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Préface

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Recensions

Recensions

Plateformes de cours en ligne, utilisation de TBI ou TNI1, activités sur le Web, versions numériques pour tablettes ou smartphones des manuels classiques… Qu’on le veuille ou non, la « dictature des médias »2 s’est bien imposée dans le champ du FLE. Ses principaux acteurs l’ont d’ailleurs bien compris, et nul aujourd’hui n’envisage sérieusement un enseignement digne de ce nom qui n’intègre les médias, véhicules – et cela n’est pas le moindre – d’une image évidente de modernité. Utilisés dans les cours, ces outils contribuent aussi parallèlement au développement d’autoapprentissages qu’il convient d’accompagner. On peut aujourd’hui apprendre une langue par leur truchement, et cela s’ajoute à l’offre, plus classique, des institutions d’enseignement.

Certes, il convient aussi de rester lucide et ne pas prêter à ces outils toutes les vertus émancipatrices, comme le rappelle François Mangenot ou Marie-Josée Barbot ici même. Mais il faut bien avouer toutefois que ces nouvelles technologies possèdent des caractéristiques alléchantes, dans comme en dehors de la salle de classe. Les médias sont de plus en plus accessibles, disponibles et s’adaptent aux exigences des usagers. Séduisants, ils se proposent en palliatifs attractifs à ceux qui peinent – ou souffrent – à revenir dans des situations d’enseignement trop imprégnées des souvenirs de bancs d’école. Ils obligent à repenser la question des contraintes d’apprentissage, qu’elles soient temporelles ou spatiales.

Il n’est plus besoin de démontrer la rentabilité de l’apprentissage des langues étrangères, dans un contexte où les possibilités de rencontres – et de travail – avec des étrangers sont de plus en plus vraisemblables ; la communication et donc les langues sont des valeurs en hausse. L’impact des médias est indiscutable du point de vue de l’enseignement-apprentissage des langues et des cultures. La « proximité du lointain » que les nouvelles technologies génèrent permet une véritable confrontation des ego. Avec eux, les autres viennent à domicile et je peux m’y confronter par déplacements virtuels. Les cultures et les langues étrangères font constamment irruption dans notre quotidien, désormais médiatique. Il ne s’agit pas là d’un phénomène conjoncturel, tant les médias constituent un vecteur de bouleversement structurel dont les mutations culturelles s’ancrent dans le long terme. Ils accompagnent et participent aux changements dans les modes de vie et façons d’être, affectent nos représentations du monde et des autres, mais aussi nos façons d’apprendre et d’enseigner.

Les technologies d’information et de communication actuelles permettent que se croisent l’image, le son et le texte, sur des supports variés qui vont améliorer le domaine non-institutionnel de l’enseignement-apprentissage des langues. Leurs avantages sont nombreux, tels que l’autonomisation, la liberté de l’apprenant, l’individualisation de la progression, le choix des matériaux adaptés aux individus,

1 On trouve généralement les deux acronymes en usage, qui renvoient au même objet, id. « tableau blanc interactif » ou « tableau numérique interactif ». 2 Porcher L. Vers la dictature des média ? Hatier, 1976.

l’incitation permise à l’autoévaluation, etc. Ce sont eux aujourd’hui, qui, en raison de leurs caractéristiques (tantôt de masse mais aussi intimistes, adaptables, authentiques, attractifs et motivants, etc.), permettent de créer de vraies conditions de liberté pour les apprenants. On les retrouve donc logiquement et massivement dans des centres dits d’auto-apprentissage ou d’apprentissage semi-dirigé, cohabitant parfois même avec des structures classiques d’enseignement. Il ne s’agit pas, ou plus, d’un parcours solitaire de longue haleine, mais, en alternance avec des enseignements traditionnels, ils offrent des possibilités de parfaire, d’asseoir, de concrétiser une appréhension diffuse – ou encore de valider des compétences structurées –, pour des objectifs désormais fixés par l’apprenant lui-même, avec les outils et au rythme qui lui conviennent le mieux. Dans ces conditions, ce n’est pas un hasard si ces centres se multiplient, en dehors et au sein même des structures d’enseignement traditionnelles, et selon L. Porcher3, leurs compétences se définissent davantage – même s’ils ont encore du mal, pour certains, à digérer les produits multimédias d’apprentissages –, comme suit :

• ils devront être capables d’aider l’apprenant à identifier ses besoins (objectifs et ressentis), en fonction de ses caractéristiques ; • ils devront pouvoir lui fournir des outils d’autoévaluation, mais aussi l’évaluer ; • ils devront être en mesure de négocier plutôt que d’imposer (les objectifs et les moyens de les atteindre), et d’assurer, tout au long du parcours, un suivi de la démarche d’apprentissage.

Compétence en voie de banalisation certes rapide, la maîtrise des technologies de communication et d’information ne va pas encore de soi, et les moyens (d’équipement) ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux.

Si l’enseignement du français comme langue étrangère a su tirer profit des potentialités qu’offrent ces technologies de l’information et de la communication, peut-être davantage que celui des langues étrangères en contexte scolaire, c’est sans doute en raison de son assujettissement aux lois de l’offre et de la demande qui caractérisent le marché dans lequel il s’inscrit. Que l’on songe aux méthodologies audiovisuelles – avec l’usage conjoint du projecteur (image) et du magnétophone (son) –, aux supports multimédias dans les méthodes communicatives, ou encore aux usages actuels d’Internet dans une perspective dite « actionnelle », le FLE s’est toujours efforcé d’intégrer les technologies dans les pratiques d’enseignementapprentissage, même si les expériences n’ont pas toutes été concluantes, les espérances pas toujours satisfaites, et la technologie pas obligatoirement en adéquation avec les enjeux et les espoirs que les didacticiens du champ ont pu nourrir à leur sujet.

Au-delà des discours technocentrés, quels contextes et dispositifs d’utilisation des TIC apportent une véritable plus-value aux apprentissages ? Bien intégrées, les technologies

modifient-elles profondément les manières dont s’enseignent et s’apprennent les langues étrangères ? Quelles sont les conditions pouvant susciter l’adhésion des acteurs, sachant que l’intégration des technologies est toujours un processus relativement chronophage ? Où en est-on, enfin, du point de vue de la recherche comme des pratiques ? Toutes ces questions, ces interrogations, auront constitué, pour notre association, le fil conducteur de son année de réflexion, initiée par une table ronde au Salon Expolangues en février 2013 et dont les temps forts auront été les rencontres du mois de mars 2013 à l’Alliance française de Paris Ile de France et celles d’octobre 2013 qui se sont déroulées à l’Université Stendhal, Grenoble 3.

Trois axes auront ainsi été privilégiés : • celui de l’intégration des TIC par les apprenants et les enseignants (celle-ci engendre-t-elle de nouvelles pratiques éducatives en matière de compréhension, production et interaction, à l’écrit ou à l’oral ?) ; • celui de la formation de formateurs (la maîtrise des TIC est-elle une compétence essentielle pour l’enseignant de français langue étrangère et seconde ? Comment les formateurs réagissent-ils vis-à-vis de ces technologies, comment les intègrent-elles dans leurs formations ?) ; • celui, enfin, de l’aspect méthodologique (quels changements les TIC induisentelles dans l’ingénierie des cours de langues ? Quels nouveaux dispositifs de formation permettent-elles de mettre en œuvre, en offrant plus de souplesse sur les plans temporel et spatial ?).

Par leurs contributions respectives, dans chacun des axes de réflexion proposés, les intervenants de nos rencontres auront permis d’apporter un regard particulier et actuel sur ces interrogations légitimes ; qu’ils en soient remerciés.

Fabrice Barthélémy

Vice-président de l’Asdifle

Lucile Cadet

Présidente de l’Asdifle

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