L'architecture scolaire dans les zones périurbaines et rurales

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L’architecture scolaire périurbaine et rurale Décalage entre les évolutions pédagogiques et la pérennité du bâti

Figure 1 Bouchain Patrick, Croquis de l'école du Haut-Bois

Marie Segonne Sous la direction de Stéphane Hanrot TPER - AVT 2015-2016


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RESUME

Ce travail porte sur le décalage existant entre les évolutions pédagogiques et la pérennité du bâti. Nous proposons d’identifier les différents éléments influençant l’architecture scolaire et d’analyser leurs conséquences sur l’espace. Afin de définir des dispositifs reproductibles permettant d’anticiper et de recevoir les évolutions pédagogiques et liées au contexte, nous réaliserons une analyse comparative entre une école conçue pour évoluer aux grès des besoins et une autre à priori non flexible. Les terrains d’études choisis, l’école du Haut Bois de Patrick Bouchain et l’école de Peipin dans les Alpes de Haute Provence, sont situés dans des zones périurbaines et rurales et ont toutes deux connu plusieurs phases de travaux. Ce qui nous permettra d’évaluer l’effectivité des dispositifs mis en place lors de la conception. Nous interrogerons également la prise en compte des usagers dans les processus de conception et de transformation des écoles afin d’évaluer le rôle qu’ils peuvent jouer dans l’adaptation des établissements scolaires. MOTS CLES

Architecture scolaire, Pédagogie, Flexibilité, Co-conception, Laboratoire Tactile

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REMERCIEMENTS

Je souhaite remercier toutes les personnes qui m‘ont accompagnée et permis de réaliser ce mémoire :

Stéphane Hanrot et Marion Serre pour m’avoir suivie et orientée dans ce travail. Gabriele Salvia pour ses attentions et conseils avisés. Manon Hanrot, sans qui les ateliers ne pourraient avoir lieu, pour sa confiance, son enthousiasme et son implication. Emmanuelle Pons, Julien Cyrile Abie et Romain Rondet pour m’avoir accompagné dans cette expérience Florence Sarano pour ses conseils et suggestions éclairées. Pierre Grall, Mireille Montagné et les autres personnes ayant pris de leur temps pour répondre à mes sollicitations. Ainsi que les enfants de CE1 CE2 de l’école primaire de Peipin pour leur enthousiasme et leur créativité.

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Sommaire Introduction .............................................................................................................................. 9 1. L’école élémentaire face aux changements pédagogiques et aux évolutions contextuelles ........................................................................................................................... 12 1.1.

Quand les changements pédagogiques orientent la conception architecturale ........ 12

1.1.1.

Parallèle historique entre évolutions pédagogiques et évolutions spatiales ..... 12

1.1.3.

La montée en puissance des TICE : Réflexions sur l’école de demain............ 14

1.1.2. 1.2.

La mise en place des TAP : Quels effets, quelles solutions ? .......................... 13

Evolutions contextuelles : Contrainte ou ressource ? .............................................. 17

1.2.1.

Comment recevoir les variations démographiques ?........................................ 17

1.2.3.

Le contexte, une ressource pour l’école ........................................................... 20

1.2.2. 1.3.

L’école, un espace ressource ............................................................................ 19

Impact des politiques de construction scolaire sur la conception des écoles ........... 23

1.3.1.

La construction scolaire sous l’autorité de l’académie .................................... 23

1.3.3.

L’intérêt d’une rencontre entre l’Etat et les Collectivités ................................ 25

1.3.2.

Les conséquences de la décentralisation .......................................................... 24

2. Repenser la conception des écoles au regard des évolutions pédagogiques, sociales et politiques............................................................................................................... 27 2.1.

Flexibilité : dispositifs et limites .............................................................................. 27

2.1.1.

La notion de flexibilité en architecture ............................................................ 27

2.1.3.

1.3 De la conception à l’usage ......................................................................... 29

2.1.2. 2.2.

Savoir-faire savoir-dire, participation des usagers à la construction et la transformation des écoles ......................................................................................... 32

2.2.1.

La subversion des lieux : processus d’appropriation ....................................... 32

2.2.3.

L’école comme objet d’étude : construire une culture architecturale .............. 33

2.2.2. 3.

1.2 Distinction entre éphémère et pérenne ....................................................... 28

3.1.

Co-conception : prise en compte des usagers dans la construction des écoles 33

Le laboratoire tactile : un outil de transformation des écoles ? ............................... 36

Objectifs et mise en place des ateliers pédagogiques .............................................. 36

3.1.1.

Des intérêts croisés : enfants, enseignant et étudiants ...................................... 36

3.1.3.

Les ateliers projetés à l’école de Peipin ........................................................... 38

3.1.2. 3.2.

Du « tatilismo » à la transformation de l’espace .............................................. 37

Les enseignements du laboratoire tactile : apports et limites................................... 42 5


3.2.1.

Un apprentissage partagé .................................................................................. 42

3.2.3.

Une intervention sur l’espace soumise à condition .......................................... 48

3.2.2. 4.

4.1. 4.2. 4.3. 4.4. 4.5.

L’introduction d’une nouvelle pratique pédagogique dans l’espace ................ 44

Eclairage sur la conception des écoles à l’attention des différents acteurs .............. 51

Concevoir ensemble usages pédagogie et espace..................................................... 51

Echanger avec son environnement ........................................................................... 52

Recevoir les évolutions pédagogiques, sociales et politiques .................................. 53 Introduire l’architecture dans les réflexions de l’école ............................................ 54

Imaginer des ateliers en relation avec l’espace scolaire ........................................... 54

Conclusion .............................................................................................................................. 57

Notice Bibliographique .......................................................................................................... 60 Liste des figures ...................................................................................................................... 66

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Glossaire CAUE

Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’Environnement

ENSAM

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture

PEB

Programmes on Educational Building

CCTCT OCDE

Centre de Conseil Technique aux Collectivités Territoriales Organisation de Coopération et de Développement Economique

TAP

Temps d’Activité Périscolaire

TICE

Technologie de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement

TIC

Technologie de l’Information et de la Communication

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Introduction « Les pratiques pédagogiques et éducatives évolueront toujours plus vite que les murs »1

Les différentes formes d’éducation et de pédagogie mises en place aux cours du temps s’accompagnent généralement d’organisations spatiales qui leur sont propres. Ce constat permet de mettre en évidence un contraste entre l’évolution des pratiques pédagogiques et la pérennité des établissements scolaires. Il apparait alors l’intérêt de s’interroger sur le devenir de ces bâtiments lorsque la pédagogie évolue. L’école élémentaire est l’établissement scolaire par lequel tous les enfants doivent passer, en suivant une filière générale, accessible à tous, à l’inverse des collèges et lycées comportant des filières spécifiques. De plus, à l’école élémentaire, les enfants bénéficient d’une relation privilégiée avec les enseignants et les salles de classe. En effet, chaque enseignant a des élèves qu’il suit à l’année dans toutes les disciplines et une salle de classe attribuée. Les enfants ont donc un seul professeur et une seule classe par année. Ce « trinôme » est très important pour Loris Malaguzzi, qui considère l’environnement (l’espace d’apprentissage) comme le troisième professeur, après les adultes (parents et enseignants) et leurs pairs. L’école élémentaire est donc un terrain propice pour étudier les relations entre espace et pédagogie. Elle a d’ailleurs fait récemment l’objet d’une réforme, un décret relatif à l’organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires a été publié en janvier 2013.

Si l’évolution des pratiques pédagogiques constitue un facteur inhérent à l’école, d’autres, extérieurs à l’établissement, peuvent également l’affecter. L’introduction de nouveaux usages dans l’école en est un exemple. Ces facteurs sont d’autant plus influents dans les zones périurbaines et rurales, car ce sont des tissus en mutation, souvent soumis à des pressions urbaines importantes. Dans ce contexte, la population infantile varie fréquemment et l’accès aux équipements ainsi que leur extension ou construction pose question. L’histoire de l’architecture scolaire révèle, parallèlement à la création de nouveaux modèles pédagogiques, la construction de nouveaux espaces associés2. Par exemple, les grands pédagogues de l’éducation nouvelle proposent ou adaptent des espaces appropriés à leurs projets éducatifs. Ainsi Maria Montessori conçoit un dispositif matériel et spatial invitant les enfants à l’action alors que Célestin Freinet change l’organisation de la salle de classe afin de libérer la parole des élèves 3 . Si les méthodes pédagogiques orientent la conception architecturale, qu’advient-il des établissements déjà construits, lorsque les méthodes pédagogiques évoluent ? Nous émettons l’hypothèse que l’espace architectural pourrait conditionner la pédagogie développée par les enseignants. En effet, selon Marie

Derouet-Besson M-C, 2008, La revue de l’inspection générale : Construire pour enseigner,Paris ed. Inspection générale, p1 Simone FOSTER, « L’évolution des pédagogies nécessite de l’espace, beaucoup d’espace », Bulletin CIIP, 2004, no 15, p. 15-17. 2 L’architecture scolaire: essai d’historiographie internationale, Paris, Service d’Histoire de l’Éducation, INRP, 2005. 3 Normand ROMUALD, « L’utilisation de l’espace par les pédagogues : quelques exemples », Paris, Fédération nationale des CAUE, 1999, vol. 2. 1

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Claude Derouet Besson, en réaction au manque de pertinence du bâti, on assisterait à une compensation par « le bricolage matériel, les changements d’attribution des locaux ou plus souvent par l’infléchissement des pratiques»1 .

Dans certains contextes, plus particulièrement dans les zones périurbaines et rurales, on observe une certaine porosité entre l’établissement scolaire et son environnement. Par exemple, l'école dans la communauté bédouine d'Um Al-Nasser, située dans la bande de Gaza, construite par l'agence ARCo sert à la fois de bibliothèque et de lieu de rassemblement pour la population. De même, l'école flottante de Makoko devient, hors des temps scolaires, une place publique aux activités variées. Nous avons pour hypothèse que l’introduction de ces nouveaux usages, au sein même de l’école, influencerait à la fois l’espace architectural et la pédagogie développée.

Dans le prolongement de cette réflexion, il existerait des dispositifs qui permettraient d’éviter les contraintes plausibles des premières hypothèses, d’anticiper les évolutions pédagogiques futures et de participer à la découverte, par l’enfant, de l’architecture et de l’espace. En effet, si les méthodes pédagogiques changent, c’est en partie parce que les disciplines elles-mêmes évoluent et ne se transmettent plus de la même façon. Les interactions qu’elles entretiennent les unes avec les autres se transforment. Comme le note Marie Claude Derouet Besson, « La transversalité du champ de l’architecture et de l’urbanisme par rapport aux disciplines scolaires peut nourrir cette porosité davantage souhaitée entre les savoirs sociaux et ceux de l’École »2 . Afin de tester nos hypothèses, nous avons réalisé une analyse comparative entre deux terrains d’études en France dans des zones périurbaines et rurales tout en nous appuyant sur un état de l’art fondé sur la question des espaces de l’apprentissage. Le premier terrain d’étude, l’école du Haut-Bois de Patrick Bouchain à Saint Jaques de la Lande, est située dans une petite agglomération pavillonnaire proche de Rennes. Dans ce contexte en mutation, l’école s’est construite en réaction à une augmentation démographique, provoquant un pic de population infantile. Sa construction, étalée dans le temps, témoigne de sa capacité à évoluer au gré des besoins. Comme nous le verrons par la suite, l’école a la possibilité de se développer en fonction de la démographie, de s’adapter à la pédagogie en faisant évoluer l’espace de travail et d’accueillir dans le futur de nouvelles fonctions : maison, atelier, centre d’animation etc 3 . Elle serait donc adaptable aux évolutions pédagogiques et contextuelles et son étude nous permettrait d’identifier un certain nombre de dispositifs à mettre en œuvre pour anticiper les changements évoqués précédemment. Le second terrain d’étude est l’école primaire de Peipin, proche de Sisteron, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Ce bâtiment constitue un exemple du décalage qu’il existe entre les évolutions pédagogiques et la pérennité du bâti. En effet, l’école a connu plusieurs phases de construction et plusieurs réformes. Elle présente aujourd’hui bricolages matériels et changements d’affectation des locaux dont nous avons parlé précédemment. Ainsi, cet Marie-Claude DEROUET-BESSON, « L’apport de l’Ecole à la construction d’une culture architecturale en France », La revue de l’inspection générale, 2005, no 02, p. 4-19. 2 Ibid. p16 3 Christophe CATSAROS, « Une école Foraine », Tracés : bulletin technique de la Suisse romande, 2011, no 21, p. 7-10. 1

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établissement permettrait d’observer comment une école, déjà construite et à priori sans anticipation des évolutions pédagogiques futures, s’adapte ou non aux éléments de ruptures évoqués plus haut.

Nous avons mené des entretiens semi-directifs avec le directeur du service éducation de la mairie de Saint Jacques de la Lande et la directrice de l’école de Peipin. Pour le second terrain d’étude, ce travail a été complété par des questionnaires adressés aux enseignants et, suivant la méthode de Jean Paul Thibaud, des parcours commentés 1 . Nous sommes également intervenus auprès de la classe de CE1/CE2, par la mise en place d’ateliers avec l’association « Graines d’archi ». Il s’agit d’une association créée en 2014 à l’école d’architecture de Marseille, pour la diffusion de l’architecture et l’ouverture culturelle. Cette intervention avait pour objectif de tester un dispositif participant à la découverte de l’espace par les enfants ainsi que les possibilités de transformation d’une école non flexible à l’origine.

Nous proposons, dans un premier temps, une analyse des facteurs influants sur l’architecture scolaire afin de mieux saisir leur impact sur l’espace. Nous étudierons ensuite différentes possibilités d’anticiper et de s’adapter aux conséquences de leurs évolutions. Ce qui nous conduira à proposer un nouveau dispositif permettant d’impliquer les usagers dans la transformation de leur école. Enfin, ce travail nous permettra de dégager un certain nombre d’enjeux et de propositions concernant la construction et l’adaptation des établissements scolaires.

Michèle GROSJEAN, Jean-Paul THIBAUD et Pascal AMPHOUX (dir.), L’espace urbain en méthodes, Marseille, Parenthèses, 2001, p. 79-100. 1

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1. L’école élémentaire face aux changements pédagogiques et aux évolutions contextuelles Dans ce chapitre, nous aborderons les différents facteurs influant sur les écoles élémentaires ainsi que leurs répercussions sur l’espace. Ces facteurs qu’ils soient intrinsèques, liés à la pédagogie, ou extrinsèques, liés au contexte ou aux politiques de construction, seront abordés à la fois par une approche historique, des réflexions actuelles et des perspectives futures. 1.1. Quand les changements pédagogiques orientent la conception architecturale 1.1.1. Parallèle historique entre évolutions pédagogiques et évolutions spatiales

Selon Anne-Marie Chatelêt, l’histoire de l’architecture scolaire n’est pas seulement une branche de l’architecture, elle intéresse également pédagogues, historiens de l’art et de l’éducation, psychologues … Elle montre effectivement que l’étude de l’architecture des écoles ne peut être dissociée des pédagogies qu’elles abritent. Au début du XIVemesiècle et jusqu’à la Troisième République, trois modes d’enseignement coexistent : l’enseignement individuel, l’enseignement simultané et l’enseignement mutuel. Dans l’enseignement individuel, un maitre peut avoir plusieurs élèves qu’il reçoit individuellement. Il échange donc avec un seul enfant à la fois. L’enseignement simultané est l’enseignement le plus répandu de nos jours. L’enseignant s’adresse à l’ensemble de ces élèves en même temps, au travers d’un cours magistral. Enfin l’enseignement mutuel regroupe un très grand nombre d’écoliers, allant jusqu’à plusieurs centaines. Le maître délègue une partie du travail aux meilleurs élèves qui répètent son enseignement aux autres. A chacun de ces modes d’enseignement, correspond des dispositifs spatiaux différents. L’enseignement individuel à lieu chez le maître. L’enseignement simultané a donné naissance à la salle de classe que nous connaissons aujourd’hui. L’école est alors composée de plusieurs classes, une pour chaque groupe enseignant-élèves. Enfin, l’enseignement mutuel est dispensé dans une grande halle, permettant d’accueillir l’ensemble des écoliers. Ainsi, comme le souligne Marie-Claude Derouet-Besson : A chacune de ces procédures pédagogiques correspondent une définition politique de l’enseignement, un traitement de la personne de l’élève, des rapports entre le maître et l’élève. Les lieux qui sont utilisés puis créés pour ces formes d’enseignement diffèrent aussi.1

Au cours de la Troisième République, l’enseignement devient gratuit (1881), obligatoire (1882) puis laïque (1886) 2 . L’enseignement simultané va progressivement prendre le dessus, notamment avec le développement de la pédagogie de Jules Ferry. L’école est alors associée à la toute puissance de l’Etat et incarne à la fois l’ordre et la discipline. Il en résulte une architecture austère, marquée dans l’espace public par un fronton, des entrées M.-C. DEROUET-BESSON, « L’apport de l’Ecole à la construction d’une culture architecturale en France », op. cit.p8 2 François DONTENWILLE, « Histoire et pilotage des constructions scolaires », La revue de l’inspection générale, 2005, no 02, p. 28-41. 1

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filles et garçons séparées et des salles de classe où estrades et pupitres affirment la hiérarchie entre l’enseignant et ses élèves. Dans les années soixante, la mixité se répand dans toute la France et l’on accorde une place plus importante à la personnalité de l’enfant et à l’apprentissage par l’expérimentation. Les estrades disparaissent et l’organisation de l’espace est alors plus souple et permet à la fois le travail individuel et le travail de groupe1.

Au travers de ces différents exemples, nous pouvons constater que pour chaque pédagogie ou mode d’enseignement, un espace propre est associé. On note également que ces espaces se différencient soit par des dispositifs architecturaux (dimensions des salles, fronton, entrées séparées …) soit par leur aménagement et le mobilier qu’ils possèdent (estrades, bureaux fixes ou mobiles …). 1.1.2. La mise en place des TAP : Quels effets, quelles solutions ?

Aujourd’hui encore, les changements pédagogiques se poursuivent. En effet, en 2013, les écoles primaires et élémentaires ont fait l’objet d’une réforme des rythmes scolaire à l’école qui a entrainé la mise en place des TAP : Temps d’Activité Périscolaire. Le périscolaire correspond aux services proposés aux enfants scolarisés dans les heures qui précèdent et suivent les cours. Cela comprend la garderie matin et soir, la cantine, les activités aménagées pendant la pause repas et désormais les TAP. L’enseignement dispensé par l’instituteur est, maintenant, concentré dans un temps plus court, afin de conserver toute l’attention des élèves. Le reste du temps est consacré à la découverte de nouvelles activités, facultatives, animées par des intervenants extérieurs. Ces activités peuvent soit être réparties dans la semaine à raison d’une heure par jour, comme c’est le cas à l’école du Haut Bois, soit rassemblées sur un après-midi, comme à l’école de Peipin. La cohabitation de l’enseignement et des activités périscolaires soulève la question de la capacité de l’école à accueillir de nouveaux usages. Selon le directeur du service éducation de la mairie de Saint Jacques de la Lande, la mise en place des TAP pose un vrai problème, de façon générale, lié à l’espace et à la capacité d’accueil des écoles : C'est-à-dire qu’on se met à faire fonctionner une nouvelle activité, et que, quand les écoles sont déjà un peu au bout de leur possibilité d’accueil, il faut forcément, au bout d’un moment, aller dans les classes des enseignants, dans les salles d’activités etc.2

Si l’on prend par exemple l’école de Peipin, en fonction du nombre d’écoliers inscrits3, les TAP se déroulent dans la salle polyvalente et dans les classes destinées aux enseignants. La cohabitation dans un même lieu pose des problèmes à la fois d’ordre matériel et d’usage. S. FOSTER, « L’évolution des pédagogies nécessite de l’espace, beaucoup d’espace », op. cit. Cf Entretien avec Monsieur G, directeur du service éducation de la mairie de Saint Jacques de la Lande, le 16.12.2015 3 Cette année les TAP ont lieu le vendredi après-midi et comptent seulement une trentaine d’enfants inscrits contre environ cent trente enfants l’année précédente lorsque les TAP avaient lieu le jeudi. 1 2

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Ainsi, lorsque la salle est occupée par d’autres activités il faut la remettre en l’état à chaque fois, il n’est donc pas possible de laisser un travail en cours. De plus, lors de la mise en place des TAP, certaines négligences sur le matériel scolaire ont était relevées. Emploi du temps, règles, travaux des enfants, etc. affichés aux murs, étaient crayonnés et certaines affaires, laissées dans les casiers par leurs propriétaires, disparaissaient. Cette année, les TAP ont lieu seulement dans la salle polyvalente, dans une salle réservée au périscolaire et dans une salle de maternelle. Ainsi les problèmes évoqués précédemment sont en partie résolus. La mise en place des TAP semble donc interroger la capacité d’accueil des établissements scolaires et surtout, révéler un manque d’espace récurant. Selon Simone Foster, ce problème, soulevé ici par les TAP, est caractéristique des évolutions pédagogiques en général 1 . Ainsi les pratiques pédagogiques actuelles, basées sur l’expérimentation et le travail de groupe, exigent 40% de surfaces supplémentaires par rapport aux salles de classe traditionnelles2. Ce manque de place se traduit par l’usage ou la demande, de la part des professeurs, d’espaces supplémentaires, visibles depuis leur salle de classe.

En effet, à l’école de Peipin, l’une des enseignantes utilise la salle voisine, normalement réservée au périscolaire, pour agrandir l’espace de sa classe. La porte qui relie les deux pièces, lui permet de diviser le groupe en deux, tout en gardant un œil sur chaque élève. A la demande des enseignants, un dispositif similaire a été mis en place à l’école du HautBois. Les salles de classes sont reliées deux à deux par un atelier d’environ quarante mètres carrés. Grâce aux baies vitrées séparant les salles de classes de l’atelier, les enfants se sentent plus autonomes tout en étant surveillé. 1.1.3. La montée en puissance des TICE : Réflexions sur l’école de demain

Si les réformes ont un impact évident sur les écoles, d’autres facteurs, indépendants de l’éducation nationale, bouleversent également les pratiques pédagogiques. En effet, l’introduction des outils numériques dans l’enseignement, les TICE (Technologie de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement) et leur développement dépend en grande partie de l’industrie numérique et de son évolution, rapide et imprévisible. Ces nouvelles technologies bouleversent déjà l’enseignement et feront probablement évoluer l’école de demain. Aujourd’hui, emploi du temps, cahier de texte, relevé de note ainsi que certaines ressources documentaires et éléments de cours sont en ligne, on commence d’ailleurs à parler de cartable numérique 3 . Les écoles se dotent progressivement de tableaux numériques et postes informatiques. Se pose alors la question de l’équipement, en informatique et en réseau, des écoles n’ayant pas été conçues dans cette perspective.4

S. FOSTER, « L’évolution des pédagogies nécessite de l’espace, beaucoup d’espace », op. cit. Ibid. 3 Le cartable numérique ou la pédagogie 2.0, http://blog.econocom.com/blog/le-cartable-numerique-ou-lapedagogie-2-0/, consulté le 21 octobre 2015. 4 François CHUNG, « Vers des espaces de travail numériques pour l’enseignement en France », PEB échanges ; la revue du programme de l’OCDE pour la construction et l’équipement de l’éducation, 2003, no 49, p. 13. 1 2

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En effet, certain problèmes d’ordres pratiques, tel que le stockage et la sécurisation du matériel de valeur ou encore la recharge électrique, apparaissent. De plus les ordinateurs et autres équipements produisent beaucoup de bruit et de chaleur, les ambiances sonores et thermiques doivent donc être prises en compte. Mais surtout, les conditions de confort, visà-vis de la lumière, sont différentes à la lecture d’un écran ou d’une feuille de papier. Lors des parcours commentés réalisés à l’école de Peipin, nous avons noté un certain inconfort lié à la lumière. En effet, les salles de classes, orientées sud-est et sud-ouest, ne sont pas suffisamment sombres pour permettre l’utilisation d’un rétroprojecteur. Par ailleurs, l’école est équipée d’un tableau numérique, placé dans la salle polyvalente. Mais, étrangement, il est positionné à côté de la fenêtre, alors que la bibliothèque, dans la même pièce, se trouve du côté du couloir, et donc dans une zone plus sombre.

Au-delà de ces problèmes techniques, comme le souligne Nicolas Chung, « l’introduction des TIC remet progressivement en cause la relation pédagogique traditionnelle déterminée […] par des unités de lieu (la salle de classe), de temps (le créneau d’emploi du temps) et d’action (le cours) » 1 La numérisation progressive de l’environnement de travail et sa diffusion sur le net, le rend accessible partout, y compris hors de l’école et des temps scolaires. Ainsi, l’introduction des TICE a deux conséquences : l’autonomie et l’individualisation de l’apprentissage. En effet les élèves ont la possibilité d’acquérir de nouvelles connaissances de façon autonome 2 . Par ailleurs, les outils numériques sont adaptés aux travaux en petits groupes et s’accompagnent souvent d’un suivi plus personnalisé de certains élèves. Par exemple en ce qui concerne l’utilisation des ordinateurs, l’une des maitresses interrogées à l’école de Peipin, a pour habitude de diviser sa classe en trois groupes de travail. Le premier, plus particulièrement suivi par l’enseignante, travaille sur divers projets, pendant que les autres, plus autonomes, utilisent des jeux pédagogiques ou des logiciels de base. Comme le souligne François Louis, au nom de l’Organisation de Coordination et de Développement Economique, il est donc important de concevoir des espaces modulables et adaptables, afin de faciliter le travail en petit groupe ainsi que le tutorat plus personnalisé et inciter les enseignants à travailler en équipe3. Les TICE ont donc une double influence sur l’espace, d’un point de vue technique d’une part et en réponse aux nouvelles pratiques pédagogiques d’autre part.

Ibid. Jean AMBASSA, « Apprentissage coopératif virtuel: une recherche-action sur la productivité du groupe virtuel »université du Québec, Montréal, 2005. 3 François LOUIS, « L’école intelligente », PEB échanges ; la revue du programme de l’OCDE pour la construction et l’équipement de l’éducation, 2001, no 44, p. 16-19. 1 2

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Conclusion :     

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La différenciation de l’espace en fonction de la pédagogie adoptée se traduit à deux niveaux : les dispositifs architecturaux et l’aménagement de l’espace. Les évolutions pédagogiques et l’introduction de nouvelles activités nécessitent de plus grandes surfaces. L’ajout d’un espace visible depuis la salle de classe constitue un élément de réponse au manque de place tout en offrant une certaine autonomie aux enfants. Les TICE nécessitent de porter une attention particulière aux infrastructures en termes d’équipement et d’ambiance thermique, sonore et lumineuse. La composition de groupe de travail de tailles différentes révèle la nécessité de concevoir des espaces modulables et adaptables.


1.2. Evolutions contextuelles : Contrainte ou ressource ?

Les facteurs évoqués précédemment, qu’ils dépendent de l’éducation nationale ou d’éléments extérieurs, sont d’ordre pédagogique. D’autres éléments, liés au contexte et indépendants de la pédagogie, peuvent également avoir une influence sur l’espace. 1.2.1. Comment recevoir les variations démographiques ?

Les zones périurbaines et rurales sont soumises à de fortes pressions urbaines et donc la variation du nombre d’enfants scolarisés y est fréquente. Ainsi, comme en témoigne le directeur du service éducation de la mairie de Saint Jacques de la Lande : Ce qui est particulièrement difficile pour un service scolaire c’est d’établir une prévision scolaire au-delà de trois ans. Il y a beaucoup trop de facteurs qui rentrent en jeux selon les stratégies des habitants : j’habite, je déménage, j’attends d’être ailleurs pour faire un deuxième enfant etc.1

L’augmentation ou la diminution de la population scolaire entrainent la création ou la suppression de classes. En réaction à un pic de population infantile, les deux terrains d’étude choisis ont connu une phase d’extension. Cependant l’école du Haut-Bois se différencie par l’anticipation des évolutions futures dès la construction de l’école.

A l’école de Peipin, l’extension s’est faite par le changement d’affectation de certains locaux et la construction de deux nouvelles salles de classes et d’un réfectoire. L’ancienne salle polyvalente est devenue une salle de maternelle, l’une des salles de classe déjà existante sert aujourd’hui de salle de repos et le préau a été cloisonné pour devenir une salle polyvalente. Ces travaux, a priori non anticipés à la construction de l’école, ont entrainé certains problèmes de conforts et d’usage notamment au niveau des sanitaires. Accolés au préau à l’origine, ils ne sont plus reliés à la cours de récréation. Une personne doit donc rester à l’intérieur pour surveiller les enfants. De plus l’établissement a été agrandi pour recevoir plus d’écoliers, mais le nombre de toilettes n’a pas augmenté et est donc insuffisant. Depuis l’extension, une classe a été de nouveau supprimée, la salle vacante est aujourd’hui utilisée pour le périscolaire. Si l’augmentation des effectifs pose problème en revanche l’espace laissé libre par sa diminution est vite réinvesti.

A Saint Jacques de la Lande, les variations démographiques ont été anticipées dès la commande du projet. Les architectes avaient pour contrainte de conserver une place vacante pour accueillir une possible extension et d’imaginer une école qui puisse ainsi se développer. Les locaux devaient également être réversibles et pouvoir facilement changer d’affectation. En réponse, l’agence Construire a imaginé un projet composé de différents modules indépendants répartis sur la parcelle. Ces derniers sont composés de deux classes

Cf Entretien avec Monsieur G, directeur du service éducation de la mairie de Saint Jacques de la Lande,le 16.12.2015 1

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Figure 2 : Plan des extensions de l’école de Peipin

Figure 3 : Plan de l’extension de l’école du Haut-Bois

Légende : Changement d’affectation des locaux Construction de nouveaux locaux

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reliées par un atelier. Chacune d’elles est équipée de sanitaires et de vestiaires. Leur autonomie permet d’ajouter ou de supprimer des parties sans changer l’organisation de l’école ni son fonctionnement. Ainsi lors de l’extension de l’école en 2012 deux modules ont pu être ajoutés. De plus, les salles sont composées d’un système de fondations simples et de panneaux de remplissage bois préfabriqués et nécessitent peu de finition ce qui permet une certaine rapidité de construction1. Enfin, le bâtiment a été conçu de façon à être réversible. Chaque « classe est une maison » 2 et possède ses propres équipements sanitaires, système de chauffage et de récupération d’eau pluviale, son petit jardin ainsi qu’un garage, dans l’atelier qui relie les classes deux à deux3. Ainsi, l’organisation de l’espace en entité autonome et l’utilisation de techniques constructives rapide permettent de livrer l’école classe par classe et éventuellement d’en réaffecter une partie à de nouveaux usages. 1.2.2. L’école, un espace ressource

Sans attendre d’être réaffectées, certaines écoles accueillent parfois des usages autres que l’enseignement. Les zones périurbaines et rurales peuvent être considérées comme des contextes isolés car activités et équipements y sont moins nombreux qu’en ville. Il parait donc nécessaire de s’interroger sur l’utilisation des établissements publics, et plus particulièrement des écoles, comme espace ressource. De plus le coût de tels équipements justifie une réflexion sur la gestion efficace de leurs usages4.

L’école comme espace ressource est d’ailleurs un thème abordé à plusieurs reprises par l’OCDE5, qui propose d’utiliser ces équipements pour l’apprentissage à vie mais également pour des activités culturelles, sportives ou des services sociaux. Ces divers usages auraient un intérêt à la fois éducatif et économique et bénéficieraient aux enfants, aux parents et à la population locale6. Dans le prolongement de ce raisonnement, François Louis entame une réflexion sur l’école comme « bien commun »7. Il propose de considérer l’école comme une structure ressource, ouverte tout au long de l’année et en même temps protégée selon le contexte dans lequel elle s’inscrit. « Ecole foraine, Saint Jacques de la Lande, Ille et Vilaine », L’Architecture d’aujourd’hui, 2006, no 367, p. 56-57. 2 Patrick BOUCHAIN, Loïc JULIENNE et Alice TAJCHMAN, Histoire de Construire, Arles, Actes sud, 2012, p. 332. 3 Patrick BOUCHAIN, Conférence à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Limoges, Limoges, 2015. 4 François LOUIS, « L’architecture scolaire : un judicieux point de rencontre entre l’Etat et les collectivités ? », La revue de l’inspection générale, 2005, no 02, p. 85‑96. 5 « L’utilisation des équipements scolaires en dehors des heures de classe », PEB échanges ; la revue du programme de l’OCDE pour la construction et l’équipement de l’éducation, 1999, no 37, p. 11‑16 ; ORGANISATION FOR ECONOMIC CO-OPERATION AND DEVELOPMENT, Sous un seul toit: la prestation de services collectifs intégrés dans les pays de l’OCDE, Paris, OCDE, 1998 ; ORGANISATION FOR ECONOMIC CO-OPERATION AND DEVELOPMENT, Diversifier les utilisations des établissements scolaires, Paris, OCDE, 1996. 6 « L’utilisation des équipements scolaires en dehors des heures de classe », PEB échanges ; la revue du programme de l’OCDE pour la construction et l’équipement de l’éducation, op. cit. 7 F. LOUIS, « L’architecture scolaire : un judicieux point de rencontre entre l’Etat et les collectivités ? », op. cit. 1

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C’est en partie le cas de l’école de Peipin dont la cours de récréation sert, hors des temps scolaires, de jardin public. De plus, pendant les vacances, l’établissement accueille un centre aéré. Les salles de classes se transforment alors en salle d’activités et le bureau de la directrice est occupé par le directeur du centre. Les animateurs aménagent l’espace en fonction de leurs besoins puis remettent le mobilier en place à la fin de l’été. Cependant, selon la directrice de l’école 1 , le partage des locaux pose problème notamment dans l’utilisation du matériel. Certaines affaires sont déplacées, endommagées ou disparaissent. Mais progressivement les enseignants mettent en œuvre des stratégies de rangement et de retournement des meubles afin d’empêcher l’accès à leur propre matériel. De plus, des placards situés à l’entrée de l’école avec des rangements distincts pour les aides ménagères, les activités scolaires et le centre de loisir, sont fortement appréciés par les enseignants2. Il existe donc des dispositifs simples qui permettent de régler les problèmes matériels. L’école peut donc être considérée comme une ressource pour son environnement. Son utilisation hors des temps scolaires permet à la fois de rentabiliser le coût qu’elle représente et de répondre au manque d'équipements dans les zones périurbaines et rurales. Cependant, l’introduction de nouveaux usages dans l’école peut générer certains problèmes. Comme le souligne un article de l’OCDE, « Pour permettre un partage des locaux sans heurt, il faut régler les problèmes de coût, d’organisation et de responsabilité. Il faut préciser les problèmes d’assurance, de prix de location et autres conditions d’utilisation. »3 1.2.3. Le contexte, une ressource pour l’école

Si l’école peut être un espace ressource pour son environnement, elle peut également en tirer profit. En effet, selon une maitresse de l’école de Peipin, la proximité avec les autres équipements du village est un réel avantage pour l’établissement 4 . Par ailleurs, l’emplacement de l’école du Haut-Bois a été choisi pour sa proximité avec l’école Suzanne Lacore, dont elle est l’extension, et avec les équipements socioculturels dont notamment l’Equipement Public Intégré Condorcet. Parmi les lieux utilisés par les enseignants on note principalement les équipements sportifs. A Peipin, la salle polyvalente du village est utilisée comme salle de gymnastique. En plus des cours hebdomadaires, elle est investie pour des ateliers de danse contemporaine encadrés par un intervenant extérieur. De plus un portail relie directement l’école au stade voisin. De même à l’école du Haut-Bois, les cours de sports ont lieu au stade municipal et dans la salle de sport du quartier.

Cf Entretien avec Monsieur G, directeur du service éducation de la mairie de Saint Jacques de la Lande,le 16.12.2015 2 Cfparcours commenté par Madame M, enseignante à l’école de Peipin, le 20.11.2015 3 « L’utilisation des équipements scolaires en dehors des heures de classe », PEB échanges ; la revue du programme de l’OCDE pour la construction et l’équipement de l’éducation, op. cit. 4 Parcours commenté du 20.11.2015 1

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Dans une volonté de relier au mieux l’enseignement à des éléments concrets, les instituteurs utilisent des équipements d’origines très variées. Par exemple, la bibliothèque et ludothèque de la mairie de Peipin est souvent investie par les écoliers. Des activités telles que la chorale ou le bricolage ont lieu à la maison de retraite voisine. De la même façon, à l’école du Haut-Bois les enseignants utilisent fréquemment le parc municipal et la salle de spectacle Air Libre. On note par ailleurs que les équipements extérieurs utilisés à Peipin sont beaucoup plus proches que ceux utilisés par l’école du Haut-Bois. L’ensemble des trajets peuvent être effectués à pied et, pour la plus part, sans croiser de voiture.

Figure 3 Lieux utilisés par les enseignants de Peipin, fond googlemaps

Figure 4 Lieux utilisés par les enseignants du Haut-Bois, fond googlemaps

Légende :

Ecoles de Peipin et du Haut-Bois Ecole Suzanne Lacore Equipements extérieurs à l’école utilisés par les enseignants

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Cette volonté de sortir de l’école, de se rendre dans des lieux qui correspondent aux matières enseignées est pleinement intégrée à l’école du domaine du possible à Arles. Initiée par Patrick Bouchain, Françoise Nyssen et Jean-Paul Capitani, elle a ouvert ses portes à la rentrée 2015. Patrick Bouchain la décrit comme « une école « sans lieu » C'està-dire sans référence à un emplacement normé »1car elle n’a pas d’établissement propre, mais se déroule dans des lieux préexistants. Pour cela, l’école du domaine du possible possède un autocar et compte parmi ces espaces d’apprentissages une ferme et une église rénovée en salle d’exposition. Ce projet d’école fait écho à une expérience racontée par Patrick Bouchain lors de la rencontre « Des lieux pour grandir »2 à l’Université Foraine de Clermont Ferrand. Face à un manque de locaux, l’un de ces professeurs décide que son enseignement aura lieu hors de l’école. Chaque matin, les étudiants doivent définir ensemble où est-ce qu’ils auront cours. Il dit à ce propos : L’essentiel de ce qui fait notre formation est dehors et ce qui est essentiel est que l’on soit nous tous ensemble à un moment donné dans un lieu, on rayonne de ce lieu. Ce n’est pas une école sans lieu, c’est une école avec plusieurs lieux.3

Le choix d’enseigner dans plusieurs bâtiments qui ne sont pas des écoles soulève la question de la réversibilité des lieux, de leur appropriation, et plus largement renvoi à la question de l’école comme lieu ouvert et partagé4.

On constate donc que des lieux de caractères très différents peuvent devenir des espaces d’apprentissage. Si l’école du domaine du possible en est un exemple poussé à l’extrême, les enseignements à l’extérieur de l’établissement sont également présents dans les écoles plus conventionnelles. On observe ainsi une réciprocité entre l’école, une ressource qui peut être investie par les habitants hors des temps scolaire, et son contexte, un ensemble de lieux d’apprentissage potentiels. Conclusion :     

Dans les zones périurbaines et rurales l’évolution du nombre d’enfants scolarisés ne peut être prévue à long terme, l’école doit donc être extensible et réversible. L’organisation du bâtiment en entités autonomes permet de livrer l’établissement petit à petit, en fonction des besoins. L’ouverture de l’école hors des temps scolaires a un intérêt à la fois éducatif et économique, mais les conditions d’utilisation doivent être encadrées afin de faciliter la cohabitation. La mise en place d’espaces de rangements propres à chaque usage permet d’éviter les conflits matériels. L’extérieur de l’école peut également être un espace d’apprentissage et la proximité avec des équipements socioculturels est un avantage pour l’établissement.

Patrick BOUCHAIN, « Vers une école du réel », EK, 2015, no 47, p. 50-53, p. 52. Nelly GIRARDEAU, Université Foraine - Des lieux pour grandir, 2015. 3 Ibid. 4 P. BOUCHAIN, « Vers une école du réel », op. cit. 1 2

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1.3. Impact des politiques de construction scolaire sur la conception des écoles

Si les évolutions pédagogiques et le contexte dans lequel se trouve l’école ont une influence sur son bâtiment, l’histoire des constructions scolaires révèle un troisième facteur : les politiques de construction. 1.3.1. La construction scolaire sous l’autorité de l’académie

En 1850, Jules Ferry rend les écoles autonomes pour le choix des programmes et la disposition des lieux d’écoles1. Un modèle type d’établissement est défini par l’Etat. Il comprend la mairie au centre, avec une horloge, les logements des maîtres à l’étage et l’école de garçons et celle de filles se situent respectivement d’un côté et de l’autre. La construction se fait par l’utilisation de techniques et de matériaux locaux, sous la surveillance d’un inspecteur primaire2. Ces écoles sont l’image de la France. Sous la Veme république, la construction scolaire connait une rupture majeure 3 . Le babyboom, des besoins économiques de qualifications plus élevées ainsi qu’une demande sociale nouvelle entraine une augmentation massive du taux de scolarisation. Louis Gros parle alors d’explosion scolaire4. Celle-ci va avoir deux conséquences : l’industrialisation de la construction et la mise en place de la carte scolaire. Le décret de 1956 inaugure un nouveau programme de construction basée sur la rapidité et l’économie5. Ce sont alors les ingénieurs des ponts et chaussées qui sont chargés de la construction. Les établissements sont industrialisés et caractérisés par une pauvreté architecturale. Des modèles standardisés sont utilisés et correspondent simplement à la mise en volume des surfaces recommandées par le ministère6. La carte scolaire, crée en 1963, permet de planifier la construction des écoles en fonction des prévisions de croissance démographique7 et de diriger la demande scolaire vers les établissements capables de la recevoir8.

En 1973, la construction scolaire connait une deuxième rupture : l’incendie du collège de la rue Pailleron, à Paris. Outre l’acte criminel à l’origine, la sécurité incendie moins réglementée que dans les autres bâtiments, l’utilisation de procédés inadaptés et la conception technique défectueuse sont pointées du doigt. L’opinion publique est émue et entrainée par les médias elle accuse l’Etat et ses méthodes de construction industrialisées9. Cet incident auquel s’ajoutent les problèmes financiers de l’Etat et la difficulté de suivi des

Marie-Claude DEROUET-BESSON, « Note de synthèse [architecture et éducation : convergences et divergences des conjonctures politique et scientifique] », Revue française de pédagogie, 1996, vol. 115, p. 99- 119. 2 F. DONTENWILLE, « Histoire et pilotage des constructions scolaires », op. cit. 3 Ibid. 4 Louis GROS, L’explosion scolaire, Paris, CUIP, 1961. 5 F. DONTENWILLE, « Histoire et pilotage des constructions scolaires », op. cit. 6 M.-C. DEROUET-BESSON, « Note de synthèse [architecture et éducation : convergences et divergences des conjonctures politique et scientifique] », op. cit. 7 Ibid. 8 F. DONTENWILLE, « Histoire et pilotage des constructions scolaires », op. cit. 9 Ibid. 1

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nombreux chantiers en cours1 va conduire une douzaine d’année plus tard à une nouvelle politique décentralisée. 1.3.2. Les conséquences de la décentralisation

Les années quatre-vingt marquent le transfert des compétences en matière de construction scolaire aux architectes. En 1981 les programmes types définis par l’Etat laissent place à un guide pour l’élaboration du programme technique de construction2. L’année suivante les concours d’architecture deviennent obligatoires pour la réalisation d’équipements importants et dès 1983 la construction dite traditionnelle remplace les procédés constructifs 3 . Enfin, contrairement aux années précédentes, où l’enseignement était considéré comme équivalent dans toute la France, la création des Zones d’Education Prioritaires met à jour l’existence de situations variées.

Dans ce contexte, la volonté naissante de renouer des liens entre général et particulier apparait dans la suppression de la standardisation, la responsabilité donnée aux collectivités territoriales et la libération de la créativité des architectes 4 . Cependant le retrait de l’Etat se fait progressivement, de 1983 à 1985 les compétences sont partagées avec les collectivités territoriales mais le ministère n’est déjà plus en mesure d’imposer ni superficie ni aménagement particulier. La loi concernant la décentralisation n’est totalement effective qu’à partir de 19865. Cependant, le service technique de l’éducation nationale, appelé par la suite Centre de Conseil Technique aux Collectivités Territoriales, demeure. Le CCTCT a pour objectif la publication de guides de construction et d’équipement. Sa fermeture en 1989 marque le retrait définitif de l’éducation nationale visà-vis de l’architecture scolaire. Elle reste cependant responsable des aspects pédagogiques6. Si la décentralisation est surtout évoquée comme un transfert de compétences elle correspond également à un transfert de dotations pour la construction ainsi que du patrimoine bâti. Les établissements légués nécessitent une mise en sécurité, notamment pour les incendies, de nombreuses rénovations mais surtout des extensions car le taux de scolarisation continue d’augmenter 7 . Ainsi les collectivités territoriales s’attachent en premier lieu à répondre aux exigences démographiques et accordent moins d’attention aux nouvelles techniques pédagogiques et à la diversification dans l’usage des établissements. Dans un second temps une approche plus qualitative est mise en place afin d’améliorer le patrimoine scolaire. Cependant les ajustements ponctuels successifs et souvent très ciblés deviennent contraignants. La connaissance des problèmes et critiques des établissements M.-C. DEROUET-BESSON, « Note de synthèse [architecture et éducation : convergences et divergences des conjonctures politique et scientifique] », op. cit. 2 F. DONTENWILLE, « Histoire et pilotage des constructions scolaires », op. cit. 3 M.-C. DEROUET-BESSON, « Note de synthèse [architecture et éducation : convergences et divergences des conjonctures politique et scientifique] », op. cit. 4 Ibid. 5 F. LOUIS, « L’architecture scolaire : un judicieux point de rencontre entre l’Etat et les collectivités ? », op. cit. 6 Ibid. 7 F. DONTENWILLE, « Histoire et pilotage des constructions scolaires », op. cit. 1

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existants entraine les collectivités territoriales à concevoir de nouvelles écoles à l’image des autres équipements publics1. C'est-à-dire en tenant compte de l’insertion dans le site, de la qualité et de la résistance des matériaux, de l’adaptabilité aux variations d’effectifs etc.

Pour la construction de ces nouveaux équipements, des programmistes servent d’intermédiaires entre les collectivités territoriales et les architectes choisis sur concours. Alors que les demandes des usagers (enseignants, élèves, parents, élus …) se multiplient, la décentralisation entraine une perte de légitimité du corps enseignant dans la construction scolaire. Si des représentants de l’école siègent au jury du concours, les usagers directs sont exclus de la conception2. La décentralisation marque donc une séparation entre la pédagogie, gérée par l’éducation nationale, et l’espace dans lequel elle s’exerce, dont la responsabilité revient aux collectivités territoriales. 1.3.3. L’intérêt d’une rencontre entre l’Etat et les Collectivités

Pour François Dontenwille« le transfert des compétences de 1986 a ébranlé la machine Education nationale »3. Il note un intérêt grandissant des collectivités territoriales pour le domaine de la pédagogie, visible dans l’équipement matériel des écoles, la contribution au soutient scolaire et parfois même le financement de projets pédagogiques. D’autre part, le ministère n’a pas totalement abandonné l’architecture scolaire car il continue à participer au programme pour la construction et l’équipement de l’éducation (Programme on Educational Building) de l’OCDE4. De plus, en 1994 la création de la Commission nationale d’évaluation et de proposition pour la sécurité (aujourd’hui appelée observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement) entraine la crainte de la part des collectivités territoriales, désormais autonomes, d’un retour de l’Etat au contrôle des constructions scolaires. En effet, la commission devait « définir des critères permettant de fixer des priorités dans les travaux destinés à améliorer le niveau de sécurité des établissements. Il lui incombait également de dresser un état du patrimoine immobilier et d’évaluer l’ampleur des travaux prévisibles. »5 En dépit de cette appréhension des communes, une volonté de renouer des liens entre le local et le national s’installe progressivement. Au niveau local la construction d’une école représente un certain investissement et nécessite un important travail en amont afin d’anticiper certaines rigidités car, selon François Louis, « c’est au stade de la conception Gérard POURCHET, « Une nouvelle logique de l’établissement scolaire », La revue de l’inspection générale, 2005, no 02, p. 42-46. 2 M.-C. DEROUET-BESSON, « Note de synthèse [architecture et éducation : convergences et divergences des conjonctures politique et scientifique] », op. cit. 3 F. DONTENWILLE, « Histoire et pilotage des constructions scolaires », op. cit. 4 F. LOUIS, « L’architecture scolaire : un judicieux point de rencontre entre l’Etat et les collectivités ? », op. cit. 5 Présentation, missions et organisation de l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement, http://www.education.gouv.fr/ons/cid85832/presentation-missions-etorganisation-de-l-ons.html, consulté le 1 juin 2016. 1

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architecturale d’un projet donné que bon nombre de choix essentiels vont être effectués, engageant l’avenir et la fonctionnalité pédagogique » 1 . Malgré la présence des programmistes, on constate une certaines difficultés des collectivités à exprimer une commande en termes d’édifice scolaire. De plus les usagers ne participent pas aux décisions, seul le chef d’établissement bénéficie parfois d’une voix consultative2. Se pose alors la question de la légitimité des acteurs dans la définition des bâtiments scolaires. Au niveau national, l’introduction de nouveaux dispositifs pédagogiques sans concertation préalable des collectivités nécessite une certaine flexibilité du bâti existant souvent inadapté3. Par exemple l’introduction des TICE, dont nous avons parlé précédemment, peut entrainer des problèmes d’ordre technique ou d’organisation de l’espace et souligne donc l’importance d’anticiper.

Les collectivités territoriales et l’Education nationale ont donc un intérêt commun à se rencontrer sur ce sujet. Si cette volonté semble présente de part et d’autre, les collectivités restent méfiantes et ne souhaitent pas de retour en arrière4. Le rôle de l’Etat devrait être de l’ordre de suggestions ou d’indications et non d’obligations. Il relèverait d’une fonction de conseil permettant de donner des exemples concrets sur les dispositions, les équipements etc. de mutualiser les expériences de l’ensemble du territoire et de mener une réflexion sur l’architecture scolaire du futur5. Cependant, selon Marie-Claude Derouet-Besson, cette mission ne peut être assumée par un service ministériel, mais plutôt par un lieu de référence neutre pour les constructions scolaires6. Elle propose ainsi que cette fonction soit assurée par un institut de recherche ; le secteur « Architecture et Education » au sein de l’Institut National de Recherche Pédagogique. Conclusion :    

On note une grande diversité des situations scolaires, il n’existe donc pas de modèle d’école type idéal. La décentralisation a entrainé une séparation dans la conception de l’espace et de la pédagogie, provocant ainsi une difficulté à anticiper les évolutions pédagogiques. L’emploi d’un programmiste et du concours d’architecture laisse peu de place aux usagers dans la conception Si Etat et collectivités territoriales s’entendent sur la nécessité d’un rapprochement, ces dernières ne souhaitent pas pour autant perdre le pouvoir qui leur a été conféré. Ce rapprochement peut se concrétiser par la mise en place d’une fonction conseil indépendante.

F. LOUIS, « L’architecture scolaire : un judicieux point de rencontre entre l’Etat et les collectivités ? », op. cit. 2 F. DONTENWILLE, « Histoire et pilotage des constructions scolaires », op. cit. 3 F. LOUIS, « L’architecture scolaire : un judicieux point de rencontre entre l’Etat et les collectivités ? », op. cit. 4 Ibid. 5 Ibid. 6 M.-C. DEROUET-BESSON, « Note de synthèse [architecture et éducation : convergences et divergences des conjonctures politique et scientifique] », op. cit. 1

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2. Repenser la conception des écoles au regard des évolutions pédagogiques, sociales et politiques Le chapitre précédent nous a permis de démontrer l’existence de certains facteurs dont l’évolution influe sur l’architecture scolaire. Cependant les changements pédagogiques, sociaux et politiques se heurtent parfois à une certaine rigidité du bâti. Ainsi réflexions sur l’école du futur, ouverture de l’établissement à des usages extrascolaires et variété des situations d’enseignements mettent au jour la nécessité de concevoir des lieux d’apprentissages flexibles et adaptables. 2.1. Flexibilité : dispositifs et limites

2.1.1. La notion de flexibilité en architecture

Robert Kronenburg définit l’architecture flexible comme « une architecture qui répond facilement au changement à travers le fonctionnement et la durée de vie de l’édifice »1. Selon lui, l’usage de la flexibilité apparait dès la construction des premiers refuges et se développe à travers les époques jusqu’à nos jours2. Une étude historique de la flexibilité en architecture a permis à Faiza Nakib de définir quatre typologies principales : l’architecture portable ou mobile, l’architecture transformable ou cinétique, l’architecture interactive et l’architecture adaptable3. L’architecture mobile est associée à un changement de lieu. Elle est généralement caractérisée par la légèreté et l’autonomie vis-à-vis des services techniques. L’architecture foraine, à laquelle fait référence l’école du Haut-Bois, en est un exemple. L’architecture transformable correspond à une modification de la forme par l’évolution de la structure ou de l’enveloppe. Ce qui permet de changer l’utilisation ou la perception du bâtiment. L’architecture interactive possède des moyens automatiques pour agir sur ces composantes spatiales telles que l’apparence, l’ambiance, l’atmosphère etc. Enfin l’architecture adaptable permet un changement d’usage et de fonction. Elle offre la possibilité de reconfigurer l’espace et ses caractéristiques sont notamment la multifonctionnalité, la mobilité, la modularité, la diversité et l’évolutivité.

L’architecture adaptable semble donc être la plus appropriée pour recevoir les changements pédagogiques, sociaux et politiques évoqués précédemment. Bruno Marchand utilise plutôt le terme de « défonctionnalisation »4, repris notamment par Marie Musset5, pour définir la capacité d’une école à accueillir de multiples usages dans le cadre scolaire, périscolaire ou extrascolaire. Il l’associe à la « réversibilité » ; possibilité de changer la fonction du bâtiment sans toucher à l’ensemble. Cependant le préfixe « dé » marque l’opposition, ainsi le mot « défonctionnalisation » s’opposerai au fait de donner Robert KRONENBURG, Flexible: une architecture pour répondre au changement, Paris, Norma, 2007, p. 7. R. KRONENBURG, Flexible, op. cit. 3 Faiza NAKIB, « Lieux scolaires flexibles et adaptables : Modèles conceptuels pour les écoles publiques primaires en Algérie »Ecole Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme, Alger, 2015. 4 Bruno MARCHAND, « L’architecture scolaire d’aujourd’hui », Buletin CIIP, 2004, no 15, p. 24-25. 5 Marie MUSSET, « De l’architecture scolaire aux espaces d’apprentissage : au bonheur d’apprendre ? », Dossier s’actualité Veille et Analyses, 2012, no 75, p. 1-19. 1 2

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une fonction propre au bâtiment, soulevant ainsi la question de la limite entre l’adaptabilité et la fonctionnalité. 2.1.2. Distinction entre éphémère et pérenne

Selon Marie-Claude Derouet-Besson, la recomposition de l’espace en fonction de l’évolution des situations peut se faire par la prise en compte de l’éphémère et de la courte durée 1 . Les installations temporaires et évènements font déjà partie des pratiques courantes. C’est le cas notamment à l’école de Peipin où l’ensemble des classes travaille sur des thèmes transversaux communs puis réalise ensuite une exposition au sein de l’école, ouverte aux parents 2 . Pourquoi ne pas leur accorder plus d’importance à la conception du projet ? D’un point de vue architectural, cela implique de réfléchir à ce qui relève du gros œuvre, de la structure, difficilement modifiable, et ce qui relève de l’aménagement, plus facile à transformer3. Ce qui souligne l’importance d’une réflexion sur les matériaux et les techniques constructives. Par exemple, à Saint Jacques de la Lande l’utilisation de panneaux de bois préfabriqués rend l’extension plus rapide et moins couteuse.

Les dispositifs observés sur nos deux terrains d’étude s’inscrivent dans des temporalités différentes et tiennent compte de cette distinction entre éphémère et pérenne. En effet, pour des adaptations liées à des activités de courte durée, les dispositifs mis en place relèves de l’éphémère, mettant en œuvre un minimum de moyen. En revanche, les évolutions inscrites dans des temporalités plus longues peuvent entrainer une transformation des élèments pérennes. Lors d’un changement de pratique dans un temps cours, tel que le passage du travail individuel au travail de groupe, l’adaptation se fait par la diversité des espaces et des aménagements existants. Par exemple à l’école du Haut-Bois, lorsqu’un enfant a terminé son travail en classe il peut s’installer dans l’atelier voisin pour réaliser d’autres activités. A Peipin, la salle de moyenne et grande sections est organisée suivant un principe de « zonage ». Il existe un « coin peinture » aménagé avec des tables et des chaises, un espace de jeux avec moins de mobiliers etc. C’est le choix et le déplacement des usagers d’un espace à l’autre qui permet de s’adapter aux différentes activités. L’évolution dans un temps moyen correspond à un changement hebdomadaire ou saisonnier, comme c’est le cas lors de l’utilisation de l’école par le centre aéré. L’adaptation passe alors par la mobilité de certains éléments et le réaménagement de l’espace. Par exemple à l’école de Peipin, avant les vacances les enseignants retournent certains meubles pour barrer l’accès au matériel et les animateurs du centre aéré sont libres d’aménager l’espace comme ils le souhaitent puis remettent le mobilier en place à la fin de l’été. Le réaménagement est plus contraignant que de changer d’espace, il peut générer certains désagrément (conflit sur la configuration de l’espace, bruit lors du déplacement etc.) mais dans les deux cas les évolutions nécessitent des efforts relativement faibles et M.-C. DEROUET-BESSON, « L’apport de l’Ecole à la construction d’une culture architecturale en France », op. cit. 2 Cf parcours commenté par Madame M, enseignante à l’école de Peipin, le 11.12.2015 3 Ibid. 1

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leurs coût est nul. Ils peuvent être aisément annulés ou reproduits. Nous pouvons donc les considérer comme éphémères.

En revanche, l’extension ou le changement d’affectation des locaux s’inscrivent dans une temporalité plus longue. A l’école du Haut-Bois la réversibilité est assurée par l’organisation de l’école en entités autonomes et la capacité de la structure à accueillir d’autres fonctions. C’est donc les caractéristiques du bâti, du pérenne, qui permettent la réversibilité. Il en va de même pour l’extension qui d’une part dépend de la structure d’origine et d’autre part se fait par la construction de nouveaux espaces engendrant ainsi un certain coût et nécessitant de la main d’œuvre.

Figure 5 Tableau récapitulatif des dispositifs observés La reconfiguration des espaces dépend donc de la temporalité dans laquelle s’inscrit l’évolution et tient compte des moyens à mettre en œuvre. Plus l’évolution s’inscrit dans la durée plus les coûts et efforts réalisés sont grands. 2.1.3. 1.3 De la conception à l’usage

Les dispositifs observés précédemment ne dépendent pas seulement de l’espace construit, mais aussi de l’usage qui en est fait. Prenons l’exemple de la diversité des espaces. L’école du Haut-Bois possède des salles ayant des caractéristiques différentes, conçues par l’architecte et les enseignants. Cependant leur usage dépend uniquement du choix des enseignants. On retrouve le même dispositif à l’école de Peipin, où la diversité résulte de l’aménagement fait par les usagers. Elle est donc indépendante de la construction. De la même façon, la reconfiguration de l’espace entre les périodes scolaires et estivales est opérée par les enseignants et les animateurs du centre aéré. Ainsi un architecte peut concevoir des éléments mobiles, mais il revient toujours aux usagers de les déplacer. 29


Les écoles anglo-saxonnes à aire ouverte illustrent la limite des modèles d’école flexible. Egalement appelées écoles sans mur, ces établissements sont caractérisés par leur flexibilité et une certaine facilité de reconfiguration1. Ils ont vu le jour suite à une demande des instituteurs de l’école en relation directe avec la pédagogie qu’ils exerçaient. Le modèle spatial a ensuite été largement diffusé et reproduit. Cependant, les autres enseignants n’étant pas préparés à l’usage de tels espaces, cette expérience s’est soldée par un échec et les écoles ont été recloisonnées2. A la même époque de nombreuses études se sont intéressées à l’incidence de l’architecture sur la pédagogie. Simone Foster dit à ce propos : On pensait que l’architecture allait entraîner l’application des nouvelles pédagogies. […] On retira de cette expérience la conviction que l’architecture n’avait pas pour vocation de provoquer les réformes. On apprit aussi que l’usage des espaces n’était souvent pas celui prescrit par les architectes.3

Ainsi la flexibilité d’une école, qui peut être anticipée dès la conception, dépend essentiellement de ses usagers. Plus largement l’expérience des aires ouvertes a permis de démontrer que l’architecture ne peut provoquer un changement de pratique. En effet selon Marie-Claude Derouet-Besson : Si les utilisateurs arrivent à mener les pratiques pédagogiques qu'ils ont choisies dans les lieux dont ils disposent même s'ils les jugent inadaptés, ils ne changent pas forcément leurs formes d'enseignement dans des murs nouveaux.4

Par ailleurs, elle affirme que les notions d’adaptabilité, de flexibilité et de modulation restent floues et difficiles à mettre en œuvre5. Elle recommande la prise en compte de l’éphémère et la recomposition de l’espace par les usagers. Elle propose ainsi, la mise en place de dispositifs participatifs, faisant naître chez les usagers l’envie future de prendre part à la définition de leur environnement. Ainsi, plus que la flexibilité, l’adaptation de l’espace aux pratiques mises en place par les enseignants serait à privilégier.

F. NAKIB, Lieux scolaires flexibles et adaptables : Modèles conceptuels pour les écoles publiques primaires en Algérie, op. cit. 2 Simone FOSTER, « Architecture scolaire : regard historique tourné vers l’avenir », Bulletin CIIP, 2004, no 15, p. 3-9. 3 Ibid., p. 8. 4 Architecture scolaire et réussite éducative: ouvrage collectif, Paris, Fabert en partenariat avec la CEMEA, 2008. 1

Ibid.

5

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Conclusion :     

La flexibilité s’inscrit dans une temporalité qui peut être courte, changement au cours de la journée, moyenne, hebdomadaire/saisonnière, ou longue. Ces différentes temporalités engagent une réflexion sur la distinction entre l’éphémère et le pérenne qui dépend de l’organisation de l’espace, de son aménagement, ainsi que des matériaux et techniques constructives mises en œuvre. Les dispositifs observés sont la diversité des espaces, le réaménagement grâce à la mobilité, la réversibilité et la transformation. La flexibilité de l’espace dépend en grande partie de son utilisation et de son appropriation par les usagers. Le changement des pratiques pédagogiques ne peut être provoqué par l’espace.

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2.2. Savoir-faire savoir-dire, participation des usagers à la construction et la transformation des écoles 2.2.1. La subversion des lieux : processus d’appropriation

L’organisation de l’espace scolaire correspond à un pré-agencement des situations d’enseignement négocié à l’avance. Il existe une certaine conception partagée de l’école fortement marquée par l’enseignement simultané et qui se concrétise dans l’espace par un établissement divisé en salles de classe, l’attention des élèves concentrée sur le professeur etc. Cet accord ne peut être constamment renégocié, sa pérennité est assurée par l’aménagement et la disposition du mobilier, ce que Bruno Latour appelle la délégation aux objets 1 . Pas exemple, des allèges suffisamment hautes bloquent la vue sur l’extérieur lorsque les élèves sont assis tout en apportant de la lumière et aident ainsi à concentrer l’attention sur ce qu’il se passe à l’intérieur de la salle. Si l’enseignement simultané domine toujours, les évolutions pédagogiques ont entrainé différents modes de circulation des savoirs. Alors que certains enseignants se contentent de l’espace dans lequel ils travaillent sans le remettre en cause d’autres le modifient, l’adaptent, le transforment. Marie-Claude Derouet-Besson parle de subversion du lieu et dit à ce propos « les utilisateurs passent leur temps à subvertir des lieux qui ne leur conviennent jamais et cette démarche est extrêmement importante, positive, active sur l'objet espace d'éducation. »2

A Peipin, l’aménagement de la salle des moyennes et grandes sections avec des zones d’ateliers dédiés à différentes activités en est un exemple. De la même façon, dans une salle de classe partagée entre deux enseignantes, l’une d’elle nous a expliqué leur projet commun de regrouper les tables par îlot afin de faciliter le travail en groupe3. On note dans ce cas que le réaménagement a fait l’objet d’une réflexion partagée entre les enseignantes. Ainsi une réflexion a été faite sur le mode de circulation des savoirs souhaité, un nouvel aménagement servant de support à ce mode d’enseignement a été choisi. Parfois les enfants peuvent également prendre part à ces négociations. En effet, dans la même salle, le bureau de la maitresse a déjà été déplacé du fond de la classe vers l’avant suite à une demande argumentée des élèves.

Les reconfigurations observées à l’école de Peipin ne concernent que des aménagements mobiliers. Mais la subversion des lieux peut parfois être de plus grande ampleur et a notamment entrainé l’invention des salles de classe avec mezzanine 4 . Ces nombreuses reconfigurations illustrent la diversité des pratiques pédagogiques et la capacité des usagers à les spatialiser. M.-C. DEROUET-BESSON, « L’apport de l’Ecole à la construction d’une culture architecturale en France », op. cit. 2 Marie-Claude DEROUET-BESSON, Architecture scolaire : des repères pour des établissements scolaires de qualité, http://www.cemea.asso.fr/spip.php?article5541, consulté le 1 août 2016. 3 Cfparcours commenté par Madame M, enseignante à l’école de Peipin, le 11.12.2015 4 M.-C. DEROUET-BESSON, « L’apport de l’Ecole à la construction d’une culture architecturale en France », op. cit. 1

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2.2.2. Co-conception : prise en compte des usagers dans la construction des écoles

La diversité et la complexification de la demande entraine une certaine difficulté dans la programmation des écoles. En effet, le nombre de points de vue se multiplie (enfants, parents, enseignants, agent d’entretien, élus …). L’inégalité de leur statut social, de leur légitimité, de leur séjour dans l’établissement ajouté à la diversité de leurs usages et de leurs fonctions complexifie l’organisation de leur demande. A cela s’ajoute l’incertitude sur les références pédagogiques et éducatives causée par la décentralisation. Il en résulte une difficulté de la part des programmistes à exprimer et simplifier les attentes. De plus il n’existe aucune place légale pour la consultation des usagers directs1.

Cependant, on observe dans certaines écoles différents degrés d’implication de la part des usagers. A l’école du Haut-Bois élus locaux et enseignants ont participé à la conception du projet. Ce travail a notamment permis la mise en place d’ateliers accolés aux salles de classes à la demande des professeurs. En revanche la cour de récréation a fait débat. Les enseignants souhaitaient une cour rectangulaire, plus facile à surveiller, alors que l’architecte envisageait une cour avec des recoins afin que les élèves les plus timides puissent trouver leur place. Finalement une cour possédant de petits espaces mais nécessitant pour la surveiller la présence de deux adultes seulement a été retenue2. Pour l’école du Haut-Bois l’implication des usagers se situe principalement au niveau de la conception. Dans d’autres projet leur participation peut aller jusqu’à la construction comme c’est le cas pour l’école METI de Anna Heringer au Bangladesh. La participation des villageois à la construction a permis d’une part d’intégrer leur savoir-faire dans la construction du projet et d’autre part de leur enseigner des techniques d’assemblages et des innovations climatiques reproductibles3. Cette expérience peut être mise en perspective de la formation tout au long de la vie qui se trouve au centre des intérêts de l’OCDE. Cependant les processus de concertation étudiés en France révèlent une difficulté de la part des usagers à énoncer leurs besoins et à parler d’espace 4 . Selon André Giordan « les programmes de formation des enseignants ne comportent aucune réflexion sur l’espace et les manières d’en faire usage. On ne forme pas non plus à penser l’école » 5 .Ces observations renvoient à un constat plus large, celui d’un manque de culture architecturale en France6. 2.2.3. L’école comme objet d’étude : construire une culture architecturale

L’espace apporte une double contribution à l’enseignement. Il peut être considéré comme un moyen d’éducation car il facilite les apprentissages académiques et sociaux ou comme Ibid. Cf entretient de Pierre Gralle, Directeur du service éducation de la mairie de Saint Jacques de la Lande, le 16.12.2015. 3 Marie-Hélène CONTAL, Jana REVEDIN et Christopher ALEXANDER, Sustainable design III vers une nouvelle éthique pour l’architecture et la ville, Paris, Ed. Alternatives, 2014. 4 Architecture scolaire et réussite éducative: ouvrage collectif, op. cit. 5 André GIORDAN, « L’architecture au service des élèves », Bulletin CIIP, 2004, no 15, p. 28-29, p. 28. 6 M.-C. DEROUET-BESSON, « Architecture scolaire : des repères pour des établissements scolaires de qualité », op. cit. 1 2

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un objet d’éducation pour l’ensemble des usagers1 . Ainsi, pour Marie-Claude DerouetBesson, la dimension spatiale devrait être intégrée aux préoccupations de l’établissement. Le décalage constant entre la pérennité du bâti et les évolutions pédagogiques ainsi que la transformation des écoles apparaissent alors comme l’opportunité de travailler sur la question de l’espace scolaire avec les usagers2. L’objectif est de les associer à l’adaptation de l’espace et de leur donner envie plus tard d’être actifs dans la définition de leur environnement.

Les Conseils d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement s’intéressent particulièrement aux pratiques pédagogiques et à la sensibilisation en milieu scolaire. En effet selon la loi chaque CAUE « a pour mission de développer l'information, la sensibilité et l'esprit de participation du public dans le domaine de l'architecture, de l'urbanisme et de l'environnement »3. Ainsi les CAUE développent des ateliers pédagogiques basés sur la transdisciplinarité de l’architecture et de l’urbanisme en relation avec les disciplines académiques. Ils proposent un croisement d’approches sensible, analytique, pratique, technique, culturelle citoyenne et environnementale4. Les expériences relatées par Karine Terral 5 , coordinatrice nationale du pôle de ressources et de compétences « Pratiques pédagogiques auprès des jeunes » des CAUE, constituent des exemples d’interventions avec les élèves pendant la construction ou la transformation d’écoles. Cependant les enfants n’interviennent pas de façon concrète et n’ont aucun rôle dans cette transformation. Durant la construction de l’école du Haut-Bois, un étudiant faisait visiter et expliquait les différentes phases du chantier aux élèves et une participation, sous la forme d’un marché de définition leur à été proposé. La mairie et l’architecte ont demandé aux enfants d’imaginer un signal identifiable symbolisant l’école. La demande, rédigée dans un cahier des charges, était de concevoir un totem composé d’un trépied, d’un globe, du nom de l’école et de la devise française Liberté Egalité Fraternité. Plusieurs groupes ont travaillé à partir de maquettes et le projet gagnant a été réalisé à l’entrée de l’établissement. Le projet d’école a donc été l’occasion d’aborder l’architecture avec les élèves et de les associer à la construction de leur futur établissement. Dans le cadre du parcours recherche, nous proposons de tester un dispositif similaire orienté sur la manipulation des matériaux et la transformation de l’espace.

Architecture scolaire et réussite éducative: ouvrage collectif, op. cit. M.-C. DEROUET-BESSON, « L’apport de l’Ecole à la construction d’une culture architecturale en France », op. cit. 3 « Article 7 de la loi n° 77-2 sur l’architecture ». 4 Architecture scolaire et réussite éducative: ouvrage collectif, op. cit. 5 Ibid. 1 2

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Figure 6 Bouchain Patrick, Totem conçu par les élèves de l’école du Haut-Bois, en ligne sur www.cyrilleweiner.com

Conclusion :   

La délégation aux objets permet, par l’agencement de l’espace, d’encadrer les relations sociales et les comportements au sein de la salle de classe. La subversion de l’espace par les usagers correspond à une remise en question de ce pré-agencement, elle témoigne de la diversité des pratiques pédagogiques et de la capacité des usagers à les spatialiser. La participation des usagers peut se faire à différents niveaux (programmation, conception, construction), elle révèle une difficulté des usagers à formuler des demandes en termes d’espace, symptôme d’un manque de culture architecturale en France. Le décalage entre pérennité du bâti et évolutions pédagogiques est l’opportunité d’intégrer la question spatiale dans les préoccupations de l’établissement et participer à la construction d’une culture architecturale en encourageant les usagers à l’initiative, à l’appropriation et à la transformation de l’espace.

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3. Le laboratoire tactile : un outil de transformation des écoles ? Afin de tester une hypothèse de travail concernant l’adaptation des écoles par les usagers, nous sommes intervenus du 16 au 18 mars 2016 dans l’école de Peipin par la mise en place d’un atelier pédagogique : le laboratoire tactile. Cette expérience avait pour objectif de tester un dispositif participant à la découverte de l’architecture et de l’espace par les enfants, d’observer l’introduction d’une nouvelle pratique pédagogique dans l’école et d’évaluer les possibilités de transformation d’un édifice non flexible à l’origine.

Pour cela, nous avons constitué une équipe d’étudiants en architecture et aux beaux-arts, membres de l’association Graines d’archi précédemment citée. L’atelier, réalisé sur quatre demi-journées, a été divisé en trois temps, correspondant à trois spécificités du métier d’architecte : la connaissance des matériaux, l’exercice du projet et l’utilisation des matériaux pour sa construction. 3.1. Objectifs et mise en place des ateliers pédagogiques

3.1.1. Des intérêts croisés : enfants, enseignant et étudiants

Lors de la préparation des ateliers nous avons émis l’hypothèse que ces derniers auraient des intérêts pédagogiques à la fois pour les enfants, l’enseignant et les étudiants.

Pour les enfants, une telle expérience serait l’occasion de mettre en pratique un certain nombre de connaissances requises par les programmes scolaires de l’éducation nationale1 et de leur donner ainsi une dimension plus concrète. En effet le programme des ateliers présente un croisement avec les programmes de français à la fois dans le langage oral et la rédaction, la découverte du monde, les mathématiques pour les grandeurs et mesures et l’enseignement civique et moral. Ainsi, la pluridisciplinarité des ateliers permettrait aux enfants d’envisager des matières habituellement séparées sous un angle nouveau, celui de l’expérience commune. Au-delà des enseignements académiques, le laboratoire tactile offrirait aux élèves la possibilité d’intervenir dans l’espace de façon utile pour l’école et de cette manière de devenir acteurs de leur propre environnement. Plus largement, cette expérience contribuerait à la diffusion de l’architecture et de la culture auprès des jeunes.

Pour l’enseignante de Peipin, la venue d’architectes et de designers dans l’école créerait un temps fort, une expérience collective, qui dynamiserait d’une part la vie de classe, mais aussi celle de l’école en en touchant à la fois enfants, enseignants, parents et personnel de l’école. Cet atelier serait également un moyen de travailler sur la coopération entre les élèves, de leurs apprendre d’autres relations que la compétition, fréquemment présente à cet âge là2. Pour les étudiants la réalisation de tels ateliers serait une réelle formation et permettrait de développer des compétences en termes de montage de projet, de médiation ou encore de gestion de groupe. Ce serait également l’occasion d’élargir les connaissances en ce qui Cf Eléments des programmes scolaires en relation avec les ateliers Cf Entretient de madame M***

1 2

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concerne la diversité des acteurs auxquels on peut être confrontés et celle des parcours possibles en dehors de l’école. Par ailleurs, pour chaque étudiant, ce projet pourrait s’inscrire dans une démarche personnelle en lien avec d’autres projets menés au sein de l’association, de l’école d’architecture ou des beaux arts, comme c’est le cas pour ce mémoire.

En effet, cette intervention présente plusieurs intérêts pour la recherche. Sa préparation au cours d’une phase de diagnostic nous a donné accès à un certain nombre d’informations1 réinvesties dans ce travail. Nous nous sommes positionnés non pas en tant qu’observateur extérieur mais dans un processus d’échange. Par ailleurs, ces ateliers devraient nous permettre d’une part d’introduire une nouvelle pratique pédagogique au sein de l’école, afin de vérifier notre hypothèse selon laquelle l’espace pourrait conditionner la pédagogie et d’autre part de tester un dispositif de co-conception spécifique, adapté aux enfants, pour identifier des possibilités de transformation d’une école non flexible à l’origine. Les changements effectués devraient relever de l’échelle du mobilier, de l’aménagement intérieur ; les enfants ne pouvant pas, par exemple, construire de nouvelles classes. Bien que le champ des actions soit limité, les enfants devraient pouvoir, à travers la manipulation de la matière et son usage, entrainer une modification de l’espace apportant des plus values dans son appropriation.

A l’école du Haut-Bois, la limite d’action est annulée par la séparation entre conception et mise en œuvre. Les enfants ont imaginé un totem d’une dizaine de mètres de hauteur, construit ensuite par d’autres personnes2. La continuité entre conception et réalisation nous paraissant importante d’un point de vue pédagogique, nous supposons que les ateliers proposés pourraient être réinvestis au près de différents publics de façon à faire varier le type d’intervention en fonction des usagers impliqués. Comme nous l’avons vu précédemment il existe plusieurs niveaux de participation et donc divers processus de réalisation. Plus les enfants sont âgés plus les possibilités de transformation augmentent. Nous pourrions par exemple reproduire le même atelier dans un collège, les enfants de classes supérieures auraient alors plus d’outils conceptuels. Ainsi un travail avec ces derniers pourrait mener à de plus grands changements. Dans le prolongement de cette réflexion, l’implication d’étudiants ou d’habitants possédant des savoir-faire particuliers pourrait permettre de travailler sur la structure même de l’édifice. C’est le cas du projet METI d’Anna Heringer, une école située en zone rurale au Bengladesh, construite par une équipe composée d’étudiants en architecture, d’artisans locaux et d’habitants du village et avec la participation des enfants. 3.1.2. Du « tatilismo » à la transformation de l’espace

Les ateliers proposés s’inspirent des laboratoires tactiles initiés par Bruno Munari3. Selon lui, le toucher est très important pour les enfants mais disparait progressivement pour Cf Parcours commentés, questionnaires, entretient … Cf entretient avec Monsieur G, Directeur du service éducation de la mairie de Saint Jacques de la Lande, le 16.12.2015. 3 Bruno MUNARI, I laboratori tattili, Mantova, Corraini, 2004. 1 2

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n’être finalement que très peu utilisé par les adultes1. Il accuse une éducation limitative, où le discours remplace l’expérience, d’en être la cause. On retrouve cette même idée chez Loris Malaguzzi selon lequel l’enfant aurait cent langages, métaphore des multiples moyens d’expression 2 , dont l’éducation en volerait quatre-vingt-dix-neuf 3 . Dans la pédagogie qu’il développe, il accorde une grande importance au sens de l’espace et des matériaux4 et l’une des raisons de la réussite de ses écoles tiendrait à leurs environnements riches en informations, faisant appel à l’odorat, la vue, l’ouïe et le toucher5.

Dans les années vingt Marinetti porte le mouvement du « tatilismo » une activité esthétique basée sur le toucher comme moyen d’expression des sentiments6. Un manifeste est publié et propose une éducation au toucher par l’expérience sur des matériaux divers. En 1979 l’exposition itinérante du musée Beaubourg « Le mani guardano » (les mains regardent) propose à Milan le premier laboratoire tactile 7 . De nombreuses classes élémentaires y participent. Les enfants réalisent de façon autonome des compositions tactiles à partir de morceaux de matériaux préparés à l’avance. Le laboratoire tactile est ensuite reproduit dans plusieurs écoles à Milan et ses environs où il évolue progressivement. Metta Gilson propose notamment d’utiliser les équipements préexistants dans l’établissement et l’expérience se fait avec l’ensemble du corps8. Une autre variante est l’atelier « Fare insieme per capire » (faire ensemble pour comprendre) qui est également ouvert aux parents et grands-parents9. La « composition tactile » est progressivement remplacée par des « objets tactiles », permettant plusieurs sens de lecture, puis des « cabanes tactiles » dans lesquelles on entre, touche, puis exprime notre ressenti en ressortant10. La matière, utilisée ici comme outils pédagogique, est également une composante essentielle de l’architecture. Dans le prolongement de ces expériences, nous proposons d’associer les deux, d’introduire, en parallèle de la manipulation des matériaux, une réflexion sur l’espace et ses usages et de travailler ainsi à sa transformation. 3.1.3. Les ateliers réalisés à l’école de Peipin

Ibid. Emilie DUBOIS, « La pédagogie de Reggio Emilia », Université de Genève, 2010. 3 Reggio Emilia, http://the-world-of-the-children.blogspot.be/2010/11/emilia-reggio.html. 4 Véa VECCHI, « Les multiples racines de la connaissance », Enfant d’europe: REGGIO EMILIA 40 ans de pédagogie alternative Sur les pas de Loris Malaguzzi, 2004, no 6, p. 18-21. 5 Paola CAGLIARI, Angela BAROZZI et Claudia GIUDICI, « Réflexions, théories et expériences pour un projet éducatif basé sur la participation », Enfant d’europe: REGGIO EMILIA 40 ans de pédagogie alternative Sur les pas de Loris Malaguzzi, 2004, no 6, p. 28-30. 6 B. MUNARI, I laboratori tattili, op. cit. 7 Ibid. 8 Ibid. 9 Beba RESTELLI, Giocare con tatto: per una educazione plurisensoriale secondo il metodo Bruno Munari, Milano, Angeli, 2002. 10 B. MUNARI, I laboratori tattili, op. cit. 1 2

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Les ateliers réalisés du 16 au 18 mars 2016, ont permis aux enfants de découvrir les métiers d’architectes et de designers à travers la réalisation de boites aux lettres pour chacune des classes de l’école.

Deux semaines avant notre intervention, nous avons demandé aux enfants de dessiner des boites aux lettres imaginaires. L’ensemble des dessins nous a été envoyé par la poste et nous les avons triés de façon à créer six groupes de travail, chacun ayant un thème propre, inspiré des boites aux lettres inventées par les enfants. Le premier jour nous avons commencé par une brève présentation de l’équipe étudiante et de nos formations respectives. La matinée a ensuite été consacrée à un travail personnel de découverte et d’expérimentation de la matière, sans évoquer le travail des jours suivants. Pour cela, nous avions préparé trois grandes tables de matière ; celle du bois, de la terre et du textile. Sur chacune d’elle, la matière était présente sous différentes formes, par exemple sur la table terre on pouvait voir des tuiles, de la terre végétale, de l’argile à modeler etc. Les enfants, répartis au tour des tables, devaient compléter au fur et à mesure de leurs expérimentations une feuille de route sur laquelle était inscrite une liste d’actions à tester. En fin de matinée, nous avons expliqué ce qu’est un croquis et présenté nos propre carnet en guise d’exemple afin que les enfants remplissent leur carnet de bord avant de rentrer chez eux en dessinant les expériences menées dans la matinée.

Le lendemain matin, nous avons reparlé des boites aux lettres dessinées et avons annoncé les groupes de travail. Chaque groupe a reçu un papier sur lequel les consignes de réalisation (dimension, classe à qui elle était adressée etc.) étaient inscrites, avec pour chaque groupe un thème particulier : volante, dansante, mobile, gourmande, à deux et multifonction. Nous avons ensuite divisé la classe en deux, une partie a travaillé sur le vocabulaire de la boite aux lettres, le plan, la coupe et l’élévation et a du faire un « relevé » de la porte de la classe qui leur été attribuée afin de positionner leur boite aux lettres dans l’espace. Pendant ce temps l’autre partie de la classe a réfléchi au projet et a travaillé sur une maquette en papier. Après la récréation, les groupes ont inversé. En fin de matinée nous avons expliqué aux enfants les termes de structure, enveloppe, remplissage et autoportant. Ils ont ensuite passé une commande de matériaux en décrivant ce qu’ils voulaient utiliser pour chaque partie de la boite aux lettres.

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Figure 7 Photos prises lors des ateliers (manipulation, esquisse, rĂŠalisation)

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Durant la pause déjeuner, nous avons réfléchi entre étudiants à la réalisation des boites aux lettres et à la façon dont on pouvait utiliser les matériaux pour parvenir au résultat souhaité par les enfants tout en ayant un objet suffisamment solide pour qu’il puisse rester dans le couloir de l’école. En début d’après midi nous avons commencé la construction, par groupe de trois ou quatre élèves encadré par un étudiant ou un parent d’élève. En fin d’après midi, nous avons arrêté la construction un peu avant la fin de façon à réaliser un bilan d’étape, où les enfants ont dû évaluer leur avancement ainsi que le travail restant et organiser les taches à réaliser de façon à finir le travail dans la matinée du lendemain.

Le vendredi matin nous avons fini la construction des boites aux lettres qui ont ensuite été présentées dans les classes auxquelles elles étaient destinées. Les enfants de CE1 CE2 ont alors expliqué aux autres classes les métiers d’architecte et de designer, le travail qu’ils avaient réalisé avec nous et la façon dont il fallait utiliser la boite aux lettres. L’atelier s’est conclu par un apéritif de fin de chantier ainsi qu’une exposition ouverte aux parents afin qu’ils puissent, eux aussi, admirer le travail de leurs enfants. Un mois plus tard les enfants sont venus visiter l’école d’architecture et celle des beaux arts. Cette journée à été l’occasion d’exposer le travail fait dans le cadre de cet atelier mais aussi les autres actions de l’association et surtout de projeter dans le grand amphithéâtre le film tourné lors de notre intervention.

Conclusion :  

 

Les ateliers pédagogiques proposés s’inspirent des laboratoires tactiles initiés par Bruno Munari, basés sur l’expérience de la matière suivie de l’expression du ressenti, dans lesquels nous introduirons une réflexion sur l’espace. Pour les enfants, cette expérience serait l’occasion de travailler diverses matières académiques par le biais d’une expérience concrète, de réfléchir sur les relations possibles entre usages, espaces et matière et de devenir acteur de leur environnement. Pour les étudiants, cette expérience leur permettrait d’acquérir des compétences en ce qui concerne le montage de projet, la médiation ou encore la gestion de groupe. Ce laboratoire a pour objectif de tester un dispositif de co-conception et de transformation de l’école par ses usagers. Il serait reproductible et adaptable en fonction des personnes impliquées, différents niveaux de réalisation pourraient ainsi être envisagés.

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3.2. Les enseignements du laboratoire tactile : apports et limites

Comme nous l’avons évoqué précédemment, les objectifs de cette expérience étaient, d’une part, de tester un dispositif permettant la transformation de l’espace tout en participant à la découverte de l’architecture par les enfants et, d’autre part, d’observer l’introduction d’une nouvelle pratique pédagogique, dans une école non flexible. Dans cette partie, nous évoquerons les résultats de ces observations ainsi que les nouvelles pistes de réflexion ouvertes par les ateliers.

3.2.1. Un apprentissage partagé

Cette expérience a d’abord été l’occasion de valoriser la coopération à plusieurs échelles. En classe, dans le cadre de l’exercice, le travail en commun a permis d’aller plus loin dans la réalisation. Au sein de l’école, les élèves ont produit des objets destinés aux autres classes et la livraison a été un temps fort des ateliers. Enfin, la présence d’architectes et de designers a illustré l’intérêt de travailler ensemble au-delà de l’école, dans le milieu professionnel. Ce travail a également permis de faire découvrir l’architecture et le design aux enfants. Découverte qui s’est faite suivant trois entrées : la présentation générale des disciplines, l’apprentissage et l’utilisation des outils ainsi que, de façon transversale à l’atelier, la mise en œuvre d’une démarche de projet. Le mercredi matin, nous avons commencé l’atelier par la présentation de nos formations respectives. S’exprimer face à un public nouveau, extérieur à l’école et avec des mots simples, adaptés à la compréhension des enfants, a été pour nous un réel exercice. Nous avons fait le choix d’orienter la présentation sur nos points communs, une même démarche et de mêmes outils, pour un travail à des échelles différentes. Le métier d’architecte avait fait l’objet d’un travail préalable avec la maitresse mais celui de designer était inconnu des enfants. Au cours de la présentation, les enfants ont rapidement compris les liens existant entre les deux disciplines et évoqué, par eux-mêmes, l’intérêt de travailler ensemble. Par la suite, nous avons montré nos outils et modes de représentation de façon à ce qu’ils puissent être utilisés par les enfants dans la conception du projet. La première journée, les enfants ont pu consulter nos carnets de croquis, réalisés au cours de divers travaux précédents cet atelier, avant de compléter leur propre carnet de bord avec des annotations ou croquis représentant les expériences menées dans la matinée. Le plan ayant déjà fait l’objet d’exercices avant notre intervention, nous avons ensuite présenté la coupe et l’élévation, le dessin géométral de l’architecte, en demi-classe et travaillé en maquette par groupe de trois ou quatre. Ces outils ont été pleinement intégrés au processus de conception et ont permis de passer de boites aux lettres imaginaires en deux dimensions à de vrais objets construits. La cohérence entre les dessins présents dans les carnets de croquis, les maquettes et les boites aux lettres réalisées témoigne d’une réelle appropriation de ces outils par les enfants. Nous avons également tenté d’introduire un certain vocabulaire « technique » lié à la structure, le squelette du bâtiment. Mais, pris par le temps, l’explication des termes structure, remplissage, enveloppe et autoportant s’est faite dans un temps très court, en fin de matinée. Finalement, le vocabulaire a utilisé directement après la présentation pour la commande des matériaux, mais a rapidement été oublié par les enfants. Par ailleurs, la démarche de conception des architectes et des designers, retranscrite dans le déroulement des ateliers, faisait écho à une pratique déjà mise en place par l’enseignante : la pédagogie par le projet. Cela consiste à créer des situations d’enseignement à travers le développement d’un projet porté par les enfants. Contrairement aux autres expériences menées avec l’association Graines d’archi, le format intensif des ateliers a permis aux enfants de vivre les différentes étapes comme un tout, chaque phase étant à la fois clairement délimitée et étroitement liées avec la suivante.

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Figure 8 La boite aux lettres "à deux", de l'esquisse à la réalisation

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A la fin de l’atelier, lors de la livraison des boites aux lettres, les élèves de CE1 et CE2 ont pu expliquer aux autres enfants ce que sont les architectes et les designers ainsi que leur façon de travailler. Au-delà des ateliers, les connaissances acquises par les enfants (démarche et outils) pourront être réinvesties dans d’autres projets menés par la classe, dont notamment la construction d’une cabane déjà prévue avant notre intervention. Enfin ce travail a été très formateur pour les étudiants. D’abord nous avons dû nous présenter devant un public non-initié et expliquer le plus simplement et clairement possible nos formations. Ensuite nous avons acquis un certain de nombre de connaissances pédagogiques spécifiques aux enfants (leur capacité de concentration, les difficultés qu’ils peuvent rencontrer etc.) ou pouvant être réinvesti auprès d’autres publics (la façon de se positionner dans l’espace pour s’adresser à plusieurs personnes, la différence entre accompagner, guider et faire à la place etc.) Ainsi le laboratoire tactile mis en place à Peipin a permis de confirmer les hypothèses émises concernant des intérêts croisés d’une telle expérience à la fois pour les enfants, l’enseignant et les étudiants.

3.2.2. L’introduction d’une nouvelle pratique pédagogique dans l’espace

Cette expérience avait également pour objectif d’observer la façon dont une nouvelle pratique pédagogique prend place dans l’espace de l’école et d’identifier d’éventuelles contraintes liées au bâtiment. Au cours des ateliers, nous avons alterné entre présentation à l’ensemble de la classe, à la moitié de la classe et travail par groupe de sept ou huit enfants puis de trois ou quatre. Ainsi selon les étapes du projet, différentes configurations spatiales étaient requises et plusieurs espaces devaient être utilisés de façon simultanée. Nous avons donc mis en place plusieurs stratégies dont nous exposerons ici les avantages et les limites.

Figure 9 Plan des espaces pratiqués lors des ateliers, réalisé par Marie Segonne

Salles où les boites aux lettres ont été présentées Espaces utilisés au cours des ateliers

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Nous avons utilisé principalement trois espaces : la salle de classe, la salle du périscolaire et la salle polyvalente. Les figures 10, 11, 12, 13 et 14 illustrent l’organisation de ces salles ainsi que notre positionnement dans l’espace au cours des différentes phases de l’atelier. Le mercredi matin, nous nous sommes installés uniquement dans la salle de classe. Celle-ci était divisée en deux parties : « le laboratoire » avec trois grandes tables sur lesquelles étaient placés la terre, le textile et le bois, et la « matériauthèque » réalisée par les enfants au fond de la classe.

Figure 10 Mercredi matin, présentation dans la salle de classe

Figure 11 Mercredi matin, expérimentation dans la salle de classe

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Le jour suivant, nous avons commencé par une présentation à l’ensemble de la classe dans la salle polyvalente, salle commune de l’école qui nécessite donc d’être réservée à l’avance. C’est également un lieu d’accueil le matin, où les enfants sont reçus par la maitresse avant d’entrer en classe. Il y a dans la semaine un roulement entre les classes, chacune est accueillie un jour dans la salle polyvalente et le reste de la semaine dans la cours de récréation ou dans sa propre salle. Le jeudi matin, les CE1 et CE2 entrent par la salle polyvalente, il était donc assez naturel de commencer la journée dans cette salle, déjà aménagée de façon à pouvoir s’adresser à l’ensemble des enfants.

Figure 12 Jeudi matin, présentation dans la salle polyvalente

Dans un second temps, la classe a été divisée en deux, une partie restant dans la salle polyvalente pour la présentation de la coupe et de l’élévation, et l’autre dans la salle de classe, réaménagée par nos soins, pour travailler la maquette. Dans la salle de classe, nous avons divisé les grandes tables de la veille en deux, créant ainsi six îlots de taille plus petite. Le réaménagement, nécessitant un minimum d’organisation et surtout un certain temps qui aurait été allongé par la présence des enfants, s’est fait avant leur arrivée à l’école. Les chaises fixées directement sur les tables rendent le réaménagement un peu plus contraignant et mettent en évidence un lien direct entre le mobilier utilisé et la facilité à reconfigurer l’espace. Ainsi le réaménagement ne peut être envisagé durant le temps des ateliers, à moins qu’il ne constitue une activité en soi, comme lorsque les enfants ont préparé la classe pour notre venue. Plus généralement, cela implique que chaque configuration de classe reste telle qu’elle au minimum pour une demi-journée et de façon pratique que les réaménagements soient au plus possible espacés.

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Figure 13 Jeudi matin, travail en groupe dans la salle polyvalente et la classe

Enfin, pour la troisième phase de travail, nous avons utilisé dans le même temps la salle de classe et celle du périscolaire. La porte les reliant directement, permet aux enfants de passer de l’une à l’autre librement et donc d’utiliser les deux comme s’il s’agissait d’un seul et même espace. Notons que c’est une chance réservée à la classe de CE1 CE2, car il n’existe pas de salle annexe libre reliée aux autres classes, ce qui aurait conditionné le déplacement des enfants.

Figure 14 Jeudi et vendredi matin, réalisation dans la salle de classe et du périscolaire

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Nous avons organisé l’espace de façon à ce que chaque groupe ait sa propre table de travail et avons créé en plus de la matériauthèque une table à outils où les enfants pouvaient se servir directement. Au cours de la construction, d’autres espaces spécifiques se sont créés de façon spontanée. Ainsi, à la fin de l’exercice, nous avions une table réservée à l’argile et un espace pour scier et percer. Cette appropriation répond à des exigences d’ordre pratique, liées à la place disponible ainsi qu’à la propreté. De plus, certains groupes, contraints par le manque d’espace, on ressenti le besoin de réaliser certaines parties de la construction à l’extérieur, comme par exemple la découpe de grands morceaux de bois. Si l’utilisation de la salle du périscolaire a permis d’augmenter la place disponible pour la construction, elle a créé en contre partie des contraintes liées au temps. En effet, occupée seulement en dehors des heures de classe, la salle du périscolaire doit cependant être libérée un quart d’heure avant la fin des cours. Dans le cas d’un travail sur plusieurs demi-journées, comme cela a été le cas, rien ne peut être laissé sur place, il faut alors compter des temps de rangement et d’installation supplémentaires. Ces temps de logistique rapportés à la durée de classe d’une demi-journée, c'est-à-dire deux heures et quarante-cinq minutes, ne sont pas négligeables. Par ailleurs, nous avons noté certains problèmes de commodité liés au manque d’espaces servants ainsi qu’à l’occupation des salles. Les espaces de stockage étant petits et peu nombreux, le matériel tel que les jeux de récréation ou les cartons de bricolage sont stockés en partie dans les salles. A ce stockage déjà embarrassant, nous avons ajouté, pour les besoins de l’atelier, une matériauthèque conséquente créant rapidement le désordre au fond de la classe. De plus, la mobilisation des salles de façon continue sur trois jours crée des contraintes pour les autres usagers. En effet, si les salles de classes sont propres à chaque classe, les autres peuvent être considérées comme « passantes » car elles correspondent à une fragmentation des activités et peuvent être utilisées par différents acteurs suivant des plages d’occupation définies. La monopolisation de ces espaces sur une longue durée perturbe l’organisation établie et empêche d’autre usagers de bénéficier de ces salles. Cela peut également entrainer des conflits d’usages liés à leur superposition, comme cela a été le cas lors d’interviews menés dans la salle polyvalente. Cette dernière est empruntée par une partie des enfants pour rentrer de récréation, mais le passage gênait la prise de son et déconcentrait CE1 et CE2 interviewés et réciproquement l’enregistrement perturbait le retour en classe. En conclusion, pour avoir des configurations spatiales répondant au mieux aux besoins des ateliers, nous avons successivement réaménagé l’espace puis utilisé d’autre salle. Dans les deux cas, nous avons observé des contraintes de commodité perturbant l’atelier en lui-même mais également les activités des autres classes. De plus, les réponses apportées à des besoins spatiaux ont directement engendré des coûts « temporels ». Dans un contexte de récente réforme sur l’organisation des temps scolaires, ce constat, met en évidence un lien entre l’espace, dont la responsabilité revient aux communes, et le temps, organisé par l’éducation nationale, appuyant ainsi l’intérêt d’une rencontre entre l’Etat et les collectivités territoriales évoquées précédemment.

3.2.3. Une intervention sur l’espace soumise à condition

Le dernier objectif de ce travail était de tester un dispositif permettant la transformation d’une école par ses usagers. Afin de préparer ces ateliers, nous avons réalisé un diagnostic au sein de l’école. Les questionnaires, entretient semi-directif et parcours commentés réalisés ont mis en évidence un certain nombre d’éléments positifs et négatifs liés à des évolutions sociales (variation démographique) ou pédagogiques pouvant être support de projet. Parmi ces éléments, certains relèvent de « grands aménagements » comme la construction de nouvelles toilettes, la réhabilitation de la cours de récréation, l’extension etc. qui nécessitent des matières lourdes. D’autres relèvent de « petits aménagements » tels que la lumière, l’ambiance, des dispositifs spécifiques etc. nécessitant des moyens de mise en œuvre plus faciles à mettre en place et mieux adaptés au travail avec les enfants. Nous nous sommes donc intéressés à cette deuxième catégorie. La mise en place

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d’une correspondance entre les classes et avec d’autres écoles nous a particulièrement intéressées parce que c’est une pratique pédagogique qui dépasse le cadre de la classe et pour laquelle il n’existait aucun support construit. En l’absence de dispositif spécifique, les élèves « facteurs » chargés de remettre le courrier devaient pour cela taper à la porte et interrompre le cours. Nous avons alors choisi de travailler sur la construction de boites aux lettres pour chaque classe, permettant à cette pratique d’exister dans l’espace, de remédier au léger désagrément précédemment cité et de créer une nouvelle mission journalière pour les enfants : ramasser le courrier. De ce point de vue là, l’objectif de départ est bien atteint, nous avons conclu l’atelier par la livraison d’une boite aux lettres fonctionnelle à chaque classe et, pour assurer la pérennité de ce dispositif, l’installation a été réalisée quelques jours plus tard par un employé communal. En effet, la commune est propriétaire et responsable des bâtiments scolaires1 et seuls ses employés sont autorisés à y apporter des transformations. Ainsi notre dispositif de transformation de l’espace par les usagers rencontre ici une première condition, la transformation ne doit pas toucher à l’édifice, dans le cas contraire elle doit être effectuée en accord avec la commune. Par ailleurs, le positionnement même des boites aux lettres a été soumis à condition. En effet, l’aménagement de l’école est contraint à un certain nombre de règles, dont notamment la réglementation incendie. L’école de Peipin est un Etablissement Recevant du Public de type R qui regroupe « les établissements d’éveil, d’enseignement, de formation, centres de vacances et centres de loisirs sans hébergement »2 et de cinquième catégorie car elle compte moins de 199 élèves. Selon règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP) « Les dégagements (portes, couloirs, circulations, escaliers, rampes) doivent permettre l'évacuation rapide et sûre de l'établissement ; en particulier, aucun dépôt, aucun matériel, aucun objet ne doit faire obstacle à la circulation des personnes »3. Afin de correspondre aux dimensionnements donnés dans le même article, l’emplacement des boites aux lettres a donc été revu. Si celui-ci ne change en rien leur fonctionnement, cette modification soulève cependant des questions d’ordre pédagogique. En effet, le positionnement des boites aux lettres dans l’espace a fait l’objet d’un exercice avec les enfants dont le résultat n’a pas été pris en compte dans l’installation finale. De la même façon que nous avons pris en compte les caractéristiques techniques liées à la réalisation, l’étude préalable des réglementations aurait permis d’en tenir compte dans le développement du projet et d’orienter le travail des enfants afin d’éviter le problème évoqué précédemment. Malgré certains obstacles d’ordre juridique, qui auraient put être anticipés, une transformation a effectivement été apportée à l’espace. Cette expérience nous permet donc de confirmer notre hypothèse de départ selon laquelle il existerait des dispositifs qui permettraient d’adapter les établissements scolaires aux évolutions pédagogiques et de participer à la découverte par l’enfant, de l’architecture et de l’espace.

Article L521-4 [en ligne]. juillet 2013. [Consulté le 12 octobre 2015]. Disponible à l’adresse : http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006071191. 2 DONTENWILLE, François, HOUCHOT, Alain, DELAHAYE, Jean-Paul, et al. Concevoir et construire une école primaire du projet à la réalisation. Paris : Ed. du Moniteur, 2013, p. 82. ISBN 9782281116182 2281116182. 3 Règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP) [en ligne]. 22 mars 2014. [Consulté le 5 novembre 2016]. Disponible à l’adresse : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;?cidTexte=LEGITEXT000020303557#LEGISCTA000020303815 . 1

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Conclusion :     

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Cette expérience est un réel apprentissage partagé entre enfants et étudiants Les ateliers ont permis d’observer principalement deux contraintes spatiales : le manque d’espace (servant et servit) et des aménagements difficilement reconfigurable. La résolution de ces problèmes spatiaux entraine un coût temporel Le format intensif des ateliers entraine la monopolisation d’espaces sur une longue durée pouvant ainsi engendrer incommodité et superposition des usages L’intervention sur l’espace est soumise à plusieurs conditions : la mise en œuvre possible par les enfants dans le temps imparti ainsi que les réglementations concernant l’aménagement des écoles.


4. Eclairage sur la conception des écoles à l’attention des différents acteurs Ce chapitre constitue une synthèse des enseignements retirés de cette recherche. Nous avons émis un certains nombre d’enjeux et de propositions concernant l’architecture scolaire auxquels nous avons ajouté des exemples observés en France ou à l’étranger. 4.1. Concevoir ensemble usages pédagogie et espace

Dans les années quatre-vingt, la décentralisation a conduit à une séparation entre la conception de l’espace, encadrée par les collectivités locales, et celle de la pédagogie, par l’éducation nationale. D’autre part, la prise en compte de la parole enseignante à reculé et il n’existe aucune place légale pour les usagers dont la demande est exprimée par une personne intermédiaire. Afin de concevoir des établissements répondant au mieux aux attentes pédagogiques ainsi qu’à celle des usagers il parait nécessaire de trouver un point de rencontre entre l’Etat, les collectivités territoriales et les usagers. 

Créer un lieu de référence pour l’architecture scolaire

Développer des dispositifs de co-conception

La mise en place d’une mission de conseil en ce qui concerne l’architecture et la pédagogie servirait d’intermédiaire entre l’Etat et les collectivités et permettrait d’anticiper les évolutions pédagogiques et de faciliter leur introduction dans l’école. Les objectifs seraient de mutualiser les expériences réalisées sur l’ensemble du territoire, proposer des exemples concrets concernant l’aménagement, l’équipement etc. et de prolonger les réflexions sur l’école du futur. La participation des usagers à la conception de l’école permet de mieux intégrer leurs besoins. Il ne s’agit cependant pas de faire du sur-mesure pour chacun mais de trouver un espace permettant une libre appropriation par tous. Les expériences déjà réalisées révèlent différents niveaux et méthodes de co-conception.

Par exemple, pour la conception de l’école Don Milani en Italie les participants sont regroupés selon leur fonction. Lucien Kroll traduit le programme en divers éléments (couloirs, classes …), puis organise une première réunion avec les employés communaux afin de les faire réfléchir à l’agencement de ces éléments. Il organise ensuite une seconde réunion avec le corps enseignant. Enfin il réalise le projet à partir des informations récoltées et de dessins réalisés par les enfants, dont il tire notamment la forme des acrotères1. Au contraire, pour la conception de l’école Ingunnarskoli à Reykjavik en Islande, les usagers sont réunis dans une commission qui assiste à toutes les étapes. Ces dernières sont organisées selon un processus de « conception descendante » allant du général vers le particulier. La première étape de concertation est la signature pédagogique de l’école, son identité. La seconde concerne les attentes pédagogiques, vient ensuite le processus Le paysage des Kroll, https://fponsolle.wordpress.com/2015/06/17/le-paysage-des-kroll/, janvier 2016. 1

consulté le 3

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pédagogique, qui concerne le programme d’enseignement puis l’environnement pédagogique, intérieur et extérieur à l’école. Enfin La dernière phase est celle du projet1. 4.2. Echanger avec son environnement

L’établissement constitue, hors des temps scolaires, un espace ressource peu exploité. D’autre part le contexte dans lequel il se trouve, offre de nombreuses occasions d’apprentissage. Ainsi une plus grande perméabilité entre l’école et son environnement permettrait de diversifier les lieux et les modes d’apprentissage et d’envisager une gestion optimale des locaux. 

Apprendre hors de l’école

Ouvrir l’école aux habitants

L’environnement possède de nombreux lieux d’apprentissage, de natures différentes selon les contextes, mobilisables par les enseignants. En effet l’utilisation d’espaces extérieurs à l’école rend l’enseignement plus concret et lui donne un sens hors de l’institution. Ces espaces d’apprentissage peuvent être pris en compte dès la conception de l’établissement notamment dans le choix de l’emplacement de l’école, comme pour celle du Haut-Bois. A l’image de l’école Ingunnarskoli 2 , une réflexion peut également être menée sur l’environnement de travail et les relations possibles entre l’école et ses espaces extérieurs. L’utilisation des locaux par l’école et les activités périscolaires est limitée à certaines périodes et horaires. L’ouverture de l’établissement hors des temps scolaires permet d’accueillir d’autres usages et présente un intérêt pédagogique et économique pour les enfants, les parents et la population locale.

A Genève, par exemple, les écoles sont ouvertes à tous suivant une organisation clairement définie3. De 16h00 à 18h00 des locaux spécifiques (ateliers de bricolage, salles de couture …) sont réservés aux activités pour les enfants. De 18h00 à 22h00 les salles de gymnastique et de jeux sont louées à des sociétés locales, qui parfois même occupent à l’année des locaux spécifiques au sein de l’école. Enfin les cours de récréation, réservées aux élèves pendant les cours, sont ouvertes au public le reste du temps. Au Japon, les écoles offrent à la population locale des activités de formation tout au long de la vie. Par ailleurs, elles jouent un rôle important dans la gestion des catastrophes naturelles, où elles servent d’abri pour tous les habitants4.

Bruce JILK, « Le processus de conception descendante : conception d’une école en Islande avec la participation de ses futurs utilisateurs », PEB échanges ; la revue du programme de l’OCDE pour la construction et l’équipement de l’éducation, 2002, no 47, p. 9‑10. 2 Ibid. 3 « L’utilisation des équipements scolaires en dehors des heures de classe », PEB échanges ; la revue du programme de l’OCDE pour la construction et l’équipement de l’éducation, op. cit. 4 Naoto FUKABORI, « Mesures prises en faveur des équipements scolaires au Japon », PEB échanges ; la revue du programme de l’OCDE pour la construction et l’équipement de l’éducation, 2003, no 49, p. 15‑16. 1

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4.3. Recevoir les évolutions pédagogiques, sociales et politiques

De nombreux éléments influençant l’école peuvent avoir des répercussions sur l’espace. La conception d’édifices adaptables paraît nécessaire afin d’anticiper et de recevoir ces changements. 

Diversifier les espaces

Proposer des espaces de natures variées permet la cohabitation de plusieurs méthodes d’enseignement sans avoir à opérer de changements. Il est notamment possible d’intervenir sur la taille des espaces et leurs ambiances en fonction de la taille des groupes de travail et des usages souhaités.

Par exemple, l’école METI d’Anna Heringer possède à la fois des salles de classes rectangulaires et lumineuses et des espaces informels plus intimes pour les enfants ; les mini grottes creusées dans l’épaisseur du mur1. 

Concevoir des espaces modulables

La mobilité permet une reconfiguration de l’espace en fonction des usages. Elle peut se faire de façon non anticipée, par le simple déplacement du mobilier, mais certains dispositifs modulables peuvent contribuer à ces changements et augmenter la diversité des espaces. C’est le cas du centre éducatif Chimundo au Mozambique. Il est composé de deux salles imbriquées. La première, réservée aux cours d’informatique est fermée et plus sombre. La seconde, pour les cours d’anglais est plus ouverte. La cloison séparant les deux espaces est mobile, ce qui permet, en fonction des besoins, de créer un espace plus grand. 

Permettre l’extension et la réversibilité

Dans les zones périurbaines et rurales, où la population infantile varie fréquemment, l’école peut être amenée à s’agrandir ou à diminuer, voir fermer. Ainsi, concevoir un édifice extensible et réversible permet d’anticiper ces changements. L’école flottante de Makoko est un exemple d’architecture réversible, dont la structure a été conçue pour s’adapter à d’autres usages tels qu’un centre de santé, des logements etc.2

Par ailleurs, la réversibilité et l’usage de l’école pour d’autres fonctions introduisent une réflexion plus générale sur l’environnement et rejoignent la volonté exprimée par Patrick Bouchain de « faire le minimum et non pas le maximum et luter contre [l’] idée qu’il faut à tout prix programmer un bâtiment »3.

Anna HERINGER, METI – Handmade School in Rudrapur, Bangladesh, http://www.anna-heringer.com/, consulté le 2 janvier 2016. 2 Florence SARANO, Vincent PARREIRA et VILLA DE NOAILLES (HYERES, FRANCE) (dir.), Architectures pour l’avenir, Paris : Hyères, Archibooks ; Villa Noailles, 2014. 3 P. BOUCHAIN, « Vers une école du réel », op. cit., p. 53. 1

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4.4. Introduire l’architecture dans les réflexions de l’école

La subversion des lieux présente dans les établissements est un processus d’appropriation de l’espace révélant une capacité à aménager l’espace, quel qu’il soit, en fonction des besoins pédagogiques. En revanche, les expériences de concertation menée en France ont permis de constater une difficulté à parler d’espace. 

Utiliser l’espace comme moyen d’éducation

Il existe toujours, même dans les édifices non flexibles à l’origine, une certaine part de liberté dans l’aménagement. En effet la flexibilité dépend en grande partie des usagers qui la mettent en œuvre. Saisir cette opportunité et prendre des initiatives dans l’organisation spatiale permet d’adapter l’espace aux pédagogies développées.

Par exemple, à l’ouverture de l’école La Source à Meudon dans les années cinquante, Roger Cousinet souhaitait rompre avec les cours magistraux et la standardisation de la salle de classe au profit d’une pédagogie plus conviviale et basée sur les échanges. Il a donc demandé aux élèves d’amener de chez eux de vieux fauteuils, chaises et canapés afin de créer une ambiance plus chaleureuse. 

Faire de l’espace un objet d’étude

Construire une culture architecturale

L’architecture et l’urbanisme offrent une certaine transdisciplinarité. Leur croisement avec les attentes du programme pédagogique et les matières normalement distinctes entraine un décloisonnement et une plus grande perméabilité entre les disciplines. D’ailleurs, cela permet de relier les connaissances entre elles et de leur donner du sens en dehors du cadre dans lequel elles ont été acquises. Si ce travail comporte des avantages pédagogiques il permet également de participer à la construction d’une culture architecturale. Il faut faire cependant attention à ne pas confondre former (ou recruter) de futurs architectes et diffuser l’architecture au près des jeunes. L’objectif ici est de donner à tous des clés de lectures et les moyens de s’approprier l’espace dans lequel on évolue et de faire naitre l’envie future de devenir acteur dans la définition de son environnement. Le décalage entre les évolutions pédagogiques et la pérennité du bâti constitue une opportunité de travail avec les élèves. Il permet d’interroger les relations entre espace et usages et soulève la question de l’adaptation du bâtiment. C’est donc l’occasion pour les enfants d’imaginer des solutions à une demande concrète qui les touche personnellement. 4.5. Imaginer des ateliers en relation avec l’espace scolaire

Dans le cadre du parcours recherche nous avons testé au près d’une classe de CE1 et CE2 des ateliers d’éveil à l’espace et à l’architecture tout en prenant part à la transformation de leur propre environnement. 

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Une expérience de la matière liée aux sens


Ce travail s’inspire des laboratoires tactiles de Bruno Munari 1 . Il est initié par la manipulation de différents morceaux de matière associée à l’expression des sensations provoquées. Les matières, choisies en fonction de leurs propriétés et leur possible mise en œuvre par les enfants, sont comparées aux matériaux utilisés dans la construction de l’école et aux possibilités et expériences qu’ils offrent. 

Une réflexion sur les liens possibles entre matières, usages et espace

Un test à échelle une

Une expérience reproductible à plusieurs niveaux

Dans un second temps les expériences sont réinvesties dans un travail sur les usages et l’espace. L’objectif est de réfléchir à l’impact que peut avoir l’utilisation d’une matière ou d’une autre dans l’espace. Par exemple l’utilisation de matériaux transparents ou opaques peut changer l’ambiance et la luminosité de la salle ou encore placer des éléments lisses ou rugueux dans des zones de contact direct peut avoir une influence sur le confort etc. Enfin les matières apportées sont utilisées pour réaliser une transformation de l’espace à l’échelle des enfants. La réalisation permet de donner une dimension concrète aux réflexions menées et de tester pour de vrai les relations matières espace usages proposées par les enfants. Au-delà de la sensibilisation à l’architecture, cette étape est l’occasion de participer à un travail collectif ayant un objectif définit et une fonction dépassant le cadre strict de l’atelier. Ici, les enfants ont réalisés des boites aux lettres utilisées par l’ensemble de l’école. Les ateliers proposés pourraient être développés avec d’autres classes de niveaux différents. Certains paramètres variables permettraient d’adapter le travail aux élèves et d’obtenir des réalisations diverses. Par exemple lors de la manipulation, l’expérience des caractéristiques physiques et chimiques de la matière peuvent être déclinées en fonction des programmes scolaires. L’introduction des outils numériques est également à prendre en compte. La modélisation et le vidéo mapping, projection d’images ou vidéos dans l’espace, pourraient introduire de nouvelles réflexions concernant le passage de l’échelle réduite à l’échelle une et du virtuel au réel.

B. MUNARI, I laboratori tattili, op. cit.

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Conclusion Le point de départ de ce travail est fondé sur le décalage existant entre les évolutions pédagogiques et la pérennité du bâti. Ce constat interroge la flexibilité des écoles et leur capacité à recevoir des changements.

Dans un premier temps, nous avons identifié, à travers l’étude de l’architecture scolaire et de son histoire, différents paramètres influant sur les établissements. L’observation de l’école de Peipin, dans les Alpes de Haute Provence, et de celle du Haut-Bois, à Saint Jacques de la Lande, nous a permis de mieux comprendre leurs répercussions dans l’espace. Dans un second temps, nous avons observé les processus de conception et d’appropriation des écoles permettant d’accueillir les évolutions observées dans la première partie du travail. Dans un troisième temps, nous avons un mis en place un dispositif de co-conception adapté aux enfants qui contribue à la découverte de l’architecture ainsi qu’à la transformation de l’école par ses usagers. Enfin, ce travail nous a conduits à établir une série d’enjeux et de propositions concernant l’architecture scolaire à l’attention des différents acteurs de sa programmation et de sa réalisation ainsi qu’à celle de ces usagers.

Nous avons émis l’hypothèse que l’architecture pourrait conditionner la pédagogie. En effet, les enquêtes de terrain et les ateliers réalisés révèlent un certain nombre d’incommodités liées en grande partie au manque d’espaces de travail et d’espaces servants ainsi qu’aux ambiances (sonore, lumineuse …) non adaptées. De plus, ce que Bruno Latour appelle « délégation aux objets » témoigne de la possibilité d’utiliser l’espace comme support de la pédagogie et comme point d’appui aux comportements et à la circulation des savoirs. Cependant, l’exemple des écoles à aires ouvertes révèlent que les usagers favorisent la pédagogie de leur choix, même s’ils considèrent les locaux contraignants, au détriment d’une pratique pédagogique adaptée à l’espace. Ainsi, si l’espace peut contraindre une pédagogie, il ne détermine cependant ni les usages ni les pratiques pédagogiques développées.

Nous avions pour seconde hypothèse qu’une certaine porosité entre l’établissement scolaire et son contexte pourrait influencer l’espace architectural et la pédagogie. L’utilisation de l’école pour d’autres usages, comme c’est le cas à Peipin, influe principalement sur l’agencement des espaces. Si les activités introduites n’ont pas d’influences sur les pédagogies développées en revanche, comme en témoigne les divers entretiens et parcours commentés, les ressources disponibles autour de l’école génèrent de nouvelles situations d’apprentissages. Ce travail a également permis de démontrer qu’au même titre que les changements pédagogiques, les évolutions sociales et politiques pouvaient avoir un impact sur l’architecture scolaire. Elles interfèrent sur la construction de nouvelles écoles mais également sur l’adaptation des anciennes. De plus, le pilotage des constructions et la gestion des établissements conditionnent l’acceptation des changements pédagogiques. 57


Afin d’anticiper les évolutions pédagogiques, sociales et politiques, nous avons étudié la flexibilité ainsi que la capacité d’adaptation de nos deux terrains d’études, l’une étant conçue pour évoluer, l’école du Haut-Bois, et l’autre non, l’école de Peipin. Nous avons relevé des dispositifs inscrits dans des temporalités et échelles différentes : la diversité des situations proposées, le réaménagement de l’espace, la réversibilité et l’extension de l’école. Cependant leur présence dans les deux écoles et le fait qu’ils soient en grande partie initiés et mis en œuvre par les usagers témoignent de l’importance de ces derniers. Cette observation a donc orienté notre réflexion sur la prise en compte des usagers dans la conception et la transformation des écoles. La multiplication des points de vue et la difficulté à organiser et hiérarchiser leurs demandes, rendent la programmation de plus en plus complexe. Nous avons alors reconsidéré le décalage entre évolution pédagogique et pérennité du bâti. En effet, au-delà du problème suggéré, il peut être envisagé comme une opportunité de travailler à la transformation de l’espace avec les enseignants et les élèves et, plus largement, de participer à la construction d’une culture architecturale.

Dans le prolongement de cette réflexion, nous avons imaginé un dispositif, le Laboratoire Tactile, participant à la découverte de l’architecture par les enfants tout en leur permettant d’intervenir dans l’espace de façon à transformer leur école. Dispositif que nous avons expérimenté avec la classe de CE1 et CE2 de l’école de Peipin sous la forme d’ateliers pédagogiques mis en place avec l’association Graines d’Archi. Nous avons alors travaillé avec les enfants à la réalisation d’objets supports d’une pratique pédagogique récemment mise en place par les enseignants : la correspondance entre les classes. Le succès de cette expérience, ainsi que la possibilité d’en faire varier les paramètres afin d’intervenir à différentes échelles, confirment notre dernière hypothèse selon laquelle il existerai des dispositifs permettant d’éviter les contraintes liées aux évolutions pédagogiques et sociales, tout en participant à la découverte par les enfants de l’architecture et de l’espace. Par ailleurs, ce travail a révélé de réels intérêts pour les étudiants à participer à une telle démarche. En effet, nous avons acquis au cours de cette expérience de nombreuses compétences, notamment en termes de montage de projet, de présentation à un public non initié, de pédagogie, de gestion de groupe, etc. Ce travail a été un réel enseignement horsles-murs et nous a amené à rencontrer différents acteurs et élargir nos connaissances sur la diversité des parcours professionnels envisageable. De plus, pour plusieurs d’entre nous, cette expérience s’inscrit dans des démarches plus larges reconnues dans le cadre de nos formations.

Le Laboratoire Tactile a également mis à jour un certain nombre de parallèles possibles entre la pédagogie mise en place avec les enfants et l’apprentissage au sein des écoles d’architectures. L’intensité des ateliers, l’arrêt des autres cours pour se concentrer sur un exercice unique à l’issu duquel un résultat est attendu, font du Laboratoire Tactile un véritable workshop à l’image de ceux existant au sein de notre formation. Un autre exemple est le lien qu’il existe entre la pédagogie par le projet et le projet architectural, dont les démarches présentent de nombreuses similitudes. Cette comparaison est à mettre 58


en perspective avec l’apprentissage du projet tel qu’il existe au sein des écoles d’architecture, qui se positionne à la croisée entre les deux. Ainsi, d’une part, les bénéfices apportés par cette expérience, aussi bien aux enfants qu’aux étudiants, mettent en lumière l’intérêt d’une interaction entre l’enseignement primaire et l’enseignement supérieur et, d’autre part, les parallèles observés entre les deux soulèvent la question d’un transfert possible des pratiques pédagogiques de l’un vers l’autre.

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DONTENWILLE, François. Histoire et pilotage des constructions scolaires. INSPECTION GÉNÉRALE (dir.), La revue de l’inspection générale. Février 2005, no 02, p. 28-41 DONTENWILLE, François. HOUCHOT, Alain. DELAHAYE, Jean-Paul. SCHLERET, JeanMarie et Société d’études techniques et économiques-Organisation, Concevoir et construire une école primaire du projet à la réalisation, Paris, Ed. du Moniteur, 2013.

FOSTER, Simone. Architecture scolaire : regard historique tourné vers l’avenir. Bulletin CIIP. Décembre 2004, no 15, p. 3-9

FOSTER, Simone. L’évolution des pédagogies nécessite de l’espace, beaucoup d’espace. Bulletin CIIP. Décembre 2004, no 15, p. 15-17 GIORDAN, André. L’architecture au service des élèves. Bulletin CIIP. Décembre 2004, no 15, p. 28-29 LOUIS, François. L’architecture scolaire : un judicieux point de rencontre entre l’Etat et les collectivités ? INSPECTION GÉNÉRALE (dir.), La revue de l’inspection générale. Février 2005, no 02, p. 85-96 MARCHAND, Bruno. L’architecture scolaire d’aujourd’hui. Buletin CIIP. Décembre 2004, no 15, p. 24-25

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Présentation, missions et organisation de l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement. Dans : Education.gouv [en ligne]. Fevrier 2015. [Consulté le 6 janvier 2016]. Disponible à l’adresse : http://www.education.gouv.fr/ons/cid85832/presentation-missions-et-organisation-de-lons.html 2. Imaginer l’école de demain

Ouvrages :

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ORGANISATION FOR ECONOMIC CO-OPERATION AND DEVELOPMENT. Sous un seul toit: la prestation de services collectifs intégrés dans les pays de l’OCDE. Paris : OCDE, 1998. ORGANISATION FOR ECONOMIC CO-OPERATION AND DEVELOPMENT et PROGRAMME ON EDUCATIONAL BUILDING (dir.). Bibliothèques scolaires et centres de documentation :Schoollibraries and resource centres. Paris : OCDE, 2001. Articles :

CHUNG, François. Vers des espaces de travail numériques pour l’enseignement en France. OCDE (dir.), PEB échanges ; la revue du programme de l’OCDE pour la construction et l’équipement de l’éducation. Juin 2003, no 49, p. 13 DEROUET-BESSON, Marie-Claude. Note de synthèse [architecture et éducation : convergences et divergences des conjonctures politique et scientifique]. ENS LYON (dir.), Revue française de pédagogie. 1996, Vol. 115, p. 99-119 FUKABORI, Naoto. Mesures prises en faveur des équipements scolaires au Japon. PEB échanges ; la revue du programme de l’OCDE pour la construction et l’équipement de l’éducation. Juin 2003, no 49, p. 15-16 GAUZIN-MÜLLER, Dominique. L’école de demain. EK. Mars 2014, no 37, p. 54-93

ISTANCE, David. Dossier L’école du Futur. OCDE (dir.), PEB échanges ; la revue du programme de l’OCDE pour la construction et l’équipement de l’éducation. Octobre 2001, no 44, p. 10-15 LOUIS, François. L’école intelligente. OCDE (dir.), PEB échanges ; la revue du programme de l’OCDE pour la construction et l’équipement de l’éducation. Octobre 2001, no 44, p. 16-19 MUSSET, Marie. De l’architecture scolaire aux espaces d’apprentissage : au bonheur d’apprendre ? ENS LYON (dir.), Dossier s’actualité Veille et Analyses. Mai 2012, no 75, p. 1-19 PAQUOT, Thierry. La ville, un jeu d’enfant ? EK. Mars 2014, no 37, p. 50-53

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POURCHET, Gérard. Une nouvelle logique de l’établissement scolaire. INSPECTION GÉNÉRALE (dir.), La revue de l’inspection générale. Février 2005, no 02, p. 42-46

L’utilisation des équipements scolaires en dehors des heures de classe. PEB échanges ; la revue du programme de l’OCDE pour la construction et l’équipement de l’éducation. Juin 1999, no 37, p. 11-16 Thèse :

AMBASSA, Jean. Apprentissage coopératif virtuel: une recherche-action sur la productivité du groupe virtuel. Montréal : université du Québec, 2005

NAKIB, Faiza. Lieux scolaires flexibles et adaptables : Modèles conceptuels pour les écoles publiques primaires en Algérie. Alger : Ecole Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme, 9 mars 2015 Internet :

BESATTI, Sébastien. Arles : L’art pour changer le monde et l’école qui change de l’école. Dans : La Marseillaise [en ligne]. 28 octobre 2014. [Consulté le 27 décembre 2015]. Disponible à l’adresse : http://www.lamarseillaise.fr/bouches-du-rhone/education/32701-lart-pour-changer-le-monde-et-l-ecole-qui-change-de-l-ecole DEROUET-BESSON, Marie-Claude. Architecture scolaire : des repères pour des établissements scolaires de qualité. Dans : CEMEA [en ligne]. 2005. [Consulté le 8 janvier 2016]. Disponible à l’adresse : http://www.cemea.asso.fr/spip.php?article5541

GIRARDEAU, Nelly. Université Foraine - Des lieux pour grandir [en ligne]. mai 2015. Disponible à l’adresse : http://www.universiteforaine.fr/rencontres-ufo/

Le cartable numérique ou la pédagogie 2.0. Dans : Econocom [en ligne]. juin 2013. [Consulté le 21 octobre 2015]. Disponible à l’adresse : http://blog.econocom.com/blog/lecartable-numerique-ou-la-pedagogie-2-0/ 3. Projets d’écoles

Ouvrages :

CONTAL, Marie-Hélène, REVEDIN, Jana et ALEXANDER, Christopher. Sustainable design III vers une nouvelle éthique pour l’architecture et la ville. Paris : Ed. Alternatives, 2014. SARANO, Florence, PARREIRA, Vincent et VILLA DE NOAILLES (HYÈRES, FRANCE) (dir.). Architectures pour l’avenir. Paris : Hyères : Archibooks ; Villa Noailles, 2014. ISBN 9782357333017 9782919290147 SPATARO, Salvatore (dir.). Needs: architettureneipaesi in via di sviluppo = Needs: architecture in developing countries. 1. ed. Siracusa : LetteraVentidue, 2011. ISBN 9788862420327 9788862420327 Articles : 62


BOUCHAIN, Patrick. Vers une école du réel. EK. Novembre 2015, no 47, p. 50-53

CATSAROS, Christophe. Une école Foraine. Tracés : bulletin technique de la Suisse romande. Novembre 2011, no 21, p. 7-10

JILK, Bruce. Le processus de conception descendante : conception d’une école en Islande avec la participation de ses futurs utilisateurs. PEB échanges ; la revue du programme de l’OCDE pour la construction et l’équipement de l’éducation. Octobre 2002, no 47, p. 9-10 Centro Educatiov, Chimundo (Mozambiques). AV monografias ; La escuela global. 2011, no 152, p. 48-51 Conférence :

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HERINGER, Anna. METI – Handmade School in Rudrapur, Bangladesh. Dans : Anna Heringer Architecture [en ligne]. [Consulté le 2 janvier 2016]. Disponible à l’adresse : http://www.anna-heringer.com/ Le paysage des Kroll. Dans : Sun Trap - Blog d’architecture [en ligne]. Juin 2015. [Consulté le 3 janvier 2016]. Disponible à l’adresse : https://fponsolle.wordpress.com/2015/06/17/le-paysage-des-kroll/ 4. Pédagogie et expérience participative Ouvrages :

CONNAC, Sylvain. Apprendre avec les pédagogies coopératives: démarches et outils pour l’école, Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), ESF, 2009. BORDALLO, Isabelle et GINESTET, Jean-Paul. Pour une pédagogie du projet, Paris, Hachette Education, 2006. LUCIANI, Tiziana. Ad occhichiusi, arte e arte terapia.

MUNARI, Bruno. I laboratoritattili. Mantova : Corraini, 2004.

RESTELLI, Beba. Giocare con tatto: per unaeducazioneplurisensorialesecondo il metodo Bruno Munari. Milano : Angeli, 2002. Architecture scolaire et réussite éducative: ouvrage collectif. Paris : Fabert en partenariat avec la CEMEA, 2008. Articles :

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CAGLIARI, Paola, BAROZZI, Angela et GIUDICI, Claudia. Réflexions, théories et expériences pour un projet éducatif basé sur la participation. Enfant d’europe: REGGIO EMILIA 40 ans de pédagogie alternative Sur les pas de Loris Malaguzzi. Février 2004, no 6, p. 28-30

DEROUET-BESSON, Marie-Claude. L’apport de l’Ecole à la construction d’une culture architecturale en France. INSPECTION GÉNÉRALE (dir.), La revue de l’inspection générale. Février 2005, no 02, p. 4-19

HOYUELOS, Alfredo. Une transgression esthétique. Enfant d’europe : REGGIO EMILIA 40 ans de pédagogie alternative Sur les pas de Loris Malaguzzi. Février 2004, no 6, p. 6-7

MALAGUZZI, Loris. Avancer sur des fils de soie. Enfant d’europe : REGGIO EMILIA 40 ans de pédagogie alternative Sur les pas de Loris Malaguzzi. Février 2004, no 6, p. 10-15 REVERDY,Catherine. « Des projets pour mieux apprendre ? », Dossier d’actualité veille et analyses, 2013, no 82, p. 1-24.

REVERDY, Catherine. « L’apprentissage par projet : de la recherche », Technologie, 2013, no 186, p. 46-55. VECCHI, Véa. Les multiples racines de la connaissance. Enfant d’europe: REGGIO EMILIA 40 ans de pédagogie alternative Sur les pas de Loris Malaguzzi. Février 2004, no 6, p. 18-21 Actes de colloque :

AMAUGER, Isabelle. Regards d’enfants sur un lycée en chantier. Dans : Eléments pour construire une pédagogie de l’espace auprès des jeunes. Vol. 2. Paris : Fédération nationale des CAUE, mais 1999, p. 53-57 CHANTEUX, Magali. Arts plastiques et éducation à l’espace. Dans : Eléments pour construire une pédagogie de l’espace auprès des jeunes. Vol. 2. Paris : Fédération nationale des CAUE, mais 1999, p. 27-34

DUBOIS, Emilie. La pédagogie de Reggio Emilia. Université de Genève, septembre 2010, p. 9 PARTOUNE, Christine. La géographie et les méthodes d’éducation à l’espace. Dans : Eléments pour construire une pédagogie de l’espace auprès des jeunes. Vol. 2. Paris : Fédération nationale des CAUE, mais 1999, p. 35-40

ROMUALD, Normand. L’utilisation de l’espace par les pédagogues : quelques exemples. Dans : Eléments pour construire une pédagogie de l’espace auprès des jeunes. Vol. 2. Paris : Fédération nationale des CAUE, mais 1999, p. 13-18 Texte officiel :

Article 7 de la loi n° 77-2 sur l’architecture [en ligne]. 3 janvier 1977. Disponible à l’adresse : http://www.legifrance.gouv.fr/ Internet :

DHERBOMEZ, Marie et DE WAVRECHIN, Karin. « Le dossier : pédagogie de projet ». 64


Pédagogie Reggio - Les cents langage de l’enfant [en ligne]. 16 février 2014. [Consulté le 1 septembre 2016]. Disponible à l’adresse : http://chroniquesparcheznous.blogspot.fr

PERRENOUD, Phillipe. Réussir ou comprendre ? Les dilemmes classiques d’une démarche de projet, http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1998/1998_39.html, consulté le 28 avril 2016.

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Liste des figures Figure 1 Bouchain Patrick, Croquis de l'école du Haut-Bois............................................................................... 1 Figure 2 analyse des extensions de l'école du Haut-Bois réalisée à partir d'une photo de maquette de l'agence construire .......................................................................................................................................... 16 Figure 3 Lieux utilisés par les enseignants de Peipin, fond googlemaps ......................................................... 21 Figure 4 Lieux utilisés par les enseignants du Haut-Bois, fond googlemaps ................................................... 21 Figure 5 Tableau récapitulatif des dispositifs observés ................................................................................... 29 Figure 6 Bouchain Patrick, Totem conçu par les élèves de l’école du Haut-Bois, en ligne sur www.cyrilleweiner.com ................................................................................................................................... 35 Figure 7 Photos prises lors des ateliers (manipulation, esquisse, réalisation) ................................................. 40 Figure 8 La boite aux lettres "à deux", de l'esquisse à la réalisation ............................................................... 43 Figure 9 Plan des espaces pratiqués lors des ateliers, réalisé par Marie Segonne .......................................... 44 Figure 10 Mercredi matin, présentation dans la salle de classe ...................................................................... 45 Figure 11 Mercredi matin, expérimentation dans la salle de classe ................................................................ 45 Figure 12 Jeudi matin, présentation dans la salle polyvalente ........................................................................ 46 Figure 13 Jeudi matin, travail en groupe dans la salle polyvalente et la classe .............................................. 47 Figure 14 Jeudi et vendredi matin, réalisation dans la salle de classe et du périscolaire ................................ 47

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Annexes Parcours commentés à l’école de Peipin :

Madame M, enseignante à l’école de Peipin, le 20.11.2015 Madame M, enseignante à l’école de Peipin, le 11.12.2015 Entretiens :

Madame Mireille Montagné, directrice à l’école de Peipin

p 68 p 70 p 73

Monsieur Grall, directeur du service éducation à la mairie de St Jacques de la Lande p 75

Madame M, S et Monsieur R, enseignante à l’école de Peipin et intervenants Graines d’Archi p 80 Madame E, intervenante Graines d’Archi

p 85

Eléments des programmes scolaires en relation avec les ateliers

p 87

Tableau :

Tableau de comparaison entre la pédagogie du projet, la démarche de projet des architectes et designers et le laboratoire tactile p 88 Questionnaires :

Madame M, enseignante à l’école de Peipin

p 89

Madame F, enseignante à l’école de Peipin

p 91

Madame H, enseignante à l’école de Peipin

p 95

Madame G, enseignante à l’école de Peipin Madame D, aide administrative à l’école de Peipin

p 93 p 97

Madame S, enseignante à l’école de Peipin

p 99

Panneaux de l’exposition sur le laboratoire tactile

p 101

Autre :

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Eléments des programmes scolaires en relation avec les ateliers Réalisé par Madame M enseignante à l’école de Peipin CE1

CE2 Français – Langage oral - Participer à un échange : questionner, apporter des - Échanger, débattre, Écouter et prendre en compte ce qui réponses, écouter et donner un point de vue en respectant a été dit. les règles de la communication. - Questionner afin de mieux comprendre. - Exprimer et justifier un accord ou un désaccord, émettre un point de vue personnel motivé. - Présenter à la classe un travail individuel ou collectif. - Présenter à la classe un travail individuel ou collectif. - Faire un récit structuré (relations causales, circonstances - décrire une image, exprimer des sentiments, en temporelles et spatiales précises) et compréhensible pour s’exprimant en phrases correctes et dans un vocabulaire un tiers ignorant des faits rapportés approprié. Français - rédaction - Concevoir et écrire de manière autonome une phrase - Dans les diverses activités scolaires, proposer une simple cohérente, puis plusieurs, puis un texte narratif ou réponse écrite, explicite et énoncée dans une forme explicatif de 5 à 10 lignes. correcte. Découverte du monde – géographie/ sciences Espace proche - Représentations simples de l’espace familier - Reconnaître et décrire un lieu familier (école, quartier, centre ville...) avec un vocabulaire adapté, à partir de supports variés (photographies sous différents angles et points de vue, vue panoramique, vue oblique, vue aérienne, plans...). - Élaborer des représentations simples de l'espace familier (le quartier, le village, la ville...) par des plans. - Construire une légende simple pour un plan réalisé collectivement. Matière et Objets : - Identifier quelques ressemblances et quelques différences entre plusieurs solides, - Utiliser quelques objets techniques (balances, jouets électriques, ustensiles de cuisine...) et identifier leur fonction. Mathématiques – Grandeurs et mesures - Connaître la relation entre heure et minute, mètre et - Utiliser des instruments pour mesurer des longueurs centimètre, kilomètre - Connaître les unités de mesure suivantes et les relations - Mesurer des segments, des distances qui les lient : Longueur : le mètre, le kilomètre, le centimètre, le millimètre Enseignement Civique et Moral La sensibilité: soi et les autres La sensibilité soi et les autres - Se situer et s'exprimer en respectant les codes de la - Partager et réguler des émotions, des sentiments dans des communication orale, les règles de l'échange et le statut de situations et à propos d'objets diversifiés : textes l'interlocuteur. littéraires, œuvres d'art, documents d'actualité, débats - Identifier et partager des émotions, des sentiments dans portant sur la vie de la classe. des situations et à propos d'objets diversifiés : textes - Maitrise des règles de la communication. (écoute, littéraires, œuvres d'art, la nature, débats portant sur la vie respect du point de vue de l'autre, recherche d'un de la classe. accord...). - Accepter les différences ( coopérer au sein d'un projet de - Savoir travailler en respectant les règles de la classe, accepter le partage des taches coopération. Le jugement: penser par soi-même et avec les autres Le jugement: penser par soi-même et avec les autres - Exposer une courte argumentation pour exprimer et - Prendre part à une discussion, un débat ou un dialogue : justifier un point de vue et un choix personnels. prendre la parole devant les autres, écouter autrui, - S'affirmer dans un débat sans imposer son point de vue formuler et apprendre à justifier un point de vue. aux autres et accepter le point de vue des autres. - Approche de l'argumentation. L'engagement: agir individuellement et collectivement L'engagement: agir individuellement et collectivement - Réaliser un projet collectif (projet de classe, d'école, - S'engager dans la réalisation d'un projet collectif (projet communal, national...). de classe, d'école, communal, national...). - Coopérer en vue d'un objectif commun.

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Tableau de comparaison entre les démarches de projet d’un élève1, d’un architecte2 et d’un designer3 et le laboratoire tactile mis en place à l’école de Peipin Réalisé par Marie Segonne

On observe des similitudes dans l’organisation générale des démarches de projets d’un élève, d’un architecte et d’un designer qui font du laboratoire tactile un vrai exercice de pédagogie par le projet. Il existe cependant d’importantes différences dans les objectifs à atteindre. D’un point de vue pédagogique, s’il est important que le projet aboutisse, la logique de formation doit cependant être privilégiée à la logique d’action. On note Une différence dans la terminologie employée : pour l’élève, les verbes d’action sont privilégiés, pour les architectes et designer c’est le contenu.

REVERDY, Catherine. L’apprentissage par projet : de la recherche. Technologie. Mai-Juin 2013, n 186, p. 46 55. 2 Etapes de conception et construction de bâtiment. Dans : Architecte Bâtiments [en ligne]. [s. d.]. [Consulté le 28 avril 2016]. Disponible à l’adresse : http://www.architecte-batiments.fr/etapes-deconception-et-construction-de-batiment/#etudes-d-esquisse-esq. 3 DGCIS. Référentiel des métiers du design [en ligne]. 2013. [Consulté le 28 avril 2016]. Disponible à l’adresse : http://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/etudes-etstatistiques/etudes/innovation/2014-01-Referentiel-metiers-design.pdf. 1

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Panneaux de l’exposition sur le laboratoire tactile Réalisé par Emmanuelle Pons

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