Vitalité énergétique en Cévennes

Vitalité énergétique en Cévennes Vers une approche frugale et territoriale Marie Guiraud | Mémoire de Travail de Fin d’Études | 2019 - 2020

Comment se saisir de l’énergie par les ressources soutenables de la Vallée Longue pour réinventer nos modes d’habiter et de gouvernance face à l’urgence climatique et sociétale ?

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Ce mémoire est un travail étudiant. Sauf indications contraires, l’ensemble des illustrations, cartographies et photographies sont personnelles. Toute reproduction totale ou partielle de l’un de ces documents est soumise à l’accord de son auteur, propriétaire des droits.

Les sources citées dans la bibliographie ont été entièrement lues, visionnées ou écoutées. Dans le cas d’informations ponctuelles, les sources sont directement en notes sur les pages concernées.

Crédits photographiques : p.29 : tableau du mont Lozère, collection André Chaptal. p. 40 : hameau des Cambous, extrait de la revue CAMBALUT, 1997. p. 50 à 65 : photographies anciennes extraites de l’ouvrage de Paczkowski, 1991. p. 57 : cartes postales anciennes extraites de l’ouvrage d’HUGON, 1987. p. 61 : lavoir central, collection JM Durand et J Médard. p. 61 : photographie aérienne, Géoportail, IGN, 1950. p. 63 : le Fesc, collection particulière Cyril Gaillard. p. 71 : atelier construction d’éolienne, Armand Majde Midi Libre. Conférence-débat, Denis Prat.

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Vitalité énergétique en Cévennes Vers une approche frugale et territoriale

Comment se saisir de l’énergie par les ressources soutenables de la Vallée Longue pour réinventer nos modes d’habiter et de gouvernance face à l’urgence climatique et sociétale ?

Encadrants du travail de fin d’études Claire Dauviau Paysagiste DPLG Enseignante en projet de paysage

Sébastien Lemaire Architecte DPLG, Enseignant en CAO et structures

Première et quatrième de couverture : hameaux de La Fabrège et du Corbier depuis la D984. [argentique] Ci-contre : le col de Jalcreste enneigé s’ouvre sur la vallée brumeuse, début novembre.

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Présidente de jury Lolita Voisin Directrice de l’ENP Maître de conférence en urbanisme

a v a n t p r o p o s

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Un diplôme. Une année entière.

Faire face, se sentir utile

D’abord un territoire que j’affectionne, comme une évidence : les Cévennes. Ces petites montagnes au pied desquelles j’ai grandi. Ces versants, tantôt boisés tantôt abrupts et rocheux, me transportent et me fascinent. Un territoire paraissant sauvage, mais que je sais pourtant entièrement façonné par de nombreuses mains humaines au fil des siècles.

Des questionnements plein la tête : sur la crise sociétale que mettent en évidence les nombreux mouvements sociaux 1 ; sur l’épuisement des ressources fossiles, sur le climat. Sur les possibilités de faire autrement. Sur l’avenir, sur la vie en général.

Et la place d’une paysagiste au milieu de tout cela.

Puis un mot qui m’accroche : l’énergie. Celle polluante par des ressources fossiles, celle dite renouvelable qui devrait tout changer, celle dont nous aurons besoin humainement pour changer, celle qui nous donne envie de faire autrement et qui nous fait avancer.

Devant des chiffres toujours plus effrayants, on se sent vite impuissant. En tant qu’individus, le poids de ces enjeux nous écrasent quotidiennement, alors beaucoup préfèrent s’en détourner pour continuer à vivre sereinement. En tant que paysagiste, on se sent également démuni car il s’agit là d’un domaine entièrement étranger à nos champs d’action habituels.

1 Quand La France se rebelle : une cartographie des mouvements sociaux en cours, article du 24.01.20, média indépendant Basta!

Cartographie par un collectif de géographes sur les mouvements sociaux des différents domaines (santé, éducation, justice, culture, transport, industrie et énergie).

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Que ce soit à titre personnel ou professionnel, je n’ai pas envie de me sentir démunie. J’ai envie de faire face à ces problématiques même si elles me dépassent, essayer d’y comprendre quelque chose, trouver un angle d’attaque que je maîtrise et sur lequel je peux agir. Même si cela peut paraître anecdotique, ou dérisoire. Parce qu’au fond ça ne l’est pas.

Double page précédente : La Vallée Longue et le Mont Lozère, depuis la route des crêtes D54. [argentique]

S o m m a i r e

Avant-propos

Faire face, se sentir utile 5

Introduction

L’énergie comme sujet, le paysage comme approche, la montagne comme territoire

8

1. Une préoccupation Nécessaire

11

1. Une compréhension complexe 12

Question universelle / Stock et flux / Comment ça se mesure ?

2. Une transition énergétique ? De la nécessité du frugal 14

Une accumulation / Transition morcelée / Ce qu’ils en disent...

3. De la nécessité du local 16

Politique énergétique / Mise en place d’outils / Ce qu’elle en dit... / Gouvernance descendante

et ascendante 4. De la nécessité du rural 20

Au nom de la transition / Ce qu’il en dit...

5. Mise en perspective 22

Des initiatives diverses

2. Immersion cévenole 25 1. Les Cévennes, un paysage habité 26

Le socle du paysage / Paysage reconnu

2. à la découverte de la Vallée Longue 31

Paysage en strates / Au fil des découvertes...

3. De crêtes à crêtes 34

4. Les fluctuations de l’eau 38

Deux sources ? / Une culture de l’eau ancrée

5. Un Paysage marqué par la forêt 42

Un couvert indispensable / La châtaigneraie / La garrigue à chêne vert / La pinède / Les ripisylves

et fonds de vallée / Les plantations de conifères 6. Une démographie contrastée 46 7. La distance et le temps 48

Comment se déplace-t-on ici ?

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3. La problématique de l’énergie, facteur de transformation du territoire

53

Mode d’emploi 55

1. Un système agricole autonome Une robuste et attentive frugalité 56

2. Le déclin du rural, L’arrivée du Train Décennies charnières 58

3. L’industrialisation du charbon Une renommée nationale 60

4. L’ère de l’électricité La nationalisation de l’énergie 62

5. Les Mines découvertes L’indélicatesse des machines 64

6. La renaissance du rural Une utopie créatrice d’histoire 66

7. Vitalité territoriale actuelle Acteurs principaux du territoire / Des initiatives variées 68

4.Vers une approche frugale et territoriale en Vallée Longue

75

1. La croissance verte, menée par la ville 76 2. La dystopie de l’effondrement, ou l’abandon progressif de la vallée 78 3. Une toute autre approche ... Commencer petit 80 4. Une vitalité mesurée, portée par le rural 82 5. Les vocations : les lieux de liens 84 6. Se rapprocher des lieux 86 St Hilaire : Préparer l’acclimatation forestière et fruticole 89 Le Castanet : S’ancrer sur les biens communs par les ressources

93 L’Espinas : Partager les savoirs et savoir-faire 97 Champclauson : S’approprier l’autonomie et l’énergie par l’imaginaire 101 Lavabreille : Tisser des liens réciproques entre agriculture et énergie 105

Conclusion

et pour la suite... 109

Annexes

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Bibliographie 116 Remerciements

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Introduction

L’énergie comme sujet Le paysage comme approche La montagne comme territoire Notre société est entièrement dépendante au pétrole, il est le premier facteur limitant de l’économie2. Énergie facile à extraire et extrêmement efficace, sa production est pourtant en baisse depuis 2008 (pour le pétrole conventionnel seulement3). Nous sommes déjà en situation de contraction énergétique mais le phénomène est dissimulé par l’exploitation des pétroles non conventionnels, rendue possible par l’endettement permanent des producteurs.

Sans une forte anticipation sociétale, un sevrage énergétique, plus ou moins progressif, plus ou moins brutal, sera subi par la population mondiale, les plus précaires en première ligne.

Une fois la paralysie première provoquée par ce type de constat, chacun se voudrait être force de propositions. Nos modes de vie ont besoin d’être repensés, sculptés par un autre moule que celui du pétrole. Mais comment visualiser de tels changements en ayant intégré ce mode de fonctionnement comme seul modèle ?

Apparaît alors le besoin de s’écarter du centre, de prendre du recul, d’aller à la marge, à la lisière.

Cette même figure de lisière, emblématique du paysage, lui donne toute sa force et sa complexité4. Décentrons le regard, choisissons la marge comme discipline et comme espace. Le paysage comme approche, la montagne comme territoire.

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L’épuisement des ressources non renouvelables et ses ‘‘conséquences, la hausse prévisible du coût des énergies

utilisées par notre société, les problèmes environnementaux posés par la consommation de ces ressources rendent nécessaire la transition énergétique de notre société.

Benoît Faucheux, 2013 1

1 Benoît Faucheux, La politique de transition énergétique de la Région Centre, dans la revue Pour n218, pages 171 à 180, 2013.

Accessible à : https://www.cairn. info/revue-pour-2013-2-page-171. htm, lu le16.10.2019.

2 La contraction énergétique, Conférence de Jean-Marc Jancovici à AgroParisTech le 24.09.2019 Accessible à : https://www.youtube. com/watch?v=T7f_mMvcSk8, visionnée le 10.02.2020.

3 Dans le cas du pétrole conventionnel, les hydrocarbures formés sont remontés dans des roches poreuses et perméables, formant des réservoirs. Les pétroles non conventionnels sont des hydrocarbures dispersés dans des couches peu poreuses, par exemple les sables bitumineux ou le pétrole de schiste. ibid.

4 Bertrand FOLLÉA, La marge au centre, dans Vous avez dit paysage ?, Les Cahiers de l’École de Blois n15, Éditions de la Villette, 2017.

5 La France est un pays qui s’est construit culturellement loin du relief, et a donc longtemps considéré les montagnes comme des espaces en marge.

’’

Considérée comme lointaine et distante5, la montagne a toujours été le lieu des imaginaires, espace prompt à fabuler, à composer des récits. C’est aussi un territoire où l’on ne peut pas s’affranchir du socle, où l’ancrage au sol est inévitablement plus persistant qu’en plaine. Les petites montagnes que sont les Cévennes ont été le lieu de multiples récits, mythes et fabulations, tout comme ses consœurs les Alpes ou les Pyrénées. La Vallée Longue illustre de plus une superposition de passés agricoles et miniers, dont les déclins successifs ont conduit à la considérer comme une marge.

La rencontre entre ce questionnement global sur notre société, sur nos modes de vie avec comme point de départ l’énergie d’une part, et un territoire riche et complexe ancré à son socle et ses ressources d’autre part, a permis d’aboutir à la problématique suivante : Comment se saisir de l’énergie par les ressources soutenables de la Vallée Longue pour réinventer nos modes d’habiter et de gouvernance face à l’urgence climatique et sociétale ?

Versants enneigés à proximité du col de Jalcreste [argentique] -9-

Consacrons-nous tout d’abord à saisir ce qu’est l’énergie et ce qu’elle implique, à comprendre cette notion complexe qui soulève de nombreuses préoccupations de plus en plus nécessaires.

Immergeons-nous ensuite dans ces versants cévenols et plus particulièrement la Vallée Longue, à la recherche de ce qui constitue l’essence de ce territoire, son relief, ses sources et ses ressources, les personnes qui l’habitent.

Puis explorons la relation fluctuante de l’énergie et de la vallée dans l’histoire, comment cette question énergétique fut un vecteur de transformation, de basculement du territoire.

Enfin concrétisons une vitalité mesurée par une approche frugale et territoriale pour l’ensemble de la vallée, dont une transcription davantage détaillée sur cinq lieux de liens aux différentes colorations.

‘‘

Être informé et sensibilisé ne suffit pas.

Laurence Raineau

’’

1

Une préoccupation Nécessaire

1. Une compréhension complexe L’énergie, ça nous paraît quelque chose d’acquis, sans effort. On appuie sur un interrupteur. On fait le plein. On a chaud. On se nourrit. Elle est partout autour de nous, indispensable mais invisible. Comment appréhender un élément qui a tant de valeurs différentes ?

Question universelle

Stock et flux

Nous avons besoin d’énergie dans tout ce que nous faisons, tout ce que nous entreprenons ; depuis l’énergie de notre propre corps à celle que l’on produit à partir d’autres sources (fossiles, fissibles, renouvelables) pour répondre à des besoins plus grands, en passant par l’énergie spirituelle, que nous laisserons de côté dans ce mémoire.

L’énergie est généralement définie comme la capacité à modifier un état ou à produire un travail1. Son étymologie vient d’ailleurs du grec ancien enérgeia signifiant «force en action».

Les énergies dites fossiles sont issues de restes fossilisés de vies anciennes : planctons et microalgues pour le pétrole et le gaz, fougères du Carbonifère pour le charbon, mélangés avec du sédiment minéral. Ce processus de fossilisation nécessite 50 à 400 millions d’années pour le pétrole et le gaz, 300 millions d’années pour le charbon. Le problème actuel réside dans la vitesse d’extraction de ces combustibles bien plus rapide que son renouvellement, ce qui en fait des ressources épuisables, de stock (cela vaut également pour le cuivre, l’argent...)3. Le nucléaire, énergie fissible, peut également être considérée comme une énergie de stock dans le sens où l’uranium est une ressource dont les réserves sont limitées.

L’énergie est souvent considérée comme un domaine réservé aux spécialistes et à l’État. Elle est pourtant fondamentalement universelle, interférant avec tous les aspects de la société.

C’est ainsi qu’elle est qualifiée dans le rapport ‘‘Limits of growth’’ 2, pour la distinguer du climat qui relève lui du global. En effet, impossible de voir baisser la quantité de CO2 dans l’atmosphère si on utilise le vélo plutôt que la voiture ; en revanche on ne consommera plus de carburant mais simplement notre propre énergie (donc des frais en moins). Le climat appellerait davantage des réponses à l’échelle internationale, tandis que pour l’énergie chacun a un rôle à jouer à son échelle (individuelle, familiale, professionnelle, élective ou associative) et pourra voir le résultat de ses actes.

Les énergies renouvelables (ENR) quant à elles sont qualifiées d’énergies de flux de par leurs ressources inépuisables. Les ENR proviennent de deux sources : le soleil (qui est à l’origine du vent, des marées, du cycle de l’eau, de la croissance du végétal) et la Terre (qui dégage de la chaleur). à nuancer cependant pour la biomasse, qui peut vite devenir une ressource de stock si son exploitation est plus rapide que son renouvellement.

Deuxième nuance : les énergies renouvelables ont besoin aujourd’hui des énergies fossiles et du métal dans leur processus de fabrication.

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1 Julie Mayer, Qu’est-ce que l’énergie ?, Futura sciences Article accessible à https://www. futura-sciences.com/sciences/ definitions/energie-energie-15884/, consulté le 10.01.20.

2 Les limites à la croissance, rapport de chercheurs du Massachusetts Insitute of Technology, Donella et Dennis MEADOWS, Jorgen Randers et William Behrens, 1972.

Il s’agit du premier rapport sur les dangers de la croissance économique et démographie pour l’humanité et la Terre.

3 La contraction énergétique, conférence de Jean Marc Jancovici à AgroParisTech le 24.09.19, Accessible à : https://www.youtube. com/watch?v=T7f_mMvcSk8, visionnée le 02.02.20.

Sources page ci-contre : Justin Stolzfus, The carbon footprint of a web search : who’s green ?, techopedia, 2012.

Roland Lehoucq, Peut-on ressentir ce qu’est 1 kWh ?, chronique science Le Monde, 29.01.2018.

Accessible à : https://www.lemonde. fr/sciences/article/2018/01/29/ peut-on-ressentir-ce-qu-est-1kwh_5248600_1650684.html, consulté le 20.01.2020.

Que peut-on faire avec 1 kWh ?, article EDF. Accessible à : https://www.edf. fr/groupe-edf/espaces-dedies/lenergie-de-a-a-z/tout-sur-l-energie/ le-developpement-durable/quepeut-on-faire-avec-1-kwh, consulté le 20.01.2020.

Comment ca se mesure ?

Le joule (J) est l’unité de base pour mesurer l’énergie. On utilise plus couramment le kilowatt par heure (kWh) pour l’énergie électrique ou thermique, la Tonne Équivalent Pétrole (TEP) pour comparer les sources énergétiques, et la calorie pour le côté nutrition. Mais concrètement ça représente quoi ?

x 4.200.000

1 TEP c’est... = 42 GJ

1 kWh c’est... = 3.6 MJ une tonne de pétrole

x 1.000 1 Joule c’est...

1 kilojoule c’est...

x 3.600 un frigo durant 24 h

1.5 tonne de charbon

une recherche Google

1m soulever une pomme (100g)

un cycle de lave-ligne

2.2 tonnes de bois

2 km avec une smart électrique (c’est peu ! )

soit soulever 420.000 tonnes de pommes d’un mètre !

soulever 100 kg de pommes d’un mètre

L’énergie est classée selon son niveau de transformation, sa disponibilité et son usage : - l’énergie primaire est celle directement extraite ou exploitable (pétrole brut, rayonnement solaire), - l’énergie secondaire quand elle est obtenue après transformation (électricité), - l’énergie finale pour celles prêtes à l’emploi pour le consommateur (essence à la pompe), - l’énergie utile est celle qui rend service à l’utilisateur (la lumière issue d’une lampe).

L’énergie finale est toujours plus faible que l’énergie primaire en raison des pertes dans les processus de transformation, d’où l’importance de minimiser ces étapes.

35 heures de vélo (c’est beaucoup ! ) soit soulever 360 tonnes de pommes d’un mètre ! (soit dix camions)

un peu comme si 95% des personnes estimaient une longueur entre 5 et 20 mètres, alors qu’elle ne fait qu’un mètre !

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‘‘

pédaler pour recharger son portable : 20 min de vélo pour 0.01 kWh

95% des personnes (professionnelles de l’énergie ou non) se trompent d’un facteur 5 à 20 sur les ordres de grandeur énergétique.

’’

Pascal Lenormand, ingénieur énergéticien, direction scientifique de l’Opéra de la Transition énergétique

2. Une Transition énergétique ? de la nécessité du frugal La notion de transition énergétique est de plus en plus présente dans les médias et les préoccupations nationales.

Mais que signifie exactement une telle transition ? D’où vient ce terme ? Quelle importance a l’énergie dans la société actuelle ? Est-elle réellement engagée ?

Une accumulation

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’y a jamais eu de transition énergétique dans l’histoire humaine. L’énergie utilisée était d’abord d’origine humaine, puis animale en passant par la découverte du feu ; vient ensuite l’énergie éolienne et hydraulique (moulins, voiliers...), puis les énergies fossiles que sont le charbon, le pétrole et le gaz ; l’énergie fissible par le nucléaire, et enfin aujourd’hui les énergies d’origine renouvelable, qui pour la plupart se résument à industrialiser des processus anciens. Chacune de ces nouvelles sources d’énergie n’a pas remplacé la précédente, mais s’est ajoutée à elle, par accumulation donc1.

Les énergies renouvelables n’y échappent pas et ne se substituent nullement aux énergies fossiles ou fissibles, comme l’indique le graphique cicontre sur la production mondiale d’énergie depuis 1900. On peut remarquer d’ailleurs que nous n’avons jamais extrait autant de charbon qu’aujourd’hui. Une transition énergétique n’a donc pas encore eu lieu, ni hier ni aujourd’hui ; jamais vécue, pas vraiment encore imaginée.

Transition morcelée

De valeur et formes variées, la transition énergétique est une notion équivoque.

Elle a généralement deux concrétisations fondamentalement différentes2. La première induit la refonte des modes de production, d’échange et de vie autour des dynamiques locales (le mouvement des Transition towns de Rob Hopkins l’illustre de manière concrète). La

seconde est à échelle plus globale et concerne l’ensemble des mesures techniques et politiques, se traduisant par exemple par le développement des ENR à grande échelle. Cette deuxième approche, bien qu’elle soit certainement la plus adaptée pour remplacer quantitativement les énergies fossiles, présente néanmoins une absence d’impact sur les usages quotidiens de l’énergie.

Or c’est bien là qu’est tout le problème. La transition a trois champs d’actions : la sobriété énergétique, l’efficacité énergétique et la production d’énergies renouvelables3. Les deux premiers relèvent d’une politique de la demande, alors que le dernier relève d’une politique de l’offre : la transition telle que pratiquée aujourd’hui est inévitablement morcelée car aucune des solutions mises en œuvre ne semble répondre à plusieurs de ces critères simultanément.

1 Conférence de JB Fressoz sur la transition, Le Média, 2018.

2 Laurence Raineau, La contradiction d’une transition énergétique morcelée, 2018.

3 La sobriété est la réduction globale de notre consommation d’énergie. L’efficacité est la réduction de la demande énergétique pour une même action.

Autres énergies renouvelables Hydraulique Nucléaire Gaz Pétrole Charbon

12000 10000 8000 6000 4000 2000 0

1900

1920

1940

1960

1980

2000

Production mondiale d’énergie primaire depuis 1900 (en Mtep) Source : The Shift Project - 14 -

Ce qu’ils en disent...

Jean-Baptiste Fressoz

Jean-marc Jancovici

Philippe bihouix

Historien des sciences et chercheur au CNRS, auteur de L’événement anthropocène (2013) et de L’apocalypse joyeuse (2012) aux éditions du Seuil

Ingénieur de formation, conférencier, à l’origine du bilan carbone et du think tank The Shift Project

Ingénieur, spécialiste de l’épuisement des ressources minérales et promoteur des low-tech, auteur de L’âge des low-tech (2014) aux éditions du Seuil

Lors d’une conférence sur l’histoire cumulative de l’énergie et des choix qui ont mené à privilégier une source d’énergie plutôt qu’une autre, J.-B. Fressoz apporte une précision sur l’origine du terme transition. L’expression de transition énergétique est apparue suite au premier choc pétrolier, au début des années 1970, pour éviter de parler de crise énergétique.

Cette transition était alors fondée sur le nucléaire, le gaz de schiste et la liquéfaction du charbon en pétrole, un mix énergétique peu renouvelable donc.

La conférence se conclut sur le principal problème actuel de la séparation géographique entre habitat, travail, services, équipements publics et loisirs. La réponse adéquate serait ainsi spatiale...

Il défend le fait que l’énergie n’est pas un secteur économique ou un produit parmi d’autres mais la base de l’ensemble de l’économie. Dans les pays occidentaux le PIB, et donc la croissance, est en effet lié à la quantité d’énergie disponible (et non l’inverse). Cette disponibilité énergétique quasi permanente a profondément modifié nos modes de vie, ce que Jancovici illustre notamment par la notion d’équivalent esclave correspondant à l’énergie produite par un être humain (environ 100 kWh/an) : chaque Français aurait ainsi à sa disposition 600 esclaves énergétiques.

Il déplore également que les énergies renouvelables ne semblent pas à la hauteur pour remplacer les énergies fossiles et assurer quantitativement la production. Par conséquent il affirme le recours nécessaire au nucléaire si l’on souhaite conserver le niveau de vie actuel.

Nos modes de production ont besoin d’être entièrement repensés pour sortir de la compétitivité et de l’énorme consommation de matière et d’énergie qu’ils impliquent, en réimplantant des ateliers et entreprises à échelle humaine dans les bassins de vie.

Bihouix nous invite à ne pas confondre technologie verte et basse technologie, la première véhiculant l’idée que les progrès techniques et technologiques sont la seule solution. Pourtant les high-tech se heurtent à un phénomène inévitable : l’effet rebond.

Chaque gain d’efficacité (en matière, en énergie, en rendement...) est effacé par une augmentation des besoins, et donc de la consommation finale.

Les low-tech en revanche sont un renoncement délibéré à cette technologie coûteuse et complexe. Elles s’articulent autour de trois principes : l’utilité, la durabilité dans le temps (donc réparable) et l’accessibilité au plus grand nombre.

Jean-Baptiste Fressoz, Transition, piège à con ?

Le Média, cycle de conférence Arcadia sur la transition écologique, octobre 2018.

Combien suis-je un esclavagiste ? Jancovivi.com / The Shift Project, mai 2005.

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Philippe Bihouix, L’âge des low-tehc : vers une civilisation techniquement soutenable, Seuil, 2014.

3. De la nécessité du local Puisque l’on consomme trop (d’énergie, de pétrole, de charbon, de minéraux...), la solution serait de se tourner vers le frugal. Les politiques européennes et françaises en matière d’énergie ont l’objectif d’inciter à consommer moins, et également à produire mieux. On ne retient que rarement ces objectifs et ils seront repoussés dans la plupart des cas ou revus à la baisse. Quels sont réellement ces objectifs ? Et surtout, sont-ils à la bonne échelle ?

Politique énergétique

Nous sommes en 2020, échéance du paquet climat énergie européen de 2008 qui prévoyait 20% de production d’énergie d’origine renouvelable. Le dernier rapport de l’UE sur l’énergie, datant de 2018, indique 14% d’énergie renouvelable1. Un objectif qui ne sera donc pas atteint, mais qui est de toutes façons annulé par le paquet suivant qui a fixé un nouvel objectif pour 2030.

L’Union Européenne se voudrait être un leader mondial de la transition énergétique, tâche qui s’avère difficile en raison de grandes disparités énergétiques (que ce soit production ou consommation) entre les pays ; mais surtout en raison du positionnement des pays, qui restent généralement sur leurs intérêts2. La France n’a par exemple aucun intérêt à ralentir sa filière nucléaire, tandis que la Pologne fonctionne principalement à partir du charbon.

En France, c’est la loi pour la Transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) de 2015 qui détermine les objectifs à atteindre pour 2030. Selon ce qu’ils impliquent, deux de ces objectifs se contredisent : diminuer de 30% la consommation d’énergie, et baisser la part du nucléaire dans la production électrique à 50% (71,7% en 20183).

Deux possibilités pour baisser la part du nucléaire : réduire la production du parc de centrales, ou augmenter la production provenant d’autres sources (l’objectif n’étant qu’un pourcentage).

Selon le bilan électrique de RTE, la production d’ENR a augmenté de 22% entre 2017 et 2018 tandis que la part fossile a baissé de 27%, des chiffres plutôt cohérents avec les premiers objectifs. En revanche la part du nucléaire a augmenté de 3.7% entre 2017 et 2018. Aucune baisse de production n’est prévue.

Cela signifie que pour atteindre l’objectif de diminution de la part du nucléaire, la production totale d’électricité augmentera (en sachant que la France produit déjà 120 TWh de plus que sa consommation, et est le premier pays exportateur d’électricité d’Europe). Pour concilier cela avec l’objectif de diminution de la consommation, il faudrait une réduction drastique des autres types d’énergie finale (énergie thermique, carburant, gaz...), ou bien une exportation considérable, ce qui induit que ces pays importateurs augmenteraient leur consommation, ce qui n’est pas compatible avec les objectifs européens.

Réside là un problème fondamental dans la manière d’aborder la transition énergétique : il n’y a pas de rupture avec le cadre actuel régi par des logiques de marché, ce qui interroge la notion même de transition4. Les enjeux environnementaux sont simplement encastrés dans les intérêts économiques au lieu de les remettre en cause.

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1 EU energy in figures, Statistical pocketbook 2018.

2 Simon ROGER et Cécile DUCOURTIEUX, L’Europe trop frileuse sur la transition énergétique, Le Monde, article publié le 01.12.16, accessible à https://www.lemonde.fr/energies/ article/2016/12/01/l-europetrop-frileuse-sur-la-transitionenergetique_5041353_1653054. html, consulté le 04.12.19.

3 Bilan électrique 2018, Réseau de Transport de l’Électricité (RTE).

4 Guillaume CHRISTEN et Philippe Hamman, Associer les habitants à la transition écologique, Quelle dimension participative des projets d’énergies renouvelables en Alsace ?, Cahier de recherche sociologique, 2015.

5 Stratégie française pour l’énergie et le climat, synthèse PPE 20192023, 2024-2028, Ministère de la transition écologique et solidaire, 2018.

6 François-Mathieu Poupeau, Quand l’État territorialise la politique énergétique. L’expérience des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie, Politiques et management public, Vol 30/4, 2013.

EUROPE

Mise en place d’outils Les institutions le savent, fixer des objectifs n’est pas suffisant en soi pour les atteindre. Pour cela plusieurs types d’outils ont été déployés : des outils de prospective ou de planification à différentes échelles, ainsi que des appels à projet pour des financements.

Paquet climat-énergie 2008 3x20 pour 2020 20 % -20 % Production énergie Gazs à effet renouvelable de serre

-20 % Consommation d’énergie

Paquet climat-énergie 2014 pour 2030 32 % -40 % Production énergie Gazs à effet renouvelable de serre

-32 % Consommation d’énergie

France Loi pour la Transition Énergétique pour la Croissance Verte 2015 Objectifs pour 2030 - 30 % Production énergie fossile

- 40 % Gaz à effet de serre

- 30 % Consommation d’énergie

50 % Nucléaire dans la production électrique

Objectifs énergétiques successifs en Europe et en France

Énergie

Électricité

Monde International Energy agency 2017-2018

13800 Mtep

Énergies fossiles Pétrole Charbon

25500 TWh

Gaz Énergies fissibles Nucléaire

Europe EU energy in figures, 2018

Énergies renouvelables 760 Mtep

3300 TWh

Hydraulique Éolien Solaire

France Bilan électrique 2018 RTE

Biomasse Déchets 132 Mtep

550 TWh

Production d’énergie et d’électricité dans le monde, en Europe et en France - 17 -

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est l’outil de stratégie prospective à l’échelle nationale, instituée par la LTECV. Ayant l’ambition de rendre irréversible la transition énergétique et d’appliquer concrètement l’Accord de Paris sur le climat, la PPE mentionne également la notion de résilience et s’accorde à dire que les énergies fossiles rendent la croissance non soutenable5.

Elle est cependant critiquée par plusieurs ONG ou associations (Greenpeace, Réseau Action-Climat France, NégaWatt...) qui déplorent une absence de décisions claires, et un choix vers les options les moins défavorables au nucléaire.

Les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE) ont été mis en place dans le cadre de la territorialisation du Grenelle de l’environnement, dans le but donc d’entamer une collaboration entre services déconcentrés de l’État et les conseils régionaux. Pour cela la direction générale énergie et climat (DGEC) fut créée afin de rapprocher les ministères de l’économie et de l’écologie. Les acteurs locaux permettent l’activation et la déclinaison de la stratégie nationale, au service d’un état central qui n’a néanmoins pas renoncé à son leadership6.

Enfin, le plan climat air énergie territorial (PCAET), ayant pour but d’identifier des leviers d’actions locaux, est davantage opérationnel de part son l’échelle intercommunale.

Les outils de planification semblent donc couvrir de manière homogène les échelles, du national au local, même s’ils sont parfois remis en questions par des organismes plus engagés. Néanmoins, ils restent très institutionnels, et utilisent certaines notions sans en prendre toute l’envergure, comme la résilience par exemple. C’est déjà un pas positif que d’en parler, mais cela reste abstrait à échelle globale, la résilience ne prend que tout son sens si elle est locale7.

Les appels à projets sont le deuxième type d’outils mis en place, comme celui pour les territoires à énergie positive pour la croissance verte8 lancé en 2015. 200 lauréats ont reçu une aide financière de 0.5 à 2 M€ (diverses collectivités telles que commune, communauté de communes ou d’agglomération, syndicat mixte, pays). L’appel à projet a d’ailleurs été renouvelé en 2017, et ce sont plus de 500 lauréats aujourd’hui qui ont ce label TEPCV. Cependant il s’agit bien là d’un label qui apporte des financements sur des projets qui, pour la plupart sont plutôt des actions isolées qui pourraient être les mêmes partout9. La carte des lauréats est plutôt rassurante : chaque département est recouvert de plusieurs gros points, la transition semble en marche (carte en annexe). Pourtant le paysage autour de nous ne semble pas si transformé, si ce n’est des éoliennes toujours plus hautes dans les campagnes et des bornes voitures électriques qui fleurissent dans les parkings (il n’y a pas moins de parkings pour autant).

Ce qu’elle en dit...

‘‘ La résilience ne prend

réellement toute son ampleur que lorsque des liens vivants se forment dans la durée. Être résilient tout seul n’est pas suffisant. La résilience repose sur les liens entre les individus, c’est une question commune.

’’

Agnès Sinaï & al.

Petit traité de résilience locale, p.21

Agnes SinaI Journaliste, enseignante à Sciences Po Paris, co-fondatrice de l’institut Momentum, auteure de Sauver la Terre (Fayard, 2003)

7 Agnès SINAÏ, & al., Petit traité de résilience locale, 2015.

8 Légère distinction entre la loi TEPCV : Transition écologique pour la croissance verte ; et les lauréats TEPCV : Territoires à énergie positive pour la croissance verte.

9 Qu’est-ce qu’un TEPCV ? Ministère de la transition écologique solidaire, accessible à : http://www.tepcv. developpement-durable.gouv.fr/quest-ce-qu-un-tepcv-r162.html.

Courte vidéo illustrant superficiellement un TEPCV, à la manière d’un saupoudrage de bonnes actions dites vertes, sans lien apparent entre elles, sans approche systémique.

- 18 -

Elle réalise à la suite de la conférence de Copenhague sur le Climat en 2009 que ce n’est pas la diplomatie environnementale qui pourra pleinement répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux. La neutralité carbone mise en avant lors de cet événement ne changera pas le modèle économique de croissance.

La décroissance est impérative et induit une décolonisation de l’imaginaire commun construit autour du progrès et de la croissance infinie.

Mais la décroissance c’est surtout l’idée de vivre de manière égalitaire dans un monde de ressources limitées, avec plus de convivialité et moins d’individualisme. La résilience, capacité d’adaptation d’un système face à des chocs importants, porte en elle une dimension créatrice à s’auto-transformer. Il s’agit de relocaliser de la puissance, de retrouver un pouvoir d’agir local.

Elle est elle-même tiraillée entre vivre à Paris ou à la campagne dans le sud, à jardiner et à écrire des livres.

Agnès SINAÏ, Décroissance et résilience, entretien par Alexia Soyeux pour Présages, 03.05.2018.

Gouvernance descendante et ascendante

Ministère

Institutions Conseil MOA locales Habitants

Gouvernance

Entreprises

Réseaux

Sont présentés ici les trois étapes de construction de ce schéma : l’organisation des acteurs, les relations qui les lient et enfin les temporalités dans les transformations possibles.

Le schéma détaillé est en annexe.

Gouvernance

La réalisation d’un schéma d’acteurs pour le territoire étudié a mis en lumière le déséquilibre entre gouvernance descendante et ascendante, ce qui expliquerait notamment pourquoi les objectifs nationaux n’ont pas forcément de suite au niveau local.

€€€ Syndicat

Habitants

Sobriété locale

Collectif Vallée Longue

Sobriété locale

Positionnement des acteurs

Relations, pouvoirs et conflits

Les acteurs du territoire sont organisés selon deux critères : la gouvernance de l’énergie, de locale à globale, et l’implication pour une sobriété locale, de faible à forte. Les acteurs sont placés selon leur types, leur échelle d’action et leur engagement.

Une deuxième étape a permis de mettre en évidence les collaborations, les financements et les conflits par rapport aux deux acteurs principaux du territoire : le syndicat mixte et le collectif Vallée Longue.

Gouvernance

Temporalités

0

2

1

Sobriété locale

Aujourd’hui temps 0 : Politique actuelle descendante forte, qui se coupe dès qu’on arrive au local et se résume à un financement sur des actions locales isolées, et non sur une réflexion territoriale.

que sont le syndicat et le collectif me paraît essentiel pour à la fois toucher un public large (amener la population vers la droite du schéma) et accompagner des actions fortes et concrètes pour ceux qui sont déjà convaincus.

Temps 1 : Implanter une gouvernance locale de l’énergie qui réponde à celle globale.

Nécessité que ce mouvement s’appuie sur une implication citoyenne large, qui pourra être impulsée par les associations actives déjà présentes (Collectif Vallée Longue et CéFéDé).

Associer les deux polarités du territoires

Temps 2 : Ayant leur réponse locale, les politiques publiques nationales reprendront du sens et pourraient potentiellement s’orienter davantage vers une approche frugale de l’énergie.

- 19 -

4. De la nécessité du rural Les scénarios décarbonés sont généralement imaginés par et pour les métropoles1. Les campagnes ne sont alors considérées qu’en tant que supports de ressources, des espaces vides peu peuplés. Les contextes de ruralité présentent néanmoins des richesses propres qui méritent que l’on s’y attarde. Pour une transition imaginé par et pour le rural et qui sorte de l’imaginaire commun urbanophile.

Au nom de la transition En Haute-Marne la transition a déjà commencé2.

Tout est mis en œuvre pour produire de l’énergie localement : éoliennes, biomasse, méthanisation, biocarburants. Mais tout dépend de la notion du local justement. Les méthaniseurs s’approvisionnent en lisier dans un rayon de 60 km. L’électricité produite par les éoliennes est réinjectée dans le réseau national. Le bois des forêts (qui est dorénavant appelé biomasse) sera probablement vendu loin du territoire.

Dans sa tribune, Blandine Vue souligne entre autre l’ironie de signer des pétitions contre la déforestation en Amazonie ou contre l’huile de palme, quand en France on déboise ou on plante

des hectares de monoculture dans le seul but de produire de la chaleur, du gaz ou du carburant.

Mais comme elle le dit elle-même «on n’a pas le droit d’avouer que quelque chose cloche dans ce qui est présenté comme la seule issue.»

Les solutions proposées restent des systèmes productifs mono-fonctionnels qui s’affranchissent de tout contexte, conduisant à l’industrialisation de l’espace rural. Sous le prétexte d’une faible densité démographique et d’une soi-disante absence économique et culturelle, les campagnes deviennent d’une certaine manière les nouvelles colonies des villes.

1 Pierre et Madeline, Les campagnes dans la transition énergétique, 2015.

2 Tribune de Blandine Vue, Au nom de la transition énergétique. Texte intégral en annexe.

Les vaches ne sortent plus, vache à biogaz ou à lait ?

70 éoliennes 150 m de haut,

Vrombissements permanents

Élevage bovin industrialisé

Apport de lisier 7j/7

Interprétation graphique du texte de Blandine Vue «Au nom de la transition énergétique» - 20 -

Méthaniseur

Ce qu’il en dit...

Guillaume Faburel Géographe, enseignant-chercheur à Lyon 2, membre du réseau des territorialistes, auteur de Les métropoles barbares, démondialiser la ville, désurbaniser la terre (le passage clandestin, 2018)

Culture de Maïs pour la méthanisation

Les espaces ruraux sont spatialement mis à l’écart par rapport à une urbanité perçue comme créatrice et innovante.

Pourtant le rural pourrait bien être le lieu des alternatives pour retrouver ce que l’urbain, et en particulier les métropoles, ne permettent plus. Le modèle métropolitain s’est effectivement érigé comme unique lieu d’épanouissement et d’émancipation ces 40 dernières années. Pourtant c’est à cette même période que l’exode rural en France s’est ralenti.

Cela s’explique par un désir enfoui de vivre différemment, de s’écarter d’un urbain concurrentiel et sélectif. Ne concernant pas qu’une population marginale (on estime que 12% de la population européenne est dans des modes de vie alternatifs de la décroissance), ces choix partagent trois

Culture de Colza pour les biocarburants

Village de 70 habitants - 21 -

communs fondamentaux. Le premier, habiter, entendu comme un ménagement de son milieu de vie en étant acteur de ce milieu, avec la notion de raccrochement au sol. Le second, coopérer, ou renouer avec des formes d’entraide culturellement installées. Enfin s’auto-gérer, de par une envie de gérer de manière endogène (pas dans un but autarcique), une volonté de faire par soi-même.

Conférence sur Les nouvelles ruralités au Relais de l’Espinas, 16.11.2018.

bientôt 29 éoliennes 183 m de haut, 150m d’envergure

exploitation de la Biomasse

5. Mise en perspective Il s’agit donc de penser une certaine transformation de nos territoires de manière frugale, locale et rurale. Des alternatives se mettent déjà en place dans différents types de lieux, à différentes échelles et avec des transcriptions variées. Entre réflexion, engagement, initiatives, opérationnalité, sensibilisation et construction.

DEs initiatives diverses G. Magnin démontre qu’en France, pays de tradition centralisé, ce n’est pas un hasard d’avoir un système énergétique centralisé, qui laisse donc peu de place à des alternatives dispersées : « Dis-moi quel modèle énergétique tu as, je te dirai dans quelle société tu vis» 1. Au sein d’un monde globalisé déresponsabilisant, certaines conditions permettent néanmoins une marge de manœuvre pour un développement plus endogène.

Les alternatives se construisent dans la réflexion, de nombreux manifestes en témoignent. Parmi eux, le manifeste pour une frugalité heureuse et créative concerne l’architecture et l’aménagement des territoires urbains et ruraux, et prône les notions d’usage, de mutualisation et de sobriété (prenant le pas sur la possession, la privatisation et le gaspillage)2. Certains manifestes émanent d’un réseau existant, comme le manifeste territorialiste (2015) regroupant des géographes, urbanistes, architectes et chercheurs en science politique, construisant une réflexion sur l’enjeu des communs territoriaux3.

D’autres réseaux sont à l’initiative d’élus locaux, tel que le réseau territoires à énergie positive (TEPOS). Ce réseau relève d’un engagement politique, stratégique et systémique en faveur du développement local. Les objectifs sont fixés par les territoires eux-mêmes en visant l’opérationnalité4.

Face aux gouvernements qui ne semblent pas prendre les mesures qui s’imposent, les citoyens s’emparent aussi de cette question de transition dans le but de construire concrètement des solutions et de se préparer collectivement, à l’image du mouvement des Villes en Transition initié par Rob Hopkins 5. Parti d’Angleterre, ce mouvement illustre comment des habitants peuvent se saisir de l’énergie, reliée à l’alimentation, aux mobilités, aux liens sociaux..., comme relocalisation du pouvoir d’agir.

Poussant toujours plus sa propre prise en main, Tripalium est un réseau d’auto-construction d’éoliennes, selon le modèle de petit éolien d’Hugh Piggott6. C’est effectivement en maîtrisant la technique de production d’énergie que l’on peut maîtriser au mieux notre consommation1.

Un stage pour se former dans l’auto-construction d’éolienne fut mené par Thomas Plassard, membre de ce réseau, sur mon site de diplôme lors des rencontres Autonmales 2019.

Enfin des alternatives se construisent également du côté du spectacle vivant, avec notamment l’Opéra de la transition énergétique. Un opéra minute (séquence de 5 minutes avec musique, danse et chant) est joué plusieurs fois, se modifiant en fonction de l’énergie disponible à l’image d’une société qui doit faire des choix6. Une première séquence est jouée avec de l’énergie disponible en grande quantité pour chacun des artistes, une deuxième avec seulement l’énergie - 22 -

1 Gérard MAGNIN, La transition énergétique pour quelle société ?

2013.

Gérard Magnin est délégué général d’Energy Cities, l’association des autorités locales européennes en transition énergétique.

2 Manifeste écrit par deux architectes et un ingénieur en 2018, 8000 signataires en janvier 2020.

Accessible à https://www.frugalite. org/fr/le-manifeste.html.

3 L’objectif principal du réseau des territorialistes est de faire connaître les initiatives en réaction à la métropolisation. Une enquête en Vallée Longue a été dirigée par Lucie Lerbet et Guillaume Faburel, tous deux membres du réseau.

4 Le réseau TEPOS fut créé par le CLER (Réseau pour la transition énergétique) en 2010, à l’initiative seule d’un petit nombre de collectivités locales.

Cette démarche fut récupérée par le gouvernement par le biais de la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTEPCV, 2015) pour en faire un label de financement.

5 Rob Hopkins, Manuel de transition, de la dépendance au pétrole à la résilience locale, 2010.

6 Tripalium est un réseau français fondé en 2007. Plus de 200 éoliennes Piggott ont été fabriquées en France.

Site web : https://www.tripalium.org/ 7 L’opéra de la transition énergétique, co-écrit par Angélique Cormier, Pierre-Adrien Théo et Pascal Lenormand, première représentation du spectacle jouée au PolAU le 11.12.2019. à St Pierre des Corps, à laquelle j’ai pu assister.

Une meilleure compréhension de l’énergie est nécessaire face à ce domaine faussement de spécialistes, pour se rendre compte de ce qu’elle représente quotidiennement.

Une démarche frugale est nécessaire face au mythe du progrès et d’une croissance infinie, pour véritablement réduire notre consommation.

Un pouvoir d’agir local est nécessaire face à la globalité déresponsabilisante dont les objectifs ne sont jamais atteints, pour reprendre en main notre avenir.

Une attention au rural est nécessaire face à la métropolisation qui colonise les campagnes, pour affirmer sa valeur intrinsèque et conforter durablement des initiatives.

nécessaire, une troisième avec une répartition aléatoire de l’énergie. N’ayant reçu qu’une faible part, un des violoniste a préféré jouer un solo court mais intense, un moment créatif donc qui n’était pas présent dans les deux versions précédentes, alors que la ressource était davantage disponible.

Il en ressort qu’en cas de restriction énergétique, l’inventivité est stimulée. La rareté d’une ressource permit l’émergence de quelque chose de nouveau, de différent, d’alternatif.

Ainsi ces questions de frugal, local et rural, dont l’alliance me semble primordiale, sont des notions sur lesquelles j’ai orienté tout le travail qui suit. Un élément est souvent revenu dans cette partie qui s’achève : l’importance de s’organiser en réseau. La réappropriation de l’énergie afin de s’émanciper individuellement et collectivement c’est un peu comme un prétexte, mais c’est surtout un formidable vecteur de (re)prise d’un pouvoir d’agir citoyen.

‘‘ Il faut arrêter de nourrir ce qui nous opprime. ’’

Revenons aux Cévennes. Un parfait terrain d’expérimentation, un territoire à la fois fort et fragile. Fort de son passé de luttes face à des décisions nationales, fort de son caractère cévenol à se prendre en main, à entreprendre. Fragile également car isolé, induisant des mobilités individuelles inévitables de par l’éloignement des services, des équipements publics et du bassin d’emploi en moyenne montagne.

Thomas Plassard, L’énergie un fruit défendu, 2019

La partie suivante vous emmène en immersion dans ces montagnes surplombant la plaine languedocienne.

- 23 -

2 immersion cĂŠvenole

1. Les Cévennes, un paysage habité

Causse de Sauveterre

Contreforts sud-est du Massif Central, les Cévennes sont un territoire au relief caractéristique pouvant être qualifié de sauvage, d’hostile, mais habité depuis plusieurs millénaires. Définie fondamentalement par son socle géologique, c’est également une région reconnue pour son histoire et ses paysages.

Lozère Le T

arn

Le socle du paysage Les Cévennes sont formées par un ensemble de vallées encaissées en forme de V, aux versants presque entièrement boisés.

Ce relief marqué nous relie en permanence au socle géologique et le rend lisible. Il est constitué de trois roches principales : le schiste des vallées cévenoles, le granite des deux massifs (Mont Lozère et Mont Aigoual) et le calcaire karstique des causses, ces grands plateaux profondément entaillé par des gorges (du Tarn, de la Jonte, de la Dourbie). Le bâti vernaculaire illustre également ces socles différents de par les matériaux disponibles localement.

De très nombreuses sources ponctuent les versants et forment plusieurs grandes rivières comme le Tarn et le Lot, affluents de la Garonne, mais aussi l’Hérault et le Gard. Ce dernier est formé de plusieurs petits gardons, formant la Cévenne des Gardons, série de vallées peignées vers le sud-est se rejoignant dans la plaine languedocienne pour former le Gard, affluent du Rhône.

Les Cévennes sont traversées par la ligne de partage des eaux entre l’Atlantique et la Méditerranée, marquant également une différence de faciès de végétation de par une différence de climat.

C’est notamment la rencontre entre l’air chaud venant du sud et l’air plus frais de l’ouest qui est à l’origine des fameux épisodes cévenols : des pluies diluviennes concentrées sur quelques jours, à l’origine de nombreuses inondations (jusqu’à 400 mm journaliers!).

Entre Lozère et Gard, Alès et Florac forment deux des villes principales du territoire, reliées par la nationale 106, seule grande route qui traverse les Cévennes, par les vallées de la Mimente et du Gardon d’Alès.

J’ai choisi cette dernière vallée comme site d’études représentatif des Cévennes, et caractérisée de plus par un fort passé minier dans sa partie gardoise. La vallée du Gardon d’Alès, appelée également Vallée Longue, s’étend sur une quarantaine de kilomètres depuis sa source à proximité du col de Jalcreste jusqu’à sa sortie du relief cévenol au niveau de la ville d’Alès.

Les causses Causse Méjean

Causse Noir

La Dourbie

Aveyron

N

- 26 -

0

1

5 km

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Le Lo

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Mont Lozère

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Ardèche Montagne du Bougès

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La Vallée Longue

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Mont Bouquet Alès Jean Le Gardon de St

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gard hérault - 27 -

N1

06

La plaine languedocienne où Alès s’étend, le Mont Bouquet à l’horizon

Les landes à steppes du Causse Méjean, quelques rares parcelles cultivées appelées dolines

Les collines bleues recouvertes de leur manteau boisé, depuis la garrigue de St Jean du Pin

Mer de nuage au-dessus d’Ispagnac depuis le causse de Sauveterre - 28 -

Paysage reconnu Les Cévennes sont un territoire habité, vécu quotidiennement, mais c’est aussi un territoire reconnu nationalement et internationalement, à commencer par le Parc national des Cévennes.

Le PNC fut créé en 1970 à l’initiative de plusieurs associations locales, dans le but d’allier l’économie agricole locale, le tourisme et la conservation des milieux naturels. Il est le seul parc national de métropole dont la zone cœur est habitée de manière significative à l’année.

L’UNESCO a par la suite distingué à deux reprises le territoire, en premier lieu comme réserve de biosphère en 1985, puis par l’inscription des paysages culturels agropastoraux des Causses et des Cévennes sur la liste du patrimoine mondial en 2011.

Ces classements ou labels, la réglementation du parc en premier lieu, ne sont toujours perçus positivement par la population locale. Il s’agit de décision descendantes, parfois émanant de pouvoirs éloignés, étrangers au territoire. À qui profitent ces labels ? Aux professionnels du tourisme, assurément. Aux habitants, c’est davantage contestable. Ils ont parfois l’impression que le territoire est promu pour le vendre ou l’offrir aux gens venus d’ailleurs. Non pas que le territoire soit hostile à accueillir de nouvelles populations, mais plutôt qu’il est réticent à être submergé par un tourisme de consommation ce qui pourrait être provoqué par une trop forte médiatisation des labels.

Plus récemment en août 2018 la très faible pollution lumineuse de la région a permit l’obtention du label Réserve internationale de ciel étoilé (RICE) décerné par l’International DarkSky Association, formant une des plus grandes réserves d’Europe.

Les genêts sur le Lozère, un tableau des Cévennes d’André Chaptal, peintre à Génolhac au début du 20e siècle - 29 -

Ventalon fait référence au vent

Jalcreste signifie crête des eaux Lichère fait référence à la présence de nombreuses sources

Signal de Lichère 899 m

Signal de Ventalon 1350 m Col de Jalcreste 832 m

Le village est situé sur un petit col au-dessus de la confluence entre le Dourdon et le Gardon Curieuse association entre grand et «vallée étroite»

Le Collet de Dèze 280 m

La Grand Combe 180 m

N S’écrivait autrefois Alais

Col de Jalcreste 832 m

Alès 130 m

Mont Lozère 1699 m La Rivière 560 m

St Frézal de Ventalon

St Maurice de Ventalon

St Andéol de Clerguemort

Valescure 310 m

Le Collet de Dèze 280 mm

Ste Cécile d’Andorge 330 m

500 m 0

Les Taillades 190 m La Grand Combe La Haute 180 m Levade 220 m

Laval-Pradel

Alès 130 m

Coupe longitudinale de la vallée le long du Gardon, du col de Jalcreste à Alès 1

5 km

- 30 -

2. à la découverte de la Vallée Longue Paysage en strates La vallée s’étend entre les premiers reliefs cévenols et le col de Jalcreste, sur les contreforts de la montagne du Bougès, dont le signal de Ventalon atteint 1350 m. Le dénivelé général est assez fort dans les dix premiers kilomètres à partir du col (-500 m) puis se radoucit dans les trente suivants.

re la Écart ent itat ’hab l et ville dispersé

Le socle schisteux des vallées cévenoles laisse progressivement place au calcaire de la plaine.

La géologie est plus nuancée autour de la Grand Combe, constituée de grès et de marnes entrecoupés de veines de charbon parfois affleurantes.

Réseau raphique hydrog ié if ram

De la garrigue à la châtaigneraie, la forêt recouvre presque entièrement les versants, produisant un paysage de plus en plus fermé à l’image du reste des Cévennes.

t boisé Couver tal i quas to

Le Gardon d’Alès et ses affluents forment un réseau ramifié, descendant vers la plaine. Dans la partie la plus resserrée de la vallée (en amont), la rivière a formé de petites gorges en creusant la roche, difficilement accessibles. Deux lacs successifs marquent l’entrée dans le département du Gard et l’élargissement du fond de vallée. Le Gardon décrit ensuite plusieurs larges courbes avant d’atteindre Alès où il est endigué.

Un relief marqué

Côté urbanisation un gradient décroisant se dessine en remontant la vallée : Alès, ville-porte des Cévennes, puis la petite ville de la Grand Combe et enfin le Collet de Dèze, seul bourg de la partie lozérienne ; tous trois proches du Gardon.

De l’habitat plutôt isolé, en petits hameaux, peuple les versants et les cols.

- 31 -

Au fil des découvertes...

Compilation des parcours et rencontres des 6 derniers mois.

3

1

Arrêt qu’une seule fois dans le bar restaurant Le Phénix au col de Jalcreste. J’ai eu l’air de les déranger.

L’ancien hôtel attenant a été démoli en janvier, ça fait un vide.

4

2

à St Hilaire se trouve un des plus gros chênes verts : 3m60 de circonférence ! Il trône sur le cimetière et surplombe le Gardon 200 mètres plus bas. (à retrouver page 75) Larges plantations sylvicoles de conifères à proximité.

Je ne vous souhaite pas d’en traverser une en saison de chasse, c’est lugubre et peu rassurant.

1

2

3

Restaurant associatif et alternatif, avec produits locaux à la vente, expositions et conférences régulièrement. Le hameau abrite également l’école professionnelle de la pierre sèche.

5

4

Arrêt en plein virage pour un très beau point de vue sur le col de Jalcreste et le Ventalon ! (à retrouver page 50) C’était ici que j’ai rencontré le collectif Vallée Longue en novembre. C’était ici aussi que j’ai appris à tailler une pale d’éolienne en bois avec Thomas Plassard (il y a même eu un article dans le Midi Libre!).

5

Ne pas rouler trop vite sur la route des crêtres, il arrive de croiser un troupeau de moutons !

6

Un ancien observatoire domine depuis le signal de Lichère. J’y suis montée en plein mois d’août, le beau temps s’est transformé soudain en orage menaçant, recouvrant les montagnes de l’énergie du ciel.

N

0

1

- 32 -

5 km

7

Un haut pont sur l’Andorge marque le passage entre la Lozère et le Gard. Il est tristement cerné par deux hôtels abandonnés qui ont du avoir leur heure de gloire.

Dédé au trapèze volant, un des fondateurs de la compagnie de cirque de Champclauson.

8

Une après-midi sous la pluie de Toussaint à déambuler dans Champclauson, à essayer de comprendre ce bout de ville au milieu de la forêt. Il fut tour à tour caserne, puis camp ouvrier pour les mines. Une compagnie de cirque s’y est installé et organise un spectacle sous chapiteau tous les ans.

9

9

Un élu de Ste Cécile m’emmène voir une tour perdue parmi les pins, vestige du transport du charbon.

7 8

10

Beaucoup de lotissements à Branoux... Ils sont rares en Cévennes alors ils ne passent pas inaperçus.

11 6

La Grand Combe, petite ville agréable, très calme en dehors du samedi matin où le marché emplit de monde l’immense esplanade devant l’église, un mélange aux influences cévenoles et maghrébines.

Vraiment très calme : il y avait 15000 habitants il y a 70 ans, aujourd’hui plus que 5000.

10 11

Paysage fermé, intimiste Les versants sont vraiment entièrement boisés !

Les seuls espaces ouverts sont au nord-ouest, des landes à bruyère et à genêts.

12

12

Le chevalement métallique du puits Destival se dresse audessus de la nationale, un des derniers encore debout.

- 33 -

3. De crêtes à crêtes Les montagnes se rapprochent, s’éloignent, pour se resserrer à nouveau. L’eau serpente, cherche le chemin le plus court, fait pourtant une multitude de méandres au creux de la roche. Cette forme d’ondulation, aussi bien du relief que de l’eau, est permanente tout au long de la vallée. Descente de la vallée en suivant le cours du Gardon, depuis le col de Jalcreste où les formes sont larges (presque une montagne!), jusqu’à l’ouverture sur la plaine dans une série de petites collines.

1 2

3 4

01 Hameau de Fabrèges, le col de Jalcreste sur la gauche, le signal de Ventalon sur la droite [argentique] 02 Quelques rares espaces ouverts en fond de vallée, le Gardon à sec pour le fin août 03 Signal de Ventalon, seul sommet non-boisé 04 La haute vallée du Gardon depuis la D35 à St Maurice de Ventalon [argentique]

01

03

02

04

- 34 -

Col de Jalcreste 832 m Rivière 485 m

Croix de Bourel 783 m Draille du Languedoc

Signal de Ventalon 1350 m L’Oultre 821 m

N106

S

n

1 Signal de St Michel 890 m Le Collet de Dèze 320 m

834 m 602 m

N106 SO

nNE

2

Ruisseau de l’Evers et du Pontil

Le Dourdon

Signal de Lichère 899 m

Le Castanet 495 m

Ste Cécile d’Andorge 312 m

Blannaves 373 m

Tour des Pinèdes 581 m

N106

NE

SO 3

Rabalézain Le Pouget 387 m

La Croix des Vents 343 m

500 m

0

Barbaret 242 m

Valat de Valoussière

N106

Le Pradel 388 m

La Grand Combe 193 m

NNE

SSO 4

Valat de Gravelongue

Ruisseau de Sans Nom

1 km

- 35 -

05 Hameau de Rivière [argentique] 06 Brume automnale sur les versants de St Privat de Vallongue 07 Quelques clairières habitées, à l’habitat plus ou moins vernaculaire 08 Couleurs automnales en fond de vallée au niveau de St Michel de Dèze 09 Le Gardon et sa grève au Collet de Dèze

05

06

07

10 Le lac des Cambous et son barrage à débordement 11 La voie ferrée à la Haute Levade 12 La nationale croise la voie ferrée, sous les pins maritimes qui soulignent les crêtes 13 Logements ouvriers en surplomb du Gardon à La Levade [argentique] 14 Le fond de vallée commence à s’ouvrir aux Salles du Gardon, le crassier à l’horizon (terril d’Alès) 15 Quelques près au milieu des chênes verts à Lavabreille

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16 Un des derniers hameaux de la vallée, Lavabreille

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4. Les fluctuations de l’eau

Source du Gardon Le Ventalon

L’eau est une ressource capricieuse en Cévennes. Elle se fait rare en période de sécheresse estivale, voire invisible car souterraine ou tarie. Elle se fait brusquement abondante, presque violente par des précipitations soudaines.

Puis elle devient calme et régulière, avant de s’assécher à nouveau. Les cévenols ont acquis au fil des siècles une grande culture de gestion de cette eau sauvage, dont quelques traces sont encore visibles.

Deux sources ?

Une vallée est un terme géomorphologique, défini à priori par un cours d’eau, ici le Gardon d’Alès. Pourtant l’expression de vallée du Gardon d’Alès n’est pas d’usage, peut-être en raison de l’ancestrale dualité entre amont et aval, entre Lozère et Gard. La vallée est une des plus longues parmi celles des Gardons, elle se nomme donc la Vallée Longue1.

Le Gar

don d’A

1 Parmi les autres vallées des Gardons, on peut citer également la vallée Française, la vallée Borgne, la vallée Obscure.

lès

Montagne des Ayres

2 D’où vient, où va le Gardon d’Alès ?

Au fil des eaux cévenoles, article de l’hebdomadaire Cévennes magazine n638, 03.10.1992.

La localisation de la vraie source est une question en suspens. En effet, le Gardon d’Alès prend sa source au pied du col de Jalcreste, c’est lui qui donne son nom au cours d’eau jusqu’à la confluence avec le Gardon d’Anduze, formant ensemble le Gard.

Ce qui est intrigant, c’est qu’un de ses affluents est plus long que lui et que sa source est relevée sur les cartes IGN (contrairement à cette du Gardon d’Alès). Cet affluent ne se nomme qu’autrement que... le Gardon ! La logique voudrait donc que la vraie source du Gardon soit ici, sur le flanc ouest du Bougès, à proximité du Signal de Ventalon2.

La vallée peut être fractionnée en 28 sous bassins versants, de taille très variée selon le découpage des crêtes jusqu’à la ligne de talweg principale que dessine le Gardon d’Alès. Les trois principaux sont les sous bassins versants du Gardon, du Dourdon et de l’Andorge. On peut noter que les sources relevées sur la carte IGN sont principalement autour du signal de Lichère et dans la vallée du Dourdon.

Sous-bassin versant

Carte réalisée à partir de l’inventaire du patrimoine hydraulique ancien, Vallée Longue et Canton de Génolhac, de Claude le Garrec, Christophe Dumas et S. Garrido, Fédéraration des Associations Cévenoles Environnement Nature (FACEN), 1998.

L’emplacement des sources a été fait à partir de la carte IGN 25000.

- 38 -

Moulins Puits - Citerne - Mine d’eau Source

N

0

1

5 km

L’Ando

rge

Le o urd Do n Montagne de Mortissou Signal de Lichère

- 39 -

Valat du Bauri, à proximité du Castanet

Série de tancats toujours debouts

Le Ravin de Bernès, dévalant la pente avant de rejoindre le Gardon en aval du Collet

Un peu d’hydrologie...

Le Gardon d’Alès Débit moyen de 7.5 m3/s Débit moyen d’étiage de 0.9 m3/s Débit moyen de crues décennales de 250 m3/s Débit journalier maximum de 460 m3/s en octobre1977 Débit instantané maximum de 800 m3/s en septembre 1976 !

Source : http://www.hydro.eaufrance.fr/ presentation/procedure.php

Le lac des Cambous aujourd’hui - 40 -

Le hameau des Cambous en 1953

une Culture de l’eau ancrée

Une vaste culture de gestion de l’eau est imprégnée chez les cévenols, issue de l’adaptation face aux précipitations. Les fameux épisodes cévenols couplés à la pente induisent une très forte érosion dans les lits des cours d’eau. Pour pallier à cela un système de tancats fut savamment construit sur de nombreux cours d’eau.

Il s’agit de murs en pierre sèche en travers de l’écoulement. Cela permet de retenir le sol et les sédiments et de ralentir la vitesse de l’eau, offrant de plus de jolis jeux de cascades successives. Ils sont parfois dans la continuité de terrasses, les faïsses, qui elles permettent de gagner sur la pente des surfaces planes donc cultivables.

L’irrigation avait aussi son système : un réseau de petits canaux, les béals, détournaient les cours d’eau et parcouraient les terrasses. Un admirable inventaire de ce patrimoine hydraulique fut réalisé sur toute la Vallée Longue en 1998, recensant plus 650 ouvrages ! La plupart sont malheureusement en mauvais état, voire en ruine, et ne peuvent pas être remis en état, conformément à la loi sur l’eau qui proscrit tout obstacle ou détournement d’un cours d’eau.

Le barrage-poids de Ste Cécile, vidé fin août 2019

Une fois le lac vidé, la sédimentation est bien visible !

D’une toute autre envergure, deux barrages furent construits sur le cours du Gardon. Le premier, le barrage des Cambous, fut édifié en 1957 en lien avec l’activité minière. Le lac formé sert aujourd’hui de base nautique l’été. Le deuxième fut construit en 1967 juste en amont du premier pour l’écrêtement des crues. Il est vidé tous les ans en août pour soutenir le débit d’étiage durant la période de sécheresse estivale et pour anticiper les fortes précipitations automnales. Ces barrages n’ont pas fait l’unanimité à leur construction (voir page 62) et sont notamment critiqués du manque de curage, nécessaire au vu de la forte sédimentation3.

3 Jean Vigne, Sainte cécile, pays de retenue..., article de la revue Le Cambalut n70, avril 1997.

Le barrage des Cambous, barrage à débordement - 41 -

5. Un Paysage marqué par la forêt En regardant une carte, on n’y prête pas forcément attention immédiatement. Sur une photographie aérienne si.

On réalise que ces versants sont (presque) entièrement boisés. Comme recouverts d’un manteau. Un manteau aux différentes nuances de vert, qui devient bleu dans l’horizon, qui s’éclaircit au printemps, qui s’embrase à l’automne et se fait plus discret en hiver. Au-delà de l’esthétique de la saisonnalité, la forêt joue un véritable rôle dans l’équilibre de la vallée.

Un couvert indispensable Le climat cévenol pourrait être qualifié de caractériel par les pluies diluviennes qui mettent à l’épreuve le sol. La pente permanente et le schiste qui a tendance à s’effriter sont des facteurs supplémentaires engendrant une forte pression érosive au sol, il est donc impératif que celui-ci soit couvert.

1 L’Aigoual, la forêt retrouvée, film fiction-documentaire de Marc Khanne, 2007.

Accessible à : http://www. reboisement-foret-aigoual-film. com.

Les Cévennes ont toujours été boisées, bien qu’elles l’étaient moins il y a deux siècles. Les cévenols ont toujours composé avec la forêt. Faire avec et pas contre. Ceux qui ont essayé de mettre à nu les versants se sont vite aperçu de leur erreur, comme ce fut le cas au milieu du 19e siècle sur le massif de l’Aigoual en raison du surpâturage.

Pour faire face aux coulées de boue dévastatrices, notamment dans la vallée de l’Hérault, l’ingénieur Georges Fabre a œuvré pour le reboisement pendant plus de 30 ans avec le botaniste Charles Flahault1.

Peuplements purs Châtaignier Chêne vert Pin maritime

La Vallée Longue est caractérisée par des tâches de peuplements purs de trois types : châtaignier, pin maritime et chêne vert. Les peuplements hétérogènes sont principalement des forêts de feuillus en fond de vallée, des conifères le long des crêtes, et une mosaïque de peuplements mixtes recouvrant les espaces restants, faisant notamment la transition entre le châtaignier en amont et les deux autres peuplements de l’aval.

Peuplements hétérogènes Feuillus Mixte Conifères

N

- 42 -

0

1

5 km

- 43 -

La chataigneraie

La garrigue a chene vert

La pinede

Castanea sativa Mill.

Châtaignier commun FAGACÉES H 25-35 m, peut dépasser le millénaire

Quercus ilex L. Chêne vert FAGACÉES H 5-20 m, peut dépasser 2000 ans

Pinus pinaster Aiton Pin maritime ou pin des Landes PINACÉES H 20-30 m, peut vivre jusqu’à 500 ans

L’histoire du châtaignier est profondément reliée aux Cévennes depuis son introduction dans la région à l’époque romaine. Sans que l’on s’en rende compte, toutes les surfaces de châtaigneraie étaient autrefois cultivées en verger. Ces verger sont principalement sur les terrasses, faïsses ou bancels, ou dans la pente.

La garrigue est la végétation spontanée sous climat méditerranéen, on la retrouve le plus souvent sur terrain calcaire comme c’est le cas dans la partie aval de la vallée.

Les chênes verts sont néanmoins présents sur toute la vallée jusqu’au Col de Jalcreste, cohabitant avec les châtaigniers sur un sol pourtant acide.

Plus récemment arrivés dans la région, les pins maritimes prennent la place à certains endroits de la garrigue endogène.

Les ambiances de châtaigneraie sont changeantes, parfois composées de très vieux arbres majestueux, parfois en taillis plus jeunes quasi impénétrables.

Il s’agit d’une forêt dense et persistante, qui change assez peu d’aspect au fil des saisons.

Le sous bois est dense également, composé de strates à la fois herbacées et arbustives.

Cet arbre au port un peu tortueux est à l’image de la difficulté sur un sol caillouteux et superficiel.

Les châtaigniers sont présents entre 400 et 800 mètres d’altitude environ, du col de Jalcreste jusqu’aux communes de Ste Cécile et Branoux, le sol en aval devenant vite trop calcaire et le climat trop chaud pour eux. De nombreux peuplements sont touchés par la maladie du chancre.

Le paysage induit par la forêt omniprésente est radicalement différent une fois passé le col se situant sur la ligne de partage des eaux : plus de trace des chênes verts, on passe résolument côté atlantique!

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Le massif de pins autour de la Grand Combe est issu de plantations massives liées à l’extraction minière, puis d’une repousse spontanée suite à un important incendie en 1985.

Les pinèdes forment des forêt ouvertes sèches, avec une strate de végétation sousarbustive basse (la strate herbacée y est absente). Les houppiers aérés des pins sont perchés au bout de leur long tronc rectiligne, créant un aspect graphique qui souligne les crêtes.

Les Ripisylves et fonds de vallée

Les Plantations de coniferes

Le fond de vallée est souvent difficile d’accès, empli d’une végétation libre et luxuriante, pincipalement composée de robiniers (Robinia pseudoacacia), de quelques aulnes (Alnus cordata), le tout entremélé de clématites (Clematis alba).

Ces forêt claires d’arbres caducs créent des ambiances très changeantes selon les saisons, ouvrant ou fermant le paysage depuis la route.

Diversité végétale à La Levade au bord de la voie ferrée, le Gardon est à peine visible en contre-bas [argentique] - 45 -

Les crêtes et certains versants, surtout autour du signal de Ventalon et de St hilaire, ont été plantés de conifères pour une production sylvicole. Ce sont principalement des pins laricio (Pinus nigra var. corsicana), des pins noir à crochets (Pinus montana) ou des douglas (Pseudotsuga menziesii). Des pins sylvestres (Pinus sylvestris) peuplent spontanément certaines crêtes.

Ces plantations sylvicoles forment des forêts très sombre, en rupture nette avec toutes les précédentes.

Des plantations sylvicoles qui ne passent pas inaperçues depuis le hameau de St Hilaire

6. Une démographie contrastée La vallée est découpée par la limite départementale entre la Lozère et le Gard, formant deux parties de même superficie. Cependant l’influence urbaine d’Alès se fait nettement sentir en aval tandis que l’amont est résolument rural avec une bien plus faible densité.

Lozère Ventalon en Cévennes 221 hab.

St Privat de Vallongue 233 hab.

Le Collet de Dèze St Martin de Valgualgues

St Hilaire de Lavit 115 hab.

Lozère Gard

2016 18.700 habitants

Gard

St Julien des Points 111 hab.

Le Collet de Dèze Ste Cécile d’Andorge 776 hab.

580 hab.

St Michel de Dèze 248 hab.

Démographie en

Branoux les Taillades 1354 hab.

La Grand Combe 5086 hab.

La Grand Combe

Les Salles du Gardon

Laval Pradel 1175 hab.

Les Salles du Gardon 2606 hab.

Commune gagnant des habitants Commune perdant des habitants

St Martin de Valgalgues 4365 hab.

La Vallée Longue s’étend sur 13 communes, 6 en Lozère et 7 dans le Gard, pour une population totale de presque 19.000 habitants (sans la commune d’Alès, qui à elle seule compte plus du double de la vallée). Les limites communales sont appuyées pour la plupart sur la géographie physique, que ce soit sur le relief ou les cours d’eau. Les communes dessinent effectivement (presque!) les contours de la vallée.

La partie lozérienne de 100 km² abrite à peine 10 % des personnes (1.700 habitants), dont une petite moitié au Collet de Dèze, seul bourg de l’amont. La partie gardoise regroupe quant à elle 17.000 personnes pour une superficie de 110 km².

Néanmoins l’amont a gagné 200 habitants depuis 2000, tandis que l’aval en a perdu 4001. Cet écart s’explique par un renouvellement démographique important sur les 30/40 dernières années en

Cendras 1844 hab.

amont (mouvement généralisé aux Cévennes) avec une grande arrivée de familles, adultes actifs et enfants qui pérennisent les écoles et la vie locale. À l’inverse le déclin de l’économie minière à partir de des années 1970 en aval a entraîné une grande paupérisation. Commune la plus touchée, La Grand Combe cumule un taux de pauvreté de 39 % (seuls 20 % des ménages sont imposés) et un taux de chômage de 40 % (plus haut taux de chômage en France pour une ville de plus de 1000 habitants)2. Cet écart se retrouve également aux urnes, où l’amont a conservé sa culture politique rurale de gauche issue du protestantisme, tandis que l’aval a subi un bousculement culturel suite à la désindustrialisation et à la périurbanisation et vote désormais à droite, voire extrême droite3.

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Alès 39970 hab.

1 INSEE. Un tableau présente l’évolution démographique par commune depuis 1800 en annexe.

2 Robin Prudent, Municipales 2020 : Bienvenue à La Grand-Combe, la ville au taux de chômage le plus élevé de France, article Franceinfo du 31.01.2020.

Accessible à : https://www. francetvinfo.fr/economie/emploi/ chomage/municipales-2020bienvenue-a-la-grand-combe-la-villeau-taux-de-chomage-le-plus-elevede-france_3795239.html, consulté le 04.02.2020.

3 Jean-Marie Le Pen a percé pour la première fois aux présidentielles de 1988 dans le Gard, avec 18% à Alès et 23% à la Grand Combe, ville pourtant autrefois ouvrière et à gauche, socialiste ou communiste.

CABANEL, 2013.

La Grand Combe et son marché du samedi

Le Collet de Dèze traversé par la route nationale, le village depuis l’église.

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7. La distance et le temps Le but d’une route, d’un chemin, est de relier les lieux entre eux. La plupart sont habités, d’autres simplement pratiqués. La relation à la distance et au temps de trajet est considérablement différente dès que le relief est prononcé. Comment vit-on cette vallée, traversée principalement longitudinalement ? Quels sont les flux qui l’animent au quotidien, au fil des saisons ?

Comment se déplace-t-on ici ?

En montagne, la vraie distance pour se déplacer c’est le temps. La nationale 106 permet de se déplacer rapidement et rapproche les deux extrémités de la vallée, même si les 40 km entre Jalcreste et l’entrée d’Alès nécessitent 45 minutes en voiture. Grimper un versant en revanche demande moult virages et ralentissements : une route étroite et sinueuse, une succession de lacets, on passe devant un très beau mas1, on se demande si on est pas directement dans sa cour, on apprécie la vue dès qu’une ouverture se présente dans la forêt. Les routes de crêtes sont plus directes, reliant les cols entre eux, mais restent relativement étroites.

Les deux polarités de la vallée, Le Collet de Dèze et La Grand Combe, se sont naturellement (et historiquement) développées le long de la nationale, concentrant les services et les équipements. Leur rayonnement dépasse parfois les crêtes de la Vallée Longue pour s’étendre dans les vallées voisines, comme c’est le cas avec le collège et la maison de santé du Collet (les transports scolaires sont d’une très grande importance en milieu rural et montagnard!).

Le calque ci-contre, reliant les points habités principaux (et les cols), met en évidence la position centrale et plutôt isolée du Collet, tandis que la Grand Combe a une position centrale également mais est entourée d’autres polarités à proximité.

On peut donc supposer des flux pendulaires reliés à l’éducation en semaine, aux commerces en fin de journée et aux équipements publics de loisirs les week-ends et vacances vers Le Collet et La Grand Combe. Alès reste le principal bassin d’emploi pour une large partie des Cévennes. La part de personnes retraitées n’est pas négligeable, ainsi que la proportion de résidences secondaires3.

La période estivale marque par ailleurs une grande affluence, notamment par la présence du Parc national des Cévennes qui accueille 800.000 visiteurs par an2. Tous les visiteurs provenant du Languedoc et plus largement de la vallée du Rhône empruntent la nationale 106 depuis Alès pour rejoindre Florac, ce qui induit un flux conséquent par rapport à la hors-saison.

Les déplacements en voiture sont rois, mais il existe néanmoins une voie ferrée traversant la partie gardoise de la vallée. Partant d’Alès elle longe le Gardon jusqu’à Ste Cécile puis remonte le vallon de l’Andorge pour continuer vers Mende ou Clermont-Ferrand. Trois arrêts jalonnent la vallée : La Grand Combe-La Pise, La Levade et Ste Cécile d’Andorge. Les horaires sont un indice de la direction des déplacements : 3 trains par jour entre le matin et midi en descendant vers Alès, 3 trains par jour dans l’après-midi en remontant d’Alès.

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1 Un mas est un corps de ferme, terme utilisé dans tout le Midi.

2 Institut français de l’environnement IFEN, Les parcs nationaux entre protection et développement, les données de l’environnement, n°78, novembre 2002.

Cette donnée relativement ancienne est susceptible d’avoir évoluée depuis, en raison notamment de l’inscription des Causses et Cévennes à l’UNESCO en 2011 et plus récemment de l’obtention du label RICE. 3 Laurent Rieutord, Nouveaux habitants et liens aux territoires sur les hauts cantons du Massif central méridional, dans CABANEL, 2013.

Voie

ferr

ée

N 106 Ste Cécile P d’andorge

Le Collet de Dèze S

Champclauson

P La Levade

Branoux

La GRand Combe H

Les Salles du Gardon

Voie

ée

St Martin de Valgalgues

06

N1

ferr

Entreprises & artisans Commerces Vente à la ferme Restauration & hébergements Écoles & collèges Services publics : Poste, maison de Santé, Hôpital

Cendras S

Alès Carte de l’urbanisation, des équipements et des voies de communication

- 49 -

Panorama sur le col de Jalcreste à l’horizon, encadré par le Signal de Ventalon à droite et par la montagne des Ayres à gauche, depuis la route des crêtes entre le Collet de Dèze et l’Espinas

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La découverte de la vallée a permis de mettre en évidence des forces et faiblesses des ressources de ce territoire, ainsi que des disparités humaines.

La vallée forme un territoire rythmé par la saisonnalité portant des valeurs spécifiques.

Le paysage marqué par la forêt évoluant au fil des saisons, de l’altitude ou de l’exposition de versants est une richesse par sa diversité à l’échelle de la vallée. En revanche, les peuplements monospécifiques peuvent également être source de faiblesses, telles qu’une plus grande sensibilité aux maladies pour le châtaignier, ou qu’un risque incendie pour le pin maritime.

La gestion de l’eau est ancrée dans la culture locale et a sculpté les versants de ses ouvrages hydrauliques, culture en train pourtant d’être

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oubliée. La grande variabilité de l’eau, entre surabondance et rareté pourrait être pourtant tournée comme une opportunité.

La géographie humaine a montré les fortes disparités entre l’amont et l’aval, tant au niveau de la densité démographique, de l’urbanisation, des catégories socioprofessionnelle, de la religion et du vote.

La prochaine partie explore le passé de la vallée pour comprendre comment s’est formé ce paysage. La lecture par le prisme des ressources et de l’énergie s’attarde sur les points de bascule, les déclins et l’émergence successifs de chacune des temporalités de la vallée.

3 La problématique de l’énergie, facteur de transformation du territoire

‘‘

La géographie n’est autre chose que l’histoire dans l’espace, de même que l’histoire est la géographie dans le temps.

’’

Élisée Reclus

Frise historique et énergétique en Vallée Longue

- 54 -

Mode d’emploi Connaître l’histoire des Cévennes est indispensable pour comprendre le territoire tel qu’il est aujourd’hui. Les Cévennes ne sont pas seulement une géographie, la région des Cévennes, c’est aussi une population, les Cévenol.e.s, et surtout une culture locale, «La Cévenne».

a été portée sur les points de basculement d’un système à un autre, sur les ressources utilisées, le rapport à l’énergie, les déplacements, les flux de populations, les conséquences sur la vie quotidienne.

En raison de l’imbrication de chacune des périodes, la frise ci-contre retrace de manière continue les évènements des deux derniers siècles, accompagnée de l’évolution de la vallée.

Une double-page est dédiée au récit de chaque période, alimenté de photographies anciennes.

C’est d’autant plus vrai pour la Vallée Longue qui mêle un passé rural agricole et un passé urbain minier. Mettre en résonance ces deux temporalités, aux rythmes distincts, semblait judicieux pour saisir les différentes dynamiques qu’avait vécu le territoire. Une attention particulière

1. Un Système agricole autonome

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2. Déclin du rural, arrivée du train

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5. Les mines découvertes

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3. L’industrialisation du charbon

6. La Renaissance du rural

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Sources principales par périodes : Partie 1 : PELEN, 1974.

Parties 2 à 5 : PACZKOWSKI, 1989 et 1991.

Partie 6 : CABANEL, 2013.

Partie 7 : rencontres et entretiens.

Les précisions et autres sources sont mentionnées en note sur les pages concernées.

4. L’ère de l’électricité

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7. Vitalité territoriale actuelle

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1. Un Système agricole autonome Les versants cévenols ont été façonnés par l’agriculture nourricière et toutes les pratiques qui en découlaient. Les inombrables murs de soutènement en pierre sèche ont fait ce paysage de terrasses si caractéristique, extirpant de la pente quelques petites surfaces cultivables.

Une Robuste et attentive frugalité Jusqu’au milieu du 19e siècle, le mode de vie cévenol était solidement ancré dans un système agricole structuré autour de la castanéiculture, de la sériciculture, de l’élevage et d’un ensemble de terrasses cultivées, les faïsses. Bien que les versants étaient déjà boisés en grande partie, les espaces ouverts étaient plus importants qu’aujourd’hui, principalement autour des hameaux et le long des crêtes.

Pilier social, culturel et économique, le châtaignier faisait partie intégrante du cycle annuel et porte le surnom d’arbre à pain1. Ses usages étaient multiples : les fruits pour l’alimentation des humains et des troupeaux, les feuilles pour le fourrage, le bois pour fabriquer des piquets ou des charpentes, ou pour se chauffer. La récolte des châtaignes en automne donnait suite à une fête traditionnelle où les cévenols célèbraient la nature et l’entraide. D’une grande qualité nutritive et de par sa culture pérenne, la châtaigne a permis aux cévenols d’éviter plusieurs famines.

Un deuxième arbre a marqué les Cévennes : le mûrier, l’arbre d’or. Plantés autour des hameaux, ils servaient de fourrage exclusif pour les vers à soie élevés dans des magnaneries : de hautes maisons avec une cheminée dans chaque angle pour garder une température constante et homogène. Associée au retour du printemps, la sériciculture était une activité familiale périodique mais intense. Début juillet, les cocons étaient pesés à la foire du Collet de Dèze, avant d’être

emmenés vers les filatures locales, à Branoux ou à St Julien des Points pour la Vallée Longue. En 1840, l’arrondissement d’Alès produisait 500 tonnes de soie, soit un quart de la production française2 !

Le poly-élevage, signe de prospérité, faisait également partie du quotidien : chèvres pour le pélardon (fromage traditionnel), moutons pour la viande et la laine. Les pâturages étaient couramment sous le couvert des châtaigniers ou des chênes verts (système sylvo-pastoral vernaculaire). La transhumance avait lieu à partir de mi-juin et empruntait des drailles3, comme la Draille du Languedoc qui suit la crête sud de la Vallée Longue.

Sur les faïsses étaient cultivées des plantations variées (pomme de terre, oignon, rave, seigle, fraises...) ainsi que des vergers (pommier, pêcher) et de la vigne, ponctuées souvent par quelques ruches. Tout était pensé, réfléchi pour vivre de manière autonome avec les ressources disponibles localement et exploitables humainement, avec une certaine attention portée au territoire et à ses capacités.

Les habitations, regroupées en hameau de 5 à 10 mas, se sont installées en différentes configurations géographiques : sur une avancée rocheuse creusée par le Gardon, sur un replat, ou encore épousant la pente et étagé sur plusieurs faïsses3. Tous les hameaux appartennaient à un quartier, espace visuel et auditif, véritable entité - 56 -

1 «Dans la fierté individuelle de l’arbre il y a la liberté de l’homme; dans la chaleur nutritive du fruit, les liens et la solidarité du groupe communautaire.»

PELEN, 1974.

2 Patrick Cabanel, Émigration et immigration dans l’histoire des Cévennes, dans Les Cévennes au XXIe siècle, une renaissance, Cabanel, 2013.

3 Draille : sentier de transhumance, pouvant atteindre 12 à 15 mètres de largeur, et qui empruntaient généralement les crêtes. Utilisées depuis au moins deux millénaires, elle le sont toujours aujourd’hui mais servent principalement à la randonnée.

4 Les habitations ne sont que très rarement en fond de vallée en raison des risques de crues, de la faible visibilité et du manque d’ensoleillement ; ni sur les crêtes qui forment des espaces trop ouverts, n’appartenant pas vraiment à une vallée ou à une autre.

5 Le Collet de Dèze en cartes postales, édité par le Centre communal d’action sociale du Collet de Dèze, 1987.

sociale et culturelle. Il n’y a que très rarement de centre communal, les écoles, commerces et artisans étant dispersés dans les différents quartiers. Les déplacements d’un hameau à un autre se faisait à pied, à cheval ou en charrette.

Démographie en

1800 7500 habitants

St Privat de Vallongue

Les foires rythmaient ce mode de vie quasi autarcique (‘‘seule bonne raison de sortir de la vallée’’) et permettaient une régulation économique. Les cévenols devaient parfois partir au milieu de la nuit pour atteindre au matin ces événements, certains assez éloignés comme à Barre des Cévennes (4h de marche depuis le col de Jalcreste). Bourg centre de la Vallée Longue, le Collet de Dèze a accueilli jusqu’à 14 foires par an. Les blanchettes, petites châtaignes séchées, étaient couramment utilisées comme monnaie locale. En dehors des foires, les liens avec la plaine languedocienne étaient réguliers, notamment pour les emplois saisonniers lors des vendanges.

LavalPradel

Le Collet de Dèze

Le mode de vie et la démographie étaient alors homogènes entre l’amont et l’aval de la vallée, bien qu’il y ait une légère influence urbaine à l’approche d’Alès. Néanmoins une grande différence confessionnelle existait : les cévenols étaient protestants du col de Jalcreste au Collet de Dèze et à Branoux (profondément ancrés dans la lutte camisarde), catholiques de St Julien des Points à Alès.

Carte postale du Collet de Dèze

C’est justement en raison de cette mémoire de répression religieuse par le pouvoir royal que les routes carrossables ont longtemps été considérées comme des moyens d’amener ‘‘de la troupe et du canon’’ 5. Le tracé de la nationale 106 ne fut entamé qu’à partir de 1830, remplaçant un chemin le long du Gardon qui était régulièrement emporté par les crues. Le désenclavement de la Vallée Longue a lieu cinquante ans plus tard, la nationale arrivant au Collet de Dèze en 1884.

L’hôtel Noraget au col de Jalcreste, véritable relais entre la vallée de la Mimente et celle du Gardon - 57 -

2. Le déclin du rural, L’arrivée du Train La période de 1750 à 1850 marqua l’âge d’or de l’économie cévenole, accompagné d’un pic démographique en 1850 dans la partie amont, atteignant 44 habitants/km². Cette densité rurale et le déclin qui lui succéda ont néanmoins été occultés par les prémices de l’industrialisation de l’extraction du charbon en aval.

Décennies charnieres Le milieu du 19e siècle était prospère en Cévennes : 500.000 tonnes de châtaignes produites par an, et un quart de la production française de soie provenait de l’agglomération d’Alès. Tandis que la production de châtaignes continuait de croître jusqu’à la fin des années 1860, les vers à soie ont été gravement touchés par une maladie, la pébrine. Pasteur est appelé d’urgence pour remédier à cette épizootie mais les industriels commençaient déjà à importer des cocons de l’étranger, de moindre qualité mais moins chers1. En 1869 la construction du canal de Suez ouvrit plus largement à la concurrence des soies provenant d’Orient, faisant encore baisser la production locale. À la même période, la maladie de l’encre toucha fortement les châtaigniers, les fruits mûrissaient mal, le bois ne pouvait plus être utilisé en bois d’œuvre. Pour pallier ce manque alimentaire et économique, les troupeaux ont été agrandis et de nombreuses coupes ont été faites dans les châtaigneraies, dont le bois était vendu aux usines à tanin, au Collet ou à Ste Cécile pour la Vallée Longue. Ces coupes ont marqué une première période de déboisement des versants.

Une deuxième période de grandes coupes a eu lieu autour des années 1900 à la suite du développement de la viticulture dans la plaine, induisant une forte demande de piquets. De nombreux châtaigniers anciens et greffés furent coupés pour favoriser la pousses des bouscasses2.

Cet abattage en nombre ne fut pas anodin et marqua les esprits des cévenols, comme un mépris des savoir-faire autour des pratiques de greffage, et de surcroît sur des arbres pluricentenaires.

C’est ainsi que toute l’économie agricole traditionnelle s’effondra peu à peu dans la deuxième moitié du 19e siècle. Mais cette chute, il n’y a que l’amont de la Vallée Longue qui l’a vécue : l’aval était plongé dans l’effervescence récente des mines. Les populations rurales sont alors drainées vers le bassin minier en pleine extension et donc en demande de main d’œuvre. Certains mineurs restaient néanmoins vivre en amont pour garder leur vie paysanne, et prenaient quotidiennement le train. Le bassin minier était devenu le lieu d’écoulement des récoltes de l’amont : le train descendant le samedi matin était toujours bondé de paysans allant vendre au marché de la Grand Combe.

C’est justement le train qui est à l’origine du soudain développement des mines. Le charbon était exploité jusque-là de manière artisanale dans les Cévennes, et ce depuis le 13e siècle. Les routes carrossables étant rares, la production était entièrement utilisée sur place pour le chauffage domestique, les forgerons ou les chaufourniers3.

En 1836 est créée la Compagnie des mines de la Grand Combe et des chemins de fer du Gard, qui lança alors la construction d’une ligne reliant - 58 -

1 Sophie Bécherel, Sublimer la soie en Cévennes, Savoir-Faire 2/5, France inter, 17.07.2018 Épizootie : épidémie touchant les animaux.

2 Les bouscasses sont les rejets du châtaignier depuis la souche, sous la greffe. Très vigoureux, même un vieil arbre donnera de nombreuses repousses rectilignes, parfaites pour les piquets, voire pour la charpente. La plupart des forêts de châtaigniers actuelles sont issues de ces coupes sous la greffe, on parle alors de futaie sur souche.

3 Le chaufournier est l’exploitant d’un four à chaux..

4 On peut noter les veines de charbon d’Abilon, de la Trouche, du Ravin, de Champclauson et de la Pise.

La Levade au port de Beaucaire, sur le Rhône, en passant par Alès et Nîmes. Le transport de marchandises ainsi facilité jusqu’à Marseille, une extraction davantage méthodique était devenue impérative. Des mineurs venus du Nord, du Forez et du Piémontais furent embauchés par la Compagnie afin d’initier les paysans de la Vallée Longue. La commune de la Grand Combe est créée en 1846, prenant sur celles de Ste Cécile d’Andorge, Les Salles du Gardon, Laval et Portes.

Démographie en

1850 15000 habitants

Le Collet de Dèze

Les couches les plus affleurantes ont d’abord été exploitées car plus facile d’accès4, mais assez vite épuisées. Des études de terrain ont alors été réalisées afin d’exploiter des veines plus profondes, induisant des infrastructures importantes (forages de puits, chevalements...).

Les premiers puits ont été creusés à la fin des années 1840, avec des chevalements en bois ou maçonnés, généralement en grès. Le transport restait une question épineuse dès lors que l’on s’éloignait du chemin de fer. Tout un système de plans inclinés fut mis en place pour gérer les distances et les dénivelés : des treuils à vapeurs élevaient les wagons de charbon, les berlines, à une hauteur suffisante pour qu’ils se déplacent ensuite de par leur propre poids. Dans certains cas les berlines pleines permettaient de remonter les vides simultanément.

La Grand Combe

Le Puits du Ravin, avec son chevalement maçonné en grès

Le plan incliné de Champclauson à la Levade fut mis en service en 1860 - 59 -

3. L’industrialisation du charbon Le rural de l’amont n’était plus qu’une (maigre) source de main d’œuvre pour le bassin minier, se vidant peu à peu de ses paysans. L’aval quant à lui semblait animé par une croissance sans fin. Les puits se multipliaient, de plus en plus profonds. Le paysage autour de la Grand Combe se transformait fondamentalement.

Une renommée nationale Un lent vieillissement de la population se déroulait en amont, paraissant suivre un processus immuable : les jeunes partaient, les écoles fermaient, les commerces et artisans se raréfiaient, les pasteurs et curés partaient également, les bureaux de postes fermaient. La mine restait néanmoins un employeur stable, surtout pour les cadets non-héritiers de la ferme, et la ligne CFD était toujours très utilisée.

Aux six premiers puits, creusés autour de 1850 d’une profondeur moyenne de 120m, s’ajoutèrent onze supplémentaires entre 1880 et 1903. La ressource devenant moins facilement disponible, les veines recherchées étaient toujours plus profondes. Le puits du Gouffre numéro 2 descendait à -741 mètres (il portait bien son nom!). Situé à proximité de Trescol, à 250 mètres d’altitude, c’était donc l’équivalent de 500 mètres sous le niveau de la mer. Cette quête des profondeurs induit des infrastructures à plus large échelle, avec de nouveaux matériaux. Les chevalements métalliques font leur apparition, non sans évoquer une architecture à la Eiffel.

Les bâtiments industriels n’étaient pas seulement situés autour des puits. Le charbon était épierré, lavé, criblé, calibré dans de grands bâtiments, comme le lavoir central de la Grand Combe ou celui de Trescol. La moitié du charbon était classée selon le calibrage des grains1 et vendue

directement. L’autre moitié était utilisée pour les agglomérés, des boulets de 70 g pour l’usage domestique ou des briquettes de 10 kg pour les chaudières des bateaux et locomotives. L’usine d’agglomération La Pise produisait chaque jour 500 tonnes de briquettes et 200 tonnes de boulets, c’est le «règne de la vapeur triomphante»2. Les boulets, marqué d’une ancre pour symboliser la Méditerranée, ont fait la renommée nationale de la Compagnie des mines, fournissant tout Marseille et se vendant jusqu’à Paris !

Les stériles étaient envoyés vers les terrils, appelés localement crassiers, qui formaient des collines additionnelles aux petites montagnes cévenoles3.

Sur les versants qui ne sont ni exploités ni recouverts de terrils, des pins maritimes sont plantés afin d’être utilisés comme étais dans les galeries. Le pin présente en effet l’avantage de craquer avant de casser, ce qui n’est pas le cas du châtaignier par exemple.

Les versants n’étaient pas les seuls à changer, la ville aussi. La partie aval de la vallée atteignait 20000 habitants dans les années 1900, tandis que l’amont descendait sous les 3500 habitants (pour la même superficie toujours). La Compagnie des mines de la Grand Combe gérait la majorité de la ville, parfait exemple du paternalisme4. L’ouvrier était pris en charge de la naissance à la mort : droit à la gratuité du logement, du chauffage, de - 60 -

1 Calibrage du charbon : gailletins (50 à 80 mm), noix spéciales (30 à 40 mm), noisettes spéciales (20 à 30 mm), braisettes spéciales (15 à 22 mm), braisettes (10 à 20 mm), grains (6 à 10 mm).

2 La Grand’Combe en Cévenne : Mines et mineurs du canton, PACZKOWSKI & al., 1991.

3 Les terrils ne sont plus visibles aujourd’hui, excepté deux le long de la nationale 106 et celui de Rochebelle, un des quartiers minier d’Alès. La plupart des terrils ont effectivement servi à remblayer les puits. Le terril des Taillades est actuellement en cours d’exploitation, servant de couche de remblai sous les routes.

4 Le paternalisme est une doctrine sociale fondée sur la satisfaction des besoins matériels et spirituels de la main-d’œuvre qu’elle veut s’attacher.

5 La cité-jardin est un concept théorisé à la fin du 19e siècle par l’urbaniste britannique Ebenezer Howard dans son ouvrage Tomorrow : a peaceful path to real reform, 1898.

Ce concept s’appuie notamment sur une maîtrise publique du foncier, la présence d’une ceinture agricole autour de la ville, une densité bâtie relativement faible et des équipements publics au centre de la ville

Démographie en

1900 23500 habitants

Le Collet de Dèze

Le Puits de Pontil La Grand Combe

la scolarité, des soins, à des vivres à prix coûtant, il touchait un très bon salaire. En échange il devait se plier à une morale et une pratique religieuse sans faille.

La Grand Combe, ville usine, apparaissait comme une ruche animée de jour comme de nuit par les rotations des équipes de fond. Les cités minières prenaient des formes variées, de grands bâtiments en pierre de trois ou quatre étages avec deux appartements par palier, ou alors des cité plus petites regroupant seulement deux appartements, modèle inspiré de la cité-jardin5.

Ces logements se distinguaient à l’époque par leur qualité de construction et par le confort proposé.

Les sanitaires et l’eau à l’étage par exemple inscrivaient ces ensembles dans une modernité contrastant avec les conditions de vie antérieures.

Le lavoir central de la Grand Combe

La modernisation ne s’arrêta pas ici. L’électricité arriva bientôt en Vallée Longue, entraînant de nouveaux changements tant dans l’amont qu’en aval.

Photographie aérienne de 1950 à proximité de Champclauson, mines et terrils sont nettement visibles - 61 -

4. L’ère de l’électricité L’électricité fit son apparition dans la Vallée Longue au début du 20e siècle, le charbon y trouva rapidement un débouché intéressant. L’industrie minière souffrit toutefois des deux guerres mondiales et nécessita, comme pour d’autres domaines économiques, l’intervention de l’État.

LA nationalisation de l’énergie L’histoire de l’électricité en Vallée Longue débuta par la construction de la centrale électrique La Pise en 1908. Le charbon ne servait donc plus seulement à se chauffer ou faire avancer trains et bateaux, mais il servait aussi à produire de l’électricité! Cela permettait notamment d’utiliser une partie des fines (charbon très fin) dans un processus rentable. Les Cévennes bénéficièrent, à l’instar de tout le milieu rural, du programme d’électrisation des campagnes en France durant l’entre-deux guerres. En 1918 seulement 20% des communes étaient desservies par l’électricité, elles atteignirent 97% en 1938. Cependant tous les hameaux n’ont pas été raccordés en raison du relief et de la localisation parfois très isolée du bâti, et ce encore aujourd’hui.

L’exploitation minière fut grandement ralentie pendant la Seconde Guerre mondiale. La démographie du bassin houiller a néanmoins continué de croître pendant cette période.

Retrouvant l’esprit de lutte des camisards, les Cévennes furent un lieu de résistance, forte et organisée. L’hôtel Nogaret au col de Jalcreste fut notamment un point stratégique, un lieu de discussion pour unifier les mouvements de résistance, et pour déplacer les populations menacées de Haute-Lozère vers les Cévennes1. La châtaigneraie connut également un regain pour pallier au rationnement alimentaire.

La période d’’après-guerre a nécessité un investissement massif de l’État pour reconstruire l’économie du pays, passant donc par la nationalisation des banques de dépôt, des assurances, du transport aérien et également du secteur de l’énergie. Cette nationalisation était effectivement un axe central du programme du Conseil national de la Résistance (adopté le 15 mars 1944) qui prévoyait «l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières»2. La Compagnie des mines de la Grand Combe devint les Houillères du Bassin des Cévennes (HBC) en 1946. La gouvernance énergétique passait donc de privée et locale à publique et nationale.

Un des premiers investissements de l’État fut de construire la centrale électrique du Fesc en 1948, dans le but de remplacer progressivement celle de la Pise, qui ferma en 1953. Le débit du Gardon était devenu trop faible par rapport au rendement de la centrale du Fesc, une retenue d’eau fut donc créée en 1957 en amont, entre la Haute Levade et Ste Cécile3. Déclarée d’utilité publique, sa construction induisit l’expropriation de deux hameaux, dont celui des Cambous qui donna son nom au lac formé. À propos de cette infrastructure, un habitant de Ste Cécile souligne quarante ans plus tard qu’il n’y a eu « aucune incidence positive - 62 -

1 Anonymes, justes et persécutés durant la période nazie dans les communes de France, AJPN.org 2 La nationalisation des Houillères, archive vidéo du discours sur la nationalisation des houillères prononcé par Robert Lacoste le 30.03.1945., article de Philippe Mioche, Médiathèque des Mémoires de Mines, Fresques INA. Accessible à : https://fresques.ina. fr/memoires-de-mines/fiche-media/ Mineur00340/la-nationalisationdes-houilleres.html, consulté le 30.01.2020.

On peut noter la nette ressemblance avec les enjeux actuels, 70 ans plus tard... .

3 Chaque kW produit consomme environ 4 litres d’eau.

Sainte Cécile, pays de... retenue, article de Jean VIGNE, revue Le Cambalut n°70, avril 1997.

La centrale du Fesc était initialement prévue avec une puissance installée de 50000 kW, une deuxième tranche portera la centrale à une capacité de 150000 kW. Par comparaison, la centrale de la Pise avait une puissance installée de 35000 kW, pour une puissance produite de 15000kW en pointe.

4 ibid., page 2.

pour le terroir des Cambaluts mais pour satisfaire les besoins toujours croissants de l’aval » 4.

Les disparités entre amont et aval étaient effectivement au plus haut point à la fin des années 1950. Avec plus de 20000 ouvriersmineurs employés par les HBC, l’aval dépassait les 29500 habitants dont presque la moitié dans la commune de la Grand Combe. L’amont quant à lui continuait sa lente chute, tombant sous les 2000 habitants. Un rapport de 15, écarté depuis 150 ans. L’électricité n’avait pas aidé à redresser cet écart. La diffusion de l’éclairage artificiel ayant mis fin aux moments de veillée, c’était un pilier de la littérature orale qui disparut.

Démographie en

1950

31000 habitants

‘‘ Le charbon doit quitter le cycle

des intérêts privés pour rentrer totalement dans celui de l’intérêt public.

’’

Robert Lacoste, ministre de l’industrie, extrait de son discours sur la nationalisation des Houillères, 30 mars 1945 La Grand Combe

Néanmoins à partir des années 1960 les services commerciaux pour le pétrole et le gaz faisaient preuve d’un certain dynamisme, faisant concurrence au charbon. Le nucléaire se développait également, la première centrale française se construisit à Marcoule, à 60 km d’Alès, au bord du Rhône. Les HBC utilisèrent alors un brevet des Houillères du Nord pour fabriquer des boulets défumés, encrassant moins les chaudières. Ce fut un succès, 500 tonnes de ces boulets furent produit par jour à partir de 1964. Une amélioration conséquente de l’usine d’agglomération permit de monter la production journalière à 3000 tonnes!

Les Salles du Gardon

L’usine électrique de la Pise vue du quartier de l’Aubignac

Mais cela ne dura qu’un temps, le charbon se vendait moins, les stocks s’accumulaient sur le carreau des puits, le chômage se faisait sentir.

La centrale électrique du Fesc, au bord du Gardon - 63 -

5. Les Mines découvertes Les mines de fond ne semblaient plus d’avenir, nécessitant notamment une importante main d’œuvre. Les mines découvertes étaient le nouvel espoir pour sauver l’industrie du charbon! Pourtant elles n’ont pas fait l’unanimité, ni parmi les mineurs, ni au sein d’une montée écologiste.

L’indélicatesse des machines Le charbon devenait une ressource vieillissante, les veines exploitées étaient bientôt épuisées mais surtout l’État avait d’autres projets pour produire de l’énergie, en particulier pour l’électricité. La crise charbonnière provoqua six arrêts des mines entre 1954 et 1974 en raison des grèves. Une des causes était l’abandon des produits 1/4 et 1/2 gras, ce qui entraîna en 1965 la fermeture du lavoir de Trescol qui traitait ce type de charbon.

Les mines de fond régressaient lentement, jusqu’à l’annonce de leur arrêt prévu en 1977 par les Charbonnages de France1. L’arrêt fut néanmoins repoussé à 1979.

Dès 1954 les exploitations à ciel ouvert furent facilités par de nouveaux engins de terrassement.

Le choc pétrolier du début des années 1970 faisant monter le prix du pétrole, cela permit de faire émerger de nouvelles conditions pour envisager de nouvelles réserves de houille. Trois sites furent retenus pour leurs veines exploitables : Mercoirol (600.000 tonnes estimées), Grand Baume (1.100.000 tonnes) et Sans Nom (180.000 tonnes). L’exploitation de Mercoirol avait déjà débuté en 1935, mais s’intensifia donc à partir de 1980. La production cumulée de Mercoirol et Grand Baume atteignit 350.000 tonnes de charbon marchand en 1990, dépassant presque la production de l’ensemble des puits dans les années 1960. La grande différence résidait dans la main d’œuvre : les découvertes permirent de sauver à peine 300 postes de mineurs,

chiffre étendu à 1000 postes en comptant les emplois indirects ou sous-traités. Bien maigre en comparaison des 20.000 mineurs de 1950 ! La population de l’aval commença d’ailleurs à chuter, tombant à 23.000 habitants en 1975.

Pendant ce temps l’amont mourrait dans l’indifférence, la population réduite à 1300 habitants sur les 6 communes. Durant les années 1960-70, toutes les familles de l’amont étaient ‘amputées’ d’un ou plusieurs membres, pour ne constituer plus qu’une population de derniers : paysan, éleveur, mineur... les derniers cévenols des cartes postales. La châtaigneraie régressa encore de moitié avec la vente du bois aux tannerie qui se poursuivait, malgré le regain d’intérêt durant la Seconde Guerre mondiale. De plus la maladie du chancre de l’écorce toucha les châtaigniers dans les années 1960, conduisant au quasi-arrêt de la castanéiculture. L’amont de la vallée, comme l’ensemble des Cévennes, semblait alors vouée à une désertification inévitable2.

La lente mais longue récession économique et l’exode rural conduisirent à l’abandon progressif de la région et au vieillissement de la population restante. Les Cévennes ne croyaient plus en ellesmême.

L’aval minier n’avait pas encore dit son dernier mot quant à lui. Syndicats, élus et opinion politique formaient une «union sacrée» pour la pérennité, et donc l’extension, des mines découvertes et - 64 -

1 Les Charbonnages de France sont un établissement public à caractère industriel créé en 1946 dans le but de relancer la production charbonnière nationale.

L’activité minière devenant moins rentable, l’état orienta rapidement ses investissements vers l’hydroélectricité et le nucléaire (lié à la production d’armements durant la guerre froide). Les Charbonnages fermèrent en 2007. de LADOUCETTE P., Charbonnages de France et la société française.

Histoire d’une grande mutation industrielle, éd. ESKA, Annales des Mines, 2004.

2 CABANEL, 2013.

3 C’était plus d’une centaine de tirs de mines à Mercoirol, utilisant 1,2 tonne de dynamite par jour !

Le bruit de la détonation, de l’écroulement de pans de falaises ajouté à la poussière omniprésente étaient des nuisances quotidiennes.

4 PACKOWSKI, 1991.

assurer la survie des dernières gueules noires. Les découvertes furent le sujet d’ardentes critiques citoyennes ou écologistes sur la dégradation du relief et du paysage, mais également à propos de nuisances peu supportables pour des habitations relativement proches3.

Démographie en

1975 24500 habitants

Parallèlement, une reconversion des friches industrielles, suite à la démolition de nombreux bâtiments, fut engagée à la fin des années 1980 pour relancer l’économie et revaloriser l’image de la Grand Combe qui apparaissait comme une ville blessée. La vallée Ricard accueillit un parc bordé d’un élégant rond point 4, tandis que des entreprises s’installaient sur d’autres friches, reprenant une partie des mineurs licenciés.

La Grand Combe

Les découvertes donnèrent l’illusion de la pérennité de l’extraction du charbon, mais un temps seulement. Elles sont définitivement arrêtées en 2002. Certaines furent reconverties en carrières, d’autres reboisées avec des essences peu sensibles au feu à l’issue d’une collaboration entre les Houillères et l’Office National des Forêts.

La mine découverte de Mercoirol

Démolition du lavoir Ricard et de l’usine d’agglomération Verrerie

La mine découverte de Grand Baume - 65 -

6. La renaissance du rural Pendant que l’industrie minière vivait ses dernières années en aval, un important renouveau démographique commun à toutes les Cévennes1 fit revivre d’un dynamisme insoupçonné l’amont, dans un engouement général pour le monde rural, agricole et artisanal.

Une Utopie créatrice d’histoire La volonté des derniers habitants de l’amont de rester au pays n’a pas suffit pour ralentir la désertification des années 1960. Celle-ci fut évitée grâce à l’arrivée de néo-ruraux, par une certain désir de Cévennes qui fut engendré par le mouvement de mai 1968. Les Cévennes semblaient pouvoir offrir une qualité de vie et surtout une véritable sociabilité, loin de la ville.

Il s’agissait d’un choix délibéré d’installation en milieu rural, sous-tendu par des motifs plus idéologiques et philosophiques que socioéconomiques2.

du label AOC pour le pélardon et par leur implication au sein de la Confédération Paysanne.

De nombreuses écoles furent maintenues, voire ré-ouvertes par l’arrivée des familles. Plusieurs radios locales et associatives furent créées, prolongeant la tradition cévenole d’ouverture sur le monde par un partenariat avec Radio France Internationale. Un cinéma itinérant fut également mis en place.

Par ce mouvement démographique, ce fut deux tiers des Cévennes qui furent remplacés. Cette nouvelle société néo-rurale était donc bien plus qu’une marginalité. La fausse image des Cévennes de 1975 véhiculait une population constituée de vieux paysans cévenols et de jeunes hippies descendus de Paris. La réalité était bien plus complexe et nuancée, les arrivants étaient majoritairement des urbains, jeunes diplômés ou petites familles, et avaient pour la plupart un projet agricole ou artisanal.

La relocalisation économique était un but affirmé dès le départ, promouvant un développement local pour le maintien de la population locale et l’accueil de nouveaux habitants. Les néoruraux ne sont pas tous restés néanmoins, mais la revitalisation de la vallée était bien lancée par ceux qui se sont installés de manière pérenne.

En dehors du milieu agricole, ceux qui sont restés étaient pour beaucoup dans la fonction publique, employés au Parc national des Cévennes ou investis dans le milieu associatif. La vie associative et les réseaux étaient grandement développés pour supporter l’isolement inhérent à un territoire de montagne.

Ce renouveau démographique portait un mouvement cohérent dans sa logique et riche d’une diversité de manifestations. Les néoruraux ont largement impulsé une dynamique agricole non productiviste, notamment par l’essor de l’agriculture biologique, par la reprise de nombreuses châtaigneraies, par la création

Le Parc national des Cévennes (PNC) fut mis en place simultanément à ce regain démographique.

Créé en 1970 à la suite de nombreuses négociations durant plusieurs décennies3, le PNC a permis d’illustrer la capacité d’adaptation d’une institution d’État face à une situation originale.

En effet les parc nationaux français sont issus du - 66 -

1 Les informations présentées ici sont communes à l’ensemble des Cévennes rurales, à défaut d’informations précises sur la Vallée Longue.

2 CLAVAIROLLE, dans CABANEL 2013.

3 Karine-Larissa BASSET, Aux origines du Parc national des Cévennes, Des précurseurs à la création le 2 septembre 1970, ouvrage publié par le PNC en partenariat avec l’éthnopôle GARAE Languedoc-Roussillon et l’association Clair de Terre, 2010.

modèle américain de sanctuarisation de la nature.

L’idée d’un parc habité fut assez vite reconnu, affirmant que les paysages cévenols furent façonnés et maintenus par ses habitants.

Démographie en

2000 19000 habitants

Le Collet de Dèze

Le Club Cévenol fut parmi les principaux acteurs de l’émergence du PNC. Association créée en 1894 à Florac, elle a notamment fait la promotion d’un tourisme maîtrisé depuis les année 1970, un éco-tourisme avant l’heure. Les Cévennes attiraient ainsi un nombre croissant d’urbains, français ou des pays du nord (Angleterre, Pays-Bas...), entraînant les premières résidences secondaires et une augmentation notable du prix du foncier à partir de 1990.

St Martin de Valgalgues

La Grand Combe Les Salles du Gardon

Un renouveau de l’utopie décroissante à tendance autarcique marqua les années 2000. L’habitat léger ou mobile, la rénovation de clèdes ou les squats ruraux dans des propriétés à l’abandon étaient des moyens d’accéder à l’installation face au foncier inaccessible, plus ou moins en accord avec la réglementation. Ce second mouvement partageait un rejet de la ville et un engagement dans des expérimentations sociales, politiques ou écologiques. Encore une fois il ne s’agissait pas d’une population marginale, la plupart participaient activement à la vie locale et avaient choisi ce mode de vie en réponse au manque de logements à des prix accessibles.

L’amont de la Vallée Longue, comme l’ensemble des Cévennes, fut ainsi le point de convergence pour plusieurs générations successives retrouvant une culture cévenole qui n’était pourtant pas la leur initialement. Ces nouveaux arrivants furent les acteurs essentiels de la transformation et de la revitalisation du territoire, portant une image du rural comme un environnement de qualité, des meilleures conditions de vie et une solidarité favorisée.

- 67 -

7. Vitalité territoriale actuelle Le déroulé de ces deux derniers siècles permet d’aboutir à la situation actuelle concernant l’énergie, l’agriculture et les mobilités, thématiques toutes trois liées et porteuses de dynamiques différentes. Quels projets animent le territoire sur ces questions ? Par qui sont-ils initiés ? Comment se répartissent-ils sur la vallée ?

Parc national des Cévennes

L’agriculture est indissociable de la vitalité de la vallée, même si elle n’est pas autant perceptible que dans d’autres régions où les parcelles cultivées maillent le paysage. Ce secteur a permis le renouveau de la ruralité de la vallée par l’arrivée de nouveaux habitants et hérite donc de cette construction commune, d’une volonté de faire ensemble. Ainsi plusieurs structures collectives agricoles autour de la châtaigne et du fromage de chèvre se sont implantées sur la crête sud afin travailler avec les deux vallées. Le futur pôle agrialimentaire a quant à lui besoin d’un accès facile et se situe à proximité de la route nationale.

Pour ce qui est de l’énergie, il s’agit dans la plupart des cas d’actions isolées, soit de production d’électricité comme les deux centrales photovoltaïques, soit se rapportant à la mobilité et se résume alors par des bornes pour voitures électriques ou des aires de covoiturage. Plusieurs communes sont néanmoins équipées d’un réseau chaleur-bois comme St Michel de Dèze, Champclauson et Cendras.

Les deux acteurs principaux du territoire sont assez différents. Le Syndicat Mixte des Hautes Vallées Cévenoles, dont le siège est à Cendras, porte l’agenda 21 pour la Vallée Longue et celle du Galeizon ainsi qu’un financement TEPCV par le ministère. Le Collectif Vallée Longue, basé au relais de l’Espinas, est plutôt dans une logique d’auto-gestion et d’auto-financement.

Maraîcher en autonomie énergétique

Centrale photovoltaïque Réseau chaleur bois Borne voiture électrique Agriculture Projets en cours Initiateurs N

- 68 -

0

1

5 km

Démographie en

Le Relais de l’Espinas

2016

Collectif Vallée Longue

18.700 habitants

Le Collet de Dèze St Martin de Valgualgues

Centrale photovoltaïque sur les anciennes mines découvertes Pôle agri-alimentaire SAS Cévennes Durables

La Grand Combe

Sentier d’interprétation des énergies d’hier à aujourd’hui Compagnie de cirque

CUMA châtaigne et petits fruits

Chèvrerie Fromagerie communale

Maraîcher sur foncier communal Syndicat Mixte des Hautes Vallées Cévenoles

- 69 -

Les Salles du Gardon

Syndicat mixte des hautes vallées cévenoles Le syndicat mixte SMHVC a été initié par le Parc national des Cévennes et le programme Man & Biosphere en 1992 pour expérimenter sur un territoire la conciliation le développement économique et la protection de l’environnement.

Son emprise initiale était composée des 5 communes de la vallée du Galeizon.

Suite au bilan positif quelques années après, la structure est pérennisée et élargie à 19 communes (vallées Longue et du Galeizon). Elle est présidée par Yannick Louche, ancien maire de Cendras, élu engagé depuis 30 ans pour une prise de conscience générale, qu’il déplore trop lente. Dans le cadre de ses compétences sur l’eau, la forêt et la protection de l’environnement, le syndicat porte un Agenda 21 depuis 2008 et un programme d’animations sur l’année. Piloté depuis Biosphera, centre d’interprétation des vallées cévenoles, ce programme s’intitule les 4 saisons du développement local et s’articule autour de la transition énergétique, de la forêt et la biodiversité, de l’eau et enfin de l’agriculture.

Depuis 2015 le syndicat est label TEPCV, ce qui lui a permit de toucher 2 M€ de subventions, finançant la rénovation énergétique de bâtiments et de l’éclairage publics et la création d’un pôle agri-alimentaire et de 3 plateformes de séchage de plaquettes bois1.

Collectif Vallée Longue Basé à l’Espinas, le Collectif Vallée Longue s’est créé il y 3 ans en rassemblant des associations et les foyers ruraux de la vallée autour de questions communes sur la ruralité, l’environnement, l’agroécologie, la culture, les liens sociaux... en bref des transitions environnementales et sociales à venir dans un territoire rural. Guillaume Faburel est régulièrement invité pour ses réflexions et travaux sur la notion de territorialisme.

Le collectif a organisé deux rencontres citoyennes, Les Autonmales en 2018 et 2019. Cette semaine se compose de conférences-débats sur l’énergie, l’habitat, la ruralité et d’ateliers, comme autoconstruire une éolienne ou un four à bois d’extérieur. Une Université Rurale en Cévennes est en cours de lancement, basée sur des principes d’éducation populaire. Un groupe de réflexion Urgence Climat Cévennes a également été mis en place et a rédigé une déclaration d’urgence climatique et environnementale à faire signer aux élus (déclaration en annexe).

Il s’agit donc d’un collectif de personnes fortement engagées, tournées vers des modes de vie alternatifs d’autonomie et de gouvernance locale.

Certains des membres critiquent la démarche parfois productiviste du syndicat2.

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1 Propos recueillis lors d’un entretien avec Florence Choquet, chargée de mission Agenda 21 au syndicat, le 17.09.2019 à Cendras.

2 Propos recueillis en rencontrant le collectif lors des Automnales 2019. L’avis émis à propos du syndicat n’engage pas l’ensemble des membres du collectif.

3 Dans cette même démarche, une offre d’emploi du Réseau Grands Sites de France a été publiée en décembre 2019 pour un.e chargé.e. de mission Paysage et transition énergétique.

C’est une initiative encourageante que l’approche paysage soit saisie par les institutions pour réfléchir à la transition énergétique. La mission comprenait notamment l’élaboration d’un plan de paysage de transition énergétique (PPTE).

4 Informations recueillies lors d’un échange avec Claire Dutray, chargée de mission transition énergétique au PNC, le 24.10.2019 à Génolhac, ainsi que durant mon stage au PNC en avril-mai 2019.

Les rencontres automnales 10-16 Novembre 2019

Parc national des Cévennes Le Parc fut donc créé en 1970, comme vu précédemment. Conscient des enjeux actuels, le Parc a engagé un partenariat avec l’ADEME pour s’investir dans la transition énergétique.

Une chargée de mission sur cette thématique fut recrutée en janvier 2018. Une première étape fut consacrée au constat énergétique du territoire, la suivante est l’élaboration d’un plan d’action à destination des élus. Ce n’est pas le premier domaine de compétence du PNC, mais il semble important que des territoires qualifiés «d’exceptionnels» soient un modèle de conciliation entre la préservation patrimoniale des paysages et un engagement dans la transition énergétique3.

Atelier d’auto-construction d’une éolienne par Thomas Plassard à l’Espinas

Placement de repères à intervalles réguliers pour ensuite sculpter la pale

Fêtant ses 50 ans cette année, le parc oriente ses réflexions sur les 50 prochaines années, guidé par le Conseil Scientifique interne. La charte réglementaire est dans ce cadre en cours de questionnement, notamment pour l’intégration de panneaux solaires ou photovoltaïques en cœur de parc, et plus largement pour s’ouvrir sur l’architecture bioclimatique4.

Conférence-débat sur les nouvelles ruralités à St Frézal de Ventalon - 71 -

Des initiatives variées Le syndicat a mis en place plusieurs structures agricoles, notamment une chèvrerie et fromagerie communale à Lamelouze. Une CUMA châtaigne et petits fruits fut également mise en place par le syndicat en 2010, au col de Pendédis. Regroupant initialement une dizaine de castanéiculteurs, ils sont aujourd’hui plus de 120 ! Conséquence de ce fort développement, la structure n’accueille plus les petits producteurs, pourtant nombreux.

Le syndicat projette l’installation d’un maraîcher sur un terrain communal à Cendras, ainsi qu’un pôle agri-alimentaire à St Julien des Points, sur un terrain appartenant à la communauté de communes des Cévennes au Mont Lozère. Ce pôle s’articule autour de quatre activités : atelier châtaigne, abattoir de volaille, atelier de découpe de viande et micro-brasserie. Un abattoir mobile pour petits animaux est également prévu. Des principes d’économie circulaire seront mis en œuvre, comme le réemploi de résidus issus de la brasserie pour nourrir les volailles. Les eaux usées seront traitées sur place par phytoépuration, et le toit accueillera des panneaux photovoltaïques pour fournir en électricité le bâtiment. Ces derniers ont bénéficié d’un financement par Cévennes Durables.

Guy Benoit est un élu actif à Ste Cécile d’Andorge, à l’initiative du sentier d’interprétation des énergies d’hier à aujourd’hui. Ce sentier, en 2 boucles de 6 et 3 km, parcourt la pinède en passant sur les traces des plans inclinés, des mines de fond et découvertes, ainsi que sur le projet en cours de la commune, à savoir une centrale photovoltaïque3 sur l’ancienne mine découverte des Quatre Chemins. Récemment installé, ce parcours reste une piste forestière qui sera certainement empruntée uniquement par les marcheurs réguliers, ou par les personnes déjà sensibilisées. Guy Benoit aimerait également voir un des barrages de la commune produire de l’électricité.

SAS Cévennes Durables est une structure de financement citoyen, complété par des subventions de la région pour investir dans la production d’énergie renouvelable, principalement des panneaux photovoltaïques.

La société, composée uniquement de bénévoles, a trois sites en activités et trois projets en cours, dont le pôle agri-alimentaire.

Enfin acteurs non négligeables de la vie locale, onze compagnies artistiques (théâtre, cirque...) jalonnent le Grand Combien, dont la compagnie Les Lendemains à Champclauson qui impulse activement une dynamique sociale et culturelle.

À une bien plus petite échelle, Philippe Sastre est maraîcher et autonome en énergie. Sa famille voulait changer radicalement de mode de vie et souhaitait s’installer dans un lieu sans être raccordé à EDF, configuration isolée encore possible en Cévennes. Installés depuis 4 ans à Valbonne sur la commune de St Hilaire de Lavit, des panneaux photovoltaïques fournissent l’ensemble de l’électricité pour l’activité agricole et le foyer de 5 personnes4.

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1 Une CUMA est une coopérative d’utilisation de matériel agricole.

Cela permet de regrouper plusieurs petits producteurs pour investir collectivement dans des machines coûteuses.

2 SAS : Société à Actions Simplifiées.

3 Cette centrale de 4000 MWh, serait au milieu des pins, entre Ste Cécile et Champclauson, étant seulement un système productif que l’on souhaite cacher, et qui donc n’a pas la vocation à changer nos habitudes de consommations (voir Une transition morcelée page 14).

4 Cette autonomie énergétique a néanmoins été rendue possible par de grands changements dans les habitudes quotidiennes : ordinateur, internet et tout ce qui consomme de l’électricité et non-indispensable est éteint une fois le soleil couché. Une manière de retrouver les activités pouvant occuper une soirée, une certaine revanche des veillées qui furent oubliées après l’arrivée de l’électricité.

En cas de mauvais temps, des batterie assurent les usages minimum de l’électricité (frigo et éclairage) pendant 3 jours.

Philippe Sastre a présenté son parcours et son mode de vie actuel à l’Espinas le 10.11.19. lors des Automnales.

Le fameux chêne vert de 3,60 mètres de circonférence, gardant le cimetière de St Hilaire. Pluri-centenaire, il a vécu toute l’histoire que nous venons de dérouler, et il suivra certainement celle(s ?) à venir du haut de sa colline.

La Vallée Longue fut malmenée par bien des causes au cours de ces deux dernières siècles.

Elle a failli être abandonnée par deux fois, mais a toujours su se retourner malgré les traumatismes paraissant irréversibles. L’histoire, non linéaire, est formée d’une multitude d’ondulations, de croissances et de déclins, à l’image du relief.

D’abord un premier déclin de la terre, du sol, des paysans. De cette attention permanente au milieu qui nourrissait ses habitants, mais qui parut soudainement bien pâle face au progrès industriel. Puis le déclin du sous-sol, du charbon qui était extirpé de la montagne, à la force des mains puis par la violence des machines.

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Deux achèvements, celui du temps de la terre et celui du passé de la mine. Mais ce constat était avant l’arrivée massive de personnes engagées pour une vie locale et associative, évitant la désertification annoncée des Cévennes. La terre, la paysannerie, les circuits courts ont de l’avenir devant eux. Les mines appartiennent effectivement au passé, mais l’énergie au sens plus large ouvre elle de nouveaux horizons et pourrait être le prétexte d’un récit frugal-localrural en Vallée Longue. Il s’agit d’avoir confiance dans le territoire, dans les personnes qui l’habitent et dans les valeurs qu’elles véhiculent.

Dans la partie suivante, deux scénarios énergétiques sont explorés à partir de dynamiques différentes. Sera ensuite détaillée la démarche choisie pour le projet à l’échelle de la vallée, pour enfin se poser sur des lieux de liens.

‘‘

« Nous sommes au cœur des questions de démocratie, de responsabilité citoyenne, de développement économique, de cohésion sociale et territoriale ainsi que de résilience. Tout s’entremêle. Et tout doit faire système. Cela prendra du temps, plusieurs décennies au moins. Ce sera même un mouvement perpétuel d’adaptation et d’invention. Une telle direction implique un changement culturel important, un changement dans nos façons de penser l’énergie, ses usages, ses formes de production, l’organisation de son système et ses acteurs. » Magnin, 2013, p.8

’’

4

Vers une approche frugale et territoriale en VallĂŠe Longue

1. La croissance verte, menée par la ville Le rural, nous l’avons vu, peut être considéré comme un simple espace ressource par les pôles urbains ‘‘au nom de la transition énergétique’’. Le scénario suivant présente comment pourrait devenir le territoire si l’agglomération d’Alès s’emparait de la question énergétique dans cette approche. Quelque peu caricatural, il est néanmoins appuyé sur des faits ou des dynamiques actuelles1.

Quelques décennies sont passées, nous nous situons autour de 2050. Interpellé par le label TEPCV qu’avait eu le syndicat mixte, la communauté d’agglomération d’Alès s’est lancé pleinement dans le développement du territoire pour la croissance verte.

L’urbanisation s’est densifiée et étendue dans la plaine, mais également dans le fond de vallée jusqu’à la Grand Combe, formant unelarge conurbation. Un réseau de mobilités électriques et connectées, pour la plupart individuelles, recouvre tout le tissu urbain.

Un ensemble de centrales photovoltaïques s’est implanté sur les versants sud à proximité de la ville, dans le prolongement des premières installées en 2018. La garrigue a dû être déboisée, causant de graves problèmes d’érosion lors des épisodes cévenols.

Pour notamment gérer la distribution de l’électricité produite, la Grand Combe est devenu un pôle de haute technologie dans les smart-grid.

Les deux barrages de la vallée, qui produisent dorénavant de l’hydroélectricité, ont été sur-élevés afin d’augmenter leur capacité face aux épisodes cévenols, étant devenus plus fréquents et plus violents en raison du changement climatique.

La nationale 106 a été élargie en voie rapide, permettant un passage régulier et important de camions grumiers. En effet l’ensemble des

versants boisés est géré en exploitation intensive pour du bois-énergie. Le châtaignier et le pin maritime sont privilégiés pour leur croissance rapide, accentuant les surfaces de peuplements purs. Excepté dans quelques rares cas, les châtaignes sont également brûlées, leur récolte ne pouvant être faite mécaniquement à moindre coût. Les crêtes sont investies pour développer la production sylvicole de résineux.

Dans les communes rurales en amont de la vallée, la plupart des hameaux ont été abandonnés car trop isolés. Les écoles ont toutes fermé car l’éducation se fait uniquement par le numérique.

Quelques familles subsistent néanmoins à l’écart des routes, en quasi autarcie.

Ce scénario présente un mix énergétique à partir de ressources renouvelables (eau, biomasse, soleil) afin de couvrir les besoins de l’agglomération. Cependant cette approche ne porte aucune attention au territoire ni aux personnes qui le vivaient et le parcouraient au quotidien. On peut également imaginer qu’en cas de restriction énergétique, une politique d’austérité sera subie par la population.

1 à l’appui de scénarios prospectifs énergétiques pour l’Ardèche en 2042, Bourez & al., 2013.

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élargissement de la N 106 en 2x2 voies

Quelques familles en autarcie Production sylvicole en monoculture pour bois énergie

Centrales photovoltaïques

La GRand Combe Production sylvicole en monoculture pour bois d’œuvre

sur-élévation des barrages pour hydroélectricité

Mobilités électriques et connectées N

0

1

5 km

- 77 -

alès

2. La Dystopie de l’effondrement ou l’abandon progressif de la vallée L’effondrement est défini par l’Institut Momentum comme le processus à l’issu duquel les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie...) ne sont plus fournis, à un coût raisonnable, à une majorité de la population par des services encadrés par la loi1. Une dystopie est le contraire d’une utopie.

Explorons quelles pourraient être les conséquences locales des différentes étapes d’un tel scénario (lui global) dans la Vallée Longue.

Un des premiers éléments déclencheurs est une très forte augmentation du prix du pétrole, impactant fortement les mobilités. Le fond de vallée reste facilement accessible par la route nationale, contrairement aux versants et aux crêtes. Les habitants des petites villes de l’aval peuvent continuer à s’approvisionner aux commerces de proximité. Les foyers les plus précaires sont les premiers touchés dans ces déplacements restreints, pour se rendre au travail ou simplement faire des courses.

Les itinéraires des transports scolaires sont réduits, certains enfants trop isolés doivent marcher ou pédaler plusieurs kilomètres, ou ne vont plus à l’école. Les plus grands à l’internat au lycée ne rentrent pas forcément les weekend et sont hébergés plus ou moins précairement sur leur lieu d’études.

Le train connaît un regain d’intérêt dans la partie aval, il est fréquemment utilisé dans un premier temps. La Grand Combe et les communes desservies bénéficient grandement de ce lien à la plaine. Les billets sont cependant de plus en plus chers, discriminant toujours les plus pauvres jusqu’à ce qu’ils deviennent à un prix exorbitant et inaccessible pour la majorité de la population locale.

Les premières restrictions énergétiques arrivent, les coupures d’électricité deviennent fréquentes.

Les familles trop isolées déménagent comme elles peuvent vers l’aval et la plaine. Les mas abandonnés se multiplient, les terrasses s’enfrichent encore davantage. Les résidences secondaires n’ont pas ouverts leurs volets en été.

Ceux qui sont restés et qui possèdent un potager le chérissent scrupuleusement. Ils s’organisent en petits groupes pour s’entraider. Faute d’enfants, la plupart des écoles ont fermées.

1 L’Institut Momentum est un laboratoire d’idées et de prospective sur l’anthropocène, fondé en 2011 par Agnès Sinaï et Yves Cochet. https://www.institutmomentum.org/ Les étapes théoriques d’un effondrement ont également été décrites par Dmitry Orlov en 2008 : - effondrement financier (fermeture des banques), - effondrement commercial (pénurie de biens essentiels), - effondrement politique (corruption), - effondrement social (perte des institutions, guerre), - effondrement culturel (perte de l’empathie et de l’humanité).

Selon lui nous sommes déjà dans la première étape depuis 2008.

Une sixième étape d’effondrement écologique fut rajoutée en 2013.

Voie ferrée Flux démographique Évolution des villes et villages Espace de mobilités facilitées

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Non rentable, la voie ferrée a fermée définitivement. La Grand Combe devient une ville isolée, sans production alimentaire à proximité.

Faute d’approvisionnement, le marché du samedi se vide de semaines en semaines. La nourriture aura bientôt plus de valeur que l’argent. La peur pousse à l’individualisme, les vols sont courants.

Sans le train, certains ne peuvent bientôt plus se rendre à leur travail à Alès. Certaines familles ont pu déménager avant que la ligne ne ferme. Alès et Anduze, deux des villes portes des Cévennes, se retrouvent envahies d’une population ayant dû abandonner leur maison, leur ferme. Des centres d’hébergement d’urgence sont mis en place, mais beaucoup de personnes sont dans la rue. Certains citadins d’Alès, mais aussi de grandes villes comme Nîmes ou Marseille, espèrent mieux vivre dans un cadre plus naturel et remontent la vallée.

Les derniers habitants de la vallée descendent vers Alès, tandis que quelques survivalistes montent dans la forêt. Les personnes restantes en amont sont en totale autarcie.

Le climat global de la Terre s’est considérablement réchauffé. La plaine devient caniculaire pendant les mois d’été, la pluie absente pendant 6 à 8 mois, des incendies sont à craindre. Non entretenus, les barrages risquent de craquer chaque automne lors des épisodes cévenols.

Des réfugiés climatiques remontent de la plaine et du littoral, le niveau de la mer étant monté. La Camargue n’existe déjà presque plus. Marseille craint d’être rapidement submergée.

Ce scénario, volontairement sombre, est orienté par des décisions individuelles et individualistes malgré la solidarité première ancrée dans la culture locale.

Les mouvements démographiques ont certaines ressemblances avec ceux du passé : un exode rural menant à un quasi abandon des Cévennes, le lien salvateur entre la Grand Combe et le train, et un (maigre) renouveau par l’arrivée de néo-ruraux cherchant une vie meilleure.

Cette fois néanmoins, l’abandon des Cévennes semble peu réversible en tant que territoire isolé, trop enclavé et sans avenir car non préparé à ces profonds changements.

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3. Une toute autre approche ...

L’enjeu fondamental est de relier l’énergie au territoire afin qu’elle devienne une composante (et plus un domaine hors-sol) et qu’elle interagisse avec les autres activités du territoire. À l’inverse du scénario de croissance verte, cette démarche ne se place pas dans un état projeté du territoire dans une trentaine d’années, mais questionne plutôt les actions à mettre en œuvre aujourd’hui pour imaginer un mode de vie différent. Certainement moins exubérant ou dans l’abondance qu’actuellement, ce serait néanmoins un état choisi de sobriété heureuse et créatrice.

La problématique découle donc de ces réflexions : Comment se saisir de l’énergie par les ressources soutenables de la Vallée Longue pour réinventer nos modes d‘habiter et de gouvernance face à l’urgence climatique et sociétale?

Le lien entre énergie et ressources est primordial dans le sens où ce sont les ressources qui permettent d’avoir cet ancrage de l’énergie au territoire, par le biais d’un élément tangible et davantage compréhensible par tous.

De la réflexion à l’opérationnalité, un aller-retour dans les échelles est proposé.

Il s’agit en premier lieu de construire une image commune de la vallée, avec les acteurs déjà impliqués que sont le syndicat mixte et le collectif Vallée Longue. Cette définition d’un avenir partagé pourrait également s’appuyer sur une enquête menée en 2019 sur les représentations et imaginaires de l’habiter en Vallée Longue1.

Des polarités, à l’écart de la route nationale, sont identifiées pour expérimenter et mettre en œuvre ces modes de vie différents. Chacune a un rôle en fonction de ses ressources propres, une vocation locale.

Enquête «Imaginaires et représentations de l’habiter en Vallée Longue»

Vallée Longue

Construire une image commune de la vallée Affirmer une solidarité collective

Se relier en réseau pour faire sens à l’échelle de la vallée

Réflexion Prospective

Identifier des polarités

Décider du rôle de chacun des lieux

Action Opérationnalité

Bâtir de solides initiatives locales

entité habitée

Commencer petit

Dans un deuxième temps ce qui relève davantage de l’action s’appuiera sur une puissance d’agir individuelle et collective, afin de faire émerger une culture positive de compatibilité entre les activités

Famille Hameau

- 80 -

Village

humaines et la biosphère. Il s’agit de bâtir de solides initiatives locales (donc commencer petit) pour ensuite se relier en réseau et faire sens à l’échelle de la vallée.

Commencer petit

Commencer petit. Tout petit, à l’échelle d’un foyer d’abord. Un pouvoir d’agir individuel (ou familial), ce n’est pas ce qui manque côté agricole en Cévennes. L’énergie n’est pas en reste : Philippe Sastre, maraîcher à St Hilaire de Lavit, est autonome énergétiquement. Donc c’est possible, et ça fonctionne.

Grandir un peu. Passer au hameau cévenol, cette entité locale de quelques habitations. Choisir plusieurs lieux en fonctions de leur ressources, et dispersés dans la vallée : adret, ubac, amont, aval, ligne de crête ou fond de vallon.

Prendre de l’aisance. Affirmer une polarité de village. Ici qu’une seule configuration de village qui ne soit pas en fond de vallée : Champclauson, sur la commune de la Grand Combe, où la superposition de l’histoire agricole, minière et migratoire est encore visible.

1 Enquête réalisée par les étudiants en géographie à l’université Lumière Lyon 2 dans le cadre de la thèse de Lucie Lerbet, encadré par Guillaume Faburel. Cette enquête est née d’une collaboration entre le collectif Vallée Longue et le réseau des territorialistes.

Polarités pensées de manière intégrée

2 Magnin, 2013.

Consommation

Production

Gouvernance

Ressources complémentaires induisant un mode de vie

EAU

Ces polarités, petites mais fortes, lient trois composants autour de l’énergie : la production d’énergie tout d’abord, car son emplacement est en fonction des ressources ; la consommation d’énergie, car c’est un lieu habité, vécu ; enfin la gouvernance énergétique, rendue possible par des systèmes productifs appropriables, gérés collectivement. Cette complémentarité pensée de manière intégrée permet d’asseoir l’énergie dans le quotidien des lieux2.

Soleil Bois

‘‘ Trouver des leviers d’actions là où une puissance d’agir individuelle et collective peut s’exercer, sans contraintes politiques ou légales insurmontables.

’’

Agnès Sinaï & al., Petit traité de résilience locale, p. 104

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4. UNE Vitalité mesurée, portée par le rural La Vallée Longue porterait en elle une vitalité mesurée, lui permettant d’anticiper certains des événements négatifs des deux scénarios précédents, pour construire dès aujourd’hui des alternatives concrètes et solidaires. Ou comment retrouver un pouvoir d’agir pour s’émanciper ?

Une interdépendance entre lieux proches serait constituée autour de la production énergétique et agricole, autour de l’éducation scolaire et populaire, façonnant des liens sociaux forts. Ce serait une vallée où beaucoup plus de personnes vivraient de la terre, pour se rapprocher du vivant1. Cette ancrage au sol, par ses ressources donc, serait l’activité principale pour certains, une activité à mi-temps pour d’autres, mais concernerait tout le monde2.

L’Espinas

Poussiels Le Viala

Col de Jalcreste

St Hilaire Les Ayres

Ce serait une vallée où l’on se déplace moins, ou du moins différemment, et où le temps du trajet reprendrait de l’importance. On prendrait le temps d’aller au hameau d’en face plutôt que dans une grande surface à Alès. Au vu de l’engouement toujours plus important pour des modes de vie alternatifs et des tendances démographiques, on peut supposer que les logements vacants et secondaires seraient largement réoccupés.

Des polarités pour expérimenter ce mode de vie ont donc été définies en fonction de leur isolement plus ou moins prononcé et de leurs ressources.

Les versants exposés au sud déterminent les polarités liées au soleil. La présence d’ouvrages hydrauliques et particulièrement les moulins, indique les polarités liées à l’eau. Enfin les polarités liées au bois sont réparties sur chacun des massifs forestiers (châtaignier, pin maritime, chêne vert, mixte). Ces polarités sont mises en lien avec des relais visuels afin de renouer avec l’entité habitée du quartier cévenol, ainsi qu’avec des cols pour échanger avec les vallées voisines.

Le Cros

Valbonne

Le Pendédis

N

0

1

- 82 -

5 km

1 Faburel, 2018.

Se raccrocher au sol et au vivant est un des éléments générateurs du désir enfoui de vivre différemment, de s’émanciper.

2 Avec nos modes de vie actuels, produire son énergie est un des composants principaux vers une forme d’auto-gestion. En revanche, en cas de grande contraction énergétique, si les déplacements sont réduits drastiquement, s’alimenter deviendrait la priorité absolue.

Cette situation est illustrée dans un des épisodes de la série des Parasites, L’effondrement, où un groupe de personnes arrive dans un hameau qui a pu s’organiser pour se nourrir, mais les nouveaux arrivants sont trop nombreux par rapport à la capacité du lieu.

Accessible à : https://www.youtube. com/watch?v=7fFKKy4n_1A, regardée le 09.02.20. (en basse résolution bien sûr !)

Portes

Champclauson

Le Castanet

Polarités en fonction des ressources EAU BOIS SOLEIL Entités habitées

La Croix des Vents

Lavabreille

Famille Hameau

Village

S’ouvrir sur le lointain Relais visuels habités ou points hauts Affirmer des liens entre vallées

- 83 -

5. Les vocations : lieux de liens

L’Espinas Le Cros Poussiels Le Viala

Ces polarités ont toutes la même expérimentation à mener à partir de l’implantation d’un mode de vie basé sur l’hyper-proximité en fonction d’une ou des ressources locales. Elles ont également la vocation d’être complémentaires à l’échelle de la vallée, et donc d’avoir des colorations selon leurs spécificités respectives. Pas de spécialisation (qui engendrerait une fragilité), mais disons une dominante parmi une diversité d’activités pour chacun des lieux. Dominante qui d’ailleurs pourrait évoluer dans le temps.

Une étape de réflexion et de relevé des différentes dynamiques en place a permis d’aboutir à un intitulé de ces vocations pour chacun des lieux, de l’amont à l’aval : > Partager les savoirs et savoir-faire à L’Espinas, > Préparer l’acclimation forestière et fruticole à St Hilaire, > S’ancrer sur les biens communs par les ressources au Castanet, > S’approprier l’autonomie et l’énergie par l’imaginaire à Champclauson, > Tisser des liens réciproques entre agriculture et énergies à Lavabreille.

Ces vocations recouvrent un espace plus large qu’un hameau ou qu’un village et s’étendent aux lieux habités proches avec lesquels des liens peuvent être construits. Ces poches de proximité sont principalement déterminées par le relief, en relation avec une crête ou le fond de vallée.

Col de Jalcreste

St Hilaire Les Ayres

Valbonne

Le Pendédis

Un peu de toponymie...

Ayre : aire à battre le blé Castanet : châtaigneraie Cros : enfoncement, trou Espinas : buisson épineux Viale, Viala : ferme, domaine agricole, métairie

N

0

1

- 84 -

5 km

1 André Pégorier, Les noms de lieux en France, Glossaire de termes dialectaux, Comission de toponymie 2006, IGN. 2 Guérin-Pace F. et Filippova E. (dir.), Ces lieux qui nous habitent.

Identité des territoires, territoires des identités, La Tour d’Aigues, Editions de l’Aube, 2008.

‘‘Des lieux qui font liens et des liens qui font lieux.

Portes

’’

Guérin-Pace & Filipova, 2008 2

Champclauson Polarités en fonction des ressources Eau

Le Castanet

Bois Soleil Entités habitées

La Croix des Vents

Famille Hameau

Village

S’ouvrir sur le lointain Lavabreille

Relais visuels Lieux habités ou points hauts Affirmer des liens entre vallées Lieux de liens Zone de proximité

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6. Se rapprocher des lieux Il est temps de se rapprocher de ces lieux de liens et de détailler comment cette vitalité mesurée prend forme à l’échelle d’un hameau ou d’un village et quelles relations se construisent dans la zone de proximité.

Les lieux ont précédemment été décrits de l’amont à l’aval. Un ordre différent est proposé pour la suite, s’articulant davantage autour des vocations.

Commençons par St Hilaire, qui serait un lieu d’expérimentation pour l’adaptation des essences forestières et fruticoles. La forêt est indissociable de la vallée, c’est elle qui façonne entièrement le paysage, qui habille le relief. La comprendre et anticiper son changement paraissent une première étape primordiale.

Continuons au Castanet, hameau retrouvant une dynamique habitante par un ancrage dans les ressources et par une gestion collective des espaces communs. Les communs seraient la concrétisation d’une auto-gouvernance locale, à la fois outil et finalité d’un pouvoir d’agir.

Montons ensuite vers l’Espinas où le partage des savoirs et savoir-faire est déjà activement en place. Où transmettre et échanger sont inscrits dans l’essence du lieu, et ne demandent qu’à être déployés dans une démarche d’éducation populaire, dans la plus grande convivialité.

Descendons enfin à Lavabreille, point de basculement de la vallée dans la plaine languedocienne. Des opportunités s’ouvrent en même temps que le fond de vallée s’élargit pour envisager des liens entre agriculture et énergie.

Ce déroulé a été construit autour des vocations seulement. Néanmoins chacun des lieux emprunte inévitablement des actions ou des thèmes aux autres lieux. La forêt est omniprésente, les communs concernent tout lieu habité par plusieurs personnes, chacun transmet et apprend tout au long de sa vie, la culture populaire est partout et accessible à tous, l’agriculture est essentielle pour remplir le basique mais vital besoin de s’alimenter.

Notons toutefois quelques exceptions, telles qu’une agriculture de plein champ sur de larges surfaces planes comme à Lavabreille ne serait que très peu transposable à la pente permanente du reste de la vallée.

Dirigeons-nous maintenant vers Champclauson où une cohésion sociale et artistique tente de faire face à l’isolement. Une sorte de transmission toujours, mais cette fois par la culture populaire qui placerait l’autonomie au cœur de l’imaginaire collectif.

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3 Les communs, gestion collective des ressources et des espaces

1

2

La forêt, son avenir face à de profonds changements climatiques ?

La transmission de connaissances, dans la convivialité!

Pour chacun des sites, le contexte général sera présenté par sa configuration spatiale, par ses potentialités et ses faiblesses, un élément historique sera parfois ajouté. Ce rapide portrait permettra de saisir les enjeux qui animent le lieu avant de passer aux intentions de projet.

Les actions projetées sont articulées autour de six thématiques qui sont habiter, se déplacer, cultiver, adapter, transmettre et mettre en scène.

Cette nomenclature était à l’origine les vocations des lieux retenus, excepté se déplacer. La richesse des lieux et l’imbrication essentielle de ces verbes ont conduit à les mettre de côté et à élaborer des intitulés plus nuancés et étoffés. Ces verbes n’ont néanmoins pas été abandonnés pour autant et colorent chacune des actions. Se déplacer fut rajouté car il s’agit davantage de liens distants entre les lieux plutôt qu’un élément inhérent à un lieu.

Le spectacle vivant pour l’énergie et l’autonomie

4 Une symbiose entre agriculture et énergie

Cette coloration des verbes permet d’illustrer la notion de dominance d’une thématique par rapport à une autre sur un lieu donné. Certaines actions peuvent toutefois entremêler plusieurs de ces thématiques, et toutes les thématiques ne pas présentes sur chacun des lieux.

Habiter

se déplacer

Cultiver

Adapter - 87 -

Transmettre

5

Mettre en Scène

L’Elzièr e 577 m Le Moulin 368 m

L’Elze 532 m

St Hilaire 557 m

Les Ayres 789 m Lavit 548 m

0

0.2

1 km

- 88 -

Valbonne 442 m

St Hilaire Préparer l’acclimatation forestière et fruticole Le hameau de St Hilaire se situe sur un replat au-dessus du Gardon, et bénéficie d’une vue dégagée, plutôt rare dans la vallée! Composé de seulement trois ou quatre mas, le hameau abrite néanmoins un temple, mais surtout un très beau chêne vert pluri-centenaire au milieu du cimetière.

Les autres habitations sont des mas isolés dans de petites clairières, presque uniquement sur le versant orienté au sud. Les Ayres sont un des cols pour passer de la Vallée Longue à la vallée du Galeizon, et se situent également sur le tracé de la draille du Languedoc. Les versants adret et ubac sont particulièrement marqués1.

L’engagement de certains habitants est notable, comme Philippe Sastre, maraîcher autonome en énergie, ne souhaitant pas être raccordé au réseau EDF, qui habite à Valbonne. Un gîte de la commune a également accueilli une conférence des Automnales sur l’habitat léger en lien avec l‘accueil de nouvelles populations.

La commune reste isolée, les hameaux sont dispersés, les accès ne sont pas directs par la nationale ou par la route des crêtes. Un certain nombre d’activités jalonnent les versants malgré l’isolement, dont sept fermes, une dizaine de gîtes et quelques artisans.

1 L’adret est le versant orienté au sud, l’ubac celui au nord.

En Cévennes, ils se nomment respectivement l’adrech et l’avèrs, donnant parfois leur nom à un hameau à l’exposition particulière.

Chabrol & TRavier, 2019.

Les versants sont principalement boisés de châtaigniers, accompagnés de poches de chênes verts sur le versant sud, et de plantations sylvicoles de douglas sur un des versants nord, en rupture nette avec les autres boisements. Le châtaignier présente quelques faiblesses dues à des maladies et à la faible adaptation qu’il semble avoir face au changement climatique. Néanmoins sur les fermes de la commune la moitié font une utilisation locale de la châtaigne.

Panorama sur la vallée du Gardon depuis St Hilaire.

Le hameau de l’Elze sur la gauche et ses terrasses, le signal de Ventalon derrière.

- 89 -

implanter une Coopérative forestière Production fruticole, bois d’oeuvre et bois énergie

D 54 vers le col de Jalcreste

L’Elzière

Affirmer la position du hameau en belvédère sur la vallée Penser les Espaces communs entre Chêne vert pluri-centenaire et chapelle les mas

L’Elze

Le Gardonnet St Hilaire

Le Moulin

N 106 Le Gardon

Les Ayres

Lavit

Draille du Languedoc

alat

nd V

ra Le G

D 54 vers le col de la Baraque

s’appuyer sur la draille pour le sylvo-pastoralisme

Versant Sud Versant nord Complémentarité entre Moindre risque pour les châtaigniers et chênes verts châtaigniers

Versant nord Complémentarité entre châtaigniers et conifères

Implanter des lieux d’expérimentation Laboratoire ou pépinière d’acclimatation pour étudier la phytosociologie

Habiter

se déplacer

Cultiver

Adapter - 90 -

Transmettre

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La configuration particulière du hameau de St Hilaire appelle une affirmation de cette position en belvédère autour du chêne vert. C’est également l’occasion de penser les espaces entre les quelques mas formant le hameau en tant qu’espaces communs, support d’usages variés et non plus seulement de passage.

De par ses versants adret et ubac marqués, il s’agirait d’implanter des lieux d’acclimatation par rapport à un réchauffement global de la Terre, mais également par rapport à des hivers qui pourraient être plus rigoureux (gel ou neige).

Cela pourrait se traduire par des pépinières, d’expérimentations forestières directement sur les versants, de serres ou de petits laboratoires.

Dans ce but, il serait également intéressant de créer une coopérative forestière pour un regroupement foncier (ou gestion commune du moins) dans l’optique d’une gestion irrégulière1,

pour la production alimentaire, de bois d’œuvre et de bois-énergie. Plusieurs gestions seraient mises en place selon l’orientation du versant, notamment sur la complémentarité des essences.

La coopérative pourra également travailler avec des éleveurs, chèvres ou moutons, pour réimplanter du pâturage sous le couvert forestier (châtaignes et glands offrent une nourriture de choix). Un itinéraire de transhumance est déjà facilité avec la proximité de la draille du Languedoc qui passe au col des Ayres et longe tout la crête, permettant de descendre dans la plaine ou de monter vers le Bougès.

St Hilaire et ses versants seront ainsi le lieu d’expérimentation sur les conditions et capacités d’adaptation des essences forestières et fruticoles face à des changements de climat.

- 91 -

1 Une gestion sylvicole irrégulière entend un peuplement inéquien, c’est-à-dire composé d’arbres d’âges différents. La récolte se fait par coupe jardinatoire, ne prélevant que les arbres dont l’âge de maturité est atteint. Ce type de gestion permet de renouveler en permanence le peuplement et d’éviter les coupes rases. Il s’agit de la gestion sylvicole se rapprochant le plus de l’évolution naturelle d’une forêt.

Blannaves 336 m

Les Caussiers 442 m

Le Castanet 446 m Site mĂŠgalithique La Taillade 723 m

Branoux 365 m

Signal de Lichère 899 m

0

0.2

1 km

- 92 -

Col de la Baraque 631 m

Le Castanet S’ancrer sur les biens communs par les ressources Le hameau du Castanet est formé de deux parties, de configurations spatiales assez différentes, séparées par un cimetière protestant au milieu des châtaigniers. La partie haute s’articule autour d’une rue et de plusieurs petites cours. La partie basse quant à elle forme un groupement compact d’habitations, maillé d’une multitude de ruelles étroites et d’escaliers. Cette partie ne peut d’ailleurs pas être traversée en voiture, il y a une route différente pour chaque côté du hameau. Dans les deux parties néanmoins, on remarque une fine imbrication des espaces privés et publics. Quelques constructions plus récentes sont en satellites autour de la partie haute du hameau. Cependant de nombreuses maisons sont secondaires ou vacantes.

Le hameau est relativement proche de Branoux pour l’école et de la Grand Combe pour les commerces. Il est également traversé par un GR, reliant Blannaves au Signal de Lichère. De plus, un moulin est toujours debout à proximité du Castanet, sur le Valat du Bauri sur la route qui mène au col de la Baraque.

Les alentours du Castanet sont marqués par une diversité d’essences forestières, allant des peuplements purs de châtaigniers ou de pins maritimes (autour de Blannaves) aux forêts mixtes à dominante de feuillus ou de conifères en passant par des zones de garrigue. La forêt a d’ailleurs tendance à se refermer sur ce hameau autrefois ouvert sur des terrasses cultivées.

- 93 -

liens de Réciprocité entre moulin et boulanger Réinvestir les terrasses enfrichées Gestion collective par et pour les habitants

Implanter un Réseau chaleur bois Conforter la Diversité d’essences forestières

Travailler sur l’imbrication des espaces communs et privés

Lac des Cambous

Le Gardon Blannaves N 106

Les Caussiers

Le Gardon

Le Castanet

auri

Valat du B

Branoux

Rabalèzain

Signal de Lichère

emo

Le Br

Lien avec la draille Par un site mégalithique

Habiter

Nouveaux chemins du quotidien Moulin à 10 minutes du hameau

se déplacer

vers le Col de la Baraque

Remettre en état le moulin pour moudre et produire de l’électricité

Cultiver

Adapter - 94 -

Transmettre

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Cette richesse entre espaces privés et publics serait un support pour instaurer un vivre-ensemble basé sur les espaces communs. Les terrasses seraient défrichées et cultivées collectivement.

Le paysage sera ainsi de nouveau ouvert autour du hameau. Pour cela les communs reposeraient sur des règles d’usages construites collectivement, autour de valeurs partagées1.

De par l’habitat groupé, un réseau de chaleur par le bois serait installé, en lien notamment avec le hangar à plaquettes locales à St Martin de Boubaux ( à 8 km).

Le moulin serait remis en fonction, pour une production alimentaire et hydroélectrique. Afin de garder l’énergie mécanique de la force de l’eau, de la farine pourra effectivement y être moulue (de châtaigne ou de gland2) et sera utilisée par les habitants et par le boulanger de

Blannaves. Ces lien avec le moulin et entre les deux hameaux permettrait de constituer des chemins du quotidien, itinéraires empruntés, vécus. En s’appuyant sur les sentiers existants, un autre itinéraire permet également de rejoindre la draille du Languedoc en passant par un site mégalithique.

La production électrique ne sera pas permanente et fluctuera en fonction du débit du cours d’eau et des précipitations. Dans le cas d’une autoconsommation, cela induira nécessairement une certaine frugalité dans l’usage de l’énergie.

Gestion collective du moulin et des terrasses, espaces partagés, le Castanet pourra donc être une entité habitée mue par les communs, rendus possibles par des ressources locales appropriables.

‘‘ On estime que 2 milliards de personnes dans le monde subviennent à leurs besoins quotidiens à travers une forme ou une autre de gestion communautaire de ces ressources naturelles.

David Bollier, La renaissance des communs, Ed. Charles Léopold Mayer, 2014.

- 95 -

’’

1 Pierre Dardot et Christian Laval, Commun. Essai sur la révolution du XXIème siècle, 2014.

Les communs reposent conjointement sur un imaginaire politique de l’agir en commum et de l’imbrication de questions sociales et environnementales.

2 Le gland de chêne vert est pauvre en tanin et est donc parfaitement comestible pour les humains. On peut le moudre en farine ou le torréfier pour un substitut au café.

Col de Banette 846 m

L’Espinas 912 m Le Cros 644 m Poussiels 652 m

St Andéol 662 m

Le Viala 611 m

0

0.2

1 km

- 96 -

L’eSPINAS Partager les savoirs et savoir-faire Le hameau de l’Espinas, avec seulement trois bâtiments au bord de la route, est devenu un lieu convivial incontournable. Abandonné en 1930, le hameau fut racheté par la commune de St Andéol à la fin des années 1990 alors qu’il n’était plus qu’une ruine. Reconstruit en 2004, le lieu accueille depuis un restaurant local et solidaire géré par une société coopérative, et l’animation sur l’année est assurée par une association (conférences, cours de langue, ateliers variés, concerts). Quelques années après un des bâtiments fut réinvesti pour le siège de l’école des bâtisseurs en pierre sèche, et plus récemment le four à pain du hameau a été rénové.

Le vallon du Cougnet s’ouvre devant l’Espinas, qui deviendra ensuite la vallée du Dourdon pour rejoindre le Gardon au Collet de Dèze. En contrebas plusieurs hameaux jalonnent les versants : Le Cros, Poussiels et Le Viala. Le Cros s’articule le

long d’une rue, tandis que Poussiels est formé par un regroupement de trois mas dont un abritant un gîte. Le Viala quant à lui est composé de quatre maisons plutôt dispersées, dont deux abritent des gîtes. Chacun des hameaux surplombe tout une série de faïsses, plus ou moins en bon état.

Les gîtes sont nombreux, cela sert en effet de complément de revenus ou de retraite, voire d’une occupation à plein temps même si l’activité se concentre sur la période estivale.

Malgré l’isolement notable de cette partie de la vallée, ce lieu est de plus en plus connu et reconnu, c’est notamment ici qu’a débuté le Collectif Vallée Longue, et que sera lancée prochainement l’Université Rurale en Cévennes ! Cependant, même si des covoiturages s’organisent, la pérennité du lieu est entièrement reliée à une grande mobilité en voiture.

- 97 -

Lieu d’accroche de l’université rurale en Cévennes

Espace commun solaire Four, séchoir...

Nouveaux chemins du quotidien

Mettre en culture les terrasses

L’Espinas Le Cros

Poussiels

St Andéol

lat

Va de lia

Mé sse

Le Viala

Le Coug

net

Remettre en état le moulin du viala Production alimentaire et électrique

Habiter

se déplacer

Cultiver

Adapter - 98 -

Sentier de découverte Haute vallée du Cougnet

Transmettre

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Le Dourd

on

Il s’agirait de mettre en place des lieux pour transmettre, des lieux ouverts à tous dans un démarche associée à l’éducation populaire.

Difficile à cerner dans une définition concise, on peut néanmoins préciser que l’éducation populaire a comme but de ne pas séparer l’action de l’analyse, et est directement relié à une logique d’autogestion1.

Plusieurs ouvrages étant présents sur le cours d’eau du Cougnet puis du Dourdon et leurs affluents, il serait intéressant d’établir une coordination sociale à l’échelle de ce sous-bassin versant. Le fil d’eau deviendrait alors un prétexte d’échange entre L’Espinas sur la crête et le Collet de Dèze en fond de vallée, en passant par une série de hameaux.

À court terme une première action serait d’accompagner le collectif Vallée Longue à mettre en place l’Université rurale en Cévennes, établir un programme sur les savoir et les savoir-faire et le faire corréler aux lieux dans lesquels se dérouleront les événements. Par exemple sur la gestion de l’eau et sur les savoir-faire autour des ouvrages hydrauliques, l’école de la pierre sèche pourra être associée. Cela pourrait se dérouler notamment au Viala, où le moulin et son béal pourront être rénovés pour une production alimentaire et/ou hydroélectrique.

Parallèlement au four à pain de l’Espinas, des fours solaires pourraient être installés aux hameaux du Cros et de Poussiels, éléments fédérateurs de cuisine ou de séchage, qui certes demandent un temps plus long que nos équipements habituels, mais qui permettrait d’investir ce temps pour échanger et pratiquer les espaces communs. De nouveaux chemins du quotidien se dessineraient ainsi, du foyer au four, puis jusqu’au hameau suivant, et jusqu’à l’Espinas. Ces chemins utiliseraient des modes de déplacement actifs qui utilisent l’énergie humaine ou animale et seraient une manière différente de traverser la forêt, parcourir le relief, s’approprier son territoire.

- 99 -

1 Pour une éducation populaire d’auto-éducation, article d’Adeline de Lépinay, auteure de Organisonsnous, Manuel critique, éditions Hors d’Atteinte, 2019.

Accessible à : http://www.educationpopulaire.fr/definition/, consulté le 04.02.20.

L’éducation populaire peut également être définie comme un mouvement qui promeut une éducation visant l’amélioration du système social, en dehors des structures traditionnelles et des systèmes éducatifs institutionnels.

L’Affenadou 355 m

Champclauson 403 m

Aérodrome

Ancienne mine découverte de Grand Baume

Carrières

La Levade 260 m

Les Taillades 220 m

Hameau forestier du Ravin 293 m

La Forêt 265 m

Trescol 195 m 0

0.2

Branoux 260 m

Puits Ricard 215 m

1 km

- 100 -

Champclauson S’approprier l’autonomie et l’énergie par l’imaginaire Champclauson est un village implanté dans une dépression, au bout d’une petite vallée. Sa morphologie urbaine est particulière, portant les traces des passage successifs des paysans cévenols, de l’armée, des mines et des mineurs, et plus récemment d’une vague migratoire.

Le cœur du village s’articule autour de l’église, dont la place sert pour l’instant de parking démesuré.

Plusieurs grands bâtiments de logements ouvriers groupés (30 x 10 mètres en R+2) dessinent une trame que l’on sent interrompue, certains bâtiments ayant été détruits après l’arrêt des mines. À proximité se situent les derniers mas cévenols avec leur jardins en terrasses autour d’un vallon. Des pavillons individuels ponctuent la périphérie du village, grimpant sur les versants.

Le paysage forestier autour du village est entaillé par les anciennes mines découvertes, certaines reconverties en carrières.

Une compagnie de cirque s’est installée en 1999 dans une partie des bâtiments industriels, créant un dynamique festive et artistique populaire.

L’association gère également une épicerie sociale et solidaire, seul commerce de Champclauson, ainsi que des animations toute l’année.

Malgré cette forte implication pour une culture populaire créatrice de lien social, la population reste peu aisée et de nombreux logements sont vacants. L’école a fermé mais le bâtiment sert néanmoins de foyer pour les jeunes.

Le village reste isolé pour ceux qui n’ont pas de voiture, un à deux bus passent par jour, sinon la Grand Combe est à une heure de marche.

Champclauson c’est surtout un village industriel oublié de sa commune (La Grand Combe) et de la vallée, loin des préoccupations publiques.

- 101 -

Vallon productif Étendre les jardins familiaux

Qualifier les espaces publics Place de l’église, école, autour des logements ouvriers Vallon créatif Programme de spectacle vivant en lien avec l’énergie

Travailler la lisière Proximité habitat/densité boisée

Champclauson

Aérodrome Carrière

Carrière

Ancienne mine découverte de Grand Baume

e

ass

lat

Va

de

li Mé

La Levade D 286

Retrouver le tracé du plan incliné Champclauson-La Levade Itinéraire alternatif pour déplacements actifs

Habiter

se déplacer

Cultiver

Diversifier les essences forestières par rapport au risque incendie

Adapter - 102 -

Transmettre

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Ce caractère de village oublié, c’est aussi l’occasion de pouvoir bénéficier d’une plus grande autonomie. Dynamique déjà en place, la compagnie de cirque a permis l’émergence d’un vallon créatif où un programme de spectacle pourrait être mis en place autour de l’appropriation de l’énergie. L’imaginaire prendrait ici son important rôle d’instituer la société1, dans le sens où c’est un levier de reprise du pouvoir d’agir local.

Les jardins familiaux seraient prolongés afin de former un vallon productif. La production alimenterait notamment les repas solidaires réguliers déjà mis en place et fournirait l’épicerie du village en aliments frais et hyper-locaux!

Cette prise d’autonomie serait accompagnée d’une qualification des espaces publics en lien avec les envies des habitants à la suite de temps d’échange. La place de l’église pourrait être affirmée en tant que cœur du village. Les

différents niveaux autour de l’école (qui serait réouverte par un regain démographique) seraient un parfait terrain de jeu pour les plus jeunes.

Les larges espaces laissés vides par la démolition des logements ouvriers seraient des lieux d’expérimentation, de jardinage, d’habitat léger ou éphémère..., en bref d’expression.

Une coopérative forestière serait créée pour l’envergure de cette petite vallée, dans le but d’une gestion irrégulière pour la production de bois d’œuvre et de bois-énergie, ainsi que pour la diversification des essences pour minimiser le risque d’incendie2.

Enfin il serait captivant de retrouver l’itinéraire du plan incliné entre Champclauson et La Levade cette pente douce et régulière qui servait pour transporter le charbon. Cela permettrait de tracer un itinéraire alternatif à la route pour des déplacements actifs.

- 103 -

1 Imaginaires, Lexique du Réseau des Territorialistes. « [L’imaginaire] fait exister d’une certaine façon la société, il l’organise, la structure et lui permet de prendre sens pour elle-même. » Accessible à : https://www. reseau-territorialistes.fr/le-lexique/, consulté le 09.02.2020.

2 Un important incendie en septembre 1985 a emporté 4500 hectares de forêt en majeure partie en pin maritime entre La Grand Combe et Portes. Champclauson était entouré par le feu et a failli être évacué.

Drulhes 235 m Lavabreille 165 m

La Tour 170 m

Les Plantiers 153 m

Circuit automobile le Pôle Mécanique

L’Abbaye 150 m

Malataverne 170 m

Courbessas 180 m

Le Galeizon

Le Puech 202 m Puits Destival Blaquière 148 m

0

0.2

1 km

- 104 -

Lavabreille Tisser des liens réciproques entre agriculture et énergie Lavabreille est un des derniers hameaux de la vallée avec celui de La Tour, juste de l’autre côté du Gardon. Il est formé d’un habitat ancien compact.

L’influence de la plaine languedocienne est perceptible dans l’architecture, dont les matériaux s’éclaircissent. Comme pour Champclauson, des pavillons individuels plus récents s’étalent autour du hameau et le long des routes.

Le fond de vallée est large et permet des cultures. Lavabreille est entouré de champs et prairies (davantage visible avant l’étalement pavillonnaire).

Ces champs cultivés sont parmi les derniers dans cette partie de la vallée. Le reste de la plaine alluviale a été construit en amont par des zones industrielles et commerciales. Ce n’est pas le cas

de la vallée du Galeizon, dont la confluence se trouve en aval de Lavabreille, et où les surfaces cultivables sont d’un autre ordre de grandeur.

En face de la confluence, le Pôle Mécanique ne s’est pas fait discret en haut de la colline, faisant le bonheur des amoureux de la vitesse (causant des pollutions atmosphérique et sonore non-négligeables). On passe enfin devant le chevalement du puits Destival avant de rentrer dans la ville d’Alès.

Lavabreille, qui était restée rurale malgré l’engouement économique des mines, est en train de devenir d’une certaine manière une des périphéries d’Alès, à 5 minutes de la ville mais déjà coupée de celle-ci par le relief.

- 105 -

Relancer le sylvopastoralisme Dans la garrigue

Tirer parti de l’habitat resserré Pour les îlots de fraicheur Expérimenter des cultures sous panneaux Solaires ou Photovoltaïques

Retrouver les terrasses cultivées Cultures sous Couvert arboré

Rejoint la Draille du Languedoc Lien avec Le Castanet et St Hilaire

GR 700

Valat de Fréguéiroll

e

GR Tour du Galeizon

Drulhes

Lavabreille La Tour

vers St Martin de Valgalgues

yrargues

Valat de Pourca

Les Plantiers

Malataverne

Circuit automobile

Le Ga

leizon

Cendras

Le G ardo n N 10 6 Voie ferré e

GR T ou Gale r du izon

La Blaquière

Affirmer une confluence nourricière

Habiter

se déplacer

Cultiver

Adapter - 106 -

Cultiver la plaine alluviale Cultures de plein champs et jardins familiaux

Transmettre

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Il s’agirait ici d’affirmer la notion de confluence productive : deux entrées de vallée, la Vallée Longue et celle du Galeizon, comme espaces nourriciers, non constructibles. La plaine alluviale entre la confluence et Lavabreille serait en cultures de plein champ sur la rive gauche (de par sa largeur) et en jardins familiaux sur la rive droite.

Lavabreille, par son aspect de bulle, serait le lieu d’expérimentation de cultures sous couvert.

Couvert arboré en réinvestissant les anciennes terrasses1, mais également sous panneaux solaires ou photovoltaïques2. Le solaire pour le chauffage et l’eau sanitaire du hameau, ou le photovoltaïque pour la production d’électricité, réinjectée dans le réseau national. Dans le cas

de la centrale photovoltaïque de St Martin de Valgalgues, où les panneaux sont posés plus bas, on peut néanmoins imaginer du pâturage ovin ou caprin.

De manière plus traditionnelle, le sylvopastoraslime serait encouragé dans la garrigue, notamment pour réduire le risque incendie par l’entretien du sous-bois. La proximité avec la draille du Languedoc permettra de plus un lien avec le Castanet et St Hilaire.

Affirmant son caractère productif et nourricier, Lavabreille serait ainsi le lieu d’expérimentation vers une réciprocité et complémentarité entre agriculture et énergie.

- 107 -

1 Le maraîchage sous couvert arboré, en agroforesterie donc, est tout à fait envisageable et productif.

Un exemple proche se situe à Vézénobres, à 10 km au sud d’Alès.

Accessible à : https:// jardincomestible.fr/videos/ agroforesterie-un-exemple-demaraichage-sous-les-arbres/, consulté le 04.02.20.

2 La culture sous panneaux photovoltaïques a été imaginée dès 1982, c’est l’agrivoltaïque, et fut expérimentée la première fois près de Montpellier en 2010. Cela a fait notamment l’objet d’une thèse, soutenue en 2017 et intitulée Bilan hydrique et développement de culture sous panneaux photovoltaïques dynamiques : de la modélisation à l’évaluation de solutions agrivoltaïques, par Yassin Elamri.

- 108 -

conclusion

et pour la suite...

1 Voir la déclaration d’urgence climatique et environnementale, p. 112.

2 François Begaudeau, Tout le pouvoir au local, Socialter n39, février-mars 2020.

Selon lui l’autonomie c’est choisir sa dépendance, dans le sens où des interelations sont toujours présentes 3 Philippe Joutard, dans Cabanel, 2013.

Philippe Joutard est historien et a écrit entre autres plusieurs ouvrages sur les Cévennes et les camisards.

La compréhension de l’énergie a mis en lumière l’importance d’une approche prioritairement par le frugal, puis par le local et enfin par le rural.

La vallée est enrichie de sa géographie physique, par le relief et ses ressources omniprésentes ou au contraire d’une variabilité surprenante, et sa géographie humaine par la population qui vit au quotidien ces espaces.

Les fluctuations de l’histoire ont ensuite démontré à maintes reprises que ce territoire est d’une grande qualité d’adaptation, pouvant se relever de traumatismes annoncés comme fatidiques.

Enfin la vision projeté a illustré comment une approche intégrée de la production, de la consommation et de la gouvernance peut engendrer une réappropriation de l’énergie certes, mais surtout une relocalisation du pouvoir d’agir et une transformation des formes d’habiter un lieu.

La Vallée Longue serait ce terrain d’expérimentation formé d’une mosaïque de lieux, un laboratoire de l’avenir 1 pour comprendre le monde et pouvoir ainsi le transformer. Pour relier l’énergie au territoire et à chacun de ses composants, en retrouvant un ancrage au sol par les ressources. Pour tendre vers des - 109 -

formes d’autonomie, permettant de choisir sa dépendance2. Pour placer l’imaginaire au cœur d’une culture populaire pouvant se représenter un avenir acceptable. Pour Philippe Joutard, les Cévennes pourraient bien être un modèle de mondialisation maîtrisée3.

Pour la suite du diplôme, un ou plusieurs des cinq lieux de liens sera exploré, afin de scruter comment cette démarche pourrait s’approprier ces espaces, sur quelles forces vives du territoire ce processus pourrait s’appuyer dans cette échelle de l’hyperproximité. Se rapprocher d’un lieu me permettra de rencontrer encore davantage la diversité de personnes vivant la vallée de manière différente, pour déceler les fines dynamiques présentes ou à faire éclore.

Mon regard s’est aiguisé durant les six derniers mois, je reconnais maintenant la plupart des montagnes formant la vallée. J’ai le sentiment de comprendre son relief et d’en saisir sa complexité.

Mais je sais aussi que la vallée a encore milles choses à m’apprendre, et tant mieux. J’ai envie de me faire encore surprendre par la richesse des lieux, comme je l’ai été au fil des découvertes et des rencontres dans cette vallée que je traversais régulièrement.

annexes Schéma d’acteurs : entre gouvernance descendante et ascendante

111

Déclaration d’urgence climatique et environnementale, par le Collectif Urgence Climat Cévennes

112

Carte des lauréats TEPCV sur la France et les DOM-TOM

113

Tableau de l’évolution démographique par commune

113

Tribune de Blandine Vue «Au nom de la Transition»

114

Schéma d’acteurs : entre gouvernance descendante et ascendante

Entreprises nationales EDF : Fournisseur d’électricité Dalkia : filiale d’EDF pour le développement d’énergies renouvelables, visant l’export RTE : Réseau de Transport de l’Électricité, équilibrage offre/demande ENEDIS : filiale d’EDF, gestionnaire du réseau de distribution de l’électricité

Collectivités Alès Agglomération : communauté d’agglomération à laquelle appartiennent les communes gardoises de la vallée C.C. Cévennes au Mont Lozère : communauté de communes à laquelle appartiennent les communes lozériennes de la vallée SMHVC : Syndicat Mixte des Hautes Vallées Cévenoles, porteurs de l’Agenda 21 sur le territoire, label TEPCV (Territoire à Énergie Positive pour la Croissance Verte, financement par le Ministère) Cévennes Durables : financement citoyen et régional pour promouvoir la production d’énergies renouvelables

Structures départementales ALEC 48 : Agence Locale de l’Énergie et du Climat de la Lozère, conseil pour les collectivités et les particuliers EIE MNE 30 : Espace Info Énergie, Maison de la Nature et de l’Environnement du Gard, conseil pour les particuliers CEP : Conseil en Énergie Partagée, au sein du SMHVC, conseil pour les collectivités

Associations Collectif Vallée Longue : regroupement d’associations et de foyers ruraux de la vallée sur des préoccupations autour de la transition écologique et sociale. Travaille sur une déclaration d’urgence climatique et sociale et sur la création d’une université rurale en Cévennes.

CéFéDé : Associations pour la conversion de l’ancienne ligne de Chemin de Fer Départemental entre Florac et Ste Cécile d’Andorge en voie verte.

Institutions ADEME : Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie

Réseaux EREF : European Renewable Energy Federation CLER : Réseau pour la transition énergétique TEPOS : Territoire à Énergie Positive, réseau porté par le CLER TRIPALIUM : réseau pour l’auto-construction d’éoliennes - 110 -

Globale

Politiques publiques nationales

Ministère de la Transition Écologique et Solidaire ADEME

Entreprises nationales

EREF

EDF - Dalkia RTE ENEDIS Région Occitanie

Région

ADEME Occitanie ALEC 48 / EIE MNE 30 / CEP

Département

CLER

Collectivités ou EPIC

Alès Agglo

TEPOS

Parc national des Cévennes

Yannick Régnier

C.C. Cévennes au Mt Lozère

Claire Dutray

SMHVC

Yannick Louche

Cévennes Durables

Collectif Vallée Longue

Pierre Maes

Habitants en collectif

CéFédé

Tripalium

Guy Benoit

Maraîcher autonome en énergie

Projet

Philippe Sastre

de

Petits producteurs ENR

Majorité de la population

Habitants

Thomas Plassard

ne

Locale

Union Européenne

Zo

Gouvernance de l’énergie

Politiques publiques européennes

Population précaire Préoccupation non-prioritaire

Faible

Conscience mais pas de changement de pratiques

Inefficacité Objectifs non-atteints

Actions isolées

Sobriété locale - 111 -

Approche territoriale et frugale de l’énergie

Forte

- 112 -

< Déclaration d’urgence climatique et environnementale, par le collectif Urgence climat Cévennes

Source : http://www.lerelaisdelespinas.org/collectif-urgenceclimat-cevennes.php

Territoires à Energie Positive pour la Croissance Verte (TEPCV) PAS-DE-CALAIS NORD

MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIRE

SOMME SEINE-MARITIME

OISE

FINISTERE

MOSELLE

NORMANDIE

EURE

ÎLE-DE-FRANCE

MAYENNE ILLE-ET-VILAINE

BRETAGNE

LOIRE-ATLANTIQUE

GRAND EST

EURE-ET-LOIR SARTHE

MORBIHAN

PAYS-DE-LA-LOIRE

BAS RHIN

MEURTHE-ET-MOSELLE

VOSGES HAUT RHIN

HAUTE-MARNE

BOURGOGNEFRANCHE-COMTE

HAUTE-SAÔNE

CÔTE-D'OR

CENTRE-VAL-DE-LOIRE

INDRE-ET-LOIRE

AUBE

YONNE

LOIRET

LOIR-ET-CHER

MAINE et LOIRE

MEUSE

MARNE

ORNE

CÔTES D'ARMOR

Source : MTES|Misiurny-juin2017

ARDENNES

AISNE

CALVADOS

MANCHE

> Carte des lauréats TEPCV

HAUTS-DE-FRANCE

NIEVRE

DOUBS

INDRE CHER

JURA

VENDEE

SAÔNE-ET-LOIRE VIENNE

ALLIER

DEUX-SEVRES CHARENTE-MARITIME

CHARENTE

RHÔNE

CREUSE HAUTE-VIENNE

NOUVELLEAQUITAINE

PUY-DE-DÔME

CORREZE

HAUTE-SAVOIE

SAVOIE

AUVERGNE-

CANTAL

HAUTE LOIRE RHÔNE-ALPES

DORDOGNE

GIRONDE

AIN

LOIRE

ISERE HAUTES-ALPES

LOT-ET-GARONNE

ARDECHE

LOT

TARN-ET-GARONNE LANDES GERS

AVEYRON

LOZERE

OCCITANIE

GARD

TARN

DRÔME

VAUCLUSE BOUCHES-DU-RHÔNE

HERAULT

PYRENEES-ATLANTIQUES

AUDE

HAUTE-CORSE

>

CORSE DU-SUD

PYRENEES-ORIENTALES

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Source : MTES|Misiurny-juin2017

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évolution démographique par commune depuis 1800

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ALPES DE-HAUTE-PROVENCE

Tribune «Au nom de la transition» par Blandine Vue

Source : http://www.lerelaisdelespinas.org/rencontres-citoyennes.php

Blandine Vue est docteur en lettres, diplômée en sciences du langage, lauréate de la Fondation Nicolas Hulot pour ses activités pédagogiques de terrain. Elle a publié plusieurs ouvrages, dont Histoire des paysages (éd. Errance) et un roman, La Colonie (éditions L’Harmattan). Elle a écrit la tribune suivante en parlant des transformations subies de sa campagne en Haute-Marne, et de la manières dont elle les vit au quotidien.

Il est minuit, ma maison vrombit, mon cœur est écrasé, mon crâne résonne. Les fenêtres fermées, les boules Quies ne font qu’empirer les choses. Où aller ? Au fond des bois ? Les infrasons des éoliennes industrielles ne connaissent pas les frontières.

Elles sont partout. Mon corps est à bout.

Seules deux vallées ne sont pas encore attaquées à proximité de chez moi. Les mâts des éoliennes et les méthaniseurs poussent aussi vite que tombent les forêts ! Il n’y a plus de refuge. La campagne s’industrialise.

J’ai passé le week-end chez moi, face aux collines, dans mon village de 70 habitants, la maison dans laquelle mes enfants ont grandi, qu’on a restaurée ensemble. J’avais beaucoup à faire, je n’ai rien fait ou presque, je n’ai pas eu besoin de regarder la météo pour savoir d’où venait le vent. Mon corps n’avait qu’une tension, fuir ce lieu inondé par un poison vibratoire. Du sud au nord, en passant par l’ouest, plus de 70 éoliennes industrielles de 150 mètres. À l’Est, six, 183 m de haut, diamètre 150 m, bientôt 29. Partout, des centaines en projet ou prêtes à sortir de terre. Du haut de la colline, j’ai dit adieu aux couchers de soleil il y a neuf ans, et récemment aux levers. Adieu à la nuit pure. Les promenades sur le plateau rendent fou. À 200 m de la maison, deux fermes, « normales » il y a peu, incarcèrent désormais douze mois sur douze quelques centaines de vaches sous les tôles. Ventilateurs, tanks à lait, robots de traite, engins qui désilent, mélangent, transportent, paillent, distribuent, curent, et retransportent. Les bruits de moteur sont incessants. Vaches à méthane ou vaches à lait, toutes ont le même sort, les riverains aussi !

Marie, une riveraine, est à bout, sur sa petite route de campagne.

Sept jours sur sept, les tracteurs passent pour alimenter le méthaniseur voisin en fumier collecté dans un rayon de 60 km, les prés ont été retournés pour planter le maïs qui servira à nourrir le méthaniseur et les vaches prisonnières qui fournissent la manne. La paille aussi voyage. Sous la canicule, les vaches

enfermées hurlent, tapent nuit et jour dans la ferraille qui les enferme, l’ensilage pue.

Où aller ? Au fond des bois ? Quels bois ? Ceux qui n’ont pas encore été rasés sont dépouillés depuis qu’on ne parle plus de forêts, mais de biomasse. De mes fenêtres, je vois clair au travers des collines. Plus de sous-bois, des champs de troncs. Le long des chemins, les arbres trop jeunes, condamnés à ne pas devenir des chênes centenaires, s’alignent, en attendant d’être déchiquetés avec beaucoup d’énergie, recollés en pellets, voire transformés en carburant ! Il y a quelque temps, un bûcheron s’inquiétait : « Dans dix ans, il n’y aura plus rien ! » Sur les photos aériennes, une bande boisée au bord des routes, pour tromper le peuple, mais c’est une coquille vide. Dix ans, c’était optimiste.

Qui ose encore signer les pétitions contre la déforestation de la forêt amazonienne ? Le poumon vert de la France, ça ne compte pas ?

Officiellement, on n’a plus le droit de retourner les prairies [pas pour leur flore et leur faune, on s’en moque, mais comme pièges à carbone, fixateurs de sol…] Jamais on n’en a retourné autant que depuis les débuts de la « transition énergétique » ! Pour le maïs des méthaniseurs, le colza des carburants… Qui ose encore signer les pétitions contre l’huile de palme ? « C’est une violence inouïe ! » m’a dit ce citadin reconverti à l’agriculture bio. Pour moi, c’est un viol. Un viol de ce pays qui m’a vue grandir, que mes ancêtres paysans ont soigné, que j’ai parcouru jusque dans ses moindres recoins… Un viol de mon droit au silence, ce bien le plus précieux. Depuis bientôt dix ans, hormis quelques nuits glaciales sans vent, pas une heure sans bourdonnement de moteur ou d’éolienne, dans ma maison dont les murs tremblent de cette maladie galopante.

Je bondis en lisant une phrase de l’association NégaWatt : « Nous avons également de vastes zones peu peuplées qui permettent l’installation [d’éoliennes]. » Ben voyons ! Nos élus comptent aussi remplir ainsi la « diagonale du vide ». Mais - 114 -

le vide n’est pas vide, nous y vivons, la nature y vit. Nous ne sommes pas un territoire à coloniser ! Pour eux, nous sommes une poignée de sauvages qui empêchent l’expansion de projets, qu’ils n’osent plus appeler « progrès », mais ont rebaptisé « transition énergétique », et font passer pour une « reconversion écologique ». Nous préférions être abandonnés : au moins, on nous laissait tranquilles !

L’écologie, c’est ce que nous avions, avant. Du silence, de vraies nuits, des forêts gérées avec sagesse en mode cueillette, avec respect pour leurs bêtes, grandes et petites. Celles qui ne peuvent pas fuir crèvent désormais au soleil de vastes étendues rasées, les autres ne savent plus où aller. L’écologie, ce n’est pas ce monde industriel qui se cache derrière des noms aguicheurs.

Ce monde, on nous l’impose sans démocratie, avec le plus profond déni de notre citoyenneté, des enquêtes publiques, qui sont des mascarades, les rares refus préfectoraux étant cassés par les tribunaux administratifs. Les enquêtes surviennent sans annonce claire, il faut surveiller les sites préfectoraux, qui ont changé de page sans l’annoncer clairement, supprimé les dates, lieux, natures d’activité ; certains se retrouvent avec des éoliennes derrière chez eux sans jamais en avoir entendu parler.

Lors des plaintes, les promoteurs sont juge et partie, seules leurs conclusions sont retenues. La notion de conflit d’intérêts disparaît, les directives régionales sont piétinées, les lois faites sur mesure pour faciliter l’invasion…

Nous sommes dépossédés de notre territoire, sans droit à la parole, sans droit de nous défendre, la proie de lobbies qui manipulent le pouvoir. On nous accuse de « retarder la transition énergétique » avec nos vaines rébellions ; retarder, c’est tout, on se défend, mais on se fait quand même dévorer !

La démocratie est bafouée.

Ceux qui pleurent à cause du bruit, des acouphènes, du coeur qui s’emballe au rythme des pales osent rarement témoigner.

Ils ont honte, ce ne serait pas politiquement correct, il faut accepter de souffrir pour « le bien de la planète ». On n’a pas le droit d’avouer que quelque chose cloche dans ce qui est présenté comme la seule issue. Ils ont peur, aussi. Alors que l’électrosensibilité peine à se faire reconnaître, on se gausse de la sensibilité aux infrasons, trop méconnue, qu’on fait passer pour une maladie psychique.

On assiste à un parfait écocide, discret, se cachant sous de pseudo « bonnes intentions » « Les opposants retardent la transition énergétique. » Mais qui se penche sur nos vies brisées, nos investissements et nos projets tués ? Les vergers que nous ne plantons plus, la maison devenue invivable et invendable, nos promenades quotidiennes, les circuits de randonnée, le panorama d’une ville touristique… L’âme de nos campagnes, notre silence, notre sommeil, notre santé, notre capacité de concentration et celle des enfants des écoles, notre efficacité au travail, les étoiles, le noir de la nuit, nos forêts, nos prairies, la liberté des vaches, le relief, écrasé, ce qu’on n’a plus la force de faire. Tout est tué brutalement ou à petit feu.

Et les ressources ! Que de pétrole pour nourrir avec l’ensilage et l’enrubanné de l’an dernier des vaches qui il y a peu broutaient dehors, là où on cultive le maïs qu’elles ingurgiteront l’an prochain ; pour ériger ces monstres blancs trois fois plus hauts que nos collines, qui, ici, ne fonctionnent qu’à 18 % de leur capacité, de façon intermittente et aléatoire ; pour couper, transporter, déchiqueter nos trop jeunes arbres, cultiver le maïs et le colza. Pour fuir ! Que de sols détruits ! Nous sommes assez près de notre terre pour constater au quotidien cette tromperie que les citadins ne voient pas !

Si au moins tout cela servait à autre chose qu’engraisser sur nos deniers des lobbies et ceux qui leur ouvrent grand les portes.

Nous sommes sacrifiés sur l’autel d’une idéologie capitaliste qui veut vendre les engins nécessaires à son accomplissement.

Jamais nous n’avons vu autant de machines, entendu autant de moteurs dans nos campagnes, nos forêts, planer sur nos têtes…

La « croissance verte » tue l’idée de décroissance, autant que nos territoires, pour justifier ses objectifs.

On assiste à un parfait écocide, discret, se cachant sous de pseudo « bonnes intentions », ou pire, sous une injonction de « sauver la planète ». Mais on s’est trompé de ministère, la production d’énergie pour le confort humain, ce n’est jamais de l’écologie, c’est de l’industrie ! Comme chaque fois que le vent vient du nord-ouest, ma maison vrombit plus que les autres jours. Mon corps ne sait où aller, je pleure. Dans quelques mois, le vent d’est sera lui aussi un poison.

Arrêtez la torture ! Laissez-nous vivre ! VIVRE !

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Bibliographie Transition énergétique Ouvrages, revues

Bihouix Philippe, L’âge des low-tech : vers une civilisation soutenable, éditions du Seuil, coll. Anthropocène, 2014.

Hopkins Rob, Manuel de transition, de la dépendance au pétrole à la résilience locale, éditions Écosociété, collection Guides pratiques, Montréal, 2010.

Raineau Laurence, Les contradictions d’une transition énergétique morcelée, dans Anthropologie d’une transition en cours, l’énergie et ses usages domestiques, de Ortar N. & Sebrémon H., éditions Petra, collection Europes, terrains et sociétés, Paris, 2018.

Conférences, écoutes

Fressoz Jean-Baptiste, Transition, piège à con ?, Le Média, cycle de conférence Arcadia sur la transition écologique, octobre 2018.

Accessible à : https://www.youtube.com/watch?v=lO0r5O4-2wU, visionnée le 03.08.19.

Jancovici Jean-Marc, Énergie et effondrement, entretien par Alexia Soyeux pour Présages, février 2018.

Accessible à : https://www.presages.fr/blog/2018/3/12/jean-marc-jancovici, écoutée le 21.11.19.

Plassard Thomas, L’énergie, un fruit défendu, conférence le 10.11.19 au Relais de l’Espinas lors des Automnales 2019.

Conférence filmée à Quimper en 2014, accessible à : https://www.dailymotion.com/video/x21c823.

Articles scientifiques

CHRISTEN Guillaume et Hamman Philippe, Associer les habitants à la transition écologique, Quelle dimension participative des projets d’énergies renouvelables en Alsace ?, Cahier de recherche sociologique n.58 «Pour une sociologie de la transition écologique», Athéna éditions, 2015.

MAGNIN Gérard, La transition énergétique pour quelle société ?, colloque international sur l’intelligence territoriale « Intelligence territoriale, transition socioécologique et résilience des territoires », Besançon-Dijon, mai 2013.

Poupeau François-Mathieu, Quand l’État territorialise la politique énergétique. L’expérience des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie, Politiques et management public, Vol 30/4, 2013.

Lectures supplémentaires

Socialter L’avenir sera low-tech, hors série n6, mai-juin 2019.

Urbanisme Les nouveaux paysages de la transition énergétique, hors série n64, juin 2018.

Gouvernance, résilience Ouvrages, revues

Sinaï Agnès, Carton Hugo, ServignE Pablo, Stevens Raphaël, Petit traité de résilience locale, éditions Charles Léopold Mayer, Institut Momemtum, 120p, 2015.

Articles scientifiques

RUMPALA Yannick, Formes alternatives de production énergétique et reconfigurations politiques. La sociologie des énergies alternatives comme étude des potentialités de réorganisation du collectif, dans Flux n92, p. 47 à 61, 2013.

Conférences, écoutes

SINAÏ Agnès, Décroissance et résilience, entretien par Alexia Soyeux pour Présages, mai 2018.

Accessible à : https://www.presages.fr/blog/2018/agnes-sinai, écoutée le 17.11.19.

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Le rural dans la transition Articles scientifiques

BOUREZ Joseph, DURAND Lucas, MAO Pascal, SENIL Nicolas, Penser le futur énergétique des territoires ruraux. L’exemple d’un projet de prospective collaborative en Ardèche, Mouvements n.75, La Découverte, 2013.

PIERRE Geneviève & MADELINE Philippe, Les campagnes dans la transition énergétique, Géocarrefour, 90/4, 2015.

Conférences, écoutes

FABUREL Guillaume, Les nouvelles ruralités : habiter, coopérer, auto-gérer, conférence donnée au Relais de l’Espinas le 16.11.2018.

Accessible à : http://www.lerelaisdelespinas.org/article-135729-les-nouvelles-ruralites-par-gui.html, écoutée le 15.11.19.

Histoire cévenole Ouvrages, revues

Cabanel Patrick (sous la direction de), Les Cévennes au XXIe siècle, une renaissance, éditions alcide & le Club Cévenol, 186p, 2013. Contributions de Philippe JOUTARD, Pierre CORNU, Françoise Clavairolle, Laurent RIEUTORD, François Taulelle et Josselin Tallec.

HUGON Philippe (présentation de), Le Collet de Dèze en cartes postales, éditeur Centre communal d’action sociale du Collet de Dèze, 1987.

Paczkowski Claude, Vielzeuf Aimé, La Grand’Combe en Cévenne, jadis canton des gueules noires..., C. Lacour Éditeur, collection Colporteur, 206p, 1989.

Paczkowski C., Vielzeuf A., Vigne J., La Grand’Combe en Cévenne : mines et mineurs du canton, hier, aujourd’hui, demain..., C. Lacour Éditeur, collection Colporteur, 208p, 1991.

PELEN Jean-Noël, La Vallée Longue en Cévenne : vie, traditions et proverbes du temps passé, numéro spécial de Causses & Cévennes, édité par le Club Cévenol et le Parc national des Cévennes, 1974.

Lectures supplémentaires

CHABROL Jean-Pierre & TRAVIER Daniel, Quatre saisons en Cévennes, éditions alcide, Nîmes, 2019.

Sources supplémentaires sur la collapsologie

Isnardon Bruno & ROUSSEL Éva, Tout va bien, enfin, ça va aller., éditions La Relève et la Peste, 2019.

Servigne Pablo, Collapsologie, intuition et émotions, entretien par Alexia Soyeux pour Présages, mai 2018.

Accessible à : https://www.presages.fr/blog/2018/pablo-servigne, écouté le 10.12.19.

L’effondrement, websérie écrite et réalisée par Jérémy BERNARD, Guillaume DESJARDINS et Bastien UGHETTO, produite par Andréa VISTOLI et Ambroise CARMINATI, ET BIM / STUDIO + / CANAL + / SYNCHRONE MEDIAS, 2019.

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Remerciements Merci à mes deux encadrants Claire et Sébastien pour leur ouverture d’esprit et engagement, pour leurs références, pour leurs encouragements et pour nos discussions à refaire le monde, entre enthousiasme et inquiétudes.

Merci à ma sœur Lucille, colocataire improvisée au bon moment, pour sa joie de vivre et ses petites improvisations vocales, pour ses relectures et conseils, pour notre complicité qui ne fait que grandir.

Ta liberté étend la mienne à l’infini, cette petite phrase de Mikhaïl Bakounine est aussi valable pour toi.

Merci à mes parents pour la sensibilité qu’ils nous ont transmis. Cette attention aux personnes, aux lieux, à toutes choses en général, elle pourrait être vue comme de la naïveté ou de l’utopisme, mais c’est une force. Merci maman pour la relecture intégrale de ces pages (et merci à Midi Libre pour la photo de famille page 71 ! ).

Merci à mon adorable colocataire Loriane qui m’a soutenue dans des périodes éprouvantes, et pour toutes nos expériences culinaires et épicées.

Merci à Éric Dessoliers qui est une source absolument intarissable d’inspiration, de réflexion et de bonne humeur.

Merci à Pauline Roux du Centre de documentation et d’archives du Parc national des Cévennes, qui m’a permis d’avoir accès à une riche bibliographie que je n’aurai pas mise et qui m’a été une grande utilité.

Merci enfin à toutes les personnes rencontrées au fil de mes recherches nombreuses et éparpillées, étape qui m’a permis de m’enrichir, avant d’aboutir à la synthèse de ce mémoire.

Hameau du Puech Bouzon surplombé par la route nationale - 118 -

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Nous avons besoin d’énergie dans tout ce que nous faisons, tout ce que nous entreprenons.

L’énergie a cette capacité, comme le paysage, à être un domaine transversal. En parlant d’énergie on touche déjà à de nombreuses choses, même si les liens se sont pas directs ni tangibles. En l’abordant par le paysage, on lui ajoute des dimensions spatiales, sociales, sensibles ; et surtout la notion de relations, entre les personnes et les espaces.

Explorons cette notion d’énergie, allons à la découverte d’une vallée pour ensuite plonger dans son histoire et y trouver une grande force d’adaptation.

L’adaptation, élément fondateur de la résilience, est essentiel pour faire face aux enjeux environnementaux et sociétaux toujours plus écrasants, et tenter d’ébaucher des alternatives au monde qui nous a conduit à cette situation.

Pour cela, la Vallée Longue offre un formidable terreau d’expérimentation, à nourrir d’imaginaire, d’entraide, de communs, d’ancrage au socle, d’autonomie, de transmission... afin d’esquisser un paysage mosaïque, fruit d’une gouvernance équilibrée.

Marie GUIRAUD | Mémoire de TFE | 2019/2020

Cévennes Paysage énergétique Ressources soutenables Frugalité Pouvoir d’agir local