D ÉCONSTRUCTION DE L’ARCHITECTURE
PROTECTRICE DANS LE CINÉMA D’ANGOISSE
MÉMOIRE DE FIN D’ÉTUDES
Présenté par Maxence D’AMBLY
Encadrement par Jade BERGER
École Nationale Supérieure d’Architecture de Nancy
Deuxième année de Master
2021 - 2022
Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont participé au bon déroulé de mes études et à la rédaction de ce mémoire.
Tout d’abord, je remercie l’ensemble des enseignants de l’école d’architecture de Nancy pour leur pédagogie, leur dévouement et leur disponibilité.
Cet écrit n’aurait pas pu aboutir sans l’encadrement de Monsieur Christophe Huon et surtout de Jade Berger , qui a su m’apporter aide et conseils, durant tout le suivi de mon sujet.
Merci à toutes les personnes m’ayant écouté et offert des réponses à mes questions, en particulier mon grand-père André Saint Girons et ma mère Guillemette d’Ambly .
Merci également à tous les réalisateurs de cinéma, pour le grand art qu’ils créaient, et sans qui, ce mémoire n’aurait put exister.
Cet écrit a été pour moi la possibilité de réunir deux passions, à savoir l’architecture pour l’acte de concevoir et le cinéma pour les émotions qu’il me provoque. Je souhaitais mettre en valeur le lien qu’il peut y avoir entre ces deux arts. J’ai hésité avec le jeu vidéo qui est capable aussi de créer des univers riches en construction. Mais ce domaine me paraît encore trop peu étudié (selon moi) en terme d’architecture pour en faire une thèse de Master.
Les films d’horreur étaient un choix qui m’a semblé évident. D’abord, parce que c’est sans doute l’un des genres cinématographiques où l’importance de l’architecture est la plus marquante. Il ne s’agit pas de juste filmer des édifices, mais de s’en servir pour créer une ambiance ou pour désorienter le spectateur. Ensuite, parce qu’ils sont peu aimés du grand public et qu’il me paraissait donc important ou intéressant de revendre leurs mérites à leurs justes valeurs. Leur objet étant de faire peur, il est normal que cela puisse en décourager certains.
D’ailleurs, si je vous dis que derrière l’une de ces pages se trouvent une image effroyable qui risque de vous empêcher de dormir ; appréhendez-vous la lecture de ce mémoire, ou au contraire, l’angoisse provoquée par cette hypothèse vous enthousiasme t-elle ?
Je me suis contenté de quatre films appartenant tous au sous-genre de l’angoisse. Cette sélection s’est effectuée selon deux facteurs principaux. Je voulais qu’il y est une variation au niveau des dimensions des édifices et des dates de sortie de ces films. Dans l’ordre chronologique, nous avons Psychose Shining , Crimson Peak et Ghostland que je présenterai plus en détail par la suite.
J’ai rencontré quelques difficultés, en particulier liées au peu de sources. Même si Shining et Psychose ont été vues et revues, leur analyse en terme d’architecture et celle des deux autres films sont pauvres, voir quasi inexistantes. Cependant, j’ai vu ça aussi comme un défi qui me motive dans l’idée de produire un écrit quasiment neuf.
Il a été aussi très fastidieux de trouver un plan qui induit aucune répétition. Car dans le cinéma, les techniques cinématographiques, narratives, décoratives, (...) s’entremêlent et sont parfois indissociables. Cependant, celui que je vous propose aujourd’hui est tout à fait convenable.
2 3
AVANT PROPOS REMERCIEMENTS
AVANT PROPOS
INTRODUCTION
PRÉSENTATION DU CORPUS
CHAPITRE I : VOIES SANS ISSUES
A. Isolation
B. Labyrinthe
C. Confinement et folie
CHAPITRE II : ANTICIPATION, PEUR DE l’INVISIBLE
A. Introduire l’angoisse
B. Hors-champ
C. Espace négatif
CHAPITRE III : ESTHÉTIQUE, ACOUSTIQUE DE L’HORREUR
A. Techniques cinématographiques
B. Architecture Psychologique
C. Épouvantable Architecture
CHAPITRE IV : ARCHITECTURE TRANSPARENTE
A. Voyeurisme et intimité
B. Paroi impuissante CONCLUSION
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SOMMAIRE REMERCIEMENTS
BIBLIOGRAPHIE ICONOGRAPHIE ANNEXE 2 3 6 - 9 10 - 11 12 - 29 14 - 19 20 - 24 25 - 29 30 - 45 32 - 35 36 - 41 42 - 45 46 - 65 48 - 50 51 - 57 58 - 65 66 - 79 68 - 72 73 - 79 80 - 81 82 - 85 86 - 87 88 - 89
Le rapport entre l’architecture et le cinéma a suscité nombre d’intérêts, et cela, depuis les années 20 en particulier grâce à Metropolis 1 de Fritz Lang . Cette œuvre a montré au public que les décors d’un film constituent une thématique essentielle. Ils disposent des mêmes vertus que ceux de la réalité, déployant une certaine esthétique et capables d’instaurer des ambiances, allant de l’harmonieux au sinistre. Le rôle du réalisateur se rapproche ainsi de celui de l’architecte, à savoir de concevoir « un art spatial appréhensible dans le temps »2 . La promiscuité entre ces deux disciplines est donc inévitable.
L’horreur est une catégorie à part entière du cinéma. Se distinguant du fantastique dans sa volonté essentielle de cultiver la peur ou le dégoût, ce genre apparaît dès 1896 avec le manoir du diable 3 de Georges Méliès . Il peut être découpé en plusieurs sous-catégories comme les films de zombies, d’épouvantes, les slashers (mise en scène des meurtres d’un psychopathe), les snuff movies (films de torture) et d’autres encore.
C’est aussi une catégorie qui est souvent dénigrée par le grand public, pouvant être considérée comme inintéressante à cause de son objectif. Pourtant l’horreur démontre fondamentalement le rôle de l’architecture au cinéma. Pour beaucoup de films appartenant
à ce genre, ils se rapprochent du huit-clos en développent une narration autour d’un édifice principal. Ces édifices sont souvent considérés comme le personnage le plus iconique de ces fictions. Ils occupent, en effet, une place omniprésente qui met en scène l’effroi de manière exemplaire, au point même de devenir des serviteurs de ce dernier. L’architecture perd dans ces films son rôle d’abris est devient plutôt le potentiel cercueil de ses habitants. Pour les thrillers horrifiques qui constituent notre corpus, ceci est accentué par un travail extrêmement pointilleux sur l’angoisse. Cette sensation d’appréhension qui nous maintient en tension inconsciemment tout au long de la séance se traduit par des éléments précis que nous tenterons d’énumérer par la suite. Alfred Hitchcock , pour définir le principe de l’angoisse disait « Il n’y a pas de terreur dans un coup de fusil, seulement dans son anticipation ».
La problématique que nous pouvons postuler, est la suivante : comment les réalisateurs de thrillers horrifiques, détruisent-ils le mythe d’une architecture protectrice, au service de l’angoisse ?
Afin de répondre à cette question, il conviendra d’analyser chaque étape qui contribuera à déconstruire ce mythe. Plusieurs thématiques récurrentes ont permis d’identifiées quatre cha-
pitres bien distincts. Nous commencerons par le principe de « voies sans issue » qui conduit à la perdition et à l’enfermement. Nous verrons ensuite « la peur de l’invisible » intiment liée la narration et à la (hors) composition de l’image façonnée par l’architecture. Nous identifierons après les « techniques esthétiques et acoustiques » édifiant la peur du décor. Pour finir, « l’architecture transparente » montrera l’impuissance de la paroi à nous protéger.
Il est nécessaire de comprendre que la liste des points qui seront avancés par la suite ne concernent pas à chaque fois tous les films. C’est une liste non-exhaustive d’éléments notables que l’on a pu identifier à travers quelques œuvres. Le choix s’est porté sur quatre long-métrages1 que nous résumerons brièvement prochainement. Les différentes thématiques ont été identifiées d’abord par le visionnage de ces films (confère tableau des thématiques en annexe). Puis, approfondies à partir d’une analyse personnelle et de multiple références bibliographiques (confère bibliographie). Lorsque certaines thématiques ne concernent qu’un film parmi les quatre, alors des parallèles avec d’autres œuvres peuvent s’avérer nécessaire.
1. Metropolis
le
Fritz Lang en 1927 est un film de Science Fiction. Le
une mégapole dans laquelle la société est divisée en une ville haute, riche et une ville basse, pauvre. L’intrigue est la révolte des ouvriers d’en bas face à la classe dirigeante d’en haut.
2. KAROLYI Elisabeth , L’influence du cinéma sur l’archi -
tecture, Université Paris I Panthéon Sorbonne, 2002, p.5
3.
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INTRODUCTION
par
réalisateur
titre désigne
Court métrage fantastique français de 3 minutes considéré comme le premier film d’horreur. La scène se déroule dans une pièce d’un manoir hanté où l’un démon vient faire son apparition.
1. Dans l’ordre de sortie Psychose, Shining, Crimson Peak et Ghostland.
Image ci-contre : tirée du film Métropolis. On aperçoit la ville d’un point de vue assez lointain. On remarque le travail conséquent autour de la maquette qui a servit a créer cette scène. On découvre un univers de science fiction, extrêmement bien retranscrit à l’écran et novateur pour l’époque. Le fait que ce film fût un échec à sa sortie mais qu’il est aujourd’hui considéré comme un chef d’œuvre du 7ème art, en fait une œuvre devenue mythique et incontournable.
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Psychose, réalisé par Alfred Hitchcock en 1960 est peut-être le film le moins horrifique de cette liste mais n’en ai pas moins le plus angoissant.
Marion Crane , employée d’une agence immobilière, est l’amante de Sam Loomis un homme endetté. Sur un coup de tête, après que son patron lui demanda déposer une somme de 40 000 dollars à la banque, elle s’enfuira avec l’argent. Elle s’éloignera progressivement de Phœnix, terrifiée à l’idée d’être arrêtée par la Police. Après une nuit passée dans sa voiture, elle finira par arriver dans le Bates motel tenu par Norman Bates . Le jeune homme invitera Marion à partager son dîner et évoquera durant, sa mère dont il doit s’occuper. La femme a perdu la tête suite au décès de son mari. Après ce repas, la fugitive ira prendre une douche pour se délasser de sa journée. Malheureusement, au cours de sa toilette, elle sera tuée par la mère de Norman (dont on ne voit pas le visage). Ce dernier viendra nettoyer la scène de crime juste après. Arrive la seconde partie du film, où Sam Loomis et Lila (sœur de Marion) tente de retrouver la disparue. Ils seront aidés à leur insu par un détective privé, Milton Arbogast engagé par l’agence où travaillait Marion pour trouver l’argent volé. Ce dernier finira par découvrir le corps de Marion dans un étang. Il décidera d’aller enquêter sur la maison et sera sauvagement poignardé. Tout nous fait croire qu’il s’agit de la mère qui a causé ces deux meurtres mais le Twist final révèle tout autre chose. Lorsque Lila s’introduira dans la demeure des Bates, elle découvrira le squelette de la mère, vieux de 10 ans. Il s’agissait en fait de Norman depuis le début, sous le contrôle de la personnalité de sa mère qui devient jalouse et meurtrière lorsqu’il rencontre une femme.
Shining, réalisé par Stanley Kubrick en 1980, est sans doute l’un des films qui a mis l’horreur sur son plus haut piédestal.
Jack Torrance accepte un emploi de gardien dans un grand hôtel isolé dans les montagnes, pendant la saison morte. Il emmène avec lui sa femme Wendy et son fils Danny . Ce dernier possède un don de médium (the shining). Il se mettra à voir des fantômes et des visions du passé tragique du Grand Overlook Hotel.
Jack Torrance qui, au début du film représentera l’archétype du bon père de famille, tombera lentement dans la folie. Il finira par être complètement possédé et verra ses proches comme des ennemis à éliminer.
Halloran ancien chef cuisinier qui est présent au début du film, dispose des mêmes dons que Danny et le mettra en garde contre L’Overlook. Il réapparaîtra plus tard sentant le danger que court la mère et le fils Torrance et viendra à leur secours. Malheureusement, il sera tué par Jack, mais la chenille qui l’a conduit servira de moyen de transport à Wendy et Danny qui s’échapperont. Jack, quant à lui, mourra gelé, coincé dans le labyrinthe à l’extérieur du bâtiment en tentant de poursuivre son enfant.
Crimson Peak réalisé par Guillermo del Toro en 2015, fait preuve, une fois de plus de la qualité technique et esthétique des décors singuliers du réalisateur.
En 1901, Edith Cushing , jeune romancière en herbe, vit avec son père et a perdu sa mère, enfant. Possédant le don de communiquer avec les fantômes, elle est hantée par celui de sa mère qui la met en garde contre le «Crimson Peak». Elle rencontrera Sir Thomas Sharpe , Baronnet anglais venu demander un prêt à son père, dont elle tombera amoureuse. Il est accompagné de sa sœur Lucille . Carter Crushing ne semble pas aimé les Sharpes et découvrira des éléments troublant les concernant. Il sera assassiné après leur en avoir fait part et demandé de partir.
Suite à ce tragique événement, Edith, aveuglée par l’amour et le chagrin, se marie à Thomas. Ils partent vers le Crimson Peak, le manoir de la famille Sharpe. Celui-ci se trouve sur un gisement d’argile et se dégrade de plus en plus. Edith sera plusieurs fois témoins de l’apparition de fantômes et son état de santé va se détériorer progressivement. Nous comprenons que Lucille l’empoisonne lentement avec un certain breuvage censé lui faire du bien.
Edith finira par découvrir les coulisses malsains du manoir où les Sharpes vivent une histoire incestueuse et criminelle. La jeune Cushing, destinée à mourir rapidement, a été manipulée pour offrir son héritage aux deux antagonistes. Cependant, grâce à la venue de Alan McMichael ami d’enfance d’Edith, on lui accordera une chance de s’échapper.
Ghostland, réalisé par Pascal Laugier en 2018, affirme la force du cinéma Français en mettant l’horreur au premier plan.
Pauline mère de Beth et Verra , hérite de la maison campagnarde de sa tante décédée. Dès la première nuit, deux psychopathes pénètrent dans l’habitation. Ils tueront la mère et séquestreront les deux filles dans la cave. Beth qui est une écrivaine en devenir, se laisse plonger dans un rêve lui permettant d’échapper à la réalité. Elle y est devenue une auteure renommée, spécialisée dans le genre horrifique, tandis que Vera s’enlise dans une paranoïa auto-destructrice. Elles se retrouvent seize ans plus tard dans la maison, en présence de leur mère et des évènements paranormales surgiront. Beth finira par se réveiller, redécouvrant le sous-sol où elle est prisonnière. Elles tenteront de s’échapper par la suite. Elles trouveront une voiture de police sur une route éloignée. Les agents seront aussitôt pris pour cible par l’un des meurtriers, recevant plusieurs balles de pistolet. Les sœurs sont ramenées à leur domicile et confrontées à nouveau à une extrême violence. Heureusement, elles sont sauvées in extremis par la police, alertée par la mort de leurs camarades.
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I VOIES SANS ISSUES
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ISOLATION
LE CHEMIN VERS L’ÉCHAFAUD
Pour instaurer les prémices de l’angoisse, il faut un contexte, un site ou une parcelle pour utiliser le vocabulaire de l’architecture. L’emplacement produit un effet essentiel, il instaure une première atmosphère qui doit sembler perméable au danger. Que ce soit pour Shining, Crimson Peak, Psychose ou Ghostland, ce site est nécessairement au milieu de nulle part, perdu. Là où ces films peuvent parfois s’opposer ou se différencier dans la suite de cet écrit, ici l’isolation apparaît comme un prérequis. Alfred Hitchcock en parlant de Rebecca sortie en 1940 « Je pense que d’une certaine manière, le film est l’histoire d’une maison ; on peut aussi dire que la maison est un des trois personnages principaux du film. Souvenez-vous que la maison n’avait aucune situation géographique ; elle était complètement isolée. C’est instinctif de ma part. Je dois garder cette maison isolée pour m’assurer que la peur y sera sans recours. La maison dans Rebecca est éloignée de tout. Vous ne savez même pas de quelle ville elle dépend ».
À chacun leur manière et de façon plus ou moins poussée, les quatre réalisateurs tentent d’illustrer ce point important. Ils utilisent soit une longue séquence, au début du film, en voiture comme dans Psychose et Shinning, ou alors une plus tardive mettant en scène une longue fuite comme dans Ghostland, voire même un simple plan, très évocateur de cet isolement à l’instar de Crimson Peak.
Focalisons-nous davantage sur le travail de Stanley Kubrick qui est sans doute le plus démonstrateur. En effet, ci-contre, nous pouvons voir une image extraite du début du film Shining. C’est une séquence introductive de près de 3 minutes durant laquelle on suit
la voiture des protagonistes portés par l’exil, s’enfonçant dans un paysage montagneux.
La route qui mène à l’Overlook Hotel est peu empruntée, car la famille Torrance ne croise aucune habitation et seulement 2 voitures en état marche avant son arrivée.
Cette séquence installe déjà une certaine appréhension dans l’esprit du spectateur. Ceci grâce à ce que l’on développe dans ce chapitre mais aussi grâce à un procédé cinématographique essentiel au film d’horreur, à savoir la musique. C’est un procédé sur lequel nous reviendront plus tard,
qui laisse déjà ici, comprendre aux spectateurs qu’il ne s’agit pas d’une simple promenade dans les montagnes mais plus d’une avancée progressive des protagonistes vers leurs malheurs...
14 15
SHINING : 0.01.04
La caméra qui filme depuis un hélicoptère, offre des plans larges, maintenant une distance avec la voiture pour créer un contraste avec les reliefs environnants qui en deviennent presque menaçants. Pour cet extrait, Kubrick a choisi de tourner dans le Montana, dans le parc national des glaciers, sur une route appelée « going to the sun road » (lieu que l’on retrouvera dans Forrest Gump lorsque le personnage traverse le pays à pied de part en part).
L’objet de ce passage est de laisser comprendre aux spectateurs que l’intrigue se déroulera dans un univers où toute civilisation est lointaine et donc où toute aide pouvant venir de l’extérieur est inaccessible. Les personnages doivent se retrouver isolés, pour que les potentiels dangers qui les guettent ne puissent pas être déjoués par la venue fortuite d’un sauveur. C’est d’ailleurs pourquoi nous pouvons parfois nous sentir plus en sécurité en ville que dans une campagne profonde, car plus il y a de signe de vie humaine, plus cela rassure1. C’est aussi une manière de créer un malaise par la présence écrasante et incommensurable du vide, créant un contraste entre l’échelle du personnage et celle du lieu où il s’installe. Comme dirait Pascal dans l’un des fragments de Pensée « le silence éternel des espaces infinis m’effraie ».
Certains éléments narratifs2 viennent ensuite s’ajouter pour appuyer ou renforcer cette isolation qui doit être ressentie tout le long du film. Une certaine tension doit être maintenue vis-à-vis de ce sentiment de solitude.
Forêts Maudites
Lorsque l’on parle de maisons hantées, on pense souvent à une maison solitaire au milieu des bois. Peut-être, est-ce parce que dans la culture populaire la forêt est synonyme de fantômes ou de monstres3 où est-ce pour des raisons plus précises ?
Nous pouvons étudier sa perception à travers l’histoire et voir comment elle est devenue un symbole sinistre dans le cinéma d’horreur. Raphaëlle Roux , créatrice du site de critique cinématographique Sweetberry , explique qu’elle est d’abord considérée comme une force bienveillante, ressource de bois et de nourriture. Les hommes en font des sanctuaires à ciel ouvert. Ensuite, avec le Christianisme, la puissance magique de la forêt tourne progressivement vers une puissance maléfique. Elles symbolisent l’habitat des sorcières, s’opposant aux gens des plaines (les chrétiens). Nombre de contes se base sur l’histoire d’un monstre caché dans les bois à attendre que des aventuriers s’égarent (bête du Gévaudan). Dans l’imaginaire collectif, elles commencent à prendre une autre facette, celle d’un lieu sombre et dangereux.
Dans le cinéma d’horreur, on exploite ce même aspect inquiétant qui insinue qu’elle cacherait diverses choses malveillantes. Elle intervient aussi comme une barrière naturelle et symbole d’absence d’activité humaine. Lorsqu’elle est abondante, elle forme une paroi bloquant le passage et créait une impression d’emprise sur l’édifice et par conséquent sur ses habitants. Lorsqu’elle est plus à l’état de friche, formant un désordre naturel, elle montre l’absence de l’Homme, renforçant le sentiment d’aban-
1. La campagne c’est aussi un lieu qui peut faire travailler l’imaginaire tel que l’explique psychothérapeute Rodolphe Oppenheimer . L’absence de l’homme, le cris des animaux la nuit, la végétation surabondante, la solitude peuvent créer les préliminaires de la Psychose.
3. Des éléments qui sont relatifs au déroulé de l’intrigue.
2. Nous pouvons prendre l’exemple connu de la dame blanche, apparue dans les années 60 sur une route solitaire à l’orée d’un bois. Dans le folklore plus ancien il peut s’agir de spectre habitant les forêts et attaquant les rares passants.
don. Son rôle est donc à la fois atmosphérique créant une ambiance sinistre et à la fois géographique renforçant l’éloignement du reste du monde. La scène qui illustre le mieux cet argument, se trouve dans Ghostland : au détriment de la longue séquence en voiture, nous avons une longue séquence de fuite à travers une forêt. Les deux sœurs s’échappent de leur maison et entament un périple qui nous montre l’immensité des bois alentour. Après avoir parcouru une certaine distance, elles finissent par trouver de l’aide qui est tout de suite réduite à néant par leur ravisseur, surgissant brutalement de cette même forêt.
Problème De Réseau
La coupure de communication est un élément qui peut paraître important. En effet, si la civilisation est trop loin, il est toujours possible d’utiliser un moyen de communication à distance pour quérir de l’aide. Cependant, si cet
outil est bloqué ou saboté alors la situation devient beaucoup plus compliquée. L’absence de télécommunication est un coup fatal qui condamne les personnages à se débrouiller seul, en cas d’imprévus. Pourtant, nous savons bien que c’est dans les lieux reculés que les problèmes liés aux transmissions sont les plus courants. L’image ci-dessous, extraite encore
16 17
1. Ce poste de radio était le dernier moyen communication, car une tempête s’est installée autour de l’hôtel ayant pour conséquence le blocage des téléphones.
GHOSTLAND : 1.11.27
SHINING : 1.34.53
de Shinning, montre Jack Torrance (devenue à cet instant le danger principal pour le reste de la famille) détruire la radio1 qui permet d’appeler le poste de garde forestier le plus proche, après qu’une tempête est condamnée les autres téléphones.
Hiver
Nous pouvons évoquer enfin la saison qui fait d’ailleurs partie du contexte. En effet l’hiver est un élément important, il instaure d’abord une ambiance qui, malheureusement ici, ne sera pas celle des vacances de skis, mais apparaît plus comme un ressort dramatique. Le temps comme les couleurs deviennent froids créant ainsi un visuel beaucoup plus lugubre et angoissant. Mais surtout, la neige est essentielle comme l’explique Mélanie Laffiak 1 dans un article du Cinepsis 2 intitulé « quand la neige rime avec piège ». Lorsqu‘elle tombe, les routes deviennent impraticables ou dangereuses3. Les individus qui étaient déjà isolés deviennent à présent contraints de le rester. Autrement dit, ils ne disposent plus de leur ultime Joker, à savoir la fuite en voiture. Si à pied, il est encore possible de tenter sa chance, cela reviendrait à traverser un désert gelé. Les personnages sont ainsi contraints de subsister enfermés dans leur solitude. La neige devient un catalyseur de peur symbolique de la captivité.
De plus, lorsqu’elle est présente en masse, elle gomme le panorama, épurant les alentours et renforçant l’idée d’un danger dissimulé. Elle élimine toute perception possible de l’extérieur, offrant un contexte de vide infini à notre bâtiment. Son isolation s’avère alors totale4. Si
avant on pouvait au moins percevoir la route qui menait à la ville, maintenant on ne distingue plus l’herbe du bitume.
L’architecture dans laquelle l’intrigue prend place vient donc de détruire une première protection pour nos protagonistes qui est l’aide extérieure. Par sa position géographique peu propice à la sécurité de ces derniers, ils sont désormais livrés à leur propre sort. Leur survie ne dépend plus du reste des vivants, mais bien de leurs compétences. Nos héros se retrouvent abandonnés à eux même face à des conditions difficiles dans un environnement en apparence hostile. Le panorama dressé autour de l’habitacle déclenche une première ambiance anxiogène.
18
CRIMSON PEAK : 1.50.30
SHINING : 0.46.15
1. Chargée de communication et créatrice de contenu.
2. Webmagazine de l’université de la Sorbonne à Neuillysur-Seine.
3. En effet, selon une enquête du Parisien , par temps de neige, le taux de mortalité des accidents est doublé.
4. Isolation géographique, isolation communicative et isolation climatique.
L ES SENTIERS DE LA PERDITION
« Dans l’Antiquité, le labyrinthe était un vaste édifice comprenant d’innombrables salles agencées de telle manière que l’on ne trouvait que difficilement l’issue »1. Cette définition du labyrinthe pourrait très bien être attribuée à certains bâtiments du cinéma d’horreur, en particulier ici pour le grand Overlook et le Crimson peak. Bien que pour les deux autres cela aurait moins de sens2, nous pouvons affirmer qu’il y a une forte volonté de la part des réalisateurs de perdre leurs personnages. D’abord par l’effet d’isolation et ensuite par l’organisation spatiale des bâtiment qui les « abritent ». Cette perdition a pour objet de faire éprouver aux spectateurs, par sentiment de compassion pour leurs héros, les sensations de vulnérabilité et de solitude qui, ensemble, décuplent l’angoisse à son paroxysme.
Le Grand Overlook et le Crimson Peak sont grands, composés par conséquent d’une multitude de pièces reliées les unes entre elles par de longs couloirs et escaliers. L’intérieur a d’ailleurs été conçu au profit de ces films. Pour Crimson Peak, d’un bout à l’autre, monté en quelques jours comme une maquette puis détruit, tandis que pour Shining cela a été effectué en studio et avec quelques prise dans des lieux existant3. Cela démontre que les réalisateurs avaient un contrôle total sur la spatialité de leurs édifices et que tout a été pensé sans rien laisser au hasard. Nous comprenons alors que l’agencement de la circulation et des espaces est volontairement complexe pour qu’il soit facile de s’y perdre. Lorsque Edith Crushing demande à Thomas Sharpe le nombre de pièces que compte le manoir, il répond simplement « je ne sais pas » sans même réfléchir à la réponse.
SHINING : 0.01.04
20 21 LABYRINTHE
SHINING : 0.39.47
1. Définition extraite du dictionnaire Larousse
2. Car leur taille est beaucoup plus modeste et donc le plan beaucoup moins complexe.
3. L’intérieur a été entièrement conçu pour le film mais l’extérieur a été emprunté au Lodge Timberline dans l’Oregon.
Dans Shining, cela se reflète notamment dans le labyrinthe de haies, n’apparaissant pas d’ailleurs dans le roman de Stephen King et créé par Kubrick pour le film. Dans cet espace extérieur, les personnages ne trouvent pas leur chemin à cause de sa taille incroyable. Cela nous présente l’idée que le plan du Grand Overlook a été conçu comme celui du Labyrinthe. En faisant du labyrinthe de haies, un élément crucial du film, le réalisateur établi des similitudes entre celui-ci et l’hôtel. Il fait écho aux espaces intérieurs, en particulier lorsque nous suivons Danny sur son tricycle à travers les couloirs et plus tard dans le film lorsqu’il tente d’échapper à son père dans le Labyrinthe. C’est une comparaison qui aurait pu être effectuée avec Crimson Peak. Nous retrouvons aussi une scène de fin, durant laquelle l’héroïne tente de fuir sa ravisseuse à travers un chantier labyrinthique faisant référence au plan du manoir.
Nous pourrons noter aussi, que le plan architectural conçu par
Stanley Kubrick de son Overlook, est encore plus complexe qu’il n’y parait. En effet, c’est ce qu’ont observé un groupe de passionnés en cartographiant l’hôtel. Ils ont compris qu’il était spatialement impossible ; des portes et des couloirs menant vers nul part, des pièces qui ne peuvent exister, des fenêtres donnant irréellement sur l’extérieur ou absentes sur les façades mais présentes à l’intérieur1. Ceci résulte du fait que l’hôtel a été filmé à deux endroits différents impliquant une disjonction entre l’intérieur et l’extérieur.
Ces incohérences intentionnelles, font que le spectateur est délibérément incapable de savoir où il va. Une certaine confusion, ou malaise lié à l’espace bâti se créait inconsciemment. D’une pierre, deux coups, Kubrick arrive à perdre les personnages et le public.
Pièces Dangereuses
Pour décupler l’effet escompté, l’ajout de pièces secrètes2 est souvent opportun. C’est en effet ce que souligne Lucille en disant que certaines aires du manoir sont interdites, où
alors pour la chambre 237 et de même pour la chambre de la mère qu’on met longtemps à découvrir dans Psychose.
Nous pouvons mentionner aussi les pièces d’extrémités correspondent aux greniers et au sous-sol. Ces deux pièces, que ce soit dans la fiction ou dans la réalité, ont une dimension effrayante. Est-ce parce qu’elle nous rappelle ce que nous avons vu dans des films, où est-ce pour les mêmes raisons qui ont poussé certains réalisateurs à en faire des lieux iconiques de l’horreur ? On associe ces pièces à
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1. La vidéo réalisée par Rob Ager « Film psychology THE SHINING spatial awareness and set design » sur Youtube permet de connaitre plus en détail l’agencement paranormal de l’Overlook.
2. Plus de détails dans le Chapitre 2, Peur de l’invisible, Hors champ, Pièces interdites.
SHINING : 2.11.12
CRIMSON PEAK: 1.47.50
des espaces sombres, sans fenêtre, disposant d’une seule porte pour y entrer, à savoir des espaces pratiquement clos. Elles sont comme destinées à devenir la geôle idéale de nos héros. Notamment dans Ghostland où la cave devient la prison des deux sœurs, séquestrées par leurs ravisseurs. L’architecture n’offre aucune issue possible, elle les contraint à rester cloîtrées dans cet espace sinistre. Cet détention finira par même démontrer l’influence psychologique que peut avoir l’espace sur l’être humain. Si une maison est souvent associée à l’espace du bien-être et du repos, dans le film de Laugier, elle devient une prison lugubre. À force d’être privée de sa liberté de se mouvoir à sa guise, Beth finit par plonger dans un rêve pour échapper à la réalité. Vivant dans un monde idéal résultant d’un déni le plus total, elle s’inspire du décor environnant pour construire son monde. L’espace la pousse dans sa folie, par la claustration qu’il exerce et par sa composition. En comparaison avec la réalité, qui n’est pas moins horrifique, la cave est le lieu de prédilection du meurtrier ou du psychopathe. Les affaires de Natasha Kampusch 1 ou d’ Elizabeth Fritzl 2 vous sont peutêtre familières. À l’inverse du système carcéral qui enferme les coupables, la cave est la cellule des innocents, que ce soit dans la fiction ou au quotidien.
Le grenier quant à lui est moins utilisé dans ces 4 films3 mais pour tout amateur de film d’horreurs, nous connaissons la place qui lui est réservé, et cela pour les mêmes raisons que le sous sol. Nous pourrions citer Sinister de Scott Derikson où encore plus récemment, Hérédité d’ Ari Aster . C’est un espace dont il est difficile de s’échapper et à l’apparence si-
CONFINEMENT ET FOLIE
LES EFFETS DE L’ENFERMEMENT
Symbolique de l’enfermement
nistre. Bien souvent, il cache des reliques anciennes, des vieux meubles et babioles entassées. C’est aussi un lieu où l’on ne vit pas, ayant tendance à accumuler la poussière et les toiles d’araignées créant une atmosphère naturelle pour le film d’horreur.
Ces deux lieux regorgent également de mystères. Comme l’explique le producteur d’histoire d’Halloween Ij Wilson « si une maison était un esprit humain, alors le grenier et le sous-sol sont les parties de l’esprit où les gens enferment leurs secrets et des choses trop difficiles à gérer ». C’est d’ailleurs dans la cave de la maison de Psychose que se trouve le squelette de la mère placé à cet endroit par son fils. Sa conservation désigne le refus de ce dernier d’accepter sa mort.
Cet enfermement est d’abord abordé métaphoriquement dans ces films par un élément de décors. En effet, ceux qui reviennent le plus souvent sont les poupées. Elles représentent par analogie la condition de nos personnages, pris au piège, devenant complètement manipulables comme des marionnettes et pouvant aussi être brisées. Dans Ghostland, Beth finit même par se fondre dans ce décor de plangonophile1. Lors d’une étrange et sinistre partie de cache-cache organisée par ses ravisseurs, il est difficile de faire la différence entre les objets et la fille. Lorsque l’un des malfaiteurs pulvérise l’une des poupées, par effet de ressemblance nous imaginons Beth à la place de celle-ci, écrasée sur le sol comme une vulgaire céramique.
Nous retrouvons également, les animaux empaillés perçus comme des êtres réduit à l’état d’objets, prisonniers éternellement dans l’immobilité. Leur regard semble pourtant encore vivant, comme s’ils étaient capables de voir mais pas d’agir de la même manière que Norman prisonnier de sa propre mère (confère du confinement à la folie).
Dans Crimson peak cela s’illustre aussi par des cadavres d’insectes qui jonchent le sol du manoir. « Ils ont été présents dans tous mes
1 : Celui qui voue une passion pour la collection de poupées.
GHOSTLAND : 0.58.50
CRIMSON PEAK : 0.42.12
PSYCHOSE : 0.39.00
24 25
0.32.25
GHOSTLAND :
1. Enfermée durant huit ans dans un souterrain.
2. Séquestrée par son père durant 24 ans dans une cave insonorisée.
3. Hormis pour Crimson Peak sur lequel nous reviendrons dans la partie sur les pièces interdites.
films, mais je voulais vraiment les utiliser comme métaphore principale de celui-ci » explique Guillermo Del Toro dans une interview accordé à EW1. Leur présence est aussi très ancrée dans l’apparence du mobilier et sur les motifs du papier peint. Ils démontrent qu’il n’y a plus d’échappatoire à partir du moment où l’on a posé le pied à l’intérieur du domaine. Ils annoncent l’avenir de notre héroïne, destinée à chercher des issues sans jamais les trouver. Elle est entrée par sa volonté, mais retenue contre son gré. Comme un papillon elle ne trouvera une fenêtre ouverte, qu’avec une aide apportée. Guillermo décrit lui même sa maison comme « un pot à tuer, une cage pour les insectes ». C’est aussi un moyen de montrer la perversité de Lucille à vouloir détenir « belles choses si fragiles » jusqu’à les tuer. Dans le déroulé de la narration, la jeune Crushing sera représentée par le majestueux papillon blanc du début succombant d’un mal inconnu, tandis que les Sharpes par les noirs occupant l’Allerdale Hall, « dénués de beauté » et « dévorant leurs congénères ».
« Cabin Fever » 2
Nous évoquions précédemment l’influence psychologique de l’architecture sur un sujet avec Beth dans la cave. C’est un point qui doit attirer davantage notre attention car il est abordé dans les chacune des œuvres étudiées. Bien que l’on ne peut pas attribuer la folie de nos personnages à un unique facteur qui serait l’enfermement, il est clair qu’il y contribue beaucoup. Pour Beth, la folie est peut-être une hyperbole, son comportement n’a jamais mis en danger qui que ce soit, il était simplement le témoignage d’une abandon totale de toute
rationalité. En revanche dans les trois autres œuvres, les actions de certains personnages démontrent leur penchant meurtrier résultant d’une trop grande claustration dans leur logis. D’abord, par leur isolement, les personnages sont amenés à se retrouver seuls. Selon une étude menée par la Swinburne University of technologie3, l’absence de vie sociale (comme nous l’avons vue pendant la période du covid où le nombre de suicide a fortement augmenté) peut entraîner de graves séquelles sur notre santé mentale, comme la dépression, l’anxiété sociale ou la paranoïa. Vivre trop longtemps chez soi sans jamais en sortir, crée les préliminaires de la dégénérescence psychologique. Il peut s’agir même du « mal de la cabine » terme désignant une réaction psychotique étroitement liée à la claustrophobie, qui se produit lorsqu’une personne ou un groupe est confiné dans un petit espace isolé pendant une période prolongée. Les symptômes incluent l’agitation, l’irritabilité et la méfiance envers les autres et un besoin urgent de sortir. Dans la fiction, ces symptômes sont généralement encore plus exagérés, au point que le personnage devient un fou furieux qui représente un danger pour lui-même et pour les autres. Il s’agit donc d’un fait scientifique que les cinéastes utilisent dans leur film pour se rapprocher de la réalité et créaient ainsi une intrigue convaincante.
C’est en effet ce que Hitchcock nous fait ressentir avec Norman, Kubrick avec le patriarche de la famille Torrance et Guillermo del Torro avec la famille Sharpe. Norman est victime du caractère possessif de sa mère le contraignant à rester toute sa vie réceptionniste du motel, ne faisant que de brèves rencontres avec le peu de clients. Lorsqu’elle décède, il développe ainsi
une Schizophrénie qui lui confère deux identités ; celle d’un jeune homme sympathique et celle de sa propre mère, extrêmement jalouse et capable d’actes terrifiants.
Jack Torrance, entre dans une folie meurtrière à force d’être exposé à l’emprise de son hôtel. Cloîtré et n’ayant que de courts dialogues avec sa famille, il finit par perdre le contrôle de son esprit, en passant du père protecteur à l’antagoniste. L’individu est appelé à faire un changement de caractère, une involution due à un enfermement dans une structure dysfonctionnante.
Lucille et Thomas Sharpe sont à la fois manipulateurs et malsains. Si ce n’est pas de la folie, cela reste une attitude méphitique. Ces deux frère et sœur, ayant été, toute leur vie éloignés de la civilisation, partagent une relation incestueuse. Ils n’hésitent d’ailleurs pas, pour sauver leur « couple » et leur manoir à attirer les jeunes demoiselles riches afin de les tuer progressivement et d’hériter de leur patrimoine. L’amour que les Sharpes accordent à leur demeure les pousse à commettre des ignominies pour la faire perdurer.
Il est impossible d’affirmer à présent que la maison de Psychose, l’Overlook ou le Crimson Peak, n’ont aucune influence négative sur leur habitant. Ces demeures, qui ont pour but initial de protéger leurs occupants, finissent par les conduire à des actes barbares. Pour appuyer ces propos, il est important de noter que les comportements malfaisants des habitants se répètent parfois sur plusieurs générations. Dans Shining, la famille gardienne de l’hôtel, précédente à celle des Torrances, mourra sous les coups de folie du père. Il ne s’agit donc pas d’une simple pathologie mentale dégéné-
rescente, mais plus une force maléfique liée au lieu où les événements se produisent, qui déteint sur le comportement des habitants.
marins ayant vécu trop longtemps sur leur navire, amenés à prendre des décisions irrationnelles pouvant menacer leur vie ou celle des autres. Dans Shining, il est utilisé par le directeur de l’hôtel lorsqu’il évoque la cause des tragiques événements qui s’y sont déroulés.
Nous pouvons ainsi conclure ce chapitre. Nous avons évoqué d’abord l’isolation, qui voue nos personnages à se retrouver seul, créant la première étape d’insécurité. L’absence de civilisation aux alentours offre la liberté aux « méchants » et signe le danger des « gentils ». Si la forme architecturale ici n’est pas directement impliqué, son implantation l’est entièrement. Nous avons vu ensuite le plan Labyrinthique qui conduit nos personnages à se perdre. La circulation devient une épreuve où seule l’issue peut nous garantir la vie. Les impasses sont malheureusement fréquentes et mènent à l’enfermement. L’édifice entier peut-être considéré comme une prison où le rôle des pièces d’extrémités, à savoir le grenier et surtout la cave est de servir de cages pour les malheureux. Enfin, nous avons mis en relation la folie et le confinement. S’inspirant de la réalité, les réalisateurs montrent l’influence de l’espace sur l’être humain. Lorsqu’on est exposé trop longtemps au même lieu sans jamais le quitter, alors des séquelles psychologiques interviennent. Dans ces films, il s’agissait de montrer le basculement vers la folie meurtrière lié à l’enfermement. Le mythe de la maison idéale, symbole de confort physique et de repos mental, vient d’être alors détruit. Abandonnés à leur propre sort, aux mains des démons et dans l’enveloppe néfaste du bâti, les héros se retrouvent ainsi dans une sorte de huis-clos que JeanPaul Sartre appellerait « Enfer » ( huis-clos , 1943).
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3. Université publique de recherche basée à Melbourne en Australie.
1. Entertainement Weekly est un magazine publié aux États-Unis qui couvre les domaines du cinéma, de la télévision, de la musique, des productions de Broadway, des livres et la culture populaire en général.
2: Le terme « cabin fever » est traduit en Français comme mal de l’enfermement. A l’origine, il est employé pour les
28 29 PSYCHOSE : 1.41.26 SHINING : 0.46.33
II PEUR DE L’INVISIBLE
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INTRODUIRE L’ANGOISSE
LE PREMIER INGRÉDIENT
Cette première partie ne traite pas uniquement d’architecture, mais est essentielle pour présenter la suite. Il s’agit de montrer par quels moyens chaque réalisateur instaure durant tout son film une tension inconfortable que l’on peut appeler angoisse. Il est impératif de passer par un point important qui arrive dès le début de chaque métrage. C’est en effet ce sur quoi nous allons nous pencher durant ces premiers paragraphes.
La recette de l’angoisse dans le cinéma d’horreur se compose d’un ingrédient incontournable. Il faut que le spectateur soit rapidement marqué par une image ou par des mots, afin qu’il anticipe le danger. Car la crainte vient de l’anticipation. L’imagination du spectateur est donc un point sur lequel les réalisateurs comptent et qui justifie l’utilité de ce premier élément d’angoisse. Cet élément peut correspondre à plusieurs techniques narratives ou cinématographiques, tant qu’il est dans les premières minutes et qu’il laisse imaginer une suite tragique.
Guillermo Del Torro, dans Crimson Peak, utilise le principe du Flashfoward1 . C’est-à-dire qu’il commence son film par une scène nous informant d’un élément de récit qui arrivera dans le futur. On y voit Edith, dans un paysage enneigé et brumeux, les yeux en larmes, les mains pleines de sang et une balafre sur la joue. Le
CRIMSON PEAK : 0.00.56
1. L’inverse du Flashback qui peut être simplement traduit comme un retour en arrière dans une narration. C’est d’ailleurs ce sur quoi enchaîne del Torro après cette première scène, en montrant Edith enfant, voyant son premier fantôme.
gros plan sur son visage nous montre son état de choc et sa détresse. Par conséquent, le spectateur s’attend aux désastres à venir et ce pendant tout le film, même quand la vie semble être un long fleuve tranquille. Dans un article de l’ Obs , Romain Faisant , blogueur cinéma, explique que « outre l’effet d’attente provoqué, ce montage instaure l’étrangeté et l’inquiétude puisque qu’Édith nous apparaît ensanglantée ». Il s’avéra que ce plan reviendra à moins de deux minutes de la fin, laissant donc un suspens continue jusqu’au dépassement de ce délai. L’ironie du sort est que cette scène, signe finalement la salvation de la jeune Crushing et non pas sa damnation.
Stanley Kubrick, quant à lui, utilise deux séquences bien distinctes :
- La première, nous permet d’en apprendre plus sur l’histoire dramatique de l’édifice. Stuart Ullman (directeur du grand l’overlook) explique à Jack lors d’un entretien, qu’une famille de gardiennage fût massacrée à la hache par le patriarche de celle-ci, pris dans une « folie furieuse », il y a un certain temps. Le spectateur fait alors immédiatement la comparaison avec la famille Torrance et sent le danger approcher. Dans le cinéma d’horreur, c’est une technique courante, mais dans la réalité cela effraie autant. Prenons par exemple les personnes qui pratiquent l’urbex1 . Beaucoup d’entre eux expliqueront que ce qui leur fait le plus peur, lors d’une exploration, « c’est quand on connaît les antécédents sombres de l’édifice visité » dirait Julien Donzé (legrandJD sur Youtube). Ainsi, dans Shining, les spectateurs éprouvent ce même ressenti ; dès l’introduction, ils ne perçoivent plus l’hôtel
comme l’abri de nos personnages, mais au contraire comme un lieu dangereux poussant à commettre des atrocités ou à être victime de ces dernières. Il est conçu comme un personnage à part entière disposant d’un passé qui influe sur le présent et qui risque de se répéter dans le futur.
- La deuxième séquence, se déroule juste après, où Danny joue un rôle fondamental. Bien que nous sommes déjà à la douzième minute cette séquence permet d’accentuer la tension. Danny voit pour la première fois le fantôme des jumelles (assassiné par leur père). Apparaît à l’écran, un plan d’une seconde sur les deux jeunes sœurs, intercalé entre des visions terribles d’une cascade de sang jaillissant d’un hall d’ascenseur. Le spectateur sait qu’il les reverra, mais quand, ça, il n’en a aucune idée. Ainsi, il sera dans une anticipation constante jusqu’à leur prochaine apparition.
Dans Ghostland, une image suffira à nous laisser entrevoir l’écueil, celle d’un journal local, dont l’article s’intitule « les tueurs de famille on frappé une cinquième fois ». Il précise même qu’une adolescente fût torturée pendant des jours dans sa propre cave. Est-ce le hasard que nous suivons une famille composée de deux jeunes filles ? Voilà la question rhétorique que se pose le spectateur à ce moment. Il sait pertinemment que le même sort est réservée à Beth et Verra, mais encore une fois, le moment où les meurtriers interviendront reste en suspens.
Pour Psychose, il n’a pas été nécessaire d’utiliser ces techniques. Le titre du film est déjà très évocateur, symbole de folie. Ensuite, la simple mention du nom d’Hitchcock est effi-
cace, considéré comme le maître de l’angoisse, notamment après avoir fait trembler les salles avec Sueur Froides2 sortie avant Psychose en 1958. Le public sait d’avance qu’il vient voir un Thriller horrifique et est imprégné d’une forte crainte avant même d’entrer dans la salle. Tout de même, nous pouvons mentionner la mort de
Marion Crane incarnée par Janet Leight, actrice la plus célèbre du casting à l’époque qui semblait prédestiné à jouer le rôle principal. Son meurtre montre qu’aucun ange gardien ne protégera nos personnages, ils ont tous une épée de Damoclès au-dessus de la nuque ce qui augmente l’effet d’angoisse escompté.
1. L’urbex est l’abréviation d’exploration urbaine. C’est une pratique consistant à visiter des lieux construits et abandonnés par l’homme. Dans une interview accordé à BFMTV, Raphaël (anonyme) explique que l’adrénaline provoquée par cette activé, est souvent liée à des lieux qui sont « attachés à des faits-divers morbides, comme la maison de Marc Dutroux, abandonnée depuis 1996 ».
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SHINING : 0.11.57
GHOSTLAND : 0.05.46
2. Le titre original est Vertigo ; le scénario s’inspire de celui du roman « D’entre les morts » de Boileau Narcejac
HORS CHAMPS
FAIRE PEUR PAR CE QU’ON NE VOIT PAS
« L’image projetée définit un espace filmique qui est la portion d’espace imaginaire reconstituée par le spectateur. Il est constitué du champ et du hors-champ. Le champ est la portion d’espace imaginaire qui est contenu à l’intérieur du cadre. Le hors-champ est l’ensemble des éléments (personnages, décors, etc.) qui, n’étant pas inclus dans le champ, lui sont néanmoins rattachés imaginairement, pour le spectateur, par un moyen quelconque. Il est essentiellement lié au champ, puisqu’il n’existe qu’en fonction de celui-ci. »
Cineclub de Caen .
Comme le précise bien, la définition ci-dessus, le hors champ suggère l’imagination. Et, très adroitement, en début de leurs films, chaque réalisateur a déjà perverti la psychologie du public1, lui laissant concevoir le pire. Leur travail, à présent, sera de créer le plus de hors champ possible pour plonger la salle dans une angoisse perpétuelle, car, comme dirait Stevens Jacobs 2, dans son livre The Wrong House : the architecture of Alfred Hitchcock, « Le hors-champ peut cacher des horreurs sans nom ». Lorsque la caméra ne montre pas, l’espace créé en dehors de l’écran est pourtant bien réel et devient alors menaçant. Il peut être résumé en une prolongation de l’espace visible par l’invisible, où la composition du premier suggère celle de l’autre.
Couloirs Et Portes
Shining est sans doute l’œuvre qui illustre le mieux cette idée. Elle se concentre sur les espaces non habités, plus que sur un visuel effrayant du décor. En effet, nous évoquions précédemment la première apparition des Jumelles, abordons à présent les trois suivantes. La deuxième et la troisième ont le même rôle que la première. Elles suggèrent chacune, qu’elles réapparaîtront plus tard. Elles deviennent dorénavant un motif de répétition. Leur but n’est pas de donner une vision d’épouvante, mais au contraire de nous laisser l’anticiper. En sachant que leurs morts résultent d’un infanticide barbare, leur manifestation suggère à chaque fois l’horreur qu’elles ont pu vivre. C’est pourquoi, à chaque fois que Danny se promène dans les couloirs, nous sommes extrêmement nerveux, car nous craignons ce que nous pourrions voir à chaque tournant. Cette même peur peut apparaître en ville notamment, où les coins de rues étroites sont synonymes de guets-apens. L’angle prend alors une grande importance, il amène le hors cadre à venir d’un seul coup dans le champ. Par conséquent, durant la phase d’approche avant le tournant, le spectateur anticipe et plus le protagoniste se rapproche, plus l’angoisse monte jusqu’à se transformer à un moment en effrois. C’est en effet ce qui arrive pour la quatrième séquence d’apparition des jumelles. Celle
1. En lien avec la partie précédente « Introduire l’angoisse ».
2. Historien de l’art spécialisé dans les relations entre le cinéma et les arts visuels. Ses autres intérêts de recherche portent sur la visualisation de l’architecture, des villes et des paysages dans le cinéma et la photographie.
qui démontre l’utilité des trois précédentes et qui deviendra l’une des plus iconiques du cinéma. Nous suivons Danny sur son fameux tricycle, par l’objet d’un Steadicam3 offrant un point de vue assez subjectif. Après un premier tournant, le garçon emprunte un couloir en papier peint et tourne de nouveau, arrivé au bout. Il tombe alors nez à nez avec les jumelles, debout, main dans la main. S’en suit deux plans très rapides de ces dernières, couchées, mortes et ensanglantées. Le spectateur a anticipé ce moment pendant une cinquantaine de minutes, et la vision d’horreur dont il est témoin, justifie l’angoisse éprouvée.
Si le couloir est ici l’élément le plus notable, les portes (celles des pièces ou des placards) le sont également, car elles accentuent la présence de l’espace masqué. Stephen King avance ainsi que « ce qui se trouve réellement derrière la porte ou en haut d’un escalier obscur, n’est jamais aussi effrayant que la porte ou que l’escalier eux-mêmes »1 Dans Crimson Peak, on se rend bien compte qu’elles peuvent souvent cacher des monstruosités. Reprenons en détail cette séquence où Edith, réveillée en pleine nuit, part à la recherche de son époux absent du lit conjugal. Elle arrivera dans un couloir sombre où elle entend les grattements d’un chien enfermé derrière une porte. Elle finira par l’ouvrir, mais le cadrage du plan nous empêche de voir derrière celle-ci. Soudain le chien qui devait se trouver derrière la porte apparaît finalement en amont du couloir. Le spectateur réalise alors que la porte gardait quelque chose de plus inquiétant qu’un canidé et qu’Edith aurait dû se contenter
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Attention ! Image dérangeante dans 1 2 3
3. Contraction de « steady camera », littéralement « caméra stable ». Mis au point par l’opérateur Garrett Brown en 1973, ce système de stabilisateur d’image pour caméra portée offre, grâce à sa grande mobilité, des mouvements d’une fluidité exceptionnelle.
4. Citation du roman Danse Macabre publié en 1983.
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CRIMSON PEAK : 0.57.47
de la laisser fermée. En effet, le visage effrayant d’un fantôme apparaît, cette fois-ci dans le hors champ du protagoniste. Le spectateur fait alors face à un jump scare1 très bien exécuté choquant le public sur le coup. Nous pouvons ainsi dire que l’angoisse dans le cinéma d’horreur est une crainte justifiée par la peur de l’horrifique. C’est ici le cas pour ces scènes de Shining et Crimson Peak que nous venons d’évoquer.
La porte est utilisée de manière bien différente dans Ghostland. Lors d’une scène précédant l’arrivée des assaillants, elle exprime l’extrême violence d’un affrontement entre Pauline et son assassin. Le combat est caché, mais la porte tremble, claque, frappe nous laissant concevoir l’envers du décor. Les cris retentissent, mais l’image reste celle du bois malmené. Le hors champ utilise les symboles d’une partie pour le tout, la porte qui s’agite comme représentation d’une tempête de coups.
Escalier
Tel que l’a démontré la citation précédente de Stephen King, l’escalier aussi, est récurent dans le cinéma d’horreur. Nous avons tous cette image de l’escalier qui mène à une cave baignant dans l’obscurité. C’est d’ailleurs ce qu’analyse Lydie Decobert 2 avec son livre « L’escalier dans le cinéma d’Alfred Hitchcock, une dynamique de l’effroi » paru en 2008. Cet élément est devenu une figure obsessionnelle pour Hitchcock et pour d’autres réalisateurs du genre horreur. L’escalier pourrait être réduit à un moyen de transport menant vers des extrémités non sécurisées (confère pièces d’extrémités Chapitre 1, partie 2, Labyrinthe). Chaque marche, rythme le rapprochement vers un espace ou
moment redouté masqué par la caméra. Elles deviennent une mesure du temps, où les secondes semblent conduire inévitablement au drame. Les montées peuvent devenir alors lentes, pour que l’attente soit plus longue et l’angoisse plus forte. Dans Psychose, son arrêt brutal nous plonge dans un univers de démence. Le trajet vers l’effroi passe ainsi par la suspension. Il faudra plus d’une quarantaine de marches entre celles de l’extérieur et de l’intérieur, pour que Milton Arbogast se fasse exécuter. Une séquence de plus d’une minute qui ne laisse entrevoir l’arrivé de la montée qu’au moment du meurtre. Comme l’explique Jean Pernal dans sa thèse3 , l’escalier peut aussi avoir un rôle symbolique. Dans Shining en particulier, celui de la grande salle symbolise la dualité entre la mère et le père et la monté vers la folie de ce dernier. Lors de la scène majeure qui s’y déroule où Jack entre en conflit avec Wendy armée d’une batte, celle-ci trouve le courage de frapper son mari tentant de prendre l’ascendant sur elle. Tout ceci est très imagé par la montée des deux personnages, l’un essayant de dominer l’autre, et l’autre tentant de dépasser sa propre frayeur.
Pièces Interdites
Nous retrouvons également les pièces interdites. En effet, à l’exception de Ghostland, les trois autres intrigues font la mention d’au moins une pièce où il est proscrit d’y entrer. Leur simple mention décuple l’effet d’angoisse lié au hors-champ. Elles démontrent l’insécurité liée à l’espace dans ces films. Ce qui pouvait simplement être suggéré, est ici clairement exprimé. Car s’il y a interdic-
tion d’accès, il y a forcément danger ou secret. Dans Psychose, il s’agit de la maison dans sa totalité et plus particulièrement de la chambre. L’édifice tout entier constitue un espace où règne le mystère. Lorsque Milton Arbogast pénètre à l’intérieur, pour son enquête, et qu’il est sur le point d’atteindre la chambre, il se fait alors sauvagement poignarder. Ainsi, le spectateur associe cette maison à un danger mortel. Par conséquent, lorsque Lila Crane s’y faufile à son tour, la crainte de la voir tuer, perçu par le spectateur, est inévitable. Dans Shining, c’est la célèbre chambre 237 qui suscite d’ailleurs encore et toujours nombre de théories. La discussion entre Halloran et Danny, dans le premier quart du film se termine au sujet de cette pièce. Halloran défend formellement à Danny d’y entrer sans donner de raison précise. Cela permet encore une fois, de faire fonctionner l’imagination du spectateur jusqu’à ce qu’il découvre ce qu’il s’y cache réellement. Lorsque Jack Torrance finit par entrer, l’espace est alors extrêmement menaçant, pas principalement par son apparence, mais parce qu’il a été suggéré comme tel par le cuisinier. Alors, une vision épouvantable finie par arriver avec le cadavre de la vielle sorcière. Enfin, dans Crimson Peak, « certaines pièces du manoir sont à éviter ». C’est en effet la réplique de Lucille Sharpe, qui nous force à craindre non pas une pièce en particulier, mais tous les espaces du domaine. Elle ne précise pas lesquels, pour que l’on appréhende chaque nouveau lieu. Ainsi, comme dans Shining, l’angoisse sera étroitement liée à l’exploration, à la visite architecturale. On comprendra que c’est précisément le sous-sol et le grenier accessibles par un vielle ascenseur, qui sont interdits et regorgent de secrets les plus noirs.
Pour résumer ce qui vient d’être formulé, lorsque l’ennemi, le monstre, l’antagoniste n’est pas visible à l’écran, on ne peut que spéculer sur sa présence. Où se trouve-t-il alors ? Cette question nous poussera à appréhender chaque angle de
si l’architecture se jouait de nous pour cacher le danger qui l’habite et qu’au moment où il surgit, l’angoisse
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SHINING : 1.11.40
chaque pièce, comme
2. Agrégée d’arts plastiques et docteur ès arts et science de l’art.
3. Mémoire de fin d’études à l’école nationale supérieur d’architecture de Marseille, intitulé « L’architecture de l’horreur ».
1. Le jump scare peut être traduit littéralement comme saut de peur. C’est un principe qui consiste à faire apparaître brutalement une image effrayante à l’écran faisant sursauté le spectateur. Il est utilisé en moyenne 9 fois par film d’horreur d’après un article de Warnerbros.
soit justifiée par la terreur provoquée.
PSYCHOSE : 0.47.30
ESPACE NÉGATIF
VOIR L’INVISIBLE
Le terme d’espace négatif peut être appliqué à tout art graphique. Il est plus souvent employé pour la photographie, mais peu très bien être attribué à la peinture, au dessin ou au cinéma. À l’aide du livre « Espace négatif » de Manny Farber , nous allons synthétiser la définition de ce procédé. Dans une image, il existe deux éléments principaux qui créaient la composition : le sujet, à savoir l’espace positif et le contexte, l’espace négatif. Autrement dit, l’espace négatif, c’est l’espace sans son centre, il est attribué aussi au second plan. Dans un film, il peut s’agir de plusieurs éléments : « Un geste brusque, une apparition presque subliminale, une énergie minoritaire mais détonante, un détail vestimentaire, voire une simple allure, qui viennent saper la présence totalisante du Grand Tout ».
Dans cette partie nous n’allons donc pas traiter de l’invisible à proprement dit, mais plus de l’aperçu, d’éléments que l’on peut voir, mais trop peu distinguables pour en avoir une idée précise. Le second plan constitue une thématique essentielle du film d’horreur. Il permet d’abord, de jouer une fois de plus, sur l’imagination du public. L’apparition soudaine et rapide d’une silhouette en fond, est très souvent terrifiante. Cela apparaît d’abord comme un jump scare qui laisse une profonde angoisse, en plus d’une peur brutale. On s’attend ainsi à ce que cette silhouette prenne de nouveau forme mais cette fois-ci en premier plan.
L’image ci-dessus est tirée de la célèbre scène de la douche du film d’Hitchcock. Nombre d’articles ont tenté d’expliquer pourquoi elle a marqué et marque encore tant d’esprits. La vidéo de Chronik fiction, intitulée « La mort la plus iconique du cinéma » en fait le mieux
la description. Cette scène a la particularité d’être très iconographique. C’est-à-dire, qu’elle est constituée de plusieurs détails marquants, tels que la musique, la silhouette, le rideau, un siphon ensanglanté, l’œil figé de la victime après son meurtre... Des éléments simples, facilement
identifiables qui créaient le culte. « Grâce à cette simplicité d’évocation chaque spectateur peut rejouer la scène de la douche à sa façon et de référence en référence, elle a ainsi pu voyager dans le temps »
Le Coroner, Chronik fiction .
Ces apparitions rapides sont aussi un moyen de véhiculer une sévère frustration, amplificatrice de l’angoisse. Notre impuissance face aux dangers que court nos héros, créait une sensation très inconfortable. Prenons cette scène
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de Ghostland, où la mère se trouve proche de la caméra, et que l’on distingue derrière elle la forme menaçante d’un homme grand et trapu dont on ne connaît pas l’identité. Nous comprenons instantanément que Pauline sera victime d’une agression si elle ne se retourne pas à temps. Malheureusement, notre impossibilité d’interagir avec la fiction la condamnera à subir le courroux de son bourreau. C’est ce même procédé qui est utilisé pour l’une des plus célèbres scènes du cinéma correspondant au film d’Hitchcock que nous développeront juste après.
Le rôle de l’architecture dans tout ceci est de favoriser la présence de l’espace négatif. Cela se joue d’abord par la profondeur. Nous évoquions récemment les couloirs pour leur rôle lié au hors-champ, mais ils offrent aussi la mise en scène idéal de l’arrière-plan. L’image à côté, tirée de Crimson Peak, illustre parfaitement le rôle de cette pièce. La silhouette sortant d’un virage, est assez loin pour qu’on ne puisse pas en comprendre la nature exacte mais assez proche pour visionner cette main cadavérique, peu représentative d’un être humain normal. Si le couloir est l’espace le plus commun pour cette mise en scène, il n’est pas l’unique espace approprié. En soit, il suffit que l’organisation spatiale, offre certaine perspectives liées à la profondeur. C’est le cas notamment d’une scène de Crimson Peak qui se déroule dans une chambre où une forme fantomatique apparaît derrière un rideau.
Rideaux Et Miroirs
Peuvent intervenir ensuite certains éléments de décors. Bien que ce chapitre n’y est pas dédié1, nous pouvons en évoquer au moins deux. Nous retrouvons d’abord le rideau qui est parfaitement exploité dans Psychose. Ce morceau d’étoffe offre une très légère transparence. Il est difficile de voir à travers, mais permet tout de même de distinguer certaine forme. Lorsque Marion Crane prend sa douche, le rideau est en fonds. On voit approcher derrière celui-ci une silhouette, alors que Marion a le dos tourné à l’action. L’écran légèrement translucide que forme le tissu, décuple l’angoisse par rapport à ce qui a déjà été dit précédemment. L’apparence trop suggestive et dissimulée de l’antagoniste torture l’imagination du spectateur. À ceci, s’ajoute une approche lente, nous laissant le temps d’anticiper la scène de meurtre et par conséquent nous remplissant d’anxiété. Nous sommes de plus contraints de rester muets, sans possibilité de sauver notre protagoniste de son funeste destin.
Pour finir, l’importance du miroir est aussi à traiter. Servant à la fois au hors-champ ou à l’espace négatif, cet objet du commun est utilisé par les réalisateurs pour ses propriétés scéniques exceptionnelles. Il permet de créer des jeux de regard entre le personnage qui observe dans la profondeur du miroir et l’action qui se passe justement derrière lui. L’expression faciale que prend l’acteur suggère la présence d’un danger ou une vision horrifique cachée. En fonction de l’angle de la caméra ne laissant voir qu’un visage, le miroir reflète l’invisible du spectateur, mais visible du protagoniste. Ainsi, c’est le jeu d’acteur qui créait la rencontre du champ et du hors-champ (ou arrière plan).
Dans ce chapitre, nous avons identifié plusieurs points qui mènent à la même conclusion. À cause d’un élément narratif ou visuel apparaissant en début de chaque métrage, nous sommes contraints de vivre une expérience d’anticipation perpétuelle du danger. Afin d’augmenter cette anticipation, l’architecture de ces films trahit notre œil pour jouer sur notre psychologie. Plus d’invisibles il y a, plus l’angoisse se fait ressentir. L’espace caché en hors-champ devient plus effrayant que celui qui est habité. Dans la même logique, l’espace négatif créait la psychose. Bien qu’il s’agisse de quelque chose de visible, mais pas forcément d’identifiable, l’arrière-plan est souvent le contexte flou du sujet. Il permet parfois d’entrevoir et non pas de voir réellement la forme, laissant au spectateur la même crainte exponentielle. Lorsque que le danger a été suggéré une fois, l’espace invisible et celui à peine perceptible deviennent beaucoup plus menaçant. Pour faire un parallèle, nous pouvons mentionner les dents de la mer où le mégalodon, principal acariâtre du film, n’apparaît que tardivement dans le métrage. Le monstre invisible effraie beaucoup plus parce qu’il demeure indéterminé, amorphe et chaque spectateur l’imagine en exploitant le potentiel de ses propres angoisses et phobies. Ainsi, pour véhiculer la peur, il faut la suggérer et non pas utiliser un nombre excessif d’effets spéciaux faisant basculer le film dans le fantastique et parfois même dans le burlesque. « Je pense que les effets numériques ou les effets informatiques ne doivent être utilisés qu’en dernier recours » précise Guillermo Del Toro.
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CRIMSON PEAK : 0.46.33
PSYCHOSE : 1.37.44
1. Une autre sous partie est dédiée aux objets de décors intérieurs. Confère chapitre trois, partie deux, décoration intérieure.
III ESTHÉTIQUE ET ACOUSTIQUE
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TECHNIQUES CINÉMATOGRAPHIQUES
PERCEPTION PERVERTIE
« Les techniques cinématographiques sont les méthodes utilisées par les cinéastes et les vidéastes pour transmettre le récit et l’information »
Spiegato1
Elles sont donc très nombreuses et il serait contre-productif de toutes les citer. Cependant, il en existe certaines qui, associées à un bâtiment, confèrent à ce dernier un aspect bien plus effrayant. Ainsi, la maison la plus modeste et simple en apparence, peut être transformée, grâce à divers procédés, en l’édifice le plus sinistre qui soit. C’est en effet ce sur quoi nous allons nous pencher dans cette partie.
Musique
La première technique et la plus évidente à deviner, est la musique. Selon un sondage de 1001-votes.com 2 sur près de 150 personnes, 31 % des interrogés pensent que la musique est le meilleur ingrédient pour constituer un bon film d’horreur. (La première position est attribuée à un autre élément que nous verrons plus tard, ne faisant pas partie des techniques cinématographiques à proprement dit). Comme l’explique très bien Arnaud Aubron , journaliste et auteur Français, dans un article du Courrier international , il faut se tourner vers la bande originale pour comprendre les ressorts de la peur. Nombre de films d’horreur sont
aujourd’hui « cultes », devant une large part de leur succès à leurs musiques si facilement identifiables. Nous pourrions citer Psychose et Shining, faisant partie de notre corpus, mais aussi les dents de la mer, l’exorciste ou encore Halloween. Car nul besoin d’image, pour avoir des sueurs froides lors du générique introductif de Psychose. Selon la compositrice américaine Michelle DiBucci , il est nécessaire de peu pour produire beaucoup d’effets. « Des notes répétées courtes et aiguës, ou de longues notes graves sépulcrales et suspendues suffisent ». Aussi, certaines combinaisons rappellent historiquement la peur ou la mort explique DiBucci; c’est le cas de chants Grégorien dits Dies Irae entonné pour les messes funèbres. Interviennent aussi certains mécanismes psychologiques comme nous l’explique le spécialiste en neurologie Anthony Lacagnina . Lorsque la bande originale nous rappelle certains sons réels, elle active le mécanisme qui pousse le cerveau à préparer le corps à la fuite. C’est le cas notamment des hurlements et des bruissements. Comme nous l’avons développé dans le chapitre précédent, le bon film d’horreur sait faire peur par ce qu’il ne montre pas, ainsi l’inconnu ou l’incompréhension peuvent jouer. C’est pourquoi, Michael Abels 3 , insiste sur les chœurs chantant en langue étrangère qu’il a pu mettre en œuvre dans des films tel que Us et Get out de Jordan Peele
Ces différents codes permettent la conception d’une mélodie d’épouvante, mais l’architecture dans tout ça, quand intervient-elle ? Inconsciemment, lors du visionnage d’un film, nous associons l’image à la musique. Ainsi, lorsque l’écran nous montre la maison de Ghostland ou celle de Psychose vue de l’extérieur, sur lesquelles on superpose une musique horrifique, nous ne pouvons que penser que ces édifices représentent un danger. Ils nous inspirent la peur grâce aux différents mécanismes énumérés précédemment. Sans la musique, ou à l’inverse, en utilisant une autre plus douce, ces bâtiments auraient peut-être pu paraître plus accueillants et chaleureux, mais là, n’est pas l’objectif.
Obscurité
Par conséquent, le cinéma est capable de modifier notre perception des choses par l’utilisation de certains artifices propre à cet art. La lumière qui est un élément contrôlé par le cinéaste permet de créer des ambiances bien distinctes. Nous pouvons donc mentionner le travail sur l’obscurité et la nuit. La nyctophobie est une pathologie très courante,
dont beaucoup d’entre nous ont été victimes plus jeunes. À l’âge adulte, même si on est moins sujet à des peurs irrationnelles lorsque que nous sommes plongé dans l’ombre, le jour paraît toujours plus rassurant. Nous revenons toujours au même principe de peur de l’invisible. Cette situation, ne correspond pas à une phobie du noir en lui-même, mais traduit bien plus une peur des dangers cachés imaginés. Selon la psychologue Marie Estelle Dupont dans un article de Femme actuelle , nous souhaitons maîtriser notre environnement par l’outil de notre regard, sens essentiel à la survie qui nous est enlevé dans un espace trop sombre. L’architecte Finlandais Juhani Pallasmaa 4 explique aussi que « Nous plaçons nos sentiments, nos désirs et nos peurs dans des bâtiments. Une personne qui a peur du noir n’a aucune raison réelle de craindre le noir en tant que tel ; il a peur de sa propre imagination, ou plus précisément, du contenu que ses fantasmes refoulés peuvent projeter dans les ténèbres »5 Dans un film, par effet de compassion, le spectateur s’associe à son personnage et développe ainsi les mêmes émotions et sensations que lui. C’est le cas lorsqu’un personnage se retrouve dans
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1. Spiegato.com est un moteur de recherche italien, spécialisé dans l’audiovisuel et l’informatique.
2. Site de création et de publication de sondages personnalisés.
3. Compositeur américain de film et de concert. GHOSTLAND : 0.07.02
4. Pallasmaa théorise beaucoup sur l’espace et l’architecture. Il a publié 8 livres dans sa carrière pour 13 édifices.
5. Architecture of image : existencial space in cinema, 1996.
une pièce non éclairée de nuit comme Edith dans Crimson Peak. Notre imaginaire se déplie et l’angoisse de voir apparaître l’horreur s’accentue.
À ceci, nous pouvons associer une technique narrative qui est la solitude. Si le noir cache les menaces, la solitude fait de nous une proie facile (c’est pourquoi il s’agira souvent d’un enfant, car son innocence et sa corpulence le rendent plus vulnérable). Nous évoquions l’isolation en début de mémoire, mais l’isolation doit être aussi retranscrite à l’intérieur de l’habitat. Lorsque nos personnages se retrouvent seuls à leur dépens, ils sont beaucoup plus menacés (confère Chapitre 1, Partie 1, l’isolation). La combinaison de ces deux techniques, créait une atmosphère fortement angoissante. L’ambiance que véhicule l’architecture n’est plus du tout celle d’un refuge.
Caméra
La caméra joue aussi un rôle majeur. Pour Ghostland, le choix du format ajoute une plus-value à l’œuvre. Pascal Laugier tourne en 2.35, format assez large qui permet d’abord de renforcer la
subjectivité du regard. En effet, le plan subjectif permet au spectateur d’emprunter le regard du personnage, lui donnant l’impression presque de l’incarner. Ce format permet aussi d’accentuer le sentiment de claustrophobie « Je voulais que la caméra se heurte aux murs comme les personnages, que la vraie maison limite les angles de vue » dit Laugier pour le site d’allocine. Deux points importants sont donc évoqués avec cette citation : la peur psychologique liée au sentiment d’emprisonnement et le hors champ. Ces points, sur lesquels nous nous sommes déjà penchés, sont ainsi renforcés par le simple choix d’un format de caméra.
Nous pouvons aussi évoquer le plan en forte plongée ou plongée totale que Hitchcock utilise parfaitement. La caméra est positionnée à la verticale, filmant à près de 90° du sujet. Cette prise de vue singulière se rapproche beaucoup du plan architectural donnant une vision d’ensemble de l’espace vue de haut. Ceci renforce l’idée de petitesse ou d’écrasement par rapport au décor, rappelant que nos personnages sont des prisonniers de celui-ci.
ARCHITECTURE PSYCHOLOGIQUE
COULEURS ET PHOBIES
Bien évidemment, les édifices qui servent à la mise en place de l’intrigue de ces quatre films ne sont pas uniquement effrayant grâce à des techniques cinématographiques. Ces artifices propres au cinéma décuplent l’angoisse, mais n’y a-t-il pas dans l’architecture des fondements liés à la psychologie de la peur qui pourrait être exploités ?
Couleurs
La couleur est un élément à la symbolique très puissante. Elle permet d’apporter une véritable touche esthétique et singulière à un film qui n’est pas à dénigrer. Dans l’horreur, trois couleurs sont principalement employées, le rouge, le vert et le noir. Car, la psychologie qui leur est liée, est plus que déterminante pour leur utilisation particulière. Pour comprendre ce mécanisme, il faut se pencher sur l’ouvrage d’ Eva Heller psychologue, sociologue et professeure de la théorie de la communication, intitulé « Psychologie de la couleur : effets et spécificités ». Le travail fournit pour l’écriture de ce livre mène à une conclusion : la colorimétrie véhicule des émotions différentes, allant du plaisir à l’inquiétude. Le rouge est ambivalent, à la fois symbole de vie et d’amour, mais aussi de sang et de haine. Lorsqu’il est utilisé dans l’horreur, il l’est bien plus pour la deuxième proposition. Il est capable d’augmenter le rythme cardiaque, de
1. Il est intéressant de noté que les maisons de Frank Lloyd Wright ont été utilisées à plusieurs reprises comme décor de film d’horreur. House on Haunted Hill (William Castle 1959), North by Northwest (Hitchcock 1959), Cannibal Women in the Avocado Jungle of Death (J.F. Lawton 1989). Certaines de ses maisons ont même été le théâtre d’atrocités réelles.
créer un besoin d’urgence et une impression de danger immédiat. C’est aussi une couleur dynamique et séductrice capable de réveiller notre aspect le plus agressif. Jack Torrance dans le Grand Overlook en est l’exemple parfait. Si le confinement l’a mené vers une folie meurtrière, la couleur rouge présente sur toutes les surfaces dans l’Hôtel, y a aussi participé. C’est d’ailleurs après cette scène de discussion présentée ci-après dans les sanitaires (inspirés par les W.C. d’un hôtel en Arizona, créé par l’architecte Frank Lloyd Wright 1) avec l’ancien gardien de l’Hôtel que le père de famille arrive au paroxysme de sa démence. Le rouge puissant recouvrant en partie les murs blancs de la pièce en fait la couleur principale.
Le vert est plus souvent associé à la nature, à la croissance ou au renouvellement. À première vue, il est plus symbolique d’une certaine tranquillité. Cependant, lorsqu’il est moins vif, il peut rappeler parfois la pourriture, la décomposition. C’est le cas pour Crimson Peak où les tissus, les pierres ont un teint verdâtre faisant référence à l’état du domaine à l’abandon. Nous pouvons évoquer aussi une scène emblématique de Shining, dans une salle de bain peinte en vert céladon (couleur iconique du mouvement Art déco). On y retrouve une atmosphère lugubre et un rideau de douche piqué à Psychose. Le vert ici, fait un clin au corps pourri de la dame2 qui se trouve dans la baignoire.
2. Cette dame est la sorcière habitant la chambre 237. Elle apparaît d’abord comme une jolie femme, interprétée par une ancienne mannequin Lia Beldam . Lorsque Jack Torrance succombe au désir charnel et embrasse cette dernière, alors elle se transforme en une vielle femme dont le corps est en décomposition. Il peut s’agir d’une sorte de châtiment pour avoir commis l’adultère.
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PSYCHOSE : 1.17.25
52 53 SHINING : 1.27.55
54 55 SHINING : 1.12.58
Jusque ici, l’œuvre d’Alfred Hitchcock, ne pouvait entrer en scène1, mais le noir lui en offre l’opportunité. En effet, il est fortement mis en avant par l’obscurité qui règne dans ces films. Dans un film en noir et blanc comme Psychose, il est mis à son avantage, en insistant plus sur les surfaces sombre que clair. Cette « couleur » en plus d’exploiter notre nyctophobie, symbolise la fin d’une chose, la mort et la perte. « Dans le monde de la physique, le noir est la couleur qui a la propriété d’absorber 100 % de la lumière incidente et ne se voit donc nulle part dans le spectre, ce qui lui a valu d’être vu comme une couleur liée au danger, au mal et bien pire encore ».
Pour aller plus en détail, les réalisateurs travaillent aussi sur des contrastes comme le rouge sur le blanc. Le blanc représentant l’innocence et de la pureté, lorsqu’il est taché par la couleur symbolique du meurtre, la discordance est effrayante. Le parallèle avec Crimson Peak est évident, où la jeune femme Crushing, innocente et insouciante, se retrouve aux mains d’êtres malfaisants et sadiques.
Dimensions
La taille d’un édifice et de ces espaces peut entrer dans une logique d’angoisse. C’est un point que nous avons déjà abordé indirectement plusieurs fois. Les faibles dimensions renforcent l’effet de claustration, tandis que les plus grandes conduisent à perdre nos personnages. Des configurations spatiales particulières sont capables de créer un malaise chez certaines personnes. Les espaces trop restreints ou trop étendues, récurent dans
l’horreur, peuvent provoquer des peurs irrationnelles, des répulsions comme l’explique Marc Crunelle , Architecte et chercheur sur les perceptions non-visuelles liées à l’espace architectural « Claustrophobie, agoraphobie et autres malaises liés à l’espace bâti ».
Nous ne pouvons expliquer précisément pourquoi l’espace agit ainsi, car cela concerne des facteurs physiologiques, psychologiques, affectifs qui façonnent nos perceptions subjectives. Tout de même, il est possible de définir ce que sont ces phobies et comprendre pourquoi nous pouvons les percevoir à travers ces films. La claustrophobie, « C’est la peur d’être mis en boîte sans pouvoir agir, de se sentir enfermé sans pouvoir fuir ». L’angoisse survient lorsque les issues semblent absentes, même si les dimensions sont acceptables. Moins d’ouverture il y a, plus l’ampleur de l’effroi peut être grande. C’est pourquoi dans Ghostland, en plus du véritable enfermement que subissent les deux sœurs, l’espace accentue la situation. La majorité des pièces nécessite d’emprunter une longue circulation par un système d’escalier et de couloirs, malgré la modeste taille de la maison. Les parois sont très rapprochées pour rappeler l’emmurement dans une prison. Les fenêtres sont peu nombreuses, ou alors masquées par des rideaux volumineux. C’est d’ailleurs lors de la scène de libération1, que la lumière du jour semble enfin pénétrer à l’intérieur.
L’agoraphobie est, quant à elle, plus en lien avec l’ampleur. Là ou le large espace ouvert est plus souvent perçu de manière positive, nous pouvons aussi le vivre « comme une menace, nuancée par les significations symboliques de la défaite, de l’échec et de la destruction ». On se rapproche plus ici de Shining et de Crimson Peak.
Bruits de l’architecture
Ce chapitre traite également d’acoustique. Nous avons déjà évoqué la musique, mais il y a aussi les bruits de l’architecture. Ces derniers peuvent être considérés comme une technique cinématographique car propre à la bande sonore. Cependant, à l’inverse de musique, ils n’ont pas besoin du cinéma pour exister (dans un film, la musique est forcément superposée à l’image et existe uniquement par choix du réalisateur, contrairement aux bruits qui sont plus naturels). Ces bruits sont courants dans la réalité et concernent d’ailleurs la majorité des vielles maisons. Dans le sondage mentionné précédemment de 1001-votes.com , nous avons laissé en suspens l’ingrédient propriétaire de la première place. Il s’agit justement de ces sons à hauteur de plus 37 %. En effet, ils sont assez anxiogènes, car même d’origines naturels, ils laissent notre imagination s’égarer vers des pensées toujours plus morbides. C’est le cas par exemple du bois qui travaille, créant des grincements désagréables pouvant rappeler des bruits de pas. Ou alors une porte qui claque à cause d’un courant d’air, nous laissant concevoir la présence d’un inconnu ou d’un fantôme2 . Ces mêmes peurs sont exploitées dans le cinéma d’horreur, en particulier pour les maisons de Ghostland et Crimson Peak, dont l’état laisse à désirer. Ils augmentent la présence de l’espace masqué, et de l’angoisse qui lui est attribué (confère hors champ).
1. « Alfred Hitchcock a tenu à filmer Psychose en noir et blanc car il pensait que le film deviendrait vite plus gore qu’angoissant si il était en couleurs ». Allocine.
Ci dessus : Ce plan est celui du rez-de-chaussée de l’Allerdale Hall. Il provient d’un livre écrit pour le film par Mark Salisbury en 2015, intitulé « The history of Allerdale Hall and the Sharpe Family Crest - The Art of Darkness ».
1 Scène finale où Beth et Vera sont sauvées in extremis par la police, alors qu’elles se faisaient corriger sévèrement par leur agresseurs.
2. Pour ceux qui croient réellement au paranormal, la présence d’un esprit est nécessairement accompagné de bruits étrange dans une maison. Plusieurs sites internet tel que
Wikihow, Grazia ou Habitatpresto ont publié des articles sur les signes identifiables de la maison hantée. Les sons inhabituels sont mentionnés à chaque fois.
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ÉPOUVANTABLE ARCHITECTURE
ESTHÉTIQUE DE L’HORRIBLE
« Beaucoup de gens se réfèrent à la romance gothique comme une terreur agréable, une terreur agréable qui vous rappelle que, derrière toute la modernité, se trouve en même temps la mort »1 . Guillermo Del Toro, Los Angeles Times.
Architecture Victorienne
Nous évoquions les vielles maisons par rapport aux bruissements qui leur sont attribués. Mais le style ancien n’a-t-il pas une dimension plus effrayante, autre que les sons engendrés par les bâtiments qu’il lui appartienne ? L’archétype de la maison hanté est fréquemment dépeint selon les codes de l’architecture victorienne1 . Cette architecture s’inspirant du gothique européen, couverte de boiseries complexes, se traduit par l’utilisation de « toits mansardés, de multiples pignons escarpés, de tours, de piliers ornés et de vérandas caverneuses », écrit Robert Burns , professeur à l’Indiana University Bloomington. À l’intérieur, se trouve un dédale de pièces, avec des rideaux fermés pour éviter que la lumière du soleil abîme les meubles lourds et coûteux. Tout au long de la «pop culture», des manoirs d’apparence similaire sont apparus encore et encore comme signifiants de terreurs dans les films d’horreur et les romans gothiques. L’association de cette maison à la mort est d’origine historique. Ce style apparaît dans les années 1860, aux États-Unis, dans une ère d’inégalités
des revenus endémique, de corruption politique et d’industrialisation, contribuant à créer une nouvelle classe riche. La maison de choix pour ces ménages était victorienne. C’était la McMansion (terme péjoratif pour une sorte de grande et nouvelle maison de luxe qui est jugée surdimensionnée) de son temps, « une monstruosité criarde et déséquilibré qui affichait la richesse de certaines familles américaines » explique Coleman Lowndes Elles ont été conçues pour être imposantes afin d’en faire une sorte de déclaration représentative du patrimoine de leur propriétaire. Après la Première Guerre mondiale, lorsque la vision américaine s’est détourné de l’inspiration européenne au profit du progrès, les architectes modernes ont inaugurés la simplicité et les lignes épurées. L’époque victorienne symbolise alors l’excès, décrit même comme « grotesque » par le Washington Post . En parlant des maisons victoriennes « certaines sont devenus hantées par des fantômes » explique un critique dans un article de 1928 du House & Garden Elles deviennent alors à partir des années 1930 une présence indésirable. Suite à la grande dépression, elles sont abandonnées où deviennent des pensions pour les travailleurs pauvres. Sans leurs riches locataires pour les entretenir, leur apparence s’érode rapidement, approfondissant leur association avec la décomposition. Le coup de grâce, sera effectué par Charles Addams , dessina-
Ci contre : Dessin de Charles Addams, représentant quattre membres de la famille Addams sur le toit de leur manoir victorien, en train d’accueillir des visiteurs de la manière la plus cordiale qui soit. Cette famille fait son apparition en 1938, mais il faut attendre 1945 pour voir officiellement les premiers dessins de l’édifice.
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1. La page de couverture de ce mémoire présente d’ailleurs la silhouette d’un manoir victorien.
teur du New Yorker qui présentera au monde l’iconique Famille Addams, une panoplie de morts-vivants reclus, antisociaux et mystérieusement riches. Lorsqu’en 1945, l’auteur montrait le dessin de l’étrange maison où habitent ces goules, il s’agissait d’un manoir victorien. Désormais, ce style atypique est définitivement associé à l’horreur. Hitchcock en 1960, contribua à alimenter le mythe avec le manoir des Bates qu’il décrira comme « un peu plus sinistre, moins innocent que le motel luimême ». Ces maisons sont des reliques en décomposition, surplombant un monde qui a depuis longtemps évolué. Si ce style est mort il y a plus d’un siècle, sa persistance au cinéma et dans la littérature en font désormais un symbole emblématique de l’horreur. De plus, nous pouvons ajouter rapidement la question de la familiarité. La probabilité pour qu’une majorité du public vit dans un bâtiment ancien est très faible. L’inconnu étant toujours plus effrayant, le choix d’un style ancien est plus stratégique. Comme dirait Pascal Laugier dans une interview donné à Mulderville , il faut que « le spectateur se sente en terre inconnue pour mieux le surprendre ». Il y a aussi la notion des antécédents à l’édifice. Plus il est vieux, plus les chances qu’il ait abrité des événements tragiques sont fortes. Or, l’histoire est importante comme nous l’avons déjà vu, car si tragédies il y a eu, alors elles sont susceptibles de recommencer.
Décoration Intérieure
La décoration intérieure a déjà été évoquée à plusieurs reprises avec dans un premier temps, les objets symboliques de l’enferment comme les poupées ou les animaux empaillés et dans un second temps ceux qui participent à renforcer la présence de l’espace négatif comme les rideaux ou les miroirs. Mais nous n’avons pas évoqué la notion de surcharge décorative qui traduit une impression d’emprise de l’espace sur nos personnages. Dans chacune des demeures (peut-être un peu moins pour Shining), l’espace est plus ou moins saturé de figures anthropomorphiques, de statuettes, de figurines, de bas-reliefs, de statues et de portraits, d’arabesques végétales et de boiseries sculptées où l’on croit deviner d’inquiétants visages. À cela, viennent s’ajouter sur les rares intervalles libres, des miroirs qui dédouble les perspectives de manière étrange. Cet entremêlement des détails participe à créer l’illusion et l’émergence de l’inquiétante étrangeté. Selon Freud , cette idée trouve « la condition essentielle de son émergence dans l’incertitude intellectuelle. À proprement parler, l’étrangement inquiétant serait toujours quelque chose dans quoi, pour ainsi dire, on se trouve tout désorienté. Mieux un homme se repère dans son environnement, moins il sera sujet à recevoir des choses ou des événements qui s’y produisent une impression d’inquiétante étrangeté ». Si un neurologue décrit de tels effets, le cinéaste les représente pour servir l’épouvante.
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PSYCHOSE : 1.35.12
GHOSTLAND : 0.07.43
Architecture Vivante
L’architecture peut être considérée comme un personnage à part entière, disposant d’un passif et d’un présent plus ou moins sinistre, se reflétant sur son apparence. Elle devient un miroir de ses occupants, exprimant et ressentant les troubles qui l’affecte. Sa ressemblance avec un être humain lui confère de nouvelles propriétés. On ne parle plus d’es-
pace, mais de corps, plus de mur, mais de peau. Guillermo Del Toro a poussé au paroxysme cette idée. Il a voulu retranscrire littéralement dans son œuvre la notion d’architecture vivante. Le manoir est une représentation d’un corps à l’agonie, rongé par une gangrène (symbolisé ici par la famille Sharpe). « La maison est une illustration de la déchéance des personnages » évoque Del Toro. L’inévitable dégradation qu’il subit n’est que l’analogie de
son mourir. De longues coulées de sang épais, jonchent l’ensemble des parois. « Oui, la maison va suinter ses fluides corporels », rit même le réalisateur. Plus les secrets morbides des Sharpes se révèlent, plus l’hémoglobine se déverse à travers ce corps en ruine. Il faut comprendre que le manoir ne saigne que métaphoriquement, afin d’éviter de rentrer dans le thème du fantastique. Le gisement d’argile sur lequel il se trouve fait remonter la matière par capillarité, suintant à travers les murs et le plancher1 . Aussi, « Le manoir respire » comme le dit Thomas Sharpe, par effet de courant d’air. Le souffle de l’édifice ne ressemble pas à celui du bien portant, mais plus à celui du vieillard condamné. Un souffle terrifiant qui se rapproche d’un cri appelant à l’aide.
Dans Shining, on retrouve cette même volonté au niveau du visuel et de la narration. L’idée de Kubrick, qui se reflète sur tout le plan stylistique de son projet, est « l’espace maléfique » indique Ilias Yocaris 2 ( A dead end : style et semiosis filmique dans Shining ). Dans le roman comme dans le film, Stephen King suggère que
l’hôtel Overlook est une entité consciente dotée de pouvoirs télépathiques hors du commun. Il est capable de prendre possession de l’esprit de ses occupants en influant directement sur leur comportement. Il peut aussi manipuler les ambiances à sa guise ; de la salle de bal festive et vivante, remplie d’invités (imaginaires) qui sert à replonger Jack Torrance dans l’alcoolisme, à un accueil abandonné, remplie de toiles d’araignées et de squelettes, désorientant Wendy à la recherche de son fils en péril. Il déverse à travers le hall d’ascenseur le sang des multiples défunts qui ont subi son courroux.
À l’inverse du Crimson Peak, l’hôtel ne souffre pas, au contraire, c’est par sa propre volonté qu’il devient plus un cimetière qu’un hospice. Si les Sharpes sont une tumeur pour leur manoir, les Torrances sont de la nourriture pour l’Overlook. Le premier subit la vie dramatique de ses habitants, le deuxième s’en délecte.
62 1.30.35 1.40.20
0.41.25
CRIMSON PEAK SHINING: 0.11.52
1. Avec le temps le manoir s’enfonce de plus en plus dans le sol, ce qui augmente la quantité d’argile coulant à travers les parois.
2. Professeur en littérature et langue Française et chercheur au Centre Transdisciplinaire d’Épistémologie de la Littérature et des arts vivants (CTEL).
La peur visuelle et auditive de l’architecture à travers le cinéma d’angoisse, s’exprime donc de trois manières différentes. Nous avons d’abord identifié des éléments, qui une fois associés à un bâtiment, changent notre perception de celui-ci. C’est le cas pour la musique, la lumière et la caméra.
Contrairement à ces procédés cinématographiques qui sont dépendants du 7eme art, nous retrouvons la psychologie liée à l’espace provenant de principes réels. Les réalisateurs les utilisent pour inspirer à leurs publics des phobies courantes. Ils sont particulièrement effectifs à travers les couleurs, les dimensions et les bruissements.
Pour finir, la peur de l’architecture est aussi liée à l’histoire. L’histoire du réel qui a conduit à faire de l’architecture gothique le cliché de la maison hantée. Et l’histoire fictive propre à l’intrigue d’un film, qui conduit nos bâtiments à devenir le personnage principal, protagoniste ou antagoniste.
SHINING : 2.13.35
IV ARCHITECTURE TRANSPARENTE
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VOYEURISME ET INTIMITÉ
REGARD MALSAIN
PSYCHOSE : 00.43.44
SHINING: 0.49.50
Le voyeurisme n’est pas une thématique propre au cinéma d’horreur. Il est abordé à travers tout les genres ; de la comédie avec the Truman Show de Peter Weir jusqu’au drame avec Blow out de Brian de Palma . C’est peut-être Hitchcock qui en fait le plus l’utilisation dans tous ces films, en particulier à travers Fenêtre sur cour et bien sûr Psychose.
À l’origine, ce terme est « l’acte de ressentir du plaisir sexuel en regardant des personnes lorsqu’elles sont nues ou engagées dans une activité érotique » (traduit du dictionnaire d’Oxford ). Aujourd’hui, il est souvent employé pour désigner le loisir d’espionner les activités ou moments privés des autres. Le visionnage d’un film fait déjà de nous des voyeurs, dans la mesure où le public prend un certain goût à regarder la vie d’autrui. « Tout n’est que voyeurisme au cinéma: devant ou derrière la caméra, acteur ou spectateur, le film éveille toujours en nous une pulsion scopique »1
S’il a été question, dans le deuxième chapitre, de créer l’angoisse par l’invisible, nous allons voir comment l’inverse est possible.
Dans le genre du thriller horrifique, il est impératif de briser le mur de l’intimité. Au sens propre dans Psychose, lorsque Norman observe Marion par l’objet d’un judas creusé dans la cloison2 . Nous empruntons alors, à notre insu, le regard du jeune homme posé sur le corps à moitié déshabillé du personnage féminin. Et de manière plus figurative par les mouvements de la caméra nous conduisant vers des scènes jugées intimes. C’est le
cas lorsque l’objectif passe en dessous d’une fenêtre pour arriver vers une scène de tendresse entre Marion et son amant, au début du film. Ainsi, le spectateur franchit une certaine limite, retirant une nouvelle protection aux protagonistes. Cette limite, c’est celle de l’espace privée, censé être le lieu de la sécurité, de la préservation. Notre intruisivité ou celle d’un antagoniste démontre une insécurité réelle. Le regard du spectateur dans les moments les plus intimes des personnages confère à ces derniers une forte vulnérabilité, car nous pouvons en déduire qu’ils peuvent être observés à tout moment.
C’est pourquoi deux pièces en particulières reviennent régulièrement. La chambre est sûrement l’un des espaces les plus utilisés par l’être humain. Il s’agit de celui qui est le plus personnel, souvent attitré à l’inverse des autres pièces. Elle correspond à un lieu privé à l’intérieur d’un autre. Les œuvres que nous étudions, détruisent ce concept. À partir du
moment où le spectateur pénètre à l’intérieur de la chambre, le personnage devient vulnérable. Si nous pouvons rentrer, alors d’autre le peuvent, si notre regard viole l’intimité alors celui d’un autre le peut aussi. Le spectateur ne s’associe plus avec son héros dans ce cas-là, mais bien à l’antagoniste comme nous l’avons vu avec Norman. Nous empruntons la vision d’un prédateur observant sa proie lors de ses activités où elle est la plus ébranlable comme le sommeil ou alors la toilette.
En effet la deuxième pièce, c’est la salle de bain. Si elle n’est pas la propriété d’un seul membre d’une famille, elle n’en est pas moins intime. Associé à la nudité, c’est un lieu où l’on retrouve généralement seul pour se nettoyer. Dans les films d’horreur de manière générale, c’est l’un des rares endroits « où le sang coule plus que l’eau »1 . Nous pouvons mentionner la scène de Psychose, mais aussi celle de Frissons de David Cronenberg ou de Poltergeist de Tobe Hoopper
La Curiosité Est Un Vilain Défaut
« Le plus grand péché que vous puissiez commettre dans les films d’horreur est d’être curieux »2 .
Andi Crump, Polygon.
Le thème de l’exploration est très utilisé à travers ces films. Nous prenons souvent le point de vue subjectif d’un protagoniste, déambulant dans l’espace comme avec le Steadicam conçu par Kubrick pour suivre le jeune Danny sur son vélo. Il s’agit de vivre l’expérience du voyeur à travers notre héros. Nous subissons très régulièrement la curiosité de ce dernier. Cette volonté de voir, pousse souvent l’intrigue à s’assombrir de plus en plus. C’est ce qui tue le détective dans Psychose et manque d’achever de peu d’Edith dans Crimson Peak. C’est ce qui participe à détruire le gentil Jack lorsqu’il pénètre dans la chambre 237 pour laisser
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SHINING: 1.19.15
CRIMSON PEAK: 0.46.17
1. Citation de l’article SUPERCUT : Le voyeurisme au cinéma, publié en 2019 par sur le site Troiscouleurs.fr
2. L’image des page 68 et 69 en est l’illustration. Cette scène marque le moment ou Norman passe du jeune homme accueillant, sincère et innocent à celui d’un être un plus pervers qu’il n’y parait.
1. Citation de l’article Cinéma : les plus beaux bains de sang, publié en 2015 par Ilyass Malki , sur le site danstasalledebain.wordpress.com
2. Article publié en 2021 sur le site Polygon.com orienté vers le jeu vidéo. L’auteur Andi Crump est un critique de pop culture.
place au méchant. C’est aussi ce qui amène le jeune Torrance à faire la rencontre des jumelles pour la quatrième fois, offrant l’une des scènes les plus terrifiantes du cinéma.
En revanche, les antagonistes sont protégés de notre voyeurisme ou de celui des protagonistes. Dans Psychose, alors que l’intimité de Marion Crane est violée peu après son entrée dans le motel, il faudra attendre la fin du film pour découvrir la chambre de la mère. De plus, lorsque nous voyons la silhouette de cette dernière à la fenêtre, nous avons une sensation étrange d’être témoin de quelque chose d’interdit. L’architecture du cinéma d’horreur, serait-elle capable de protéger les méchants tout en délaissant les innocents ?
L’une des premières règles de l’architecture est déconstruite par les cinéastes dans ces films. Durant nos études, nous a été répétés plusieurs fois cette phrase par nos enseignants « il faut voir l’extérieur sans en être vu ». C’est la notion même d’intimité essentielle à mettre en œuvre dans la conception d’un bâtiment. Le cinéma d’horreur inverse cette idée, offrant à l’extérieur1 la possibilité de voir l’intérieur sans être pris sur le fait. Bien souvent, le sujet est un protagoniste vu par l’antagoniste dont le regard est emprunté par le public. Lorsque les rôles s’inversent et que les secrets se dévoilent, la situation s’envenime et l’on aurait presque préféré rester dans le doute.
PAROI IMPUISSANTE
DESTRUCTIBLE ET FRANCHISSABLE
La paroi en architecture est relative à tous les éléments construits qui délimitent l’espace1 . Elle peut-être verticale lorsqu’il s’agit d’un mur ou d’une cloison et horizontale pour les planchers et la toiture. Ces ouvrages constituent la majorité d’un édifice et sont censés être infranchissables. Outre leur rôle structurel pour certains, ce sont des frontière physiques qui permettent de protéger du monde extérieur. Que ce soient des intempéries ou des êtres (vivant ou mort-vivant). Ouvertes, les portes et les fenêtres sont des objets architecturaux qui offrent une perméabilité à la circulation. Fermées, elles viennent en continuité des parois et peuvent donc être considérées comme tels. Les réalisateurs des quatre œuvres que nous avons étudiées, vont, chacun à leur manière, désagréger cette définition de la paroi protectrice. L’illusion de la sécurité sera ainsi malmenée par différentes techniques narratives.
Dans Psychose, il s’agit essentiellement du voyeurisme qui constitue une des thématiques principales du film. Hitchcock démontre, de manière exemplaire, que les murs ne vous mettaient pas à l’abri du regard extérieur et qu’ils pouvaient même dissimuler un trou pour satisfaire la perversité de certains. Mais il est question ici uniquement de la vue. L’impuissance de la paroi se réfère aussi à son incapacité à créer une limite de circulation physique.
Nous retrouvons un procédé récurent dans Shining et Ghostland. En effet, il s’agit de la destruction de la porte. Au cours de l’intrigue, nos personnages, menacés d’un destin funeste par la présence d’antagonistes, n’ont pas d’autres choix que de se réfugier dans une pièce fermée à double tour. Si dans la réalité, cette technique de survie aurait pu fonctionné, dans la fiction, il en est autrement. À l’aide de puissant coup de hache ou de masse, les portes bloquant le passage, sont finalement annihilées. Il suffira d’une dizaine d’impact pour que Jack Torrance atteigne la serrure et d’un peu plus pour que le psychopathe de Laugier puisse passer totalement à travers les menuiseries. En moins d’une minute, la paroi se transforme en débris, passant de l’élément protecteur à une faille béante qui laisse entrer l’hostilité. Les protagonistes qui se croyaient à l’abri, comprennent qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Les cloisons peuvent être considérées comme de simples feuilles de papier, visibles, mais déchirables. Ce point-là est sans doute le plus évident à identifier pour tout cinéphile. Lorsque nous parlons de destruction de l’architecture protectrice, les amateurs de Shining peuvent rapidement penser à cette scène iconique de Jack Torrance assénant des coups de hache contre la porte. C’est pourquoi ce même outil apparaît en page de couverture semblant de nouveau détruire la « feuille de papier ».
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1. D’après la définition de Editions Eyrolles : « écran séparatif de deux milieu ».
1. L’extérieur correspond ici, à tout regard intrus plus qu’à une position géographique concrète. Car parfois le voyeur peut espionner quelqu’un depuis une autre pièce comme Norman avec Marion.
74 75 SHINING: 2.04.24
Guillermo del Toro, quant à lui aborde deux principaux éléments. Le premier, c’est l’architecture délabrée (élément que l’on aurait pu d’ailleurs aborder dans le chapitre 3 en lien avec l’apparence). Elle montre l’impuissance apparente du bâtiment pour contrer les intempéries. Lorsque nous découvrons pour la première fois le Crimson Peak, une immense crevasse perce la toiture laissant apparaître le ciel. Des feuilles d’arbres tombent à travers la charpente, se retrouvant sur le parquet du hall d’entrée. En hiver, elles seront remplacées par un tas de neige créant une image paradoxale pour l’intérieur d’un édifice. Le manoir n’est plus capable d’assurer sa fonction de refuge, ne faisant plus le trie entre la venue des hommes et celle du froid et du vent. Edith
nous le fait bien comprendre en disant « qu’il fait plus froid dedans que dehors », comme si l’extérieur était au final plus sûr que l’intérieur. Ce délabrement, c’est aussi une symbolique forte ; la maison s’effrite peu à peu, annonçant à la fois la fin de cette classe aristocratique pourrissante et la fin des habitants eux-mêmes. Guillermo expliquera même dans une interview pour Los Angeles Time que l’édifice renvoie « à la transition des valeurs de l’Ancien Monde vers le monde moderne ».
Le deuxième élément s’établit par la présence de fantôme. Ces esprits ont été représentés dans le cinéma, dans la littérature et à travers les légendes urbaines sous de multiples formes1 . Parfois très proche de la réalité
comme dans Shining et d’autres fois beaucoup plus fantaisistes comme dans Crimson Peak. Ce sont des cadavres, rouges et constitués de brume. Mais surtout, ils sont capables de traverser les parois. Ici, plus besoin de destruction de portes, elles sont totalement ignorées, inutiles. Dans Shining et Ghostland, elles avaient au moins le mérite de faire gagner quelques secondes à nos protagonistes pour
se sortir du désastre. Dans Crimson Peak, ouvertes ou fermées, elles n’empêchent pas la circulation des revenants. Ainsi le hors champ, pour faire un parallèle, est décuplé car à tout moment même dans les espaces qui semblent être contrôlés, peut apparaître un fantôme à travers le plancher.
1. Chaque culture a dessiné les spectres de manière différente. Les « Yurei » au japon, conservent l’apparence du moment de leur mort et sont souvent sans jambe. Dans le folklore norvégien, les « Deildegast » prennent généralement la forme d’une chouette.
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CRIMSON PEAK: 0.41.19
CRIMSON PEAK: 0.58.25
Cette thématique d’impuissance de la paroi n’est malheureusement pas applicable lorsque les protagonistes sont enfermés. Ils sont bien dans une prison formée par les murs de l’habitat. Cependant, lorsque les antagonistes se retrouvent bloqués par une quelconque paroi alors elle devient franchissable. L’architecture semble au service de l’hostile dans le cinéma d’horreur et s’oppose à la protection des innocents.
Nous pouvons faire une comparaison avec un événement de l’existant que nous connaissons tous. Avec un rapport d’échelle plus grand, l’effondrement des deux tours lors des attentats du 11 septembre 2001, nous ont laissé une vision effroyable et choquante. Les vidéos qui furent diffusées le jour même et que l’on retrouve aujourd’hui en ligne témoignent d’un des plus grands drames du XXIe siècle. Par respect pour les victimes, il convient de préciser que la gravité de cette date n’a rien de comparable avec ces films. Cependant, ce qui a pu marquer l’esprit du monde, hormis les chutes de plusieurs employés désespérés, c’est aussi la désintégration de ces structures pourtant solides, abritant des dizaines de milliers de personnes. Le symbole de l’architecture puissante représenté par ces deux monolithes fortement encrés dans le panorama de la cité, est détruit avec eux. Il ne restera qu’un tas de blocs, de débris et de poussière n’ayant pu résister aux assauts des terroristes. L’image est terrible, et de la même manière que dans ces métrages, la destruction de l’architecture symbolise son impuissance à protéger physiquement ses habitants. Les coups de hache d’une violence extrême dans la porte de l’Overlook peuvent être renvoyés aux percussions des avions dans les murs des tours.
L’architecture transparente, c’est celle qui n’est plus capable de contrôler la circulation, que ce soit celle du regard, des intempéries ou du corps. C’est pourtant l’une de ses fonctions première et c’est ainsi qu’elle nous protège de l’extérieur et de l’intérieur. Cependant, dans ces métrages, les limites formées par les parois sont désormais franchissables. Les murs ne donnent plus qu’une illusion de l’abri et sont en réalité de véritables passoires. Ils laissent passer le danger aussi bien qu’il enferment les protagonistes. Car cette notion d’architecture transparente s’applique uniquement en faveur des antagonistes évidemment. Si ces maisons sont l’enfer comme le disait Sartre, alors les démons en sont les maîtres et peuvent ainsi franchir les frontières à leur guise. Les bâtiments sont au service du vilain pour torturer l’âme égarée.
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Les termes du refuge ou de l’abri définissent l’architecture en tant qu’outil protecteur. Ces termes n’ont pas lieu d’être dans le cinéma d’horreur, en particulier celui de l’angoisse. Non seulement, l’habitat est impuissant face aux dangers, mais en plus, il les renforce. Pour répondre à la problématique préalablement établie, voyons les éléments qui ont contribué à détruire le mythe de l’architecture protectrice.
Nous avons débuté ce mémoire en évoquant la perdition, principe directeur de l’intrigue tout au long du métrage. En commençant par l’isolation, relative à la localisation du lieu qui voue à la solitude et donc à l’insécurité. Apparaît ensuite le terme de l’enfermement, symptômes du plan complexe de l’édifice et du machiavélisme des vilains. Ces derniers se servent de la cave et du grenier comme cage pour leurs victimes. La folie liée à cette situation est inévitable. Malheureusement, c’est parfois le mal de la cabine (confère page 26) qui conduit certains individus à devenir des prédateurs.
L’angoisse apparaît à partir d’un élément essentiel, auquel l’architecture est directement liée. Nous avons précisé que pour appréhender le danger, il fallait qu’il soit simplement suggéré et non pas totalement visible. Le hors champ et l’espace négatif, relatif à la composition de l’image sont renforcés par la spatialité. Plus
les caches sont nombreux, plus l’appréhension du jump scare1 est présente. Parois, angle, profondeur, porte, rideau, miroirs (…) sont des éléments récurrents du film d’horreur, dont la multiplication apporte l’angoisse escomptée. Nous pouvons rajouter à cela un élément introductif, propre à la narration du film, évoquant par une image2 le possible avenir tragique des personnages au sein de la maison dans lequel ils vont évoluer.
L’acoustique joue aussi un rôle primordial. Dans un premier temps, la musique, élément emblématique de l’horreur qui change la perception de ce à quoi on l’associe. Lorsqu’elle est superposée à un bâtiment, celui-ci apparaît beaucoup plus menaçant. Dans un second temps, les bruits courants, ceux de l’architecture, qui vous réveille en pleine nuit et interroge sur l’éventuelle présence d’un parasite (non pas en tant qu’insecte évidemment, mais en tant qu’homme ou fantôme) au sein de votre demeure. L’esthétique quant à lui, s’exprime d’abord par un style ancien, reprenant les principes de l’architecture victorienne, symbolique du manoir hanté. Reviens après certaines techniques de décors, qui jouent sur la symbolique et la psychologie de la peur tel que les couleurs, l’obscurité et les dimensions. Nous pouvons évoquer également la surcharge décorative, saturée de figures anthropomorphiques créant la sensation de
« l’étrangement inquiétant ». Pour finir, l’architecture de l’horreur peut devenir vivante, une entité qui reflète les drames qu’elles habitent sur son apparence ou sur ses propres actions.
La paroi est un élément crucial du film d’horreur comme nous l’avons vu dans le deuxième chapitre. Cependant, si son rôle premier est de faire office de cache, son second est d’être brisé. Brisée au sens plus figuratif en tant que protecteur de l’intimité par le voyeurisme. Et brisée au sens propre en tant que protecteur physique du protagoniste. Elle doit être rendu impuissante, pour que l’impression qu’elle puisse être traversé par le regard ou par la force soit omniprésente.
Afin d’aboutir à cet écrit, il convient de préciser que nous n’avons identifié que quatre longs-métrages pour amorcer cette rédaction. Les arguments avancés ne sont donc pas superposables à tous les films d’angoisse. D’autres œuvres tels que « American Nightmare » de James DeMonaco ou « Vivarium » de Lorcan Finnegan présentent l’architecture plus moderne des lotissements pavillonnaires comme cadre du paranormal. Il s’agit d’une critique « des vies schématiques et moulées dans les canons d’une société qui gomme la différence pour imposer l’uniformisation des gens comme de leurs rêves »1 Bien que certains éléments reviennent tels que l’enfermement ou le hors
champ, l’esthétique en revanche est très différent. Il serait donc intéressant de développer dans une nouvelle étude, par quels moyens l’architecture du lotissement, peut-elle suggérer l’angoisse dans le cœur du spectateur ?
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CONCLUSION
1. Le jump scare c’est le célèbre phénomène qui vous fait sursauter dans votre siège de cinéma quand une mauvaise surprise apparaît soudainement à l’écran (définition de warnerbross.fr).
2. Cette image comme nous l’avons expliqué au début du deuxième chapitre, utilise souvent le principe du
flashfoward. Dans tout les cas, elle doit annoncer un futur funeste.
1. Critique du film par Mondociné « le site des amoureux du cinéma ».
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GHOSTLAND CAPTURE
Page 17, en haut : La forêt menaçante.
Page 24, coin supérieur droit : L’escalier vers la cave sombre.
Page 25, en haut : La poupée comme symbolique de l’enfermement.
Page 35, au milieu : Le journal annonciateur du drame.
Page 44 et 45, coin inférieure droit : Obscurité.
Page 61, en bas : Surcharge décorative.
SHINING CAPTURE
Page 14 et 15, au milieu droit : La route de l’isolement.
Page 17, coin inférieur droit : Coupure de communication.
Page 19, en bas : Neige massive.
Page 20 et 21, au milieu gauche : Labyrinthe.
Page 22, au milieu : Fuite à travers le labyrinthe.
Page 28 : Folie de Jack Torrance.
Page 35, en bas : Première apparition des jumelles.
Page 41, à droite : L’inquiétante chambre 237.
Page 52 et 53 : Le rouge, expression de la violence.
Page 54 et 55 : Le vert, reflet de la pourriture.
Page 63, en bas : La cascade de sang.
Page 64 et 65 : Esthétique de l’horreur.
Page 70, coin inférieur droit : La chambre.
Page 71, coin supérieur droit : L’exploration mène à la peur.
Page 74 et 75 : Porte traversable.
CRIMSON PEAK CAPTURE
Page 19, en haut : Neige dangereuse.
Page 22, en bas : Fuir et perdre.
Page 25, au milieu : Les insectes morts comme symboliques de l’enfermement.
Page 32 et 33 : Flashfoward montrant Édith en sang.
Page 38 et 39 : La porte, créatrice d’angoisse.
Page 44, coin supérieur droit : Silhouette dans l’espace négatif.
Page 62, en haut : Illustrations de l’architecture vivante.
Page 71, coin inférieur droit : La salle de bain.
Page 76, en haut : Architecture délabrée.
Page 77, en bas : Parois traversable.
PSYCHOSE CAPTURE
Page 25, en bas : La taxidermie comme symbolique de l’enfermement.
Page 29 : La folie de Norman Bates.
Page 42 et 43 : Espace négatif, rideau et silhouette.
Page 44, en bas : Le miroir, créateur d’inquiétude.
Page 50, en bas : Plan en forte plongé.
Page 60 : La maison victorienne.
Page 68 et 69 : Le voyeurisme, signé Hitchcock.
Page 72, à droite : Voir l’interdit.
AUTRES
Page de couverture : réalisation personnelle à partir du logiciel Photoshop.
Page 8 et 9 : Capture d’image tirée du film Metropolis.
Page 10 et 11, de la gauche vers la droite : Jaquette DVD de Psychose, Affiche officielle de Shining, Affiche revisitée de Crimson Peak par Daniel Danger & Guy Davis, Affiche officielle Ghostland.
Page 23 : Plan du Grand Overlook Hotel, reconstitué par Jigsaw Puzzle.
Page 37 : Plan de la scène des jumelles, reconstitué par le site Interiors.
Page 56 : Plan du Crimson Peak, trouvé sur Pinterest, réalisé par Mark Salisbury.
Page 59 : Illustration de la famille Adams par Charles Adams.
Page 79 : Jaquette DVD de Shining, retouche personnelle à partir du logiciel Photoshop.
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ICONOGRAPHIE
MAXENCE PESCHART D’AMBLY
Le cinéma et l’angoisse en lien avec l’architecture, sont le sujet de cet écrit. À travers l’étude de quatre longs-métrages répartis sur près de 60 ans, nous voyons l’utilité de l’espace en tant que catalyseur de peur. Le manoir des Bates de Psychose, le Grand Overlook Hotel de Shining, L’Alderdale Hall de Crimson Peak et la maison solitaire de Ghostland sont les exemples parfaits d’architecture au service de l’effroyable.
Mémoire de Master - ENSAN - 2021 2022