MaxiBasketNews#8

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“J’AI PLEURÉ EN 2001 LORSQU’ELLES SONT DEVENUES CHAMPIONNEs D’EUROPE”

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orsque l’on prend contact avec elle pour la rencontrer, on comprend rapidement qu’Émilie Gomis n’est pas… de l’après-midi. La déranger en pleine sieste n’est donc pas une chose à conseiller, on peut se faire rabrouer. Émilie est comme ça, le sommeil est une chose sacrée. « Je suis absolument désolée », se confond-elle quelques minutes plus tard après le premier coup de fil. « Je dormais profondément et j’ai décroché dans un semi-coma. » Parce qu’elle est aussi comme ça Émilie, si adorable réveillée que l’on est bien incapable de lui en vouloir. Cette anecdote a au moins le mérite de poser le personnage. Caractère bien trempé, voir « carrément mauvais », avoue-t-elle dans un grand éclat de rire, Émilie Gomis a su mettre de l’eau dans son vin au fil des années. On est bien loin d’Évreux, des débuts sur les playgrounds de la cité et de son environnement si masculin où « Miss Go », un de ses surnoms, s’est forgée son tempérament. « Il fallait bien », se souvient-elle. « Mais j’étais un vrai garçon manqué. Le jogging bien large, c’était ma tenue. Le contact avec les gars, c’était plus mon truc qu’avec les filles. Et pour le basket, c’était clair que c’était plus intéressant de jouer avec eux car ils ne me faisaient pas de cadeaux et j’aimais bien ça. »

« Une grosse envie de rien foutre »

Repères • Née le 18 avril 1983 à Ziguinchor (Sénégal) • Taille : 1,80 m • Poste : Arrière, ailière • Clubs : Évreux (92-97) en N2, Rouen (97-98), Centre Fédéral (98-01) en N1, Tarbes (01-03) en LFB, Villeneuve-d’Ascq (03-06), New-York Liberty (06) en WNBA, Valenciennes (06-08), Fenerbahçe Istanbul (08-09) en Turquie, Naples (08-09) en Italie

Débarquée du Sénégal en 1986, la famille Gomis pose ses valises à Évreux, en Normandie. Le père, professeur de karaté et ceinture noire, y voit une bonne opportunité pour les siens. Émilie a trois ans. Enfance sans encombre, au milieu de quatre frères et quatre sœurs, la jeune Émilie est nonchalante avec, de son propre aveu, « une grosse envie de rien foutre après l’école ». Chose qui ne plaît pas trop dans cette famille ultra sportive. Alors, vers les neuf ans, Émilie commence le sport, comme tous les Gomis. « On m’a mise à l’athlétisme parce que, physiquement, j’étais déjà fine et musclée », raconte-t-elle. « J’aimais beaucoup ça mais c’est un sport individuel et c’était à l’extérieur. Et moi le froid, la pluie, ça n’était pas possible. Le basket, j’en faisais déjà avec les mecs et c’était en salle alors c’était quand même mieux. Mais j’ai continué l’athlétisme jusqu’à mon entrée au pôle espoir de Rouen où, là, j’ai dû choisir. »

“LE MAILLOT FRANCE, C’EST LE TOP, TU L’AIMES, TU ES TROP FIÈRE”

• Équipe de France : 1ère sélection le 10 août 2002, 98 sélections • Palmarès : cinquième au championnat du monde Sénior (06), bronze au Mondial des -20 ans (03), bronze au championnat d’Europe des -18 ans (02), bronze au championnat d’Europe Cadettes (99), finaliste de la coupe Ronchetti (02), vice-championne de France (03), championne de France (07)

Rouen, ce sont les débuts du cursus sans faute de la petite Émilie. Une année en pôle espoir, puis, repérée, elle part dès ses 15 ans rejoindre l’INSEP et le Centre Fédéral. « Je ne connaissais pas les structures car le basket était pour moi un jeu », explique Émilie. « Je ne m’y intéressais pas plus que d’être avec mes copines et de me dépenser. Mais je passais par toutes les sélections régionales et puis j’ai été prise en sélection cadette nationale. Ma famille ne me poussait pas plus que ça, même en entrant à l’INSEP, faire du basket mon métier ce n’était pas à l’ordre du jour. » Pourtant, lorsqu’elle découvre le lieu, Émilie comprend que « c’est du sérieux ». Fine, musclée, rapide, son physique détonne et lui permet d’être retenue dans toutes les sélections sans forcer son talent. L’INSEP – les meilleures années, comme pour beaucoup de ceux qui y sont passés – va structurer Émilie. « Et il y avait du boulot », s’esclaffe-t-elle. « Le basket était un loisir pour moi et j’étais une vraie sauvage, un peu racaille. Là tu apprends la discipline. Manger à telle heure, dormir à telle heure, on te gueule dessus… horrible. Moi, je suis entrée en rébellion, le temps de m’assagir, de comprendre que le basket c’était du sérieux. Mais il y a les copines, tu côtoies Tony Parker, Boris Diaw, les autres sportifs et les garçons, car à l’INSEP tu n’es pas qu’avec les filles et ça… (Malicieuse) Tu es considérée comme l’une des meilleures joueuses du pays, tu es fière comme pas possible. Et puis le basket change, la musculation, la nutrition, les ateliers, tu comprends que tu vas peut-être devenir basketteuse professionnelle. » Pour entrer dans le monde pro, encore faut-il qu’un club se propose de l’accueillir. Un peu cigale, Émilie n’a rien prévu et déchante rapidement. Personne ne vient la chercher à sa sortie de l’INSEP et il lui faut de l’aide pour que Tarbes se penche sur son cas et se décide à l’accueillir. « J’ai signé tard », souffle-t-elle. « J’en ai pleuré parce que je croyais que personne ne voulait de moi. Je pensais que l’on allait venir me trouver. » À Tarbes, Émilie rejoint sa copine Céline Dumerc et son idole Laure Savasta, championne d’Europe en 2001 avec l’équipe de France et capitaine de la sélection tricolore. « Elle, je l’admirais ! Une grande gueule comme je les aime que je regardais, toute en observation. Je n’osais pas trop lui parler. » Une première année pour voir, avec une finale de coupe d’Europe à la clé, puis une seconde où Émilie joue un vrai rôle, en championnat comme sur la scène européenne. « J’étais dans les six-sept filles qui comptent. Je commençais à m’éclater vraiment, à avoir du temps de jeu. Et puis j’entends mon nom circuler pour l’équipe de France, le rêve ! » Alain Jardel, alors entraîneur national des filles, auréolé d’un titre de champion d’Europe avec ses filles, appelle en sélection des jeunes, dont Émilie fait partie. « Les sélections je connais », s’emporte-t-elle. « Mais là ! C’est la grande. Celle championne d’Europe ! J’étais dans les tribunes quand elles ont gagné et moi, le garçon manqué, j’ai pleuré en les voyant. Et un an après, je me retrouve avec elles ! »

Le maillot France pour amant

Hervé Bellenger/IS/FFBB

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L’équipe nationale, c’est le fil rouge de la carrière d’Émilie Gomis, comme pour beaucoup de joueuses. Habituée dès son plus jeune âge à en faire partie, en 2002 Émilie poursuit son aventure chez les grandes en glanant une première sélection en amical. « Contre le Japon », se délecte-t-elle. « Je suis sur le banc et puis Alain m’appelle. Je ne l’entends même pas, on doit me pousser pour rentrer. Et puis plus rien ! Je ne me souviens de rien jusqu’à ce que je marque mon premier point. Là, le stress s’envole et je suis dans le match. Le truc avec l’équipe de France, c’est justement que c’est le truc. Tu représentes la France, tu es dans les meilleures. Le maillot c’est le top, tu l’aimes, tu es trop fière. Après, pour une fille, l’équipe nationale te donne une aura, on sait qui tu es. » Un amour si fort qu’Émilie a bien failli tromper, une fois, elle qui vivait un autre rêve, celui de la WNBA à New York en 2006. Arrivée par la petite porte au Liberty, elle gagne sa place


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