A Recherches


Coordonné par Grégory Miras
Rédacteur en chef
N.N
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Miz’enpage
Directeur de la publication
Cynthia Eid – FIPF Fédération internationale des professeurs de français
RECHERCHES ET APPLICATIONS
SEJER
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75013 Paris
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Directrice de la publication : Catherine Lucet Mél : fdlm@fdlm.org http ://www.fdlm.org
© CLE International 2025
La reproduction même partielle des articles parus dans ce numéro est strictement interdite, sauf accord préalable.
ISBN : 9782090395792
JANVIER 2025
PRIX DU NUMÉRO 27,90 €
Comité de rédaction
Fatima Chnane-Davin (Présidente du conseil scientifique)
Francine Cicurel (Présidente du conseil scientifique)
Jean-Pierre Cuq (Président du conseil scientifique)
Cynthia Eid (Directeur de la publication)
N.N (Rédacteur en chef)
Conseil scientifique
Margaret Bento (Université Paris Descartes, France) ; Patrick Chardenet (Agence Universitaire de la Francophonie, Brésil) ; Fatima Chnane-Davin (Aix-Marseille Université, France) ; Francine Cicurel (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, France) ; Jean-Pierre Cuq (Université de Nice, France) ; Jean-Marc Defays (Université de Liège, Belgique) ; Enrica Galazzi-Matasci (Université Catholique de Milan, Italie) ; Eliane Lousada (Universidade de São Paulo, Brésil) ; Abdelouahad Mabrour, (Université Chouaïb Doukkali El Jadida, Maroc) ; Samir Marzouki (Université de la Manouba, Tunisie) ; Jean Noriyuki Nishiyama (Université de Kyoto, Japon) ; Valérie Spaëth, (Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle, France) ; Monica Vlad (Universitatea Ovidius din Constanta, Roumanie) ; Tatiana Zagryazkina (Université d’État de Moscou Lomonossov, Russie)
Comité de lecture
Babault Sophie, Université de Lille, France ; Barthelemy Fabrice, Université Paris 3 sorbonne nouvelle, Paris, France ; Bel David, Université Normale du Sud (Chine) ; Bigot Violaine, Université Paris 3 sorbonne nouvelle, France ; Carrasco Perea Encarnación, Universitat de Barcelona (Espagne) ; Causa Mariella, Université Montaigne, Bordeaux, France ; Coffey Simon, King’s College London (Royaume Uni) ; Debono Marc, Université de Tours, France ; De Pietro Jean-François, Institut de Recherche et de documentation pédagogique, Neuchâtel (Suisse) ; Develotte Christine, Institut français de l’Éducation - ENS de Lyon, France ; El Madhi Adil, Université Ibn Zohr, Agadir,Maroc ; Ferreira-Meyers Karen, University of Swaziland (Swaziland) ; Gonçalves Carolina, Escola Superior de Educação de Lisboa (Portugal) ; Gutu Ioan, Université d’État de Moldavie, Chisinau (Moldavie) ; Jamet Marie Christine, Université Ca Foscari, Venise (Italie) ; Klett Estela, Universidad de Buenos Aires (Argentine) ; Kouame Koia Jean-Martial, Université de Cocody-Abidjan (Côte d’Ivoire) ; Laurens Véronique, Université Paris 3 sorbonne nouvelle, Paris, France ; Leclere Malory, Université Paris 3 sorbonne nouvelle, Paris, France ; Le Ferrec Laurence, Université Descartes, Paris, France ; Liddicoat Tony, University of Warwick, Coventry (Royaume Uni) ; Ly Thierno, IFEE, Université Cheikh Anta Diop, Dakar (Sénégal) ; Mangiante Jean-Marc, Université d’Artois, Arras, France ; Meunier Deborah, Université de Liège (Belgique) ; Mendonça Dias Catherine, Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle, Paris, France ; Pambou Jean-Aimé, École Normale Supérieure Libreville (Gabon) ; Parpette Chantal, Université Lumière Lyon 2, France ; Paternostro Roberto, Université de Genève (Suisse) ; Picardo Enrica, Université de Toronto (Canada) ; Rispail Marielle, Université Jean-Monnet de Saint-Etienne, France ; Rivière Véronique, Université de Lyon 2, France ; Ruggia Simona, Université Côte d’Azur, Nice, France ; Sadiqui Mina, École Normale Supérieure, Université My Ismail, Meknès,Maroc ; Sahnoun Mokhtar, Université La Manouba, Tunis (Tunisie) ; Silva Ochoa Haydée, Universidad Nacional Autónoma de Mexico (Mexique) ; Suso Lopez Javier, Universidad de Granada (Espagne) ; Takagaki Yumi, Université préfectorale d’Osaka (Japon) ; Thiam Ousseynou, Université Cheikh Anta Diop, Dakar (Sénégal).
Comité varia
Margaret Bento ; Valérie Spaëth
Que vous soyez étudiant ou doctorant en didactique du français langue étrangère, enseignant exerçant dans l’enseignement primaire, secondaire ou universitaire, dans un pays francophone ou non, directeur de recherche à l’université, tous soucieux de suivre les évolutions de l’enseignement du français à l’échelle du monde, pour vous la revue Recherches et Applications : Le français dans le monde est un repère professionnel incontournable. La revue vous remercie de votre fidélité et de la crédibilité scientifique que vous lui accordez. Comme elle l’a montré lors de ses derniers congrès, la Fédération Internationale des Professeurs de Français est sensible aux évolutions qui font de l’espace de la connaissance un monde plurilingue, multipolaire, globalisé, mais aussi contextualisé. La revue souhaite y maintenir sa position d’acteur de premier plan, en anticipant, en conduisant ou en accompagnant ces évolutions tout en affirmant la contribution de la langue française à cet espace mondialisé. Pour garantir cette fonction d’excellence, le Comité scientifique de la revue affirme une politique de publication qui reste fidèle à son objectif de toujours : animer le débat en didactique des langues et des cultures, au service d’une diffusion de qualité de la langue française dans le monde, en étant plus que jamais à l’écoute des innovations et des mutations. Dans cette perspective, la revue s’est progressivement ouverte aux équipes de recherche qui contribuent à cet objectif, en leur confiant la coordination d’un numéro, où qu’elles travaillent dans le monde 1
Les règles déontologiques du champ scientifique sont rigoureusement respectées : les articles de la revue sont soumis à une double évaluation anonyme prise en charge par un comité de lecture formé de chercheurs reconnus, qui veille à ce que chaque
texte s’appuie sur des données de première main, une originalité des analyses, et des références précises des travaux utilisés. Par ailleurs, la revue a modifié la structure éditoriale jusque-là en usage, pour témoigner de la vigueur des travaux des jeunes chercheurs en y incluant dans sa rubrique Varia des articles hors de la thématique générale du numéro, sélectionnés pour leur intérêt et leur qualité 2 .
Enfin, Recherches et Applications est engagée dans un processus de collaborations avec des revues du domaine publiées dans d’autres pays pour des échanges d’articles, permettant d’étendre ainsi les espaces d’accès et la circulation des savoirs (Revue canadienne des langues vivantes/The Canadian Modern Language Review).
Pour le Comité scientifique, les co-présidents
Jean-Pierre Cuq (Université de Nice Sophia Antipolis) jeanpicuq@gmail.com Fati Chnane-Davin (Aix-Marseille Université) fatima.davin@univ-amu.fr Francine Cicurel (Université Sorbonne Nouvelle) francine.cicurel@univ-paris3.fr
1. Pour soumettre une proposition de numéro, voir site fdlm : http ://www.fdlm.org, voir http ://fipf.org/publications/recherchesapplications (Instructions aux coordinateurs)
2. Pour soumettre un article, en tant que jeune chercheur (en fin de thèse ou venant de terminer la thèse de doctorat), voir http ://fipf.org/publications/ recherches-applications (Appel permanent à publication d’articles dans le cadre de la diffusion de recherches menées par de jeunes chercheurs).
GréGory Mir As
« Diversité », « oralité », « mélanges » ... L’enseignement de la prononciation en FLE à l’ère du postmodernisme
Alexei PrikhoDkine
Dans cet article, je propose de comprendre les dernières tendances en didactique des langues, qui promeuvent la « diversité », l’« oralité » ou les « mélanges », comme s’inscrivant dans le paradigme post-moderniste. Cette analyse permet d’expliquer l’apparent paradoxe entre la centration sur l’oralité et le peu de place accordé à l’enseignement de la prononciation, ainsi que de formuler une hypothèse sur le développement futur de cet enseignement, qui explique le désintérêt pour la variation.
В этой статье я предлагаю рассмотреть последние тенденции в методике преподавания иностранных языков, которые продвигают « разнообразие », « устную речь » или « смешение », как часть постмодернистской парадигмы. Этот анализ позволяет не только объяснить кажущийся парадокс
между ориентацией на устную речь и недостаточным вниманием к обучению произношению, но и сформулировать гипотезу о будущем развитии этого обучения, которая объясняет
Que faire de la diversité de la prononciation en didactique du FLE ?
JéréMi sAuvAGe
Les rapports entre normes et variations sur la prononciation d’une langue constituent un objet de pensée depuis très longtemps désormais, y compris en Didactique des langues étrangères. Dans cet article, nous proposerons dans un premier temps un retour sur les prises en compte des variations articulatoires en français. Puis dans un second temps, nous nous interrogerons sur la nécessité de se saisir en Didactique du FLE
de cette complexité linguistique caractéristique de ce qu’est une langue vivante.
The relationship between norms and variations in the pronunciation of a language has been a subject of study for a very long time now, including in foreign language didactics. In this article, we begin by looking back at how articulatory variations have been taken into account in French. Secondly, we will examine the need to address this linguistic complexity, which is characteristic of a living language, in EFL didactics.
à la didactique de la prononciation contextualisée
Des questions en interaction : les carences de la didactique de l’oral en FLE
Anouchk A Divoux
Cet article cherche à comparer les descriptions grammaticales des manuels de FLE et les analyses de la linguistique interactionnelle. Par l’étude des questions dans un corpus d’interactions en réunions de travail, il met en lumière des lacunes dans la description de ce phénomène à l’oral. Nous présenterons deux formes de questions peu décrites. Enfin, nous exposerons un exemple d’exploitation didactique de ces analyses, soulevant la nécessité de descriptions accessibles des phénomènes oraux.
This article aims at comparing grammatical descriptions in FFL textbooks and analyses carried out on corpora. Using the example of questions and based on analyses drawn from a corpus of business meetings, we will show the existing gaps in the description of this speech act. We will introduce two forms of question not often described. We will then present an example of didactic use of our analyses, raising the need for accessible descriptions of the various oral phenomena.
Intelligibilité, compréhensibilité, accent étranger et prononciation en FLE : évaluateurs natifs vs non natifs
FAbián sAntiAGo, MA xiM bArkov, cor Alie vincent
Nous discutons des résultats de deux tests de perception menés auprès des 61 juges francophones natifs et non natifs. Nos résultats montrent que les juges hispanophones évaluent mieux l’intelligibilité et la compréhensibilité des énoncés produits par d’autres hispanophones en français. L’accent étranger est une dimension dissociée de l’intelligibilité, la compréhensibilité et de la prononciation en général. La prononciation a des effets marginaux dans l’intelligibilité et la compréhensibilité.
Presentamos los resultados de dos tests de percepción realizados con 61 jueces francófonos nativos y no nativos. Los resultados demuestran que los jueces hispanohablantes evalúan mejor la inteligibilidad y la comprensibilidad des los enunciados producidos por otros hispanohablantes en francés. La percepción del acento extranjero es una dimensión disociada de la inteligibilidad y de la pronunciación en general. La pronunciación tiene efectos marginales en la inteligibilidad y la comprensibilidad.
Pour une didactique de la prononciation du français adaptée aux hispanophones : le cas des apprenants de français au Honduras
cArlos solórzAno
Les recherches sur la didactique de la prononciation FLE pour hispanophones sont relativement restreintes en dehors d’une vision homogénéisante. Nous avons ainsi entrepris une étude visant à dresser un inventaire des difficultés de prononciation rencontrées par les apprenants de français au Honduras. Notre objectif est de penser une méthodologie contextualisée pour élaborer des programmes d’enseignement de la prononciation, fondée sur l’approche actionnelle.
Los estudios sobre didáctica de la pronunciación del francés lengua extranjera (FLE) para hispanohablantes son relativamente limitados, más allá de una visión homogeneizadora. Por ello, nuestro propósito es realizar un inventario de las dificultades de pronunciación que enfrentan los estudiantes de francés en Honduras. Nuestro objetivo es desarrollar una metodología contextualizada para la elaboración de programas de enseñanza de la pronunciación, basados en el enfoque orientado a la acción.
Enseignement de la prononciation du français en Chine : une analyse de manuels yi yin, Junk Ai li
De nombreux apprenants chinois du FLE se trouvent dans une confusion perceptive car les francophones ne parlent pas comme dans les manuels de FLE utilisés en Chine. Pour repérer ces écarts, nous avons analysé quatre manuels de FLE : deux rédigés en France et deux en Chine. Les résultats montrent que ces ressources pédagogiques ne reflètent pas complètement le français parlé aujourd’hui, ce qui permettra de repenser l’équilibre entre la norme pédagogique et l’usage réel dans l’enseignement.
Many Chinese learners of French as a Foreign Language (FLE) experience perceptive confusion because Francophones do not speak as presented in the FLE textbooks used in China. To identify these differences, we analyzed four FLE textbooks: two written in France and two in China. The results show that these pedagogical resources do not fully reflect the French spoken today, prompting a reconsideration of the balance between pedagogical norms and actual language use in teaching practices.
« C’est comme un ornement » : discours autour de l’accent en FLE dans l’espace hispanophone
k ArinA ibáñez, GréGory Mir As
Si la dimension socialement construite de l’accent est maintenant bien reconnue, son impact sur les représentations, et donc la manière dont les individus qui les produisent sont considérés, reste une réalité mesurable. Cette réalité est complexe dans le cas du français en milieu hétéroglotte face aux différentes idéologies linguistiques qui coexistent en terrain translingue et transculturel. Le projet PROSOPHON questionne ces réalités dans le cadre professionnel. El acento, una construcción socialmente reconocida, influye en las representaciones de quienes lo producen. En el caso del francés en un entorno heteroglósico, esta influencia se entrelaza con ideologías lingüísticas diversas en un contexto translingüístico y transcultural. El proyecto PROSOPHON investiga estas dinámicas en un marco profesional.
Mobiliser des récits littéraires d’apprentissage pour (re)penser les rapports aux accents des enseignant·es de FLE/S : le cas des ateliers de l’Entre-deux
MyriAM
DuPouy
À travers la présentation et l’analyse d’un cycle d’ateliers de l’Entre-deux (projet SAMILS), cet article propose de faire se rencontrer, autour de la thématique des accents, récits littéraires d’apprentissage et récits d’expériences réelles ou fictives d’enseignant·es et apprenant·es de FLE/S. Les thématiques abordées par les participant·es placent les accents aux croisements d’idéologies et problématiques linguistiques, sociales et identitaires.
Through the presentation and analysis of the SAMILS project and its Entre-deux workshops series, this article proposes to bring together, around the research theme of accents, literary accounts of learning and accounts of real or fictitious experiences of French as a foreign or secondary language teachers and learners. The subjects raised by the participants place accents at the crossroads of linguistic, social and identity-related ideologies and issues.
Comment enseigner la diversité des prononciations du français : des élèves apprenants roumains en classe de FLE face à des « accents » régionaux
AleksAnDr A D. sAvenkovA
L’article présente les résultats d’une étude menée auprès d’apprenants débutants et intermédiaires de FLE en Roumanie. L’analyse repose sur les réactions et retours des apprenants face à un matériel audio comportant des « accents » francophones. L’étude vise à ouvrir une réflexion sur une des voies possibles de l’enseignement de l’oral pour mieux préparer les apprenants aux défis de la communication dans le monde actuel et à la diversité des prononciations multiples des locuteurs francophones.
The present article illustrates the results of a study conducted with beginner and intermediate French as a Foreign Language learners in Romania. The analysis is based on learners’ reactions and feedback to audio material featuring French accents. The study seeks to initiate a reflection on possible approaches to oral teaching, in order to better prepare learners for the challenges of communication in today’s world and the diversity of pronunciations of French speakers.
Représentations et émotions dans la construction identitaire en contexte d’apprentissage de la prononciation
lAur A Abou hAiDAr
Cette contribution s’intéresse aux représentations et émotions (Pekrun et al., 2012 ; Piccardo, 2013) en lien avec l’apprentissage de la prononciation d’une langue étrangère, et à la manière dont ces manifestations pourraient apporter des éléments de compréhension à la construction identitaire (Guérin & Laurens, 2022 ; Catroux & Jamin, 2015). Les résultats montrent que des émotions se manifestent au regard de la prononciation et que celle-ci a un impact transformant sur le plan identitaire.
This contribution focuses on representations and emotions (Pekrun & al, 2012; Piccardo, 2013) in relation to a foreign language pronunciation learning experience. Our aim is to explore how these manifestations could provide elements of understanding for the construction of identity (Guérin & Laurens, 2022; Catroux & Jamin, 2015). Results show that people express emotions (both negative and positive) with regards to pronunciation, and that this has a transforming impact on identity.
GreGory Miras
ATILF (UMR7118), CNRS UNIVERSITÉ DE LORRAINE, FRANCE
Depuis plusieurs années, la didactique des langues francophone se fait le témoin d’un regain d’intérêt scientifique pour les questions autour du discours oral, de la parole ou de la prononciation et de l’ « accent » (Abou Haidar, 2020, 2021; Galazzi & Kottelat, 2023; Miras, 2021a; Sauvage & Billières, 2019; Troncy, Carette et Miras, 2022). Tantôt considéré comme un objet spécifique et modulaire, tantôt reconnu comme une sous-composante du langage comme une autre, l’oral dispose souvent d’une place spécifique dans la didactique du français comme langue additionnelle (modules indépendants, enseignant·e·s spécialistes, laboratoire de langue, etc.). À ce titre, les recherches sur l’oral complètent leur dimension linguistique en s’ouvrant pleinement aux aspects sociolinguistiques et sociophonétiques qui touchent les sentiments d’appartenance et d’affiliation (Dupouy, 2019) relatifs à des espaces agentifs (Miras, 2023).
En effet, regardant l’histoire des méthodes et méthodologies en didactique de la prononciation du FLE/S (Wachs, 2011), il est possible de faire état d’une difficile conciliation épistémologique voire d’une rupture entre une tradition positiviste et instrumentale de la phonétique avec une démarche compréhensive outillée de la didactique des langues francophone (Miras, 2021b). Si cette vision positiviste tend à faire penser qu’elle serait « neutre » et objective, elle laisse paraitre des obstacles épistémologiques (Bachelard, 1967) qui irriguent continuellement la didactique de la prononciation en opposition parfois à l’épistémé de la didactique des langues francophones en général. Foucault (1966, p. 33) définit l’épistémé comme le projet : de retrouver à partir de quoi connaissances et théories ont été possibles ; selon quel espace d’ordre s’est constitué le savoir ; sur fond de quel à priori historique et dans l’élément de quelle positivité des idées ont pu apparaitre, des sciences se constituer, des expériences se réfléchir dans des philosophies, des rationalités se former, pour, peut-être, se dénouer et s’évanouir bientôt.
En didactique des langues, Narcy-Combes (2013) la situe dans une épistémé de l’incertitude où les connaissances sont distribuées et surtout contextuelles.
En effet, le tournant interculturel et la compétence plurilingue (Coste, Moore, et Zarate, 1997) ont très rapidement déconstruit le mythe du natif ou de la native et l’idée d’un·e apprenant·e comme tabula rasa.
Cette vision complète l’idée selon laquelle les individus présenteraient une caractéristique liquide (Wei & Lee, 2023) nourrie par la reconnaissance d’un translanguaging (García & Lin, 2017) perçu comme normal chez toute personne maitrisant une ou plusieurs langues. Dans le même temps, les concepts d’« interlangue » ou de « fossilisation » continuent de nourrir un positionnement en faveur d’une phonétique corrective basée sur un modèle et une norme alors même qu’ils sont contestés au regard des connaissances actuelles sur le fonctionnement langagier (Galligani, 2003). Ainsi, des outils politiques comme le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) dans sa version originale et ses amplifications représentent largement l’apprenant·e dans sa compétence phonologique comme un·e locuteur·rice illégitime de la langue additionnelle dont la compréhensibilité se fait par rapport à des locuteur·rice·s particuliers, et ce « malgré » un accent perçu comme détrimentaire (Didelot, Racine, Zay et Prikhodkine, 2019; Falkert, 2019; Miras, 2019).
Dans le même temps, la recherche tente d’ouvrir de nouvelles perspectives sur la manière dont la prononciation peut être partie intégrante des curriculums de formation en langues. Darcy (2018) propose de réfléchir à trois dimensions spécifiques :
• La temporalité (time) : il semble pertinent d’intégrer le travail sur la prononciation dès le début de l’apprentissage dans les objectifs généraux langagiers et de le faire remonter dans la liste des priorités (priority) dans l’évaluation.
• La méthode (method) : une approche double de l’enseignement de la prononciation qui combine une attention simultanée à la forme et à l’intention communicative en visant l’automaticité et la généralisation dans le discours. Les feedbacks explicites et la variété de l’input participent à cet objectif.
• Les priorités (focus) : les facteurs qui jouent le plus sur l’intelligibilité et la compréhensibilité doivent être abordés pour chaque langue. Les difficultés rencontrées par les apprenant·e·s sont indépendantes de leur niveau. Un équilibre entre ces compétences doit être trouvé par chaque enseignant·e face à un groupe d’individus. On notera cependant que des auteurs (Miras, 2021a; M.-F. NarcyCombes & Narcy-Combes, 2019) soulignent que, dans une approche par tâches, ce sont les tâches sociales qui font émerger – ou non – la nécessité de ce travail d’entrainement.
La question d’un tournant de la correction phonologique vers un objectif plus social de la langue a mis au centre des objectifs de la didactique de la prononciation, l’intelligibilité et la compréhensibilité. Munro et Derwing (2015, p. 14) définissent l’intelligibilité comme « la mesure par laquelle les perceptions des auditeurs correspondent aux intentions des locuteurs (compréhension réelle) », et la compréhensibilité comme « le degré perçu de difficulté éprouvé par l’auditeur à comprendre le discours ». Alburquerque et Alves (2022) précisent
notamment la nécessité de prendre en compte la dimension subjective de ces deux concepts et proposent par conséquent de les penser de manière construite au sein d’interactions. Parmi les voies ouvertes par la recherche, Mairano et al. (2019) ont cherché à objectiver les éléments phonologiques en anglais qui pouvaient participer le plus à une compréhensibilité réduite. Puis, ils ont cherché à voir dans quelle mesure il était possible de construire des outils permettant de se décentrer de l’objectif du « natif » ou de la « native » en traçant l’évolution du système phonologique des apprenant·e·s en lui-même (Mairano, Santiago et Roa, 2023).
En parallèle de cette réflexion autour des objectifs de la didactique de la prononciation, des chercheurs questionnent les dimensions macroscopiques qui traversent ses fondements. Tandis que des chercheurs (Gueye Demba, 2017) contestent la pertinence d’outils européens comme le CECRL pour l’enseignement de l’oral dans d’autres sphères, comme l’Afrique dans son cas, d’autres s’engagent dans une linguistique engagée contre les discriminations sur l’accent. En anglais, le terme accentism (Paterson, 2019) symbolise cet intérêt spécifique. Dans le contexte nord-américain, Ramjattan en appelle à une révision des objectifs autour de l’accent en reconnaissant, d’une part que le capitalisme a conduit à produire de l’insécurité sur l’accent afin de proposer une remédiation monétisée (2023) et d’autre part pour reconnaitre la dimension raciste inscrite dans une colonialité du rapport à certains accents (2022). Il en appelle ainsi à penser une pédagogie de la prononciation anti-raciste (Ramjattan, 2024). Cette approche semble d’autant plus pertinente que dans une société tournée vers la tolérance et la diversité, les comportements négatifs envers les accents ont tendance à être cachés par différentes formes de rationalisation (Roessel, Schoel et Stahlberg, 2020). En France, le rapport spécifique à la norme du français standard s’est propagé sur les autres langues étrangères dans le contexte hexagonal. Cette réalité amène notamment à des terrains glissants quand il s’agit de penser les attendus dans le recrutement des futur·e·s enseignant·e·s de langue lors de concours comme le CAPES ou l’Agrégation (Dupouy & Wilson, 2024).
Au regard de l’ensemble de ces éléments, ce numéro intègre des contributions plurielles dans l’objectif d’offrir au lecteur ou à la lectrice la possibilité de construire une vision transdisciplinaire de la didactique de la prononciation contemporaine en FLE/S. Les études présentées participent à répondre à des questions de recherche telles que : dans quelle mesure les recherches en linguistique appliquée sur le discours oral et la parole permettent de mieux comprendre cette « mise en scène de la vie quotidienne » (Goffman, 1973) que représentent les interactions dans les tâches sociales en didactique ? Comment la didactique de l’oral intègret-elle les enjeux contemporains (approche sensible, complexité et système dynamique, autonomie, contextualisation, etc.) permettant une actualisation de ses principes ? De quelle manière la centration des
dispositifs sur les individus et la variation orale amène-t-elle à repenser les dispositifs pédagogiques en termes de ressources, de rétroactions formatives et d’objectifs ?
L’article d’Alexei Prikhodkine (Université de Genève) intitulé « « Diversité », « oralité », « mélanges » ... L’enseignement de la prononciation en FLE à l’ère du postmodernisme » propose une réflexion épistémologique sur la place actuelle de l’oral et de la prononciation. Ne se limitant pas au présent, il adopte une démarche prospective par une recherche d’anticipation à l’ère du postmodernisme. Pour ce faire, il analyse en profondeur la manière dont des paradigmes s’imposent en recherche, loin de tout hasard. La globalisation, le capitalisme et l’individualisme sont autant d’attracteurs occidentaux qui peuvent expliquer la photographie de la didactique de la prononciation actuelle au regard de la norme, la variation et les compétences, par exemple. Il identifie ainsi un conflit inévitable dans l’apprentissage des langues non-européennes face à une autre manière de penser la langue et la culture.
Jérémi Sauvage (Université Paul-Valéry – Montpellier 3) dans son article « Que faire de la diversité de la prononciation en didactique du FLE ? » aborde la question complexe de la diversité des prononciations en didactique du français langue étrangère (FLE). Il porte un regard distancié sur la norme et sur la variation qu’il questionne à la lumière de la différence importante à faire entre les dimensions phonétique et phonologique. Il rappelle notamment qu’en didactique de la prononciation, toute action d’enseignement-apprentissage vise la dimension abstraite des sons. Il rappelle que le recours à des ressources qui rendent audible la diversité des langues n’est pas une contrainte, mais au contraire une nécessité didactique.
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Anouchka Divoux (Université de Lorraine) propose une réflexion intitulée « Des questions en interaction : les carences de la didactique de l’oral en FLE ». S’appuyant sur une approche de corpus, elle cherche à questionner et définir le concept de question dans les interactions afin de réfléchir à la manière dont la didactique de l’oral peut s’en saisir.
Comme pour d’autres points linguistiques, l’analyse des manuels montre un écart entre la norme d’enseignement et l’analyse que l’on peut faire sur des corpus de parole authentique. Ainsi, certaines formes interrogatives sont surreprésentées dans les manuels alors qu’elles apparaissent avec une fréquence très faible dans les corpus. Elle souligne notamment l’intérêt que les manuels investissent plus trois formes de questions : les semi-questions, les questions suspensives et les questions à alternative non réalisée. Si cette recherche ne se veut pas prescriptive, elle ouvre des portes sur la manière d’accompagner les enseignants dans la didactique de l’oral.
Partant d’une approche expérimentale avec des tests de perception, Fabian Santiago Vargas (Université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis & CNRS), Maxime Barkov (Universidad Nacional Autónoma de México) et Coralie Vincent (CNRS) proposent une réflexion intitulée « Intelligibilité, compréhensibilité, accent étranger et prononciation en FLE : évaluateurs natifs vs non natifs ». Cette contribution permet de confirmer plusieurs acceptions importantes pour la didactique des langues. L’accent étranger n’a pas de lien direct et causal avec des concepts comme l’intelligibilité ou la compréhensibilité. L’intelligibilité et la compréhensibilité sont meilleures dans le cas où des productions sont évaluées par des locuteurs ayant les mêmes activations croisées phonologiques (ici, le français et l’espagnol). Ces points conduisent à repenser les objectifs formatifs sur la prononciation et à prolonger la compréhension de ces mécanismes complexes.
Carlos Roberto Solorzano Membreno (Universidad Nacional Autónoma de Honduras) s’intéresse à un contexte particulier dans son article « Pour une didactique de la prononciation du français adaptée aux hispanophones : le cas des apprenants de français au Honduras ». En effet, partant d’une réflexion située et engagée depuis son terrain d’enseignement et de recherche, il tente de mieux comprendre en quoi le Honduras peut présenter ou non un terrain spécifique d’enseignement de la didactique du français par rapport à une vision homogénéisante de l’apprenant « hispanophone ». Si son approche exploratoire ne semble montrer que quelques spécificités, sa réflexion démontre la nécessité permanente d’ancrer la recherche entre le local et global afin de mieux répondre aux enjeux du terrain. Yin Yi (Université des langues et cultures de Beijing) et Jun-Kai Li (Université de Tianjin) proposent une réflexion intitulée « Enseignement de la prononciation du français en Chine : une analyse de manuels ». Cette réflexion crée un pont entre les centres de productions d’outils pédagogiques européens ancrés dans le CECRL et leurs équivalents produits par des auteurs ou autrices chinoises. L’étude de manuels est importante dans ce contexte puisqu’en Chine, ces derniers ont une place majeure dans l’enseignement des langues et dans la manière dont la langue est perçue. Les résultats montrent qu’il existe une différence de traitement de la compétence phonologique en fonction du
lieu de productions des manuels généralistes. La distance entre la norme pédagogique présente dans les manuels produits en Chine est d’autant plus grande par rapport à un manuel français de référence construit à partir de corpus.
« C’est comme un ornement » : discours autour de l’accent en FLE dans l’espace hispanophone » est l’occasion pour Karina Ibáñez et Grégory Miras (Université de Lorraine) de réfléchir au construit d’accent dans le monde hispanophone. Se positionnant dans un paradigme de sociophonétique, ils cherchent à mieux comprendre, dans une approche compréhensive par entretiens, la manière dont les personnes impliquées dans l’enseignement-apprentissage des langues peuvent construire leur rapport professionnel à ces façons de parler. La richesse des profils étudiés met en évidence la complexité des rapports que chacun ou chacune construit avec sa pluriphonie. L’entretien permet également l’expression de discours sur des formes de micro-agressions linguistiques ou de discrimination sur l’accent. Cette recherche exploratoire est une première étape vers un projet plus vaste sur la place de l’accent dans le monde professionnel.
Myriam Dupouy (Le Mans Université) apporte un regard agentif sur la construction des compétences des étudiants en didactique du FLE dans l’article « Mobiliser des récits littéraires d’apprentissage pour (re) penser les rapports aux accents des enseignant·es de FLE/S : le cas des ateliers de l’Entre-deux. » Elle traite, à travers une recherche intervention, de la manière dont un échange sur les idéologies autour de l’accent peut avoir une place dans la formation des futurs enseignants de langues. Elle s’appuie sur une double approche du récit littéraire d’apprentissage et du récit d’expériences pour conduire les individus sur un chemin réflexif sur ces questions. Elle démontre ainsi que les ateliers mis en place en formation ont permis un pas de côté qu’elle compte développer avec la création d’un dispositif permettant de travailler à partir de la réception.
Aleksandra Savenkova (Université Sorbonne Nouvelle) s’interroge sur « Comment enseigner la diversité des prononciations du français : des élèves apprenants roumains en classe de FLE face à des « accents » régionaux ». Pour atteindre cet objectif, elle a mis en place une étude dans des classes de FLE en Roumanie. Elle a notamment cherché à mesurer les représentations et les attitudes des apprenants et apprenantes face à des prononciations marquées par des « accents » régionaux. Cette approche expérimentale in situ souligne l’importance de la
prise en compte de ces attitudes lorsqu’il s’agit d’introduire de la variation en FLE. En effet, les données semblent montrer que les productions non-standards proposées n’impactent pas l’intelligibilité, mais que les auditeurs et auditrices ont réagi (acceptation ou refus) face à ces variations. Les résultats soutiennent l’idée de continuer à développer l’introduction de la variation du français dès les premiers niveaux.
L’article « Représentations et émotions dans la construction identitaire des apprenants de langue : focus sur l’apprentissage de la prononciation » de Laura Abou Haidar (Université Grenoble Alpes) se focalise sur une dimension importante en didactique de la prononciation : les émotions et l’identité. À travers une enquête en ligne par questionnaire, l’étude cherche à dresser une photographie de la manière dont l’identité vient au centre du travail de la prononciation quand il s’agit de penser le rôle des émotions. Transformer sa prononciation, c’est repenser son rapport aux autres, faire bouger le « soi » et faire face à l’émergence d’émotions fortes.
Si ce numéro de Recherche & Application n’a pas vocation à dire comment enseigner la prononciation, il laisse la place à une réflexion indisciplinaire qui questionne les frontières mêmes de ce qu’est prononcer. Les différents auteurs et autrices qui composent ce numéro mobilisent des outils différents pour venir interroger des certitudes sur la didactique de l’oral et de la prononciation.
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ABOU HAIDAR L. (Éd.). (2021), L’enseignement de la prononciation en classe de langue : Démarches et outils – 2. Norme, variation, pratiques de remédiation (Vol. Les Langues Modernes), Paris, Association des professeurs de langues vivantes, repéré à https://www.aplv-languesmodernes.org/spip. php?article8364
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a lexei P rikhodkine JéréMi sauvaGe
L’enseignement de la prononciation en FLE à l’ère du postmodernisme
a lexei
Sans doute vivons-nous à une époque intéressante1. Chaque fois que nous nous attelons à la définition de notre objet, nous avons le choix entre différents positionnements épistémologiques à travers les concepts qui leur sont étroitement associés. Qu’on décide de parler de « langue » ou de « répertoire », de « variation » ou de « diversité », de « structure » ou d’« agentivité », d’« accent » ou de « pluriphonie », nous ne conceptualisons pas notre objet de la même manière, tout en rendant compte des mêmes faits langagiers. Ce choix – et l’interprétation qui en résulte – n’est possible que lorsque différentes postures épistémologiques sont encore en concurrence, c’est-à-dire, lorsqu’il y a un changement, un laps de temps avant qu’une nouvelle posture ne s’impose et ne fasse passer ses fondements pour de l’évidence. C’est en effet par le changement que Corinne Weber (2022 p. 45), caractérise l’intérêt porté en didactique à l’oralité et, plus largement, à la diversité des usages langagiers. On constate ainsi un important renouvellement didactique, qui propose une approche « plurielle » du français et qui présente la diversité linguistique non plus comme un problème, mais comme une richesse (Galazzi & Paternostro, 2016). Cette approche s’accompagne de discours prônant, d’une part, une tolérance envers toute forme d’hétérogénéité linguistique (Molinari, 2008) et, d’autre part, une valorisation des différences culturelles (Galazzi, 2015 p. 70). Corollairement, la supériorité du locuteur natif et de la variété standard est remise en question. On est invité à défendre une pédagogie « plurinormée », en mettant à l’œuvre des « normes de comportements langagiers socialement variables » (Weber, 2016 p. 38), ce qui permettrait aux apprenants en français comme langue étrangère (FLE) d’être outillés « contre les fantômes idéologiques d’une normativité homogène et figée » (Weber, 2019 p. 9).
1. Je remercie Grégory Miras, coordinateur de ce numéro, et deux évaluateurs pour leurs commentaires avisés stimulant la réflexion.
2. C’est-à-dire, pour l’enseignement de la dimension phonéticophonologique de la langue.
Il est inutile ici de revenir sur les détails de ces discours en didactique, qui sont bien connus. Dans cet article, je vais plutôt essayer, dans un premier temps, de donner sens à ce changement pour démontrer qu’il ne s’agit notamment ni d’un « balancier idéologique entre normativité et anti-normativité » (Detey, 2023 p. 7) ni simplement d’un résultat de la « révolution technologique » (Weber, 2022, p. 43-45). Dans un second temps, je vais esquisser les conséquences de cette analyse pour l’enseignement de la prononciation2 en FLE.
ANALYSE PARADIGMATIQUE
3. Dans le texte original :
« о законченных в самих себе фундаментальных системах организации мысли, которые можно рассматривать и
сопоставлять друг с другом, абстрагируясь от стрелы
исторического времени, то есть синхронически. » (Dugin, 2020, p. 5).
4. C’est-à-dire, on n’oppose pas le sujet de la connaissance (la conscience humaine) et l’objet de la connaissance dans leur relation à l’être.
Pour rendre compte de ce changement, je propose de situer mon analyse à un niveau supérieur, celui des paradigmes. Analyser l’histoire de la pensée humaine en phases discrètes n’est pas un fait nouveau. Si, jadis, on opposait les temps modernes au monde de la tradition, aujourd’hui c’est la particularité du postmodernisme qu’il s’agit de déterminer par rapport au modernisme (par ex., Cameron, 2005 ; Baxter, 2016). Pour prévenir une compréhension diachronique et fragmentaire du changement paradigmatique, je propose de recourir à l’analyse d’Alexandre Dugin, qui comprend par paradigmes « des systèmes autonomes et fondamentaux d’organisation de la pensée qui peuvent être considérés et comparés les uns aux autres en faisant abstraction de la flèche du temps historique – c’est-à-dire de manière synchronique3 » (Dugin, 2020, p. 5), ce qui suppose qu’on peut postuler l’existence simultanée (et non pas successive) des positions intellectuelles se rangeant dans tel ou tel paradigme. Dans cette optique, le paradigme représente, en outre, une matrice qui, à la base, n’oppose pas l’ontologie à la gnoséologie4, ce qui permet de conceptualiser plusieurs constellations possibles lors des manifestations concrètes des paradigmes. De ce point de vue, il faut comprendre ces derniers comme des pré-systèmes, qui sont à l’origine, à l’état manifesté, de systèmes de croyances et de systèmes philosophiques. Enfin, et c’est un point tout aussi important que les précédents, si, dans une culture, un paradigme est bien installé (comme le moderne au 19e siècle en Europe occidentale), les croyances générées par ce dernier tendent à représenter des doxas non questionnables et ainsi naturalisées. Ce n’est que le changement de paradigme, le nouveau étant souvent basé sur le rejet de l’ancien, qui permet de porter un regard critique sur ce savoir doxique. Mais, parallèlement, c’est aussi un moment précieux qui laisse le temps de comprendre les fondements du nouveau
• n° 59 - Jeu(x) et langue(s) : avatars du ludique dans l’enseignement/ apprentissage des langues
coordonné par Haydée Silva et Mathieu Loiseau
• n° 60 - L’oral par tous les sens : de la phonétique corrective à la didactique de la parole coordonné par Laura Abou Haidar et Régine Llorca
• n° 61 - Recherches sur l’acquisition et l’enseignement des langues étrangères : nouvelles perspectives
Coordonné par Véronique Laurens et Daniel Véronique
• n° 62 - Agir éthique en didactique du FLE/FLS
Coordonné par Francine Cicurel et Valérie Spaëth
• n° 63 - Entrées historiques et diversité de l’enseignement du français dans l’espace russophone
Coordonné par Tatiana Zagryazkina
• n° 64 - Enseigner la Francophonie, enseigner les francophonies
Coordonné par Fatima Chnane-Davin, Fabienne Lallement, et Valérie Spaëth
• n° 65 - Lectures de la littérature et appropriation des langues et cultures
Coordonné par Chiara Bemporad et Thérèse Jeanneret
• n° 66 - La recherche en didactique du FLE/S : vers une connaissance globale stratégique
Coordonné par Philippe Blanchet et Patrick Chardenet
• n° 67 - Didactique du plurilinguisme et formation des enseignants : contextes, dispositifs et perspectives
Coordonné par Stéphanie Galligani et Monica Vlad
• n° 68 - Mobilités contemporaines et médiations didactiques
Coordonné par Muriel Molinié et Danièle Moore
• n° 69 - Langue et pratiques numériques : nouveaux repères, nouvelles littératies en didactique des langues
Coordonné par Sandrine Wachs et Corinne Weber
• n° 70 - Enseignements bilingues en Europe: questionnements et regards croisés
Coordonné par Marielle Causa, Florence Pellegrini et Sofia Strafilaki-Klein
• n° 71 - Le français au Maghreb et au Moyen-Orient. Contextes histoires, pratiques, recherches
Coordonné par Fatima Chnane-Davin et Abdelouahed Mabrour
• n° 72 - Hétérogénéité, différenciation et contextualisation en français langue étrangère et seconde
Coordonné par Catherine David et Amélie Leconte
• n° 73 - Lexique(s) et didactique du FLE : perspectives actuelles de recherche
Coordonné par Jana Altmanova, Jean-Marc Mangiante et Raffaele Spiezia
• n° 74 - Le bilinguisme scolaire en Afrique : tendances, enjeux et perspectives d’apprentissage.
Coordonné par Ousseynou Thiam, Jean-Aimé Pambou et Thierno Ly
• n° 75 - Agir professoral et changement. Eclairages dur l’évolution des pratiques enseignantes
coordonné par Estefania Dominguez, Véronique Laurens et Malory Leclère
• n° 76 - Quelles relations entre recherches et interventions en didactique du FLE ? coordonné par Nathalie Spanghero-Gaillard et Chantal Parpette