numĂŠro 10
09.2010
gratuit
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Direction Guy Pierre Couleau
Centre dramatique régional d’Alsace
29.09 – 01.10. 2010 La Route vers la Mecque 11.10 –15.10. 2010 Le Meunier hurlant 13.&14.10. 2010 Eugène O’Neill Tr i p t y q u e 20.&21.10. 2010 Ismène 16.11 – 03.12. 2010 Hiver 22.&23.11. 2010 Caterpillar 09.&10.12. 2010 Absinthe 16.&17.12. 2010 L’ I l l u s i o n comique 12.&13.01. 2011 La Cerisaie 17.01 – 21.01. 2011 Oripeaux 02.&03.02. 2011 Mon amour 08.02 –11.02. 2011 Y es-tu ? 16.&17.02. 2011 La Duchesse de Malfi 09.03 –11.03. 2011 J’ai la femme dans le sang 15.03 –24.03. 2011 Les Bonnes 29.03 – 02.04.& 12.04 –15.04. 2011 Le Pont de pierres et la peau d’images 06.04 – 08.04.2011 Moulin à paroles 06.04 – 08.04. 2011 Le Chemin des passes dangereuses 12.&13.04. 2011 Récit de la servante Zerline 10.05 –13.05. 2011 Bluff
Comédie De l’Est 03 89 24 31 78 w w w. c o m e d i e - e s t . c o m Comédie De l’Est 6 route d’Ingersheim 68027 Colmar
ours
sommaire numéro 10
Directeurs de la publication et de la rédaction : Bruno Chibane & Philippe Schweyer Rédacteur en chef : Emmanuel Abela emmanuel.abela@mots-et-sons.com u 06 86 17 20 40 Direction artistique et graphisme : starHlight Ont participé à ce numéro : REDACTEURS Cécile Becker, Olivier Bombarda, Benjamin Bottemer, Caroline Châtelet, Baptiste Cogitore, Sylvia Dubost, Nathalie Eberhardt, Magali Fichter, Virginie Joalland, Kim, Christophe Klein, Nicolas Léger, Guillaume Malvoisin, Stéphanie Munier, Adeline Pasteur, Nicolas Querci, Marcel Ramirez, Matthieu Remy, Sébastien Ruffet, Catherine Schickel, Christophe Sedierta, Fabien Texier. PHOTOGRAPHES Vincent Arbelet, Pascal Bastien, B. Bellabas, Olivier Legras, Julien Pétin, Christophe Urbain. CONTRIBUTEURS Bearboz, Catherine Bizern, Dupuy-Berberian, Ludmilla Cerveny, Christophe Fourvel, Sonja Haegeli, Sophie Kaplan, Christophe Meyer, Henri Morgan, Julien Rubiloni, Denis Scheubel, Louis Ucciani, Vincent Vanoli, Henri Walliser, Sandrine Wymann. RELECTURE Caroline Châtelet. PHOTO DE COUVERTURE Sophie Pouderoux. www.sophiepouderoux.com Retrouvez entretiens, photos et extensions audio et vidéo sur les sites novomag.fr, facebook.com/novo, plan-neuf.com, mots-et-sons.com et flux4.eu Ce magazine est édité par Chic Médias & médiapop Chic Médias u 12 rue des Poules / 67000 Strasbourg Sarl au capital de 12500 euros u Siret 509 169 280 00013 Direction : Bruno Chibane u bchibane@chicmedias.com 06 08 07 99 45 Administration, gestion : Charles Combanaire médiapop u 12 quai d’Isly / 68100 Mulhouse Sarl au capital de 1000 euros u Siret 507 961 001 00017 Direction : Philippe Schweyer u ps@mediapop.fr 06 22 44 68 67 – www.mediapop.fr IMPRIMEUR Estimprim ~ PubliVal Conseils Dépôt légal : septembre 2010 ISSN : 1969-9514 u © NOVO 2010 Le contenu des articles n’engage que leurs auteurs. Les manuscrits et documents publiés ne sont pas renvoyés. ABONNEMENT www.novomag.fr novo est gratuit, mais vous pouvez vous abonner pour le recevoir où vous voulez. ABONNEMENT France 6 numéros u 40 euros 12 numéros u 70 euros ABONNEMENT hors France 6 numéros u 50 euros 12 numéros u 90 euros DIFFUSION Vous souhaitez diffuser novo auprès de votre public ? 1 carton de 25 numéros u 25 euros 1 carton de 50 numéros u 40 euros Envoyez votre règlement en chèque à l’ordre de médiapop ou de Chic Médias (voir adresses ci-dessus). novo est diffusé gratuitement dans les musées, centres d’art, galeries, théâtres, salles de spectacles, salles de concerts, cinémas d’art et essai, bibliothèques et librairies des principales villes du Grand Est.
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EM/M (www.emslashm.com) 04
Édito
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FOCUS L'actu culturelle du Grand Est à vive allure 10 La rédaction en visite dans une ville. Troisième étape : Metz 16 La sélection des spectacles, festivals, expositions et inaugurations à ne pas manquer 18 Une balade d'art contemporain : exposition de Hiraki Sawa à Besançon 36
le carnet de novo Novo ouvre ses colonnes à des interventions régulières ou ponctuelles La vraie vie des icônes / 7 : La rentrée de Michael Jackson, marchandise, par Christophe Meyer 40 Songs To Learn and Sing : Heart of the Country de Paul Mac Cartney, par Vincent Vanoli 41 Chronique de mes collines : Varney the Vampyre, par Henri Morgan 42 Le monde est un seul / 9 : Sous le silence de la neige, par Christophe Fourvel 43 Tout contre la BD, par Fabien Texier 44 Plastic Soul #3 : Dilly Dolly Dally, par Emmanuel Abela 46 AK47 : Independance Day, par Fabien Texier 47 Regarder, par Henri Walliser et Denis Scheubel 47 Pas d'amour sans cinéma / 1 : Aimer tout de même Godard, par Catherine Bizern 48 La stylistique des hits : L'adynaton, par Matthieu Remy et Dupuy-Berberian 49 Cinérama / 4, par Olivier Bombarda 50 Modernons : Nantes, par Nicolas Querci 51 Bestiaire n°5 : Fourmis, par Sophie Kaplan 52 Bicéphale / 1, La mer partout par Julien Rubiloni et Ludmilla Cerveny 53
RENCONTRES Rox, The Drums, Martina Topley-Bird, Foals, Memory Tapes, Beast, Elektrisk Gonner, Gablé et Le Prince Miaou aux Eurockéennes de Belfort 56
MAGAZINE Jean-François Bron et Mariana Otero face au nouvel ordre (économique) mondial 60 Andy et le Velvet avec Dean & Britta à la Filature et Rodolphe Burger à C'est dans la Vallée 62 Patti Smith se souvient de Robert Mapplethorpe 64 Anthony Braxton se pose en figure libre 65 Peter Eötvös dirige l'opéra Love and other démons 66 William Forsythe en trois pièces au Maillon avec le Ballet de Lorraine 67 Florent de la Tullaye raconte le Staff Benda Bilili 68 Pierre Bastien se prend au jeu des collaborations 69 Christophe Bourgeois photographie au cœur des villes millionnaires 70 Paul Souviron et Antoine Lejolivet développent des projets bricolos 72 Johann Le Guillerm, rencontre avec un circassien hors-normes 74 David Bobée renouvelle Hamlet 76 Sylvain Maurice adapte un chef-d'œuvre d'Edgar Allan Poe à la scène et en musique 78 Cinq strasbourgeois montent un opéra visuel à Matera au sud de l'Italie 80
selecta Disques, BD, livres et DVD 85 3
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THÉÂTRE DE STRASBOURG SCÈNE EUROPÉENNE
SAISON 2010/2011
THÉÂTRE
DANSE
MUSIQUE
LA MENZOGNA
SOIRÉE FORSYTHE
LES CONCERTS BRODSKY
Pippo Delbono | Italie
William Forsythe / CCN-Ballet de Lorraine France
Kris Defoort / Dirk Roofthooft | Belgique
GARDENIA
Sidsel Endresen / Hakon Kornstad + Jan Galega Brönnimann’s Brink Man Ship avec Nils Petter Molvaer & Nya Norvège - Suisse
22H13
Pierrick Sorin | France
BIG BANG Philippe Quesne | France
LA NUIT DES ROIS
les ballets C de la B / Alain Platel / Frank Van Laecke | Belgique
SHO-BO-GEN-ZO
DANS LES BRUMES ÉLECTRIQUES
William Shakespeare / Jean-Michel Rabeux | France
Josef Nadj / Cécile Loyer / Joëlle Léandre / Akosh S. | Hongrie - France
ROSA LA ROUGE
EIN CHOR IRRT SICH GEWALTIG
DO YOU REMEMBER NO I DON’T
PITURRINO FA DE MÚSIC
Claire Diterzi / Marcial Di Fonzo Bo | France
René Pollesch / Volksbühne Berlin Allemagne
François Verret | France
Carles Santos | Espagne
INGIURIA
ERWAN ET LES OISEAUX
RAIO X Cie Membros | Brésil
Jean-Yves Ruf | France
OTRO (OR) WEKNOWITSALLORNOTHING Enrique Diaz / Cristina Moura / Coletivo Improviso | Brésil
NOTRE BESOIN DE CONSOLATION
FEBRE Cie Membros | Brésil
LAST MEADOW
Miguel Gutierrez and the Powerful People États-Unis
Julie Bérès | France
LES PENDUS Josse de Pauw / Jan Kuijken | Belgique
FESTIVAL PREMIÈRES
Jeunes metteurs en scène européens Théâtre
www.le-maillon.com | 03 88 27 61 81 Programmation complète et abonnements en ligne.
Chiara Guidi / Socìetas Raffaello Sanzio Italie
CIRQUE PETIT MAL Race Horse Company | Finlande
ÖPER ÖPIS Zimmermann & de Perrot | Suisse
SUR LA ROUTE Les Colporteurs / Antoine Rigot | France
L’IMMÉDIAT Camille Boitel | France
édito par philippe schweyer
Un coup de fil de Houellebecq C’était le jour le plus chaud de l’été. Un homme au regard triste habillé comme en plein hiver stationna son SUV Lexus RX 350 devant mon portail. Sans couper le moteur, il déposa un petit paquet dans la boîte aux lettres. Tandis qu’il redémarrait, j’ai à peine eu le temps d’apercevoir sa main droite posée tendrement sur la tête du chien assis à ses côtés. J’ai continué à tondre la pelouse tout en réfléchissant à l’opportunité de faire l’acquisition d’un iPhone 4 32Go. L’odeur de l’herbe coupée me rendait nostalgique et la modernité me faisait peur. Pour éviter les regrets, mieux valait rester fidèle à mon vieux Sagem my301X. Depuis quelques jours, des “Gens du voyage” vivaient au grand air sur un terrain de foot défoncé, à l’arrière du lotissement. Le boucan de ma tondeuse couvrait leurs rires, leurs cris et peut-être quelques notes de guitare. Après m’être lavé les mains à l’eau brûlante du tuyau d’arrosage, je suis allé jeter un œil à la boîte aux lettres. Dans le paquet, il y avait le nouveau roman de Michel Houellebecq gentiment dédicacé par l’auteur.
C’était la rentrée. Les “Roms” avaient été chassés brutalement quelques jours auparavant. Par-dessus les haies taillées avec amour, je cherchais vainement une pointe de mauvaise conscience au fond des yeux de mes voisins de droite et de gauche. Il ne restait du campement dévasté qu’un gros tas de cendres, un manuel d’éducation civique à moitié calciné et une guitare brisée en deux. Après avoir inspecté la pelouse pour vérifier qu’aucune taupe ne s’était introduite sur mon territoire, je suis rentré. Dans un coin du salon, les dossiers de presse s’entassaient signe que le bouclage de Novo approchait. J’allais m’allonger sur la moquette avec un drink pour m’évader en écoutant l’album de Roméo & Sarah édité par Herzfeld quand le téléphone a sonné. C’était Michel Houellebecq. - Tu as lu mon livre ? - Bien sûr… - Tu as vu comme je me fais décapiter ? Et la scène de mon enterrement, ça t’a plu ? - Pas mal… - Belle promo, hein ? Tout le monde adore. - Manque plus que le Goncourt… - Ouais… Vous ne faites rien dans Novo ? - Ben… - Et le personnage de Jed ? Un putain d’artiste contemporain. Pile votre cœur de cible… Tu veux que je demande à Flammarion de t’acheter une pub ? Michel était un peu lourd. Peut-être qu’il avait bu ou simplement qu’il s’ennuyait. Maintenant que tout le monde l’aimait, il devait se sentir vaguement emmerdé. Le problème, c’était que même si ses livres étaient bons, on n’avait pas trop envie de passer du temps avec lui. - Ecoute, il faut que je te laisse. J’ai des trucs à finir. - Tu dois tondre la pelouse ? Ou passer l’aspirateur, c’est ça ? - Non, j’ai commencé à relire les nouvelles de Carver… Houellebecq a raccroché. J’ai composé le 0800 00 16 84* pour écouter l’audioguide de l’exposition La fin du monde tel que nous le connaissons. En entendant un extrait de Fahrenheit 451 de Truffaut, j’ai repensé au manuel scolaire à moitié calciné qui trainait derrière chez moi. C’était la rentrée, mais pas pour tout le monde. En attendant la fin du monde, il était temps de me mettre au travail. * Numéro vert
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focus
1 ~ DÉRIVE MAGNÉTIQUE Antoine Lejolivet (visuel) et Nicolas Schneider exposent à Strasbourg à l’invitation de l’association accélérateur de particules (expo en trois volets en partenariat avec la galerie Lillebonne à Nancy et le centre d’art Faux Mouvement à Metz). Du 8 au 28/10 espace apollonia à Strasbourg. www.accelerateurdeparticules.net 2 ~ PARIS KARLSRUHE BERLIN Au cours des cent dernières années, de nombreux artistes ont quitté Karlsruhe pour faire escale à Paris ou Berlin tandis que d’autres venaient s’installer à Karlsruhe, attirés par le prestige de son Académie des beaux-arts. Expo jusqu’au 9/11 au Musée Würth à Erstein. www.musee-wurth.fr 3 ~ SUPERSOUNDS Session d’automne du festival défricheur organisé par Hiéro Colmar depuis plus de dix ans. Du 4 au 20/11. www.hiero.fr 4 ~ MON CINÉMA 23 auteurs et illustrateurs se font leur cinéma au bar l’Artichaut à Strasbourg. Jusqu’au 10/10. rhubarbu.over-blog.fr
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5 ~ Voyages / voyage Paul Kanitzer invite dix photographes qui ont des liens forts avec l’Alsace : Philip Anstett (photo), Christophe Bourgeois (voir p.70-71), Sébastien Bozon, Jean-Louis Hess, Mathilde Mestrallet, Frantisek Zvardon… www.lafilature.org 6 ~ LA CULTURE EN FESTIVALS Cycle de conférences à Strasbourg jusqu’en février 2011. www.conferencesculture.unistra.fr 7 ~ USTENSIBLES Soirée festive à l’occasion du festival de films d’animation avec expos et mini concerts acoustiques, opéra rock du BaoBaB Project et blind test… Le 2/10 au Noumatrouff. www.ustensibles.fr 8 ~ LES RENDEZ-VOUS DE JULIETTE La galerie éphémère invite Dress Code Shop à présenter les créatrices Sessùn et Nümph du 30/9 au 3/10, place de l’Ancienne Douane à Colmar. Tél. 06 13 47 24 58 9 ~ SOUS LES ÉTOILES Pour la 3e édition du festival, le talentueux Azdine Boufrioua et l'association RTT invitent Amar Sundy, Cheb Rayan, Naziha Meftah, Noujoum El Leil…Du 23 au 25/9 au Théâtre de la Sinne à Mulhouse.
10 ~ HALF LIFE Stimultania expose les photographies en noir et blanc et au grain éclaté de Michael Ackerman. La série Half Life rassemble des images inédites réalisés à Paris, Berlin, New York, Cracovie ou à la Havane. A Strasbourg jusqu’au 24/10. www.stimultania.org 11 ~ CHINE IMPÉRIALE La Chine impériale est à l’honneur du 26e Salon International du Tourisme et des Voyages avec la reconstitution du site archéologique de Xi’An (les soldats enterrés de l’Empereur Qin). Plus un nouvel espace dédié à la rando et au trekking ainsi que Solidarissimo, le salon du tourisme et de l’économie solidaire. Du 11 au 14/11 au Parc des Expos à Colmar. www.sitvcolmar.com 12 ~ WARUM NICHT Expo de résidence Artopie/ Stephan Balkenhol 2010 avec Katia Mourer, Mickaël Valet, Enrico Bach + special guest : Cédric Jacquillard. Du 15/10 au 14/11. www.artopie-meisenthal.org 13 ~ MORELLET Morellet détourne le concept d’image (Novo N°9). Jusqu’au 11/10 au Musée départemental d’art ancien et contemporain à Epinal. www.vosges.fr
14 ~ DE L’ART et DES MACARONS L’association Les Ateliers des Sœurs Macaron invite Sandrine Buessler, Maud Guely, Komparce, Denis Robert, Marianne Maric… Vernissage le 18 à 19h suivi de performances, lecture, projection vidéo-électro... Les 18 et 19/9 de 13h à 19h au 9 rue des Sœurs Macarons à Nancy. soeursmacarons.blogspot.com 15 ~ CHEF-D’ŒUVRE ? Exposition inaugurale au Centre Pompidou-Metz. Visuel : Martial Raysse Tableau dans le style français II, 1966. www.centrepompidou-metz.fr 16 ~ RUE LIBRE ! Le 30/10, dans toute la France et à Sainte-Marie-aux-Mines pour le Grand Est, les arts de la rue se fêtent : Rue Libre !, lorsque les artistes revendiquent l’espace urbain comme lieu d’intervention. www.ruelibre.net http://lafalar.blogspot.com/ 17 ~ GEORGES B. Bienvenue à Georges Bastien, né le 13 juillet à 19h15. Il se porte bien ainsi que sa maman (et son papa photographe). 18 ~ JARDIN D’EDEN Les créatures d’Emmanuel Perrin sont au Jardin des Faïenciers à Sarreguemines jusqu’au 31/10.
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19 ~ 66 AP. J.F. 66 ans après Bizot, Myrtille nous a rejoint. Alléluia, großartig et vivement que le pont se mette au diapason ! 20 ~ MADE IN PAVÉ Expos d’œuvres d’art produites en entreprise à la Citadelle, au Musée du Temps et au Pavé dans la Mare à Besançon jusqu’au 13/11. www.pavedanslamare.org 21 ~ FABRIKA VOXA Montagne Froide propose avec Fabrika Voxa, un événementsurprise avec des performances, de la poésie sonore, de la vidéo. Plusieurs invités, dont de très jeunes artistes et des performeurs internationaux viendront titiller l’Espace multimédia gantner le 14/10 à Bourogne (90). www.espacemultimediagantner. cg90.net 22 ~ ATELIER D’ÉCRITURE Christophe Fourvel propose, pour la troisième année consécutive, un atelier d’écriture en partenariat avec les Sandales d’Empédocle à Besançon à partir du 18/9. Rens : c.fourvel@sfr.fr 23 ~ LA MUSE RÉPUBLICAINE L’exposition explique l’engagement de nombreux artistes durant la IIIème République (Novo N°9). Jusqu’au 14/11 à la Tour 46 à Belfort. www.belfort-tv.com www.musees-franchecomte.com
24 ~ LA GROSSE SURFACE Spectacles (70%), expositions (40%) et buvette (20%) avec le Supermarché Ferraille, la Quincaillerie Parpassanton et le Cabaret philosophique les 23 et 24/10 à Quincey (25). www.lagrossentreprise.fr 25 ~ QU’EST-CE QUE C’EST l’ART NUMÉRIQUE ? Protéiforme à souhait, l’art numérique entre en résonnance avec les arts plastiques, la photographie, la vidéo, le cinéma, la télévision, la musique, la poésie... Café numérique avec Jean-Paul Fourmentraux le 21/10 à 21 à l’Hôtel de Sponeck à Montbéliard. www.lallan.fr 26 ~ ERRÓ Le musée des Beaux-arts de Dole présente du 2/10 au 16/1 “ErrÓ, 50 ans de collages”, une expo conçue par le Centre Pompidou. 27 ~ LE SALON Le Salon de Musique en FrancheComté programme depuis cinq saisons des jeunes concertistes internationaux. www.lsdmusique.com
28 ~ L’IMMÉDIAT Camille Boitel et ses acolytes réinvestissent le théâtre de l’Espace avec l’Immédiat. Un cirque époustouflant, où l’énormité des chutes cède le pas à d’autres, intimes et profondément ambigües. J’avale cette page et offre un verre à qui regrette d’y être allé (unimmediatvautmieuxquedeux@yahoo.fr). Du 14 au 21/10 à Besançon. www.theatre-espace.fr 29 ~ Transfrontaliers Cette exposition conçue par le 19, Crac, regroupe des artistes qui franchissent allègrement les frontières entre les disciplines et les pratiques. Jusqu’au 23/11 au 19, au Musée Beurnier-Rossel et à la Mals et jusqu’au 30/10 à l’allan à Montbéliard. www.le-dix-neuf.asso.fr 30 ~ LES MAINS EN L’AIR Exposition de Baptiste Debombourg jusqu’au 23/10 chez Interface à Dijon. www.interface-art.com
32 ~ L’INDOCHINE L’expo “L’Indochine en guerre, des images sous contrôle [19491954]” montre les conditions de production et de diffusion d’une image au service d’un discours officiel (rien de neuf en Afghanistan ou en Irak). Du 16/10 au 16/1 à Chalon-sur-Saône. www.museeniepce.com 33 ~ VIENNE 1900 Klimt, Schiele… Du 26/9 au 16/1 à la Fondation Beyeler près de Bâle. www.fondationbeyeler.ch 34 ~ ANDY WARHOL Andy Warhol, The Early Sixties. Dessins et peintures 1961-1964. Jusqu’au 23/01 au Kunstmuseum à Bâle. www.kunstmuseumbasel.ch 35 ~ Bruno Peinado Bruno Peinado fait le point au Casino du Luxembourg sur une décennie de créations et de productions effrénées. Du 25/9 au 9/1. www.casino-luxembourg.lu
31 ~ SHELLAC Shellac sera à la Vapeur le 3/10 pour une des deux seules dates en France du groupe du producteur génial Steve Albini (guitare et voix) et du batteur déjanté Todd Trainer. Résa conseillée ! www.lavapeur.com
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1 ~ CONCERT/BD En attendant son ouverture fin 2011, le Moloco (futur Espace Musiques Actuelles du Pays de Montbéliard) propose en partenariat avec l’association L’Ord du Jour [re]Garde-Fous par Sayag Jazz Machine dans le cadre de la Fête de la BD d’Audincourt le 17/10 à 17h. « BD et musique ont longtemps vécu côte à côte, comme des passions communes. Les réunir au sein d’un même dispositif n’a pas toujours été chose aisée. Pourtant, [re]Garde-Fous, la création proposée par Sayag Jazz Machine autour d’une œuvre de Frédéric Bézian, tend à inventer une forme qui favorise une belle rencontre entre les deux arts » (voir article complet dans Novo N°4, pages 56-57) http://fete-de-la-bd.audincourt.com www.lemoloco.com 2 ~ LES PASSANTS CONSIDÉRABLES Sous le signe de Louis Pergaud (La Guerre des boutons), le 6ème salon du livre en région organisé par le Centre régional du Livre propose d’aller à la rencontre de ceux et celles qui font vivre le livre en Franche-Comté, avec de nombreux auteurs, des cafés littéraires, performances et lectures musicales. Parmi les auteurs invités : Yves Ravey, Manuel Daull, Jean-Philippe Mégnin, Mario Morisi, Annelyse Simao, Michèle Tatu,… Et aussi plusieurs expositions dont « Michel Butor photographe » (voir visuel). Les 23 et 24/10 à Salins-les-Bains (Jura). http://crlfranchecomte.free.fr
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3 ~ DENSITéS 17ème édition du Festival Densités qui se déroulera du 22 au 24/10 au Pôle culturel de Fresnes-en-Woevre. A noter en complément de la programmation musicale et des expos, la conférence de Laurent Vergnon, ancien chef de service ORL, qui répondra notamment aux questions suivantes : Pourquoi l’audition apporte-t-elle le bonheur plus que n’importe quel autre sens (les aveugles sont gais et les sourds tristes) ? Où finit la perception et où commence l’entendement ? Comment pouvons-nous donner du sens aux bruits qui nous entourent ? www.vudunoeuf.asso.fr
4 ~ RUINES Avec trois expositions et une table ronde dans le cadre des Journées de l’architecture, La Chambre explore le paysage photographique sous l’angle de l’esthétique de la ruine. Marchand et Meffre posent leur regard sur Detroit et le déclin d’un véritable empire, Guillaume Chamahian offre une vision apocalyptique de la ville, placée dans l’indéterminé du temps et de l’espace, tandis que Vincent Hanrion part à la recherche de ces marques du passé que sont les Bunkers de la Seconde guerre mondiale. Table ronde à La Chambre (4 place d’Austerlitz à Strasbourg) le 29/10 à 18h avec la philosophe Sophie Lacroix. www.la-chambre.org 5 ~ Percussions d’hier et d’aujourd’hui Le 19/10 à 18 heures la remarquable abbaye d’Alspach située en pleine zone industrielle à Kaysersberg (68) accueille un concert de percussions avec notamment la participation de deux membres des Percussions de Strasbourg et des élèves de l’Ecole et Académie des Percussions de Strasbourg.
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6 ~ LE TOUTOU CHIC Dernier projet du collectif Module Ranch, la galerie Le TouTouChic est désormais confortablement installée dans un tout nouvel espace de 40m2 où elle promet de réunir les plus grands noms de la scène “New Next Generation” lors d’événements épiques. Début des festivités avec le vernissage de l’exposition “Seven Seas” de Grégory Wagenheim le 30/9 à 19h puis ouverture le 1er/10 de 20h à minuit à l’occasion de la Nuit blanche. 23ter rue de La Haye à Metz. www.letoutouchic.com 7 ~ Pierre Alechinsky Alors que son exposition Les Ateliers du Midi est prolongée au Musée Granet d’Aix-en-Provence, Pierre Alechinsky présente Divers Faits jusqu’au 9 octobre à la Galerie Chantal Bamberger à Strasbourg, une série d’œuvres sur différents supports, toiles, eaux-fortes ou lithographies, qui constituent un ensemble significatif de la générosité plastique du célèbre artiste belge : une émotion particulière traverse ces pièces aux formats très variable, une forme de poésie latente, tour à tour frénétique ou totalement apaisée selon l’impulsion du moment. www.galeriebamberger.com
8 ~ CAFéS BAROQUES L’ensemble de musique ancienne « Le Concert Lorrain » fête son dixième anniversaire en démarrant un partenariat avec les Trinitaires qui accueillent les Cafés Baroques. Le but ? Goûter à la musique baroque et créer une passerelle entre les publics des Trinitaires et de l’Arsenal à Metz. Les prochains Cafés Baroques auront lieu à 12h30 aux Trinitaires les premiers mercredis de chaque mois du 6 octobre au 1er juin 2011. www.leconcertlorrain.com 9 ~ Bruno Breitwieser Bruno Breitwieser a pris l’habitude d’investir des lieux avec des œuvres in situ marquantes. Au sein de la Chapelle Saint-Quirin, à Sélestat, ce sont pas moins de trois installations qui sont proposées sur le thème “Voir / Se Voir”, « voir avec le cœur » comme Le Petit Prince, voir notre corps, ou mieux se voir à l’intérieur pour pouvoir extérioriser des sentiments.
10 ~ MUSéE MéCANIQUE En attendant Biffy Clyro, The Shaolin Temple Defenders, Jeff Lang, The Inspector Cluzo ou Scout Niblett, la nouvelle saison de la Poudrière à Belfort démarre par un très bel apéro concert de Musée Mécanique, des Américains de Portland qui associent instruments rétro et son avant-gardiste (Une musique «nourrie de notre enfance», décrit Sean, et qui a «du power-pop, du pop-punk, du post-rock et du classique dans les veines»). Le 30/9 à 19h à la Poudrière à Belfort. www.pmabelfort.com 11 ~ MARS LA ROUGE Atterrissage annoncé au beau milieu de la Galerie du Granit à Belfort d’un fragment de la planète Mars, du XXIIIe siècle (au moins !) avec ses nouvelles architectures, ses stations orbitales et son atmosphère rouge et martienne! Du 25/9 au 4/11. Vernissage le 24/9 à 18h en présence de David Renaud. www.theatregranit.com
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le
granit SCÈNE NATIONALE, BELFORT
Théâtre danse, musique arts plastiques jeune public humour, concerts et danse sandwichs stages et ateliers théâtre
La nouvelle saison 2010 | 2011
www.theatregranit.com
Illustration : Juliette Le Roux | Graphisme : Stéphanie Renaud
03 84 58 67 67
Saison* 2010 / 2011
Hamlet / Espace Chaudeau, Ludres Shakespeare / David Bobee 6 > 9 octobre 2010
Irrégulière / La Fabrique
Louise Labé / Norah Krief, Frédéric Fresson 9 > 13 novembre 2010
Le triomphe de l'amour / Espace Chaudeau, Ludres Marivaux / Jacques Osinski 16 > 20 novembre 2010
Acte / La Fabrique Lars Norén / Alain et Daniel Berlioux 23 > 27 novembre 2010 RING Saint-Nicolas / Grand Nancy
Rencontres Internationales des Nouvelles Générations 1ère édition 2 > 12 décembre 2010
Le mardi à Monoprix / Espace Chaudeau, Ludres Emmanuel Darley / Michel Didym / Jean-Claude Dreyfus 18 décembre 2010 La commission centrale de l'enfance / La Fabrique Écrit et interprété par David Lescot 10 > 15 janvier 2011
On n'est pas là pour ... (disparaître) / CCAM / création Olivia Rosenthal / Christine Koetzel 18 > 23 janvier 2011
Le dépeupleur / La Fabrique
Samuel Beckett / Alain Françon / Michel Didym 25 > 30 janvier 2011
29° à l'ombre
& Embrassons-nous, Folleville ! / Ensemble Poirel Eugène Labiche / Pierre Pradinas / Romane Bohringer 3 > 5 février 2011 Le tigre bleu de l'Euphrate / Ensemble Poirel / création Laurent Gaudé / Michel Didym / Tchéky Karyo 15 > 18 février 2011
Que faire ? (Le retour) / La Fabrique Jean-Charles Massera / Benoît Lambert 16 > 26 février 2011
L'histoire de ma vie ... / La Fabrique / création Marguerite Duras / Perrine Maurin 15 > 20 mars 2011
Vivre dans le feu / Ensemble Poirel
Marina Tsvetaeva / Bérangère Jannelle / Dominique Blanc 22 > 24 mars 2011
Un mage en été / La Fabrique Olivier Cadiot / Ludovic Lagarde 12 >17 avril 2011 La Ménagerie de verre / TGP Frouard
Administration 03 83 37 12 99 Location 03 83 37 42 42
8, rue Baron Louis B.P. 63349 - 54014 Nancy Cedex
Tennessee Williams / Jacques Nichet 19 > 22 avril 2011
Terre océane / Les Écraignes, Villers-lès-Nancy Daniel Danis / Véronique Bellegarde 13 > 15 mai 2011 Tourbillons / La Fabrique / Musique action Olivier Cadiot / Georges Aperghis 1er > 5 juin 2011 Nancy Jazz Pulsations / La Fabrique
9 >16 octobre 2010
Passages / La Fabrique 10 > 22 mai 2011
Direction Michel Didym
*Hors les murs
www.theatre-manufacture.fr
novorama ➾ benjamin bottemer
automne 2010 photos ➾ b. bellabas
Metz
Novo part à la découverte des villes du Grand Est. Étape automnale ➾ Metz Carnet d’adresses Salle de spectacles de l’Arsenal ➾ www.arsenal-metz.fr FRAC Lorraine ➾ www.fraclorraine.org Les Trinitaires ➾ www.lestrinitaires.com Centre Pompidou-Metz ➾ www.centrepompidou-metz.fr Faux Mouvement ➾ www.faux-mouvement.com Musées de la Cour d’Or ➾ musees.metzmetropole.fr Librairie au Carré des Bulles ➾ www.aucarredesbulles.fr Cinéma Caméo-Ariel ➾ ww.cine-cameo.com Opéra-Théâtre de Metz Métropole ➾ opera.metzmetropole.fr Galerie Octave Cowbell ➾ www.octavecowbell.fr Galerie Cri d’Art ➾ www.cridart.com Site de la Nuit Blanche ➾ www.nuitblanchemetz.com Galerie Toutouchic ➾ www.letoutouchic.com
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➾ Ville-archipel — La vaste zone piétonne de la ville de Metz est idéale pour naviguer tranquillement entre les lieux de culture les plus notables, de place en place, entre ces articulations urbaines qui constituent autant d’îles propices à la déambulation. Souvent nichées dans des bâtiments historiques, les structures, où se jouent art contemporain comme musiques actuelles, profitent de ce contraste entre patrimoine et modernité, qui donne tout son charme à la vie culturelle locale. ➾ Vieux remparts et avant-garde — La Colline Sainte Croix est le cœur historique de Metz. Sur la place Jeanne d’Arc se trouve la salle de concerts des Trinitaires. On arpente avec plaisir sa chapelle, qui fait office de salle principale, les travées du cloître et le caveau. Ce lieu de culte autrefois paisible est aujourd’hui la Mecque mosellane des adorateurs de musiques modernes, bouillonnant continuellement de concerts, d’expositions, mais aussi de performances, grâce à son petit théâtre cosy. Du 24 au 26 septembre, c’est la rentrée pour les Trinitaires avec le festival
Zikametz (Sage Francis, Mekanik Quantatik, Madjo...) puis en octobre, la 3ème édition des soirées électroniques Puissance, et la visite de Tigersushi, entre autres. Un peu plus bas, le FRAC Lorraine accueille dans les grands volumes de l’Hôtel Saint-Livier des expositions audacieuses : à partir du 18 septembre et pendant trois mois, place à « S’envoler les pieds sur Terre », où dix artistes se réunissent autour du thème de la religiosité. Avant de s’aventurer au bas de la colline, notons les musées de la Cour d’or, rue du Haut-Poirier, s’affairant à faire la démonstration du patrimoine archéologique et artistique du pays messin.
➾ Sauts de puce — Nous arrivons place d’Armes où trône la Cathédrale SaintEtienne, à laquelle fait face le superbe édifice du cinéma Caméo, seul cinéma d’art et d’essai de la ville. On peut en profiter pour faire une halte à la librairie indépendante Géronimo. Plus bas, sur la vaste place de la Comédie, s’étend l’Opéra-Théâtre. La rue de la Haye verra le 30 septembre prochain l’ouverture de la galerie Toutouchic, dirigée par le collectif Module Ranch, qui accueillera quelques représentants de la nouvelle génération messine. Seconde option, filer droit vers la place de la République, bientôt rénovée et laissée, elle aussi, à la disposition des promeneurs, qui détiennent véritablement le pouvoir à Metz. Son esplanade est bordée par l’imposante salle de spectacles de l’Arsenal, où se tiennent les grandes représentations en matière de danse contemporaine (Babel/ Words de Sidi Larbi Cherkaoui les 8 et 9 octobre), de musique classique, et aussi, à l’étage, des expositions. En descendant en direction de la place Saint-Louis, on rencontre Octave Cowbell, galerie associative et accessoirement demeure du directeur des
lieux et de ses chats... Pourquoi pas un arrêt rue de la Fontaine, pour boire un café et déguster quelques ouvrages à la libraire Au Carré des Bulles, riche en références pointues en matière de phylactères ? Terminus place Saint-Louis, où se trouve le centre d’art contemporain Faux Mouvement. ➾ Navigation à l’estime — Le Quartier de l’Amphithéâtre est en pleine transformation, se développant autour du « petit » nouveau, l’incontournable Centre Pompidou-Metz. Le 18 septembre, alors que l’exposition permanente « Chefs d’œuvre? » reste visible dans sa totalité jusqu’au 25 octobre, c’est la première saison culturelle du Centre qui débute, fortement orientée vers le spectacle vivant. En s’aventurant tout au bout du jardin de la Seille, on trouvera la galerie Cri d’Art, installée dans un ancien garage, dont la fosse sert désormais de vitrine. Une seule île, en devenir, restera isolée: la salle de musiques actuelles de Metz-Borny. Prévue pour 2012, elle devrait décentraliser (un peu) l’offre culturelle. La meilleure façon d’aborder l’espace de la ville comme un ensemble d’îles urbaines sera peut-être
de participer à la 3ème Nuit Blanche, dans la nuit du 1er au 2 octobre. Faisant l’an dernier le choix de la linéarité dans son parcours, le rendez-vous culturel majeur de Metz propose cette année des déambulations d’île en île, en accord avec le thème « De l’eau et des rêves » autour duquel les artistes viendront exprimer leurs inspirations aquatiques. Une démarche qui coule de source pour cette ville parsemée de places et d’îlots. Une occasion de découvrir une cité qui s’enrichit autour d’un patrimoine qui, plus qu’un cadre, constitue un écrin à exploiter pour les projets culturels actuels et à venir. ✣
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par stéphanie munier
focus LE TARAF DE HAÏDOUKS, concert, le 16 septembre à 20h à l’Arsenal, à Metz www.arsenal-metz.fr
Bandits de grands chemins Alors que certains se voient gracieusement offrir des allers simples vers la Roumanie, le Taraf de Haïdouks continue à abuser de son droit de court séjour. La formation tzigane installera ses roulottes à l’Arsenal de Metz le 16 septembre. Papiers s’il vous plaît.
Dans son dernier album, Maškaradă, le Taraf de Haïdouks se rappropriait les pièces classiques des compositeurs du début du XXe siècle tels que Béla Bartók, Joseph Kosma ou encore Aram Khachaturian. Dans cette tentative éhontée de spoliation du patrimoine musical européen, les rythmes tziganes se mêlent avec beaucoup de grâce, de légèreté et d’énergie à ces compositions classiques, elles-mêmes très fortement inspirées des thèmes musicaux traditionnels du folklore tzigane, et leur insufflent un tout nouvel élan. L’apport à travers les âges de cette culture à la musique occidentale n’est plus à démontrer, et ce n’est ni le franc succès que remporte les talentueux américains de Beirut, ni le centenaire de Django Reinhardt qui nous prouveront le contraire.
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L’ensemble, composé d’une douzaine de musiciens roumains originaires du village de Clejani, a été découvert à la fin des années 80 par les belges Stéphane Karo et Michel Winter. Ils connaissent rapidement un succès international, notamment grâce au réalisateur Tony Gatlif qui les fait participer à son film Latcho Drom, consacré au peuple rom et à son histoire. Ils multiplient ensuite les apparitions cinématographiques, en apparaissant notamment dans The Man who cried de Sally Potter. Il va sans dire que ce nouveau concert du Taraf promet d’être un événement musical, de ceux qui marquent une saison, notamment en cette période de questionnement. Chacun des musiciens sera tour à tour soliste, et entraînera le groupe vers son propre répertoire. Un bel exemple d’harmonie et de connivence musicale entre les interprètes, riches de leurs racines tricentenaires. Le concert marquera l’ouverture du festival Nomade in Metz. Expositions, cirque, débats, concerts et rencontres, ce projet s’inscrit dans une démarche humaniste avec pour ambition de renforcer le lien actuellement passablement distendu entre sédentaires et gens du voyage. À cette occasion, l’Orchestre National de Lorraine proposera un programme inspiré des musiques de Bohême et de Hongrie, comme les Trois danses hongroises de Johannes Brahms ou la Rhapsodie hongroise de Franz Liszt. Un voyage pour lequel vous n’aurez pas besoin de visa. D
par cécile becker
par cécile becker
S’ENVOLER LES PIEDS SUR TERRE, exposition, jusqu’au 19 décembre au Frac Lorraine, à Metz www.fraclorraine.org
MUSIQUES VOLANTES #15, festival, du 4 au 28 novembre aux Trinitaires et au Centre Pompidou à Metz, à L’Autre Canal à Nancy. www.musiques-volantes.org
focus
L’opium du peuple
We care about music
10 artistes se penchent sur les antagonismes qu’entretiennent l’art, la religion, la politique et la société sous la houlette d’un jeune commissaire : Inti Guerrero.
Il y a les festivals, et puis il y a Musiques volantes. Un concept unique qui propose une programmation éclectique, plus ou moins électronique partout en France.
« On trouve des sociétés qui n’ont ni science, ni art, ni philosophie. Mais il n’y a jamais eu de sociétés sans religion », écrivait Bergson. Partant de ce postulat, de nombreuses questions viennent remettre en question le lien qu’entretiennent les sociétés avec la religiosité. Inti Guerrero, lauréat de l’édition 2009 du « prix pour les jeunes commissaires d’exposition » a invité une dizaine d’artistes à décrypter les discours sacrés qui composent notre quotidien dans une exposition à visée internationale : Volando hacia la tierra / s’envoler les pieds sur terre. Ainsi, dans ce panel d’artistes qui utilisent la vidéo, l’expression scripturale, ou la photographie, tour à tour pour illustrer l’iconoclasme ou l’iconophilie des peuples, on trouve l’œuvre de Cristina Lucas, artiste espagnole. La jeune femme s’est filmée détruisant une sculpture de Moïse, symbole des trois religions (Habla). Le collectif Taller E.P.S Huayco opérant dans l’espace public s’est quant à lui penché sur l’imagerie populaire (Sarita Colonia) à travers des objets détournés du quotidien. Une exposition complétée par des performances, rencontres et concerts. Le public pourra notamment apprécier le concert d’Eliane Rodrigue (électroacoustique) qui a cessé toute pratique artistique après sa conversion au bouddhisme et qui s’est remis à la composition encouragée par un maître tibétain. Quand la religion devient art. D
Cristina Lucas – Habla, 2008 Courtesy de l’artiste & Galería Juana de Aizpuru, Madrid
Musiques volantes. Un OVNI dans le paysage si familier des festivals. Programmé par un collectif, s’étalant sur toute la France, il ouvre un large spectre aux musiques actuelles. À Metz, le 4 novembre aux Trinitaires, on croisera Anika, une Berlinoise maquée avec Geoff Barrow (Portishead, Beak>) et inspirée par la période downtown New-York des années 80. Du krautrock aux touches punk, pop et dub. Plankton Waves et les Anglais de Clock Opera qui ont entre autres remixé Tell Me d’Au Revoir Simone découvrant leur son d’inspiration hollandaise et électronique. Après quelques conférences et projections, dont la sensation We don’t care about music anyway, le long métrage de Cédric Dupire et Gaspard Guentz, le duo Kap Bambino distillera le brut de son électro-punk au Centre PompidouMetz. Le 12 novembre, c’est une affiche de têtes brûlées : The Warlocks, Scorpion Violente et The Pack A.D aux consonances Killsienne seront aux Trinitaires. Le lendemain se partageront la scène le groupe de Los Angeles Fool’s Gold, avec sa musique à géométrie variable teintée de sons éthiopiens, le duo new-yorkais Ratatat et ses samples mêlés à une guitare électronique énervée ainsi que l’incontournable Rubin Steiner, docteur ès expérimentation et merveilleux fabricant de sons. Ailleurs, au Luxembourg par exemple se cache une perle de la musique actuelle : Toro Y Moi, des sons rêveurs et aériens ; tandis qu’à Nancy, l’Autre Canal invite la folk entêtante des Rémois de The Bewitched Hands on the Top of our Heads, qui partiront ensuite animer le festival des Inrocks. Une programmation foutraque et pointue qui donne envie d’habiter partout pour ne pas en rater une miette. D
The Warlocks.
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par baptiste cogitore
focus RUBBING GLANCES, installations, performances, vidéos, sculptures, pièces sonores, le 25 septembre de 14h à 21h, sur le chantier ARTEM à Nancy. www.grand-nancy.org rubbingglances.wordpress.com
Frottements de regards Le 25 septembre, douze artistes investissent le futur site ARTEM de Nancy. « Chantier dans le chantier », Rubbing Glances confronte les visions de plasticiens et performeurs en invitant le public à une grande élévation de poussière. Visite du gros œuvre.
Rubbing Glances, Philippe Tytgat.
Difficile d’imaginer un endroit plus opportun pour penser le mouvement et la transformation que le cœur d’un énorme chantier. C’est là que douze artistes issus de l’École nationale supérieure d’Art de Nancy (ENSAN) ont choisi d’exposer leurs œuvres et de présenter leurs performances au public : au milieu du futur campus universitaire ARTEM (pour « Art, Technologie, Management »), qui regroupera en un même lieu l’ENSAN, l’École des Mines de Nancy et l’ICN-Business School. Sensible aux univers en transition et maître d’œuvre de la manifestation, Simon Hitziger explique : « Le mouvement de transformation suscite chez moi un profond intérêt esthétique. Je suis davantage fasciné par la construction, par les matériaux utilisés sur les chantiers que par l’esthétique de la ruine. » Et l’artiste de définir Rubbing Glances (dont le sous-titre fait référence à l’oeuvre de Marcel Duchamp : « élévation de poussière ») comme une confrontation, un frottement avec la matière et les représentations que nous avons du chantier.
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Jouant avec les codes et les usages du BTP, les artistes nancéiens prendront donc possession d’un espace en pleine mutation. Leurs œuvres et performances offriront un panel esthétique volontairement varié, à l’instar de la richesse visuelle et auditive du lieu, que Simon Hitziger souhaite faire redécouvrir aux visiteurs. « Il ne s’agit pas d’un lieu neutre : en mai, nous avons passé cinq jours sur le site pour nous inspirer de l’univers qu’il contient afin d’y faire émerger des possibles », précise le commissaire de la manifestation qui se prolongera en deux autres volets : la parution d’un livre d’art et une rétrospective dans les Galeries Poirel (Nancy), de mai à août 2011. Rubbing Glances a recueilli le soutien de la Communauté urbaine du Grand Nancy, qui entend faire du dialogue entre arts et industrie le cœur de sa politique urbaine. Un engagement trop rare, selon Simon Hitziger. D
par virginie joalland
photo : RA2
focus FiliaMotSa en concert, le 14 octobre au Nancy Jazz Pulsations à Nancy et le 27 novembre à Sonic Vision, à la Rockhal à Luxembourg.
FiliaMotSa : duo explosif Sur scène, entre éclats psychédéliques et rafales électriques, c’est une vraie tempête, d’où jaillit une musique instrumentale à la fois féroce et paisible. Émilie séduit à coups de violon amplifié tandis qu’Anthony mène sa batterie avec fureur. Rencontre.
La rumeur prétend que vous vous seriez rencontrés à la radio… C’était en janvier 2007 sur radio Caraïb Nancy, lors d’une émission dont le concept était de faire jouer ensemble des musiciens qui ne se connaissaient pas. Très peu de temps après, nous avons formé le duo. Au-delà du coup de foudre artistique, il y a eu celui du cœur. Cela influe-t-il sur votre travail ? Oui, que ce soit en positif ou négatif. On fusionne davantage musicalement. La musique qu’on fait possède cette puissance aussi parce qu’on est ensemble. Mais il y aussi quelques inconvénients, on est bien plus exigeant l’un envers l’autre et on n’a pas forcément de rythme établi pour les répétitions. Le choix de travailler en duo est-il lié ? On a fait de la musique avant d’être en couple. Ça marchait bien comme ça, on ne s’est pas posé la question d’une troisième personne.
Eurockéennes, Francofolies de Spa, Chien à plumes… Comment s’est déroulée cette tournée des festivals ? C’était intéressant de découvrir tous ces festivals en tant qu’artiste. On a reçu un bon accueil partout. On était un peu des ovnis dans la programmation du Chien à plumes. Même si on ne se pose pas la question de savoir si ça va passer ou pas, on conçoit qu’il y ait un décalage. Mais là, même les gens venus pour Olivia Ruiz étaient curieux, ils nous écoutaient. Alors heureux, mais un peu fatigués ? Oui, on va se calmer un peu pour composer. Il faut qu’on concentre notre énergie sur la réalisation d’un album. C’est important. Il y a déjà un EP et un vinyle mais là ce sera notre premier vrai disque. On espère l’accompagner d’une grosse tournée ! D
Pourtant un saxophoniste vous accompagnait sur scène en août dernier lors du festival du Chien à plumes. Vous laissez donc la porte ouverte aux collaborations ? Ce qui nous attire, c’est l’envie de partager l’univers d’un artiste plutôt que le besoin d’avoir un autre instrument sur scène. Nous avons prévu d’autres collaborations notamment lors du prochain Musique Action, au CCAM de Vandœuvre-les-Nancy. Il y aura, entre autres, une création avec Steve Shelley, le batteur de Sonic Youth.
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Par virginie joalland
par emmanuel abela
CINÉMATIQUE, jonglage et arts numériques, le 30 septembre à la Salle Poirel, à Nancy www.adrienm.net
SYMPHONIES N°1 ET 2 DE JOHANNES BRAHMS, sous la direction de Paolo Olmi, concerts programmés par l’Opéra national de Lorraine les 14 et 15 octobre et les 14 et 15 novembre à la salle Poirel, à Nancy.
focus
Jonglage numérique
La sainteté de la vie
Cinématique est une écriture d’émotions, un voyage pensé pour révéler la puissance de l’imaginaire. Volupté et onirisme sont au cœur de ce pays des merveilles numériques.
L’opéra de Lorraine programme les deux premières symphonies de Johannes Brahms qui exaltent le potentiel contenu dans l’homme.
Avec ce spectacle créé en janvier dernier, Adrien Mondot sort des sentiers battus en proposant un univers pluridisciplinaire où cohabitent les mouvements numériques et ceux du corps. Cette œuvre multimédia est la quatrième création de sa compagnie née en 2005. Jongleur à ses heures perdues, c’est en 2004, que l’ancien informaticien, las d’évoluer entre les quatre murs de l’Institut National de Recherche en Informatique et Automatique de Grenoble, s’évade afin de se consacrer à sa passion. Transition réussie. Avec eMotion, son logiciel de chorégraphie d’objets, il donne l’illusion de mouvements naturels. Sur la scène, lignes, points, lettres et objets numériques sont projetés. Ils dessinent alors des espaces aux géométries variables épousant le corps des danseurs. Naissent de ces mélanges de jonglages, de danse et de projections une chorégraphie hypnotique. Plans horizontaux et verticaux, ici tout est possible car chaque recoin de l’espace est exploité et la profondeur de champs qui en découle accentue la poésie des mouvements humains. Si le spectacle possède une empreinte visuelle forte et fascinante, la musique n’est pas en reste. Adrien Mondot a fait le choix d’un accompagnement sonore puissant inspiré du rock canadien des Godspeed You! Black Emperor. Les mélodies se révèlent tantôt discrètes, tantôt invasives et subliment l’onirisme visuel de ce bijou contemporain. D
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Dans la monographie qu’il lui consacre chez Actes Sud Classica, Stéphane Barsacq n’hésite pas à affirmer que « le grand leg humain opéré par Brahms a peut-être lieu au cœur de ses symphonies, où il est le plus individuel, le plus classique également, sous l’apparence d’un académisme que son lyrisme délie. » Et de citer le chef d’orchestre Wilhelm Furtwängler qui écrivait en 1936 : « Brahms est là, non seulement pour quelques amateurs, mais pour l’homme en général ; un homme […] qui reste homme avec son centre, source de son être et de sa force. » Même s’il est venu tard à la symphonie, une fois passée la quarantaine, le compositeur allemand est attiré par l’orchestre symphonique dès sa jeunesse. La première symphonie (1855-1876) est fille des symphonies de Beethoven, mais pour les deuxième, troisième et quatrième, composées dans un laps de temps assez réduit (1876-1885), l’artiste qui trouvait jusqu’alors son équilibre dans l’esprit architectonique du classicisme, se laisse aller à une forme d’expressivité qu’il puise dans le romantisme. Barsacq conclut qu’avec l’ensemble des quatre symphonies, « Brahms livre une tétralogie lyrique qui conclut à la sainteté de la vie, en dépit de l’affreuse déchéance où la misère du monde fait tomber l’homme. » D
par cécile becker
focus OSOSPHÈRE, nouvelle version du festival, à partir du 22 septembre, à Strasbourg www.laiterie.artefact.org
Ososphère (not) dead On avait eu du mal à comprendre ce qu’il se passait avec l’Ososphère. On a cherché à en savoir plus. L’Ososphère est mort, vive l’Ososphère.
Birdy Nam Nam
C’est la fin de l’entrevue. Une connaissance de Thierry Danet, directeur de la Laiterie, s’avance vers notre table. Ils causent. La phrase fatidique sort : « Ah donc c’est fini l’Ososphère. » Oui et non. Et puis d’abord : « On ne l’a jamais envisagé comme un festival, cette année on réinterroge la forme de festival, ce qui nous intéresse c’est surtout l’expérience que l’on propose » explique Thierry Danet, excité par l’idée « d’assister avec ce nouveau format, à son propre enterrement ». L’année dernière, après l’Ososphère, l’équipe de la Laiterie est sortie usée mais émerveillée. Une impression d’être allée au bout des choses, d’avoir croisée avec intuition, des raisons artistiques, éditoriales mais aussi techniques, d’où l’idée d’une rupture. « On a voulu formuler un regard sur la ville, percuter celle-ci. Le public, j’aimerais qu’il se sente concerné par nos propositions, qu’il ne vienne pas seulement assister à un concert ou à une performance numérique, mais qu’il puisse vraiment se confronter à une expérience artistique différente ». Une déconstruction risquée qui mènera en 2011 à une re-concentration de la programmation sur deux jours. L’Ososphère cette année « c’est la préfiguration de ce que pourrait être la Laiterie sur le long terme ». Quoi exactement ? Un lieu qui invente son temps, qui n’est pas centré sur lui-même et qui intègre le rapport musique/art dans sa programmation. Concrètement, l’Ososphère 2010 c’est une suite de performances audiovisuelles, de workshops organisés pour les étudiants et de concerts, pas seulement à la Laiterie mais aussi ailleurs, des manifestations empreintes d’idées nouvelles. En amont, un travail de discussion avec les artistes, des
rencontres humainement intéressantes. Et au final ? Le 22 septembre, le duo Alva Noto et Blixa Bargeld propose une performance entre abstraction et improvisations. L’œuvre de Bertrand Planes à la Laiterie interrogera le rapport homme/machine : les plus forts seront servis. Allez savoir. Le 24 et le 25 septembre, on n’est plus là pour rigoler, se croiseront Chloé et sa house minimale, Toxic Avenger, A-Trak, DJ notamment de Kanye West et encore Birdy Nam Nam, habitués des salles strasbourgeoises qu’on ne présente plus. L’accent est mis sur la collaboration avec l’Aubette où des après-midi audiovisuelles auront lieu. L’alter ego d’Alva Noto : Carsten Nicolai fera écho aux concerts pour Dream Machines créant des stimulations auditives et visuelles agissant sur les conditions mentales. L’Ososphère, nouvelle mouture surprenante, non-exhaustive, confrontant les pratiques modernes. Pourquoi pas ? D
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par stéphanie munier
photo : sergio rodriguez
focus AMPARO SANCHEZ, concert dans le cadre des Nuits Européennes, le 14 octobre à la Salle du Cercle, à Bischheim www.lesnuits.eu
Voz solitaria Entre deux vols Barcelone-La Havane, Amparo Sánchez pose ses valises le temps d’un concert aux Nuits Européennes de Strasbourg. Une voix dépouillée qui nous transporte dans la nostalgie latino-américaine.
La globe-trotteuse Amparo Sánchez continue son voyage musical à travers les cultures ibérique et latino-américaine. Pour son premier album solo depuis la séparation de son groupe Amparanoia en 2008, c’est entre le désert nostalgique de Tucson et la langueur tropicale de La Havane que nous entraînent ses accents folk. De sa collaboration avec Joey Burns et John Convertino du groupe Calexico ressortent des sonorités plus acoustiques, plus personnelles et plus originales que sur ses précédents albums au sein d’Amparanoia. Sa voix exceptionnelle, typiquement hispanisante, à la fois douce et rauque, puissante, porte des mélodies délicates inspirées de chansons traditionnelles, de boléro, de jazz, de blues et de son cubain. Enregistré entre le Wavelab Studio de Tucson, dans l’Arizona, et les mythiques studios de EGREM à La Havane, Tuscon-Habana est un parfait exemple de métissage musical entre les sonorités américaines folk désertiques dans la veine de Eagles (Aqui Estoy) et les rythmiques cubaines très chaleureuses et mélancoliques (Turista accidental). Cette influence sud-américaine se sent plus fortement encore sur La Parrandita de las Santas, en duo avec Omara Portuondo, chanteur du Buena Vista Social Club.
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Les Nuits Européennes Les Nuits Européennes fêtent cette année leur 15ème édition. Destiné à favoriser les échanges culturels à travers l’Europe, cet événement invite à découvrir des artistes représentatifs des musiques actuelles et patrimoniales. Musique du monde, jazz, rock ou électro, le festival met à l’honneur innovation et fusion sonore. Au programme, les Américains de Chapel Hill et leur folk rolk country, Gablé ou encore Izia. À côté de cette programmation, les groupes émergents du festival Off “Les Nuits dans la Ville” comme Kimberlie & Clarke, Plus Guest ou Colt Silvers se produiront dans plusieurs bars et restaurants de Strasbourg, pour des sets plus intimistes favorisant la proximité entre les groupes et le public. “Les Nuits dans la Ville” propose des apérosconcerts gratuits permettant de mettre l’accent sur la jeune création régionale. Un bel exemple de rencontres entre les cultures comme seule la musique sait les provoquer. D
par stéphanie munier
photo : elisabeth carecchio
par stéphanie munier
focus Y ES-TU ?, théâtre jeune public, du 12 au 23 octobre au TJP, à Strasbourg www.theatre-jeune-public.com
Soudain l’été dernier de Tennessee Williams, Compagnie René Loyon, théâtre du mardi 19 octobre au vendredi 22 octobre au TAPS Scala, à Strasbourg www.taps.strasbourg.eu
Des ombres en lumière
La rentrée du crime
La mécanique du sentiment de peur est au centre du questionnement de cette pièce. Peurs inexpliquées, peur du noir, peur de soi, peurs cachées. Y es-tu ? se définit comme une version moderne et complémentaire du Petit Chaperon Rouge, où Mère-grand s’appelle Grand-mère, le rouge est remplacé par le vert et le chaperon est une capuche.
Pour cette rentrée 2010, le TAPS Scala nous propose du sang, de l’argent, de la folie, du sexe et du mystère. Bref, tout ce qu’on aime. Non, il ne s’agit pas d’une retransmission de l’intégrale de Twin Peaks ou de Rome, c’est bien mieux que ça.
En alternant lumière et obscurité, Y es-tu ? joue sur les contrastes entre l’imaginaire qui s’emballe dans le noir et les peurs plus abstraites qu’on ose avouer à la lumière du jour. Tous ces secrets révélés sont soufflés par le biais de micros, d’écouteurs, d’enregistreurs, pour rappeler ces confidences faites à la faveur de la pénombre, cachés sous un drap. Des petits décors qui nous semblent gigantesques dans nos cauchemars, des tableaux noirs, des écrans, des projecteurs, autant d’outils et de petites machines qui permettent de recréer ces ambiances si particulières, remplies d’ombres et de bruits étranges, dans un jeu de cache-cache propice aux peurs enfantines et aux secrets. La Compagnie s’appelle reviens est née en 2002 de la rencontre entre Alice Laloy, jeune metteur en scène sortant de l’école du TNS et l’équipe du TJP de Strasbourg. Son écriture poétique non-narrative place les sensations du spectateur et l’ambiance sonore au centre de sa démarche artistique. Y es-tu ? est sa toute dernière création, pour tout public à partir de 6 ans, une très jolie exploration à travers l’imaginaire peuplé de songes effrayants et de frissons feints propre à l’enfance. Un spectacle sur la peur, mais qui ne fait pas peur. D
L’histoire se déroule dans les années 30, dans la ville imaginaire de Cabeza de Lobo, station balnéaire tropicale et étouffante. Un homme est atrocement assassiné sous les yeux de sa cousine, Catherine. Son témoignage est si monstrueux qu’elle est déclarée folle. Malgré son traitement et les pressions de sa famille et en particulier de la mère de la victime, elle persiste dans son récit. La quête de la vérité est au centre de cette pièce troublante, sombre, comme le sont souvent les œuvres de Tennessee Williams. Au fil de l’histoire se dessine alors un portrait atroce de la victime, Sébastien, qui se révèle prédateur, déviant, utilisant sa mère puis sa cousine comme appât. Peur – de soi-même, de l’autre, de l’étranger, de l’homosexuel –, poids du mensonge et toute puissance de l’argent, la pièce de Tennessee Williams aborde des sujets plus que jamais actuels. Car sous couvert d’une histoire de meurtre si barbare que le récit qu’en fait son seul témoin l’envoie à l’hôpital psychiatrique, Tennessee Williams dessine une critique acerbe d’une société gangrenée par l’argent, le racisme et l’arrogance... Soudain l’été dernier trouve donc une résonance plus que légitime, cinquante ans après sa première publication. Toute ressemblance avec des événements récents serait bien sûr purement fortuite. D
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par emmanuel abela
photo : frédéric nauzyciel
focus L’IDÉE DU NORD, un spectacle de Benoit Giros du 9 novembre au 20 novembre au TNS, à Strasbourg www.tns.fr
La tentation de l’isolement « Je rêve depuis des années, et je désespère d’y arriver jamais, de passer au moins un hiver entier au nord du cercle arctique. Tout le monde peut y aller en été, quand le soleil est levé, mais je dis que je ne voudrais y aller au moment où le soleil est couché. Vraiment je le voudrais et je vous dis que j’irais un de ces jours. » Glenn Gould, Entretiens avec Jonathan Scott L’Histoire est peuplée de ces écrivains, artistes et acteurs magnifiques qui ont décidé de renoncer. Arthur Rimbaud, Marcel Duchamp, Greta Garbo, la liste est longue et les raisons très variables. Quand Glenn Gould décide d’arrêter de se produire sur scène à l’âge de 32 ans, le 10 avril 1964, après un concert à Los Angeles, il le fait parce qu’il n’aimait ni le public, ni les instants de concert qu’il comparait à une corrida, un match de boxe ou un jeu d’échecs. En 1965, il embarque sur le Muskeg Express et franchit les milliers de kilomètres séparant Winnipeg dans la province du Manitoba de Fort Churchill, la ville la plus proche du cercle polaire arctique que l’on puisse rallier en train dans le Grand Nord Canadien.
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Pour Gould, le Nord est synonyme d’« extraordinaire désolation », comme peut l’être l’intimité de l’homme, mais aussi et surtout il magnifie l’isolement auquel le pianiste semble naturellement aspirer. Dans une lettre datée du 6 septembre 1965 à Ekaterina Gvozdeva Cergueieuna, sa traductrice russe, il rend compte de ce voyage avec beaucoup d’enthousiasme : « Aussi loin que remontent mes souvenirs, la géographie de l’Arctique m’a toujours fasciné et, cette année, j’ai enfin décidé d’aller voir de mes yeux de quoi cela avait l’air. […] Ce furent les deux semaines les plus extraordinaires que j’aie jamais passées. » Et de rajouter, « Je suis revenu de mon expédition dans le Grand Nord avec un enthousiasme décuplé qui va m’aider à affronter un autre hiver en ville, ce qui est ma hantise, vous le savez. » De cet enthousiasme naît un documentaire radiophonique sur la vie dans le Grand Nord, The Idea of North, un texte “écrit sur bande”, que la C.B.C. – la radio et télévision canadiennes – l’a finalement mis au défi de réaliser en 1967, pour une diffusion le 28 décembre de la même année. Le spectacle L’Idée du Nord recrée les conditions de cet enregistrement : une cabine de radio, des micros déplacés aux quatre coins d’un espace tout blanc, un rouge antenne, et des acteurs qui viennent dire les éléments d’une dramatique tout en incarnant, parfois en même temps, les éléments de la pensée de Glenn Gould, à un moment précis de sa vie, moment charnière s’il en est dans sa carrière d’artiste où il passe de l’interprétation à la création.
par emmanuel abela
par stéphanie munier
BIBLIOTHÈQUES IDÉALES, rencontres littéraires du 20 au 25 septembre à Strasbourg bibliothèques-ideales.strasbourg.eu
LA ROUTE VERS LA MECQUE, théâtre, du 29 septembre au 1er octobre à la Comédie de l’Est à Colmar www.comedie-est.com
focus
Les mots dans la ville Des rencontres, des dédicaces, des concerts et des lectures, une semaine littéraire s’engage dans tout Strasbourg, aveccomme point d’orgue, la remise du Goncourt de la Nouvelle. Strasbourg a toujours entretenu une relation privilégiée au livre, les rues de la ville conservant la mémoire du passage, discret pour certains, plus remarqué pour d’autres, d’un très grand nombre d’écrivains ou d’auteurs. La manifestation Bibliothèques Idéales s’inscrit donc une tradition séculaire, et il apparaissait évident de restituer aux différents lieux de la ville toute leur dimension littéraire. Ainsi, les médiathèques, librairies, les salles de l’Aubette seront investies par près de soixantequinze auteurs – dont Amélie Nothomb, Fatou Diome, Antoine Volodine ou Linda Lê – qui viendront y présenter leurs publications récentes ou participer à des débats. Les événements ne manquent pas : à signaler le plateau constitué pour une Nuit Nabokov, avec une rencontre, des lectures, un débat et une création vidéo et musique, ou la programmation engageante autour de la thématique des Mille et une Nuits – un entretien avec Malek Chebel, auteur de la nouvelle traduction du Coran, mais aussi de L’Encyclopédie de l’amour en Islam ou du Kama-Sutra arabe, la présence de la spécialiste de l’Islam Ysabel Saïah Baudis, du conteur Egdard Weber et du joueur de luth, Hassan Abd Alrahman –, mais le point d’orgue de la manifestation reste la remise du Goncourt de la Nouvelle à Éric-Emmanuel Scmitt pour son ouvrage Concerto à la mémoire d’un ange (Albin Michel), en clôture du festival à la Médiathèque Malraux, le 25 septembre. D
Controverse de la création Le regard porté sur l’art, l’excentricité poussée jusqu’à la marginalité, la vieillesse et sa place dans la société, la solitude. Autant de questions soulevées dans cette pièce, centrée sur la problématique de la liberté. Sous fond de révolte sud-africaine, La route vers La Mecque est l’histoire de Miss Helen, une sculptrice septuagénaire qui a rempli son jardin de sculptures de chameaux, de chouettes, de gnomes et de pèlerins tournés vers La Mecque. L’assemblée de son petit village de New Bethesda, situé au cœur du désert du Karoo, cherche à l’éloigner en lui proposant une place dans une maison de retraite située à une centaine de kilomètres de là. Son jardin encombré et sa maison recouverte de grands motifs géométriques aux couleurs vives dérangent cette petite communauté conservatrice. La confrontation entre la fantasque vieille dame qui poursuit sa quête religieuse, sa jeune amie Elsa, institutrice engagée contre l’apartheid et le pasteur du village, garant du conformisme, se nourrit de la nécessité créatrice, du doute face à la mort, et de la révolte. Autour de ce spectacle, la compagnie Le Mythe de la taverne propose une lecture sur “la nécessité de créer”. La Comédie de l’Est accueille quand à elle une exposition d’œuvres plastiques issues de Recycl’art. Son metteur en scène Jean-Marc Eder, s’attache depuis la création de sa compagnie à une recherche artistique très personnelle, autour de formes théâtrales ouvertes qui lui permettent de confronter le théâtre aux autres formes d’art. Cette pièce du dramaturge sud-africain Athol Fugard lui permet donc de mettre parfaitement en œuvre cette démarche. D
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par emmanuel abela
focus ALICE RUSSELL, concert le 7 octobre au Noumatrouff, à Mulhouse www.noumatrouff.com
Le mélange des saveurs À l’heure du revival soul, il serait injuste d’occulter le travail d’Alice Russell, dont l’approche renouvelle considérablement le genre. Attachante et spontanée, cette jeune britannique invite toute l’Europe à la danse.
Vous flirtez avec le jazz-funk, mais sans occulter la dimension gospel. Lorsque j’ai écouté du gospel pour la première fois, j’ai été submergée par l’émotion brute, l’amour, et l’expressivité qu’il dégageait. Cela m’a beaucoup influencée, car pour moi la musique veut dire beaucoup, mais dans le chant, c’est l’expressivité qui me touche le plus.
J’aimerais évoquer quelques noms,vous pouvez y réagir si vous le souhaitez. Le premier nom, Aretha Franklin… Que dire ? Je possède tous ses albums, depuis le premier quand elle avait 19 ans, jusqu’au dernier. Je l’adore, c’est un mélange détonant de soul et d’émotion !
Pour vos albums vous souhaitez restituer la dimension live en studio. Même si vous décidez de faire des albums ou des chansons d’une certaine façon, ils finissent toujours par être légèrement différents. Au départ, nous voulions faire un album live acoustique et quand nous avons réuni les chansons nous avons rajouté des cordes, des cuivres et des voix... mais mon producteur [TM Juke, ndlr] et moi nous voulions juste faire un disque qui donnerait à ceux qui l’écoutent l’impression d’être avec nous dans le studio au moment où nous jouions.
Prince… J’étais complètement folle de lui, et mon père devait me fixer des limites. Quand j’étais adolescente, il m’autorisait à écouter Lady Cab Driver en voiture. Mon premier album de Prince c’était Parade, puis je suis remontée plus loin dans le temps et j’ai découvert Controversy... Quelle chanson !
Vous avez enregistré avec Mr Scruff sur son dernier album. Nous nous connaissons depuis longtemps mais jusqu’à présent nous n’avions pas réussi à enregistrer ensemble. Donc il était temps que nous le fassions... Cela a donné le titre Music takes me up !
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Et enfin Daft Punk ! Leur style disco-punk déjanté me rappelle de folles soirées... Vous avez déclaré un jour que vous aimiez la France, sa gastronomie, et ses habitants. Vous confirmez ? Absolument ! Et le groupe aussi, d’ailleurs ! J’essaie aussi d’apprendre le français – il serait temps, pas vrai ? D
par sylvia dubost
par sylvia dubost
La fin du monde tel que nous le connaissons, exposition du 16 septembre au 14 novembre à la Kunsthalle, à Mulhouse www.kunsthallemulhouse.fr La fin de l'audioguide tel que nous le connaissons, 0800 00 16 84 (numéro vert, appel gratuit depuis une ligne fixe)
FOLKLORE ?, exposition, du 10 octobre au 16 janvier au Crac Alsace, à Altkirch www.cracalsace.com
focus
Et maintenant ?
Vernaculaire
Dans la première exposition de Bettina Steinbrügge, commissaire invitée à faire trois propositions jusqu’en juin 2011, il est question de détournement et de l’avenir du monde.
Après Fri-art à Fribourg, c’est au tour du Crac d’accueillir cette exposition où les artistes cherchent à débarrasser le folklore… de son folklore.
Avec cette première exposition résolument ancrée dans le monde, Bettina Steinbrügge impose sa vision et sa différence avec Lorenzo Benedetti, son prédécesseur aux préoccupations essentiellement esthétiques. La fin du monde tel que nous le connaissons doit son titre à un essai du sociologue américain Immanuel Wallerstein (1999 : nous vivons dans une société dont les structures familières sont en train de disparaître sans que les suivantes ne se dessinent encore. Une période de transition et d’incertitude, où tout est à penser et à construire). Les artistes invités par Bettina Steinbrügge analysent tout d’abord le monde, le critiquent et éventuellement le réinventent, avec ce que l’Histoire de l’art appelle le « détournement », c’est-à-dire le démontage et réassemblage modifié. Si la plupart observe et analyse, certains rêvent et proposent. Cyprien Gaillard déplace ainsi des barres d’immeubles, symbole d’une utopie sociale qui a tourné à la violence, dans les paysages paisibles et verdoyants de la peinture hollandaise : qu’est-il advenu de nos rêves de vivre ensemble ? comment les faire renaître ? Frédéric Moser et Philippe Schwinger réalisent, en référence à Godard, un « Dé-Tour » de France sous la forme d’un documentaire télévisé. Les jeunes qu’ils interrogent ne confirment pas l’image stéréotypée qu’on nous transmet d’habitude : ensemble, ils pensent alors une nouvelle France… D
Voilà un mot qu’on a mis à toutes les sauces. À tel point qu’on en a oublié le sens étymologique… Folklore, littéralement « savoir du peuple » devient tantôt synonyme de décorum, idiot et inutile, tantôt, instrumentalisé par l’industrie du tourisme, survivance artificielle de traditions oubliées qu’on regarde plutôt avec mépris. Le folklore est désuet, ringard, kitsch… surtout quand il s’agit du nôtre. Car nous sommes prompts à le défendre lorsqu’il s’agit de celui de minorités d’un pays pauvre et lointain, dont le mode de vie est en danger. Soudain, il devient un moyen de lutte contre l’uniformisation des modes de vie et la société capitaliste. Toutes ces approches, légitimes mais partielles, sont abordées dans l’exposition Folklore ?, qui comme l’indique son point d’interrogation tente d’en délimiter les contours. Les artistes invités sont tous préoccupés par ces questions. Ils adoptent pour certains des démarches anthropologiques ou documentaires, ou exploitent, pour d’autres, de manière plus directe le riche matériau de folklores : architectures, costumes, chansons, récits, techniques, langages et signes… Charles Fréger photographie par exemple pour sa série Wilde Männer (Hommes sauvages), des personnages costumés dont la tradition remonte au Moyen-Age, tandis qu’Amy O’Neill, Américaine installée en Suisse, utilise les mythes et les signes des cultures vernaculaires pour créer des univers inquiétants nous interrogeant sur leur sens et leur place. Le champ du folklore est bien plus large que celui dans lequel nous l’enfermons. D Charles Fréger, Busos (de la série Wilder Männer), 2010
Jorge Macchi, 12 Shorts Songs, 2009
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par emmanuel abela
par adeline pasteur
Photo : pierre planchenault
focus TOUT MULHOUSE LIT, une série de rencontres “au cœur de l’Histoire” du 19 au 24 octobre dans différents lieux à Mulhouse www.bibliotheque.mulhouse.fr
La permanence de l’Histoire À Mulhouse, on favorise durant six jours les rencontres entre historiens, auteurs et cinéastes. L’Histoire se vit, l’Histoire se lit. À Mulhouse, pas moins de quarante auteurs se réunissent sur le thème de l’Histoire, aussi bien dans les bibliothèques, les librairies, à l’Université, au cinéma Le Palace, partout dans la ville. L’Histoire c’est la vie des hommes, mais c’est aussi leur place dans leur région, dans leur ville, dans leur quartier : l’accent sera mis sur celui des Coteaux qui célèbre son cinquantième anniversaire. Elle questionne donc l’espace, valorise le patrimoine, qu’il soit lointain dans le temps ou plus proche de nous, elle interroge les traces d’une mémoire, celle des hommes et de leur propre environnement. À l’occasion de cette édition de Tout Mulhouse lit, qui s’apparente de plus en plus à un véritable festival dans le calendrier de la ville, des historiens seront présents, parmi lesquels l’incontournable Georges Bischoff, médiéviste et spécialiste de l’Alsace, Emmanuel de Waresquiel, spécialiste de la France du XIXe siècle ou encore Julien Rioux, spécialiste de l’histoire politique et culturelle de la France contemporaine, qui viendra se poser la question de la fonction de l’historien aujourd’hui. Des écrivains, qui inscrivent leur récit dans un cadre historique, Laurent Binet dont le roman relate l’histoire de l’assassinat de l’odieux Reinhard Heydrich, chef de la Gestapo et des services secrets nazis, Anne-Marie Garat ou Dominique Manotti, historienne de formation, auteure de romans noirs à succès alimenteront rencontres et débats. Ces plateaux seront complétés par la présence d’auteurs jeunesse et de BD dont certains se sont fait une spécialité du récit à caractère historique. Enfin, Jean-Pierre Denis viendra présenter Les Blessures Assassines qui situe son récit au début des années 30 et qui a valu à Sylvie Testud un César du meilleur espoir féminin. D
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CONTE & COMPAGNIES, spectacles, du 5 au 25 octobre dans les villes du Territoire de Belfort (et le Canton du Jura Suisse en partenariat) www.cg90.fr
Ivre de contes Les communes du Territoire de Belfort accueillent, pour la onzième année, des spectacles vivants autour du Conte, qu’il soit récité, chanté ou même dansé. Une programmation éclectique et originale, qui laisse la part belle à de jeunes créatifs. Du délire, des divagations, beaucoup d’humour et un soupçon de folie : telles semblent être les thématiques retenues cette année par les organisateurs du festival Conte & Compagnies. « Compagnies » au pluriel, s’il vous plaît, car la manifestation rassemble du beau monde, avec des équipes de petites fourmis qui s’affairent durant vingt jours, pour proposer des spectacles réjouissants et rafraîchissants. On peut citer Partons pour Pluton des Femmes à Barbe, Écoute ta mère et mange ton short du Ministère de la jeunesse et de la magouille, ou encore Le groin dans les étoiles d’Anorak Compagnie. Si ces titres évoquent des récits drôles et farfelus, sachez que la programmation réserve aussi de petites perles plus traditionnelles, tout aussi appréciables, comme Pierre et le Loup du Théâtre des Tarabates ou Même pas peur de Jérôme Aubineau. Globalement, la sélection du festival propose des textes, chants ou chorégraphies audacieux et originaux, et les place à la portée du plus grand nombre, puisque l’entrée est totalement gratuite. Conte & Compagnies a pris soin de mêler le monde de l’enfance à celui des adultes et chaque public trouve un spectacle à sa mesure. De réjouissantes découvertes en perspective. D
Ta bouche que j’aime tant embrasser, est-ce que tu peux la fermer ?, d’Olivier Villanove.
par sylvia dubost
photo : franck christen
par adeline pasteur
focus Display/ Copy Only, danse, les 21 et 22 octobre au théâtre Granit, à Belfort www.ccnfc-belfort.org
Maceo Parker, concert le 5 octobre au Théâtre Musical de Besançon. www.letheatre-besancon.fr
La danse et son double
The « sax » machine
À la suite d’Odile Duboc à la tête du CCN de Belfort, Joanne Leighton entend d’abord se faire connaître du public en reprenant des pièces de son répertoire. Comme Display/Copy only.
Le saxophoniste le plus groovy de la planète, Maceo Parker, offre une représentation exceptionnelle à Besançon. De ses vingt-cinq ans passés aux côtés de James Brown, il a gardé une énergie et un groove redoutables.
Chorégraphe d’origine australienne, Joanne Leighton a longtemps vécu à Bruxelles où elle avait installé sa compagnie, Velvet. Elle connaît bien Belfort aussi, où le Centre Chorégraphique National l’a accueillie par trois fois en résidence. Elle y a notamment écrit Display/Copy Only, une pièce qui intègre sa recherche sur la matière de la danse et les questions de l’originalité, la reproduction, la copie, l’appropriation des codes qui parcourent nombreuses de ses créations. Pour un euro symbolique, elle a acheté les droits de reproduction et de transformation d’œuvres de 14 chorégraphes et architectes. Ces phrases très courtes (entre 1 et 7 minutes), extraits d’anciens spectacles ou créées tout exprès, vont servir de base à une nouvelle proposition, chorégraphiée par Joanne Leighton à partir de gestes qui ne lui appartiennent pas. Si les initiés peuvent s’amuser à reconnaître les styles de Jean-Claude Gallotta, Odile Duboc, Russel Maliphant, Frédéric Flamand, il apparaît bien vite qu’un langage propre se dégage de cet assemblage. À partir de quel moment peut-on parler de création originale ? Display/Copy Only pose à la danse les mêmes questions qui se posent depuis longtemps aux arts plastiques ou à la musique : celles de la citation, du plagiat, du sampling, de l’inspiration… et plus fondamentalement, celle de savoir s’il est possible de sortir de l’imitation… D
À presque cinquante ans de carrière, Maceo Parker est le roi de tout un empire musical, maîtrisant du bout du souffle toutes les subtilités du freaky-funk des 70’s, du hip-hop, du mellow-jazz ou de la soul. Véritable prodige, charismatique et inimitable, le saxophoniste a longtemps multiplié les collaborations prestigieuses, avant de se lancer en solo : James Brown (pendant un quart de siècle !), Georges Clinton, Bootsie Collins, Fred Wesley, et plus récemment Prince, assaisonnent avec panache sa biographie. Maceo Parker en est aujourd’hui à son douzième album solo, Made by Maceo, qu’il interprète sur scène en compagnie d’un big band de folie. Le public ne reste jamais de marbre, conquis par les vibrations exquises du groove. Témoignage unique d’une époque où la culture afro-américaine s’émancipait chaque soir sur les scènes de clubs surchauffés, la musique de Maceo Parker puise son inspiration dans les racines du rhythm’n’blues, de la soul, du jazz et exerce la plus grande influence – non seulement dans le domaine du funk et de la danse – mais aussi dans celui de la musique contemporaine. L’artiste promet, à chaque apparition, deux bonnes heures de pur plaisir. À ne manquer sous aucun prétexte. D
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par cécile becker
focus TRIBU FESTIVAL, du 24 septembre au 3 octobre à La Vapeur, au Théâtre des Feuillants, à la Péniche Cancale et dans différents lieux, à Dijon et alentours. www.tribufestival.com
Ça groove pas mal Pour sa 11ème édition, le Tribu Festival « s’ouvre à toutes les musiques ». Des musiques du monde, de l’électronique, du jazz, de la soul, venus d’ici et d’ailleurs.
Le Tribu festival, c’est comme à la maison. C’est un peu comme si des musiciens maboules et passionnés, venant des quatre coins du monde, se rencontraient dans le salon pour faire un bœuf. Ça commence d’abord avec la cinquantaine de musiciens de Zé Ethiopian Brass Brand, qui se balade dans les rues de Dijon, avec tout un tas d’instruments : des boums, des zblahs et des tchika-tchika. Et on arrive doucement à la soirée du 24 septembre pour assister à la rencontre du légendaire batteur nigérian, fondateur de l’afrobeat au côté de Fela, Tony Allen, avec le crooner et expérimentateur finlandais Jimi Tenor. On a du jazz, de la soul, pas mal de vibrations urbaines, et pour commencer, c’est déjà pas mal. Pas le temps de se reposer. Le lendemain Fanga et Kèlè Kèlè, étoiles montantes de l’afrobeat viennent endiabler la salle Mendes France. Le dimanche 26, un peu de répit : de la musique en toute intimité et dans la tradition éthiopienne avec Eténèsh Wassié et le bassiste Mathieu Sourisseau. Le « Tribu » fait la part belle aux musiques du monde et aux rencontres inédites. Alors on passera sans broncher de l’Ethiopie au Liban le 29 avec Ibrahim Maalouf, trompettiste de génie. Le 30, on reviendra en France avec Mekanik Mekanik, musicien barré qui transforme son piano
en machine mécano-électronico-digito-dingue, rien que ça ! Pour finir la soirée en beauté, Vincent Ségal, contrebassiste de M et de Bumcello, accompagne cette fois au violoncelle le maître de la kora : Ballaké Sissoko. Le 1er octobre, Napoleon Maddox, bras dessus bras dessous avec la pianiste Sophia Domancich et les londoniennes des Boxettes, revenant tout simplement du festival Jazz à la Villette présentera sa création : A Riot called Nina, un vibrant hommage à la chanteuse Nina Simone. Une prestation suivie par le duo Grand Pianoramax et Mike Ladd, savant mélange de hip-hop et de post-jazz. Après tout ça, si vous avez le sentiment que vos membres n’ont pas groové comme il le fallait, allez donc voir Ebony Bones : de la folie, du bonheur, des couleurs, de la musique organique et électronique à la fois, et The Infesticons qui brouillent les frontières entre le hip-hop, le rock et le punk. À l’issue du Tribu Festival, vous aurez tout le loisir de vous reposer, des sons et de belles images plein la tête. D
Jimi Tenor et Tony Allen
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par emmanuel abela + sébastien ruffet
photo : magali boyer
focus TROY VON BALTHAZAR, concert le 1er novembre à la Péniche Cancale à Dijon www.penichecancale.com
NOVOSONIC 7, festival du 27 octobre au 1er novembre, à l’Atheneum, à la Vapeur et au Consortium à Dijon www.myspace.com/novosonic
La pop magnifiée Ariel Pink’s Haunted Graffiti, Xiu Xiu, Liars, Novosonic 7 ne rompt pas avec l’exigence des éditions précédentes. En clôture du festival, Troy Von Balthazar viendra présenter une nouvelle livraison de chansons. L’occasion d’échanger avec lui sur sa propre singularité.
Depuis quelques années, chaque nouvelle apparition de Troy Von Balthazar est un instant réjouissant. Que ce soit avec un album, comme le magnifique How To Live on Nothing sorti ce mois-ci, ou même un ouvrage comme 3 Girls, une sorte de poème déguisé en roman lui-même déguisé en journal, qu’il a signé du nom de Troy Balthazar – sans le “Von” – et distribué en France à la Galerie Yvon Lambert à Paris. Ce qui semble si réjouissant chez ce Californien émérite, c’est cette liberté manifeste de produire en toute décontraction ce qui lui semble bon dans l’instant, d’où un sentiment d’intimité immédiate. Le fait qu’il soit né à Hawaï, loin, très loin des contraintes du continent, explique peut-être cette désinvolture apparente. La présence du ukulélé de son enfance – son “Rosebud” à lui – confirmerait presque cet attachement à des instants premiers. « À Hawaï, tous les gamins apprennent le ukulélé. Je
n’étais pas très bon mais c’est avec lui que j’ai écrit mes premières chansons comme Funny Balls. J’ai toujours le même ukulélé de mes débuts, quand j’avais 6 ans. Je l’amène en tournée. » De plus, la présence de ce ukulélé est le signe d’une différence. « J’ai toujours voulu être différent, nous confirme-t-il. Pendant des années, je me déplaçais dans un van avec quatre personnes [à l’époque du groupe Chokebore, ndlr]. Et je ne veux plus de ça dans ma vie. Je veux changer ma musique si j’en ai envie, écrire une chanson aujourd’hui et la jouer demain… Il n’y a pas de règles. C’est plus fragile, mais c’est aussi mieux pour la musique. C’est important d’avoir peur quand tu joues sur scène. » Contrairement à d’autres, la pop de Troy est éprouvée sur disque par des éléments plastiques d’inspiration lo-fi, des bruits et des inserts qui, contre toute attente, attirent l’attention et au final magnifient les compositions. Quelle est la part d’improvisation qu’il peut s’accorder aussi bien en studio que sur scène ? La réponse est directe : « C’est toute ma musique ! Je joue avec des boucles, des effets. C’est différent à chaque fois. Je n’ai rien à perdre. J’ai vraiment ‘putain’ de rien à perdre. J’essaye des choses. Mon job, c’est d’écrire. Je ne dois pas posséder plus de trois CD. J’ai juste le feeling pour l’écriture. Je ne m’occupe pas beaucoup du reste, même si j’aime Al Green. Stevie Wonder, les Beatles, les standards light-rock 70’s ou la musique classique… » D
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Extraits de la collection du Centre des livres d’artistes & Les livres à venir
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DÉPLACEMENTS DE COMPÉTENCES/ KOMPETENZVERSCHIEBUNGEN UN JEU POUR 18 ARTISTES CURATEURS/ EIN SPIEL FÜR 18 KÜNSTLER-KURATOREN FRAC ALSACE : 1 & 2 OCTOBRE 2010 UNE PROPOSITION/EIN VORSCHLAG DES KUNSTHAUSES PALAZZO/LIESTAL/CH/ ACCÉLÉRATEUR DE PARTICULES/STRASBOURG/F/ FRAC ALSACE/SÉLESTAT/F/ EN SAVOIR + : + 33 (0)3 88 58 87 55 FRAC.CULTURE-ALSACE.ORG
KUNSTHALLE PALAZZO/LIESTAL
École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg
Du 7 au 10 octobre 2010, de 11 h à 19 h
Exposition
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École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg
.................................................................................................................... 1, rue de l’Académie, Strasbourg www.esad-stg.org ....................................................................................................................
La Chaufferie
galerie de l’École supérieure des arts décoratifs .................................................................................................................... 5, rue de la Manufacture des Tabacs, Strasbourg ....................................................................................................................
Braderie
des publications de l’ESADS, vendredi et samedi de 14 h à 19 h
PHOTO NIGGI MESSERLI
médiapop + star★light
16.09 J 14.11.10 Marc BIJL ¦ CLAIRE FONTAINE ¦ Cyprien GAILLARD ¦ Piero GOLIA HADLEY+MAXWELL ¦ Jorge MACCHI ¦ Bernhard MARTIN ¦ Katrin MAYER Mladen MILJANOVIC ¦ Frédéric MOSER & Philippe SCHWINGER
Belief in the Age of Disbelief (Les deux chemins au ruisseau / étape VIII) 2005 (détail) – Cyprien Gaillard
Tél. +33 (0)3 69 77 66 47 ¦ kunsthalle@mulhouse.fr www.kunsthallemulhouse.com
Ritournelles et cheval de bois Par sandrine wymann et bearboz
Se laisser prendre au jeu, s’ouvrir au plaisir, suivre sa curiosité, admettre la beauté des choses et la sensibilité des scènes. Ce sont les qualités requises pour pénétrer l’univers d’Hiraki Sawa. L’exposition présentée au cœur du Musée des Beaux-arts de Besançon rassemble une dizaine de films. Le public entre dans l’exposition comme Alice arrive au pays des merveilles, les figures y sont magiques, l’ambiance étrange et il faut tantôt se mettre sur la pointe des pieds, tantôt courber le dos pour apercevoir un bout de projection. Le visiteur est invité à prendre son temps, à se familiariser à toute une imagerie et à déambuler de film en film.
Une silhouette marche à rythme saccadé le long de la vitre. Un cheval à bascule se balance au fond d’une pièce. Une tasse se lève sur ses jambes et rejoint la cuiller au bout de la table. Un avion atterrit sur la machine à laver. Un bateau navigue au pied des reliures plein cuir. Une grande roue tourne dans la cour de la maison. Un buisson traverse l’écran à grandes enjambées. Un chameau monte l’escalier. Une chèvre nage dans la baignoire.
Hiraki Sawa est un vidéaste, réalisateur, sculpteur, monteur de rêves. Il conçoit un monde où l’enfance a la part belle, où les effets sont très spéciaux mais très simples aussi. Jouets, ombres, animaux peuplent ses scènes qu’il construit à la manière d’un film d’animation. La caméra est posée, fixe. Lentement, souvent à la queue leu leu, toujours pour suivre une trajectoire, apparaissent ses « événements » : trois fois rien, un bestiaire récurent, des souvenirs, un monde intime. De manière systématique le décor est d’abord clairement énoncé et présenté puis arrivent les personnages, les animations qui viennent lui donner vie et évanescence. Sawa excelle dans les mises en scène subtiles et raffinées.
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Hiraki Sawa, exposition proposée par le Frac Franche-Comté, jusqu’au 26 septembre, au Musée des Beaux-arts et d’Archéologie & Musée du Temps, à Besançon
Dans Migration, il pose une fenêtre et ses rebords – toujours très importants les rebords de fenêtre qui sont chez lui de véritables routes – puis un escalier ; dans Eight minutes, il présente un gros plan sur sa baignoire. Les lieux sont familiers et banals mais ont toujours un fort potentiel de mystère, ils cachent un précipice (celui du fond du lavabo), un au-delà (le tournant de l’escalier), un inconnu (derrière la vitre). Les surfaces sur lesquelles il loge ses personnages sont irrégulières, usées, parfois délabrées, l’émail est rayé, la plinthe craquelle ou l’étoffe est plissée.
C’est de cette juxtaposition d’images parfaites et de sites anodins que Sawa tire une œuvre qui se dépare facilement d’une trop facile esthétique et d’un goût irraisonné pour la poésie. Le sourire s’installe d’image en image et on se surprend à adopter des postures très étranges, subtilement orchestrées par l’artiste qui a accordé à la scénographie de l’exposition une attention très particulière. Les écrans sont tantôt larges, tantôt très petits. Situés en deçà ou au-dessus du regard, ils forcent à prendre la position adéquate. Parfois insérées dans des meubles ou boites, les images deviennent alors objets et on ne tarde pas à retrouver un art de sculpteur qu’Hiraki Sawa revendique comme formation première.
Bien qu’à peine suggérée, la narration est souvent présente dans les films d’Hiraki Sawa. Les paysages intimes qui accueillent ses fables, son appartement, parfois une plage ou un jardin, installent une ambiance propice au déroulement, implicite ou énoncé, d’une histoire. L’utilisation occasionnelle d’une petite musique mécanique et répétitive renforce cette dimension.
En parallèle, au Musée du Temps, une installation moins séduisante et plus poussiéreuse, s’installe sous les combles de la bâtisse. Hiraki Sawa reprend dans cet espace une commande publique émanant de l’Education Nationale. Moins libre, contraint par des références au tableau noir et au banc d’écolier, il se livre à un exercice et la magie de son œuvre n’opère vraiment que dans le film qui tourne au milieu d’un décor à la Thaddeus Cantor.
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La vraie vie des icônes / 7 Par Christophe Meyer
La rentrée de Michael Jackson, marchandise
ouvert et souriant, avec l’emblématique blouson de cuir rouge et noir aux épaules renforcées de mignons petits boudins matelassés, chemise noire, pantalon slim rouge, chaussettes blanches remontées, mocassins noirs), disponibles respectivement le 1er novembre et le 15 décembre 2010 (pré-commande 49,99 us $ chaque), une société de spectacle a remastérisé une vingtaine de clips calibrés pour les projeter en 2h30 avec entracte dans différents types de salles, des cinémas aux salles polyvalentes à travers la France, à la date de l’anniversaire de MJ. À Brooklyn, Prospect Park, Spike Lee, réalisateur du véhément clip They Dont Care About Us qui voit encore sa diffusion restreinte ou interdite dans certains pays, à cause d’images d’archives considérées comme subversives (répressions de manifestations, défilés d’enfants soldats) a organisé tout l’après-midi une célébration avec DJ Spinna et Snoop Dog, sans autre projection que celle de son clip. À Strasbourg, au Vox, les clips sont projetés sans ordre chronologique mais classés en parties thématiques. La dernière, avec We Are The World, suivie de Heal The Word, They Dont Care About Us poursuivie par Cry et close par Will You Be There est celle de l’emphatie. Le public pleure. Surchauffé par les clips précédents, ses larmes forment immédiatement un nuage de vapeur et les dernières images n’atteignent pas l’écran, happées par le brouillard de l’émotion. Avec Le 29 août 2010 Michael Jackson aurait eu 52 ans. Avant la mise ce qui est montré et donné à entendre de la musique en vente d’un pack de cartes Panini à thème MJ (pré-commande et des images de MJ, ce qui en est coupé et raboté, ce à 98,90 us $) et la diffusion par Playmates Toys de deux poupées spectacle pose la question de la volonté artistique, de mannequin (25 cm de haut environ) à son effigie, Billie Jean (quatre la place de ces images et de ces sons. Un grand nombre mèches sur le front, costume noir brillant deux pièces imitation cuir, de clips sont en effets écourtés, l’univers sonore de veste à large rebords surpiqués, chemise à col droit lilas très pâle, battements, cris, souffles, ahanements est éludé. Le chaussettes tombantes tire-bouchonnées d’une couleur assortie, petit monde cannibale s’emploie à digérer MJ, à le lisser et nœud papillon rouge, chaussures façon Richelieu bicolores, noires le réduire en simplifiant son univers, révisé à l’échelle et blanches) ou Thriller (six mèches sur un front très lisse, visage de la poupée.
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Songs to learn and sing Par Vincent Vanoli
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Songs to learn and collines sing Chronique de mes Henri Morgan vit retiré à la campagne, et se consacre à l’étude et à la méditation. Par Vincent Vanoli
Varney the Vampyre (anonyme) Comme je suis un vieux monsieur, j’ai un peu de mal à comprendre la librairie moderne. J’avais fini par m’apercevoir tout de même que les livres que je cherche ne se trouvent pas chez les libraires, parce qu’on n’en parle pas à la télévision. Je m’étais donc résolu à commander ma nourriture intellectuelle à une célèbre librairie en ligne, mais je constatai alors que si je commandais trois volumes, ils étaient fourrés dans le même paquet sans aucune précaution, et qu’ils m’arrivaient tout fripés. Finalement, je découvris que, comme le port est gratuit, il fallait commander les livres un à un, quitte à échelonner ses commandes de 48 heures en 48 heures. Cela fait consommer beaucoup de carton à la librairie en ligne mais, de cette façon, on est à peu près sûr que le livre arrive entier. Ces gens sont remarquablement efficaces pour acheminer des colis, pas pour les confectionner. C’est ainsi. Un autre mystère de la moderne industrie du livre c’est qu’il y a des livres à prix fixe, au moins dans le monde anglophone. Tous les volumes de la collection à bon marché Tales of Mystery & the Supernatural, aux éditions Wordsworth, coûtent trois livres sterling (quelque chose comme trois euros soixante), quelle que soit leur épaisseur. Tout cela est pour vous dire que, contre la somme de trois euros soixante, j’ai reçu dans ma boîte à lettres Varney the Vampyre, qui est presque aussi épais que large, puisque l’ouvrage fait 1166 pages, dans un corps minuscule. Compte tenu du fait que la lecture d’un pareil monument nécessite plusieurs dizaines d’heures, on ne peut s’empêcher de songer que si tout le monde était lecteur, l’économie serait paralysée et que la civilisation s’effondrerait. Varney the Vampyre est un célèbre penny dreadful victorien, un de ces feuilletons paraissant en livraison à un pence, dont le contenu sensationnel privilégie horreur gothique et brigands de grands chemins. Varney parut de 1845 à 1847. On n'est pas sûr de l’auteur. On a dit longtemps qu’il était de la plume d’un certain Thomas Preskett Prest. Puis les travaux d’E. F. Bleiler ont fait pencher pour un James Malcolm Rymer. Varney, bien avant le Dracula de Bram Stoker (qui est de 1897), met au point des détails essentiels du mythe vampirique, tels le fait que le vampire est un aristocrate (mais c’était déjà le cas dans Le Vampire de Polidori), que la vampirisation nocturne d’une victime féminine a de fortes connotations érotiques, que cette vampirisation laisse deux petits trous au cou, que, lorsqu’il est accusé, le vampire ne tente pas de se disculper mais se contente de ricaner avec hauteur. Mais Varney a l’avantage de relever du genre feuilletonesque le plus populaire, d’où une certaine liberté de ton et d’invention, qui se paie par des incohérences (la période à laquelle se passe le roman est ostensiblement le premier tiers du XVIIIe siècle, mais il y a tout
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le temps des allusions aux guerres napoléoniennes ; des personnages disparaissent du roman sans qu’on sache pourquoi ; des noms changent). Le projet narratif lui-même se modifie au fur et à mesure et à certains moments l’auteur tâche de nous persuader que Varney n’est pas véritablement un vampire, pour se rétracter ensuite. C ’est le début qui est le plus intéressant, parce que la règle du jeu qui y est donnée diffère sensiblement de l’économie vampirique canonique. Pour commencer, il n’est pas nécessaire que la jeune et belle victime du vampire meure exangue pour devenir vampire à son tour. Elle peut mener une vie tout à fait normale, se marier, avoir des enfants. Seulement, quand elle mourra de mort naturelle, elle deviendra un vampire. Le vampirisme est un peu comme une maladie vénérienne qui se déclarerait post mortem. (Cette version est réfutée plus loin dans le roman, au profit de la version canonique). Ensuite — et c’est un peu la continuation du même motif —, il est nettement suggéré que le vampire est quelque chose qui arrive à une famille, l’analogue d’un revers de fortune ou de quelque scandale, et que son apparition se solde par un ostracisme social. La première réaction des domestiques de la famille Bannerworth, lorsque Flora est mordue, est de démissionner en masse, parce qu’ils refusent de rester une minute de plus au service d’une famille qui est affligée d’un vampire.
Le monde est un seul / 9 Par Christophe Fourvel
Photo : Sonja Haegeli, vue de la ville de Kars, Turquie.
Sous le silence de la neige Le silence de la neige, voilà à quoi pensait l'homme assis dans l'autocar juste derrière le chauffeur. Au début du poème, il aurait qualifié ainsi l'état de ses sentiments, de "silence de la neige". Ainsi commence Neige, le roman d'Orhan Pamuk. Ka est un poète envoyé par un journal d'Istanbul dans la ville de Kars, à l'est du pays, dans le Kurdistan turc. C'est un homme solitaire, occidentalisé et assombri par l'exil misérable des mauvais quartiers de Francfort. Il vient enquêter sur plusieurs suicides de jeunes filles voilées. Ka sait aussi qu'à Kars, parmi les rues et les âmes ravagées par les guerres politiques et religieuses, vit Ipek, un amour de jeunesse mariée à un poète, leader d'un parti islamiste modéré. Il va rencontrer la belle Kadife, la soeur d'Ipek, qui a choisi de porter le voile et qui est devenue l'amante de Lazuli, figure complexe et recherché d'un islamisme radical. À Kars, il fera également la connaissance de jeunes étudiants, poètes et romantiques, prêts à mourir comme à tuer n'importe quel laïque ; de quelques-uns qui se battent pour la nation kurde et de quelques-autres qui se battent pour le respect du port du voile. Mais il aura aussi à cotôyer des militaires jouissant de nettoyer la ville de tout ceux-là, précédemment nommés et pour eux indistinctement communistes, poètes, nationalistes, religieux. À Kars, on l'aura compris, la neige fait ce qu'elle peut pour maintenir la blancheur sur la boue que l'histoire ne cesse de créer. Ka écrit des poèmes lumineux, sans rature, avec ce souffle et cette conviction nouvelle pour lui. Ici, à Kars, la poésie ne reflue pas sous l'étouffement et l'horreur parce que sans doute la complexité de la situation, les tiraillements de l'esprit, les mauvaises conclusions mêlés aux justes donnent à cette ville un rayonnement audelà du chagrin et des mots ordinaires. J'imagine Ka endossant l'exacte silhouette des héros portugais que l'on croise dans certains romans d'Antonio Tabbuchi. Lâches, d'une certaine façon, mais capables de tirer de grandes choses de leur lâcheté et trouvant étrangement leur juste place en bordure du monde, quand la bordure finit par
résonner de la secousse majeure. La question du voile, au coeur des 623 pages que compte ce roman est une question d'identité, de politique, d'histoire et, oserait-on rajouter, "de regard". Elle exige de nous une réflexion et une écoute auxquelles nous avons renoncé, préférant plus simplement "nous tenir informés". Cela veut dire pour l'essentiel, être "pour" ou "contre". Car nos démocraties perpétuent l'idée d'un journalisme souverain (façonnant ainsi "l'opinion") capable de se substituer à la littérature bien entendu, mais aussi à la philosophie et à toutes les sciences humaines. Ce que dit Orhan Pamuk est l'exact contraire. Ce livre se termine sans conclusion, au sens journalistique, au sens de l'opinion. Les hommes rendus à leur intelligence, à leur désir sexuel, à leur possible et à leur bêtise, à leur histoire et à l'Histoire, à leur intuition et à leur erreur ont toutes les chances de se séparer sans vainqueur. Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas prendre position. Cela veut surtout dire que nous avons un énorme besoin de littérature pour comprendre le monde. Pour être désirant, fragiles, entêtés et captifs dans le temps long que durent les pages. Pour avoir une toute petite chance de nous sentir nous-mêmes kurdes, poètes, communistes, islamistes radicaux ou femmes voilées avant d'envisager simplement d'émettre une opinion. Celle-ci aura alors toutes les chances d'être argumentée. Neige d'Orhan Pamuk est disponible dans la collection de Poche Folio.
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Tout contre la bande dessinée Par Fabien Texier – Illustration : Illustration : Jim Curious, de Matthias Picard (version « plate ») © 2024
« La BD, discipline la moins culturelle de la littérature.» Propos cité par Jochen Gerner dans Contre la bande dessinée, l’Association
La bataille de la reconnaissance est en bon chemin et de nouvelles voies s’ouvrent dans un contexte difficile : un exemple plombant, un autre enthousiasmant… Du côté affligeant, on a pu voir dans les semaines passées que la relative reconnaissance médiatique de la bande dessinée n’améliore pas forcément le contenu de la réflexion. Surfant sur le numéro de Philosophie Magazine consacré à Tintin (sujet qui comme Astérix vire à la franchise pour titre de presse désireux de faire quelques ventes, on attend impatiemment la contribution du Chasseur Français), Les Nouveaux chemins (ex « de la connaissance », ça doit être plus hype) ont consacré une semaine sur France Culture aux aventures du petit reporter avec un chien blanc et un ami barbu. On ne s’est pas tout envoyé, mais hors quelques interventions bienvenues d’invités vraiment qualifiés, on aura surtout eu droit à pléthore de théories, psychanalysantes, géopolitisantes de comptoir, ou dignes de sujets de philo du bac sur les sens cachés du perroquet dans le corpus tintinesque, la si troublante gémellité des Dupondt, la Syldavie vs la Bordurie etc… Le tout agrémenté de « mon enfance et Tintin », « nous sommes tous des tintinophiles », « Hergé un peu xénophobe et antisémite, mais finalement brave homme bien de son époque », avec un animateur et des invités confits en dévotion, la larme à l’œil. Il y avait pourtant fort à dire, même sur un sujet aussi rebattu. Las ! Nos experts aussi respectables soient-ils en leurs chapelles respectives, ne voyaient dans Tintin que matière au retour en enfance ou à la surinterprétation. Il est pourtant possible de faire résonner différentes disciplines autour de la bande dessinée sans être soi-même grand connaisseur. Peut-être cela demande-t-il une prise de distance, de la modestie ou de la fraîcheur, à l’exemple d’Arlette Farge sur la même antenne dans la Fabrique de l’Histoire.
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Du côté ensoleillé de la rue, on apprenait interloqué que deux anciens des Arts Décos de Strasbourg, auteurs d’Ecarquillettes, Numo ou Belles Illustrations, Olivier Bron et Simon Liberman lançaient leur propre maison d’édition à deux : 2024. Dans un contexte de surproduction où le pilon fait la loi, l’entreprise a de quoi laisser sceptique. D’autant plus qu’elle se constitue non pas sous un régime associatif, comme le font la plupart des indépendants à leurs débuts, mais sous celui des sociétés commerciales. Ils nous assurent que la majorité des indépendants regrettent aujourd’hui de ne pas avoir fait ce choix : « l’activité c’est vendre des livres. » Pourtant ce qui rend leur projet prometteur est aussi ce qui le rend périlleux. Des livres au façonnage très soigné, de véritables objets avec des prix laissant une faible marge de bénéfice, entre illustration, bande dessinée et littérature illustrée. De quoi laisser perplexe tant un libraire qui doit choisir où les placer, que des journalistes friands d’étiquettes, ou des lecteurs à séduire. Autant que possible, les éditeurs inciteront les auteurs à s’approprier l’objet et à proposer des expérimentations sur sa forme. Après un premier ouvrage pas franchement classique, Les Derniers Dinosaures, imposture savante de Donatien Mary et Didier de Calan, Jim Curious de Matthias Picard, qui signe le très bon Jeanine en ce moment dans la revue Lapin, en trichromie 3D (avec lunettes rouges et bleues) n’est pas loin de la gageure. Tirage moyen autour de 2000 exemplaires. En route également une revue/collection trimestrielle qui associera un illustrateur et un artiste d’une autre discipline (avec pertinence nous assure-t-
on). Côté recrutement, le duo a d’abord sollicité son réseau de confrères mais lance aussi des coups de sonde du côté de cadors comme Tom Gauld et Sébastien Lumineau. Il espère également que la poste fera parvenir un choix de projets excitants. Critère de sélection important, le souci de l’objet livre chez l’auteur qui amènera aussi logiquement une collaboration avec d’Icinori. Parmi les autres projets en cours : Chicabang de Thomas Vieille, la réédition de La Traversée des harengs de Simon Liberman, Canne de fer et Lucifer de Léon Maret, Franck et Vincent de Nikol… Pour les parentés d’esprit dans l’édition, au-delà de la famille indépendante dans son ensemble, on nous cite Les Requins Marteaux et les jeunes éditions Attila qui mêlent littérature et illustration, et rééditent le fondamental Edward Gorey. Notons enfin que la démarche de 2024, pour audacieuse qu’elle soit, demeure
modeste et ouverte aux autres, puisque le lancement de Jim Curious aura lieu de concert avec celui de Jeanine à L’Asso. Difficile aujourd’hui de prédire le succès artistique et commercial d’une telle initiative, mais déjà de belles promesses… Ah oui, et puis Pierre Feuille Ciseaux c’est pour tout bientôt, cela fait aussi partie des entreprises porteuses d’espoir ! Les Deniers dinosaures, parution fin octobre www.editions2024.com Pierre Feuille Ciseaux à la Saline royale d’Arc et Senans, les 2 et 3 octobre www.pierrefeuilleciseaux.com
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Plastic soul #3 Par Emmanuel Abela
DILLY DOLLY DALLY
Étonnamment absent de Rip it up and start again, l’ouvrage-somme de Simon Reynolds sur le post-punk, Dolly Mixture mérite pourtant de sortir de l’ombre. Formé à Cambridge, ce trio féminin a su faire la jonction entre les Shangri-Las et les Undertones, deux groupes que ces copines d’école adoraient. Alors qu’elles ont assuré les premières parties pour The Fall et pour les Undertones justement, lors d’une des premières tournées anglaises du célèbre groupe nord-irlandais, Dolly Mixture se trouve exposé par John Peel, le DJ de BBC Radio 1 et rapidement, le groupe fait la une de Record Mirror et Sounds. Pour l’anecdote, U2 a ouvert pour elles lors de l’une des toutes premières tournées du groupe en dehors de l’Irlande.
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Les trois jeunes femmes enchaînent les singles à partir de 1980, notamment une très convaincante reprise de Baby It’s You des Shirelles, puis Been Teen et Everything and More, deux singles produits par Captain Sensible et Paul Gray des Damned sur le label de Paul Weller, Respond. Si certaines chansons de leur répertoire renvoient au patrimoine adolescent, toutes trois refusent de jouer la carte du teen-group féminin et très rapidement, on sent une maturité chez ces jeunes femmes qui les conduit à produire l’un des enregistrements les plus réussis de la décennie, Demontration Tapes en 1983. Présenté dans un package très sobre, avec une pochette blanche simplement estampillée à la manière du White Album des Beatles, numéroté et signé par les trois membres du groupe – pour un tirage très limité de 1000 exemplaires –, ce double album parcourt le répertoire diversifié du groupe en 27 chansons. Il rejoint la liste très réduite de ces joyaux 80’s parfois oubliés : le premier album des Feelies, Crazy Rhythms (1980), le chef d’œuvre minimal Colossal Youth des Young Marble Giants (1980), The Days of Wine and Roses de The Dream Syndicate (1982), ou encore Before Hollywood (1983) des GoBetweens. Voisines des Raincoats première mouture, moins déjantées que les Slits, Debsey (Wykes), Rachel (Bor) et Hester (Smith) auraient sans doute mérité une plus grande notoriété et surtout une suite à leur carrière, mais le trio splitte en 1984 après la publication du Fireside EP. Culte, Dolly Mixture continue d’alimenter les fantasmes de la jeune scène underground américaine. Aujourd’hui, la publication d’un remarquable coffret 3CD permet de re-situer clairement l’importance de ce groupe qui, pour ne pas être majeur, n’en demeure pas moins essentiel. L’intégralité des singles avec B-sides, du double Demonstration Tapes, avec moult demos (véritables, pour l’occasion) et enregistrements live, le tout remastérisé et packagé avec grand soin, inscrit enfin ces trois jeunes femmes dans l’histoire de la musique populaire anglaise. Everything and more, coffret 3CD disponible sur www.dollymixture.net
AK-47
Sur la crête
Par Fabien Texier
Henri Walliser + Denis Scheubel
REGARDER
« Here we go! AK47: the very best there is ! When you absolutely, positively, got to kill every motherfucker in the room, accept no substitute ! » Ordell Robbie, Jackie Brown
Independance Day
Etre comme les êtres qu’on a regardés. Se regarder voir quand ils nous regardent. Mon reflet dans ses bottes rebondit sur mes lunettes. Elle le voit, je le sais. L’éternité entre deux miroirs avides. Si les miroirs se Touchent, au milieu C’est du vide ? Tournons autour pour voir.
Après s’être complu des lustres dans une ignoble hypocrisie, le pouvoir a repris clairement la main sur les nominations de patrons, voire d’animateurs ou de cantinières de l’audiovisuel public. L’Alsace peut donc s’enorgueillir de compter un de ses fils à la tête de France Télévision, un nouvel astre dont l’indépendance à l’image d’un Jean-Luc Hees ou d’un Frédéric Mitterrand, illuminera la République. Déjà le vent de la liberté souffle dans les chaînes avec un ambitieux programme pour rajeunir l’audience. Pour commencer, une grande idée de service public : une émission de TV réalité ! On suggère Le Prix du Danger, avec des Roms à la place de Lanvin pour améliorer la diversité culturelle. Autre grand projet, une série novatrice sur le modèle de Plus belle la vie, HBO et la BBC en salivent d’envie… Place aux jeunes ! Arlette Chabot, insolente pasionaria gauchiste est virée de la direction de l’information, mais le toujours dynamique Michel Drucker est de retour avec un Champs-Elysées trimestriel. On frémit d’impatience ! Chaises musicales : Emmanuelle Guilbart venue de chez l’ami Lagardère reprend France 4, le pauvre Bruno Patino, qui devait salement se morfondre à France Culture, est nommé à France 5 et « Monsieur Numérique » du groupe. Du coup Olivier Poivre d’Arvor, qui s’était fait filouter la Villa Médicis, a refusé l’ambassade de Roumanie pour prendre la direction de la station ainsi délaissée. Monsieur frère connaît bien la chose puisqu’il a sûrement une radio dans sa voiture et qu’un hebdomadaire médisant comptait parmi ses amis de brillants sujets comme BHL ou Beigbeder. Gageons qu’il saura lui aussi, à l’instar du grand Patrick malheureusement exilé sur Arte, donner des gages d’indépendance.
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Pas d’amour sans cinéma / 1 Par Catherine Bizern
Aimer tout de même Godard « Toi tu es génial mais en ce qui concerne les relations entre les hommes et les femmes tu es vraiment à côté de la plaque » c’est un peu ce que disait finalement Anne-Marie Miéville à Godard, Godard le cinéaste mais aussi Godard son compagnon dans Soft and Hard (1985, Jean-Luc Godard et Anne-Marie Miéville). Avec une grande douceur dans le regard, une pointe d’hésitation dans la voix, elle lui disait son incapacité à renouveler la représentation des relations de couple dans ses films, sa façon d’user finalement de vieux dialogues et de postures éculées. J’aimais que quelqu’un le lui dise enfin et j’aimais que ce soit elle. C’est vrai, la rigueur, la lucidité, l’invention, tout le génie avec lequel Godard montre comment le monde va (mal) se dilue lorsqu’il s’agit de dire ce qu’il en est des hommes et femmes ensemble. Chez Godard, les femmes minaudent toujours et les hommes les font jouer à la poupée ; les femmes sont comme des images sur lesquelles se répand sinon se dissout la virilité des hommes ou bien elles sont comme d’étranges objets sur lesquels viennent se fracasser toutes les horreurs du monde. Et même si À bout de souffle racontait aussi l’histoire d’une fille qui veut avorter, l’histoire est très enfouie, mais entre son désir d’écrire pour le journal et celui de se faire avorter, Patricia est une jeune femme (pré)occupée et pas seulement par le jeu de cache-cache de Poiccard.(1) Et même si Une femme mariée était le premier film français où il est ouvertement question de contraception et surtout de la pilule, où une femme vit enfin sa sexualité et son désir sans drame, entre son mari et son amant. Comme on dit habituellement du Mépris qu’il serait un documentaire sur Brigitte Bardot, Une femme mariée est un documentaire sur Macha Meril, une actrice, une femme libre, féminine et féministe. Tout au long d’Une femme mariée le corps fractionné de Macha Meril apparaît en morceaux à l’écran comme pour répondre image par image à la longue scène d’ouverture du Mépris. Là, allongée sur le ventre tout contre Michel Piccoli, Brigitte Bardot énumère chacune des parties de son corps. « Je t’aime totalement, tendrement, tragiquement… » dira Paul à Camille… Plus tard la voiture rouge décapotable que le producteur américain conduit aussi brutalement qu’il regarde les femmes, emportera Camille au-delà du gouffre qui a séparé le couple. Les voir ensuite ensemble ne sera plus désormais que douloureux, tragique. À peine supportable tant le naufrage qui se joue entre les deux personnages est brillamment interprété par Piccoli et Bardot, et mis en scène de manière somptueuse et désinvolte.
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Et puis il y a la séance de photo dans Le petit soldat. Tout regard amoureux se mesure à l’aune de cette séquence. Veronica Dreyer est photographiée par Bruno Forestier. Il lui pose des questions qui pourraient être nécessaires à l’histoire du film. Mais personne n’est dupe, ni l’acteur, ni le spectateur ni Anna Karina sans doute : Jean-Luc Godard filme la femme dont il est tombé amoureux pour aucune autre raison que le seul plaisir de l’aimer du regard et de le projeter au monde. Le “je” projeté vers l’“autre”, agrandi par le cinéma, le “je” comme un « oui » qui consiste à ouvrir la bouche. C’est ce que dit Godard à Anne-Marie Miéville dans Soft and Hard, Anne-Marie Miéville remue alors les lèvres pour vérifier – le « oui » consiste à ouvrir la bouche le « non » consiste à la fermer. Elle dit « oui » dans un grand sourire. Et lui a écrit quelque part dans un autre film « dans Marie il y a aimer ». 1) Cette histoire m’a été révélée par Daniel Blaufuks qui dans un geste de piratage à la Perec a retranché tous les plans avec Belmondo. Le film s’appelle À bout d souffl. Il est programmé au prochain festival international du film de Belfort, EntreVues.
La stylistique des hits Par Matthieu Remy – Illustration : Dupuy-Berberian
L’adynaton
Ça n’est pas parce que les figures de style ont des noms étranges qu’elles sont forcément plus rares dans les textes littéraires ou les chansons populaires. Prenons le cas de l’adynaton, qu’à part les poéticiens, peu de gens connaissent. L’adynaton est tout simplement une variante de l’hyperbole, où l’exagération est telle que l’énoncé paraît impossible, faisant basculer la plupart du temps le discours dans une forme de fantasmagorie. Le sens littéral du mot signifie d’ailleurs « impossible » en grec et la figure est pour beaucoup de stylisticiens celle de l’absolu, de la radicalité extrême quand il s’agit de retranscrire un phénomène. C’est évidemment dans le domaine amoureux que l’adynaton est plus particulièrement utilisé et la poésie du désir brûlant s’en est beaucoup servi, dès le XVIe siècle, comme le confirme cet exemple traditionnel hérité du Lyonnais Maurice Scève :
« Plus tost seront Rhosne et Saone disjoinctz/Que d’avec toi mon cœur se désassemble ». Dans la chanson française, l’adynaton est relativement fréquent, surtout lorsque le lyrisme est porté à son maximum. Jacques Brel, qui fut plus spirituel ailleurs, en use presque tout le long de Ne me quitte pas, évoquant des « perles de pluie venues de pays où il ne pleut pas » ou expliquant qu’il creusera la terre jusqu’après sa mort. On voit bien, dans ces cas-là, où se situe l’impossibilité. La chanson d’amour, si elle est prompte à dégainer son hyperbole d’hyperbole – car les cœurs tendres aiment à « 200% », c’est bien connu – n’est pourtant pas la seule à en user. Et l’on trouve aussi quelques adynatons dans les chansons engagées, en particulier lorsqu’il est question d’un futur apocalyptique. C’est le cas de cette merveilleuse chanson de Dylan, A Hard Rain’s Gonna Fall, dans laquelle on a cru discerner la sombre vision d’un monde post-nucléaire. Ce monde que décrit Dylan est un monde renversé, littéralement impossible, où nos certitudes, nos connaissances les plus élémentaires sont bouleversées, où « le noir est la couleur, où rien est le nombre » (« Where black is the colour, where none is the number »). Parfait pour désigner cette horreur à venir dans laquelle nous ne pouvons nous projeter à moins de transformer radicalement notre système de référence, l’adynaton est non seulement particulièrement évocateur, mais aussi immédiatement poétique, parce qu’il déphase le texte. Reste qu’il est aussi un élément d’emphase, qui joue sur l’émotion avant d’en appeler aux subtilités de la raison. Et qu’il se manie avec précaution, donc, et dans des contextes où il n’est pas question de faire passer ses idées en force, sous peine d’être très vite enfermé dans le cliché ou dans la caricature. Jacques Brel – Ne me quitte pas (« Des perles de pluie venues d’un pays où il ne pleut pas ») Bob Dylan – A Hard Rain’s Gonna Fall (« Where black is the colour and none is the number »)
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cinérama 4 Par Olivier Bombarda
« Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d’autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. » Jean-Luc Godard A History of violence : dans The Killer Inside me, gros plan de Joyce (la séduisante Jessica Alba) dont le visage est tuméfié puis littéralement troué par les poings massacreurs de Lou Ford (Casey Affleck). L’ignominie du plan de Michael Winterbottom rappelle l’une des images les plus insoutenables de cet été 2010 : le portrait d’Aicha en couverture du Time, jeune Afghane de 18 ans, dont le nez et les oreilles auraient été tranchés par les talibans. Plus tard dans le film, le meurtrier réitère ; coups de poing dans le bas-ventre d’Amy (Kate Hudson) qui se retrouve au sol, suffocante. Lou Ford lui cache son visage avec sa jupe tandis que le corps de la jeune femme se délite, une flaque d’urine se répand sous elle. « On écrivait des synopsis et on les donnait aux auteurs en disant : est-ce que vous pourriez nous donner un livre comme ça ? (…) On a donné à Jim Thompson un synopsis de The Killer Inside Me, qu’il a très astucieusement transformé pour satisfaire ses besoins stylistiques (George Tuttle cité dans Le polar américain, la modernité et le mal – PUF, 2006). Quelles pouvaient bien être les quelques lignes du synopsis de «The Killer Inside me » ? ***
« La violence est l’une des grandes industries américaines. » Alain Bosquet ***
« La violence, c’est quand même terriblement graphique. Il y a dedans une énergie cinégénique incroyable. On entre dans le domaine de la métaphore, du symbole. » Abel Ferrara ***
« La violence sucrée de l’imaginaire console tant bien que mal de la violence amère du réel. » Roland Topor
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L’insupportable légèreté de l’être : Lee Chang-Dong, ancien ministre de la Culture de Corée du Sud ayant à faire face à la contrainte des quotas sur les productions américaines, poursuit sa carrière de cinéaste hors des sentiers battus. Après Secret Sunshine (2007), Poetry est l’histoire d’une petite vieille, Mija (Yoon Jung-hee), excentrique et coquette, vivant avec son petit fils. Son seul désir est de réussir à écrire un jour un poème. Mais la vie n’est pas aussi belle qu’elle le pensait : le viol d’une petite fille la ramène à la pire réalité. « Au tournage, mon plus grand souci est de détruire ce qui pourrait être beau cinématographiquement parlant. Il ne faut pas enjoliver. Ce qu’on voit sur l’écran est ce qu’il y a de plus proche de ce qu’on voit dans la réalité. » dit Lee ChangDong
Modernons Par Nicolas Querci Un but : dénoncer les exactions du moderne.
Entièrement centré sur le portrait de cette petite femme, Poetry décline avec finesse les contradictions entre le désir créatif à voir la beauté en toute chose et la laideur inhérente à la vie, la maladie, le crime, la violence. Au-delà, le spectateur constatera dans Poetry – au même titre que dans Secret Sunshine – les prédispositions particulières de Lee Chang-Dong à une extrême compassion dénuée de pitié (au sens germanique, « souffrir avec ») pour son personnage principal. Le simple fait que Mija existe à l’écran s’apparente déjà à une gageure : qui en France ou aux Etats-Unis donneraient deux sous pour un tel projet porté par une actrice inconnue ? Poetry remporta en mai dernier le Prix du Scénario à Cannes. ***
« Le mot réalisme ne veut rien dire. Dans une certaine mesure, tout est réaliste. Il n’y a pas de frontière entre l’imaginaire et le réel. » Federico Fellini ***
« Les Français aiment le réalisme ; ils pensent que si les comédiens sont trop beaux, le film ne ressemble pas à la réalité. Il a l’air d’un film. » Roman Polanski *** Poésie retrouvée : fin de l’imbro glio jur idique et ressor tie de l’intégrale Pierre Etaix. (Re)voir Le Soupirant qui mourrait doucement dans les placards de la société Gavroche Productions. Po u v o i r à nouveau constater que le cinéma de Pierre Etaix ressemble à du Jacques Tati et du Buster Keaton, tout à la fois. Et puis non, admettre qu’il est unique, comme fortifié d’un paradoxe : le cinéma de Pierre gambade avec l’insouciance dont fait preuve son personnage récurrent de clown fragile, lunaire et vif. À mille lieues d’être une victime emprisonnée. ***
« Tu supportes des injustices ; console-toi, le vrai malheur est d’en faire. »
Nantes « Bienvenue aux étudiants. » C’est le slogan que l’on voit fleurir dans les villes se prévalant du label « ville étudiante ». Depuis que les études se sont banalisées, l’étudiant – qui jouit d’une notoriété inespérée, magique – est devenu l’une des figures clés de la modernité, au même titre que la femme active, le militant, le polémiste, le touriste, ou encore le télé-conseiller. D’ailleurs il lui arrive d’être un peu tout ça à la fois. Une « ville étudiante » est par définition une ville qui bouge. Traduction : c’est une ville jeune, festive, dynamique, où il fait bon vivre. Car l’étudiant véhicule des valeurs jugées positives, comme la vie, la jeunesse, l’amour, la liberté, la révolte. L’étudiant épouse spontanément toutes les bonnes causes et toutes les modes. On lui pardonne sa naïveté. Et si l’étudiant bouge, s’il fait un peu de bruit, s’il parle fort, s’il écoute la musique à fond, s’il emmerde le monde, s’il détruit tout sur son passage, c’est signe de sa vitalité. Il a pour ennemie la vieillesse rance qui est raciste et réactionnaire. L’apologie sans retenue de l’étudiant coïncide avec celle du mouvement et entretient l’illusion d’une société fondée sur le savoir plutôt que sur le divertissement – parce que pour ce qui est de la culture, de l’économie, de la politique, c’est raté. C’est pourquoi on lui déroule le tapis rouge, on l’accueille en héros, en libérateur. Valeur refuge d’une société gâtée par le jeunisme, l’étudiant se fonde sur l’image qu’on se fait de lui pour réclamer de force qu’on le prenne au sérieux. Il n’a plus besoin de faire ses preuves. Au fond, il ne veut pas en branler une nouille. La vérité, c’est que l’étudiant n’a pas d’idées, qu’il est prêt à gober n’importe quoi, qu’il est d’une bêtise crasse, qu’il est arrogant, qu’il est suffisant. Rouage essentiel de la société qu’il prétend renier, celle de la vitesse, de l’obsolescence, de la vacuité, de l’injustice, l’étudiant est désormais le plus grand fléau des centres-villes. Le produit jeune a malheureusement tout l’avenir devant lui.
Démocrite
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bestiaire n°5 : Fourmis (Voyage avec mon kangoorouge à travers la Suisse)
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Par Sophie Kaplan
« Une fourmi traînant un char plein de pingouins et de canards Ça n’existe pas ça n’existe pas (…) Et pourquoi pas ? » Robert Desnos
Pour cette nouvelle saison de Novo, me voilà partie à l'aventure sur les traces d'un explorateur célèbre, auteur de grands voyages autant réels qu'imaginaires : Robert Louis Stevenson. Moins téméraire que Stevenson, je me satisferai d'escapades en Suisse voisine et ce n'est pas à l'assaut de ses sommets que je partirai, mais de ses musées et centres d'art. Mon premier voyage m'a menée à Aarau, charmante et pittoresque ville médiévale, capitale de l'Argovie, sise au pied sud du Jura. Aarau fête cette année les 150 ans de sa Kunstverein et les 50 ans de sa Kunsthaus, rassemblées dans le même édifice, dont l'extension de 2003 est signée Herzog & de Meuron, avec la collaboration de Rémy Zaugg. Le bâtiment vaut à lui seul le détour. L'une des expositions anniversaires s'intitule Yesterday Will Be Better (Taking Memory into the Future) et rassemble les œuvres de 35 artistes suisses et internationaux, parmi lesquels Douglas Gordon, Mona Hatoum, Deimantas Narkevicius, Hans-Peter Feldmann, Lida Abdul, Lutz & Guggisberg, Uriel Orlow, Manon Bellet, Alexander Heim et Pierre Bismuth. Le titre est emprunté à une œuvre de George Brecht, artiste américain membre de Fluxus. À la fois paradoxal et drôle, il
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joue sur deux dictons éculés pour interroger notre perception du temps qui passe. Yesterday Will Be Better, et ce n'est pas là son moindre défaut, compte beaucoup de merveilles. Parmi elles, les dessins rêveurs de l'argentin Jorge Macchi, où l'on voit notamment que la terre est un ballon de baudruche. Parmi elles également (et l'irréprochable amie des bêtes que je suis ne pouvait passer à côté (2)), la vidéo Quarta-Feira de Cinzas / Epilogue (3) de l'artiste brésilienne Rivane Neuenschwander (4), dans laquelle un ballet de fourmis noires ramasse et rassemble des confettis multicolores, laissés là après le dernier jour du carnaval (quarta-feira de Cinzas, le mercredi des Cendres). Entre économie du recyclage et composition artistique, l'œuvre mêle le quotidien et l'extraordinaire, le macrocosme et le microcosme. La bande son, très travaillée, mixe des rythmes de samba aux bruits de la forêt et aux sons d'allumettes craquées tombant sur le sol. Rivane Neuenschwander parle d’un « réalisme magique » qu’elle cherche à rendre visible dans son travail. Pas de doute ici, il est en action. Et l'on pense aux descriptions sud-américaines de Blaise Cendrars, à ses poteaux électriques auxquels poussent des branches (5). PS : avant de quitter la Kunsthaus d'Aarau, il faut absolument gravir l'escalier à double révolution pour aller plonger dans les paysages de Caspar Wolf (6), champion du pré-romantisme suisse qui, contemporain d'Albrecht Von Haller (7), contribua à la constitution du mythe suisse. Dans ses toiles, ce sont les humains, pas plus grands que des fourmis, qui sont autant de tâches de couleurs. 1 - Ce titre joue avec celui du récit de voyage de Robert Louis Stevenson, Voyage avec un âne dans les Cévennes (Travels with a Donkey in the Cévennes) paru en juin 1879. L’écrivain écossais y relate sa randonnée entreprise en automne 1878 : la traversée des Cévennes à pied. 2 - …amie des bêtes en général, des insectes en particulier, et tout spécialement des fourmis ! Ce qui n'aura pas échappé aux lecteurs de Novo qui visitent de temps en temps le CRAC d'Altkirch et qui auront pu y observer récemment des spécimens de fourmis finlandaises (dans la vidéo Private Area de Seppo Renval, exposition Maan Asema, 2008) et françaises (dans l'installation Petite scène de la révolte routinière de Bertille Bak, exposition Passage à Faune, 2009). 3 - 2006, 5 min 45, réalisée en collaboration avec le vidéaste et cinéaste Cao Guimarães. 4 - La jeune femme (née en 1967 à Belo Horizonte au Brésil, où elle vit et travaille toujours) a actuellement une importante exposition, intitulée A Day Like Any Other, au New Museum de New York, qui voyagera ensuite au Mildred Lane Kemper Art Museum de Saint Louis, au Miami Art Museum et à l'Irish Museum of Modern Art de Dublin. 5 - Blaise Cendrars, Ligne télégraphique, in Feuilles de Route, Au Cœur du Monde, Ed. Gallimard / Poésie, p.55. 6 - Muri, 1735 - Heidelberg 1783. 7 - Auteur du célèbre poème Die Alpen (Les Alpes).
Bicéphale / 1 Par Julien Rubiloni et Ludmilla Cerveny
La mer partout
La mer partout. Verte, bleue, entre les deux. Un père et son enfant sur les galets. Les pontons équidistants déversent les hommes. Sur cette plage, marcher c’est une mélodie. On entend les pas, on les ressent aussi. Tous n’ont pas le même bruit. La mer partout et c’est comme si j’étais dedans. Sur un bateau par exemple, celui pour l’Angleterre. Il se déplace : par dessus la jetée je le vois. Ses cheminées jaunes, sa carrure. Il est un gros animal qui promène sa puissance, doucement. Si je m’embarque à bord alors je perds contact avec les galets. Je préfère le voir partir ; il m’emmènera où je veux, les pieds à terre.
Il s’éloigne et je m’éloigne avec lui, mon œil est fasciné, mon œil n’en revient pas. Mon œil voit de plus belle, de belles choses, les belles choses. Les belles choses il y en a partout, il suffit de savoir les appréhender. (Dieppe, le 13 août 2010)
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UNE INITIATIVE DU CONSEIL GÉNÉRAL DU TERRITOIRE DE BELFORT
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11e ÉDITION
DU 5 AU 25 OCTOBRE 2010 Andelnans Argiésans Auxelles-Haut Bavilliers Beaucourt Belfort Bermont Bessoncourt Boncourt (CH) Bourogne CCPSV Rougemont-le-Château Châtenois-les-Forges Cravanche Danjoutin Delémont (CH) Delle Denney Eguenigue Evette-Salbert Foussemagne Giromagny Grandvillars Lepuix-Gy Montbouton Morvillars Porrentruy (CH) RPI Rougegoutte-Vescemont Saignelégier (CH) Sermamagny Tous les spectacles sont gratuits (sauf mention contraire dans le programme) Programme et renseignements www.cg90.fr ou 03 84 90 99 40
www.cg90.fr
Direction de la communication • 0910 • Illustration Benjamin Lacombe • N° de licence : 900283/C2-90-0284/C3 n°1-145 762
Essert
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rencontres par emmanuel abela
photos : vincent arbelet
Eurockéennes 2010, heures propices ! L’édition 2010 des Eurockéennes de Belfort fut haletante, riche en sensations et émotions diverses. Parmi la foultitude des artistes d’aujourd’hui, de demain, d’ici et de là-bas présents aux abords du Lac de Malsaucy, une courte sélection sous la forme d’un portfolio de neuf portraits.
Rox L’une des sensations rock-steady du festival : Rox. Attention, cette jeune femme mi-jamaïcaine, mi-iranienne aime peut-être la nature, mais celle-ci ne l’aime pas en retour. Un moustique a profité de l’entretien pour s’en donner à cœur joie sur sa jolie jambe droite. Moment de panique, l’artiste est allergique ! Plus de peur que de mal cependant… Sur scène, les tubes de son premier album s’enchainent, dont un entêtant My Baby Left Me ; ils s’impriment dans nos mémoires pour l’éternité !
The Drums Qu’on se méfie, derrière Let’s Go Surfing – un hit repris en cœur par un public enthousiaste – se cache une forme de désespoir latent, ce que nuance volontiers Jonathan Pierce, chanteur de ce groupe new-yorkais, qui lorgne du côté de la pop anglaise et écossaise des années 80. « Vous savez quand vous écrivez, vous ne vous dites pas que vous allez écrire une chanson triste ou une chanson joyeuse, vous l’écrivez. Pour nous, il est difficile d’exprimer une joie pure. Après, un équilibre se crée. Et puis, les autres le confirmeront sans doute, mais nos films préférés restent des films dans lesquels l’expression de la tristesse est très marquée. De même pour les photographes que j’affectionne. Ils situent leur art bien au-delà de la mélancolie. »
Martina Topley-Bird Elle a pris tout le monde à revers avec un album acoustique qui rompt avec ses habitudes trip-hop, mais Martina Topley-Bird reste la reine d’un groove racé. À la voir se mouvoir en solo ou aux côtés de ses amis de Massive Attack, on la situe définitivement à l’égal des grandes voix du jazz ou de la soul. Foals La Plage, endroit rêvé pour un Spanish Sahara sous les étoiles. Foals n’est plus la simple promesse d’une vie après le punk-funk, il est l’un des groupes d’aujourd’hui : intelligent, instinctif et séduisant. Que Yannis Philippakis prenne des accents à la Robert Smith sur scène – comme on me le signale très justement dès le premier morceau – n’enlève rien au plaisir, bien au contraire ! Les groupes anglais ont ce don particulier pour se réinventer à partir de leurs propres sources…
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Memory Tapes Peut-être l’une des vraies curiosités du festival : la sortie de Dayve Hawk, alias Memory Tapes, sans doute plus habitué à jouer les producteurs et les remixeurs de génie, à domicile, chez lui, à Philadelphie, qu’à se confronter directement au public. Si la dimension ouvertement 80’s peut paraître un peu désuète aux oreilles les plus averties, les détours psychédéliques présentent quelque chose de troublant en ce qu’ils conservent d’intimité.
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Beast Un avis unanime : avec Beast, le groove retrouve toute sa noirceur et sa force d’évocation. Le trip rock envoûtant de ce duo canadien a emporté les foules ! Elektrisk Gønner Les voisins dijonnais n’ont pas raté leur rendez-vous aux Eurockéennes de Belfort. Habillés en Rapetou – The Biggle Boys –, ils ont enflammé le dance-floor avec un aplomb incroyable !
Gablé Leur réputation les précède, mais le groupe caennais Gablé a su se montrer à la hauteur : les facéties sont d’usage, mais le sérieux du propos nous conduit vers un ailleurs insoupçonné. Le Prince Miiaou La jeune femme est timide ; elle est même impressionnée à l’idée d’être sollicitée par les médias. Et pourtant, elle a une façon de se livrer sur scène qui risque fort de l’exposer beaucoup les prochains temps. ❤
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Cleveland vs Wall Street, de Jean-Stéphane Bron, sur les écrans Entre nos mains, de Mariana Otero, sortie le 6 octobre.
Cleveland vs Wall Street, les couturières d’Entre nos mains à Orléans. Deux documentaires abordant le rouleau compresseur du nouvel ordre (économique) mondial et la manière peut-être pas d’y résister mais au moins d’y tenir debout à plusieurs. Deux films et deux auteurs très différents : montage parallèle.
si loin, si proche… par fabien texier
photos : christophe urbain
Votre film explique ce que sont les subprimes/Scop (coopérative de travailleurs qui gèrent leur entreprise) mais aujourd’hui qu’évoque ce mot pour vous ? J.-S. Bron (subprime) : Dans mon film, on redemande aux témoins [du procès fictif qui est la base du film, ndlr] la définition à la fin, un peu comme si on leur parlait de l’arme du crime. Je les vois un peu comme un sorte de virus. D’ailleurs on les a appelés assez vite des « actifs toxiques » : c’est assez ironique de voir un ex-dealer témoigner de son expérience dans leur distribution. M.Otero (Scop) : C’est ce que j’aimerais voir dans le fonctionnement de notre démocratie qui a installé l’obéissance et la hiérarchisation plutôt que la responsabilité, le sens à donner au travail et à la vie. La société entière devrait plus fonctionner sur l’humain et le sens que sur l’économie.
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Estimez-vous avoir davantage filmé un collectif ou un groupe d’individus ? J.-S. B. : Le collectif j’ai essayé, mais c’est très difficile, ça va à l’encontre du principe d’identification du spectateur. Mais j’ai tenté de faire résonner ces trajectoires individuelles entre elles. Alors que j’ai souvent réalisé des films désenchantés, mais là j’ai cherché à montrer cette révolte collective, une volonté de se mettre ensemble qui paraît dans ce que, dans le cinéma américain, on appelle le « final impact » de Cleveland… M. O. : D’abord des individus qui sont devenus peu a peu un collectif tout en gardant leurs singularités, avec chacun leur voix, leur façon de voir le monde. J’ai introduit chaque personnage pour montrer qui est qui. L’idée d’un collectif naît, aboutie dans la séquence de comédie musicale. Ce sont aussi bien la matière coopérative du film que son projet qui produit cela.
Y a-t-il un méchant dans votre film ou du moins un adversaire ? J.-S. B. : Il trouve son incarnation dans un avocat, mais en réalité celui-ci prend sur lui, comme un acteur dans le théâtre qu’est le tribunal. M. O. : Il y en a plusieurs. Sans que le film rentre dans les détails, on saisit les rapports qui les lient. Hors-champ, il y a une évocation de tout ce à quoi s’oppose le système coopératif. La Main Invisible que vénère le conseiller de Reagan dans Cleveland vs Wall Street serait-elle cet ennemi insaisissable ? J.-S. B. : Oui, cette croyance est un peu du même ordre que celle qu’on pourrait avoir dans les anges. Le problème est de faire croire que la concurrence de tous contre tous est la vérité. Dans certains cas elle n’est pas si invisible et elle a même des intentions assez claires.
M. O. : Il est difficilement filmable mais pas invisible : extrêmement puissant et organisé, une construction que l’on peut très bien analyser. Nos deux films l’évoquent, le mien moins globalement. Envisagez-vous votre film comme un des éléments de la lutte qu’il décrit ? J.-S. B. : C’est difficile à dire, même si mon film se fait en empathie, je cherche à faire de cette histoire un exemple, quelque chose de très concret qui fasse raisonner le spectateur au-delà de ce cas particulier. En tout cas, telle n’était pas mon intention même si Josh Cohen, l’avocat des victimes voit Cleveland… comme ça. M. O. : J’espère bien que ça donnera envie aux gens de bouger, de changer les choses. Comment avez-vous utilisé le suspense, la mise en scène dans votre documentaire ? J.-S. B. : Il y a la question que l’on pose au début du film au spectateur avec le carton qui crée le suspense, mais la dramaturgie d’un procès on la connaît : sa résolution, son point fort tombe avec le verdict. Mais je n’ai rien fait pour dramatiser les témoignages. La tension vient de l’ordre dans lequel passent les témoins, de la radicalité filmique du champ/contre-champ. M. O. : Je savais qu’à la naissance de ces coopératives il y avait des moments compliqués
avec la gestion des équipes, les problèmes de vie privée, la réaction des patrons. Il y a toujours une dramaturgie du réel, il faut se placer là où ça fait sens. J’essaye de ne pas en rajouter avec des effets, de la musique ou des gros plans, de rendre mon intervention la plus discrète possible. Que représentent pour vous aujourd’hui les gens que vous avez filmés ? J.-S. B. : On se lie d’amitié mais on sait qu’à un moment on va se quitter, sur ce film Josh ou Barbara (Anderson NDLR) sont devenus de vrais amis. M. O. : C’était l’un des tournages les plus forts que j’ai faits. Ces femmes étaient dans un rapport très ludique avec la caméra, j’ai eu l’impression de travailler avec elle comme jamais auparavant. La comédie musicale restera aussi comme un de mes plus beaux souvenirs de tournage. J.-S. B. : Mariana Otero, auriez-vous eu envie de mettre en scène la réalité, d’intervenir pour modifier le cours des choses ? M. O. : Il y a une limite que j’ai été tentée de franchir, de m’impliquer activement dans un moment de crise que la Scop a traversé, mais ne pouvant pas savoir s’il n’en résulterait pas finalement un mal, j’ai renoncé. Ma réponse a été l’équivalent de
ce que vous avez fait avec le dispositif du procès fictif : la comédie musicale… Mon intervention s’est déplacée sur la champ du cinéma. M. O. : Jean Stéphane Bron, comment s’est fait le choix le choix des intellectuels qui arrivent au procès pour témoigner, pas directement concerné par lui, pourquoi pas quelqu’un comme Chomsky par exemple ? J.-S. B. : Il n’y a pas « d’intellectuels » dans Cleveland… car je ne voulais pas faire intervenir de parole autorisée, aussi brillante fût-elle, extérieure à la chaîne de responsabilité que le film met en évidence. Il y a des témoins, tous parlent de quelque chose qu’ils ont vécu, ressenti, pensé, fait. malgré tout le respect que j’ai pour son œuvre, Chomsky est souvent « utilisé » comme une sorte de délégué du réalisateur, sous forme de prêt à penser. Dans Cleveland…, le spectateur est invité à s’interroger par lui-même. D’une certaine manière, c’est lui, pour une fois, qui est mis dans la position de « l’intellectuel », qui doute, réfléchit, se questionne et finit par se forger quelques convictions raisonnées... i Entretien réalisés lors des avant-premières Ciné-Cool aux cinémas Stars à Strasbourg.
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13 Most Beautiful… Songs for Andy Warhol’s Screen Test, ciné-concert de Dean & Britta les 7 et 8 octobre à La Filature www.lafilature.org
Le Velvet de Rodolphe Burger, concert le 8 octobre au festival C’est dans la Vallée au Théâtre de Sainte-Marie-aux-Mines www.cestdanslavallee.com
Reflect what you are par emmanuel abela
À intervalle de plus en plus rapproché, Andy Warhol et le Velvet Underground nous reviennent comme des certitudes. Peut-être incarnent-ils ensemble ou séparément une voie artistique perverse, subversive, mais surtout indépendante ? Ils sont à l’honneur à La Filature et au festival C’est dans la Vallée.
Andy Warhol avait peur de la mort. Il en disait : « Je suis tellement malheureux quand j’en entends parler. Il me semblait que les choses revêtaient une dimension magique, et que jamais la mort ne devait arriver. » Et pourtant, à les regarder de près, les Screen Tests ne sont-ils autre chose que des Vanités, ces images qui nous rappellent notre condition de mortel. Ici, nul besoin de figurer des crânes, l’extrême insouciance des modèles suggère une issue fatale. Dans ces pièces de 4 mn réalisées entre 1964 et 1966 en 16 mm à la caméra Bolex, Andy Warhol fige un instant quasi statique à la manière de certains portraits de la Renaissance – on pense à certains tableaux du Titien, quand ce dernier plaque sa figure sur un fond noir, comme c’est le cas dans le Portrait de Ranuccio Farnese, Le Concert et bien sûr L’Homme au gant, des portraits qui « portent des jugements sur les hommes de son temps », comme le signale très justement l’historien de l’art Louis Hourticq au début du XXe siècle. Warhol, dans sa posture non narrative, porte-t-il lui aussi un jugement sur les hommes de son temps, rien n’est sûr : la consigne de limiter les mouvements avait pour finalité de renvoyer l’image du modèle à celle du visiteur qui devait se reconnaître en elle comme s’il se retrouvait face à un miroir. Le volume des 500 Screen Tests recensés devait confronter, dans un effet hypnotique, les deux images et permettre d’« aider les “audiences” à mieux se connecter à elles-mêmes. »
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I’ll be your mirror / Reflect what you are, in case you don’t know. The Velvet Underground, I’ll Be Your Mirror
À regarder les Screen Tests les uns après les autres, entre l’intention initiale et le résultat final, des décalages se créent, et le récit s’invite malgré tout. Si certains se prêtent au jeu, comme Susan Bottomly, un jeune modèle de Boston, le designer Billy Name ou Richard Rheem, un éphèbe californien, d’autres prennent leur distance par rapport au dispositif : Dennis Hopper ne peut s’empêcher de jouer avec la caméra, s’interroger, regarder à gauche, puis à droite, cligner des yeux et même manifester une certaine impatience, pour finalement sourire et hocher de la tête, comme s’il venait d’admettre quelque chose. D’autres enfin s’émancipent du dispositif imposant une forme de distance, voire d’arrogance, comme c’est le cas avec Lou Reed – sublime avec sa bouteille de Coca –, Nico, particulièrement remuante ou encore Baby Jane Holzer, la collectionneuse d’art, qui adopte des postures suggestives avec sa brosse à dent et son dentifrice.
Après, il reste le cas du Screen Test d’Ann Buchanan, une jeune poétesse qui a partagé son appartement avec Allen Ginsberg et Neal Cassady. Au bout de quelques minutes, cette très belle femme aux longs cheveux bruns laisse perler des larmes de ses yeux à force de les maintenir ouverts, dans un effet narratif stupéfiant qui a ému jusqu’à Warhol lui-même. Enfin, on peut signaler le cas d’Edie Sedgwick qu’on découvre craintive, voire apeurée. Les images qui en résultent t ra nc h e n t ave c d e s p h o to s q u ’o n connaît d’elle – notamment, les séries de photomatons. On surprend l’icône en train de soupirer, comme si l’épreuve était devenue insoutenable. On ne peut s’empêcher de penser que cette jeune femme magnifique mesure à cet instant précis le drame qui est en train de se jouer pour elle.
avec des jambes si longues et je la suppliais de danser avec moi sans jamais avoir la chance de lui plaire / xoh c’est injuste Patti Smith, Edie Sedgwick (1943-1971)
Les Screen Tests se regardent en silence, sans fond sonore, mais pour l’édition DVD chez Plexifilm, l’ex-Galaxie 500 et ex-Luna Dean Wareham est sollicité par l’Andy Warhol Museum pour mettre les Screen Tests en musique. C’est ce qu’il fait avec son épouse, Britta Philipps. Il en résulte une série de compositions, qui pour paraître un peu vaines en accompagnement du DVD, prennent tout leur sens sur scène. L’idée de jouer les morceaux en formation et de projeter les Screen Tests sur écran, renoue avec le concept multimédia total – musique, vidéo, danse et performance –, The Exploding Plastic Inevitable, qu’Andy Warhol initiait autour des concerts du Velvet Underground. « Comment définiriez-vous un groupe comme celui-là, qui passe de Heroin à Jesus en deux courtes années ? » Lester Bangs dans Rolling Stone #33, 1970
« Être plus Velvet que le Velvet ! » Quand il s’attaque au répertoire du célèbre groupe new-yorkais, Rodolphe Burger ne cherche ni à imiter, ni à reproduire, ni même à incarner, il s’approprie les chansons et les interprète comme s’il les avait écrites luimême. C’est l’une des constantes de son approche de la reprise – « La reprise n’est jamais innocente, elle nous inscrit dans ce qu’on est et dans ce qu’on devient. Elle est le signal d’une provenance », nous explique-t-il. Aucune innocence donc dans le fait que ce soit justement le Velvet, groupe auquel on a souvent comparé Kat Onoma de manière paresseuse, qui fait l’objet à son tour de reprises, après celles très remarquées d’Iggy Pop ou de Joy Division.
If I could make the world as pure and strange as what I see / I’d put you in the mirror I put in front of me / I’d put in front of me The Velvet Underground, Pale Blue Eyes
Le Velvet est aujourd’hui le groupe le plus créatif en Amérique, dans la mesure où il investit un espace que la plupart des groupes cherchent à fuir en studio : la vie.
Lenny Kaye, dans New Times, le 20 avril 1970
Cette création produite par la scène nationale de Sète, Rodolphe et ses invités ont aujourd’hui à cœur de l’offrir au public de Sainte-Marie-aux-Mines, pour le dixième anniversaire du festival C’est dans la Vallée, dans le cadre d’une thématique globale autour du Velvet Underground qui intègre une conférence du critique rock Bruno Blum.
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PATTI SMITH, Just Kids, Denoël, sortie le 14 octobre Rencontre le 19 octobre à 17h30 à la Librairie Kléber et lecture (suivie d’un instant musical en compagnie de Rodolphe Burger) à 20h à la Cité de la musique et de la danse.
La prière silencieuse par emmanuel abela
Patti Smith publie un ouvrage sur ses souvenirs avec Robert Mapplethorpe, Just Kids. Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, cette grande figure rencontre le public à la Librairie Kléber et propose une lecture, suivie d’un instant musical, à la Cité de la musique et de la danse à Strasbourg.
On est saisi dès les premières pages de Just Kids de Patti Smith, quand elle évoque la disparition de son ami, frère – et ancien amant – Robert Mapplethorpe, des suites du sida. Il y a une justesse qui touche d’emblée le lecteur. On sait dès lors que le récit qui suit est porteur d’une charge particulière qui mêle intimité, bonheur et drame. Le même coup de téléphone, au début et à la fin de l’ouvrage, encadre à deux instants distincts cette longue chronique
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des riches heures new-yorkaises, au cours desquelles les deux amis découvrent leur propre mode d’expression avec la même soif créative ; ils cheminent en parallèle – la poésie et la performance pour elle, la photographie pour lui – à une époque où les arts et le rock’n’roll s’entremêlent, et se rejoignent le temps d’une séance mythique pour l’image qui symbolise toute une époque : la pochette du premier album de Patti Smith, Horses.
Cette image solde tout à la fois, les résidus de l’âge d’or – ou supposé comme tel des années 60 – les idéaux qu’on y associait et les illusions qui allaient avec, pour ouvrir une nouvelle ère : celle du punk qui fait table rase, avec cynisme souvent, mais parfois avec lucidité, loin de toute peur – si ce n’est « de la peur elle-même ». Avec une certaine grandeur, l’image de Patti Smith ce jour-là continue d’incarner cette rupture ; belle et androgyne, la chanteuse et poète s’impose comme la nouvelle icône de son temps, à l’image d’Arthur Rimbaud, modèle et source d’inspiration permanente. « Rimbaud détenait les clefs d’un langage mystique que je dévorais même lorsque je ne pouvais le déchiffrer tout à fait », se souvientelle au début de l’ouvrage. L e succès qui suit conduit à la renonciation pour elle, il conduit à la mort pour lui. Il reste le souvenir d’un amour d’une force considérable, qui traverse avec sobriété chaque anecdote : leur rencontre au cours de l’été 1967 à l’heure des enfants fleurs, le premier portrait, les lectures de William Blake, les instants partagés de Brooklyn à Coney Island, la vie ensemble au Chelsea Hotel, et puis les aveux de Robert concernant son homosexualité… Contrairement à d’autres ouvrages qui tentent de retracer la période – on pense notamment à Please Kill Me de Legs McNeil & Gillian McCain –, ici aucune complaisance, mais bien au contraire, une poésie constante qui se construit autour d’une relation sublimée, revécue des années après avec la même intensité. i
ANTHONY BRAXTON SEPTET, un concert présenté par Pôle Sud, Jazzdor et Musica le 7 octobre à la Cité de la Musique et de la Danse, à Strasbourg www.pole-sud.fr
De tout temps, Anthony Braxton se pose en figure libre, jetant des passerelles entre jazz et musique contemporaine. Sa venue à Strasbourg constitue l’un des événements de la rentrée.
La pensée la plus haute par emmanuel abela
Dans le domaine du jazz, Anthony Braxton entretient la controverse depuis qu’à la fin des années 70 et au début des années 80, ses enregistrements ont manifesté chez lui un intérêt grandissant pour la musique contemporaine, celle de Arnold Schoenberg, Karlheinz Stockhausen et naturellement de John Cage. Tout dans le parcours de ce musicien de Chicago l’incitait à prendre une telle orientation : sa contribution dès 1966 à l’AACM (Association for the Advancement of Creative Musicians), la création d’un trio jusqu’alors inédit, saxophone-violontrompette, l’enregistrement du premier disque solo de l’histoire du jazz en 1968, For Alto, puis ses prises de position très affirmées sur l’expérimentation d’un jazz nouveau, annonçaient déjà l’émergence d’un artiste non-conformiste, voire franchement iconoclaste. Conscient de la nécessité de polyvalence que les bouleversements de son temps imposent aux musiciens, il valorise le saxophone alto, mais ne néglige pas les autres instruments à vent, maintient la clarinette – son premier instrument – et intègre les flûtes à son parc d’instruments personnel. Avec des allers et retours entre l’Europe – Paris, où il s’installe au début des années 70 – et les États-Unis, Braxton confronte directement sa pratique à d’autres formes esthétiques et participe au bouillonnement intellectuel d’une période instable. Avec une aisance déconcertante, il évolue dans tous les registres du jazz, la composition et l’improvisation, conscient qu’il faut s’appuyer sur la tradition pour pouvoir esquisser les
avant-gardes de demain. Le quartet qu’il constitue dès 1984 avec Marilyn Crispell au piano, Mark Dresser à la contrebasse et Gerry Hemingway aux percussions reste l’une des formations les plus marquantes de son époque. De nombreux enregistrements témoignent de la créativité de cet ensemble original. Avec un crédo qui est « le challenge de la créativité est d’aller au-delà de la pensée la plus haute à laquelle tu peux t’attacher », son influence sur les jazzmen émérites de
notre temps – John Zorn par exemple – n’est plus à démontrer. Aujourd’hui, c’est en compagnie d’une poignée de trentenaires très motivés, dont certains partenaires privilégiés de longue date – le trompettiste Taylor Ho Bynum, la violoniste Jessica Pavone, la guitariste Mary Halvorson, le tubiste Jay Rozen, le contebassiste Carl Testa et le percussionniste Aaron Siegel – qu’il transmet sa vision d’une musique ouverte, avec une énergie et une conviction demeurées intactes. i
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LOVE AND OTHER DEMONS, un opéra de Peter Eötvös, les 25, 27, 29 septembre, à l’opéra de Strasbourg le 9 octobre à la Filature à Mulhouse www.operanationaldurhin.eu
Le sentiment réprimé par emmanuel abela
photo : paul leclair
L’opéra Love and Other Demons a été créé en 2008 au festival de Glyndebourne. Le compositeur hongrois Peter Eötvös prend la baguette pour le diriger lui-même à l’Opéra de Strasbourg dans le cadre du festival Musica. Il nous livre l’actualité d’un opéra déroutant.
Dans l’opéra, vous utilisez trois langues : l’anglais, le yoruba et le latin… Je me suis posé la question de l’espagnol, mais ça n’est pas une langue très utilisée dans l’opéra et comme la commande venait du festival de Glyndebourne, en Angleterre, il me semblait important de faire écrire le livret en anglais. Chaque langue apporte sa propre musicalité, et c’est très agréable. La mélodie est contenue dans le texte, il suffit qu’on me lise le passage et je l’entends spontanément.
Vous avez fait le choix d’une disposition particulière pour l’orchestre, en le divisant en deux, de part et d’autre du chef d’orchestre. Quelle est la finalité de ce dispositif ? Contrairement à l’opéra Trois Sœurs pour lequel j’avais doublé les orchestres et les chefs d’orchestre, j’ai opté pour une simple division en deux d’un même orchestre. J’ai disposé tous les instruments qui sont doublés habituellement à droite et à gauche. Quand ils sont côte à côte, nous ne percevons acoustiquement qu’un seul
point sonore – deux notes, mais à partir d’un même lieu –, alors qu’avec cette nouvelle disposition j’obtiens un effet stéréophonique. C’est un petit effet, mais ça crée un espace. On suppose que le travail de Karlheinz Stockhausen sur la spatialisation du son vous inspire ce type de dispositif. Oui, j’ai travaillé avec lui – j’étais l’un de ses musiciens – et j’ai donc beaucoup appris à ses côtés. Avec un jeu sur les répétitions, vous avez souhaité mettre en rapport direct la thématique forte de l’amour avec la structure musicale elle-même. Le livret de l’opéra est une version dialoguée écrite directement en anglais par un écrivain admirable de Budapest, Kornel Hamvai, d’une nouvelle de Gabriel García Márquez, Del Amor y Otros Demonios. Il a su retranscrire de manière poétique la part de jeu sur la réalité et l’irréalité contenue dans le texte original. Dans la nouvelle, Sierva María n’est pas folle, mais l’Église la juge possédée. Márquez situe son récit dans un cadre multiculturel. Elle est la fille d’un aristocrate espagnol, à la peau blanche, mais qui a grandi avec les esclaves africains et comme elle est différente et amoureuse du prêtre chargé de l’exorcisme, l’auteur maintient toute l’ambiguïté sur son état. Malheureusement, cette méfiance à l’égard de la différence reste d’une actualité brûlante. i
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Soirée Forsythe, danse, du 4 au 6 novembre au Maillon-Wacken, à Strasbourg www.le-maillon.com
Nouveau classique par sylvia dubost
photo : laurent philippe
Le Ballet de Lorraine revient au Maillon pour une soirée en trois pièces consacrée au plus classique des chorégraphes contemporains : William Forsythe.
Sa gestuelle abstraite, géométrique et élégante a fait de lui l’un des maîtres de la danse d’aujourd’hui. William Forsythe s’est fait remarquer en reprenant dès 1976, des pièces où il reprend le langage et les techniques du ballet classique pour le déconstruire. À désormais 60 ans, il en a composé une centaine, la plupart pour le Ballet de Francfort, qu’il a dirigé de 1984 à 2005 et avec lequel il a ravi tant le public classique que les amateurs de danse contemporaine. Artifact, composée à son arrivée, imposera sa marque : une réinvention du ballet, extrêmement exigeante physiquement, qui nécessite à la fois force, vitesse et équilibre. Le corps mécanique des danseurs, nécessairement virtuoses, existe pour lui même, en se détachant totalement de la notion de personnage et de narration qu’implique le ballet classique. Décrypté, recomposé, le geste est le seul sujet. C’est la forme qui tient lieu de discours. « Au moment où je me meus dans l’espace, explique-t-il, je me souviens sans y penser des liens qui me ramènent aux configurations spatiales du passé. » Ses œuvres les plus anciennes sont aussi les plus classiques, inspirées très clairement de Balanchine qui le fascine. Elles sont aujourd’hui entrées au répertoire des ballets les plus prestigieux (Kirov, New York City Ballet, San Francisco Ballet, National Ballet of Canada, Royal Ballet Covent Garden et celui de l’Opéra de Paris), qui peuvent alors présenter les œuvres d’un artiste contemporain sans trop inquiéter
leur public d’habitués. Le Ballet de Lorraine leur a emboîté le pas, en intégrant au sien trois pièces : The Vertiginious Thrill of Exactitude (ballet sur une musique de Schubert, 1996), The Vile Parody of Address (solo et pas de deux sur une musique de Jean-Sébastien Bach, 1988) et Steptext (ballet sur une musique de Jean-Sébastien Bach, 1996), une des créations majeures du chorégraphe d’origine new-yorkaise. Désormais à la tête de sa propre compagnie, Forsythe développe, grâce à cette structure
bien plus flexible qu’un Ballet, des projets plus ouverts sur les champs de l’art contemporain, de la performance, du cinéma, de l’architecture, du multimédia et de la formation. Avec elle, il devrait d’ailleurs venir au Maillon, après cette introduction de pièces historiques. i
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Benda Bilili, de Renaud Barret et Florent de la Tullaye, sur les écrans
Le nouveau son du monde par emmanuel abela
photo : olivier legras
Florent de la Tullaye a suivi le Staff Benda Bilili pendant près de 6 ans. Avec Renaud Barret, il a réalisé un film très touchant qui retrace le parcours de cette formation de musicien de Kinshasa.
Avec Renaud Barret [l’autre co-réalisateur de Benda Bilili, ndlr], qu’est-ce qui vous a séduits d’emblée dans le Staff ? On a rencontré le Staff alors que les musiciens étaient en train de répéter dans la rue. Le son nous a attirés vers eux, le soir, en nous promenant dans Kinshasa. Nous nous sommes très vite entendus avec Ricky. C’est un personnage incroyable qui porte l’énergie du groupe et qui, par moments, nous a apporté son soutien quand on se décourageait un peu dans cette longue aventure.
L’autre personnage qui est important dans le film, c’est Roger. Il est plus jeune, valide, et il est virtuose avec sa guitare monocorde. Nous l’avons rencontré en 2004 de façon furtive : il a traversé le champ et nous a joué un petit son. Quand nous avons regardé les rushes de cette année-là, nous nous sommes dit qu’il fallait le retrouver. Nous l’avons fait rechercher, mais nous ne le trouvions pas. Et en 2005, quinze jours avant d’entrer la première fois en studio avec les Benda Bilili, il est réapparu ! Nous n’avions jamais pensé le présenter au Staff, mais comme c’est un musicien incroyable, avec une oreille absolue, nous avons provoqué la rencontre avec Ricky. Roger, vous le perdez de vue à nouveau après l’incendie du centre où sont hébergés les Benda Bilili. Un an après, vous suivez le moment où Ricky part à sa recherche pour reconstituer le groupe… Oui, et nous découvrons qu’il a grandi ; il est habillé comme un rappeur. Il devient un élément important du groupe avec son instrument, le soliste identifiant qui fait qu’on reconnaît le Staff dès qu’il passe à la radio. Ce film est une part de sa vie, il avait 13 ans lors des premières images, il en a 19 aujourd’hui. Au sein du Staff, il a trouvé une famille qui l’a structuré et conduit à une certaine moralité. C’est même l’une des constantes des chansons : les Benda Bilili donnent des conseils à ces enfants de la rue, les shegués, qui trainent par milliers.
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Il y a une poésie déroutante qui se dégage du film, notamment dans cette scène de gamins en train de commenter la Genèse : l’un d’eux dit aux autres qu’il était là avant la Chute et qu’il ne connaissait pas la faim… Oui, cette poésie est palpable au quotidien. Dans le lingala, la langue locale, “hier” et “demain” se disent de la même manière, c’est le même mot. La notion du temps s’en trouve bouleversée, et Adam et Eve c’était vraiment hier. Cette scène se passe dans le zoo de Kinshasa, une sorte de paradis perdu pour les Congolais. Dans le film, le groupe veut se rendre en Europe pour y jouer. Derrière cette volonté d’enregistrer et de se produire sur scène, il est question de survie. Ils y ont toujours cru : ils nous disaient, nous serons un jour le groupe handicapé le plus connu au monde. Même si ça n’était pas évident, on y a cru avec eux… D’avoir un caractère pareil, c’est une manière de survivre effectivement. i Entretien réalisés lors des avant-premières Ciné-Cool aux cinémas Stars à Strasbourg.
ICI, spectacle du 19 au 23 octobre au Théâtre Dijon Bourgogne, Parvis Saint-Jean, à Dijon www.tdb-cdn.com
Connu pour sa musique « mécanoïde », le compositeur Pierre Bastien se prend volontiers au jeu des collaborations artistiques. Portrait d’un artisan du son.
Poésies mécaniques par caroline châtelet
Quel est le point commun entre Alexei Aigui, Dominique Bagouet, Issey Miyake et Jérôme Thomas ? Tous, qu’ils soient musicien, danseur, styliste ou jongleur, ont croisé le chemin de Pierre Bastien. Et, s’il est courant de voir des artistes se prêter à l’exercice de la collaboration sautefrontières, le goût du musicien pour la chose éveille la curiosité. Mais sa musique même invite à l’indiscrétion, les sonorités étranges qui la composent produisant un sentiment diffus d’étrangeté. Une sensation confirmée devant les instr uments, constitués de meccanos, instruments du monde entier, feuilles de papier calque, ventilateurs, etc. La musique de Bastien trouve son origine dans les meccanos, qu’il utilise depuis la fin des années 70. Comme lui-même l’explique, « fabriquer ces machines et essayer de jouer comme elles m’a donné mon style », un son à la fois populaire et savant, mélange de simplicité dans les dispositifs et de complexité dans les orchestrations. Cette complexité, Bastien la considère souvent comme une faiblesse, mais il y cède autant « par amour des sons, leur empilement permettant d’obtenir des timbres surprenants » que « pour l’image, l’ajout d’instruments créant une vision saisissante. » Sa musique, Bastien aime à l’emmener vers d’autres mondes, considérant « comme très agréable de travailler avec des artistes qui ne sont pas musiciens. Cela ouvre d’autres perspectives, c’est inspirant. » Le musicien avoue même regretter « lorsqu’une collaboration s’arrête. Cela m’attriste, c’est
photo : j.p. duplan
Pierre Bastien
incomplet. La majorité des artistes pensent qu’il faut travailler avec de nouvelles personnes pour se renouveler. Il me semble, au contraire, qu’une œuvre collective peut se bâtir et devenir très forte sur la durée, sans être forcément exclusive. » Si les complicités au long cours sont rares - outre celle, exemplaire, avec le plasticien Pierrick Sorin -, celle initiée récemment avec Jérôme Thomas a de beaux jours devant elle. La rencontre se
concrétisera cet automne lors de la création d’Ici, spectacle dans lequel les jongleurs Thomas et Markus Schmid interrogent l’enfermement. Un sujet on ne peut plus politique, que les trois artistes, réunis par la même capacité à produire de l’émotion avec des matériaux pauvres, aborderont dans un même esprit d’évasion poétique. i
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CHRISTOPHE BOURGEOIS, Fish Tank, Le Caillou Bleu ; présentation et signature de l’ouvrage le 8 octobre au CEAAC, à Strasbourg www.cailloubleu.com
Photographes en Alsace 2010, exposition jusqu’au 7 novembre à La Filature, à Mulhouse www.lafilature.org
Depuis près de dix ans, Christophe Bourgeois se rend en Chine. Il résulte de ses voyages un ouvrage, Fish Tank, qui au cœur des villes millionnaires s’attarde sur les marchés aux poissons. Pour Novo, il nous commente deux images choisies prises dans la ville de Chongqing.
L’empreinte de l’instant par emmanuel abela
« Le marché aux poissons est un petit bout de territoire dans la ville, et je me suis rendu compte que chaque marché est différent, par sa typologie, par la façon dont les gens y vivent, y travaillent et pratiquent une activité économique à l’année. Le poisson est prétexte même s’il est à lui seul un beau sujet – il est vendu dans des lieux où la lumière est faible et crue, ce qui donne au noir et blanc énormément de poids, de matière et d’épaisseur –, mais l’intérêt reste l’homme. Ce qui importe c’est l’observation de gestes très physiques autour d’une activité de base, l’alimentation. J’approche les gens de manière discrète, mais je les photographie au 35 mm, ce qui veut dire que si je les ai en pied devant moi, c’est que j’étais à un mètre d’eux. Je ne les ai jamais brusqués, j’approche donc doucement et si on m’accepte je fais des images. Ce qui est amusant, c’est qu’il m’est arrivé de devenir à mon tour la curiosité. Je n’avais pas forcément le loisir ni la possibilité de leur exprimer clairement les raisons de ma présence, mais au bout du troisième ou quatrième jour – ce qui m’intéressait c’était d’“épuiser” le lieu – des relations pouvaient se construire le temps d’un instant. Ces relations étaient succinctes, mais sincères.
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J'ai eu la surprise de voir de quelle manière les lumières ont abîmé et égratigné le négatif. Là, pour ces photographies, il me fallait trouver ma propre place dans un lieu chaotique ; je me retrouve au milieu de la tempête entre 22h et 2h du matin. Ça démarre avec l’allumage de quelques lampadaires dans un hall métallique de tôles ondulées avec au sol pas moins de trente centimètres d’eau, et cinquante camionsciternes viennent décharger leurs contenus qui remplissent des nasses pour des paniers qui partent à droite et à gauche chez des demigrossistes, qui vont à leur tour alimenter les marchés d’une ville de dix millions d’habitants toute la nuit. À ce moment-là, je suis au milieu de la tourmente et j’essaie de faire des cadrages que je considère comme suffisamment habiles pour construire une composition qui puisse me convenir. Cette série est différente ; elle constitue pour moi la découverte du lieu avec
effroi : ces personnages ondulants, avec au bout d’un bambou près d’un quintal de poissons, étaient vêtus de plastique avec des casques de chantier comme bonnets protecteurs, et la lumière faisait défaut. Je me suis posé la question de savoir ce qui allait en ressortir et il se trouve qu’avec des temps de pause assez longs et un petit flash trouvé sur place, j’ai eu la surprise stupéfiante et magnifique de voir de quelle manière les lumières ont abîmé et égratigné le négatif. » i
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Conviction zététique, exposition, du 11 septembre au 3 octobre au CEAAC, à Strasbourg www.ceaac.org
Interventions dans l’espace public dans le cadre de Usse Fix, inne nix, du 5 septembre au 31 octobre, à Guebwiller http://encastrable.net
S’ils ont chacun une pratique personnelle, Paul Souviron et Antoine Lejolivet développent ensemble des projets bricolos et facétieux et une réflexion sur le matériau et l’espace d’exposition.
Messieurs Bricolage par sylvia dubost
Habituellement, Paul Souviron et Antoine Jolivet sévissent en duo sous le nom d’encastrable. On les croise de temps en temps dans les rayons des grandes surfaces et surtout des magasins de bricolage. À l’insu des maîtres des lieux, ils s’y installent pour des résidences spontanées et éphémères et la création d’œuvres à l’avenant. Les matériaux trouvés sur place servent à créer des sculptures avant de retourner dans leurs rayons respectifs. Ni vu ni connu, ni clous ni colle. Il faut surtout ne rien abimer. Seule trace : des photographies sur un site internet. L’idée d’encastrable est née lors d’une soirée alcoolisée, alors que tous deux étaient étudiants à l’École Supéreure des Arts Décoratifs de Strasbourg. « Nous n’avions pas d’argent, pas toujours de lieu d’exposition à disposition alors qu’il existe des endroits avec des stocks de matériel à portée de main. » Quinze jours plus tard, ils inaugurent leur première « résidence » chez Leroy Merlin. Puis ce sera Castorama, Jardiland, Cora, M. Bricolage… avec toujours le même principe : intervenir de façon sauvage et tout remettre en place après utilisation. encastrable
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ne déroge jamais à son protocole, même lorsqu’on l’invite dans un cadre plus « institutionnel ». Les interventions ne doivent jamais coûter un centime. « Pour l’exposition à l’Irish Museum of Contemporary Art de Dublin, on avait acheté pour 2000€ de matériel qu’on avait rendu au bout de 90 jours, comme l’autorise le magasin. Pour une exposition à Marseille, nous avons réalisé un curator kit. Comme l’organisateur n’avait pas les moyens de nous payer le transport, nous lui avons envoyé une vidéo et le mode d’emploi de la sculpture, qui était justement le support du mode d’emploi et de la vidéo. Le commissaire l’a monté puis s’est fait rembourser. » S’il y a clairement un côté sale gosse dans cette façon de jouer avec les règles et les limites, il ne faudrait pas en oublier les autres strates. « On n’y voit souvent que la dénonciation de la société de consommation, regrettent Antoine Lejolivet et Paul Souviron. On oublie la réflexion sur la forme et le matériau, sur l’espace d’exposition. Le protocole que nous nous sommes fixé oblige à réfléchir à de nouvelles manières d’assembler et d’utiliser les matériaux. » Et ces invitations qui se multiplient les forcent à sortir de leur
cadre et à inventer de nouvelles formes. Cette automne, ils se lancent ainsi pour la première fois dans une intervention sur l’espace public… avec, pour la première fois aussi, un budget. Mais même pour cette proposition de la ville de Guebwiller, encastrable ne veut pas déroger à la règle du projet à zéro euro : l’argent sera réinjecté dans la ville. « Nous avons créé comme une entreprise qui est devenue notre propre mécène ». Toujours bricoleurs, ils ont ainsi refait la plaque du château du Hugstein en y accolant une banderole « Encastrable rénove », ont repeint et échangé les parties métalliques de bancs publics (« encastrable échange »), conçu un port miniature sur la rivière Loch, (« encastrable, des projets d’avenir »).
Protocole curator kit, liste des objets composant Gondole, exposition Son filetage mord dans la matière et sa tête tient l’assemblage, galerie SMP, Marseille, 2010
Traineau atelier, résidence 2, Leroy Merlin, Centre Commercial La Vigie, octobre 2008
Pour leur exposition à Strasbourg, ils ont cependant choisi de laisser encastrable et son protocole contraignant au placard, tout en en conservant l’esprit. De leurs « résidences » en grandes surfaces et leur transformation en espaces de création et d’exposition est née l’envie de travailler l’idée du showroom, ces faux appartements où l’on « expose » la marchandise. Ils ont alors transformé les deux étages de l’espace international du CEAAC en véritable petite maison, « entre le showroom et l’appartement de collectionneur, donc entre l’espace d’exposition et l’espace d’exposition ». Antoine et Paul l’ont meublée avec beaucoup de goût, d’une cuisine achetée et présentée telle quelle ou de pièces d’artistes (comme une magnifique baignoire suspendue), assemblages de matériaux trouvés dans les magasins de bricolage où encastrable avait ses habitudes. « Le projet initial était d’inviter Valérie Damidot [M6 déco pour les extra-terrestres, nldr] à faire le commissariat d’exposition. C’est un peu la Jeff Koons de la
déco, elle aussi travaille avec le mauvais goût. Ç’aurait été intéressant de voir ce qu’elle aurait proposé à partir des objets non fonctionnels comme les nôtres… mais les délais étaient trop courts. On garde cette idée pour une prochaine exposition ! » Alors, fini les grandes surfaces ? Pas encore, mais Paul et Antoine ont envie de tenter d’autres expériences. Par exemple le « 0% artistique », une intervention sur des ronds-points avec des matériaux de récupération, en hommage aux collectivités qui dépensent l’argent du contribuable dans de jolies charrettes à foin. On se demande ce que préfèrerait Valérie Damidot… i
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SECRET, cirque, du 30 septembre au 10 octobre au centre Pompidou-Metz, à Metz www.cg57.fr, www.centrepompidou-metz.fr du 3 au 16 décembre à la Filature, à Mulhouse www.lafilature.org
Penser en rond par caroline châtelet
photo : vincent arbelet
Invité de la biennale Cartes Blanches puis de la Filature, Johann Le Guillerm a un travail qui force l’attention. Rencontre avec un circassien hors-normes.
Chose complexe que de présenter Johann Le Guillerm, tant son cirque se moque des genres... On commencera par citer Attraction, qui, pour reprendre les mots de la journaliste Anne Quentin, est un « projet de démultiplication des points de vue sur le point ». Ce vaste chantier développé par Le Guillerm au sein du Cirque Ici donne naissance à une pluralité de formes, du spectacle Secret au parcours-installation Monstration. Pour autant, si ce résumé peut sembler conceptuel, voire abstrait, ces sentiments s’estompent dès la découverte des œuvres. Ainsi de Secret, cirque fascinant et archaïque qui, en plongeant ses racines dans ce qui le fonde, creuse son propre sillon. Loin des revendications du nouveau cirque, les œuvres de Le Guillerm décentrent le plus simplement du monde nos regards, ce qui est déjà une petite révolution...
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Vous dites que votre travail « tourne autour des pratiques minoritaires ». Le cirque est-il un art mineur ? Le cirque est d’abord l’espace des points de vue, il est lié à l’espace. C’est un espace dédié aux pratiques minoritaires, qui ont la capacité de créer l’attroupement. S’il se produit quelque chose de rare, de particulier dans la rue, il va se créer autour un cercle, architecture naturelle de l’attroupement. Donc moi, à l’intérieur de mon cirque je montre des pratiques minoritaires, à la mesure de l’espace. Est-ce la rareté qui vous intéresse ? Oui, parce que je pense que ces choses sont à la mesure de l’espace. La rareté, ce sont des choses qu’on n’a pas l’habitude de voir, des nouveaux repères qui viennent bousculer ceux installés. Le temps de l’ajustement nécessaire des nouveaux repères aux repères installés se crée une sorte de “chaos mental”. Ce temps amène l’émotion, qui est une distorsion du temps. C’est un moment de flou, où tout bouge un peu, parce qu’une nouvelle information perturbe forcément celles qui sont déjà là, installées...
Vous dites vous méfier du « public pré-content ». Parce qu’il ne serait pas disponible pour ce chaos mental ? Un public pré-content est un public à qui on a dit que c’était bien et qui s’attend à quelque chose qui va l’intéresser. Du coup il cherche où est-ce que “c’est bien”, il ne se laisse pas porter. Il faut donc le décevoir pour repartir à zéro d’une manière saine, neutre. Sinon, on est complètement décalé. Avec un père sculpteur et une mère céramiste, on vous imagine plus naturellement plasticien que circassien... Je reste dans le milieu artistique... Et puis le cirque que je fais rejoint l’art plastique, sauf qu’il est lié au mouvement. D’ailleurs, sans le définir comme tel, je m’aperçois que je ne suis pas si éloigné d’une pratique familiale liée à l’objet. Le corps est une matière, qui est la prothèse de l’esprit et la matière est la prothèse du corps... Peut-être est-ce là que tout cela se rejoint...
C’est surtout en regardant jongler Rastelli que je me rendis compte, riez de moi si vous voulez, qu’un cirque est rond. (…) Rond, cerné de regards, soumis à l’attention convergente, rond comme le puits, comme le Maëlstrom, comme tous les vortex, rond et sans brèche, sans espoir d’évasion, comme le piège sableux du fourmilion... Lecteur, qui souriez de ma découverte, aviez-vous pensé que, mitraillés de toutes parts, l’acrobate, l’écuyère, le jongleur, la gymnaste qui ne tient qu’à un fil, le virtuose qui joue le Carnaval de Venise sur une boîte à cigares sont contraints d’avoir autant de faces captivantes qu’un diamant bien taillé ? Colette, L’Envers du Music-Hall, Paris 1923
Mais contrairement à la sculpture qui offre l’objet fini, c’est le corps qui est au centre du cirque... Tout dépend de quels objets on parle... Dans Monstration, que je définis comme un « cirque mental », ce n’est pas tellement l’objet, l’outil qui fait le cirque mental. Le cirque mental existe, il apparaît quand on entre dans la logique de l’outil. C’est dans la réflexion, dans ce à quoi cet objet va faire appel chez la personne qu’il se passe un cirque mental. Cela peut sembler difficile à saisir, mais c’est très simple, tout comme les choses que je montre. Elles ne sont perturbantes que parce que nous n’avons pas l’habitude de les voir.
Si ce ne sont pas les objets qui font cirque, mais leur logique, recherchez-vous d’abord la logique des objets ? Non, je cherche la logique, puis je construis l’outil pour la montrer. Tout comme une pince est faite pour couper, chaque outil créé a une utilisation. Dans Monstration, je travaille beaucoup sur l’efficacité de la lecture et son inscription dans la pensée. Comment fixer la pensée sur des supports qui puissent la transmettre. Je réfléchis à des supports plats, puisque l’homme n’a pas l’habitude de réfléchir en volumes, il a un regard frontal et a l’habitude de lire sur un plan. Quelque part, c’est une erreur de mettre à plat la pensée, mais c’est le seul moyen de la transmettre.
Dans ce cas, être au cirque relèverait d’une prouesse, puisqu’on quitte la bi-frontalité pour la circularité... Ce n’est pas une prouesse, c’est une condition. C’est la base du cirque d’être dans une réflexion sur ce type d’espace, qui engendre des conditions particulières. C’est une autre manière de penser, de faire. On ne pense pas du tout la même chose quand on travaille avec des regards qui cernent l’action ou qui ne viennent que d’une direction. Là, on doit toujours avoir à l’esprit qu’on est vu de partout. Un peintre ne réfléchit pas de la même façon qu’un sculpteur, l’espace modifie la création et la réflexion. i
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HAMLET de William Shakespeare, mise en scène de David Bobee, du 6 au 9 octobre à l’Espace Chaudeau de Ludres www.theatre-manufacture.fr
Hamlet dépoussiéré par virginie joalland
photo : rictus
Le célèbre bijou du théâtre élisabéthain a subi un audacieux coup de balai. Création de David Bobee basée sur une traduction contemporaine du texte, Hamlet fait escale à l’Espace Chaudeau de Ludres.
Hamlet par David Bobee, c’est le regard d’un contemporain sur LE classique. Bien au-delà du célèbre « être ou ne pas être », le jeune metteur en scène propose ici un théâtre protéiforme, miroir de notre époque, à la mise en scène colossale. Dans cette adaptation très visuelle, Hamlet est acrobate et ne tient pas de crâne dans la main… Rencontre avec l’homme qui a su renouveler la beauté de l’œuvre de Shakespeare. Loin du théâtre classique, ici vous mêlez le théâtre, le cirque, la danse, la musique et la vidéo. Difficile de tout coordonner ? Non car c’est ce que j’ai appris à faire. J’utilise les outils que j’ai découverts en dix ans. Je suis un passionné d’arts plastiques, j’ai étudié le cinéma… c’est donc normal que je m’en serve. C’est un travail de chef d’orchestre plutôt que d’artiste total.
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Avec ce type d’exercice, ne risque t-on pas une surcharge de données pour le spectateur ? Je m’arrange pour que ce ne soit pas le cas. Le public est primordial. Il s’agit de lui donner des clés pour comprendre plusieurs signes, plusieurs sens en faisant appel à son intelligence. Il n’y a pas d’avalanche de textes ou d’images. On sort d’une tradition de cloisonnement des genres où le théâtre, ce n’était que du théâtre. Ça nous paraît étrange aujourd’hui de mélanger les disciplines alors qu’à l’époque de Shakespeare, la musique et la danse flirtaient déjà avec la comédie. Est-ce qu’il était indispensable de bouleverser les codes pour réussir cette relecture ? Ce n’était pas une volonté. Je n’ai pas la prétention de bouleverser quoi que ce soit. C’est une démarche beaucoup plus douce, plus humble. On vit dans une époque protéiforme pleine d’idéologies bordéliques. Je fais juste un Hamlet en 2010 avec les outils de mon époque, d’où un théâtre protéiforme.
Dans votre travail, il y a le souci de l’intensité performative… Je n’ai pas envie de réaliser un tour de force, ce n’est pas la technique pour la technique. C’est une performance proche de l’art plastique où je mets en jeu le corps. C’est poser la question de l’autre pour servir un propos. Sur scène, comment avez-vous résolu la question des différents lieux (remparts, salle du château, cachettes, plaine danoise, cimetière) ? La scénographie est arrivée en premier, bien avant la mise en scène. Nous avons fait des répétitions sans les acteurs, seulement avec la lumière et la vidéo. J’ai choisi un espace contemporain mais fort dans ce qu’il renvoie : une morgue. J’ai étudié cet endroit froid et dur et j’ai observé comment les personnages s’y dépêtraient.
Dans le Hamlet mis en scène par Patrice Chéreau en 1988, le Spectre arrive sur un cheval au galop sur le plateau de la Cour du palais des papes, à Avignon… Qu’en est-il de votre Spectre ? Pas de cheval, pas d’armures. Ici, il arrive en vidéo. C’est une sorte d’hologramme à la forme étrange, dès que le Spectre parle, il se déforme. Ce procédé permet de faire naître le doute chez le spectateur afin qu’il se demande ce qu’il voit vraiment. Mais cela fait également douter Hamlet, sans cesse en quête de vérité. Il ignore s’il doit croire ce que dit le Spectre ou pas. C’est un personnage qui représente l’indécision, l’incertitude d’où cette « aurore boréale » pour l’imager. À la fin, la scène est envahie par l’eau, comment justifiez-vous l’intégration de cet élément dans votre scénographie? L’eau crée de l’image et du sens. Elle possède une forte dimension esthétique et la beauté est une clé énorme pour faire rentrer les gens dans l’univers de Shakespeare. Et puis quoi de meilleur que
l’eau pour faire pourrir les corps, pour imager ce royaume du Danemark pourri ? Hamlet est le miroir qui reflète ce qu’il voit, l’eau accompagne ces effets de miroitement. C’est un peu comme s’il ouvrait les vannes. Il voit que le monde est pourri, il dévoile la pourriture du royaume du Danemark et doit donc finir ce pourrissement. L’eau est là pour ça. Que ressent-on lorsque l’on s’attaque à une œuvre majeure du théâtre ? Je ne suis pas un stressé, je suis plutôt comme un gamin tout excité. Pendant dix ans, je n’ai jamais accepté de texte déjà existant. Après dix ans de création sur des textes originaux, j’ai bouclé un cycle et j’ai senti le besoin de me renouveler. J’ai le sentiment d’avoir bâti un univers suffisamment construit pour ne pas me faire écraser par un tel texte. Comment expliquer que ce soit ce texte et pas un autre ? Hamlet m’anime depuis toujours. Le rapport à la mort est très présent dans mes spectacles. (Cannibales, Petit frère). Il crée la
pression sur le vivant. Face à la mort, on se sent plus vivant que vivant. Et puis, Hamlet, c’est un monde en soi. On va enquêter sur ce qui nous appartient dans ce texte là. Le théâtre est là pour questionner le réel. Hamlet est-il un monument inclassable? Ça reste du papier et de l’encre, c’est un texte qui est fait pour être mué. L’écriture n’est pas un matériau sacré pour moi, ce n’est pas quelque chose de fixe mais au contraire de modulable. Je pense qu’il faut accepter de ne pas étiqueter cette œuvre pour lui donner toute sa grandeur. i
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LA CHUTE DE LA MAISON USHER d’Edgar Allan Poe, du 7 au 15 octobre au Nouveau Théâtre à Besançon, et le 19 octobre à L’Allan à Montbéliard www.nouveautheatre.fr www.lallan.fr
Maison compte double par caroline châtelet
photo : candice milon
Chef d'œuvre d'Edgar Allan Poe, la Chute de la Maison Usher raconte l'amour tragique entre un frère et une sœur. Un classique de la littérature fantastique, adapté à la scène et en musiques par Sylvain Maurice.
Se rendre au Nouveau théâtre à Besançon est toujours une source de curiosités, la proximité de la salle avec le casino permettant d'observer un étrange défilé de figures, toutes tendues vers leur destination. Et tandis que certains vont oublier la notion du temps dans les gestes mécaniques des machines à sous, à quelques mètres de là et les pieds bien sur terre, l'équipe du Centre dramatique national prépare la saison à venir. Une saison placée sous le signe des croisements en tous genres : celui des classiques et des contemporains, de la création et du soutien aux jeunes artistes, de la diffusion sur un territoire et de l'ouverture à l'international. Ce goût pour les écarts se retrouve jusque dans les créations du directeur Sylvain Maurice, qui met en scène cette année la Chute de la Maison Usher, adaptation de la nouvelle de Poe et Claire en affaires, pièce contemporaine de l'auteur britannique Martin Crimp. Deux histoires de maisons et de leur chute, pour une double occasion de saisir la capacité d'un metteur en scène à révéler des textes... Rencontre avec Sylvain Maurice.
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Comment le projet de la Chute de la maison Usher est-il né ? Cela fait longtemps que je voulais adapter cette nouvelle, qui est véritablement culte. Alors qu'Edgar Poe passe souvent pour un auteur mineur, un peu désuet, beaucoup de personnes – de Debussy à Maeterlinck jusqu'à plus récemment Bob Wilson et Lou Reed avec POEtry – le tiennent pour quelqu'un de très important dans leur panthéon secret. Sa nouvelle fait penser aux lectures d'ados : elle fait peur, elle nous parle du désir, des paradis artificiels et elle est très gothique, expressionniste. Il y a quelque chose chez Poe qui nous lie à l'Amérique via une relation assez sophistiquée, c'est le plus européen, voire francophile, de tous les auteurs américains. C'est une œuvre à la fois mineure par son format et majeure par son influence... C'est un peu comme une boîte de Pandore... Notre époque qui s'intéresse beaucoup aux questions du rêve, de la réalité, du virtuel, du fantasme, de l'imaginaire, trouve en Poe l'un de ses premiers inspirateurs. Usher travaille de
façon assez naïve mais véritable sur le désir, puisque c'est l'histoire d'un désir et de son déni. Mais ce qui m'intéresse également ce sont tous les jeux de mise en abyme, cette façon de raconter l'histoire dans l'histoire. La modernité paradoxale de Poe est de proposer un drame statique, où le suspense réside plus dans la pesanteur des choses, l'attente, que dans les différentes péripéties. Comment s'est déroulé le travail d'adaptation ? N'étant pas seulement metteur en scène mais adaptateur, j'ai eu besoin de travailler par étapes. L'adaptation n'est pas entendue ici au sens littéraire mais scénique, puisque c'est par le plateau qu'on résout des problèmes liés à l'écriture. D'autre part, je travaille pour la première fois avec le compositeur Alban Darche et il était important, eu égard au fait que je signe le livret, de voir ensemble comment nous allions nous « trouver » au plateau. Certaines choses étaient écrites en amont, mais nous devions expérimenter dans le concret du plateau.
Comment résolvez-vous sur scène le fait qu'il y ait très peu de paroles ? C'est un spectacle quasiment muet, mais très sonore et contemplatif. Nous avons imaginé des scènes qui n'existent pas dans la nouvelle, non pas en inventant des dialogues, mais en composant des situations silencieuses : un repas, une toilette mortuaire, la visite d'une galerie de portraits, une soirée où on lit des livres. Au fond c'est très quotidien, cela repose beaucoup sur l'indicible. Contrairement à Martin Crimp où on parle parfois pour ne
rien dire c'est d'ailleurs ce qui constitue l'intérêt de son écriture, là on ne se dit rien. Les choses importantes passent plus par la musique, les arts plastiques, l'écriture, que par le dialogue verbal. Vous créez cette année deux textes aux antipodes l'un de l'autre... Je revendique une certaine forme d'éclectisme et, si j'aime bien l'idée qu'en tant que metteur en scène on ait des obsessions qui reviennent de spectacles en spectacles, être au service d'écritures et de
dramaturgies différentes est passionnant. Pour Usher, travailler sur une écriture qui n'est pas du théâtre m'a particulièrement intéressé. Désirant créer un spectacle où la musique et les arts visuels sont présents, j'ai été amené vers un certain type de recherches. Qui n'ont pas grand chose à voir avec Claire en affaires, Martin Crimp produisant un théâtre de situation, profondément contemporain. Mais j'ai toujours aimé les grands écarts, c'est une gymnastique qui oblige à ne jamais plaquer une grille de lecture univoque... i
Photo de répétition
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La Citta di Pietra, opéra visuel, du 12 au 14 novembre à Matera (I) Informations sur Matera : www.sassiweb.com
Théâtre à l’italienne par sylvia dubost
photos (sauf mentions contraires) : julien pétin
Cet été, cinq strasbourgeois ont fait leurs devoirs de vacances au Sud de l’Italie. À Matera, ils participent à la création La Citta di pietra, mythologie imaginaire de cette ville étrange et exceptionnelle. Nous les avons rejoints pour quelques jours de répétitions et un peu de tourisme…
Il fait étonnamment frais ce soir-là pour une ville aussi méridionale. Et tout le monde semble s’en réjouir : les touristes qui musardent dans les rues pentues de la ville basse, la jeunesse qui déguste à cette heure tardive des negritos Piazze del Sedile, et aussi l’équipe de La Citta di pietra. Sous la canicule, sa première semaine de répétition fut éprouvante. Aussi profitet-elle des dernières heures de fraicheur de sa journée de repos avant de reprendre le rythme des réunions et répétitions. Malgré la langueur qui règne dans la ville, pour elle, le temps presse. Dans une semaine, tous ceux venus d’ailleurs repartiront, et ne se retrouveront au complet que huit jours avant les représentations. Un temps resserré pour un projet qui a pourtant pris de l’ampleur au fil du temps. La fondation Zétema avait passé commande aux musiciens de l’association Arteria*, tous installés à Matera, d’une version scénique de Il Ponte, mythologie rêvée de la ville écrite par le plasticien Dario Carmentano. Ils ont fait appel à Géraud Didier, directeur artistique adjoint du Maillon, pour prendre en charge la mise en scène. Il a à son tour invité Giorgio Barberio Corsetti, disponible entre un opéra et un symposium, qui a contacté Gianfranco Tedeschi pour composer la musique… Sur le modèle des poupées russes, cette Citta di pietra devrait dès lors résonner largement au-delà des limites de la ville.
Lundi 30 août, 11:00 Autour de la table, la réunion quotidienne est déjà bien entamée. Avec Fabio Cherstich, l’assistant metteur en scène, la plasticienne Elena Costelian et Marc Laperrouze, responsable technique, Giorgio et Géraud font le point sur les images et les actions envisageables dans ce qui sera
Réunion quotidienne avec Giorgio Barberio Corsetti, Géraud Didier, Fabio Cherstich, Elena Costelian, Marc Laperrouze
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un « opéra visuel », porté uniquement par les musiciens et les figurants. Difficile de rattraper le fil de la discussion. « L’église est l’espace propédeutique, avec une succession d’images fortes, traumatiques, comme les fragments d’un langage, qui sont des indices sur ce qui va se passer par la suite, avant
Les figurants de La Citta di pietra
que l’on pénètre dans un nouveau monde. » En dressant la liste des propositions, se dessine alors un canevas de tableaux où le bois, le blé et surtout la pierre jouent un rôle fondamental. Sur le chemin de Casa Cava, l’un des lieux de représentation, un univers très minéral se dessine enfin en plein jour. Cette ville, qui semblait irréelle sous l’éclairage nocturne, l’est tout autant sous le soleil. Un enchevêtrement de constructions qui se superposent et s’encastrent à flanc de rocher. Et de l’autre côté du canyon creusé par la Gravina… rien. Rien de construit en tout cas. Des orifices sombres laissent deviner une infime partie des 374 grottes qui entourent la ville, dont beaucoup sont des églises. Cette partie basse, les Sassi, aujourd’hui inscrite au patrimoine mondial de l’humanité, fût dans les années 50 « la honte de l’Italie ». Insalubre, où hommes et animaux cohabitaient dans les grottes que cachent ces façades. Ce site troglodytique, exceptionnel parce
qu’habité sans interruption depuis 10 000 ans et déjà tronçonné par les routes qu’y avait fait construire Mussolini, faillit être entièrement cimenté. Ses habitants furent tous évacués et relogés, brisant ainsi une structure sociale unique. Depuis, les Sassi ont été en partie rénovés et réinvestis, et Casa Cava, ancien site d’extraction de la pierre, est un exemple de cette renaissance. Dans cette grotte dont une partie se perd dans les ténèbres, un plateau de verre et trois volées de sièges permettent désormais d’accueillir des spectacles où le lieu jouera nécessairement un rôle primordial. À l’extérieur, les parties accessibles en voiture alignent désormais ateliers d’artistes et d’artisans, restaurants. Mais cette ville dont Pasolini était tombé amoureux n’est pas encore envahie par le tourisme de masse. Et l’on espère secrètement qu’il continuera à l’oublier. Dans les ruelles et les escaliers que seuls les piétons peuvent emprunter, certaines maisons semblent inchangées depuis des centaines d’années…
Lundi 30 août, 15:00 Dans les locaux d’Arteria, l’équipe artistique observe les propositions des sept figurants, à partir du « storyboard » élaboré le matin. Ada met le feu à la forêt, Gennaro recrache la pierre qui jusque là obligeait les enfants au silence… On retrouve certaines images fortes du texte de Dario, mais l’imaginaire de Giorgio et Géraud se superpose au sien. « La ville est un sujet qui nous plaît, précisera plus tard Géraud, mais ce n’est pas une frontière. Nous ne voulons surtout pas être prisonniers d’un univers archaïque et irréel. Le spectacle doit faire le voyage entre hier et aujourd’hui. » Si la ville est sans cesse présente par les signes et les symboles qui se déploient, on se garde bien de jamais la nommer… Le dîner attend l’équipe dans la cour du monastère, offert par l’un des nombreux partenaires. En dehors des financeurs directs, hôtels et restaurants offrent nuits et repas à l’équipe, explique Valeria Camardo, chargée de production. C’est comme si toute la ville voulait participer…
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Giorgio Barberio Corsetti pendant les répétitions
Giorgio Barberio Corsetti et Géraud Didier pendant les répétitions
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D’après elle, il règne ici une solidarité unique. Peutêtre parce que la ville a si longtemps vécu en autarcie, exploitant seulement les ressources des alentours. Sans doute aussi parce que les habitants n’ont pas oublié l’organisation des Sassi autour de petites cours où les voisins devenaient une famille. Dans cette ville qui vit décidément une réalité presque parallèle, la mafia n’a jamais pu s’implanter…
17h : Le travail avec les figurants avance à une allure impressionnante. « On a peu de temps, souffle Géraud. Dès qu’on a une idée, il faut immédiatement la tester, on ne peut pas se permettre de se perdre. » Et pour la première fois, nous avouent-ils, les metteurs en scène semblent soulagés… voire même satisfaits.
Mardi 31 août, 10:30 Les musiciens sont très détendus, comme tous les matins, apparemment. Gianfranco Tedeschi, le compositeur, visage taillé à la serpe, ne semble pas non plus inquiet. De son côté, tout est déjà presque au point. Avec les deux chanteuses, Beatriz et Morena, la savante et la sauvage, ils répèteront chaque morceau une fois… et l’on s’amuse à reconnaître les différentes couleurs musicales qui ont inspiré la partition : chansons populaires, musiques traditionnelles, jazz, musiques expérimentales et contemporaines… même de la musique de films, précise Loredana, présidente de l’association Arteria et co-signataire de la musique.
Mercredi 1er septembre, 10:00 C’est à San Pietro Barisano que débutera et s’achèvera La Citta di Pietra. Dans cette église que Dieu a abandonnée, tous les instruments de sa puissance ont été retirés, laissant des cadres vides au fond du chœur et du collatéral gauche. Un lieu pareil se passe de décor. Au sous-sol, dans les anciennes catacombes, Julien Petin attend avec Marc les deux chiens qu’il doit filmer pour les insérer dans le spectacle. Deux molosses, deux chiens qui semblent sortis des enfers et commencent par mordre ces
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étrangers en guise de bienvenue, avant de s’engouffrer dans les tréfonds de l’église, d’où leurs halètements résonnent jusqu’à la nef, et leurs aboiements jusque sur la placette. Sonorités effrayantes qui illustrent bien ces « passages continuels entre la chair et la densité caverneuse du royaume des morts » dont Giorgio parlait à propos du spectacle. Un spectacle dont les enjeux dépassent ceux des seules représentations. Cette Citta di pietra sera, si l’on peut dire, la première pierre d’un projet culturel ambitieux pour la ville. Casa Cava deviendra un lieu pérenne ; à partir de juin 2011, un festival européen, dirigé par Géraud Didier, égrainera plusieurs temps forts sur l’année, et Matera est candidate pour être capitale européenne de la culture en 2019. Le temps de la « Vergogna de Italia » est définitivement révolu… i
Un théâtre dans la ville Les Taps, théâtre actuel Strasbourg
info. 03 88 34 10 36 www.taps.strasbourg.eu
Visuel Raoul Gilibert et Kathleen Rousset, conception graphique Polo
saison 2010-2011
C’EST DANS LA VALLÉE
FESTIVAL DE MUSIQUE, CINÉMA ET ARTS PLASTIQUES 10e ANNIVERSAIRE
JACQUES HIGELIN KID LOCO RODOLPHE BURGER BEN SIDRAN SEB MARTEL OLIVIER MELLANO BRUNO BLUM CROCODILES VÉRONE SECOND OF JUNE FRED POULET HONG KONG DONG ALL RIGHT MAMA PROJECTIONS BARATHON... 7 AU 10 OCT 2010 SAINTE-MARIE-AUX-MINES - 68 Infos et réservations : Fédération Hiéro / Tél. +33 (0) 3 68 07 00 10 Billetterie : www.francebillet.com / www.fnac.com www.ticketnet.fr / www.digitick.com
www.cestdanslavallee.com
audioselecta
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THE THIRD EYE FOUNDATION THE DARK – ICI D’AILLEURS
BLONDE REDHEAD PENNY SPARKLE – 4AD
En toute discrétion, Blonde Redhead continue de creuser son sillon. Loin des frasques du temps, ce trio new-yorkais ne cesse de nous émouvoir. Sa pop électrique a muté depuis sa signature sur la label 4AD, elle a gagné en subtilité sans forcément perdre en intensité ; elle combine à merveille les tentatives glamour telles qu’elles étaient expérimentées en Italie dans les 60’s – des traces de cette production twist mutante apparaissent dans Le Mépris de Jean-Luc Godard ou dans les films de Pier Paolo Pasolini – à une forme de langueur qu’on pouvait rencontrer chez certains groupes post-punk britanniques du début des années 80. Il en résulte un propos global tout à fait unique, empreint d’une profonde mélancolie et en même temps en phase d’apaisement. Dix ans après le chef d’œuvre Melody of a Certain Damaged Lemon, le groupe a fait du chemin. On se réjouit pour la décennie à venir ! (E.A.) i
Depuis près de dix ans, Matt Elliott ne se consacrait qu’à son projet acoustique – sa trilogie magnifique Drinking, Failing et Howling Songs. Nous avions fait notre deuil de la belle aventure de The Third Eye Foundation, mais depuis quelques mois la rumeur enflait autour d’un nouvel enregistrement. La publication de cet album se situe à la hauteur de l’attente : les strates sonores s’empilent, les rythmiques jungle se démultiplient et s’accélèrent avec une noirceur réaffirmée, pour nous donner un avant-goût du chaos mélodique ultime tout en s’appuyant sur ce qui fait le fondement même de nos cultures. Sublime et envoûtant. (E.A.) i
TOOG GOTO – KARAOKE KALK
Le trafic en a fasciné plus d’un par le passé : de Charles Trenet à Kraftwerk, en passant par les merveilleuses bandes sonores de Jacques Tati. Il devient la métaphore du quotidien de nos vies, en accéléré ou au ralenti. Avec sa pop concrète, Toog qu’on connaît aussi bien pour ses collaborations avec Momus ou Asia Argento, emprunte autant aux expérimentations de Matmos qu’à l’intimité des premiers Albert Marcoeur, avec le même sens de l’autodérision et de la poésie. Ce nouvel enregistrement l’inscrit dans la longue tradition des pionniers de la musique électronique, parmi lesquels Jean-Jacques Perrey – un compositeur sur lequel il a réalisé sous son vrai nom, Gilles Weinzaepflen, un documentaire remarquable tout récemment. (E.A.) i
THE CORAL BUTTERFLY HOUSE DELTASONIC/COOPERATIVE
Il est amusant de constater que bon nombre d’entre nous exprimaient une affection secrète à The Coral, un magnifique groupe de Liverpool, avec la conscience qu’il fallait préserver ces outsiders discrets et intègres. Le départ en 2008 du guitariste Bill Ryder-Jones – auteur d’un album solo remarquable – n’a en rien affecté la maestria mélodique dont savait faire preuve le groupe jusqu’alors. Bien au contraire, cette assise mélodique semble renforcée, du moins gagne-t-elle en cohérence, y compris dans la diversité des genres : le folk et la pop qui s’ouvre à l’ère proto-psychédélique des années 1965 et 1966, comme si The Coral refaisait l’histoire à son rythme. (E.A.) i
RUBIK DADA BANDITS – TALITRES
Avec ces huit-là, la pop prend des contours inattendus : faisant preuve d’un sens inné de la déconstruction, ces magiciens du son en provenance d’Helsinki décomposent les thèmes, les hachent menu, les répandent sur la table pour mieux nous les recomposer au final. Fragiles à la base, sérieusement malmenées, tour à tour intimistes puis luxuriantes, les compositions qui résultent de cet étonnant travail d’alchimiste tiennent plus du patchwork que du kaléidoscope psychédélique – on n’est plus dans la superposition que dans l’addition ! – et surprennent par leur vigueur mélodique incroyable. (E.A.) i
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LE BATEAU-USINE DE TAKIJI KOBAYASHI - YAGO
Œuvre littéraire éminemment politique qui prend pour toile de fond le Japon de l’entredeux guerres, Le bateau-usine est un roman, sombre et puissant, sur la condition de ces hommes contraints d’échanger leur force de travail contre un salaire de misère. Kobayashi décrit parfaitement les mécanismes par lesquels ceux qui détiennent le pouvoir politique et économique, aidés de leurs valets, font souffler le vent de la division et exacerbent le nationalisme pour mieux asseoir leur domination et défendre leurs intérêts. Quand la mer déchaînée menace d’engloutir le navire sur lequel ont embarqué des centaines d’hommes, ce n’est pas la nature hostile qui représente la plus grande menace pour ces êtres exploités, mais bien plutôt la tyrannie de ceux qui les mettent en chaînes. (C.S.) i
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LES SAISONS
SEBASTIEN
DE MAURICE PONS - CHRISTIAN BOURGOIS
DE JEAN-PIERRE SPILMONT LA FOSSE AUX OURS
Qu’est venu chercher Siméon, l’étranger solitaire et hanté, dans ce village coupé du monde, perdu dans une vallée boueuse et peuplé d’êtres humains qui n’ont avec la civilisation qu’un lien des plus ténus ? Ou plutôt, que va-t-il y trouver ? Une chose est sûre, après avoir lu Les Saisons, qui ferait presque passer Délivrance de John Boorman pour une innocente promenade bucolique, le lecteur ne portera plus le même regard sur les pluviomètres, les lentilles et les ânes. La puissance des images, la richesse des symboles, la profondeur du questionnement sous-jacent sur la vie, sa valeur et son sens, ainsi que sur la place de l’artiste parmi ses contemporains font de ce livre, abominable et fascinant, un chef d’œuvre, tout simplement. (C.S.) i
LES OISEAUX PEUT-ÊTRE DE MANUEL DAULL ÉDITIONS CAMBOURAKIS
Manuel Daull publie régulièrement de la poésie. Ses livres les plus récents sont parus aux éditions Dernier Télégramme (Nos besoins d’attachement sont aussi ceux de rupture, et Louna), et aux éditions Mix (Brutal). Dans ce premier roman, il décrit avec son style inimitable la rencontre dans un hôtel isolé de tout entre un homme sujet à la narcolepsie et deux femmes qui pourront peut-être le sauver. Sans dissiper la part de mystère qui enveloppe son récit, Manuel Daull s’attache à suivre au plus près le cheminement du désir qui circule de l’un à l’autre avec une violence sourde. (P.S.) i
Pourquoi Sébastien est-il placé dans cet étrange internat ? Ses éducateurs ne lui veulent-ils que du bien ? Et pourquoi ces interrogatoires quasi-policiers ? Déficient, vulnérable, Sébastien est aussi pugnace et serviable. Il aime pousser le fauteuil de son grand-père, seul parent qui ne l’ait pas renié. Soudain, le texte arrache un des masques dont se pare la barbarie pour se fondre dans les rouages sociaux. Si la sauvagerie est riante, sociable, que doit un acte de résistance, ou bien de justice, à l’inconscience, à la pulsion, à l’étrangeté ? Et pour résister, faut-il être dans l’institution ou hors d’elle ? (N.E.) i
L’OMBRE DES MONTAGNES DE MARIE FRERING – QUIDAM EDITEUR
Marie Frering a vécu à Sarajevo entre 1994 et 1997, témoin de la guerre qui a déchiré la Bosnie-Herzégovine, et de la longue reconstruction qu’elle a nécessité. L’Ombre des montagnes est le fruit de cette douloureuse expérience. Une collection d’impressions, de souvenirs, d’instants, de sensations – certains d’une violence inouïe. La déstructuration du récit renvoie à celle de la guerre-même, au chaos dans lequel se trouvent plongés les habitants de Sarajevo. Marie Frering dépeint également le difficile travail de reconstruction, car la marque que laissent les combats est bien plus vivace qu’on ne l’imagine. (S.M.) i
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Au cœur de l’Histoire
SEPTEMBRE > NOVEMBRE 2010 '$16( 30.10 LE SACRE DU PRINTEMPS
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LES MERS PERDUES
LA COLLINE EMPOISONNÉE
GLORIA VA À L’ESSENTIEL
DE FREDDY NADOLNY POUSTOCHKINE
DE SCHUITEN ET ABEILLES – ATTILA
FUTUROPOLIS
DE MARIANNE MAURY KAUFFMANN DELCOURT
Schuiten reste parmi les dessinateurs les plus emblématiques de sa génération ; le cycle qu’il a initié avec Benoît Peeters, Les Cités Obscures, continue d’alimenter les fantasmes des amateurs de BD à travers l’Europe, voire au-delà. Alors quand il présente à l’écrivain une série de dessins inédits à l’écrivain Abeilles, ce dernier reconnaît une proximité, voire une intimité, avec son propre travail. Dès lors, il construit un récit qui met en présence un milliardaire, une jeune géologue, un dessinateur, un écrivain et un guide, pour une expédition dans des contrées imaginaires, où des statues immenses attestent de l’existence d’une ancienne civilisation. Avec Les Mers Perdues, le romanesque des deux univers – texte et les dessins – nous entraine dans une odyssée étrange, qui provoque chez le lecteur des sensations bien troublantes. (E.A.) i
Freddy Nadolny Poustochkine (né d’un père ukrainien et d’une mère française) raconte le trajet d’un jeune novice au Cambodge apprenant difficilement l’enseignement des moines bouddhistes en parallèle du quotidien de Manu, jeune garçon vivant avec son frère et sa mère souvent absente, dans une cité de banlieue. L’ouvrage s’articule autour d’un fil invisible et ténu pour des portraits d’enfances isolées. L’auteur affiche une sensibilité à fleur de peau, dénuée de tout sensationnalisme, nourrie par des souvenirs personnels à l’affectivité palpable. Le trait réaliste et délicat s’affranchit de tout format pour s’étendre sur ces 350 pages probantes offertes à une contemplation tendre et marquante. (O.B.) i
ZOMBILLÉNIUM DE ARTHUR DE PINS – DUPUIS
Le vampire Francis von Bloodt gère le parc d’attraction Zombillénium où travaillent d’authentiques vampires et autres monstres. Aurélien, fraîchement accidenté, est embauché malgré lui dans l’entreprise. Surtout ne vous y trompez pas, sous ses allures d’histoire de vampires archi rebattue, Arthur De Pins parvient à l’exploit de régénérer le genre via un récit empli d’humour et de spontanéité. Les dialogues malins et dynamiques sont au niveau d’une esthétique très séduisante : tour de force, Zombillénium a entièrement été dessiné avec Illustrator. À double titre ici, l’outil plume fait mouche. (O.B.) i
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Gloria, est le prototype de la bobointello de quarante ans qui passe son temps à se morfondre autant sur son physique qu’à vouloir tout réglementer dans son quotidien, notamment son fils, geek dont elle ne sait que faire. L’auteure, Marianne Maury Kauffmann qui a une expérience longue comme le bras des magazines féminins, propose ainsi la compilation de ses meilleures pages, allant à l’essentiel comme son personnage, avec un trait clair et bienveillant. Ne cachant rien des petites manies, des obsessions et autres névroses de Gloria, son album se lit comme on boit du petit lait. (O.B.) i
LES PIEDS NICKELÉS BIO PROFITEURS DE TRAP & OIRY – DELCOURT
Il y a quelque chose de réjouissant dans l’annonce du retour des Pies Nickelés, la série créée en 1908 autour du trio des incorrigibles Croquignol, Ribouldingue et Folochar, sous le trait subtil de Stéphane Oiry et la plume acide de Trap ! C’est l’assurance de faire la nique aux donneurs de leçon et autres esprits bien-pensants. Dans ce volume consacré à l’ère du tout-bio, chacun en prend pour son grade. À voir ces trois-là tourner en dérision nos derniers fantasmes alimentaires, on prend conscience qu’il nous faut montrer autrement plus méfiants de nos veules inclinaisons. À bas les ultimes contraintes qu’on s’impose à soi-même, et vive la liberté ! (E.A.) i
OUVERTURE !
30 / 09 / 2010 19:00 GRÉGORY WAGENHEIM SEVEN SEAS
conception : studio-piknik.com
dans le cadre de la Nuit Blanche 3 à Metz
23 ter rue de la Haye (f) 57000 Metz info@letoutouchic.com www. letoutouchic.com du jeudi au dimanche 14h00 à 19h00 (+ sur rendez-vous hors horaires)
dvdselecta
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COFFRET LIONEL ROGOSIN COFFRET 3 DVD – CARLOTTA
Le cinéma indépendant américain ne cesse de livrer ses plus beaux secrets. Ainsi, après Robert Flaherty, c’est au tour de Lionel Rogosin de voir son œuvre rééditée en DVD. À découvrir aujourd’hui les cadrages à la limite de la rupture d’On the Bowery, on comprend l’influence du documentariste sur John Cassavetes. Ce premier long métrage qui date de 1956 constitue un choc. Tourné dans des conditions extrêmes, il mêle admirablement fiction minimale et documentaire sensible : Ray, le personnage principal, se trouve confronté à la réalité de la misère, celle-ci le guette, il est prêt à sombrer. Sans nul doute, Éric Rohmer s’est-il inspiré de cette forme d’errance pour construire la forme du Signe du Lion quelques années après. Les autres films figurant au menu de ce coffret indispensable, Come back, Africa et Good Times, Wonderful Times, confirment une intransigeance rare. (E.A.) i
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CLAUDE CHABROL
CHORUS
3 FILMS – OPENING VIDEO
COFFRET 3 DVD – INA ÉDITIONS
Hasard malheureux des calendriers, trois des plus grands films de crimes et de passions de Claude Chabrol, viennent de sortir en DVD. Jamais le cinéaste n’aura été plus cruel dans le cadre de son exploration acide de la société bourgeoise : Le Boucher qui offre à Jean Yanne son meilleur rôle d’homme meurtri et de tueur veule, Les Noces Rouges, film qui réunit Michel Piccoli et Stéphane Audran avec une trame construite autour de complots politiques particulièrement tordus, et enfin La Décade Prodigieuse, avec l’ogre Orson Welles. À la manière d’Hitchcock qu’il admirait, Chabrol gère le suspens, toujours prêt à fondre sur une tranche de rosbif bien sanglante : de quoi frémir sous la couette ! (O.B.) i
Pour certains d’entre nous, il y avait une vie pour Antoine de Caunes avant Canal+ ou le cinéma. Le trublion restera à jamais l’initiateur d’émissions rock incroyables, parmi lesquelles la première d’entre elles, Chorus. De 1979 à 1981, près de 40 minutes live sont diffusées chaque semaine sur Antenne 2. Les meilleurs groupes de la scène punk et new wave y sont présentés, et pour les mômes que nous étions, c’était notre premier contact aux Clash, Jam, Cure, Stranglers ou Undertones. Comme un bonheur qui tombe du ciel, ce ne sont pas moins de 9 heures de ces émissions si précieuses qui nous sont confiées sous la forme d’un splendide coffret DVD. (E.A.) i
LES GARÇONS DE MAURO BOLOGNINI – CARLOTTA
Carlotta Films poursuit son exploration du cinéma italien des années 50 à 70 avec quatre films de Mauro Bolognini : Les Garçons (1959), Bubu de Montparnasse (1971), Liberté, mon amour (1973) et Vertiges (1975). Les Garçons sont trois beaux gosses (Jean-Claude Brialy, Laurent Terzieff et Franco Interlenghi) qui enchaînent les combines, trois ragazzi qui trompent l’ennui en volant les riches et qui ne pensent qu’à baiser les filles (Mylène Demongeot…). Dans la lignée d’Accatone et sur un scénario de Pier Paolo Pasolini, cette œuvre phare du cinéma italien des années 50 dépeint une société dans laquelle l’appât du gain tient lieu de morale. (P.S.) i
BRIGHT STAR DE JANE CAMPION – PATHÉ
La vie amoureuse de John Keats n’aura duré guère plus longtemps que trois jours d’été. Tout dans cette œuvre rappelle la délicatesse des vers du poète. Jane Campion déroule les quelques mois de son amour pour Fanny Brawne à la façon d’un poème, rythmé par le fil des saisons et de leurs couleurs. La réalisatrice s’attache à des détails – la précision d’une couture, un regard –, pour recréer une atmosphère surannée propre à suggérer tout le raffinement d’une histoire et d’une époque. Porté par l’éclat des sentiments de ses deux acteurs, Abbie Cornish et Ben Whishaw, Bright star fait partie de ces rares films qui provoquent chez le spectateur une émotion et c’est avant tout cela qui le rend remarquable. (S.M.) i
11 - 14 novembre 2010
Colmar 10h - 19h parc des expositions
RC Colmar : 388 014792B 289
conception :
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Salon International du Tourisme & des Voyages
Xi’An - Trés invité d’ho ors de la Chine Impé nneur 2010 riale 2ème édition Salon du To de Solidarissimo urisme & de l’Economie è m e Solidaire 3 édition d e l’ e s p a « GÉNÉRAT ION LIBERTce É»
www.sitvcolmar.com - INFO : 03 90 50 50 50 en partenariat avec :
MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET EUROPÉENNES ET EUROPÉENNES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DES MINISTÈRE
I Love Dust, illustrateur, imagine Desperados Mas
L’ ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.