C’est le début de l’automne 1830.Je suis en Espagne,où je fais des recherches archéologiques pour un livre que je vais écrire.Là,il m’arrive une histoire extraordinaire que je veux absolument vous raconter.
Peu après mon arrivée,je quitte Cordoue avec un guide et deux chevaux pour mon expédition archéologique.
Quelques jours plus tard,alors que,fatigués et assoiffés * , nous avançons dans la plaine * de Cachena,je découvre un chemin qui nous conduit à un endroit où nous trouvons de l’ombre et une source*.Près d’elle,un homme dort,couché dans l’herbe fine.
À notre arrivée,il se lève rapidement.Il n’est pas très grand. Sa peau est plus noire que ses cheveux et il a un regard fier*. Il tient son espingole* d’une main et son cheval de l’autre.Il semble nerveux.Je le salue mais il ne me répond pas.Mon guide,lui,semble avoir très peur de lui.«Mauvaise rencontre»,me dis-je,mais je préfère ne pas montrer mon inquiétude.C’est certainement un voyageur,comme moi.Je vais boire à la source,puis je me dirige vers l’inconnu pour lui demander s’il a un briquet*.Il me répond que oui.
Voulez-vous un cigare de LaHavane?
Ah,merci.Il y a longtemps que je n’ai pas fumé!
L’ombre et la source sont si agréables que je décide de déjeuner là.J’offre à l’inconnu l’excellent jambon que j’ai emporté, puis nous fumons un autre cigare.
– Où est-ce que vous allez dormir cette nuit? me demande-til.
– À la venta1 del Cuervo.
C’est un endroit dangereux,je vous accompagne si vous acceptez.
– Volontiers.
Sur le chemin,Antonio,mon guide,me fait continuellement des signes mystérieux et cherche à me dire quelque chose. Nous arrivons finalement à la venta .Elle est sale et misérable.La vieille propriétaire s’écrie en voyant mon compagnon de route:
– Don José!
Il lui demande de se taire d’un geste* autoritaire.
Après le dîner,Antonio,mon guide,veut m’emmener dehors.Je comprends qu’il désire me parler.Je lui réponds que j’ai sommeil et je vais me coucher.
Un peu plus tard,don José s’approche et me demande l’autorisation de passer la nuit à côté de moi.
Il s’installe,met son espingole sous son sac qui lui sert d’oreiller et s’endort.
Comme,au bout d’une heure,je n’arrive pas à dormir,je décide de passer le reste de la nuit dehors.Je me couche sur un banc,près de la porte.Je suis sur le point de m’endormir quand,soudain,je vois passer devant moi l’ombre d’un homme et d’un cheval.Je me lève et je reconnais immédiatement mon guide Antonio.
Pourquoi?
Où est-ce que vous emmenez ce cheval?
Parlez moins fort, s’il vous plaît!
Cet homme,à l’intérieur, c’est José Navarro,le plus grand bandit d’Andalousie.
Quelle importance! Il ne nous a pas volés.
– Oui,mais la personne qui le donnera aux gardes* gagnera deux cents ducats1.Alors,je pars immédiatement.
– Restez ici!
– Je suis pauvre,monsieur,et deux cents ducats,c’est beaucoup,répond-il.
Puis il disparaît dans la nuit avec son cheval.
J’hésite quelques instants,puis je décide finalement de réveiller don José,qui dort encore,et de tout lui raconter.
Merci.Je regrette de ne pas pouvoir vous payer ma dette* mais je dois partir tout de suite. Adieu!
Il me serre la main puis j’entends son cheval galoper* dans la campagne.
Est-ce que j’ai fait le bon choix? Voilà la question que je me pose quand les gardes arrivent pour arrêter* don José.Mais quand ils m’interrogent,je ne donne pas l’heure exacte de son départ.
Quelques jours plus tard,je retrouve mon guide à Cordoue.
Il est fâché et pense que c’est à cause de moi qu’il a perdu la récompense*.Je décide alors de lui donner tout l’argent que je peux.
L’histoire se déroule en Espagne, au XIXe siècle. Don José, simple soldat, fait la rencontre d’une belle gitane appelée Carmen. Cette femme, grande séductrice, bouleverse sa vie et change son destin. Dans cette nouvelle, Prosper Mérimée nous plonge dans un monde de passion qui peut mener jusqu’à la mort.