes. Chaque cristal révèle une structure complexe, qui n’est jamais totalement identique aux autres. Sur le mur, un diagramme représente les différentes sortes de flocons et permet d’identifier à quelle famille appartiennent ceux en train de se former sous nos yeux. Métaphore de l’aléatoire comme processus et origine de la création, le rationalisme très scientifique de Snow Noise nous plonge néanmoins en pleine magie. La neige sourit. 1 – Roman Signer, Schneefleck, 1979, 2 tirages numériques noir et blanc, 2x (33 x 48 cm), collection FRAC Lorraine. 2 – Denis Oppenheim, Annual Rings,1968, 150 X 200 m. 3 – Carsten Nicolai, Snow Noise, 2002, tubes acryliques, boîtes en polystyrène avec tubes en cuivre, carboglace, éclairage, tables en acier et acrylique, wall drawing, gants, générateurs de son aléatoire, instructions, dimensions variables.


Bicéphale / 3 Par Julien Rubiloni et Ludmilla Cerveny

Il pleut des jours Il pleut des mots Il pleut la pluie Il pleut le jour Il pleut la mort Il pleut la nuit Il pleut l’amour Il pleut mon corps Il pleut ma vie Il pleut des jours La vie j’attends toujours

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cinérama 6 Par Olivier Bombarda

« Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d’autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. » Jean-Luc Godard

Abdellatif Kechiche, le 3 novembre au Forum des images :

2010, deux odyssées de l’espèce à retenir à l’heure des bilans de fin d’année : Vénus Noire d’Abdellatif Kechiche et Les Mystères de Lisbonne de Raoul Ruiz. Deux œuvres difficiles à voir et par conséquent peu vues. 
 ***

« Lorsqu’un film a du succès, c’est une affaire. Lorsqu’il n’a pas de succès, c’est de l’art. » Carlo Ponti 
 *** Vénus Noire d’Abdellatif Kechiche développe l’histoire de la Vénus hottentote, Saartjie Baartman, jeune femme d’ethnie khoisan, exhibée dans les cours d’Europe de 1810 à 1815 où elle est transformée en “bête de foire”. À sa mort, l’intelligentsia scientifique découpe ses parties génitales et exécute un moulage de son cadavre qu’elle expose au Musée de l’homme à Paris jusqu’en 1974.

Extrait 1 – « Ce personnage a envahi ma vie quand j’ai appris son histoire, toute sa douleur. Une histoire qui m’a tellement remué. C’est un personnage énigmatique et mystérieux, qui est aussi une vraie muraille. J’ai vraiment beaucoup de mal à en parler. Je crois que la meilleure façon, c’est de s’intéresser à ce personnage qui pour moi est très important dans notre histoire, qui nous apprend sur nous-mêmes, sur ce que nous sommes mais aussi sur notre regard, notre façon de regarder, de comprendre l’autre, sur notre relation à l’autre… » Extrait 2 – « Accéder à son moulage, c’est comme accéder à sa tombe : il concentre à lui seule toute la douleur de l’humanité ». Extrait 3 – « Il y a eu un outrage non seulement de son vivant mais deux cents ans après sa mort ; elle a été humiliée par des hommes dont on dit qu’ils sont l’élite intellectuelle. (…) Par son parcours, on réfléchit aussi à ne pas être donneur de leçon car à partir de son corps on a donné la leçon de l’inégalité des races ». Extrait 4 – « C’était pour moi un impératif de m’interroger sur ce que je suis en tant que montreur et d’interroger le spectateur, de m’interroger moi-même en tant que spectateur, qu’est-ce qui nous échappe, qu’est-ce que la réflexion du spectateur ? » Extrait 5 – « J’ai eu le sentiment que ce film a dérangé des gens sur des choses qui les avait traumatisés dans leur vie. » Extrait 6 – « Le film m’a obligé à parler de moi, de mon passé – je ne l’avais jamais fait – à parler de ce que je suis en tant qu’homme mais aussi de ma condition sociale, de ma condition d’immigré, de l’oppression du regard que j’ai ressentie, des choses qui m’ont traumatisé et dont je n’ai jamais eu le désir ou l’intention de parler. »

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Sur la crête Henri Walliser + Denis Scheubel

« Tout romancier, tout cinéaste, a au fond de lui un nombril du monde à exhiber. » Michel Audiard 
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« La connaissance de l’homme est à la base de tout succès. » Charlie Chaplin 
 *** Comme un ultime rattrapage, Les Mystères de Lisbonne de Raoul Ruiz obtient le Prix Louis Delluc 2010. Ce prix unique loue la beauté de la mise en scène et du romantisme qu’il ressuscite à partir d’histoires d’amours impossibles adaptées de l’écrivain portugais Camilo Castelo Branco. Dans le cadre d’une structure de récits emboîtés, le film dure quatre heures trente en salle, tient en six épisodes d’une heure pour la télévision. Raoul Ruiz : « Je préfère la version cinéma : la mise en scène est prioritaire. Il s’agit d’un film sur le temps et la durée : les personnages bougent dans un temps du XIXe siècle. » 
 *** Accusé de « préparer un film contre le régime portant sur les événements post-électéraux », Jafar Pahani, cinéaste iranien a été condamné dans son pays à six ans de prison et vingt ans d’interdiction de réaliser des films et de voyager à l’étranger. Le mot de Bernard-Henry Lévy est juste : Téhéran vient « d’inventer le délit de synopsis » et « a déclaré la guerre à ses artistes et à sa société civile toute entière. » Jafar Panahi doit faire un pourvoi en appel de ce jugement. 
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« Renoncer à sa liberté c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs. » Jean-Jacques Rousseau

Fauteuil Club Laissez-moi vous présenter le fauteuil Club ou peu s’en faut, aboutissement de milliers d’années de recherches. L’indétrônable trône où des générations de princes devinrent rois. Le Totem de l’Est de l’Atlantique. Après avoir tourné autour le temps qu’il faut, je propose de s’y asseoir. Asseyez-vous ! Lovez-vous dans le cube de cuir, dans le mètre cube de centre du monde. A l’abri des vents solaires. Voilà ! Et maintenant que faire ? Ferons nous de cet endroit un vaisseau pour toutes les destinations imaginables ? (Attention on peut se faire peur à ce jeu là). Tout le nécessaire au voyage est là dans un rayon qui fait la longueur du bras. On peut aussi y hurler le nom de celui ou celle qu’on a attendu toute sa vie. Ce nom qui sort avec la moitié de nos tripes et larmes. Moi, j’aime bien tapoter le dossier avec mon dos en imitant des sons de chamanes. Infantile n’est-ce pas ? Les solutions viendront plus tard, avec la fumée aromatisée à l’armagnac, avec le retour des satellites et de leur vacarme. Quand il faudra renaître, descendre les poubelles, avoir des avis, mais pour le moment, assis en tailleur dans les murailles de cuir, je suis le Cathare, le sorcier, le goujat, je suis personne, j’invite qui je veux pour partir à la recherche de ce qui est perdu.

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Mes égarements du cœur et de l’esprit Par Nicopirate

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La vraie vie des icônes / 8 Par Christophe Meyer

Multimédiamnation Sans attendre le moment du Jugement Dernier, il semble que la sentence soit déjà tombée pour Michael Jackson, et sa condamnation, coïncidant avec son secret espoir, vivre pour toujours ou revivre pour toujours sous la forme réifiée dʼun mort-vivant, est actée par la main invisible du marché. Cette main invisible, gantée de blanc, agrémentée de sequins, écrit histoires et rumeurs folles. En voici la chronique, à venir, à démentir, à oublier, ou confirmer. Obscur ? : dʼaprès le site Deadline Hollywood, qui dévoile cette information quelques jours avant la propice fête de Halloween, un accord pour porter le clip Thriller sur grand écran aurait été signé entre les sociétés de production GK Films et Summit (Twilight) dʼune part et Graham King associé à Kenny Ortega, réalisateur de This Is It, sans plus de précisions sur une date de réalisation ou de sortie. Lumineux ? : le Cirque du Soleil, entreprise de spectacle québécoise détenue en partie par le fond dʼinvestissement Dubaï World annonce un spectacle ambulant Michael Jackson The Immortal World Tour, dont les premières dates sont affichées pour octobre 2011, à Las Vegas pour 2012. Adoubé par les exécuteurs testamentaires de MJ, ainsi que par sa mère, le projet du spectacle, dʼaprès le fondateur de la compagnie est de « faire revivre Michael Jackson grâce à des technologies de pointe ». Bouge de là ? : développé par Ubisoft, en grande partie à Castelnau-le-Lez, près de Montpellier (Cocorico!) le jeu vidéo Michael Jackson The Experience va permettre de mimer les danses et les chanson de MJ sur plusieurs plateformes à technologie de reconnaissance de mouvement (Nintendo, Wii, PS Move, etc). La main invisible de la marquetique apporte sa touche : une reproduction du gant blanc pailleté de sequins sera offerte aux premiers acquéreurs de ce jeu, lors du “Day One” de sa commercialisation, prévue pour le 25 novembre 2010.

Sobre ? : titré Michael, reproduisant en couverture un best-of iconographique (citations de Thriller, Off the Wall, Bad) du peintre Kadir Nelson, Sony a publié en décembre un CD dʼinédits, avec une version accompagnée dʼun T-shirt, au visuel non finalisé. Vision, pack de 3 DVD, 4h30 de clips accompagne lʼopération. Amour maternel ? : en conflit avec la major, Katherine Jackson sort via la fondation Jackson Secret Vault un inédit de 12 minutes, Opis None, contrefeu faisant le buzz. Icône gay ? : mise en vente par Pierre Bergé et Associés en 90 lots de photos dʼArno Bani, en décembre. Catalogue “collector” of course chez Colette, 220 pages.

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03.02 J 03.04.2011

médiapop + star★light

Edouard BOYER ¦ BUREAU D’ÉTUDES ¦ Philippe CAZAL ¦ Anne-James CHATON Daniel Gustav CRAMER ¦ Marcelline DELBECQ ¦ Martine DERAIN ¦ Krassimira DRENSKA documentation céline duval ¦ Ilse ERMEN ¦ Jean-Baptiste FARKAS ¦ Jochen GERNER HOIO ¦ Martin LE CHEVALIER ¦ Jan MANCUSKA ¦ Claire MOREL ¦ PLONK ET REPLONK Julien PRÉVIEUX ¦ Ricardo RENDON ¦ Pedro REYES ¦ Yann SÉRANDOUR TAROOP & GLABEL ¦ Saliou TRAORÉ ¦ V8

Tél. +33 (0)3 69 77 66 47 ¦ kunsthalle@mulhouse.fr www.kunsthallemulhouse.com


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EXPO

E D MA IEAC UEBWILLER IQUES DE G RTS CÉRAM A S DE N ÉE INSTITUT EUROP

04/02 - 03/04/2011 Moulin de la Blies 125 a. Blies - Sarreguemines. 10h à 12h et 14h à 18h. Tljs sauf lundi

— Jeunes créateurs... à Berlin Vous entretenez un lien avec la Moselle ? La capitale allemande constitue pour vous un terrain propice à la création ? Le Conseil Général de la Moselle propose des bourses de résidence à Berlin pour de jeunes créateurs vivant, travaillant ou étant originaires de Moselle. Le meilleur dossier se verra proposer une résidence dans la célèbre Künstlerhaus Bethanien ! Les candidatures sont à nous adresser pour le 25 février 2011.

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Renseignements / dossiers de candidature : Conseil Général de la Moselle DCTS / SACEET +33 (0)3 87 65 86 70 www.cg57.fr saceet@cg57.fr

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Plaisir Organique

Avec un second album et une nouvelle tournée, c’est le temps de la confirmation pour The Dø. À l’occasion de l’exposition que leur consacre Marianne Maric à La Boutique, à Strasbourg, Olivia Merilahti et Dan Levy reviennent sur une méthode organique qui accorde sa place au visuel.

Par Emmanuel Abela

photos : Marianne Maric

(avec la contribution de Sophie Ruch)

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The Dø, en concert le 16 février à la Vapeur, à Dijon ; le 17 à La Laiterie, à Strasbourg ; le 18 février à L’Autre Canal, à Nancy ; le 8 avril à la Rockhal, à Luxembourg www.thedo.info

Marianne Maric, exposition The Dø du 20 janvier au 17 février, à La Boutique, à Strasbourg 09 52 17 45 23 - www.laboutique-events.com

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Votre second album sort en mars. Il confirme votre éclectisme… Olivia Merilahti : Nous apprécions les grands écarts, tout en essayant d’être justes dans la représentation de ce que nous sommes. C’est un moyen de ne pas être catalogués : le public va découvrir de nouveaux arrangements et des couleurs sonores plus riches. Les nouveaux titres que vous proposez semblent être dans la continuité de ce que vous avez fait jusqu’à présent, on ne ressent pas de rupture ou de virage radical mais toujours cet esprit pop, avant-gardiste, voire ethnique ou tribal. Dan Levy : À l’affût des commentaires du public, nous avons pu lire tout et son contraire. Les avis sont partagés, certains parlent de « rupture totale », d’autres retrouvent bien notre esprit. Nous n’avions pas la volonté d’être exhaustifs dans les genres, on tient à garder une certaine liberté. O.M. : C’est une manière de laisser beaucoup de place aux surprises.

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Avez-vous découvert de nouvelles méthodes de composition ? D.L. : À l’époque de A Mouthful, tout était très nouveau pour nous, nous avons enchainé les musiques de films, de spectacles de danse contemporaine, de théâtre. Pour le nouvel album, tout est allé beaucoup plus vite, nous savions vers quoi nous voulions nous diriger. Nous travaillons ensemble de la même manière, nous avons réalisé l’album de A à Z avec une plus grande expérience. O.M. : … d’autant plus que nous avons pu, cette fois-ci, nous concentrer sur la réalisation de l’album sans nous laisser distraire par d’autres projets. Des morceaux ont-ils été écrits durant votre tournée en gardant ce principe d’instants récréatifs qui avaient conduit à l’écriture de A Mouthful ? D.L. : Olivia a la capacité de prendre une guitare backstage pour composer une chanson, à l’écart du groupe. Personnellement, j’ai besoin de plus de matière sonore et de réflexion.

O.M. : De cette manière, il y a beaucoup d’allers et retours entre nous. L’acte créateur est très organique, nous évitons les recettes formatées. Le succès du premier album a créé une attente particulière du public. Était-ce inhibant ou au contraire libérateur en terme de créativité ? O.M. : Nous pensons d’abord à nous, à notre satisfaction personnelle, en espérant que cela plaise au public. L’inhibition et la libération se succèdent, c’est une émotion étrange. L’amour que l’on place dans la musique ne change pas. D.L. : S’il existe une résistance, elle est autour de nous. La liberté, nous la prenons dès que nous créons, nous restons un groupe indépendant. Personne n’avait misé sur nous au tout début, pourtant le groupe a connu un réel succès fondé sur cette liberté. C’est sans compromis que nous avons appréhendé le deuxième album dont nous sommes toujours les producteurs.


Votre musique semble très visuelle. On suppose que le cinéma et les arts plastiques alimentent fortement vos compositions ? O.M. : Oui, intensément. Certaines choses que l’on a vues nous restent en tête, un sentiment, une émotion. Nous nous sommes sentis très proches de l’esprit poétique, presque violent, tout en restant réaliste, du film Onibaba [film réalisé par Shindo Kaneto en 1964, ndlr], qui a inspiré le clip d’Atlas par exemple. Concernant la danse, vous avez également collaboré avec le danseur et chorégraphe Vin Vandekeybus, pouvez-vous nous parler de cette rencontre ? O.M. : Nous affectionnons particulièrement l’univers de la danse. Nous étions allés voir l’une de ses pièces à Châtelet, et nous avons eu l’occasion de le rencontrer lors d’une interview croisée à Bruxelles. Comme nous trouvions ses vidéos de danse très réussies, nous l’avons sollicité. Il n’avait jamais réalisé de clip, c’était donc un réel défi !

Marianne Maric a réalisé la photo de votre nouvel album, pouvez-vous nous parler de sa rencontre ? D.L. : La rencontre avec Marianne Maric s’est faite à la suite d’une photo prise backstage lors de l’un de nos concerts, à La Poudrière, à Belfort. Nous avions adoré cette esthétique très spontanée. Par la suite nous avons gardé contact. Elle fait partie des artistes qu’on adore et qu’on défend. J’espère que nous aurons d’autres occasions de collaborer avec elle, c’est quelqu’un de très talentueux.

premier album. Ensuite, elle a accepté de nous suivre dans un endroit aussi isolé que la Finlande, sans connaître les lieux. Peu de photographes auraient accepté ce défi ! Ces instants étaient vraiment intimes dans un lieu isolé, familial, où je me rends chaque année pour me ressourcer. Un endroit secret, propice à une forme de magie. i

Ces photos pour votre nouvel album ont été réalisées en Finlande, était-ce une volonté de retour aux sources ? O.M. : Avec Marianne, nous sommes d’abord parties dans la nature près de Paris, nous avons fait des photos ensemble toute une journée, puis nous avons eu envie de réitérer cette expérience qui m’avait beaucoup plu. Nous désirions créer un univers qui puisse répondre aux photos du

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Robert Cahen, films + vidéos, 1973-2007 (2DVD + 1CD), écart production www.ecartproduction.net Robert Cahen. Narrating the invisible, exposition, du 29 janvier au 27 mars au ZKM à Karlsruhe – www.zkm.de

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Exposition à la galerie Lucien Schweitzer à Luxembourg à partir du 10 février www.lucienschweitzer.lu


Artiste discret et pourtant essentiel, Robert Cahen est l’un des pionniers de l’art vidéo en France. Deux expositions, au ZKM à Karlsruhe et à la galerie Lucien Schweitzer à Luxembourg, et une publication en DVD et CD nous offrent l’occasion d’une rencontre.

Montrer l’invisible par sylvia dubost

D’abord compositeur, formé auprès de Pierre Schaeffer, Robert est l’auteur d’une cinquantaine de vidéos, films et documentaires. Depuis L’Invitation au voyage en 1973, son œuvre, impressionniste et poétique, explore les mêmes fondamentaux : le voyage, les ralentis hypnotiques, le rapport au son. Les deux expositions et l’importante édition DVD et CD dont elle fait aujourd’hui l’objet ont fourni le prétexte à une longue conversation, qui nous a livré quelques éclairages, sur un parcours dont nous livrons à notre tour quelques bribes, forcément incomplètes… La musique… J’ai été formé avec le stage du Groupe de Recherche Musicale de l’ORTF de 1969 à 1971. J’ai appris le maniement des magnétophones, la théorie d’écoute des sons avec le solfège de Pierre Schaeffer, le traité des objets musicaux… Pierre Schaeffer

avait une classe au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris ; cette classe était un lieu de rencontre, qui ouvrait la musique concrète sur l’ethnomusicologie ou la musicothérapie. C’était aussi un lieu d’analyse, dont Pierre Schaeffer, François Bayle, Guy Reibel étaient les commentateurs et les professeurs, d’une certaine manière. J’ai tout appris grâce à cette musique, à cet apprentissage de l’écoute. L’image L’image était déjà présente parce que je faisais beaucoup de photo, et j’ai terminé mon stage de musique concrète en réalisant, à partir de photographies, un petit film sur le service de recherche et ceux qui y travaillaient. C’était une façon aussi de régler le problème avec le père symbolique qu’était Pierre Schaeffer… On a fait une projection pour présenter

Parcelles

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Il y a autant de concentration d’énergie dans le ralenti que dans la vitesse. peut, y inscris des choses très profondes. Je ne me censurais pas. C’est souvent plus difficile de faire la deuxième œuvre que la première. La première, on est libre, on veut tout faire. Dans la deuxième, on veut faire mieux et on se fout dedans, souvent. Avec le temps, on peut lire les choses inscrites dans le premier geste. Dans ceux qu’on fait par la suite, on se répète, on essaye. Surtout dans un travail poétique. le film aux 150 personnes du service. À la fin, Pierre Schaeffer a dit à ses assistants : « Vous donnerez un contrat à Robert Cahen. » J’ai eu la responsabilité de la cellule vidéo expérimentale du service de la recherche, la vidéo légère en quelque sorte. J’ai participé à des tournages, à des expérimentations, en allant par exemple dans des asiles psychiatriques pilotes pour travailler sur l’observateur observé, une des directions qu’avait pris le travail de recherche sur la communication de Schaeffer. Comme il y avait un Groupe de Recherche Image dans le même bâtiment que le Groupe de Recherche Musicale, je m’y suis faufilé. Il y avait là un truqueur universel, qui permettait de coloriser les images… J’ai pris goût à jouer avec les machines avec les techniciens. On pouvait manipuler l’image, la triturer, à partir de la vidéo et non du cinéma. Ce travail me rappelait celui que je pouvais faire avec la bande sonore… Schaeffer a été quelqu’un de très important pour moi. Tout ce que j’ai fait dans ma vie est inscrit dans ces premières années passées dans ces lieux.

De l’ORTF à l’INA Quand le service de la recherche a été supprimé, à la mort de l’ORTF, l’Institut National de l’Audiovisuel en a repris les missions d’archives, de formation professionnelle et de création pour les nouveaux programmes. Ce dernier service regroupait les gens de l’ancien service de la recherche. J’ai fait encore deux ans comme responsable de cette cellule vidéo expérimentale au sein de laquelle j’ai fait travailler des artistes connus, comme le peintre Olivier Debré, à qui on a confié des machines pour faire de la vidéo. Inviter des auteurs permettait de donner de la force à cette forme qui démarrait. On était vraiment aux débuts de la vidéo expérimentale en France. J’ai quitté l’INA en 76 mais je suis resté attaché au groupe. J’aidais Thierry Garrel à trouver des artistes, j’ai réalisé des petits numéros pour son émission Juste une image, des génériques musicaux pour des séries, des photos aussi. J’ai pu faire de la recherche. C’était une époque où on ne comptabilisait pas le temps. Pendant dix ans, l’INA a fonctionné avec une ouverture magnifique, dans la continuité de l’ORTF. La première œuvre J’ai réalisé mon premier travail vidéo, L’Invitation au voyage, pendant que j’étais au service de la recherche. Si on veut l’analyser, on peut dire que tout y est déjà… Quelqu’un qui ne sait pas ce qu’il fait, qui fait ce qu’il

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Le ralenti J’avais trouvé dans La Chambre claire de Barthes une phrase dans laquelle il disait : « ralentir pour avoir le temps de voir enfin ». Ce ralenti pour moi, c’est une façon d’agir sur l’image et de lui donner plus de temps. Filmer quelqu’un qui se déplace et retarder le moment où il arrive vers son but déclenche un imaginaire et un côté fictionnel. J’ai compris que le temps dilaté fictionne la réalité. C’est cette dimension que j’utilise quand je retiens le temps. Il y a aussi une part du suspense qui intervient, et, ce que disent les artistes, la part d’invisible. Je suis très préoccupé par cette mise en mouvement de l’image fixe. Une image fixe vient d’un moment arrêté du temps. Que s’est-il passé avant, que s’est-il s’est passé après ? Ce qui m’intéresse, c’est de partir d’une image fixe et d’apporter le mouvement. Dans une chorégraphie de Susan Buirge que j’ai filmée, Parcelle de ciel, j’arrête l’image pour montrer qu’elle est pleine du mouvement de la danse. […] Virilio parle de la vitesse. On sait bien que les opposés parlent de la même chose, d’une certaine manière. Je l’avais rencontré dans une émission de France Culture et on avait parlé de Hong Kong Song [vidéo réalisée en 1989, ndlr], de la vitesse d’une ville. Dans cette vidéo je la ralentis mais l’intensité est là aussi. Il y a autant de concentration d’énergie dans le ralenti que dans la vitesse. C’est peut-être ce qui nous lie.


L’eau Il y a toujours de l’eau, c’est vrai. J’aimerais dire : comme dans Tarkovski, qui est un des réalisateurs qui me touchent le plus, qui m’a fasciné et beaucoup appris. L’eau est un élément qui permet d’ensevelir, de submerger et de révéler. Dans Dernier adieu (1988), j’ai filmé la mer qui engloutit et fait ressortir des gens et des choses. Pour Tombe [installation vidéo, 1997, ndlr], j’ai compris que l’eau permettait aussi de ralentir. Dans Corps flottants (1997), je me suis servi de la déformation des corps dans l’eau : sans dénaturer l’image, on est déjà dans une transformation. J’aime bien l’idée de ce qui transforme. La production Pour certains projets, il me faut une équipe de cinéma. Repons (1985) avec Pierre Boulez était en vidéo, mais la construction demandait la présence de dix cadreurs professionnels. Pour l’installation Traverse (2002), où les gens marchent vers la caméra en plan fixe, il me fallait un technicien car le type d’image que je voulais demandait des réglages assez fins. Pour d’autres projets plus libres comme Sept visions fugitives (1997), je pars seul, je suis confronté à ce que je rencontre, et le travail se fait en post-production avec un monteur. Paysage d'hiver 02

Quand on tourne seul, s’inscrit déjà un point de vue, une façon de se positionner par rapport à la réalité, de s’approcher des gens, très personnelle. C’est vrai que la démocratisation de la caméra a facilité grandement mon travail de capture d’images et la possibilité de réalisation. La difficulté, c’est toujours de monter des productions. Je pars souvent sans finances, donc je ne peux pas emmener quelqu’un qui fasse la caméra pour moi, et que je puisse payer après. Pour Canton la Chinoise (2001), qui était quand même un projet soutenu, j’étais d’abord parti seul pour les images. Comme je voulais faire un documentaire sur la ville, j’ai dû demander à un documentariste, Rob Rombout, de venir m’appuyer. Il a toujours un cadreur quand il fait un film, mais comme nous n’avions pas les moyens d’avoir une équipe, nous avons partagé la caméra. L’écriture Rob Rombout dit qu’il y a toujours une écriture possible avant le tournage, même quand on ne connaît ni le lieu ni les gens. Ce peut être quelque chose sur la manière dont on va procéder. Si c’est un peu impressionniste, si on veut restituer ce que la ville dégage, on peut aussi l’écrire à l’avance, car on s’est renseigné. Je dois certainement

faire un peu de travail de préparation… Je suis un peu comme les artistes qui disent que lorsqu’on fait un projet, on y pense tout le temps. Je peux avoir l’impression de ne rien faire mais si je pense à ce que je vais réaliser, ça me travaille, ça me poursuit. J’ai intérêt à ce que cela m’obsède. Le trucage La grande leçon des débuts, c’est que les machines peuvent tout faire, mais qu’il faut que le spectateur oublie le trucage. Il doit s’intégrer à l’idée qu’on soutient. La déformation ne doit pas devenir quelque chose d’extraordinaire. L’important, c’est ce qu’elle signifie. Si on se sert d’une série de trucages comme d’un catalogue, le spectateur n’adhère à rien car il est sans cesse étonné de voir encore autre chose. Il est plus étonné par ce qui se passe dans l’image que ce que l’image veut raconter. Si on arrive à entrainer le spectateur non pas dans l’étonnement de ce que fait la technique mais dans la compréhension que cette technique soutient un propos, alors on est bien ! Le mieux c’est qu’il participe à ce qui se passe et qu’il colle à de petites bribes de sens… Je ne donne pas grand chose, non plus, je n’offre pas énormément à mon spectateur. Je lui suggère. i

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L’eau est un élément qui permet d’ensevelir, de submerger et de révéler. 59


KNAPP ÇA TOURNE !, exposition, du 21 janvier au 3 avril à la Galerie Stimultania à Strasbourg www.stimultania.org, 03 88 23 63 11

La galerie Stimultania consacre une exposition à Peter Knapp à travers les axes du cinéma et du mouvement. Un parcours en diagonale dans l’œuvre foisonnante de ce photographe, graphiste, peintre, cinéaste et vidéaste suisse, véritable touche-à-tout agissant.

PETER KNAPP, L’IMAGE AU PRÉSENT par caroline châtelet + emmanuel abela

Soixante dix-neuf. Il faut se le répéter et aller jusqu’à l’écrire pour se persuader qu’il s’agit bien de l’âge de Peter Knapp. Parce que rencontrant l’artiste pour évoquer son exposition à la galerie Stimultania, on a le sentiment d’être face à un jeune homme. Comme si toute sa trajectoire, de ses études à l’École des Arts Décoratifs de Zurich, à son poste de directeur artistique aux Galeries Lafayettes (1955-1959), puis au magazine Elle (1959-1966), ajoutée à ses parcours de photographe, de cinéaste et à ses activités d’enseignement et d’édition n’avaient jamais entamé sa passion et sa curiosité. C’est au sortir d’une discussion stimulante embrassant divers sujets, des piliers endommagés du centre Pompidou-Metz à l’anecdote sur l’arrivée à l’écriture de Marc Lévy, ou à l’incursion de la photographie aux Galeries Lafayettes, qu’on saisit mieux Peter Knapp. Prolongeant Susan Sontag qui disait qu’« Écrire sur la photographie,

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c’est écrire sur le monde », on oserait avancer que photographier, c’est être présent au monde. Et que cette présence passionnée doublée d’une acuité et d’un regard critique permanents, si Peter Knapp les doit en partie à sa pratique, il ne cesse de nourrir celle-ci en retour. Rencontre inouïe au premier étage du Café de Flore, à Paris. Avez-vous été surpris par le choix des œuvres sélectionnées par les commissaires de l’exposition Knapp ça tourne ! ? Ayant enseigné pendant douze ans, j’ai toujours eu le sentiment de recevoir autant que de donner. Revoir mon travail avec des choix ignorant ce que je fais actuellement et remontant jusqu’à quarante ans en arrière est une chose très amusante. Celui qui fait est dans ce qu’il fait et n’a pas souvent de regard sur le passé. Il est toujours dans le présent, avec des doutes, peut-être, mais

là où se trouve la tête, se trouve le cœur. Mais c’est aussi lié à mon âge : ayant eu beaucoup d’expositions, j’ai compris que lorsque je décide des œuvres, l’exposition prend toujours un peu le même chemin. Là, comme ce sont des personnes d’une autre génération que la mienne qui choisissent, le chemin est différent et ce décalage me plaît... Comment définiriez-vous ce chemin qui est le vôtre ? Je ne travaille pas sur une œuvre et n’ai donc pas l’idée d’une chose précise. J’ai plus le sentiment d’aller d’essais en essais, d’expériences en expériences. L’histoire n’étant pas séparée de nos vies et de notre création, elle amène d’autres outils avec lesquels je travaille. J’avance plus par curiosité que par égo, où alors je vais voir ce que donne mon égo dans le numérique, dans le film, dans le livre, etc. Mais je ne


fais pas cela pour mettre un cadre autour, je préfère qu’il n’y ait pas de cadre autour de mon travail... Au départ, j’étais artiste peintre. Ma vie en France a fait que j’ai été plus connu pour mon travail de graphisme que pour ma peinture. Puis, la photographie est arrivée et a été reconnue comme un art. Subitement être un artiste n’était plus uniquement être un peintre, cela désignait aussi le fait de faire des films, des photographies,... Les choses bougent et l’histoire est importante dans nos parcours. L’exposition vous amène-t-elle à jeter un regard différent sur certains de vos travaux antérieurs ? Pas tellement. Je suis rarement satisfait de ce que je fais dans le temps présent. Il faut que le temps passe pour que j’accepte mon travail. Sur le temps présent il y a toujours un décalage entre l’imagination et le résultat et je n’arrive jamais à faire mieux que ce que

j’imagine. Quand les choses ont vécu dans le temps, la comparaison avec le travail des autres m’aide à les accepter. À leur donner une certaine valeur. Est-ce pour cela que vous faites de la photographie, art permettant la captation du temps présent ? Je ne fais pas de la photographie, je fais de l’image. Si je dessine, photographie, filme, mets en page un livre, tout cela relève pour moi de la communication visuelle. Ce n’est pas parce que je sais peindre que je peins, parce que je sais photographier que je photographie. C’est parce qu’un ciel bleu est crédible en photo que je le photographie plutôt que de le peindre. Ce n’est pas l’outil qui me mène, c’est plutôt l’imaginaire qui me mène à l’outil. En même temps, le souci d’authentification n’est pas important pour moi et j’aime beaucoup cette phrase de Picasso « Quand je n’ai pas de bleu, je mets du rouge ».

L’important pour vous serait de faire ? Il y a une anecdote qui rapporte – et j’aimerais croire que c’est vrai – que lorsque Godard a montré Le Mépris à son producteur Carlo Ponti, ce dernier lui aurait dit que, aussi formidable que soit le film, il ne lui payait pas Brigitte Bardot sans attendre de voir son cul dans toutes les couleurs. Godard a donc filmé Brigitte Bardot sur un matelas en utilisant un projecteur avec un disque de toutes les couleurs tournant, ce qui donne une scène très importante. Godard a su réinterpréter la critique et trouver la solution... i

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Résidence La Ribot, danse / arts visuels, tout au long de l’année 2011 à Pôle Sud à Strasbourg www.pole-sud.fr

La Diva par sylvia dubost

Depuis les années 80, la Madrilène La Ribot explose avec humour les frontières entre danse et arts visuels. En résidence à Pôle Sud à Strasbourg tout au long de l’année, elle y poursuit la création de ses Pièces distinguées, qui ont fait d’elle une figure à part dans le monde de l’art.

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La longue silhouette nue se promène au milieu des spectateurs. Elle cherche une chaussure dans un coin, l’enfile, se ficelle comme un gros paquet avant de passer en bandoulière une de ces grandes étiquettes à bagage qu’on enroule autour de la poignée des valises à l’aéroport et de poser comme une Miss. Un peu plus tard, arborant un très seyant costume deux pièces en plastique transparent, elle lit le mode d’emploi d’un appareil inconnu. Tentant de s’y conformer à la lettre en dépit d’une mise en œuvre quelque peu complexe pour un corps humain, elle finira étouffée, la tête dans la jambe de son pantalon… Outsized Baggage et Manuel de Uso sont deux des 34 Piezas Distinguidas (Pièces distinguées) que La Ribot a créées entre 1993 et 2003. Des fragments, entre saynète, action et performance, qui l’ont rendu célèbre dans le monde entier, et aussi bien dans celui de l’art que dans celui du spectacle vivant. Modules autonomes, ses Pièces varient de 30’ à 7mn et du burlesque au tragique, du désespoir au dérisoire. Et bien que d’autres spectacles aux formats plus longs et d’autres performances leur aient succédés, elles restent la partie la plus significative de son travail. Née à Madrid en 1962, Maria Ribot commence par se former dans l’école de danse de son quartier, avant de poursuivre au Centre International de Danse de Cannes, à la Sommerakademie de Cologne, à Paris, New York et Madrid. Un parcours somme toute plutôt classique, au terme

duquel elle formera en 1986, sa propre compagnie de danse. « Puis, après sept ans de bons et loyaux services, résume-t-elle, je suis entrée dans une crise totale. » Elle crée alors un strip-tease de sept minutes, dans lequel elle enlève environ 40 couches de vêtements. C’est peut-être, sans qu’elle y soit rattachée, la première de ses Pièces distinguées… Désormais, elle se produira seule et explorera son propre territoire, entre performance, arts visuels et danse contemporaine. Une terra incognita dans l’Espagne du début des années 90. Dans ces Pièces distinguées, ainsi nommées en hommage à Erik Satie, elle interroge aussi bien le marché de l’art et l’économie du spectacle que l’absurdité du quotidien et la place de l’artiste dans la cité, sur un mode à la fois conceptuel et humoristique. Et elle est désormais La Ribot, comme La Callas ou La Begum. Car lorsqu’elle fume à travers un tuba ou qu’elle lit Don Quichotte nue en tricotant, elle est toujours très distinguée… L’humour est l’un des ressorts essentiels de ces Pièces, qui jouent souvent sur des associations incongrues, d’objets, de mots, de gestes, de même que la nudité quasi permanente, qu’elle s’est fixée ici comme contrainte. Celle-ci n’est cependant pas tant un sujet en soi qu’un moyen, accentuant le comique ou le tragique, créant une tension permanente avec le public que le rire vient libérer, soulignant le moindre geste, et faisant de La Ribot un simple objet de plus dans la performance, tout en la rendant intouchable…


Pieza Distinguida n°14, photo : Pau Ros

Ces curieux objets artistiques, La Ribot commence par les troquer contre des micros ou des costumes. Finalement, elle les vend 1000 € pièce à de « distingués propriétaires » (un seul par pièce). La Ribot fonctionne à l’économie. Maintenir l’activité d’une compagnie, la faire fonctionner à l’année, très peu pour elle. Fonctionnant toujours sans subventions, elle s’installe à Londres en 1997, où elle continue de créer ses pièces, toujours avec peu de moyens, des objets de peu de valeur. La Tate Modern lui commande, en 2003, une version intégrale de ses Piezas Distinguidas. Une performance de trois heures, Panoramix, qu’elle a présentée aussi bien dans les musées que les théâtres… la création des Pièces se poursuit, puisqu’elle a prévu d’aller jusqu’à cent (la quatrième série sera créée en mai

à Strasbourg), mais La Ribot se consacre aussi à d’autres spectacles, performances, vidéos et installations, où le rire est encore et toujours un moteur… voire un sujet en soi. En 2006, elle crée à Art Basel Laughing Hole, performance de 8h pour trois interprètes et neuf cents cartons. Titubant sur un sol jonché de cartons bruns, ils les brandissent, sans jamais cesser de rire. Au dos, des expressions tantôt politiques, tantôt poétiques, drôles ou complètement cryptées : « My Death », « My Guantanamo », « Fucking Audience », « Laughing Bar ». En 2008, elle forme dans Gustavia un duo burlesque au bord de la crise de nerfs avec Mathilde Monnier, la directrice du centre chorégraphique national de Montpellier. Quelle que soit la forme, La Ribot n’en finit pas d’explorer ce territoire au confluent et

d’interroger les mêmes sujets. Dans son avant-dernier spectacle, Llamame Mariachi, mi-projection vidéo mi-spectacle, créé en 2009, elle pose à nouveau la question de la place de l’art et de l’artiste… avec un bonnet de bain sur la tête. i Projection du film Treintaycuatropiècesdistinguées &onestriptease, présentation publique en présence de l’artiste, le 17 janvier à 19h à Pôle Sud et sur demande du 18 janvier au 18 février. Masterclass Speed dating, le 19 janvier de 18h à 20h30 à Pôle Sud Conférence avec La Ribot, le 20 janvier à 18h30, à l’École Supérieure des Arts Décoratifs Création de PARAdistinguidas, quatrième série des Pièces distinguées, les 18 et 19 mai au Théâtre de Hautepierre dans le cadre du Festival Nouvelles

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http://didascalie.net

Augmenter le théâtre par caroline châtelet

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photos : olivier roller


En résidence voici quelques saisons à la Filature à Mulhouse, le metteur en scène Georges Gagneré travaille sur la réalité augmentée. Une pratique qui bouleverse le rapport au plateau, en intégrant les nouveaux médias dans le processus de création des spectacles. On oublie souvent le caractère normatif du milieu professionnel et sa capacité à modeler le comportement, la pensée, le langage de chacun. La confrontation avec une personne ou une œuvre suffit pour rappeler ce formatage inconscient et y échapper, ne serait-ce que quelques temps... Ma rencontre avec Georges Gagneré a eu cette vertu, une fois dépassée la surprise produite par l’entretien... C’est que le metteur en scène a vraiment un langage déroutant. Et si ce vocabulaire s’explique autant par sa formation scientifique que par ses préoccupations, il n’a guère à voir avec les glossaires en cours dans le spectacle vivant. Mais à y regarder de plus près, son travail basé sur l’hybridation et l’écriture de spectacles avec de multiples médias – permettant l’ajout aux éléments réels tels les corps des acteurs, les décors, d’éléments virtuels – non plus. Et voir des artistes élaborer hors des sentiers battus leurs propres modalités de création s’avère véritablement stimulant, en ce qu’elles questionnent la pratique théâtrale dans son intégralité...

Sa compagnie, d’abord. Nommée Incidents mémorables, Georges Gagneré l’a dissoute pour lui préférer Didascalie.net, le concept de compagnie lui semblant difficile à maintenir : « En raison des obstacles à la construction d’une activité de création et de collaboration avec des partenaires dans une telle structure, j’ai décidé de changer les modalités et d’élaborer une problématique de plateforme, pour échanger horizontalement avec des partenaires. » Réunissant le plasticien Renaud Rubiano, le réalisateur sonore Olivier Pfeiffer, le compositeur Tom Mays, l’administratrice Emmanuelle Walter et Georges Gagneré, Didascalies. net « s’adresse différemment au monde théâtral, de manière beaucoup plus libre. » Favorisant « la dynamique d’accompagnement de projets », cette plateforme recense autant les créations des membres de l’équipe, leurs écrits, « les collaborations à long terme dans des projets de recherches que les interventions dans des réseaux tels qu’Iconoval à Strasbourg. » Si le nivellement dans la présentation des activités menées par les cinq acolytes est la caractéristique de l’outil internet, il contient également en lui-même « la question de la dématérialisation actuelle de la société ». Cette notion, ses répercussions ainsi que l’intégration des différents médias sur une scène, Gagneré les éprouvent concrètement sur le plateau. Et là où le théâtre relève d’un choix pragmatique, « le plus accessible en termes matériels pour interroger la société par un moyen ou par un autre », c’est le questionnement qu’il permet qui constitue sa passion : « C’est la question de Brecht. Comment comprendre et essayer de partager un regard sur ce qu’on est. Ce laboratoire d’interrogation de l’homme et de sa place dans le monde, c’est le plateau théâtral. »

Le laboratoire d'interrogation de l'homme, c'est le plateau théâtral. Après avoir travaillé sur des textes d’auteurs contemporains « permettant un dialogue direct avec eux sur leur matière » et, plus récemment, sur une libre adaptation des contes d’Hoffmann, Gagneré prépare Loin de Corpus Christi de Christophe Pellet. À l’aube de cette mise en scène, il explique mettre en place « un chantier ouvert, permettant l’élaboration de paradigmes complètement nouveaux. » Mais n’allez pas imaginer Gorges Gagneré comme un intégriste des nouveaux médias, les considérant comme indispensable au spectacle vivant. Lui-même rappelle qu’il « ne faut pas être idéologique. Le plateau nu est important également. Le vrai problème, c’est la question de la représentation : représente-t-on quelque chose pour produire une émotion avec très peu de moyens ou avec un dispositif important ? J’ai tendance à être dans la logique du plateau en tant que reflet du monde... Mais ce qui demeure essentiel, c’est de conserver la bonne distance entre ce qu’on raconte et ce qu’on emploie pour le faire. Et de ne pas utiliser les nouvelles technologies en réponse à l’angoisse de la création. ». i

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DEALING WITH CLAIR, théâtre, du 7 au 19 février au Nouveau Théâtre à Besançon – www.nouveautheatre.fr le 12 février au Granit à Belfort – www.theatregranit.com

L’illusion du réel par caroline châtelet

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image : design graphique Philippe Bretelle


Avec Dealing with Clair de l’auteur contemporain britannique Martin Crimp, le directeur du nouveau théâtre de Besançon Sylvain Maurice explore l’infiltration de la magie dans le réel. Rencontre.

Aujourd’hui, l’inquiétude domine. Alors que certaines petites structures culturelles sont fragilisées voire carrément mises en péril par les ajournements de votes de budget – certains conseils généraux préférant attendre les élections cantonales –, l’angoisse sourd aussi du côté des institutions. Et la mystérieuse convocation fin janvier par la Direction générale de la création artistique de tous les directeurs de Centres dramatiques nationaux n’augure rien de bon... Dans ce contexte préoccupant, la nouvelle création de Sylvain Maurice résonne étrangement : après une plongée en pleine magie noire avec La Chute de la maison Usher d’Edgar Allan Poe, c’est dans la magie blanche que le metteur en scène nous immerge avec Dealing with Clair. Partant d’une situation réaliste – la mise en vente par un couple de sa maison – la pièce révèle un univers contaminé par sa violence et ses paradoxes. Et lorsque le réel nous échappe, la magie blanche s’infiltre, dévoilant l’inquiétante réalité de notre monde... Pourquoi avoir décidé de monter Dealing with Clair ? J’y trouve un double intérêt, propre à l’écriture, aux thèmes de Crimp et à sa capacité à saisir l’immobilier comme une cristallisation des problèmes du capitalisme. Le contexte d’écriture de Dealing with Clair correspond à la dérégulation du marché immobilier des années Tchatcher. Sans faire un théâtre volontairement politique, je suis en tant que citoyen engagé dans mon temps et je trouve que cette pièce produit un écho intéressant avec notre période contemporaine. Il y a quelque chose de vertigineux dans la crise que nous traversons actuellement et Crimp, en abordant l’immobilier comme une métaphore de toutes les tensions d’une époque, touche à cela. Tout en mêlant avec son génie le collectif à l’individuel...

Dealing with Clair est peu connue en France, ce sont plus ses dernières pièces qui sont montées... Son écriture a évolué et il dit lui-même qu’il n’écrirait plus aujourd’hui des dialogues si naturalistes. En même temps le naturalisme crimpien est très stylisé et beaucoup d’auteurs dits naturalistes lui refuseraient certainement cette étiquette... Crimp travaille de façon musicale, ce qui est une fausse manière de rendre compte de la réalité. L’anglais est une langue pragmatique, dont il accentue encore l’aspect concret et bien que le champ lexical soit restreint, il y a une vraie polysémie. Il utilise des leitmotivs, des répétitions, des analogies et c’est cette écriture obsessionnelle qui crée le monde un peu oppressant dans lequel les personnages évoluent. Peut-être entend-il par « naturalisme » l’installation précise dans un cadre géographique et social ? Il fait beaucoup cela dans ses premières pièces. Maintenant Crimp écrit un théâtre de parole – encore que certaines pièces inédites en français ne soient pas tant dans la parole que cela... Mais il est plus politique aujourd’hui, on sent que la guerre en Irak est passée par là. Après, si Dealing with Clair peut être vue d’un point de vue sociologique, le thème qui m’intéresse plus généralement est la réflexion sur le pouvoir maléfique de l’illusion. Crimp travaille avec les codes de la comédie sociale et la vrille de l’intérieur. Ainsi, on ne saura jamais si Claire, l’agent immobilier, a été assassinée... Quant à l’acheteur potentiel de la maison James, il peut être considéré comme un escroc, un serial-killer, mais il est également le personnage le plus ambigu et le plus attirant. Il ne cesse de revendiquer et de mettre en jeu l’ambiguïté comme un moteur puissant, permettant de ménager des éléments contradictoires tels l’apologie de l’anonymat et la rencontre charnelle des corps.

Vous disiez il y a quelques mois travailler sur la magie noire avec Usher et sur la magie blanche avec Dealing with Clair. Est-ce toujours le cas ? Je n’ai pas bougé d’un iota ! Avec Usher la maison est vivante, c’est ma dette à l’expressionnisme. Dealing with Clair, c’est l’inquiétante étrangeté dans la modernité. Il n’y a pas d’effet de projection dans le passé, c’est le monde d’aujourd’hui qui devient fou : vivre dans un studio au bord d’une voie ferrée ; vendre sa maison en sachant qu’elle est complètement pourrie ; avoir un type capable d’ensorceler une série de personnes... C’est cette espèce de violence du réel qui s’exprime. La violence de l’anonymat entendue comme une force et une faiblesse est particulière. Vous dites faire des hypothèses lorsque vous mettez en scène. Quelles hypothèses faites-vous ici ? Nous faisons une hypothèse importante qui est celle de l’humour. L’écriture de Crimp est drôle au sens de jubilatoire, c’est un rire qui se vrille. En ce qu’il s’intéresse à des situations, des personnages un peu bourgeois, son théâtre pourrait être qualifié de psychologique. Mais c’est un auteur complexe, drôle et il faut gratter derrière l’apparence formelle de son écriture pour en faire émerger la mécanique et les sens cachés. Contrairement au théâtre de boulevard qui est vide de contenu et où le plaisir provient de la mécanique elle-même, la mécanique ici n’est pas son propre objet. La perversion est dans la langue et Crimp tort les signifiés en fonction des situations. À ce titre il n’est pas toujours bien reçu en France, parce qu’on ne sait pas comment le classer : est-ce le Michel Vinaver des années 2000 ? Un auteur formel ? Un auteur de la tradition psychologique britannique type Harold Pinter ? Il est Martin Crimp, et nous devons nous frayer un chemin devant chaque singularité d’écriture... i

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QUE FAIRE ? (LE RETOUR), théâtre, du 5 au 22 janvier au Théâtre Dijon Bourgogne, à Dijon – www.tdb-cdn.com du 16 au 26 février au théâtre de la Manufacture à Nancy – www.theatre-manufacture.fr

On garde ? (les détours) par guillaume malvoisin

photo : vincent arbelet

Benoit Lambert continue sa traque d’une intelligence collective possible. Après We are la France et We are L’Europe, voici l’hypothèse revêche de l’émancipation quinqua. Que faire des penseurs enfermés dans l’hiver des livres ? De retour sur site, le metteur en scène de La Tentative convoque la fable et la liberté formelle. Revue de détours.

1 ~ Lucian Freud : « Dans la création d’une œuvre d’art, l’instant de bonheur parfait n’existe jamais. La promesse de cet instant est perceptible mais elle disparaît à mesure que s’achève l’œuvre. » Benoit Lambert semble être de ceux-là. Heureux au travail, nageant le dos crawlé dans les circonvolutions de la question et de sa réponse multiple. Repoussant le moment de la trouvaille au profit de la tentative. Sans doute susceptible de préférer l’instant de bonheur de l’esquisse. Les Anglo-Saxons ont un mot pour ce genre de brouillon préparatoire : sketch. Par ricochet langagier, c’est aussi la forme que prend Que Faire ? (le retour), le sketch. « Imaginons Pierre Etaix et Annie Fratellini, Karl Valentin et Liesl Karlstadt, ou encore un Tati et une petite tatie», s’amuse François Chattot en parlant du duo qu’il forme avec Martine Schambacher pour le petit conte philosophique tramé par Lambert. Convoqué par le mètre quatre-vingt de cet immense acteur qu’est François Chattot, le metteur en scène envisage autant ce music-hall de poche comme une pièce de guerre que

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comme un rapport d’émancipation. Du texte départ (On Garde ?) extrait du dernier spectacle, la règle du jeu aura imposé qu’il se mette en résonance d’autres. 2 ~ « essayons sans cesse, sous la règle, de découvrir l’abus. » Barthes. 3 ~ Revenons au sketch. Retour au dessin. L’abus serait peut-être celui-là, l’imagerie. Si elle est volontaire dans le jeune théâtre contemporain, elle fonctionne ici par emprunts pesés. La BD est présente d’évidence dans les spectacles de La Tentative. Si les deux opus précédents du duo Lambert/Massera têtaient le lait des comics américains, celui-là se gave de références moins testotéronées. Citons par esprit d’aventure Windsor Mac Cay, Calvin et Hobbes ou encore Winshluss. L’équipe

ajouterait de mémoire Peanuts ou Sempé chez qui on trouve « des gens très ordinaires qui se retrouvent face à un abîme politique ou métaphysique. » Dans la bulle allongée, et très réussie par Antoine Franchet, le duo Schambacher/Chattot donne sans férir du talon, du corps et de la voix. Placer l’équipée de deux clowns basophiles dans cette boîte hors sol permet de toucher à l’os l’idée pour assister à son incarnation. On est proche de l’évènement pur. Ces deux-là ne se contenteront pas de nous dire, ils vivront, penserons avec nous et nous redonnerons envie. De lire, de connaître, de prendre du plaisir. C’est un constat d’expérience que notifie Que Faire ? (le retour).


4 ~ Dieu est mort. Tant pis pour l’aide spirituelle. Il va falloir choisir le spritueux, se retrousser les manches et affronter la forme interrogative du titre (bonne surprise et ascendant pris sur les deux spectacles précédents). Interrogation qui frappe de facto les personnages après l’effraction domestique du premier livre à entrer dans leur foyer. Belle idée d’emboiter le paradoxe du livre dans celui du théâtre. Inutile mais surtout nécessaire. Benoit Lambert fournit ainsi son juke-box philosophique d’une pléthore d’éléments irréductibles. Nietzsche, Piaf et Jacques Rancière dans le même paquebot, gageons que chacun restera sur le pont. 5 ~ Benoit Lambert se jauge à l’écriture de plateau et colle l’idée d’inventaire à celle de réquisitoire. Inutile puisque Dieu est mort

mais terriblement nécessaire pour ceux qui iront voir les petites figurines fracasser avec jubilation et un courage indolent, la Révolution Russe, la Révolution Française et ranimer Joseph Beuys et les cendres de 68. 6 ~ « Le spectacle, c’est cela, c’est ce démêlement (…) c’est cette naissance d’un lieu clair où tout se comprend enfin » Barthes again.

meilleur par goût personnel) a été : Les Incompétents. C’est joli, cette idée de faire de l’homme de théâtre un homme sans outil, un homme-reflet, un homme par qui le poème transite. Un homme de clarté. Ce cabaret sauvage sous hypnose electropop nordique qu’est Que Faire ? (le retour) gagne ainsi sa vertu : soulever d’urgence la révolte avec le secours du plaisir et de l’éclaircissement. i

7 ~ Hume, hum. Le gars enquêtait sur l’entendement humain. Ici les hommes font l’expérience heureuse de la pensée par accident. Hors, peut-être de l’entendement. Chattot et Schambacher, sanglés dans leurs allures de Playmobil, saluent Descartes, remettent en joie toutes leurs conceptions acquises aux épisodes précédents et jouent la règle du chamboule-tout organisé par Malevitch. Un des titres provisoires (le

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Des Voix de la nuit, un cycle de rencontres sur les derniers témoins et l’art dans les camps nazis et vichystes de février à octobre 2011 à Strasbourg, Erstein, Colmar, Cernay, Orbey, Uffholtz et au Struthof.

Les Robes grises, pièce de théâtre à partir du 5 février à la Médiathèque André Malraux, à Strasbourg http://rodeodame.fr/

De février à octobre 2011, l’association Rodéo d’âme, nid de jeunes talents, nous propose un impressionnant panel d’évènements portant sur les derniers témoins et l’art dans les camps vichystes et nazis. Rencontre avec Claire Audhuy, directrice artistique et metteuse en scène.

DES TRACES DE VIE par nicolas leger

photo : pascal bastien

L’aboutissement de ce projet sur l’art dans les camps répond-il à un « devoir de mémoire » ? Il ne s’agit pas tant d’un devoir de mémoire que d’un travail de mémoire. C’est bien plus dynamique et intéressant. La notion de devoir, c’est un peu comme nous mettre un couteau sous la gorge en nous intimant : « souviens-toi ! ». Même si cette démarche résulte avant tout de l’inquiétude de l’oubli, qui nous importe énormément, nous avons fait le choix d’une autre approche. Ainsi, Des Voix de la nuit s’inscrit dans un diptyque initié avec un travail sur la mémoire de la Première Guerre mondiale. La question du legs de la mémoire se doit d’être pensée dès aujourd’hui dans la mesure où les survivants sont de plus en plus vieux et rares. Quoiqu’il en soit, un amnésique ne peut avancer dans la vie : d’où vient-on ? Qu’est-ce que l’existence nous a appris ? Perpétuer la mémoire est une nécessité pour se penser et avancer. Par exemple, il est inconcevable de supprimer l’Histoire dans les cours de terminale S ! Priver une partie non négligeable de nos concitoyens de ce qui fait leur passé et celui de leur pays est absurde. Nous élever contre cela est impératif.

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Quelles ont été vos craintes, vos appréhensions dans la préparation de ce projet ? L’art dans les camps de prisonniers et les camps de concentration est une problématique délicate. Il est aisé de la récupérer pour des esprits malavisés ou manipulateurs : des négationnistes ou des révisionnistes auraient vite fait de relativiser l’horreur de cette réalité. « Si l’on peut créer dans les camps, c’est que cela n’était pas si dur que ça ! » De telles réactions sont inenvisageables et il nous a fallu être très pointilleux. Les anciens déportés exprimaient une réelle réticence à parler de tout cela. N’oublions pas que les nazis euxmêmes avaient mis en place le camp-vitrine de Theresienstadt où l’on faisait croire aux comités internationaux que les détenus pouvaient y jouer de la musique ou y faire du théâtre. Nous montrons d’ailleurs dans l’une de nos expositions un film tourné clandestinement par la Résistance dans ce camp à l’aide d’une caméra passée en pièces détachées, puis remontée sur place. L’horreur de l’envers du décor est très évocatrice au regard du film de propagande

réalisé par les nazis. Ces gens risquaient leur vie pour ces créations, notamment en milieu concentrationnaire. Comment avez-vous réussi à collecter des témoignages sur cette question de l’art dans les camps ? Lors de l’élaboration du projet, nous avons fait des appels à témoins : ce sont eux qui sont venus à nous. Mais l’ouverture de ce point précis quant à la mémoire des camps, nous le devons à Germaine Tillion, ancienne déportée, et à la publication récente de son Opérette à Ravensbrück. Au cours de sa détention, elle a créé cette opérette, qu’elle lisait à ses codétenues, lesquelles complétaient son travail. À sa libération du camp, elle est parvenue à faire sortir son manuscrit caché dans un carton. Par la suite, elle fut témoin à nombre de procès et a continué son formidable travail d’engagement, notamment en Algérie. Il y a 5 ans, son manuscrit oublié au fond d’un tiroir a été publié, ouvrant ainsi de nouveaux questionnements et libérant la parole d’autres anciens déportés. Francine Christophe, déportée enfant à Bergen-


Belsen a alors témoigné à son tour. Elle nous a raconté qu’elle y avait réalisé une pièce de théâtre pour l’anniversaire de sa maman en août 1944. Parlez-nous de l’exposition Les Robes Grises à la Médiathèque André Malraux. Il s’agit d’une exposition d’œuvres clandestines concentrationnaires. Seront présentés 70 dessins de Jeannette L’Herminier et le manuscrit de L’Opérette à Ravensbrück de Germaine Tillion. Nous avons eu la chance de pouvoir collaborer avec le Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon et la Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg, qui ont sorti ces œuvres de leurs fonds. Le public pourra les découvrir pour la première fois. Ces dessins et cette opérette ont été faits au péril de la vie des auteurs. Trouver un simple bout de crayon ou le moindre support à dessin était alors éminemment courageux : on encourait la mort pour cela. Ce sont autant traces de vie dans ces lieux de mort. C’est une véritable invitation à s’interroger sur la fonction de l’art en tant que possibilité même de survie et de témoignage. En effet, c’est très émouvant de pouvoir contempler cette part d’humanité, fragile, contenue dans ces œuvres… Nous ne voulions pas que les gens cèdent à l’appréhension que suscitent les expositions sur cette période sombre : il n’y aura pas là d’images d’horreurs. Ce qui est justement exploré, c’est la part lumineuse et humaine qui a survécu à cette horreur indicible. L’art y est une condition même de survie : il nous faut méditer ce fait important. Ce sont des choses plus qu’émouvantes… Il y a dans l’horreur même une volonté de témoignage des déportés : vous pourrez, entre autres, voir des recettes de cuisine en apparence anodines. Mais en réalité, ces petits bouts de papiers sont des acrostiches, en regroupant les premières lettres de chaque ligne, apparaissent des noms de tortionnaires ou de dignitaires nazis présents dans les camps. Ces « re-

cettes » sont arrivées jusqu’à nous et ont rempli leur office. C’est à nous, jeunes générations, de porter ces voix qui s’élevaient dans la nuit. La richesse des évènements proposés est impressionnante : rencontres, lectures, expositions, créations musicales et théâtrales… Notre démarche repose en effet sur la multiplication des supports et des formes artistiques : chaque visiteur sera touché de manière différente selon les formes d’expression proposées. Varier ces outils, revient à varier les langues, de façon à se faire entendre de chacun.

nous avons cherché à élaborer une communication plus actuelle et dynamique que celle mise en œuvre habituellement pour ce genre d’évènements. Robert a posé des jalons historiques, vérifié la pertinence et la justesse historique des textes et surtout contextualisé tout ce que nous exposons. La gratuité de ces évènements, à l’exception de la pièce de théâtre à venir courant mars, était une de nos priorités. La gratuité est un formidable vecteur de démocratisation de la culture, au cœur de nos projets. De même, ce projet couvre toute l’Alsace, des villes comme des villages, moins favorisés culturellement par les institutions. i

Comment Robert Steegmann, votre conseiller historique, avec son regard plus scientifique, perçoit-il votre démarche plus en marge de celles engagées par les institutions ? Je pense qu’il est satisfait, même heureux, de toucher un autre public que la simple sphère des initiés. D’ailleurs

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Le Royaume des infrarouges, Festival Ososphère, Actes II, du 11 au 20 février, Môle Seegmuller à Strasbourg www.ososphere.org + www.gratin.org/as

Antoine Schmitt, démiurge de l’art par caroline châtelet

Tout artiste se confronte obligatoirement à une technique et une technologie.

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photo : olivier roller


Régulièrement invité à l’Ososphère, l’artiste Antoine Schmitt propose pour la douzième édition de la manifestation une nouvelle œuvre, sise dans le môle Seegmuller. Lorsque l’art algorithmique nous ouvre les portes du fantastique, Le Royaume des infrarouges promet de nous révéler la présence d’autres formes d’existence...

« Dès 16 ans, Antoine Schmitt est programmeur autodidacte sur sa calculatrice programmable. » Voilà l’une des phrases qui frappe lorsqu’on lit l’article wikipedia consacré à l’artiste. Interrogé sur la réalité de cette affirmation ce dernier confirme, expliquant y trouver là le « début de son intérêt pour le matériau qu’est la programmation. » Car oui,

première précision, Antoine Schmitt est un plasticien n’utilisant pas la peinture, la photographie ou la sculpture, mais la programmation. La considérant « comme un matériau artistique », c’est « avec cette matière [qu’il] manipule et fabrique » des œuvres, ce depuis 1994. Auparavant, et tout aussi surprenant que cela puisse paraître, Antoine Schmitt a été « ingénieur pendant une dizaine d’années. Travaillant dans des champs assez créatifs mais techniques », sa « vision était rationnelle, scientifique et technologique. » La découverte du monde de l’art, véritable « respiration », l’amène à amorcer un virage dans sa carrière. Il démissionne, quitte la Silicon Valley et reviens en France pour intégrer lentement un autre univers : « J’ai lu, fait plein d’expos. Étant plus dans le faire que dans le dire, tout comme dans le monde de la science je ne suis pas devenu chercheur mais ingénieur, je ne suis pas devenu théoricien de l’art. J’ai donc commencé à “faire”. Après avoir essayé plusieurs médiums – dessin, peinture, vidéo, photo –, j’ai compris que le moyen le plus rapide de réaliser une idée est d’utiliser ce que je connais le mieux, la programmation. » Ce choix naturel par la maîtrise de l’outil possédée, se fonde également sur « la liberté, nœud central de l’intérêt du programme comme matériau artistique. Un programme “agit”, ce qui permet d’établir un parallèle avec nous. La manière dont il se comporte questionne nos actes, renvoyant à des problématiques de l’ordre de la métaphysique, de la philosophie, de la psychologie et à la condition humaine au sens large. » N’allez pas pour autant qualifier Antoine Schmitt d’« artiste technologique », le plasticien jugeant cette appellation autant réductrice que pléonastique : « Je ne questionne pas la technique en tant que telle. Contrairement à des artistes dont le travail évoque leur confrontation à ce matériau, je n’en parle pas lorsque je m’en sers. De plus, tout artiste se confronte obligatoirement à une technique et une technologie. La sérigraphie

est très technique, par exemple... » On préférera, alors, employer le terme d’« art algorithmique », concept récent dans l’Histoire de l’art. « Si à son époque déjà Mozart a établi des systèmes de composition incluant l’aléatoire, c’est l’artiste français Nicolas Schöffer qui a posé le comportement électronique de la machine comme œuvre d’art, ce dès les années 50. » En tant que jeune médium, l’art algorithmique souffre d’un déficit de confiance, « le regard porté par le monde de l’art et de la critique étant peu important. Des passerelles commencent à s’établir, mais on voit rarement des œuvres interactives et génératives dans les musées. » Bien qu’immergé dans cet univers, Antoine Schmitt porte, lui, un regard d’une réelle acuité sur le monde de l’art et ses rapports avec l’industrie. Ainsi, le développement de certains liens entre ces deux champs s’explique selon lui « pragmatiquement, par les besoins de nouvelles idées pour l’industrie et la recherche de financement pour l’artiste. Cela crée des ponts, sans qu’il n’y ait parfois d’intérêt esthétique. Il n’y a aucune raison pour qu’un artiste soit innovant technologiquement et l’innovation comme moteur artistique est pire qu’un leurre : c’est une erreur. » Pour sa participation aux Actes II de la douzième édition de l’Ososphère, Antoine Schmitt investit aux côtés de toute une palette d’artistes le Môle Seegmuller. Là, dans ce bâtiment désaffecté situé sur la Presqu’île Malraux à Strasbourg, l’artiste propose Le Royaume des infrarouges. Écrite pour le lieu « après un repérage effectué sur place, cette nouvelle pièce parle des portes invisibles, des lieux habités par les fantômes. Abandonné depuis plusieurs décennies, l’espace lui-même dégage beaucoup d’histoire. Il y reste des traces de son passé... On sent qu’il y a des fantômes. » Une œuvre à venir, qui mêle à la technique physique – projecteurs et autres capteurs – le programme écrit pour l’occasion, Antoine Schmitt expliquant l’importance ici du terme « écriture » : « Le langage informatique est du texte, comprenant des mots normaux tirés du langage courant et des signes. Il y a deux façons de programmer aujourd’hui et la méthode traditionnelle consiste à écrire un texte performatif pour lequel on a une intention. Lorsqu’on appuie sur le bouton « exécuter », l’action se réalise. C’est fascinant, il y a un véritable côté démiurge dans la programmation... » i

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Ososphère, musique et arts numériques, du 11 au 20 février au Môle Seegmuller et à l’Aubette 1928 www.ososphere.org

An Ideal for Living par sylvia dubost

Pour sa douzième édition, l’Ososphère, manifestation indispensable autour des arts et cultures numériques, explore de nouveaux territoires urbains. Elle quitte le quartier strasbourgeois de La Laiterie pour une friche industrielle, bientôt transformée. Créant à sa façon, une cité éphémère idéale. Cette nouvelle édition d’Ososphère marque à la fois une continuité et un nouveau départ, pour elle-même et pour la ville dans laquelle elle a toujours tenu à s’inscrire. Contrainte de quitter, momentanément, le quartier de La Laiterie qu’elle bouclait le temps d’un week-end pour l’investir de sonorités électroniques et d’œuvres d’art numériques, elle n’en délaisse pas pour autant sa volonté d’habiter la ville, de la transformer et de la révéler. S’égrainant cette année tout au long de la saison, rompant

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avec ses habitudes et celles de ses spectateurs, elle en profite pour explorer d’autres territoires urbains. Elle avait déjà entamé son déploiement dans la ville en proposant des croisières sonores le long du Rhin et en installant des artistes à l’Aubette 1928, chef d’œuvre des avant-gardes architecturales au cœur de la ville. Des lieux qui charrient une partie de l’histoire et de l’identité de la ville. Pour l’acte II d’Ososphère 2.0 (le premier ayant eu lieu en septembre dernier), le festival s’est choisi un autre lieu

emblématique : le Môle Seegmuller, ou presqu’île André Malraux. Ici, à l’entrée du port, un gigantesque entrepôt désaffecté, majestueuse architecture industrielle entrant presque dans la ville, est fermé au public depuis des années. D’ici quelques mois, selon la volonté de la municipalité, il doit devenir un nouveau cœur de ville et ouvrir sur les quartiers qui vont s’élever le long du Rhin. Un patrimoine appelé à se transformer, qui devient aujourd’hui le symbole du futur urbanistique de la cité, le nœud entre la ville ancienne et la ville nouvelle. Un lieu que l’Ososphère, en s’y installant, fait revivre et invite à habiter, une première et dernière fois. Des installations prendront place dans le silo, des performances seront programmées en soirée, des DJ’s accueilleront le public toute la journée dans le café « conversatoire » et des croisières sonores prendront le départ au pied du Môle, mis en lumière par le groupe Dunes et scénographié par Antoine Lejolivet, Paul Souviron et Christophe Greilsammer. On y croisera, comme à la maison, les artistes habitués d’Ososphère : Cécile Babiole, Pierre-Laurent Cassière, Thierry Weyd, Antoine Schmitt, Black Sifichi, Bertrand Planes… En résumé : le festival ouvre aux habitants un lieu remarquable de sa ville, y crée un espace de rencontre pour y interroger les pratiques artistiques les plus innovantes. Si l’Ososphère se veut un événement qui ressemble à la ville, on aurait surtout envie que la ville ressemble plus souvent à l’Ososphère. i


ROMÉO & SARAH, en concert le 28 février à L’International à Paris et le 5 mars au Noumatrouff à Mulhouse dans le cadre d’un plateau Herzfeld (avec Original Folks et Second of June)

Roméo & Sarah a été repéré comme l’un des espoirs hexagonaux en 2010. Ce duo, qui devient groupe sur scène, poursuit sa belle trajectoire vers les sommets.

La maîtrise de l’aléatoire par emmanuel abela

On se souvient des expériences menées en cours de physique en classe de seconde : des petits modules étaient propulsés les uns vers les autres ; de leur collision naissaient des trajectoires incertaines que le professeur figurait à l’aide de marqueurs. Parmi les élèves, deux catégories : les premiers opéraient mentalement des calculs, les seconds s’attachaient à la beauté des lignes tracées sur la table. On soupçonne Sarah Dinckel et Roméo Poirier, en élèves appliqués, mais parfois distraits, de s’être attachés à mener conjointement les deux opérations : la compréhension de la réalité physique des choses, tout autant qu’esthétique. Il n’est pas tout à fait innocent que ces deux-là se soient justement rencontrés au lycée. Aussi loin qu’ils se souviennent, leur premier travail d’écriture en anglais, « en binôme », date d’un commentaire d’œuvre rédigé à partir d’un tableau d’Edward Hopper. C’était au Lycée Fustel de Coulanges, à Strasbourg. « J’ai encore le document ! », s’amuse Sarah. Par contre, ils n’ont aucun souvenir précis de l’instant musical initial, tant les choses se sont faites avec naturel. Roméo avait bien participé à un certain nombre de groupes de lycée, mais sa pratique de la guitare date de cette période-là. « Un ami avait laissé un ampli chez moi, sa guitare et une pédale de boucles. Par curiosité, j’ai commencé à expérimenter des choses. » Il semble aujourd’hui que ces premières tentatives aient fortement marqué Roméo, tant l’usage des boucles continue d’obséder sa manière de construire ses morceaux

aujourd’hui. « Pour moi, la difficulté, c’est le format chanson. Les boucles collées bout à bout se suffisent parfois à elles-mêmes ! » C’est paradoxalement ce qui fait la singularité – et la force ! – du duo : des éléments mélodiques cherchent à trouver leur place dans des structures quasi conceptuelles. Plus inspirée par Television ou The Durutti Column que par Nancy Sinatra et Lee Hazlewood, la pop de Roméo & Sarah ne s’appuie pas sur des évidences, elle se construit pas à pas et se fraie un chemin mélodique avant de nous parvenir avec une conviction redoublée. Alors que le duo s’adjoint les services de deux musiciens du label Herzfeld pour la scène, le bassiste Mickael Labbé (Original Folks, Marxer,

photo : christophe urbain

Unfair To Facts…) et le clavier Paul-Henri Rougier (Original Folks) – « Ça s’appelle Roméo & Sarah, c’est parti de nous deux, mais aujourd’hui nous constituons un vrai groupe à 4 », insiste Sarah –, les morceaux prennent une amplitude nouvelle, se développant à l’infini, avec une dimension expérimentale qui s’appuie sur la force de l’aléatoire. Cette approche maniériste, loin des clichés du genre psychédélique, conduit le groupe vers des sommets : la réussite du premier album, baptisé Vecteurs et Forces – comme s’il émanait du cerveau d’un premier de la classe d’une section scientifique –, n’est qu’un jalon. Assurément, le choc subtil qu’il provoque en nous en annonce d’autres, inattendus et magnifiques. i

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LES TRINITAIRES JANVIER - MARS 2011

WWW.LESTRINITAIRES.COM

JANVIER

MARS

REDÉMARRAGE 22 Jan | 20:00

THIS IS A HELLO MONSTER !

+ CASCADEUR

12 mars | 21:00

FÉVRIER

ANNA CALVI

29 mars | 20:00

BEAT FOR SALE + MAPS & ATLASES + A SECOND OF JUNE 4 fév | 21:00

EHNAOUI/MAYAS + AGNEL/GAUGUET/NEUMANN + SILENCERS 30 mars | 20:00

PUISSANCE #05 5 fév | 22:00

POURQUOI EST-IL QUE DALLE PLUTÔT QUE RIEN ? 22-23 fév | 20:00

ERIK TRUFFAZ 4TET + ANNA AARON 9 fév | 20:00 SUUNS + MR FRED A + CHAPELIER FOU DJ SET 17 fév | 21:00

FESTIVAL LES NUITS DE L’ALLIGATOR : LEGENDARY TIGERMANN + JAKE LA BOTZ + BLOOD SHOOT BILL 24 fév | 20:00

ZOMBIE ZOMBIE PLAYS CARPENTER+ EL BOY DIE + DISAPPEARS FEAT S. SHELLEY SONIC YOUTH 19 fév | 21:00

MONTE LE SON ! #4 RELEASE PARTY ! 25 fév | 20:00

11 COASTER + DIRTY FONZY + UNCOMMONMENFROMMARS

mer 30 mars | 20:00

LES FEMMES S’EN MÊLENT : GLASSER + AUSTRA + THE BIG CRUNCH THEORY 31 mars | 20:00

LES TRINITAIRES 12, rue des Trinitaires 03 87 20 03 03 billetterie@lestrinitaires.com

Licences d’entrepreneur du spectacle : 1-1024928 / 2-1024929 / 3-1024930

Photo Traffic Quintet

Du

20

11

Cycle

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Conception : plmd.me

ARSENAL

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Mercredi 2 fév. — 20h00

Vendredi 4 fév. — 20h00

L’Ile solaire

Nosferatu - Murnau

CONCERT MULTIMÉDIA

JEAN�FRANÇOIS ZYGEL

Jeudi 3 fév. — 20h00

Samedi 5 fév. — 20h00 Dimanche 6 fév. — 16h00

Divine Féminin

Le Cirque

DRAME MUSICAL EN QUATRE TABLEAUX

FILM ET MUSIQUE DE CHARLIE CHAPLIN

Arsenal

t.bill. +33 (0)3 87 74 16 16

3 Avenue Ney – 57000 Metz

www.arsenal-metz.fr


audioselecta

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ESG DANCE TO THE BEST OF ESG FIRE RECORDS

Quel groupe d’artistes noirs a-t-il été enregistré par Martin Hannett, par ailleurs producteur de Joy Division et A Certain Ratio ? Quel groupe aux sonorités punk-funk séminales peut s’enorgueillir de compter parmi ses fidèles des artistes hip hop aussi différents que les Beastie Boys ou le Wu-Tang Clan ? Quel groupe du début des années 80 à New York est régulièrement cité comme l’influence ultime de LCD Soundsystem ? Assurément, le groupe ESG, constitué de trois frangines et d’une paire d’amis, fait partie de la grande histoire de la musique populaire, et il serait temps de le savoir. Une compilation, avec les titres phares et quelques versions remixes d’époque, devrait ouvrir une nouvelle voie aux amateurs du genre… (E.A.) i

(PLEASE) DON’T BLAME MEXICO CONCORDE – SAUVAGE RECORDS

La France est décidément un pays bien étrange. Elle est sans doute la seule à voir naître des artistes aussi singuliers que celui-là : Maxime Chamoux, on l’avait découvert au sein des luxuriants Toy Fight, mais avec ce side-project, il se révèle dans toute sa complexité. Avec un aplomb et une maturité incroyables, ce petit génie exécute un grand huit pop vertigineux, allant jusqu’à affirmer que Michel Foucault a sauvé sa vie, dans le cadre d’un EP qui fera date. Après, pour ceux qui croient à la mauvaise blague du moment, il suffit d’écouter les 2 mn que compte L’Ondée pour se rendre compte que le monsieur risque de s’installer durablement, en toute discrétion, dans notre paysage musical. (E.A.) i

FELA ANIKULAPO KUTI THE CONCRETES THE COMPLETE WORKS WRASSE RECORDS

Comment résumer près de 30 ans de carrière, retracée ici sous la forme d’une intégrale en 26 CD, si ce n’est en retournant à la pulsation originelle de l’inventeur de l’afrobeat. À l’égal de James Brown, le grand Fela a imposé avec une rythmique de feu une prise de conscience nécessaire aux siens. Ce chanteur, saxophoniste, chef d’orchestre et politique, l’a payé durement, mais la petite boîte noire qui réunit ses trésors – à écouter le live avec Ginger Baker, ex-Blind Faith, et le duo de batteries que celui-ci exécute avec Tony Allen – est le meilleur témoignage de son empreinte sur la culture de notre temps. (E.A.) i

WYWH – DISCOGRAPH

Depuis quelques années, nombre de groupes nordiques se révèlent sur la scène européenne. À l’image des Concretes, une formation qui connaît un succès considérable en Suède, les tentatives d’incursion continentale finissent souvent par payer. Et cela ne s’explique nullement par la blondeur et le sex-appeal d’une des chanteuses que comprend cette formation de huit membres, ni l’accent touchant de fragilité avec lequel elle nous sussure ses étranges mélopées. Non, l’electropop diffuse du groupe séduit jusqu’à ses propres failles, avec des envolées disco qui rappellent l’approche rafraîchissante de certains groupes anglais mid-eighties. (E.A.) i

ANNA CALVI ANNA CALVI – DOMINO

Sortie de nulle part, Anna Calvi fut très vite repérée l’an passé, grâce notamment à ses Attic Sessions faites maison et diffusées sur la toile. Avec, entre autres, une reprise du Jezebel de Piaf, tout en furie contrôlée, la jeune anglaise a fait tourner bien des têtes. Quelques concerts électrisants plus tard, la sortie tant attendue de son album éponyme constitue d’ores et déjà l’événement musical de ce début d’année. Les comparaisons avec PJ Harvey ou Jeff Buckley n’étaient pas usurpées : la jeune anglaise distille un rock revêche et grandiloquent, sur des chansons tantôt susurrées, tantôt sauvagement rugies. Influencée par Hendrix, Elvis, et donc Piaf, cette « guitar heroin » use de sa voix et de sa Fender comme si sa vie en dépendait. Il eut été dommage qu’un tel talent soit cantonné à la poussière du grenier familial... (M.R.) i

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QUI VIVE DE CHRISTOPHE MANON DERNIER TÉLÉGRAMME

Christophe Manon, né en 1971, se lança avec son compagnon Antoine Dufeu dans l’entreprise MIR, colossale revue de poésie qui atteignit 600 pages. Il nous rappelle dans Qui Vive que les mots d’ordre utopiques, le devoir d’éveil et de transport collectif (rêvons ensemble, debout mais casqués), ne sont pas vains. Il y a encore du boulot avant que ne s’établisse sur terre, la fraternité des clandestins, ces « camarades » auxquels le poète ne cesse de s’adresser et dont nous, lecteurs, faisons partie. Très marquée par la poésie des avant-gardes russes du début du XXe siècle, la voix de ce poète se faufile jusqu’à nous pour nous rappeler une exigence : rêver un autre monde, nous regrouper pour qu’il advienne. « Il est temps maintenant de dormir et de reposer en paix, camarade », conclut Qui Vive. Constat d’échec ou repos du vainqueur ? (G.W.) i

QUI VIVE CHRISTOPHE MANON

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LE CLUB

MANTRA

DE LEONARD MICHAELS

DE RODRIGO FRESÁN

CHRISTIAN BOURGOIS

PASSAGE DU NORD-OUEST

Sept hommes se retrouvent un soir chez l’un d’entre eux dans l’idée de former un club sans leurs femmes. Tout en dévalisant le frigo, en picolant et en fumant force joints, ils vont se raconter à tour de rôle des histoires intimes peu reluisantes. Derrière le masque de la réussite sociale se révèlent des hommes à la virilité tourmentée, assoiffés d’aventures et incapable de trouver un sens à leur relation conjugale. Avec ce roman dans lequel la parole et l’alcool coulent à flot, Leonard Michaels réussit brillamment un portrait tragi-comique très cru du mâle américain dominant : un être immature, tourmenté par les femmes et parfaitement inapte au bonheur. (P.S.) i

Monstrueux et tentaculaire, halluciné et hypnotique, labyrinthique et démesuré. Mantra pourrait aisément passer pour le roman d’un aliéné surdoué qui voudrait décrire la folie d’une ville chaotique, effrayante et pourtant fascinante : Mexico. Mais si Rodrigo Fresán n’a rien d’un fou, son talent d’écrivain éblouit et le lecteur se laisse volontiers emporter, balloter, malmener dans ce voyage à travers l’espace et le temps. De cette plongée dans une cité mutante, perpétuellement secouée de soubresauts annonçant le cataclysme final, le lecteur ressort hanté par des images, des sons, des lieux et des personnages, lointains échos d’une ville qui, se transformant en permanence, n’est déjà plus celle qu’elle était l’instant d’avant. Comme la vie elle-même. (C.S.) i

LE NAUFRAGÉ DU ZÓCALO DE FABRIZIO MEJIA MADRID LES ALLUSIFS

C’est avec son vieux blouson élimé sur les épaules que Pablo Urbina traverse la vie et s’apprête à fêter, seul et désabusé, son trente et unième anniversaire. Loufoque et cynique, Fabrizio Mejía Madrid dresse le portrait d’un homme viscéralement attaché à la ville de Mexico, mégalopole au bord gouffre qu’il voudrait fuir mais qu’il ne peut pourtant pas quitter, tant sa force d’attraction est puissante. Avec un humour noir réjouissant et un sens de la formule aiguisée comme la lame d’un couteau sacrificiel, l’auteur compose un chant d’amour, troublant et décalé, pour cette ville qui n’en finit pas de dévorer ses propres enfants. (C.S.) i

L’OISEAU CANADÈCHE DE JIM DODGE – CAMBOURAKIS

Un grand-père, persuadé que les rasades du whisky maison qu’il s’envoie plusieurs fois par jour le rendent immortel. Son petitfils, passionné par les clôtures qu’il plante tout autour de la propriété. Et Canadèche, un caneton sauvé in extremis par le duo et qui finit par devenir la plus grosse canne du monde. Trois compères dont Jim Dodge, facétieux et roublard, prend manifestement un immense plaisir à raconter l’histoire, pour le plus grand plaisir du lecteur, qui savoure ce roman drôle, profond et terriblement attachant. Un petit bijou. (C.S.) i


12 > 28 janvier 2011 Direction Julie Brochen

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comicselecta

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GUIDO CREPAX HISTOIRE D’O – DELCOURT

À l’égal de Manara, Guido Crepax reste l’un des maîtres incontestés de la bande dessinée érotique italienne. Les rééditions de ses ouvrages trouvent naturellement leur place dans la collection Erotix, initiée chez Delcourt, autour des chefs d’œuvre du genre. Ce que cet auteur singulier a peut-être de plus que certains de ses collègues, c’est cette manière unique de traiter le corps, le déformer, le contorsionner, au point que la figure d’origine ne s’efface, perdue au milieu des lignes. Si on admettra une rapide lassitude à l’évocation des situations à répétition, vaguement masochistes, que contient le roman original, la représentation du visage d’une jeune femme, de ses yeux, de ses lèvres ou de ses fesses, donnent envie qu’on s’y attarde longuement et qu’on revienne pour des plaisirs formels comme seul sait les provoquer ce coquin de Guido. (E.A.) i

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BLUDZEE

JEAN-LOUP

DE TRONDHEIM – DELCOURT

DE BENOÎT FRÉBOURG – DELCOURT

Conçus originellement pour les téléphones mobiles, les strips de Bludzee de Trondheim sont réunis dans un tome luxueux au format à l’italienne. À la découverte du monde citadin et de ses atrocités, avec des chutes sanglantes et désopilantes pour pas moins de trois cent soixante gags, les aventures du candide petit chat noir répondent à une trame rocambolesque. Même s’il avoue avoir « trimé comme un bœuf » pour dessiner ses vignettes, Trondheim ne s’arrête pas là. Un projet consacré au compagnon de Bludzee, Markus, est en cours pour une série animée. Personne ne s’en plaindra. (O.B.) i

Benoît Frébourg produit un conte autour d’un môme, « Jean-Loup » qui, après avoir traîné les pieds pour partir en vacances dans la forêt de ses grands-parents, découvre un univers fantastique. Haut en couleurs tant d’un point narratif que stylistique, l’album suit un rythme obsédant tendu par des révélations progressives sur les personnages. Chaque page dévoile le puzzle d’un mystère toujours plus grand. Touchant aux relations intergénérationnelles, l’histoire navigue entre douceur et noirceur, sublimée par un goût pour l’étrange qui dissémine des touches d’une poésie réjouissante et sans conteste originale. (O.B.) i

PARACUELLOS

BARRACUDA

DE GIMENEZ – FLUIDE GLACIALE

DE JEAN DUFAUX – DARGAUD

Il est parfois bon de se replonger dans des classiques. Dans les années 80, la série Paracuellos, nous rappelait que le fascisme en Espagne, c’était chose récente. Pour ceux qui avaient vécu leur scolarité en institution catholique, l’hypocrisie ambiante et leur déploiement des bons sentiments leur étaient familiers, mais ils découvraient que d’autres, notamment les petits orphelins de l’Assistance Publique avaient vécu sous Franco des brimades autrement plus traumatisantes. L’auteur Gimenez parlait en connaissance de cause, puisqu’il avait lui-même fréquenté l’un de ces foyers, baptisé Paracuellos. De volume en volume, une forme de complaisance s’installe, mais certaines planches conservent intacte, près de trente ans après leur publication, toute leur force d’évocation. (E.A.) i

Avec le dessinateur Jérémy – disciple talentueux de Philippe Delaby –, Jean Dufaux, scénariste-gourou d’aventures, pour lequel le pouvoir, la folie et le regret sont les enjeux centraux, ressuscite l’épopée de pirates sanguinaires dans cette nouvelle série Barracuda. Premier tome d’un triptyque, Esclaves raconte le parcours de trois adolescents, celui de Maria et Emilio faits prisonniers, puis vendus par le capitaine Blackdog, et le trajet de son fils blessé, Raffy. Dans cette exposition tout est affaire d’élégance : les dialogues et les dessins impeccables laissent filtrer l’intelligence d’une saga où les ambiguïtés, les violences et les rancœurs forment le nœud d’une intrigue captivante, loin de tout poncif. (O.B.) i


conception graphique populardesign.fr

EXPOSITION

18 > 23 Janvier 2010

Saison hors les murs / Centre culturel André Malraux

On n’est pas là pour...

(disparaître)

De Olivia Rosenthal mise en scène Christine Koetzel CRÉATION Avec Heidi Brouzeng, Anne Dupagne, Agnès Guignard et la voix de Henri Degoutin Musiciens Michel Deltruc (batterie), Louis Michel Marion (viole de gambe, contrebasse)

Du 4 fév. au 5 mars

du mercredi au samedi de 15h à 19h

Scénographie Guy Amard, lumière Olivier Irthum, son François Dietz, costumes Éléonore Daniaud, assistant à la mise en scène Florent Golfier, regard chorégraphique Marie Cambois Coproduction Centre culturel André Malraux, Scène nationale de Vandœuvre-lès-Nancy, Théâtre de la Manufacture CDN de Nancy-Lorraine, Cie Echo / Avec le soutien du TGP Frouard, Transversales-Théâtre de Verdun, la DRAC Lorraine, le Conseil régional de Lorraine, la SPEDIDAM, le conseil général de Meurthe et Moselle

La Chaufferie

Sans raison apparente, Monsieur T. a poignardé sa femme avant de s’enfuir dans le jardin des voisins. Un examen psychiatrique met en évidence une manifestation possible de la « maladie de A ». Une pièce optimiste et désespérée qui interroge le rapport de l’homme au langage.

Galerie de l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg – 5, rue de la Manufacture des Tabacs

ma, me, ve à 20h30, je, sa à 19h, di à 16h30 Plein tarif 20 €, réduit 15 €, jeunes 9 €

On y va en bus ! avec Véolia Transports Navette gratuite A/R

nest-theatre.fr

+33 (0)3 82 82 14 92 CDN de Thionville Lorraine direction Jean Boillot

Le Nord ESt Théâtre, CDN de Thionville-Lorraine, est subventionné par le Ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Lorraine, la Ville de Thionville et la Région Lorraine

Locations : nouvel espace, nouveaux horaires coté jardin du lundi au vendredi de 12h à 19h mercredi de 10h à 19h et le samedi en période de spectacle 15h à 19h

www.theatre-manufacture.fr / 03 83 56 15 00

2 › 9 février Théâtre en Bois › Thionville d’Isaac Babel mise en scène Irène Bonnaud musique originale Franck Seguy | création

www.esad-stg.org/chaufferie Prochaine exposition : Nicolas Herubel (du 18 mars au 26 mars)

nest-theatre.fr

+33 (0)3 82 82 14 92 CDN de Thionville Lorraine direction Jean Boillot

Le Nord ESt Théâtre, CDN de Thionville-Lorraine, est subventionné par le Ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Lorraine, la Ville de Thionville et la Région Lorraine

En partenariat avec le Studiolo

19 › 22 janvier Beffroi › Thionville 25 janvier Salle Victor Hugo › Fameck 1er › 3 février IRTS › Metz (Ban-St-Martin) re-création | d’après Molière adaptation et mise en scène Jean Boillot


dvdselecta

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TAMARA DREWE

LE MONDE SUR LE FIL

DE STEPHEN FREARS – DIAPHANA

DE RAINER WERNER FASSBINDER CARLOTTA

Débarquant dans le village de son enfance, l’élégante brunette au nez refait, Tamara Drewe (Gemma Arterton) fait tourner la tête des hommes et déstabilise une communauté paisible. En adaptant le roman graphique de Posy Simmonds, Stephen Frears poursuit sa carrière de cinéaste caméléon. Comédie frivole et drame des passions humaines, le film navigue entre ironie et vulgarité, mensonge et mélancolie, pour une savoureuse critique d’une classe de privilégiés britanniques. Malgré un aspect formel plutôt académique, le discours reste quant à lui toujours pertinent. (O.B.) i

TOURNÉE DE MATHIEU AMALRIC – FRANCE TÉLÉVISION

Quelques semaines après les bilans de fin d’année, on peut l’affirmer : le film de Mathieu Amalric a égayé 2010. Dans une production française en pleine détresse, il a montré qu’il était encore possible d’aborder les choses avec une forme de sensualité. La mode du New Burlesque passera peut-être, mais il restera ces images éternelles de Mimi Le Meaux et de ses amies ; avec leurs formes rubéniennes, elles prouvent à ceux qui tenteraient de chercher à nous faire douter que le corps reste quelque chose d’accessible et de mouvant – pour ne pas dire d’émouvant. Le cinéma, à l’heure du tout visuel, garde cette capacité à nous révéler ce corps ; l’incarnation à l’écran se doit d’être faite de chair, et Mathieu Amalric en cinéphile le sait bien. Indirectement, il nous dit une chose insensée : le cinéma est possible. Et en cela, de voir et revoir Tournée (y compris en DVD) conduit à une forme de jubilation permanente. (E.A.) i

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STONES IN EXILE DE STEFAN KIJAC – PROMOTONE

Quand, au printemps 1971, les Rolling Stones décident de s’installer en France, ils ne se doutent guère qu’ils vont se retrouver confrontés au pire d’eux-mêmes. Tout a été dit sur la villa Nellcôte que loue Keith Richards à Villefranche-sur-Mer, et le meilleur a été écrit, mais dans Stones in Exile, la plongée se veut également visuelle. Les images sont superbes, l’évocation des lieux est terrifiante, et en même temps, loin du mythe, à quoi a-t-on affaire ? À l’enregistrement d’un grand disque par le meilleur groupe de blues d’alors. Les Stones ont sans doute poussé loin leurs limites, et ils ne sont pas au bout de leur étrange odyssée, mais leur passage en Méditerranée a été déterminant pour leur propre histoire, et l’histoire du rock. (E.A.) i

Faut-il croire que le célèbre réalisateur allemand cherche à nous livrer ses secrets près de trente après sa disparition ? Avec ce film, nous découvrons sans doute l’un des chefs d’œuvre d’anticipation malheureusement oubliés, au cours d’une période, le début des années 70, qui en était pourtant friande. Tout Fassbinder s’y trouve presque résumé : son approche maniériste, cette esthétique très poussée qui anticipe de près de dix ans sur la froideur des années 80. La vision de Sur le Fil perturbe tout ce qu’on pouvait affirmer jusqu’alors à propos d’un cinéaste qui ne cessera de nous échapper. À jamais ! (E.A.) i

ONCLE BOONMEE, CELUI QUI SE SOUVIENT DE SES VIES ANTÉRIEURES D’APICHATPONG WEERASETHAKUL PYRAMIDE VIDEO

Palme d’or 2010, Oncle Boonmee est une ode poétique inspirée de la culture thaïlandaise, lieu privilégié de croyance en la réincarnation et autres fantômes, une manne éminemment graphique qui forge l’un des sujets principaux du film. Le croisement de diverses influences comme le conte, les comics ou encore le cinéma populaire thaï, parachève une œuvre sensualiste et étrange qu’il convient d’admirer en spectateur naïf, curieux, prêt à se laisser désarçonner par l’absence des canons d’un cinéma mondialisé sans goût, ni odeur. (O.B.) i


Illustration : Jochen Gerner — Alphabet Momix Daniel Depoutot



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