Magazine SOURCE été 2020

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LE PLOMB DANS L’EAU POTABLE DES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES : DES RECOMMANDATIONS À L’APPLICATION

LE JURIDIQUE

Me Nicolas Trottier Avocat, B. Sc., LL. B. Daigneault, avocats inc. nicolas.trottier@daigneaultinc.com

est reconnu scientifiquement que le plomb peut avoir des effets néfastes à long terme sur la santé, particulière pour les enfants de moins de six ans1. L’eau potable en est l’une des principales sources, d’où les nombreuses recommandations des autorités de la santé à ce sujet. Cependant, il n’existe aucun portrait global et définitif de la concentration de plomb dans l’eau potable des établissements scolaires du Québec. Pour pallier cette situation, le gouvernement du Québec a annoncé en mars 2020 une procédure obligatoire d’échantillonnage de l’eau de nos écoles, en vue d’apporter les mesures correctrices requises.

Il

Avant d’examiner cette procédure, voici un historique des normes relatives au plomb dans l’eau potable. En 1992, Santé Canada fixait à 0,01 mg/L la recommandation sur la concentration maximale acceptable (CMA) de plomb dans l’eau potable. Au Québec, en 2001, le Règlement sur la qualité de l’eau potable (ci-après le « RQEP ») lui emboîtait le pas en fixant lui aussi à 0,01 mg/L la concentration maximale de plomb dans l’eau potable. En 2013, le RQEP fut modifié pour mieux encadrer l’échantillonnage du plomb dans l’eau potable. Ainsi, les responsables d’un système de distribution d’eau potable alimentant plus de 20 personnes doivent procéder à un certain nombre de prélèvements d’échantillons d’eau qui varie en fonction du nombre d’utilisateurs sur le réseau. Dans le cadre d’une consultation publique menée en 2017, Santé Canada publiait un document, intitulé Le plomb dans l’eau potable, faisant état de la mise à jour des recommandations sur la qualité de l’eau potable relativement au plomb. Notamment, il annonçait que la recommandation en matière de CMA de plomb dans l’eau potable passerait de 0,01 mg/L à 0,005 mg/L. Cette recommandation sera accompagnée d’un guide technique publié en mars 2019. On recommandait également dans le document de 2017 de mesurer chaque année les teneurs en plomb de chaque fontaine ou de chaque robinet des écoles et des garderies. La Direction de la santé publique du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-deMontréal (« DSP Montréal ») a publié en 2017 un rapport intitulé Plomb dans l’eau potable de l’île de Montréal : concentrations de plomb dans l’eau potable des écoles et évaluation des risques à la santé des enfants de 5-6 ans – 2017 2. Ce rapport faisait suite à un échantillonnage de l’eau de fontaine dédiée aux enfants des classes du préscolaire dans 51 écoles de l’île de Montréal. La DSP Montréal concluait que les concentrations de plomb n’étaient pas très élevées et qu’elles diminuaient beaucoup après une minute d’écoulement. Toutefois, le tiers des échantillons d’eau au premier jet excédaient la valeur de 5 µg/L recommandée par Santé Canada.

À l’été 2019, des sorties médiatiques révélaient que le plomb dans l’eau de certains établissements scolaires du Québec pouvait atteindre des concentrations dépassant la norme recommandée de 0,005 mg/L. Le 26 octobre 2019, le ministre de l’Éducation ordonnait à tous les établissements scolaires du Québec de procéder à une campagne de dépistage du plomb dans l’eau. Pour encadrer ce processus, le gouvernement du Québec a publié en mars 2020 la Procédure visant à mesurer les concentrations de plomb dans l’eau potable des écoles du Québec (ci-après la « Procédure ») 3. Celle-ci propose aux responsables des établissements non seulement une méthodologie d’échantillonnage, mais également une liste d’actions à prendre à court, à moyen et à long terme. Ainsi, avant même que les résultats de la campagne soient connus, les établissements doivent maintenant identifier les points d’eau potable à l’aide d’affiches et y indiquer aux utilisateurs qu’ils doivent faire couler l’eau avant de la consommer ou de l’utiliser. Pour certains points d’eau, comme les salles de bain ou les vestiaires, les établissements doivent indiquer que l’eau ne peut être utilisée que pour se laver les mains. On recommande également de faire un rinçage systématique du réseau d’aqueduc après une longue période de stagnation des eaux, comme au moment de la rentrée scolaire. Pour ce qui est de procéder aux mesures et à l’échantillonnage, la Procédure recommande fortement de prioriser les établissements scolaires primaires avant tout autre établissement. De plus, dans un cas comme dans l’autre, il faudra prioriser les établissements en fonction de leur date de construction, en commençant par les plus anciens. Deux méthodes de prise des mesures sont possibles : prise sur place à l’aide d’un appareil portatif, ou en laboratoire accrédité par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC). Deux échantillons doivent être prélevés aux points d’eau utilisés pour la consommation, soit un au premier jet et l’autre après 30 secondes de rinçage. Tous les résultats doivent être communiqués au MELCC. En fonction des résultats obtenus, la Procédure prévoit les mesures de mitigation à prendre dans l’immédiat, par exemple la condamnation du point d’eau si la concentration est élevée, mais également des mesures permettant de régler le problème à long terme, comme le remplacement de la plomberie si nécessaire. Il est intéressant de noter que la Procédure tient compte de la CMA de 0,005 mg/L recommandée par Santé Canada, et ce, même si le RQEP prévoit une norme de 0,01 mg/L. Le MELCC a toutefois annoncé qu’il modifierait sous peu la norme pour l’abaisser à la CMA recommandée par Santé Canada. Pour les établissements primaires, les tests devaient à l’origine être terminés et les correctifs à apporter devaient être identifiés et amorcés pour le 23 juin 2020. Pour les autres établissements, les tests devaient être complétés et les correctifs à apporter devaient être identifiés pour le 1er novembre 2020. En raison de la pandémie de COVID-19, ces dates ont été respectivement reportées au 1er novembre 2020 et au 1er mars 2021. n

Direction de la santé publique du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. (2017). Plomb dans l’eau potable de l’île de Montréal : concentrations de plomb dans l’eau potable des écoles et évaluation des risques à la santé des enfants de 5-6 ans – 2017. Consulté en ligne à : https://santemontreal.qc.ca/fileadmin/fichiers/professionnels/DRSP/sujets-a-z/eau_potable/Plomb-eau_potable_ecoles_RAP_092017.pdf 2 Ibid. 3 Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. (2020). Procédure visant à mesurer les concentrations de plomb dans l’eau potable des écoles du Québec. Consulté en ligne à : http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/education/reseau/boite-outils/Procedure-concentrations-plomb.pdf 1

20 LE MAGAZINE DE L’EAU AU QUÉBEC SOURCE VOL. 16 N O 2 ÉTÉ 2020

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