Interstices relationnels

Page 1

Croquis d’étude sur la grille de l’îlot central

Neufert du Gecekondu 5

10m

Porte intérieure:

Porte d’entrée:

N

Passage entre objets

Porte coulissante:

Passage dans une pièce

Passage principale

PASSAGE

0

INTERSTICES RELATIONNELS

Une trame de 4 mètre par 5 mètre modulable 90

m

Plan de travail:

Grille

CUISINE

200 - 300

Placard:

90

60 - 180

60

60

Meuble étagère:

Fauteuil:

40

SEJOUR

N

60

Evier:

90

70

Table 6 personnes:

Table 4 personnes:

160

120

Repenser le logement social à Istanbul, en réinterprétant les qualités du

40-250

70

50

Table basse:

Canapé 3 places:

Canapé 2 places:

200

40

40 60

140

80

40

Distance autour du lit:

Lit double:

80

gecekondu de Kuştepe.

60

CHAMBRE

m

80

Lit simple:

Placard/penderie:

60 200

200

270

60-250 300

160

SALLE DE BAIN

82

70

70

Lavabo:

Douche:

80

45

70 80

90

Toilette:

50

65

Sisli

Umraniye

Eminonu

200-300 $ 300-400 $ 400-600 $ 600-750 $ 750-1500 $

KadikÖ Öy

Brun Julie, Morel-Jean Sarah, Outemzabet Ghani, Thébault Maria PFE ENSAG - Juin 2015

Echangeur

Direction Corne d or

Directeur d'études et responsable du Master Aédification-Grands territoire - Villes : Patrick Thépot Maître-assistante associée : Luna d’Emilio Assistante : France Laure Labeeuw

qu

heri

Perip

Metro et bu



INTERSTICES RELATIONNELS Repenser le logement social à Istanbul, en réinterprétant les qualités du gecekondu de Kuştepe.

Membres du jury Aysegül Cankat Bénédicte Chardon Clemence Dupuis Delamarzelle Guy Desgrandchamps Hubert Guillaud Halimatou Mama Awal Hania Prokop Mina Saidi Shahrouz Françoise Very

Directeur d'études et responsable du Master Aédification - Grands territoires - Villes : Patrick Thépot Maître-assistante associée : Luna d’Emilio Assistante : France Laure Labeeuw Brun Julie, Morel-Jean Sarah, Outemzabet Ghani, Thébault Maria PFE ENSAG - Juin 2015


SOMMAIRE.

INTrODucTION

p.9

I. ISTANBUL, UNE ÉVOLUTION URBAINE COMPOSITE.

p.15

1. Un étalement urbain sans pareils issu des migrations massives à partir du XXème siècle.

p.25

D’une terre migratoire vers une mégalopole contemporaine au patrimoine réfuté.

///////////

> > > >

Istanbul du XXéme siècle, un développement urbain par étapes. L’époque industrielle, facteur des migrations. Naissance de la ville informelle. L’évolution morphologique de l’habitat spontané.

2. Complexité urbaine actuelle.

p.41

> Avènement d’une politique de renouvellement urbain dès 2004. > Le renouvellement du parc immobilier, apparition d’une nouvelle forme urbaine d’enclave.

3. Conséquences et problématiques urbaines et sociales.

p.53

> Fragmentation urbaine et ségrégation sociologique. > Tabula Rasa de la ville informelle. > Évolution et standardisation des modes de vie.

II. GECEKONDU, L’HABITAT INFORMEL À ISTANBUL.

p.69

1. Lecture IN SITU de trois gecekondu pour comprendre la complexité des quartiers spontanés : Şirintepe, Beşiktaş, Kuştepe.

p.75

Un type d’habitat riche en qualités spatiales, porteur d’une culture d’habiter.

///////////

> Des situations urbaines différentes dans le territoire métropolitain. > Des contextes topographiques particuliers pour des implantations caractéristiques. > Des origines migratoires multiples composant une monographie urbaine singulière.

4


2. La compréhension des logiques spatiales du gecekondu.

p.101

> Une définition controversée de l’habitat informel. > Le caractère évolutif du gecekondu au fil des générations. > « Noyaux malades de la ville », des strates urbaines en voie de disparition et des populations ignorées. > Les gecekondu dans la fragmentation urbaine, reflet de la ségrégation sociale. > Une culture d’habiter fragilisée par le renouvellement du parc immobilier.

3. Kuştepe, un univers tzigane surprenant. > Romanları insaları, des rencontres spontanées. > Un lieu caché au sein d’un contexte urbain dense et dynamique. > La rue, un espace d’appropriations multiples, générateur de lien social. > Un quotidien visible et ponctué d’interactions entre l’usager et son environnement. > La complexité des cœurs d’îlots, révélateurs de qualités spatiales et sociales.

p.125

III. RÉINTERPRÉTER KUŞTEPE, LIEU D’INTERSTICES RELATIONNELS.

p.189

1. Un contexte à respecter pour une réponse in situ.

p.205

Des imbrications organiques et des dispositifs mesurés pour une variété d’usages.

> Intégration du projet dans une topographie à préserver. > Conserver le vide existant. > Un processus de recherche vers une grille adaptée. > La grille comme support au vide fédérateur de projet.

2. Des outils systématiques de projet, pour un habitat sur mesure.

p.255

> Les combinaisons du carré allongé pour différentes typologies. > Le processus de composition du logement. > Des mesures minimales, les Neufert du Gecekondu. > Un panel de fenêtres à quatre mesures. > Un panneau autoportant. > Les détails constructifs.

5

///////////


3. Une hypothèse de mise en application à Kuştepe.

p.293

> Le Mur Porteur d’Usages, support d’un cadre de vie quotidien. > Mise à distance et relation à la rue. > Des vides propices au mouvement, à la respiration et à la rencontre.

CONCLUSION

p.321

rEMErcIEMENTS

p.325

COMPLÉMENTS AU PROJET

p.327

> Ruissellement et récupération des eaux pluviales. > Phasage du projet et processus de relogement temporaire.

BIBLIOGRAPHIE

p.334

ANNEXES ET AIDES À LA RÉFLEXION

p.341

> Comparaison des qualités spatiales et d'usages entre les tours de logements Toki et les gecekondu. > Contexte urbain de Kuştepe. > Croquis et relevés du site de Kuştepe. > Analyse du gecekondu de Kuştepe après visite in situ. > Analyse du gecekondu de Şirintepe après visite in situ. > Analyse des dispositifs spatiaux et marqueurs d'usages de Kuştepe. > Analyse des dispositifs spatiaux et marqueurs d'usages de Şirintepe. > Croquis d'esquisse à partir de la trame 5x6m. > Panel de logements. > Course du soleil à Kuştepe.

LEXIQUE ET DÉFINITION > Terminologies. > Sigles.

6

p.376




INTRODUCTION.

À la jonction de l'Europe et du Proche-Orient, Istanbul est l'une des mégalopoles actuelles les plus dynamiques et les plus surprenantes. Elle incarne l'essence-même du symbole de l'interstice, tout d'abord géographique, de part sa localisation unique et exceptionnelle entre deux continents et traversée par le Bosphore du Nord au Sud, de la mer Noire à la mer de Marmara. Un interstice également au niveau économique avec l'essor fulgurant qu'a connu la Turquie, et plus particulièrement Istanbul depuis les années 1950, et le développement exponentiel continu depuis les années 1980. La fissure croissante des réserves naturelles environnantes face à l'invasion du béton sur le territoire stambouliote souligne également l'un des points actuels les plus alarmants de la mégalopole dans son devenir. Cette ville tentaculaire de 16 millions d'habitants est d'autant plus complexe et intéressante à lire pour en comprendre sa fracture urbaine. Enfin, les contestations de mai 2013 sous les slogans « Hukumet istifa ! » - l'abandon du gouvernement - ou « Direne, direne kazanacagiz ! » - victoire par la résistance - nés le 27 mai après les premières actions des bulldozers dans le « Gezi Parkı » - parc Gezi - ont fait émerger deux nouvelles ruptures, une politique et une sociale, aussi bien à l'échelle d'Istanbul, que de la Turquie. Cette opposition, présente dans la majorité des classes sociales, a découlé d'un désaccord des stambouliotes face à un projet de transformation urbaine du parc Gezi voisin de la place Taksim, symbole de la République turque et lieu de rassemblement des citoyens turcs depuis des décennies. Le premier groupuscule de protection de l'environnement, révolté par la destruction d'un des rares poumons verts d'Istanbul, a cependant entraîné une vague sans précédent d'indignation dans l'ensemble des grandes villes du pays, face à la politique globale actuelle. Ce conflit fait preuve de l'impact et des liaisons existantes entre ces divers facteurs, urbains, politiques et sociaux. En conséquence, ils provoquent un déséquilibre global à différentes échelles de la métropole. En ce sens, Istanbul, au passé historique et culturel si fort et si singulier, se trouve aujourd'hui dans une situation des plus délicates et inquiétantes.

9


Malgré ces nouveaux obstacles auxquels elle est exposée, Istanbul regorge de potentiels. Des ressources au niveau de son patrimoine historique et culturel, de son paysage urbain, de ses réserves naturelles environnantes et de ses habitants qui l'animent au quotidien. Un contexte aussi dense ouvre à une discussion et engage une réflexion autour de la manière de vivre et d'habiter une mégalopole en plein essor. Un débat enrichi par l'allure cosmopolite de la ville et ses multiples facettes, dans laquelle il est essentiel de préserver une qualité de vie. L'étude du parc immobilier et de son évolution se présente donc comme un point d'intérêt particulier. A l'image de la composition hétéroclite de la mégalopole, on retrouve une multitude de typologies d'habitat à Istanbul. Elles prennent la forme de logements collectifs d'immeubles de 3 à 10 étages, et depuis une vingtaine d’années, des tours de 30 étages envahissent de manière accélérée le territoire. Récemment, sont également apparues des citées privées au modèle des gated communities américaines, des zones résidentielles composées de villas haut-de-gamme, dans une dynamique de renouvellement urbain. Dans une lecture plus fine de cette palette des types d'habitats, on note également la présence souvent discrète de quartiers informels et spontanés, constitués de basses constructions aux allures précaires appelées gecekondu. Une forme d'habitat pourtant présente sur le territoire d'Istanbul depuis son développement de la seconde moitié du XXème siècle. Face à la transformation urbaine effrénée et démesurée, dénaturant la silhouette de la ville, il paraît essentiel d'accorder une importance particulière à ces interstices urbains oubliés et en proie à la métamorphose urbaine actuelle. Face aux conséquences graves de celle-ci, il semble nécessaire de mener une réflexion sur la manière d'appréhender le processus de projet pour penser la ville. L'architecture est l'un des facteurs premiers participant de la mutation de la ville. Les potentiels des multiples composantes de la ville, semblent aujourd’hui se fondre dans la complexité urbaine stambouliote. L'analyse et la compréhension des différentes strates urbaines mêlées aux strates sociales permettent de développer un pensée de la ville à une échelle plus large. La réflexion menée en parallèle avec les habitants

10


du territoire stambouliote permet de penser le logement et les modes d'habiter à l'échelle du micro. En ce sens, ce projet s'inscrit dans une approche sensible de l'architecture par la volonté de penser le projet de manière analogue avec l'habitant, en se concentrant sur les modes de vie et les cultures d'habiter. C’est à travers ces enjeux qu’une visite à permis de contextualiser cette hypothèse de pensée du territoire informel d’Istanbul en s’appuyant sur le quartier spontané de Kuştepe. Tous les éléments nécessaires à la pensée du processus de transformation de territoire d'Istanbul, proposé comme alternative à celui mené actuellement, sont réunis sur le site de Kuştepe situé au cœur d'un tissu urbain dense proche du pôle dynamique de Şişli-Mecidiyeköy. En complément de l'examen de la situation politico-économique et urbaine d'Istanbul aujourd'hui, l'analyse contextuelle a été un élément essentiel afin d'appréhender au mieux ce gecekondu habité par une population Tziganes turque sédentarisée à Istanbul depuis plus de 50 ans, et aux modes de vie singuliers. La lecture approfondie du contexte dans lequel se situe le gecekondu de Kuştepe permet de développer une base de données grâce aux observations et relevés in-situ ainsi qu'aux échanges avec les habitants. La constitution de cet inventaire d'éléments du site, analysés et compris, permet de nourrir les outils du projet à venir. Plus largement, la démarche adoptée pour cette étude se pose en alternative aux démarches excessives en cours, détachées de tout contexte et favorisant le profit au détriment de l'homme. Le processus développé dans ce projet de fin d'études adopte une démarche méthodique, valorisant les mesures minimales, l'économie de la construction, et la simplicité de mise en œuvre. Cette posture se justifie d'autant plus que le projet est destiné à une population à la situation sociale fragile, disposant de faibles moyens. Néanmoins, pour pallier au danger d'une systématisation donnant lieu à une architecture monotone et pauvre en qualités, le développement des outils de projet a été pensé dans le but de retrouver une variété d'usages et la richesse de l'hétérogénéité d'un quartier qui rend si unique et séduisante la ville d'Istanbul. Une attitude mesurée et consciencieuse s’applique pour proposer une réponse à des besoins pressants et à des envies diverses.

11


Le développement de cette pensée s'organise autour de trois temps forts. En premier lieu l'explication et la compréhension de l'évolution composite d'Istanbul permet d'introduire les nombreuses strates d'un territoire riche en Histoire et en pleine mutation. Cet état des lieux précis et la démonstration de l'intérêt porté à la thématique du logement à Istanbul permet de mener une réflexion approfondie sur l'habitat informel stambouliote, le gecekondu. Le travail in-situ d’observation et d'analyse des différents relevés permet de considérer les gecekondu et les quartiers spontanés comme des lieux de ressources, riches en qualités et en usages, à réinterpréter par les architectes. Ces différentes recherches permettent d'une part, d'établir une base de données, et participent d'autre part, à l'élaboration de nouveaux outils de projet. Enfin, la mise en application des outils dans un projet répondant à un contexte particulier, difficile mais maîtrisé, permet de mettre en place une méthode systématique de composition pour créer un ensemble hétéroclite. La réinterprétation de l’existant permet de préserver les qualités d’usages actuelles afin de replacer l’habitant au cœur du projet et lui permettre de s’approprier son lieu de vie.

12

<

Sur les toits de Pencere. Büyük Valide Han.




I. ISTANBUL, UNE ÉVOLUTION URBAINE COMPOSITE. D’une terre migratoire vers une mégapole contemporaine au patrimoine réfuté.




CARTE ROUTE DE LA SOIE MARIA


Construction informelle

Construction formelle

km

0

2

4


> Fig 1 : La Turquie, lieu de passage depuis l'époque bizantine.

Position géostratégique sur la route de la soie et des épices, et lieu de passage des migrations tziganes, l'implantation de la Turquie entre l'Orient et l'Occident lui confert son caractère cosmopolite.


UN PAYS AU CARREFOUR DES CIVILISATIONS À la croisée de l'Orient et de l'Occident, la Turquie possède 3% de son territoire en Thrace Orientale mais la plus grande majorité du pays reste en Anatolie. Cette localisation géographique au carrefour de la Russie, des Balkans, et du Moyen Orient, lui confère l’important statut de lieu d’échanges économiques, culturels et religieux depuis plus de 2 000 ans. Sa position géostratégique lui permet aujourd’hui d’être la troisième puissance économique du Moyen Orient, la plaçant dans les rangs de l’économie mondiale. La richesse historique du territoire turc permet de comprendre le caractère cosmopolite de sa population. En effet, sa position sur la route de la soie à l’époque de l’empire byzantin, lui a permis d’être un lieu de transit de marchandises entre l’Asie et l’Europe pendant plusieurs siècles, et une voie de croisement entre plusieurs populations, cultures et origines. La répartition de la population sur l’ensemble du territoire turc démontre aujourd’hui une concentration des dynamiques du pays plus à l’ouest sur les rives de la Mer de Marmara, au centre ouest avec la capitale Ankara, et autour d'Istanbul, qui est aujourd'hui la première ville turque de par sa population. Elle est implantée à la charnière des rives européenne et asiatique, générant 40% de l'économie de la Turquie. De plus, Istanbul s'étend sur un territoire de 5 343 km² et concentre un quart de la population du pays. Depuis 40 ans, Istanbul fait preuve d’un fort dynamisme commercial, économique et culturel, source d’un développement fulgurant de son territoire.


Tharce

667

Cité fondée par les colons grecs

BYZANCE

0

330

1453

Fondation de la “Nouvelle Rome”

Prise de la ville par les Turcs, devient capitale de l’empire Ottoman

324

CONSTANTINOPLE

> Fig. 2 : Istanbul à travers les empires.

République de la turquie

Empire Ottoman

Empire Romain d’Orient

1923

1930

Ankara devient la capitale de la Turquie Renommée

ISTANBUL

2010

Capitale Européenne de la culture


_ Des strates urbaines révélatrices de l’Histoire d’Istanbul.

Istanbul, riche de son histoire, a toujours été un point stratégique de par sa position sur le détroit du Bosphore, à cheval entre deux continents, l’Europe et l’Asie. Cette position géographique lui a valu d’être la capitale successive de trois empires. Istanbul était originellement la belle Byzance -ancienne cité grecque- capitale de la Thrace, jusqu’en 330 après JC. C’est sous le nom de Constantinople qu’elle devient la capitale de l’empire Romain d’Orient, jusqu’à la prise de la ville par les Ottomans en 1453. Constantinople se développa sous le règne de plusieurs sultans jusqu’en 1923 lors de la proclamation de la République Moderne. C’est en 1930 que la ville deviendra Istanbul sous le régime de Mustafa Kemal Atatürk lors de la modernisation de la Turquie. La République turque, proclamée en 1923, succède à l’Empire Ottoman, avec Ankara pour capitale. Inscrite au patrimoine de l’Unesco depuis 1985, les traces de sa longue histoire sont toujours visibles dans les différentes strates urbaines qui composent la ville. L’époque byzantine a défini les grands tracés ainsi que les limites de la ville tout en la ponctuant d’églises byzantines. Les sultans de l’Empire Ottoman se sont succédés pour embellir Constantinople en construisant les équipements monumentaux, les siècle que les tracés de la ville ont été rationalisés par l’application d’un quadrillage, tandis qu’Henri Prost, dans les années 1930, aéra la ville en ouvrant de grandes voies, sur lesquelles la ville fonctionne encore aujourd'hui.

1. BORIE Alain et PINON Pierre, Istanbul, Collection Portraot de ville, IFA, 2010.

Au cours de l'Histoire, Byzance, Constantinople puis Istanbul s'est perpétuellement redéfinie selon son évolution politique, économique et religieuse. Cependant, pour devenir aujourd’hui une métropole mondiale, sa croissance ne relève pas seulement de conjonctures politiques. C’est à partir des années 1950 que le territoire stambouliote s’est considérablement étendu, en dépassant ses limites et en incluant la péninsule historique abritée derrière les remparts romains et byzantins, les quartiers de Galata et Pera aujourd’hui appelés Beyoğlu, sur l’autre rive de la Corne d’Or et la rive asiatique du Bosphore en vis à vis avec les centres européens. On comptait 3,6 millions d’habitants en 1942, on dépasse les 16 millions aujourd’hui.1 23


> Fig. 3 : Miniature représentant Istanbul et Galata par Matrakçı Nasuhm vers 1537. YERASIMOS Stéphane, Constantinople, de Byzance à Istanbul, Editions place des Victoires, Paris, 2014.


I.1. U N É TA L E M E N T U R B A I N S A N S PA R E I L S I S S U D E S M I G R AT I O N S M A S S I V E S À PARTIR DU XXÈME SIÈCLE.

25


CARTE JULIE REPRENDRE ECHELLE

Construction informelle

Construction formelle

0

> Fig. 4 : Étalement urbain d’Istanbul de l’époque Byzantine à aujourd’hui. Un développement fulgurant du territoire stambouliote à partir de 1950.

2

4

8km


_ Istanbul du XXème siècle, un développement urbain par étapes. L’explosion de la population, et donc de l’urbanisation de la ville, ainsi que le changement de proportions des minorités religieuses au XXème siècle s’expliquent par différents phénomènes successifs. La fin de l’Empire Ottoman constitue un tournant majeur dans l’accélération des fuites des minorités religieuses : près de 600 000 grecs et juifs quittent le pays et la population d’Istanbul n’est plus que de 710 000 habitants en 1927. Après la première guerre mondiale, Istanbul compte un peu plus d’un million d’habitants dont le pourcentage de la population de confession musulmane va en s’accélérant, dû à la fuite des autres minorités, mais également en raison de l’arrivée des migrants en provenance des territoires balkaniques. Lors de la proclamation de la République, la proportion de musulmans atteignait 69%* JFP tandis que les grecs orthodoxes, les grégoriens arméniens et juifs constituaient le reste de la population.

2. PEROUSE Jean François, Istanbul, dans La Méditerranée à l’heure de la métropolisation, p.113, 2009.

L’augmentation du nombre d’habitants d’Istanbul à partir des années 1950 ne résulte pas uniquement de l’accroissement naturel, mais est aussi provoqué par l’exode rural engendré notamment par la signature du Plan Marshall en 1946 ayant permis l’ouverture des marchés et commerces aux pays limitrophes de la Turquie. Les premiers migrants étaient originaires des Balkans, de Bulgarie ou de Russie. Ces mouvements se limitaient cependant à quelques jours à Istanbul: le temps des négociations d’achats et de ventes. Cette période marque pourtant le début de la généralisation de l'exode rural, engendré par la mécanisation des campagnes réduisant les besoins de main d’œuvre agricole, tandis que l’industrialisation d’Istanbul lui confère le titre de premier pôle des migrations internes. Trois vagues migratoires massives s’observent. La première entre 1950 et1955, la seconde entre 1970 et 1975, enfin, la troisième à partir des années 1990. A cette époque là, on compte 65%2 de l’augmentation de la population stambouliote provenant des migrations. De nos jours, ce phénomène migratoire est toujours d’actualité mais dans de moindres proportions. 27


En parallèle, l’urbanisation de la ville s’observe en deux étapes. La grande mutation économique datant du milieu des années 1980, permet de définir Istanbul comme mégapole contemporaine, constituée de 27 districts, et représentant 80% du tissu urbain actuel. À cette époque, par sa nouvelle dynamique économique et touristique, Istanbul, commence un étalement urbain sans précédent. La construction des deux ponts traversant le Bosphore, en 1973 et 1988, sont le signe et le facteur de ce développement fulgurant. En 1990, l’effondrement de l’URSS et l’ouverture des pays de l’Est repositionne Istanbul dans les échanges commerciaux internationaux, et l’entrée de la Turquie dans la zone de libre-échanges de l’Union Européenne, sont générateurs d’une nouvelle catégorie de migrants à partir du XXIème siècle. Aujourd’hui encore, l’extension des limites de la ville n’a pas atteint son point final. Tandis qu’en 2004, Istanbul se confondait avec le département du même nom , le projet du plus grand pont reliant le golfe de Izmit, par Gebze, à Bursa, prouve la croissance interminable de l’agglomération, ne pouvant plus percevoir les limites entre le Grand Istanbul et les communes voisines, formant une seule même nappe urbaine.

_ L’époque industrielle, facteur des migrations. Pour mieux comprendre ces phénomènes migratoires, il faut revenir plus précisément sur les motivations des migrants à venir s’installer à Istanbul et leurs origines. Istanbul, en plein essor industriel et en besoin de main d’œuvre, apparaît alors comme terre d’accueil des migrants internes au pays à partir des années 1950, d’où l’expression de Fasih Sinan « İstanbul’un taşı toprağı altındır » soit « la terre et les pierres d’Istanbul sont de l’or ». Les premiers migrants turcs étaient majoritairement originaires de provinces de l’Est du pays et d’Anatolie centrale, de la région de la mer Noire et de la région de Sivas. La migration des habitants des régions rurales a été motivée avant tout, par la recherche d’un emploi, le plus souvent dans le secteur industriel et le bâtiment. Cette motivation a également été nourrie par l’espoir d’accession à la propriété, un meilleur accès aux services de santé et à l’éducation. 28

4. PEROUSE Jean François, Migrations internes vers Istanbul : discours, sources et quelques réalités, IFEA, 2014.


Le parcours le plus classique d’un migrant peut se schématiser en deux temps précis. Dans un premier temps, les hommes venaient seuls à Istanbul dans l’espoir de trouver un emploi et économiser suffisamment, de sorte à pouvoir, dans un second temps, faire venir le reste de leur famille et subvenir à ses besoins. La vague migratoire du milieu des années 1980 a été provoquée par des facteurs différents que pour les précédentes. Les migrants des années 1950-1970 venaient à Istanbul dans l’espoir d’une vie meilleure face aux faibles conditions de leurs régions d’origines. Les migrants des années 1985 venaient essentiellement de l’Est de la Turquie. C’est la région du pays la moins développée et la plus pauvre. Une situation singulière dans le pays due, en grande partie, au conflit ethnicoséparatiste entre les turcs et la minorité indépendantiste kurde. Ces nouveaux venus à Istanbul se situent donc plus sous le statut de réfugiés ou de migrants forcés. Pour eux, l’exil fût une nécessité plus qu’une envie de vie meilleure, comme le disait Fasih Sinan « Aujourd’hui, ceux qui ont immigré ont transporté avec eux leur culture, leur cuisine… ils n’ont pas besoin de suivre la culture d’Istanbul et de toutes les manières ceux qui sont venus ne sont pas venus de leur plein gré. La plupart pour trouver du pain, pour travailler. Aujourd’hui ceux qui viennent c’est pour sauver leur vie. »5 Gazi Mahallesi est devenu l’un des quartiers les plus symboliques, habité majoritairement par des migrants natifs Pontiques (Karadenizli) puis centre-Anatoliens (provinces de Kastanomu, Trabzon, Sinop et Sivas). Des associations correspondant entre Istanbul et les différents memleket se forment et permettent un meilleur accueil des arrivants. Ces réseaux permettent d’instaurer des relations organiques au fur et à mesure des années, et des générations s’installant à Istanbul, et créent un sentiment d’appartenance et de confiance des habitants par rapport à leur quartier.

5. PEROUSE Jean François, Migrations internes vers Istanbul : discours, sources et quelques réalités, IFEA, 2014.

L’étude de ces mouvements migratoires internes à la Turquie vers Istanbul est révélateur des dynamiques économiques, sociales et politiques actuelles du pays. En effet, au fur et à mesure de l’émancipation et de l’enrichissement d’Istanbul, les nouveaux quartiers habités par les générations de migrants sont devenus des ensembles urbains à part entière et ont indiqué les voies de densification et de raccord au reste de la ville. Cependant, l’apparition de ces différentes communautés de migrants a également contribué à la mauvaise réputation de certains 29


> Fig. 5 : Le plan directeur d'Istanbul d'Henri Prost établi en 1935.

Jusqu'en 1995, aucune stratégie de développement urbain n'a été pensé pour la ville d'Istanbul, et les autorités suivaient toujours le plan directeur d'Henri Prost.


quartiers et à la stigmatisation de certaines populations telles les communautés de confession alévi ou les kurdes. Ces stigmatisations éthno-culturelles ont encore, de nos jours, une forte influence sur la perception de ces quartiers par les stambouliotes et les autorités locales aussi bien que nationales. C’est pourtant de cette mosaïque ethnoculturelle au fil des siècles que s’est formée Istanbul.

_ Naissance de la ville informelle.

En parallèle à ces mouvements migratoires, le gouvernement n’avait pas anticipé un exode rural d’une telle importance, et n’avait prévu aucune stratégie de développement urbain pour pallier aux besoins de logements. Jusqu’en 1995, les autorités suivaient le plan d’aménagement du territoire d’Henri Prost élaboré entre 1935 et 1936.6

6. Cf : Le plan directeur d'Henri Prost. Encart p.35 7. PEROUSE Jean François, Migrations internes vers Istanbul : discours, sources et quelques réalités, IFEA, 2014.

C’est après la seconde guerre mondiale qu’apparu le manque de réponse à la demande de logements, plus particulièrement pour la première vague de migrants aux revenus faibles s’installant à Istanbul. Ce manque d’anticipation de l’arrivée des migrants, a engendré une dominante de bâtis informels construits par les migrants à leur arrivée sur le territoire stambouliote. En effet, les autorités turques n’ayant pas mis en place de politique de logements, ni de politique urbaine à cette époque, ces nouveaux habitants stambouliotes sont voués à construire eux-mêmes leurs habitats sur des terrains qu’ils s’accaparent de façons plus ou moins légales, parfois grâce à des accords, parfois sans. Apparaissent alors des habitats précaires, construits à l’aide de matériaux de récupération, sans statut légal précis mais dont les autorités n’ont cependant pas empêché la construction, faute d’autres solutions. Ces auto-constructions, répondaient à l’appellation de baraka, avant l’apparition officielle du terme gecekondu en 1947 ayant pour signification « posé de nuit » du à la rapidité d’apparition de ses logements et l’urgence dans laquelle se trouvaient les migrants pour trouver un toit. Le gecekondu fut la réponse la plus rapide et à portée de ses populations. Ces espaces informels se répartissent dans les dents creuses de la ville, ses interstices et les terrains abrupts. On comptait 5 000 gecekondu en 1949, et 120 000 en 1963 soit 35% de la population stambouliotes vivait dans ces habitats informels.7 (On retrouvera la définition plus complète dans la suite du travail.) 31




> Fig. 6 : Henri Prost, et le plan directeur d'Istanbul en 1935. (Page prĂŠcĂŠdente) http://oynakbeyi.com/post/784428395/henriprost


LE PLAN DIRECTEUR D’HENRI PROST Henri Prost, jeune architecte, lauréat du prix de Rome et pensionnaire à la villa Médicis avait découvert Istanbul en 1902 lors du traditionnel voyage en Orient. Il fût chargé de l’étude du plan directeur d’Istanbul et de sa mise en application jusqu’en 1951. L’enjeu était de moderniser l’ancienne capitale, par l’aménagement des quartiers historiques, la mise en place de grandes voies modernes de type haussmannien et de réaménager les ports et les zones industrielles. Dans un souci de préservation de la silhouette de la vieille ville et la mise en valeur des grands monuments, Henri Prost fit adopter une limite de hauteur à 3 étages pour toutes les nouvelles constructions. Si une partie de ses projets a bien été menée telle la création des grands axes, le reste de ses ambitions n’a pu être réalisé faute de financement et face à l’hostilité grandissante à l’appel d’un architecte étranger de la part de politiques et architectes turcs.


> Fig 7 : Évolution morphologique du logement à Istanbul.

L’étalement urbain d’Istanbul, débuté dans les années 50’, peut aujourd’hui être répertorié sous plusieurs morphologies d’habitat, le gecekondu, l’apartkondu, l’apartman, le logement de masse et les cités privées.

Si la dominante de construction à cette période relevait de cette typologie jusqu’en 1985, très vite ces formes d’habitat se transformèrent en apartkondu par le développement à la verticale des gecekondu. Aujourd’hui, seuls les migrants les plus démunis, souvent en provenance de l’Est ou les réfugiés de guerre de Syrie bâtissent encore ces habitats à la physionomie basse et précaire. _ L’évolution morphologique de l’habitat spontané. Pour revenir plus spécifiquement sur ce processus de développement informel d’Istanbul, c’est à partir de 1945 qu’une couronne de quartiers spontanés s’est formée autour de la péninsule historique, principalement dans les quartiers industriels et commerciaux de la ville, à l’exemple du quartier textile d’Aksaray ou encore du quartier commerçant de Zeytinburnu avec son ancien gecekondu de Sulukule, détruit aujourd'hui. La décentralisation des entreprises industrielles dans les périphéries de la ville dès 1954 a participé à l’expansion de la ville et à l’apparition de nouveaux quartiers spontanés que l’on pourrait appeler quartiers-villages de migrants travaillant dans ces pôles industriels situés plus au Nord de la ville, à l’image de la vallée de Kağıthane. 36


Depuis son apparition, la typologie informelle du gecekondu a connu de nombreuses transformations. Une vague migratoire pressante apparaît dans les années 1970. C’est à cette même époque, que le paysage des quartiers de migrants s’est radicalement transformé, donnant lieu à des nouveaux quartiers-apartkondu avec la construction d’étages aux gecekondu. Sur le long terme, avec l'enrichissement des populations une nouvelle typologie de logements apparaît, les apartman. Ces habitats sont désormais bâtis dans un cadre légal et construits par des professionnels de la construction avec des matériaux adéquats. L’apparition de ces apartman, entraînent un changement important dans le paysage urbain et apparaissent comme une solution afin de répondre à la forte affluence des nouveaux arrivants et désengorger les quartiers informels. En parallèle à l’adaptation spatiale et morphologique des quartiers informels face à l’arrivée des migrants, une organisation sociale est également en cours. L’arrivée de ces nouveaux migrants à la recherche d’un travail paraît plus organisée. En effet, on voit apparaître le phénomène de regroupement des migrants selon leur memleket signifiant « pays d’origine » - un regroupement géographique causé par des raisons culturelles, identitaires ou économiques et permettant une aide à leur arrivée dans la ville et à leur intégration dans le quartier. 37


Construction Espacesinformelle informels

Espacesformelle formels Construction

0

2

4

8km

> Fig. 8 : Espaces formels et informels du territoire stambouliote.

Une large partie du développement urbain d'Istanbul a eu lieu de manière informelle à partir du milieu du XXème siècle.


Construction informelle

Construction formelle

0

2

4

8km


Dans ce mémoire nous considérerons Istanbul dans l’ensemble de son urbanité actuelle, s’étendant jusqu’aux limites du département du même nom, soit un territoire de 5 343km². Nous positionnons notre travail en considérant la dynamique actuelle qui anime la ville moderne, réinvestissant son histoire dans un cadre international et ultra contemporain. Tandis que les multiples strates urbaines font d’Istanbul une entité au profil très spécifique, semblant chaotique, elle se définit aujourd’hui sous plusieurs facettes. Une première strate historique avec ces hauts lieux et monuments historiques tels que le palais Topkapı, Sainte-Sophie et la Mosquée Bleue, faisant écho à l’époque byzantine et ottomane. Une face sociale plus dense et étendue, représentative des phénomènes de migrations, source de son étalement urbain rapide. Et aujourd’hui, la face de la mégapole contemporaine vient redessiner encore une fois la silhouette de la ville aujourd’hui tournée sur l’économie mondiale.


I.2.

COMPLEXITÉ URBAINE ACTUELLE

41


PHOTO PLEINE PAGE


<

Le quartier d’affaires de 4.Levent © Julie Brun, août 2014.

Tandis que la ville s'est développée de manière incontrôlée à partir des années 1980, ne suivant aucun plan d’urbanisme depuis le plan directeur établi par Henri Prost en 1936, ce n’est qu’en 1995 que fût établit un nouveau plan d’aménagement du territoire stambouliote. Ce dernier, en parallèle avec l’entrée d’Istanbul dans les rangs des mégapoles internationales, a eu pour objectifs de faire d’Istanbul un centre de congrès international et d’accroître son potentiel touristique par la mise en place d’une politique de développement des infrastructures. Dans un même temps, ce territoire stambouliote complexe devient une destination touristique de prédilection, qui se place au troisième rang en Europe et cinquième dans le monde. Cette nouvelle donnée confirme le développement de la ville sous un autre angle, en effet, les icônes touristiques et lieux de consommation donnent aujourd’hui un air de Dubaï à la vieille Constantinople.8

_ Avènement d’une politique de renouvellement urbain dès 2004.

8. PEROUSE Jean François, Istanbul, entre Paris et Dubaï, dans Villes internationales. Entre tensions et réactions des habitants, La découverte, Collections Recherches, Paris, 2007.

De 1994 à 1998, le maire d’Istanbul, Recep Tayyip Erdoğan, a pour ambition de confirmer la place d’Istanbul dans les rangs internationaux en construisant une ville propice à la consommation, au tourisme et à l’accueil de capitaux étrangers, additionné à une légère touche ottomane. Alors que ce processus entraîne le glissement des centres de gravité historiques vers de nouveaux centres d’affaires comme le quartier de Maslak, la ville commence à voir sa silhouette redessinée dans une atmosphère standardisée, reléguant le patrimoine historique byzantin de la ville et mettant de coté l’expérience stambouliote si riche de sa mixité de cultures et de différences. 43


> Fig. 9 : Politique de renouvellement urbain à Istanbul

Suite au tremblement de terre en 1999 et l’arrivée au pouvoir de l’AKP en 2002, une polique de renouvellement urbain est mise en place, et Istanbul voit émerger de multiples projets de différentes natures: services, espaces publics, infrastructures et zones résidentielles.


L’année 2002 est marquée par l’entrée au pouvoir de l'AKP (Adalet ve Kalkınma Partisi ), le Parti de la Justice et du Développement, fondé par ce même Recep Tayyip Erdoğan, aujourd’hui Président de la Turquie. Désireux de reprendre la main sur le gouvernement jusqu’ici trop tolérant selon lui concernant l’implantation et le développement non contrôlé de la ville, il renforce le mouvement néo-libéral de la gestion du territoire et de son évolution. Les nombreux projets d’aménagement de la ville mis en œuvre visent plus des objectifs de marketing urbain plutôt que d’atteindre une cohérence territoriale nécessaire à la ville d’Istanbul. On observe une privatisation croissante de la ville et un développement par petits projets ponctuels dans le cadre de la politique de renouvellement urbain votée en 2004, dans le même but de promouvoir la ville sur le marché international. En parallèle de cette nouvelle politique de transformation urbaine, suite au tremblement de terre dévastateur d'Izmit de 1999 ayant fait des milliers de morts et détruisant plus de 16 000 immeubles lors des secousses, les nouvelles lois de construction et de rénovation urbaine de la ville sont renforcées. Ce projet de transformations s’illustre par la construction de nombreux projets de différentes natures tels que des services, des espaces publics, un renouvellement du parc immobilier et des grandes infrastructures. Ces projets successifs font l’objet de quatre types de situations urbaines : la régularisation et l’embellissement des périphéries spontanées, la protection des zones historiques par dé-densification et muséification, la désindustrialisation des zones manufacturières, et enfin la reconstruction d’un bâti résistant dans les zones sismiques.

_ Le renouvellement du parc immobilier, apparition d’une nouvelle forme urbaine d’enclave. C’est plus particulièrement la politique de modernisation du parc immobilier de la ville qui nous intéresse. Cette modernisation se traduit aujourd'hui par une supposée revalorisation des quartiers informels par la démolition-reconstruction, qui s’accompagne d’un transfert des populations dans de nouveaux logements collectifs, le tout par la mise en place d’un nouveau système foncier du territoire stambouliote.

45


L’acteur principal de cette transformation est une institution centrale, TOKİ (Toplu Konut İdaresi Başkanlığı), l’Administration du logement collectif de la Turquie. Fondée en 1984, TOKİ avait pour but de pallier au manque de logements sociaux et de freiner l’étalement informel de la ville. L’arrivée au pouvoir de l’AKP en 2002 a provoqué le rattachement de l’institution directement au pouvoir et ainsi voir ses prérogatives et moyens considérablement renforcés avec une politique de logements d’envergure. TOKİ deviendra le promoteur foncier le plus puissant du pays et ses compétences exceptionnelles lui permettront d'avoir une véritable mainmise sur ce secteur, aux cotés de KİPTAŞ son homologue à l’échelle d’Istanbul. Les aptitudes de TOKİ ne s’arrêtent pas à la construction de logements mais s’élargissent à d’autres types de réalisations de standing, ainsi que des services publics dans le secteur du sport, du commerce, de l’éducation, de la santé et de la justice. Aujourd'hui, cette administration est également habilitée à la production de plans directeurs. Depuis une vingtaine d’années, une nouvelle forme urbaine d’enclaves se propage sur le territoire stambouliote par la construction intense de grands ensembles de logements, de cités privées et de nombreux centres commerciaux, d'espaces très convoités face à l’explosion de la dynamique touristique provenant d’Europe et des pays du Monde arabe. Cette nouvelle typologie d’habitat est fortement liée à l’actuelle spéculation foncière et à l’augmentation de la valeur des terrains proches des grands axes de mobilité et des infrastructures. Depuis une vingtaine d’années, de nombreuses tours de logements viennent changer la silhouette de la ville pour proposer un habitat répondant au modèle moderne promettant une meilleure qualité de vie. Des hectares de terrains en marges, accueillent aujourd’hui des tours de plus de 30 étages, formant alors un lieu sans caractère spécifique. Tel un modèle copié-collé, ces nombreux quartiers vides de qualités et coupés de leur environnement se multiplient dans le paysage urbain stambouliote. Ces nouveaux grands ensembles de logements pour les classes sociales moyennes et moyennes basses, semblent faire écho aux tours de logement construites en France lors de l’après-guerre, des morceaux de villes aujourd’hui repensés pour palier aux problèmes de ghettoïsation et de ségrégation sociale. Cependant, le gouvernement turc actuel ne semble pas considérer les problèmes qu’engendre la construction de ces grands ensembles, préférant s’intéresser aux profits financiers qu'il peut en tirer. 46


1945

Industrialisation Naissance des Gecekondu

1980

Gated community

1987

Logement en masse par TOKI

2004

Politique de renouvellement urbain

2010

Capitale Européenne de la culture

> Fig. 10 : Date clées de l'évolution urbaine d'Istanbul.

En parallèle, la nouvelle forme de logement de luxe répondant à l’appellation de Gated Community, apparaît telle une enclave idéale et autosuffisante. En marge de la ville et proche de la nature, ces citées privées sont coupées du contexte qui les entoure par des murs de protection en gage de sécurité. Cette modernisation de la forme d’habitat, inspirée des États-Unis, propose une meilleure qualité de vie pour les classes sociales moyenne-hautes souhaitant atteindre le modèle moderne mis en valeur et quitter les centres villes bondés et chaotiques pour retrouver le charme de la nature. Le territoire stambouliote évolue aujourd’hui de façon ponctuelle, créant un ensemble désordonné par l’addition de fragments urbains qui s’opposent et qui ne communiquent pas entre eux.

47


(3) (2)

Construction informelle

Construction formelle

0

0

6

12

24km

2

4

8km


(1)

(4)


> Fig 11 : Méga Istanbul, localisation des grands projets en cours de réalisation.

Quatre grands projets à Istanbul dans l'optique d'une propulsion sur la scène internationale encore plus forte : le troisième pont du Bosphore (1), le plus grand aéroport du monde (2), le "deuxième bosphore" (3) et Kanal Istanbul (4).


MÉGA ISTANBUL, UNE PROPULSION DE LA VILLE SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE La promotion d’Istanbul sur la scène internationale étant un des buts premiers de la politique d’AKP se lie également à travers l’actuelle politique de Grands Projets. Cette politique aux ambitions démesurées ne ménage pas sa peine pour accroître l’urbanisation de la ville en repoussant encore plus ses limites et grignoter les réserves naturelles qui s’appauvrissent petit à petit au Nord de la ville proche de la mer noire. On compte à l’heure actuelle quatre méga projets déjà votés et pour certains en cours de réalisation. (1) Un troisième ruban périphérique autoroutier s’ajoute au projet du troisième pont sur le Bosphore, dont la construction a démarré en 2014 et mesurera à terme 2km de long. Il s’agit ici de soulager un trafic qui vient engorger les deux autres ponts et périphériques, mais cela implique également d’ouvrir de nouveaux secteurs à l’urbanisation, un changement d’occupation des sols et encore une fois une augmentation du volume des déplacements d’un point de vue global, sans oublier la réduction du manteau forestier d’Istanbul à quelques archipels verts. (2) Sur les rives de la mer Noire, le territoire stambouliote accueillera le plus grand aéroport du monde sur plus de 7600 hectares. Ce projet démesuré aura la capacité de 150 millions de passagers par an, pour faciliter l’arrivée de touristes et des investisseurs étrangers espérés en 2018. (3) Le projet d’un « deuxième Bosphore » - dont le débat est remis d’actualité - diviserait la Thrace en deux sur 150km de long dans le but de délocaliser le trafic maritime engorgeant le Bosphore en plein cœur d’Istanbul. L’implication d’un gigantesque redéploiement urbain de la ville est alors inévitable, le Kanal Istanbul s’accompagnant d’implantation de bureaux, centres commerciaux, zones industrielles, et logements pour la création d’une nouvelle ville de 500 000 habitants. (4) En vis-à-vis sur la rive anatolienne, le projet touristique d’un deuxième canal -Kanal Riva- traversera le territoire asiatique stambouliote sur 15 km de long.


La politique de renouvellement urbain prône une logique de développement du nombre, reniant la culture d'habiter existante, et fragmentant son territoire. C'est ainsi qu'Istanbul se déploie de façon tentaculaire, sans cohérence entre les multiples nouvelles polarités. Pour rivaliser avec les grandes métropoles mondiales, le dynamisme économique semble être la préoccupation première du gouvernement, laissant sur le bas coté les problématiques urbaines et sociales actuelles.


I.3. C O N S É Q U E N C E S E T P R O B L É M AT I Q U E S URBAINES ET SOCIALES

53


Catalca

Eyup

Sile

Sariyer

Arnavutkoy

Beykoz

Silivri Cekmekoy Sultangazi

Gebze

Pendik

Basaksehir Sancaktepe

Istanbul

Buyukcekmece

Tuzla Dilovasi Cayirova district

En 1945. 0

5

10

20km

Catalca

Catalca

Eyup

Sile

Sariyer

Arnavutkoy

Beykoz

Silivri

Silivri

Cekmekoy Sultangazi

Gebze

Pendik

Basaksehir Sancaktepe

Buyukcekmece

Istanbul

Tuzla Dilovasi Cayirova district

En 2013. 0

5

10

20km

> Fig. 12 : Évolution des espaces naturels du territoire stambouliote depuis 1945.

0

L'étalement urbain de l'agglomération d'Istanbul a eu de forte répercussions sur l'environnement naturel. On remarque une perte considérable de la nappe forestière entre 1945 et 2013.

5

10

20km


UNE CONSCIENCE ENVIRONNEMENTALE INEXISTANTE.

Eyup

Sile

Sariyer

Arnavutkoy

Istanbul, en plus d’être un trésor historique et l’ancienne capitale de nombreux empires, trouve sa richesse dans son contexte environnemental. Elle doit son ancienne appellation de « ville des sources fraîches, limpides et bienfaisantes »9 au symbolique estuaire de la Corne d’Or et les cours d’eau qui viennent s’y jeter. Cependant, ces eaux furent le déversoir de nombreuses industries plus polluantes les unes que les autres lors du développement industriel des années 50. Malgré la délocalisation des industries dans les années 1980, une odeur nauséabonde perdure dans certaines de ces eaux troubles. Reste encore la vallée où coule le Cendere et dont les rives accueillent de plus en plus d’industries polluantes se déversant dans les eaux déjà boueuses. Aujourd’hui, l’état des cours d’eau devient une question inquiétante avec des conséquences graves sur la santé humaine, et l’appauvrissement des ressources en eau de la région. De plus, l’imperméabilisation des sols stambouliotes par le béton, en plus de grignoter petit à petit les forêts d’Istanbul, est la cause des inondations qui se font de plus en plus fréquentes dans les fonds de vallée de la ville lors des fortes précipitations. Si l'on devait décrire Istanbul en couleurs aujourd’hui, la palette se déploierait en nuances grisâtres du béton et des eaux boueuses dominant les verts et bleus des nappes forestières d’Istanbul et les sources d’eau de la reluisante Corne d’Or.

Beykoz

Cekmekoy Sultangazi

Pendik

Basaksehir

Gebze

Sancaktepe

Buyukcekmece

Istanbul

Tuzla

Dilovasi

Cayirova district

9. Ahmet Hamdi Tampınarm, Cinq villes. Istanbul, Bursa, Konya, Erzurum, Ankara, Publisud, Paris, 1995.


PHOTO PLEINE PAGE


< Şirintepe en 2015 Fragmentation urbaine et tabula rasa des quartiers informels. © Maria Thébault, fevrier 2015.

La fascination du chiffre par le pouvoir actuellement en place démontre que l’intérêt financier prévaut sur le confort et le bien être des stambouliotes, jusqu’à une recherche insensée du plus grand nombre de kilomètres asphaltés, des plus hautes tours des nouveaux centres de business, des plus grands centres commerciaux et des plus impressionnantes infrastructures.10 Cette ambition du toujours plus engendre de nombreuses problématiques urbaines et sociales au sein du territoire.

_ Fragmentation urbaine et ségrégation sociologique.

10. Cf : Une conscience environnementale inexistante. Encart p.54

La juxtaposition de mondes urbains qui s’ignorent a des conséquences graves sur les formes urbaines et sociales de la ville. Les nouvelles formes d’habitat, prônant la modernisation des modes de vie et marquant une séparation plus importante avec le contexte environnant donnent lieu à une fragmentation urbaine très forte depuis les années 1990 avec l’apparition des premières cités privées, des centres commerciaux et des tours de bureaux. Ces formes urbaines, favorisant l’enclave et le cloisonnement, deviennent le modèle de l’ensemble urbain d’Istanbul et marquent des nouveaux modes de vie consuméristes et individuels. On observe alors une segmentation urbaine forte. 57


Kagithane

Sisli

Eminonu

elirnu 200-300 $ 300-400 $ 400-600 $

KadikÖ Öy

600-750 $ 200-300 $

750-1500 $

300-400 $ 400-600 $ 600-750 $ 750-1500 $

> Fig. 13 : Le prix du foncier à Istanbul, par quartier.

Le prix du foncier par quartier démontre une ségrégation sociale du territoire stambouliote.

0

1

4km


Cette intense fragmentation urbaine s’accompagne naturellement d’une ségrégation sociale tout aussi forte. L’apparition des classes sociales supérieures avec l'économie néo-libérale turque à partir des années 80, explique la multiplication des complexes résidentiels fermés et l’américanisation des formes d’habitat. Aujourd’hui, une véritable spéculation foncière a lieu au moyen de ses nouveaux ensembles cloisonnés et du véritable commerce immobilier qui se développe sans précédent, touchant différentes classes sociales. Les publicités se font d’ailleurs de plus en plus nombreuses pour promouvoir ces nouveaux complexes à proximité des autoroutes et des nouveaux grands projets11. Les classes sociales ne se mélangent plus, créant des quartiers par niveaux de vie, empêchant alors la mixité des services et une cohésion sociale de la ville. Cela renforce également la stigmatisation de certains quartiers et engendre la mise à l’écart de quartiers de migrants. La promotion des cités privées alimente cette séparation de l’espace urbain, utilisant le gage de sécurité à l’égard de quartiers décrétés dangereux. Cette fragmentation urbaine engendre alors un territoire sans cohésion dont l’évolution actuelle semble accentuer la division sociale, empêchant la mixité des modes de vie et l’appréhension de la ville dans son ensemble.

_ Tabula rasa de la ville informelle.

11. Cf : Méga 0 1 Istanbul, une propulsion de la ville sur la scène internationale. Encart p.48 12. Cf : Fig. 8 : Espaces formels et informels du territoire stambouliote. p.38

Face à ces ensembles copiés-collés, sur différents contextes totalement ignorés, on en viendrait presque à oublier que 60% du parc immobilier stambouliote a été construit de manière informelle et que cette forme urbaine en perpétuelle recomposition est à l’origine du développement d’Istanbul12. Le nouveau marketing se développant 4km autour du foncier renforce la critique de ce tissu urbain spontané et plus particulièrement la stigmatisation des quartiers de gecekondu comme des territoires informes, ne répondant pas aux normes urbaines et propices aux problèmes d’hygiène et d’insalubrité ainsi qu’à l’augmentation de populations au chômage. C’est à partir de 1980, que l’habitat informel est devenu la ligne de mire des autorités souhaitant éradiquer les « noyaux malades » de la ville, devenant « dérangeants » pour le développement de la métropole.

59


Quartier informel de Kağıhane en 2011.

2013, un quartier résidentiel construit par Toki .

> Fig. 14 : Tabula Rasa, exemple d’une partie du gecekondu Hamidiye à Kağıthane.

Les opérations toki ont généralement lieu sans prise en compte du contexte urbain aux alentours et faisant tables rases de l’existant. Les gecekondus sont les quartiers les plus touchés par ces démolitions, étant considérés comme «noyaux malade» de la ville due à l’insalubrité des logements et leurs statuts juridiques mal déterminés.


Aujourd’hui, une véritable Tabula Rasa des gecekondu a lieu au profit de spéculateurs fonciers voulant mettre en valeur ce sol par des constructions immobilières, touristiques ou culturelles. Si certains habitants des gecekondu ont eu accès à la régularisation de leur statut et à un titre de propriété, la plupart ont du - ou doivent encore aujourd’hui - faire face à l’expropriation brutale vers les périphéries dans les grands ensembles TOKİ. L’éviction brutale de ces familles modestes, véritable destruction de leur cadre de vie, les délocalise loin de leur travail, de leurs connaissances, de leurs lieux du quotidien et des espaces de solidarité. Elles doivent alors survivre face à un endettement rapide après leur installation dans ces tours cloisonnant les ménages qui ne disposent pas des moyens suffisants pour payer leur logement. Tandis que la destruction de ces « noyaux malades » est belle et bien mise en marche, ces compositions urbaines riches en cultures, restent pourtant à l’image du caractère cosmopolite et chaotique qui font le charme d’Istanbul. Détruire les gecekondu revient à empêcher la multitude d’alternatives de modes de vie pour un ensemble homogène et standardisé tendant vers un modèle moderne analogue et sans couleurs.

_ Évolution et standardisation des modes de vie

C’est à partir du milieu des années 1980 avec la mondialisation, qu’a débuté de façon très significative le processus de transformation d’Istanbul, aussi bien physiquement que socialement. Avec le développement économique, l’augmentation du capital, ou encore du tourisme, la ville a vu naître ses premières Gated Communities, ses complexes hôteliers haut-de-gamme, ses complexes touristiques, et ses premières tours de bureaux. Ces événements ont également provoqué le phénomène de gentrification de certains anciens quartiers. Istanbul a également commencé à épingler des images du monde consumériste sur des panneaux publicitaires et dans les vitrines de ses magasins. Les différents flux de capitaux à l’international, les échanges de services, de commodités et d’images sont désormais rendu visibles. A travers cela, la transformation sociale a commencé. 61


> Fig. 15 : Évolution des modes de vie vers le modèle moderne. (page suivante)


Istanbul se trouve aujourd’hui dans un contexte économique très favorable, en plein essor et en cours de modernisation. Cependant, il paraît important de souligner la perte de certaines qualités de vie par la mise à l’écart des habitus culturels et traditionnels au profit de nouvelles habitudes « modernes », synonymes de réussite sociale. Du fait d’une trop grande importance donnée à la modernisation perçue comme nécessité, on assiste à une homogénéisation des modes de vie et un fort détachement par rapport aux pratiques de vie habituelles et par définition non modernes. En un sens exagéré et dans un schéma extrême, le cadre de vie et les habitudes que celui-ci engendre (si l’on prend en image mentale schématiquement l’appartement IKEA) ne différera bientôt que peu entre un foyer habitant dans un nouvel immeuble à Şişli et un foyer habitant dans un immeuble à Grenoble.13

Plus particulièrement si l’on revient à la culture de l’habiter traditionnelle en Turquie, et les qualités de vie que celle-ci entraîne, on s’aperçoit que l’espace extérieur apparaît comme un élément essentiel à la vie sociale d’une communauté. C’est à partir de ces espaces intermédiaires qu’a lieu la vie sociale d’un quartier et le lien entre les individus. Les nouveaux extérieurs construits par les projets de la transformation urbaine d’Istanbul, dits « modernes », ne sont souvent utilisés que pour une organisation des différents flux et des circulations, ou existent par défaut à cause des hauteurs des bâtiments. L’espace extérieur n’a désormais plus de valeur, de fonctions ni de qualités sociales.

13. Cf : Comparaison des qualités spatiale et d'usages entre lestours de logemetns TOKI et les gecekondu. Annexes, p.339

63




Contexte urbain aux alentours de Kuştepe.

En fond, la plus haute tour d'Istanbul à ce jour, la tour Sapphire.

Notre intérêt pour Istanbul est né de plusieurs caractéristiques uniques telles que son histoire incomparable, son magnifique chaos, et sa composition cosmopolite. Par l’étude de l’évolution d’Istanbul, la composition de la population stambouliotes de Byzance à aujourd’hui, les conquêtes politiques et religieuses qui la façonnent et la compréhension de la complexité urbaine de la métropole, nous pouvons à présent porter un intérêt plus particulier sur les gecekondu. Cette forme d’habitat spontané unique en Turquie et plus particulièrement dans les grandes métropoles du pays nous semble rassembler tous les éléments caractérisant notre envie de travailler sur Istanbul. Le gecekondu est né d’une multitude de différences, d’origines géographiques, de modes de vie. La synthèse de cette hétérogénéité est la création informelle et ingénieuse d’un ensemble cohérent malgré sa forme complexe, riche en espaces solidaires, intimes ou partagés, et donne lieu à des quartiers dynamiques par ses relations sociales. Nous concentrerons alors notre travail sur les qualités qu’apportes les gecekondu dans l’espace urbain stambouliote, et porterons un regard plus attentif sur cette forme d’habiter et les modes de vie qui l’accompagnent.

<




II. LE GECEKONDU, L’HABITAT INFORMEL À ISTANBUL Un type d’habitat riche en qualités spatiales, porteur d’une culture d’habiter.





IMMERSION HIVERNALE Pour comprendre les enjeux de l'habitat informel et des quartiers spontanés à Istanbul, nous avons effectué un voyage d'études de 3 semaines à Istanbul. Cela permet d'inscrire ce travail et de mener une réflexion dans le contexte actuel, avec toute sa complexité urbaine. Ce temps in-situ a permis la découverte d'une culture et d'un environnement différents, mais aussi l'observation de modes de vie et d'un quotidien particuliers. Notre présence tout au long de ces vingt et un jours à Istanbul, de part la langue et au fil des « çay » quotidiens, ont permis un travail en immersion dans le contexte choisi. Malgré une météo défavorable avec des tempêtes de neige accompagnées de vent glacial, les premiers jours du séjour ont été consacrés aux visites de sites, à la découverte des gecekondu choisis au préalable. Quelques jours plus tard, lorsque le soleil avait effacé toutes traces de neige, une deuxième visite de site à été menée pour effectuer quelques relevés de terrain. Quelle surprise de découvrir ce nouveau visage du gecekondu, qui paraissait dévoiler tout son caractère, et tant de choses que nous n'avions pas remarquées la première fois, probablement enfouis sous le voile blanc neigeux. Le retour des visites pour une mise au propre des différents relevés et des échanges entre nous, ont pris place dans un cadre aussi exceptionnel qu’unique, à Pencere. Ce cadre de travail à la vue imprenable sur Istanbul et le Bosphore, a contribué à l'effervescence et la réflexion autour du projet.



II.1. LECTURE IN SITU DE TROIS GECEKONDU POUR C O M P R E N D R E L A C O M P L E X I T É D E S Q U A R T I E R S S P O N TA N É S :

Ş İ R İ N T E P E , B E Ş İ K TA Ş , K U Ş T E P E

75


PENCERE

> Fig. 16 : Trois sites potentiels implantés sur différentes ceintures de la ville.

Nos déplacements quotidiens lors du voyage d’études à Istanbul. Une traversée de diffférents fragments de la ville depuis la péninsule historique et plus particulièrment le local de Pencere, un nid sur les toits stambouliotes, idéal pour mettre à profit nos découvertes In Situ.


< Habitat spontané

à Kuştepe. (page précédente)

© Maria Thébault, février 2015

La découverte et les analyses de trois quartiers informels choisis dans la métropole stambouliote, ont été une étape primordiale pour relever et révéler les différentes qualités présentes dans les gecekondu. La comparaison des ressemblances et des divergences des trois lieux a permis de mieux comprendre les points d'intérêts, les nombreux caractères, et l'organisation spatiale en adéquation avec les modes de vies des habitants. Les sites, différents et spécifiques selon leurs implantations, leurs morphologies et leurs origines, ont tous une particularité qui leurs sont propres.

_ Des situations urbaines différentes dans le territoire métropolitain. Les trois sites s'inscrivent dans des contextes urbains différents à l'échelle du territoire métropolitain stambouliote. De superficie variée et habités par différentes populations, les sites d'analyses choisis se situent dans les quartiers de Beşiktaş, Kuştepe, et Şirintepe. Beşiktaş est au plein coeur de la ville, Kuştepe à la première périphérie et Şirintepe sur la deuxième périphérie. En premier lieu, le site le plus surprenant, datant des années 1970, se situe à Beşiktaş, proche du Quartier de Nişantaşı, à trois kilomètres au Nord-Est de la place Taksim. Il se place dans un contexte urbain dense et singulier -en cœur d’îlot dans un quartier au centre de la ville- dans une zone résidentielle de classe sociale plutôt élevée. Il dispose de tous les services de proximité, dont le marché, et il est à quinze minutes à pied du port. Ce gecekondu regroupe 40 logements et s'étend sur 6 900 m² . 77


BEŞIKTAŞ . Construit en 1970's . 40 logements . Contexte centre urbain en coeur d’îlot . 3 km de Taksim

KUŞTEPE . Construit en 1970’s . 170 logements . Contexte urbain, proche de noeuds de transports . 6 km de Taksim

ŞİRİNTEPE . Construit en 1950's . 80 logements . Contexte péri urbain en transformation . 10 km de Taksim


Le deuxième site, Kuştepe, s’inscrit également dans un tissu urbain particulièrement étroit à la lisière entre les quartiers de Hamidiye et Şişli. Le périmètre urbain de Şişli-Mecidiyeköy est particulièrement intéressant dans la lecture des soixante dernières années de transformation urbaine qu'a connue Istanbul. Aujourd’hui, ce pôle fait office de point stratégique de la ville de par son nœud de transports - regroupant le métro et le metrobüs à trois arrêts de la rive asiatique - et la présence de centres d’affaires, de bureaux, d'universités - telle Bilgi Universitesi - et divers services. Şişli est l’une des vertèbres de la colonne financière historique d’Istanbul, allant du premier quartier commercial de Pera au Sud jusqu'au nouveau centre d'affaires de Maslak au Nord, à équidistance de Taksim (à six kilomètres au Sud) et Levent (à six kilomètres au Nord-Est). Le gecekondu est entièrement entouré de zones résidentielles des classes moyennes et moyennes-hautes. Du fait d’un contexte urbain complexe, et malgré le fait que le gecekondu a été légalisé, le site de Kuştepe est soumis à une pression foncière importante, et le site est grignoté petit à petit par la construction d'apartman. Une transformation urbaine déjà en cours, puisqu'au fil des visites successives du site, certaines maisons avaient été remplacées par les fondations des nouvelles constructions. A la dernière visite, le gecekondu comptait 164 logements, réparti sur 13 700 m². Enfin la troisième visite nous a amenés sur le site de Şirintepe se situant à Şeyrantepe dans le quartier de Kağithane à dix kilomètres au Nord de la place Taksim. Ce gecekondu est apparu dans les années 50, c’est le plus vaste des trois étudiés, il se déploie sur 21 500 m². Il s'implante dans un contexte périurbain de zone résidentielle de classes moyennes, entre une zone forestière et le grand axe routier - Barbaros Caddesi. Ce gecekondu longe ce boulevard Barbaros qui est à double sens, et plusieurs ruelles perpendiculaires à celui-ci desservent les habitations en amont. Ce site de 80 logements voit son existence mise en péril, dans un quartier en pleine transformation urbaine par TOKI et ses opérations de «logements sociaux». La moitié de ce gecekondu a déjà été remplacée par des constructions TOKİ dans sa partie Est. 79


Sirentepe

Pleins

BEŞIKTAŞ

Beşiktaş

KUŞTEPE N

Comparaison morphologique

Kuştepe

0

20 40

Pleins

Sirentepe

Beşiktaş

ŞİRİNTEPE

Kuştepe Sirentepe

ŞİRİNTEPE

Pleins

> Fig. 17 : Comparaison morphologique.

Kuştepe

80m


Vides

Seuils

Vides

Seuils

Vides

Seuils N

Comparaison morphologique

0

Pleins

20 40

80m


Beşiktaş

Kuştepe

Şirintepe

> Fig. 18 : L'implantation et la morphologie des site étudiés en fonction de leur topographie respective.

L'implantation de gecekondu étudiés induit des morphologies spécifiques pour un meilleur rapport à la pente. La page suivante démontre le lien entre l'implantation selon la topographie et les classes sociales.



Logement haut-de-gamme


_ Des contextes topographiques particuliers pour des implantations caractéristiques. Au-delà des contextes urbains différents de ces 3 gecekondu, il a semblé intéressant d'étudier la morphologie des trois quartiers selon la topographie de chacun des sites. Le gecekondu enclavé en cœur d’îlot de Beşiktaş et entouré de hauts immeubles, s’inscrit dans une géographie particulière avec un dénivelé de dix huit mètres. Implanté en contre bas de la rue, ce gecekondu est une impasse, et le stationnement des véhicules à son entrée de site, indique la privatisation. Les habitations s’implantent en parallèle à la pente et s'organisent en terrasses successives. S’élevant rarement à plus d’un niveau, ces maisons sont séparées par de petits passages de 50cm à 1,2m de large, servant soit de circulation, soit d'espaces de stockage. De petits jardins sont disposés entre les habitats. Le site de Kuştepe s’étend sur plusieurs îlots et s’inscrit dans un fond de vallée à l'interstice des quartiers de Şişli et Hamidiye. A la différence du gecekondu de Beşiktaş, c'est l’implantation des maisons en fonction de la pente et leur imbrication dense qui font la caractéristique du lieu. Trente mètres de dénivelé entre le bas du site et le haut du site, engendrent des maisons de un à deux niveaux, dont l'entrée est marquée d'un escalier ou d'un seuil. Depuis le haut du site, le champ visuel est dégagé, incitant à la déambulation à travers ces rues colorées. On remarque également que les habitations sont plus petites que celles de Beşiktaş et les sanitaires se situent le plus souvent en dehors des logements. Un élément qui laisse à penser que la situation des habitants de ce gecekondu est plus précaire que celle des habitants du gecekondu de Beşiktaş. Aussi, en comparaison aux autres sites, la proportion du vide en rapport au plein est plus faible. Ces espaces extérieurs de part leurs proportions moindres sont investis de manières différentes, puisque même la rue sert de stockage. Enfin, les habitats du gecekondu de Şirintepe, s’organisent en une architecture spécifique au lieu. Cela est dû à la pente et à son dénivelé de dix mètres, où les habitations s'organisent en terrasses, où chacun à sa cour ou son balcon au niveau du toit de la maison inférieure. Cet espace extérieur, dans la continuité des maisons, devient un espace de vie l'été, où est facilement imaginable la fraîcheur qu’apporte les arbres 85


ou pergolas couvertes de végétaux. Les espaces entre les maisons sont suffisamment vastes pour que chacune dispose d’un jardin et d’une terrasse, c'est sur ce site que la proportion du vide en rapport au bâti est la plus importante des trois sites. Cet espace libre entre les maisons et les divers accès, invite à déambuler à travers le site. L'espace vert à l'arrière du site ouvre le champ visuel. A la suite d'une analyse effectuée lors des premières visites, une monographie urbaine plus précise, réalisée sur deux sites, permet de mettre en valeur les différences typologiques et les diverses organisations spatiales d'un quartier selon les origines migratoires des ses habitants.

RAJOUTER COUPE DANALYSE DE GHANI SUR SIRINTEPE


> Fig. 19 : Coupe analytique des espaces d'entre-deux à Kuştepe.

L'imbrication des logements due à la topographie trés en pente de ce site, induit des espaces réduits entre les habitations. La dimension de ces interstices génère des usages spécifiques.


> Fig. 20 : Coupe analytique des espaces d'entre-deux de Şirntepe.

Par une organisation en terrasses, l'espace extérieur est à la continuité du logement. Des escaliers traversant le logement du bas du site à ses hauteurs permettent l'accès aux logements.


> Fig. 21 : Coupe analytique des espaces d'entre-deux à Beşiktaş.

L'espace extérieur entre les habitations basses de Besiktas permettent, pour les plus étroits d'accéder au logements, mais la plupart sont utilisé comme lieu de stockage ou des des espaces plus intime par la végétation qui les protège.


Şirintepe

Kuştepe

> Fig. 22 : Monographie des couleurs et des sols.

L'ensemble des monographies urbaines dans ce mémoire ont été complétées par les photographies prises lors les visites de site.


_ Des origines migratoires multiples composant une monographie urbaine singulière. La nomenclature réalisée sur les sites de Şirintepe et Kuştepe permet de noter les différentes typo-morphologies des gecekondu selon les populations qui les habitent. Ces populations entraînent avec elles au fil des migrations et des générations, diverses cultures d'habiter, d'habitudes de vie qui ont des conséquences directes sur l'organisation spatiale de leur cadre de vie. Une influence notable aussi bien à l'échelle de l'habitat que dans la lecture d'ensemble d'un quartier. Le premier élément visible que constituent les façades indique dès les premiers pas dans le gecekondu une population aux origines migratoires singulières. Les façades très colorées qui animent l'atmosphère du gecekondu de Kuştepe, participent de la particularité du lieu. A la suite de quelques échanges avec des habitants du quartier, il est apparut que certaines familles ont des origines arméniennes, d'autres kurdes de Bitlis ou encore des migrants de Kayseri en Anatolie centrale. Cependant tous font partie de la communauté des Romanları Insanları, la population Tzigane turque. Dans un second temps, la nature du sol des différents sites indique également le niveau de pauvreté des lieux. Bien que Kuştepe se situe au cœur d’un tissu urbain dense proche des quartiers des affaires, par endroit les voies sont composées de terre battue. A l’inverse à Şirintepe, la majorité des voiries du gecekondu ont été récemment goudronnées en parallèle de la transformation urbaine en cours. 91


Ĺžirintepe

KuĹ&#x;tepe

> Fig. 23 : Monographie des toitures.


Şirintepe

Kuştepe

> Fig. 24 : Monographie des cheminées.

Les toitures et l’orientation des cheminées des poêles permettent également de penser que les habitants de Kuştepe sont dans une situation plus précaire que ceux de Şirintepe. Les toits du gecekondu de Şirintepe sont construits avec des matériaux solides, « en dur » tels la tôle ou la tuile, contrairement aux toitures de Kuştepe assemblées en majorité avec des matériaux de récupération, tel des bâches. Les cheminées, positionnées à la verticale au milieu des habitations de Şirintepe, montrent que la surface des logements est plus importante que celle des logements de Kuştepe où les poêles se situent plus en bordure des logements et leurs conduits ressortent sur les façades des maisons par le biais d'ouvertures sommaires faites dans les murs. L'insalubrité et les conditions de vie précaire des habitants de Kustepe sont accentuées par la présence systématique des sanitaires à l'extérieur des habitats. 93


Ĺžirintepe

KuĹ&#x;tepe

> Fig. 25 : Monographie des portes.


Şirintepe

Kuştepe

> Fig. 26 : Monographie des fenêtres.

La comparaison des portes et des fenêtres confirme une différence de moyens financiers entre les deux communautés. Les ouvertures des habitats de Şirintepe sont de réelles portes d’entrées, avec parfois des fenêtres neuves, protégées de grilles métaliques. A contrario, les ouvertures du site de Kuştepe se composent systématiquement de portes ou de fenêtres de récupération, assemblées aux façades à l'aide de moyens sommaires. Ainsi, une porte de chambre tapissée fait office de porte d'entrée, et une double fenêtre sert de porte fenêtre. Aux couleurs et à l'hétérogénéité des ouvertures, s'ajoutent de nombreux assemblages de différents matériaux de construction (parpaings, différentes briques pleines rouges, éléments en bois, béton, faïence...). Ce chaos, provoqué par un excès de différentes textures, couleurs et matières, ajoute une dynamique de mouvement singulière à ce gecekondu. A Şirintepe, ces ouvertures se composent dans un ensemble où les façades ont un revêtement uni. Cette combinaison apparaît plus discrète que la composition des façades du gecekondu de Kuştepe. Enfin, suite aux relevés in-situ des dispositifs et des marqueurs d’usages, la gradation de l'espace partagé à l'espace intime est séquencée par des éléments de protection, des retraits de jardins, de cours ou de seuils à Şirintepe. Les éléments de stockage sont rarement disposés en extérieur. A l'inverse, du fait d’habitats plus petits et d'une organisation plus dense à Kuştepe, cette même gradation s’organise plus souvent autour de différences de niveaux, de chicanes, d’éléments de protection ou de seuils au double rôle - servant de dispositifs d’entrée et de stockage. 95


> Fig. 27 : Combinaison spontanée des dispositifs et marqueurs d'usages. Exemple de Kuştepe (gauche) et Şirintepe (droite).





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Une variété de combinaisons de dispositifs pour des usages multiples. Gecekondu de Kuştepe © Sarah Morel Jean, février 2015

A l’heure de la transformation urbaine sans précédent que connaît Istanbul, et de la banalisation de la construction d’immeubles s’inscrivant dans une logique ni intelligible ni viable, il semble important de s’intéresser à ces délaissées urbains que sont les gecekondu. Ces zones rejetées par la ville et ignorées par les autorités semblent pourtant contenir des qualités aussi bien spatiales que sociales. A l’inverse, les nouvelles constructions, sous la direction du gouvernement en fonction et soutenant les constructeurs tels TOKI ou KIPTAS, ignorent les modes d’habiter des personnes auxquelles elles sont destinés. L’un des premier enjeu, est donc de mettre en valeur les qualités, les potentiel des quartiers spontanés et justifier leur importance et leur légitimité à exister est l’un des enjeu majeur de ce travail. L’architecture considérée comme discipline ayant une influence sur d’autres domaines, social ou politique, comprend aussi les petits éléments fonctionnant en système dans un contexte global. Au travers d’un intérêt porté à l’existant et sa valorisation, la posture adoptée et la réflexion menée tout au long de ce mémoire va à l’inverse des logiques des politiques urbaines actuelles d’Istanbul, afin de proposer une réponse alternative aux constructions de logements sociaux actuels.


II.2. LA COMPRÉHENSION DES LOGIQUES S PAT I A L E S D U G E C E KO N D U

101



103



<

Le seuil d'entrée, lieu de rencontre quotidiennes

© Sarah Morel Jean, février 2015.

< Appartkondu à Kuştepe.

© Maria Thébault, février 2015.

_ Une définition controversée de l’habitat informel. Pour mieux comprendre le contexte dans lequel s'inscrit ce projet, il est essentiel de préciser la signification du mot gecekondu. La question complexe du terme-même « gecekondu » est l'objet d'études à part entière. C'est pourquoi nous nous sommes aidés, entre-autres, du travail de Jean-François Pérouse, et plus particulièrement de sa publication "Les tribulations du terme gecekondu (1947-2004) : une lente perte de substance"14 pour expliciter notre définition du gecekondu. Celle-ci sera appliquée à l'ensemble de ce projet de fin d'études et de ce mémoire.

14. PEROUSE Jean François, Les tribulations du terme Gecekondu (1947-2004) : une lente perte de substance, Istanbul, 2004.

En premier lieu, le gecekondu peut être défini selon trois angles différents. Celui typologique, sociologique et juridique. Traduit littéralement du turc, "gecekondu" signifie "posé de nuit". Ces habitats sont auto-construits dans l'urgence, initialement de manière illégale, par leurs futurs occupants, avec des moyens souvent limités et des matériaux de récupération. Sous l'aspect typologique, on définit un gecekondu comme une construction basse, sommaire et précaire, le plus souvent ne dépassant pas le niveau du rez-de-chaussée. Pour comprendre l'aspect sociologique des gecekondu, il important de rappeler l'histoire d'Istanbul à partir des années 1940 et un contexte alors favorable au développement du secteur industriel ayant engendré les premières vagues de migrations. Les premiers gecekondu apparaissent dans les années 1945-1950 au moment de la croissance démographique soudaine due à ces premières migrations. Les habitants des gecekondu sont donc majoritairement les migrants des différentes régions de l'Est du pays, de la mer Noire, ou d'Anatolie Centrale. Le gecekondu apparaît donc comme une construction d'urgence au départ qui s'est « pérennisée » au fil du temps. Aussi, si les migrants ayant construit les premiers gecekondu ont bénéficié d'une conjoncture favorable, en plein développement industriel, les générations futures, se sont trouvées face à des problèmes de chômage bien plus importants à partir des années 1980 avec l'essor du secteur tertiaire et la désindustrialisation d'Istanbul. Les habitants des gecekondu sont le plus souvent les populations les moins favorisées, aux conditions de vie précaires et aux situations sociales difficiles.

105


Enfin, le gecekondu se défini par le statut du sol qu'il occupe. En effet au moment de l'apparition des premiers gecekondu les migrants s'installaient sur des terrains vierges, des terrains militaires ou appartenant à l'Etat, de façon illégale. Parfois des accords, étaient conclus entre migrants et autorités locales; des procédures souvent fragiles, ne garantissant aucun droit à la propriété ni droit d'occupation du sol aux migrants. Aujourd'hui les questions du foncier, de la propriété ou du droit d'occupation des sols des gecekondu, qui déterminent leur légitimité à exister, restent source de nombreux conflits entre habitants, autorités, investisseurs ou promoteurs. Dans le cadre de ce projet de fin d'étude, nous soulignons la complexité de cette problématique juridique dont nous avons pleinement conscience, mais pour rendre plus riche la réflexion et la proposition architecturale nous choisissons de ne pas la prendre en compte. Outre son statut juridique mis de côté comme expliqué ci-dessus, nous définirons le gecekondu comme une construction d'urgence, temporaire au départ, qui s'est pérennisé au fil du temps. Un habitat auto-construit, bas et précaire, occupé le plus souvent par des populations pauvres, marginalisées, des migrants, des familles issues des premiers migrants d’Istanbul des années 1940-1950. Aujourd'hui, peu de nouveaux gecekondu se construisent dans la métropole stambouliote mais il est à noter que les gecekondu abandonnés sont investis par des populations mise à l'écart d'origine kurde ou des réfugiés de guerre arrivants de Syrie. À noter : Le terme « gecekondu » a été définit à l'échelle d'une habitation. Néanmoins, ce terme peut également être utilisé dans une lecture urbaine plus large pour définir un quartier. En ce sens, le« gecekondu de Kuştepe » renvoi à ensemble urbain, un quartier composé de ces habitats spontanés et informels et habité par des populations fragiles au plan social. 106


> Fig. 28 : Évolution horyzontale et verticale du gecekondu.

_ Le caractère évolutif du gecekondu au fil des générations

15. Cf : Étude- de références de logement évolutif, Prévi. Annexes, p.339

La définition du gecekondu étant désormais acquise, il est important de souligner son caractère évolutif. En effet, les premiers gecekondu ont été édifiés le plus souvent dans l’urgence de construire un abri plus qu’un habitat viable dans le temps. Souvent, les premiers gecekondu abritaient une pièce principale faisant office de séjour comme de chambre. La cuisine et les sanitaires jouxtaient cette pièce à l'extérieur. Au fur et à mesure, aussi bien des moyens disponibles que de l'agrandissement des familles, les habitants des gecekondu développent leurs maisons. Ces extensions se traduisent le plus souvent par un développement horizontal de l'habitat et l'addition de pièces supplémentaires ou d'intégration des sanitaires et de la cuisine à l'intérieur du logement.15 Dans le cas d’une topographie plus marquée et selon les savoir-faire des habitants, ces constructions s'agrandissent à la verticale avec l'addition d'un étage. Dans un temps plus long, mobilisant des moyens financiers et matériels plus importants, les quartiers informels ont vu apparaître une nouvelle typologie d’habitats auto-construits: l’apartkondu. Ce type d'habitat correspond à des immeubles à étages, au maximum de quatre ou cinq étages, parfois non-achevés. 107


_ « Noyaux malades de la ville », des strates urbaines en voie de disparition et des populations ignorées. De part le contraste esthétique existant entre les immeubles construits depuis les années 1980 à Istanbul et les quartiers informels de gecekondu et apartkondu, ces derniers sont perçus comme des «noyaux malades» de la ville qu’il faut indéniablement et rapidement détruire aux yeux des autorités. Cependant, l’insalubrité de ces quartiers n’est pas le seul argument justifiant la course à leur démolition et fait parfois office de prétexte pour accélérer ces destructions. En effet, bon nombre des gecekondu, au moment de leur formation, se trouvaient en dehors de la ville ou à sa périphérie. Avec le développement accéléré de la ville à partir des années 1975-1980, ces quartiers spontanés se sont retrouvés en cœurs urbains ou pris dans les nouvelles périphéries. En rappelant la proportion de 20% de la population turque habitant Istanbul - c’est à dire sur 1% du territoire du pays – la question foncière entraînant la spéculation des prix des terrains vacants, peu densifiés et au statut légal fragile se pose inévitablement. Dans ce sens, les quartiers informels à très faible densité en hauteur dérangent les autorités dans le schéma de densification extrême qui rythme la transformation urbaine stambouliote actuelle. Aussi, pour justifier la nécessité de détruire entièrement ces quartiers, les autorités s'appuient sur la problématique sismique prise plus en considération depuis le tremblement de terre dévastateur de 1999, en déclarant ces zones trop fragiles face aux risques de tremblement de terre. Les quartiers informels sont, en effet, souvent établis sur des terrains fragiles et instables, plus exposés lors d'un séisme. Il est à noter cependant que, durant des années, le secteur de la construction n’a fait preuve d’aucun contrôle anti-sismique, et en cela, bien des immeubles paraissent d’autant plus fragiles face à cette problématique aujourd’hui à Istanbul. La dangerosité de l’effondrement d’un gecekondu est à mettre en perspective face au danger de l' effondrement d'immeuble. Enfin, l’aspect social de ces « noyaux malades » est, le plus souvent sinon toujours, nié par les autorités. Il semblerait que les habitants de ces gecekondu ne fassent pas partie de la société stambouliote. Effectivement, la situation des habitants de ces quartiers est souvent précaire, le chômage y est très présent, notamment suite à la désindustrialisation de la métropole, et le taux de scolarisation y est faible. Les habitants sont souvent -sinon chômeurs- vendeurs de fleurs ou de moules préparées, ramasseurs, trieurs et recycleurs de déchets. Par ailleurs, les gecekondu sont habités la plupart du temps, par des 108


minorités stigmatisées qu’elles soient kurdes, tziganes ou de confession alévi. Un fait qui participe de la difficulté de l'acceptation de ces populations par la société. Les autorités ne voyant aucun bénéfice direct de ces habitants dans le développement d’Istanbul, elle les expulse et les déplace à des kilomètres de leur lieu de vie initial, dans des logements appelés sociaux construits par les compagnies TOKİ ou KİPTAŞ. Des solutions de relogement souvent temporaires et non viables puisque ces populations n’ont pas les moyens d’acheter ces appartements. C’est à l’addition de tous ces éléments que les autorités estiment les gecekondu comme des «noyaux malades» d'Istanbul. N’apportant, aucune plus-value à la ville, tant du point de vue rentable, esthétique, qu’humaine, ces zones n’ont plus lieu d’être selon les autorités. Il y a là une vrai déchirure sociétale et un profond désintérêt de la part de la population stambouliote face à ce problème et à cette situation critique. 109


> Fig. 29 : Coupe sociologique de Kağıthane au Bosphore en passant par Şişli, 60ans d'urbanisme.




< Vue de

Şişli, depuis Mecidiyeköy, le quartier d'affaire de Levent en arrière plan.

© Maria Thébault, septembre 2013.

_ Les gecekondu dans la fragmentation urbaine, reflet de la ségrégation sociale. Le quartier de Şişli-Mecidiyeköy laisse apparaître une lecture signifiante des soixante dernières années d'urbanisme d'Istanbul. La séquence urbaine depuis la vallée de Kağıthane jusqu'à Şişli, permet de mieux comprendre la place des gecekondu dans l'urbanisation précipitée de la mégalopole depuis son industrialisation. C'est entre 1945 et 1950, au moment de l'implantation des premières industries et des quartiers informels habités par la main d'œuvre dans la vallée de Kağıthane qu'à commencé l'urbanisation de cette zone. C'est à partir des années 1965 avec la progression, au Nord, à Şilşli du pôle économique central d'Istanbul et, par la suite, avec la construction du premier pont sur le Bosphore en 1973 que ce sont développées les rives du Bosphore, habitées par des classes sociales élevées et les versants des collines à partir de Kağıthane investies par des classes sociales basses ou moyennes. Les zones industrielles s'implantaient dans les plaines; c'est pourquoi les quartiers de gecekondu se situent majoritairement dans les fonds de vallées humides. Du fait de la fragilité des terrains de ces vallées, les classes sociales élevées préféraient s'installer sur les collines sur les bords du Bosphore, profitant ainsi de terrains plus stables et d'une meilleure position géographique dans la ville. Dès la fin des années 1980, la construction des réseaux autoroutiers et en 2000 la mise en service du premier métro de la place Taksim jusqu'à Levent -centre financier- ont participé à la formation d'un nœud urbain comprenant services, transports et commodités à ŞişliMecidiyeköy. L'apparition de ce nouveau point stratégique de la ville a entraîné en parallèle une forte urbanisation visant les classes sociales moyennes et élevées autour de ces différents axes. A l'exemple de cette coupe séquencée, les gecekondu et les classes inférieures se situent majoritairement dans les corridors humides industriels à l'image du quartier de Kuştepe ou de Şirintepe. Les classes moyennes-supérieures s'installent autour des nouveaux axes de transports et des axes financiers tels Şişli ou Maslak, alors que les classes supérieures vont habiter sur les terrains les plus stables et les mieux exposés sur les rives du Bosphore à l'exemple des quartiers d'Ortaköy ou de Bebek. 113


1946

1982

KAGITHANE 1946 124 m

73 m

7m

> Fig. 30 : Coupe sociologique de Kağıthane à Şişli, Ségrégation sociale.

1966


1966

2000

SISLI 1982

gecekondu

1966


> Fig. 31 : Affiche officielle d'ouverture d'un nouvel espace résidentiel par IBB - Municipalité du Grand Istanbul. Traduction : " Renouvelons Istanbul ! Une transformation urbaine axée sur le tremblement de terre. Célébration de la remise des clés de 731 logements après la démolition de 16 045 logements et 3277 espaces de bureaux."


_ Une culture d’habiter du parc immobilier.

fragilisée

par

le

renouvellement

Malgré les conditions défavorables liées au positionnement des gecekondu dans les vallées humides de la mégalopole d'Istanbul, ces quartiers concentrent une multitude de qualités spatiales, sociales et humaines qu'il est essentiel d'expliciter et de valoriser. Selon l'approche humaine, il est possible d'illustrer ces qualités par la remarquable organisation, et de ce fait, la cohésion de ces échantillons urbains. Les différentes associations d’habitants créées à partir des années 1960, lors des migrations, ont participé à la création d’un sentiment d’appartenance et de confiance des habitants par rapport à leur quartier et ont permis le développement aussi singulier que précieux, de l’imece dans les gecekondu. L’imece, pouvant être traduit comme « entraide » ou « collaboration », correspond à une solidarité spécifique présente dans ces quartiers d’habitats informels. Une valeur à laquelle les habitants portent une attention particulière. Cette solidarité va au-delà du principe de l’aide de son voisin et devient un réel moteur d’organisation spatiale d'une communauté, certains gecekondu s’organisent autour des rues de migrants venant de Sivas, de la mer Noire ou de l’Est de la Turquie, dans un souci de cohésion du vivre ensemble. Cette solidarité est l’un des aspects particuliers distinguant le mode d’habiter dans les habitats informels de ceux d’autres typologies d’habitat. L’imece existe entre les habitants des gecekondu mais n’existe pas chez les habitants des nouveaux immeubles. On peut également noter le paradoxe existant entre la volonté d’accéder au mode de vie dit «moderne» dans un appartement et de ce fait la perte non négligeable d’une certaine qualité de vie qui n’est pas mise en valeur mais bien présente dans les gecekondu. Intégrer un appartement dans un immeuble est souvent perçu comme signe de réussite et d’ascension sociale de la société moderne actuelle. Un phénomène accentué par la publicité et les discours des deux principaux promoteurs TOKI et KIPTAS, soutenus par le gouvernement, prônant une qualité de vie sans pareils. Sous prétexte d’une modernisation nécessaire et inévitable pour le bien de chacun, des besoins créés par les différentes émissions télévisées faisant la promotion d'un « schéma type » permettant l'accès à des conditions de vie très confortables au 117



< Şirintepe en 2015 Une culture d'habiter en perte face au renouvellement du parc immobilier.

travers de l’acquisition d’un appartement en cité fermée ou de villa en gated communuty participent de l’homogénéisation des envies des habitants et de la perte de conscience des qualités existantes dans l’organisation spatiale des quartiers spontanés. Or, la forme urbaine, c’est à dire l’agencement morphologique non planifié qui émane des quartiers informels, a de fortes influences relationnelles et sociales au sein d'une communauté. Les espaces extérieurs créés par l'implantation des constructions sont soigneusement préservés et généreusement investis par leurs habitants car ils sont le facteur premier d’une cohésion de quartier. Ce sont ces interstices qui génèrent différentes dynamiques et différentes intensités d’interactions et d’échanges. Aucune de ces qualités ne sont retrouvées dans les nouveaux habitats construits à la place des gecekondu. Dans ces nouveaux immeubles composés d'appartements identiques, les seuls espaces extérieurs n’ont que très peu de qualités car ils sont dédiés au stationnement et aux circulations. Ces constructions aux proportions démesurées, hors échelle humaine, ne laissent place à aucune appropriation ou usages spécifiques. L’échange, présent dans les gecekondu, disparaît tout comme l’espace pour une quelconque interaction et vie sociale. Une perte de vie sociale est une perte de qualité de vie non négligeable. Dans les nouveaux immeubles, les seuls espaces où l’échange est possible sont les couloirs ou les cages d’escaliers: des espaces peu attractifs et vides de qualités. La modernité qui apporte réellement une meilleure qualité de vie dans ces logements se traduit par les raccords aux différents réseaux, par une bonne isolation ou encore par la surface des appartements. Les constructeurs de ces nouveaux logements ont une vision de la qualité de vie qui défend bien plus l'intérêt de chacun dans une vision individualiste du « confort moderne ». Au contraire, les quartiers informels que constituent les gecekondu, au-delà d'un confort individuel insatisfaisant aujourd'hui, nourrissent une vie en communauté, laissant place à l'échange et l'imprévu. En ce sens, ces organisations spatiales permettent une qualité de vie plus riche et essentielle pour le développement de chacun et l'équilibre de tous dans une vie en société. 119





UNE RENCONTRE SPONTANÉE, HAUTE EN COULEURS ET EN SURPRISES. La première visite de Kuştepe a été des plus surprenantes. Une découverte sous le signe du parcour et de la rencontre. Traverser Istanbul sous une tempête de neige est déjà en soi une aventure peu commune et amusante, de quoi se plonger dans une atmosphère particulière à la découverte d'un lieux inconnu dont ont nous averti de ne pas trop s'y aventurer. Des premiers pas intrigués, nos yeux curieux balayant ce spectacle urbain entre les flocons. Un plus loin, une multitude de couleurs, tel un champ de fleurs recouvert d'une fine couche de givre. Soudain, un premier contact humain, des échanges de regards confus, incompris presque. Et un premier face à face, curieux et un peu méfiant. Puis des sourires et une invitation à la découverte des rues du gecekondu de Kuştepe. Au fur et à mesure des pas fragiles, une envie de regarder, observer ce qui entoure le corps malgré les yeux attentifs au goudron glissant. Nous sommes quatre, puis quelques mètres plus loin nous sommes presque dix, rejoint par les çoçuklar3 de Kuştepe qui veulent nous emmener partout. Les mains glacées, les premiers relevés sont compliqués, et d'autant plus intimidants lorsque de plus en plus de visages apparaissent aux fenêtres et se penchent sur les carnets et les écrans des appareils photos. Chacun veut son cliché, certain posent avec leur voisins, d'autres dansent des boules de neige à la main. Une dame âgée s'approche l'air intrigué, un peu suspicieux aussi. Agréablement surprise du travail que l'on fait, avec les quelques mots permettant une conversation des plus simple, nous apprenons son arrivée il y a quelques années dans le gecekondu, sur ces origines arméniennes et son incompréhension face à la question arménienne en Turquie. Plus loin, parmi les bruits de la ville étouffés par la neige devenant de plus en plus dense, un écho de musique folk sur laquelle, les personnes autour de nous viennent danser le çiftetelli 4. A cet instant tous les habitants du gecekondu savent que nous sommes là, les visages sourient de plus en plus. Nous avançons dans nos relevé jusqu'à la rue «Pop Corn» où un malaise surgit malgré l'ambiance enjouée qui nous entoure. La précarité des habitats et des conditions dans lesquelles habitent ces populations nous atteignent de plein fouet. Le contraste entre l'insalubrité environnante et le sourire sur les visages est saisissant. C'est comme une prise de conscience soudaine qu'il y a un potentiel existant qu'il faut affirmer et mettre en valeur sur ce lieu.



> Les couleurs du désordre de Kuştepe.

Un habitat riche en usages, révélateur de la culture d'habiter des tziganes de Kuştepe.

II.3. KUŞTEPE,

UN UNIVERS SURPRENANT

TZIGANE

125


Fig. 32 : Premieres perceptions de Kuştepe >

La rencontre haute en couleurs des éléments du quotidien cachée dans un univers urbain opposé.



(1)

(3)

(2)


> (1) Le café de Kuştepe (2) Notre fidèle arkadaş -amiCezmi (3) Une partie du gecekondu a été détruit peu de temps avant notre arrivée.

_ Romanları insanları, des rencontres spontanées. Chaque visite de site nous ont permis de prendre conscience des modes de vie des habitants de Kuştepe et d'être au plus près des valeurs et des usages qui composent leur quotidien. Le récit d'une journée à Kustepe permet de rendre compte du véritable statut d'acteur que l'Homme porte dans ce projet. La troisième visite de site fût la plus riche en émotions et en découvertes. Notre présence dans les rues de Kuştepe était devenue beaucoup moins intrigante que les premières fois. Quelques habitants nous attendaient, et nous nous sentions plus à l’aise dans l' arpentage des rues … L’ambiance y était tellement différente d'un mètre à l'autre et évoluait au fil des jours, que nous redécouvrions ce site à chaque visite ! À peine arrivée, nous retrouvons Cezmi, rencontré la dernière fois. Nous ne sommes plus vraiment des étrangers dans le quartier, d’autres voisins arrivent pour nous saluer et prendre de nos nouvelles. D’autres, qui ne nous ont pas rencontré les fois précédentes, intrigués et inquiets de voir des yabancı chez eux, demandent très rapidement ce que nous faisons ici. Les appareils photos et les plans de relevés dans nos mains inquiètent la plupart des habitants. En effet, depuis quelques années plusieurs voisins ont vu leurs habitations être détruites et ont du déménager dans les nouveaux immeubles, ou d’autres sont partis dans un quartier en marge d’Istanbul. Nous sommes bien conscients de leur inquiétude, voire même de la colère pour certains, de voir des jeunes étrangers prendre en photo leurs maisons. Très rapidement nous expliquons le contexte et la raison de notre présence ici pour que les habitants acceptent de nous laisser prendre des photos et déambuler dans les ruelles pour faire nos relevés. A chaque nouvelle rencontre, après les salutations face à un regard inquisiteur, nous nous pressons de leur dire les quelques phrases en turc préparées à l’avance pour nous présenter. Le grand père de la maison rose au numéro 30, nous observe de loin, appuyé sur sa canne sur le seuil de sa porte. Très vite, nous le saluons et lui expliquons ce que nous faisons ici. Cette rencontre fût l’une des plus intéressantes ... 129


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> (1) La rencontre du grand père de la maison rose. (2) Nous se sommes pas seuls. (3) Des visages intrigués nous entourent.

- Neden evlerimizin fotoğrafını çekiyorsunuz? Bebek’e gidin, orada çok güzel evler var ! - Pourquoi vous prenez des photos de nos maisons, allez à Bebek, là bas il y a de jolies maisons ! - Buradaki evler de güzel, renkler ve hayat var. Biz öğrenciler için ciddi bir ilham. - Ici aussi les maisons sont belles, il a des couleurs et de la vie. Une véritable inspiration pour nous, étudiants. - İBB için mi çalışıyorsunuz? - Vous travaillez pour IBB? -Hayır hayır, biz Fransız’ız ve burada analiz yapıyoruz. - Non, non, nous sommes français, et nous ne faisons qu’une analyse. - İstanbul’da mı okuyorsunuz? - Vous étudiez à Istanbul ? - Hayır, Fransa’da bir mimarlık okulunda öğrenciyiz. Mahallenizde analiz yapmak üzere üç haftalığına İstanbul’dayız. - Non, nous sommes étudiants en architecture dans une université en France. On est à Istanbul pour trois semaines pour analyser votre quartier. - Tamam tamam, ne çiziyorsunuz? - D’accord. Qu’est ce que tu dessines ? - Evlerinizin niteliğiyle ilgileniyoruz. O yüzden buradaki ilginç detayların hepsini tekrar tasarlıyoruz ve budetayları fotoğraflıyoruz. Bizce buradaki binalarda çok fazla kalite var o yüzden her şeyi yazıp fotoğraflıyoruz. - On s’interresse aux qualités de vos maisons, alors on redéssine tous les éléments intéressants et nous prenons des photos. - Ben burada doğdum, arkamdaki benim evim ve yukarıdaki de abim. Oradaki evleri görüyor musunuz? Önceden orada da bizim evler gibi evler vardı ama daha fazla bina yapabilmek için onları yıktılar. Şu pencereleri ve renkleri görüyor musunuz? Şimdi de bizimkine bakın. Artık birbirlerine benzemiyorlar. O binalardan bize birer ev verecekler ama ben orada oturmak istemiyorum. - Je suis né ici, c’est ma maison derrière moi et celle de mon frère au dessus. Tu vois les immeubles là bas ? Avant il y avait des maisons comme les nôtres, mais ils les ont détruites pour construire plus de logements. Tu vois les fenêtres et les couleurs ? Regarde les nôtres maintenant. Ça ne se ressemblent pas du tout. Il nous donne un appartement dans ces immeubles, mais je ne veux pas habiter là bas. -

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(1)

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> (1) Adala nous accompagne visiter les ruelles de Kustepe. (2) Les enfants, curieux de nos étranges dessins. (3) Des rencontres à chaque coin de rue.

Bien que nous arrivons à peu près à nous expliquer avec notre vocabulaire turc un peu bancal, notre arkadaş Cezmi explique aux autres voisins notre venue. - Bunlar mimarlık öğrencisi ve analiz yapıyorlar. - Ils sont étudiants en architecture et font une analyse. - …… - Hayır hayır, bunlar öğrenci sadece. Okul için. - Non, non, ils sont seulement étudiants. C’est pour les cours. Le temps d’une cigarette, nous nous retrouvons entourés d’une dizaine de voisins. La plupart sont des femmes et des enfants. Éprises de commérages, elles posent milles et unes questions en turc, pour pouvoir en parler à la voisine de la rue d’en dessous qui n’a pas encore eu vent de notre visite. Un peu plus loin, depuis la porte restée ouverte, on entend une voix du mari d’une des habitantes. On comprend vite que notre présence ne le ravit pas vraiment. Les voix montent, les autres voisins semblent être en train de parler de nous au grand père qui ne veut pas sortir de sa maison. On comprend alors que sa femme lui explique que nous ne sommes que des étudiants, et non pas envoyé par la municipalité ! Finalement, on discerne un faible « Tamam, yazin o zaman » - D’accord, dessinez bien. - provenant de l’encadrement de la porte. On peut alors reprendre notre appareil photo et capturer pas à pas chaque élément plus surprenants les uns que les autres. 133


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> (1) Prise de relevés avec le Muhtar. (2) Döne et sa danse enneigée. (3) Des couleurs jusque dans les tenues vestimentaires. (4) Les filles de Kustepe, fières de leur quartier. (5) Comment passer l'obstacle de la langue pour réussir à communiquer avec les habitants ?

Cezmi, bu, sizin için bir hediye. Cezmi, on a un cadeau pour toi. Nous avions imprimé les portraits des gens fait lors de notre dernière visite. Nous les donnons à chacun en souvenir de notre venue et pour les remercier de leur accueil. C’est avec un grand éclat de rie que Cezmi découvre les photos. Il appelle alors la petite qui nous suivait, et lui demande d’aller remettre la photo à quelqu’un... Là voilà alors partie à toute allure dans les ruelles de l’ilot central, en hurlant le nom de « Döne !». Nous la connaissions déjà, car la dernière fois, pour nous donner du courage à travailler sous la neige, elle nous avait fait une courte danse dans la rue, deux boules de neiges dans ces mains glacées en guise d’accessoires ! Il semblerait que le mot soit vite passé concernant ces photos, car très rapidement, arrivèrent la troupe des jeunes filles de Kuştepe. D'un pas décidé, elles demandèrent qu'on les prennent en photo. C’est alors une vingtaine de clichés -debout, assis, sur un muret, au milieu de la rue- que nous viendront leur donner à la prochaine visite ! Après toutes ces rencontres et péripéties -malgré la barrière de la langue- nous nous mettons finalement à la tâche. Maintenant que nous sommes connus de pratiquement tout le quartier, on peut aller relever plus aisément les ruelles et passages en cœur d’îlot, où nous n’avions pas osé s’aventurer la dernière fois. Notre passage dans les calmes et silencieuses venelles se fait vite remarquer ! En effet, c’est accompagnés de quatre ou cinq enfants que nous faisons les relevés de l’imbrication complexe des habitations. Chacun veut nous montrer sa maison et nous aider à définir quel depo - stock- appartient à quelle famille et combien de personnes habitent dans telle ou telle maison. Tant dis que l'un tient le mètre, un autre hurle la mesure obtenu, pendant que d'autres s'amusent à mesures tout ce qu'il leurs passe sous la main. Ils sont d’une aide précieuse pour comprendre le chaos magnifique dans lequel nous nous sommes aventurés. 135


(1) (3)

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> (1) Sevce et ses 2 fils, Adala et Ertan. (2) Un moyen ludique pour comprendre les modes de vie. (3) La joie de partager un kahvaltı avec nos nouveaux amis de Kuştepe.

FERHAT, assistant au muhtar de Kuştepe, où il habite depuis 8 ans. À 42 ans, il est père de 4 enfants.

Sur la rue principale, tandis que nous buvons un énième çay dans le café Romanları, un homme vient vers nous et se présente comme assistant au Muhtar. 16 Nous engageons alors une longue conversation pour avoir des informations clés sur le quartier. Il semble vraiment intéressé de notre venue et souhaite nous aider dans notre travail. L’échange de numéros se fait rapidement, pour prévoir notre prochaine visite. - Buraya tekrar geleceğiniz zaman öncesinde bana haber verin. - Prévenez moi la veille de votre prochaine visite.

16. cf : Lexique p.374 17. cf : Croquis et relevés de Kustepe. Annexes p.339

Sur le chemin du retour, une des jeunes femmes de tout à l’heure nous attrape au passage. Elle souhaite nous inviter pour le kahvaltı - petit déjeuner- chez elle, invitation impossible à refuser. C’est avec curiosité que nous la suivons jusqu’à l’entrée de la maison rose et blanche au numéro 54. Rituel quotidien, nous ôtons nos chaussures sur le palier avant d’entrer dans un premier espace qui accueille le poêle et donne accès au point d’eau, sanitaires/salle de bain très réduits, ainsi qu’à l’unique pièce principale de la maison. Une télé, une armoire, deux canapés, une table basse et un tapis meublent cet espace d’une vingtaine de mètres carré. On remarque alors l’accès à une seconde pièce : la cuisine, qui fait aussi office de rangement des matelas et couvertures dans l’angle sur notre droite. 17 En effet, si la pièce unique de la maison est un salon à ce moment là, il sera transformé en chambre dans la soirée en poussant la table basse contre un mur, et en installant les matelas entre les deux canapés sur le tapis. 137



> Çok teşekkurler arkadaşlar ! L'acceuil des habitants de Kustepe représente beaucoup à nos yeux et nous souhaitons les en remercier.

- Oturun oturun, çay geldi. - Asseyez-vous, le thé arrive. Nous nous installons sur les canapés, heureux de pouvoir se réchauffer les pieds au coin du radiateur électrique que son fils se presse de nous installer. Autour de nous se trouvent alors 2 enfants, notre fidèle ami Cezmi avec une petite fille d’un an dans les bras et dans la cuisine la jeune femme qui prépare le petit déjeuner. Un peu perdues, nous essayons de comprendre qui habite ici, et les relations entre les différents membres de la famille. Sevce est la mère de Adala, 16ans et de Ertan, 5ans. Le bébé d’un an se révèle être la fille d’une voisine de la rue un peu plus bas. Ils sont donc 4 à habiter dans cette petite maison. Le père est au travail, c’est d’ailleurs pour cette raison que seules les filles peuvent venir à l’intérieur de la maison. En effet, Ghani n’a pas été invité à prendre le çay, étant le garçon du groupe. On profite de ce moment de calme et de pause en intérieur pour sortir notre jeu d’appréhension des espaces pour faire participer les habitants à notre étude. Avant de partir à Istanbul, nous avions pensé un moyen de communication ludique pour mieux comprendre les modes de vie des habitants. Ce jeu consiste à choisir des espaces, et leur taille pour composer la maison dans laquelle il vivent et celle dans laquelle ils souhaiteraient vivre. Adala s’attela alors à la tâche et nous décrivit sa maison par le biais de ces quelques carrés colorés. Ertan est de retour du petit épicier avec le pain, nous pouvons commencer à manger. Afiyet olsun ! - Bon appétit Bien que la conversation resta plutôt restreintes à cause de la barrière de la langue, nous avons partagé un délicieux kahvaltı, petit déjeuner turc, à base d’œufs, d’olives, de pain, de fromage et bien sur les incontournables et nombreux çay. Eline sağlik ! C’est alors le ventre bien rempli, des croquis pleins les poches et surtout la tête virevoltante de sourires que nous repartons dans notre paradis perché, à Pencere, la fenêtre sur les toits stambouliotes, dans la péninsule historique. Ces visites ont énormément participé à la motivation et l’enjouement de penser ce projet. Aujourd’hui, et pour longtemps, ce voyage restera une aventure unique. 139


(3)

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10

20

40m


< Figure 32 :

Relevés in situ

Les visites succesives nous ont permis de produire un relevé précis de l'ensemble du gecekondu, l'emplacement des logements et les usages multiples des espaces extérieurs.

Kuştepe se trouve à la lisière entre les quartiers de Hamidiye et de Şişli. Une forte spéculation foncière pèse sur cette zone urbaine de part sa localisation dans la mégalopole, le nœud de transports et d'activités de Şişli-Mecidiyeköy. Après les visites successives du site de Kuştepe, son analyse spatiale et la mise au propre des relevés effectués sur place, (cf : plan des relevés de Kustepe) des éléments sont apparus plus importants que d’autres de part les usages et les manière de vivre qu'ils influent. Des éléments essentiels qui font la spécificité du site, à garder et à réinterpréter pour le projet à venir. Grâce à cette analyse In situ, nous avons été touchés par la multitude de ces dispositifs spontanés et les avons relevés au fil de notre découverte de ce site unique afin d'en comprendre ses spécificités, les conserver et les réinterprêter pour le projet à venir.

_ Un lieu caché au sein d’un contexte urbain dense et dynamique. Depuis les hauteurs du site, nous sommes arrivés pour la première fois à Kustepe après avoir traversé le bruyant noeud urbain de Şişli Mecidiyeköy, véritable désordre en mouvement entre voitures, bus, camions, et passants. Arrivés par le sud de Kustepe, c’est alors une toute autre ambiance, bien plus calme et en retrait des circulations, et nous avons une toute autre perception du paysage urbain qui nous entoure. En effet, Kustepe étant localisé en fond de vallée, ses habitants profitent de vues panoramiques sur l’ensemble urbain dense dans lequel il s’inscrit.

141


2- Vue(1)depuis le haut du site en direction de l’Ouest 2- Vue depuis le haut du site en direction de l’Ouest 2- Vue depuis le haut du site en direction de l’Ouest

(2)

3- Vue depuis la rue principale en bas du site, en direction du Sud 3- Vue depuis la rue principale en bas du site, en direction du Sud 3- Vue depuis la rue principale en bas du site, en direction du Sud

(3)


< Figure 33 : Vues depuis Kuştepe.

Les faibles hauteurs des logements nous permettent de profiter des impressionnantes juxtaposition chaotique d’immeubles colorés, ponctués de part et d’autres d’une mosquée ou d’une tour de bureaux, qui révèle l’urbanisation extrêmement dense d’Istanbul dans ce quartier résidentiel, mais qui accueille aujourd’hui, non loin de là, de nombreux espaces d’éducation, de culture, et de services.18 Apparu dans les années 1950, le gecekondu de Kuştepe était en premier lieu composé de petites baraques dispersées par ci par là dans un environnement vaste peu urbanisé. C’est à partir de 1970 qu’il s’est fortement développé. L’implantation débuta sur les bords de routes, pour ensuite s’étendre dans la pente. L’imbrication du bâti le long de cette topographie spécifique engendre la morphologie d’aujourd’hui. Actuellement comme nous l’avons expliqué précédemment la démolition de Kustepe a déjà été amorcé, grignotant les habitations spontanées au fil des jours. En effet, lors de notre courte présence sur le site, une évolution fulgurante des constructions aux alentours été relevée. La première surprise urbaine, lors de notre visite de site a été la proximité de deux tours de bureaux à la géométrie imposante. C’est en passant par l’espace vaste, asphalté et vide, en contournant la tour, que nous sommes arrivés en premier lieu à Kustepe. Ce changement radical de paysage urbain est marquant, de par la discordance entre cette tour de 30 étages et les logements spontanées en contre bas.

Echangeur

e

eriqu

h Perip

Metro et bus Direction Corne d or

18 cf: Contexte urbain de Kustepe, Annexes p.339

Levent = quartier d affaire

directi on

Chaque vue correspond au point de repère localisé sur le plan de relevés in situ ( fig. 32, page précédente)

Echangeur qui rejoind le Barbaros boulevard direction pont du Bosphore Taksim

> Fig. 34 : La localisation de Kustepe à proximité de grands noeuds de transports.

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15 30

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1966

1966 1966

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1982 1982

> Fig. 35 : Evolution morphologique de Kuştepe à partir des années 1960.


2000 2000

2014 2014

2000 2000

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2014 2014

Evolution morphologique d

0

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Flux piétons Flux automobile

> Fig. 36 : Les flux à Kuştepe.


< Un gecekondu déjà en proie à sa disparition.

(Page précédente)

_ La rue, un espace d’appropriations multiples, générateur de lien social.

La déambulation à travers les rues séparant les différents îlots de Kuştepe, a permis de relever leur fréquentation dissemblable et de les hiérarchiser. Hudut sokak, la rue en contre bas délimitant le quartier de Hamidiye à Sisli, est la principale voie de communication avec les quartiers aux alentours de par sa largeur et son fort caractère passant. C’est également dans cette rue que se trouve LE café de Kustepe, où nous avons été invités à boire un çay à de multiples reprises et où nous avons fait le plus de rencontres avec les habitants. La seconde rue principale, Ayazma Yolu Sokak, également très empruntée et reliant le site au noeuds de transport de Şişli, est celle par laquelle nous sommes arrivés le premier jour. Assez large et très en pente, le passage des voitures y est régulier. Du fait de sa longueur, elle est longée d’un grand nombre de logements donnant directement sur l’espace de la rue. Cela lui confère un statut d’espace de rencontre entre les habitants. C’est plus particulièrement à l’embranchement avec les rues Güzide Sokak et Fındık Sokak, qu’une appropriation de l’interstice entre le logement et la rue est révélée. Les enfants quant à eux, plus dynamiques et toujours prêts à trouver un nouveau divertissement avec le fils du voisin, transforment la rue en véritable cour de jeux lorsqu’ils souhaitent profiter d’un espace plus dilaté que les coeurs d’îlot aux passages plus étroits. Les deux dernières rues, Vefa Poyraz Cadessi et Yıldız Sokak, nous ont parues cependant bien moins accueillantes de par leur étroitesse, leur manque d’exposition au soleil et leur caractère très abrupte. Il est d’ailleurs difficile pour les voitures de passer par Yıldız Sokak, sans devoir klaxonner pour demander à un passant de s’appuyer à la façade d’une maison, jusqu’à s’y confondre, afin de libérer les quelques mètres nécessaires au passage de la voiture. Pour autant, c’est dans cette dernière rue que nous avons remarqué une variété de dispositifs d’appropriations et d’usages spontanés mis en place par les habitants. 151


> Fig. 37 : Perception de la rue Popcorn.

La perception de la rue diffère selon la déambulation depuis le haut ou le bas de cette même rue.


La surprise de trouver une machine à pop corn devant l’une des habitations nous a d’ailleurs valu de la renommer « la rue Pop Corn », permettant de se localiser dans le site bien plus facilement. Cette machine à Pop Corn est alors devenue un véritable point de repère lors de notre analyse. De plus, la pente de cette rue induit une perception singulière de la juxtaposition des logements et surtout l’orientation de leurs entrées respectives. En effet, depuis le Nord du site, on peut observer des façades rythmées par des dispositifs empiétant sur la rue et des murs en saillie, tandis qu’en descendant cette même rue c’est une toute autre perception qui s’offre au regard du passant au point de se croire dans une autre rue. Par la juxtaposition des différentes entrées, la plupart en hauteur, accessibles par des escaliers, on observe un rythme beaucoup plus scandé de la rue, et une façade plus brutale, qui accompagne moins le passant dans sa déambulation contrairement en montée où la façade apparait lisse et fluide malgré la multitude de marqueurs d’usages qui viennent ponctuer la façade. Ces perceptions spécifiques de l’espace de la rue selon notre situation par rapport à la topographie nous a permis d’aller encore plus loin dans notre analyse de l’usage de cette rue Pop Corn. En effet, on discerne un rapport d’usages différents de l’homme avec ce lieu. Plus particulièrement, on remarque que l’accès n’a jamais lieu directement depuis la rue mais toujours par un passage, par quelques marches, ou par un espace en retrait couvert. Les marqueurs d’usages qui ponctuent l’espace public de manière irrégulière, font preuve d’une appropriation très forte des habitants sur leurs espaces extérieurs. Cela laisse penser une extension de leur espace intérieur très restreint. Ces accès et marqueurs d’appropriations forment alors un ensemble induisant une circulation plus ou moins intuitive selon le sentiment de rejet ou d’invitation à accéder aux habitations. 153



SUCCINCT Regroupement Convergence Tumultueux / vie de quartier / confluence / animation / çay / commerce

Convergence Tumultueux / vie de quartier / confluence / animation / çay / commerce

Interstice Entrée couverte en contre bas Exigu

Interstice Entrée couverte en contre bas

Entrée

DISTANT

DÉAMBULATION Conversation Rencontre / convergence regroupement Mutation cour / pièce en plus / stockage Extension Articulation Interface Voisinage / proximité / musique Contigu Entredeux / passage jonction / cohésion Entre deux Passage couvert / entrée commune (linge étendu) appropriation

ENCHAINEMENT CONTIGU

Relation Abouchement / cohésion mise en relation / étroit

ASCENSION

IMBRICATION ENCHEVÊTREMENT

DÉAMBULATION Rencontre Point de repère / passage Conversation vie de quartier Rencontre / convergence confluence regroupement Embranchement Transition intersection Mutation Domestique cour / pièce en plus / stockage Cour / intime Extension Articulation Conversation Interface Voisinage Rassemblement / proximité / musique entre voisin Contigu rue Entredeux / passage Dilatation jonction / cohésion cour / rencontre / lieu de stockage Entre deux escalier couvert Passage couvert / entrée commune lieu d’appropriation (linge étendu)(linges)ENCHAINE appropriation Interstice CONTIGU cour / rencontre Intimité Cour sans visRelation à vis accès / espace en plus l’été Abouchement / cohésion Discutions mise en relation Cour couverte // étroit pièce en plus

rencontre entre voisin de palier Rencontre Transition Passage couvert Interstice Rencontre dans l’escalier zone ombragée Repas et discution Limite Seuil imposant Cour utilisée entre voisin salon extérieur

Limite Seuil imposant

N

N

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20 m

> Fig. 38 : Une circulation rythmée d'articulations et de situations.

L'articulation permet de lier les espaces entre eux, et les situations sont des rencontres et des scènes de vie (cf : Cankat, Aysegül, Le Philotope, n° 10, mars 2014, p. 87.)

0

10

20 m



<

La rue, espace des situations. > Des ruelles ponctuées d'éléments.

Une perception issu de la

Des accès multiples et

Une gradation du sentiment

morphologie complexe des façades.

indirects avec la rue.

d'invitation dans la déambulation.

de la rue cadastrales

Sensation d’invitation et rejet en déambulant la rue

Appropriation de la rue > Fig. 39 : Une déambulation complexe. face aux limites cadastrales Schéma analytique de l'arpentage de la rue Pop Corn.

Appropriation de la rue face aux limites cadastrales

Accès privés souvent en second plan de la rue

Sensation d’invitation et rejet en déambulant la rue





<

Fig. 40 : Composition des façades par éléments.

< Relevés in situ

Les visites succesives nous ont permis de produire un relevé précis de l'ensemble du gecekondu, l'emplacement des logements et les usages multiples des espaces extérieurs.

_ Un quotidien visible et ponctués d’interactions entre l’usager et son environnement.

Cette différenciation des rapports d’usages avec la rue nous a fortement intéressé pour la compréhension des moyens d’appropriations de l’espace par ses habitants. L’outil photo et le redessin permettent de révéler les appropriations qui rythment l’espace générant une dynamique riche en surprises. Ces cinématiques sont générées non pas seulement par les dispositifs d’usages de l’espace public, mais par la rencontre de ces éléments avec l’homme lors de son appréhension de l’espace. On parlera alors d’éléments19 pour tout dispositif physique ou végétal marquant l’appropriation de l’habitant sur l’extérieur de son logement tel un banc, un pot de fleur, un auvent ou un espace de stockage non couvert. La définition du terme situation19 ou événement, apparaît donc dans l’interaction de l’homme avec ces éléments. Le banc au rôle d'assise, permet la rencontre avec un voisin. Le pot de fleur comme élément végétal devient un filtre visuel entre la rue et l'intérieur de chez soi. L'auvent comme élément de protection ajoute un degré d'intimité et met à distance le passant de la rue de l'habitant.

19. Cf : Lexique, p.374

Le relevé de ces différents éléments qui rythment les façades des rues du quartier de Kuştepe et, par la même occasion, changent notre rapport à l’espace, traduisent les usages des habitants et l’interaction sociale entre voisins. Cette analyse par le croquis et la photo a permis de faire ressortir trois types d’éléments ponctuant les façades de Kuştepe : les seuils, les portes et les marqueurs d’usages. Les seuils ponctuent la rue de manière plus horizontale à l'inverse des portes qui donnent un rythme vertical. Les marqueurs d'usages quant à eux apparaissent de manière moins régulière. Ce rythme entraîne l'usager dans son arpentage. Ces ponctuations sont plus évidentes dans les rues principales grâce à leurs largeurs permettant de prendre du recul par rapport aux façades et avoir une vue d'ensemble.

161


> Fig. 41 : Façade séquencée de la rue Pop Corn.

Relevés des seuils, des portes et des marqueurs d'usages. (respectivement de haut en bas)



> Fig. 42 : Façade séquencée de la rue principale, Hudut Sokak.

Relevés des seuils, des portes et des marqueurs d'usages. (respectivement de haut en bas)



> Fig. 43 : Façade séquencée de la rue Ayazma Sokak.

Relevés des seuils, des portes et des marqueurs d'usages. (respectivement de haut en bas)



Marqueurs d'usages

Appropriation des espaces extérieurs

> Fig. 44 : Inventaire des relevés de marqueurs d'appropriation de Kuştepe.


Par ces relevés des éléments nous avons pu établir un inventaire théorique des dispositifs spatiaux caractérisant le gecekondu et permettant une gradation entre l’espace partagé et l’espace intime. Ces éléments s’organisent selon plusieurs catégories : les différences de niveaux équivalentes à quelques marches ou des escaliers, les seuils tels des paliers délimités par des éléments physiques comme un pot de fleurs, une avancée de toit ou une marche assez haute, les dispositifs de protection comme les auvents ou des extensions de mur protégeant du regard des passants, du soleil et des vents, et enfin, on retrouve les dispositifs d’entrées c’est à dire de murets, portillons ou encadrements. Plus particulièrement, l’ensemble des marqueurs d’usages sont des objets du quotidien tels un étendage, un meuble ou un tapis, ou encore les chaussures sur le palier de la maison. Contrairement aux dispositifs répertoriés auparavant, ces objets du quotidien apparaissent et disparaissent dans des temps très courts. Ils deviennent dès lors un repère temporel dans l’espace au cours de la journée, de la semaine ou des saisons. Aussi, souvent, on retrouve un espace de stockage en extérieur, couvert ou non, empiétant sur la rue, signe du manque d’espace intérieur et d’une extension du logement sur le dehors. Plus rarement, on retrouve de la végétation marquant l'entrée. De plus, un dispositif peut avoir différents usages tels que ce mur qui est à la fois élément de protection visuelle et contre le vent, mais également accompagne l'escalier devenant alors main courante et indiquant l'entrée de la maison. La compilation de ces dispositifs génère des situations complexes et riches pour la perception du passant et les usages quotidiens de l’habitant de Kuştepe. De plus, ces dispositifs sont en perpétuel renouvellement ; ils peuvent se compléter et évoluer dans le temps selon la récupération des matériaux et l’évolution des familles au fil des générations. La combinaison de tous ces éléments apparait tel un ensemble chaotique et brouillon mais pourtant, chaque élément et dispositif a son sens propre et un usage spécifique. 169


GRADATION GRADATION ENTRE ENTRE ESPACES ESPACES PARTAGES PARTAGES ET ET INTIMES INTIMES Différences Différencesde deniveaux niveaux

Seuils Seuils

Seuils

Différences de niveaux

de de1m 1màà4m 4m

de de0,20 0,20mm àà0,60 0,60mm de de0,80m 0,80m àà1,90m 1,90m

de de0,50m 0,50m àà1,50m 1,50m

de de0,30 0,30mm àà0,50 0,50mm

de de0,50m 0,50m àà1,50m 1,50m

RAPPORT A LA RUE

de de0,50 0,50mm àà1,50 1,50mm

de de0,50 0,50mm àà1,50 1,50mm

de de0,30m 0,30m àà2m 2m

de de0,60m 0,60m àà2m 2m de de0,30m 0,30m àà0,70m 0,70m

de de0,50 0,50mm àà11mm

de de1m 1m àà4m 4m

de de0,50m 0,50m àà2m 2m de de0,50 0,50àà1,50m 1,50m

de de0,30 0,30àà0,80m 0,80m


Dispositifs Dispositifs d’entrée d’entrée

Eléments Eléments de de protection protection Éléments de protection

Dispositifs d'entrée

de de0,80m 0,80m àà1,60m 1,60m

de de2,10m 2,10m àà2,50m 2,50m

de de4m 4màà9m 9m

1m 1m

de de1,90m 1,90m àà2,10m 2,10m

de de0,50m 0,50màà1,50m 1,50m

de de0,50m 0,50m àà1,50m 1,50m

de de0,50m 0,50màà1,50m 1,50m de de0,80m 0,80m àà1,90m 1,90m

de de0,30m 0,30m àà1m 1m

de de0,60m 0,60m àà1,10m 1,10m

> Fig. 45 : Inventaire des dispositifs relevés dans les rues de Kuştepe.


de de0,50m 0,50m àà2m 2m de de0,50 0,50àà1,50m 1,50m

Différences de niveaux

de de0,30 0,30àà0,80m 0,80m

de de0,80 0,80àà1,50m 1,50m

Seuils

de de0,30 0,30àà0,80m 0,80m

de de0,30 0,30àà1m 1m

de de0,60 0,60 àà1m 1m de de0,50 0,50àà0,90m 0,90m

de de0,80 0,80àà1,50m 1,50m

de de0,60 0,60 àà1m 1m

de de0,70 0,70àà1m 1m

de de1m 1m àà3m 3m


Éléments de protection

Dispositifs d'entrée

de 0,30 de 0,30 à 1mà 1m

de 0,80 à 1,50m de 0,80 à 1,50m

de 0,80 à 1,20m de 0,80 à 1,20m

de 0,40 de 0,40 à 1mà 1m

de 0,80 à 1,20m de 0,80 à 1,20m

> Fig. 46 : Inventaire des disposotifs relevés dans les coeurs d'îlot de Kuştepe.


> Fig. 47 : Relevés du coeur de l'îlot central de Kuştepe.

L'étroitesse des ruelles génère une appréhension de l'espace et des usages différents de ceux de la rue. Par l'imbrication des habitations selon la topographie et leur proximité, les toitures ne forment plus qu'un seul et même ensemble. (page suivante)




_ La complexité des cœurs d’îlots, révélatrice de qualités spatiales et sociales.

Lors des premières visites il nous paraissait difficile d'arpenter les ruelles cachées en cœur d’îlot. Leur statut très intime, ne servant qu'à certaines familles, ne nous permettait pas d'y accéder sans demander l'autorisation aux habitants ou bien être accompagnés d'un d'eux. Bien qu’il s’agissait plus généralement d’enfants et des jeunes de Kuştepe, la participation des habitants dans les relevés des cœurs d’îlots a été une aide précieuse pour la compréhension de cette intériorité complexe et cachée des yeux du passant étranger. Non sans surprises, c’est une véritable dynamique spatiale et sociale que nous avons pu découvrir bien qu'elle reste invisible depuis la rue, par ce croisement de ruelles et intersections. La vie de Kuştepe ne se limite donc pas à ses rues mais existe autant par les interstices et ruelles qui viennent transpercer les îlots de part et d’autres par des passages sinueux et étroits. Les accès aux logements en cœur d’îlots se différencient de ceux des rues. Les déambulations entre les habitations sont rythmées par des passages couverts, des avancées de terrasses en premier étage, des chicanes, des différences de niveaux, des murets divisant la ruelle en deux. Tous ces éléments participent à l’accompagnement du passant dans son mouvement et invitent à partir à la recherche de nouvelles surprises derrière chaque recoin. C’est avec le sentiment de partir à l’aventure et à la découverte d’une autre facette de Kuştepe que nous avons arpenté les 4 îlots de Kuştepe, chacun avec ses caractéristiques spécifiques et sa topographie singulière générant différents rapports des bâtis entre eux et avec l’Homme. C’est parfois un peu mal à l’aise et sous les regards inquisiteurs du voisin sur le palier au dessus que nous arpentons les différents passages qui jouxtent la fenêtre de la cuisine d’un des logements. En effet, plus on se rapproche du cœur d’îlot, plus les marqueurs d'intimité sont forts. Parfois, nous passons même par la terrasse d'un voisin pour accéder à une autre ruelle. 177


> Fig. 48 : Gradation de l'intimité en cœur d'îlot. un


> Fig. 49 : Des espaces interstitiels riches en qualités spatiales par l'imbrication complexe des logements dans la topographie.

L’imbrication complexe des logements en fonction de la topographie est à l’origine des richesses spatiales de Kuştepe dans les espaces résiduels, dans les interstices, dans les espaces intermédiaires. Tous ces espaces correspondent en réalité au vide entre les habitats. Ce vide, décliné et subdivisé en une multitude d’espaces encore plus réduits, aux qualités et aux intensités diverses, génère des interactions et une dynamique d'ensemble. Ces espaces sont au cœur de la vie du quartier. C’est d’ailleurs au cœur de l’îlot central que nous avons rencontré l’épicier de Kuştepe dans sa boutique. Ce lieu caché entre les ruelles, sous l’étendage du voisin du dessus, est un passage quotidien pour les habitants du gecekondu qui viennent y chercher leur pain et en profitent pour discuter avec le voisin des commérages de la veille, et du mariage de « la fille du cousin du voisin de la maison Pop corn ». Cette richesse d’intériorité et de variétés d’espaces en cœur d’îlots n’est pourtant pas discernable en toiture. En effet, l’imbrication complexe du bâti et sa proximité expliquent un enchevêtrement des débords tel qu’on ne peut plus différencier les habitations entre elles. On observe alors seulement une nappe de bâches, de tuiles et de tôles, ne faisant plus qu’un.




> La curiosité en rebords de fenêtre. (Page précédente)

Photographie d'une habitante de Kuştepe prise en février 2015 par Sarah Morel Jean.


LE PROCESSUS DE PROjET, PENSER L'USAgE POUR DESSINER LE bâTI Un questionnement de l’architecture pris sous cet angle ouvre d’autres perspectives de réflexions sur le processus de fabrication de projet. L’architecture n’est pas abordée par sa forme ni sa fonction mais elle existe de par ce qui la fait subsister, c'est-à-dire les usages. Il s'agit là d'une approche plus sociologique ou anthropologique de l’architecture. Pensée de la sorte, elle développe la capacité à comprendre les différents modes de vie des habitants et leurs usages: c’est une architecture qui prend pleinement en compte la manière d'habiter de celui pour qui elle est construite. Dans ce projet, les usages apparaissent donc comme des éléments fédérateurs d’architecture et sont les uniques composants pérennes entre la situation actuelle et la situation créée par le projet. La difficulté du projet se trouve dans la manière de traduire par l’architecture certains modes d’habiter, de faire en sorte que ces habitus puissent être retranscrits. Le projet prête une attention particulière aux petits espaces et vise à en révéler l’extrême richesse, complexité et nécessité.


L’analyse de Kuştepe a fait la démonstration de l’intelligence des comportements des habitants dans la construction de leur lieu de vie quotidien et des qualités existantes de ces petits éléments architecturaux paraissant minimes, mais permettant d’aller au-delà de l’artefact physique de ces habitations. Ainsi, le bâti semble pouvoir s’effacer, disparaître, puisqu’il n’apporte aucune qualité évidente, pour laisser place au vide fédérateur de tout mouvement, toute dynamique, en somme, de toute vie du quartier. A travers l’analyse de l’existant du site de Kuştepe et la sensibilité qui se démarque de ce lieu, le projet pose pour ambition première de garder la qualité de ces vides en permettant l’appropriation de l'espace par l'habitant afin de retrouver cet ensemble fonctionnant autour de nœuds d’interactions. Tout l’enjeu est de repenser et réinterpréter ces «délaissés», ces espaces «intermédiaires», avec la culture d’habiter des habitants de Kuştepe, à l'échelle d'un logement mais aussi à une échelle plus large dans la combinaison des logements pour permettre l’existence d’un système urbain entier. Dès lors, le travail portera sur la reconstruction entière de ce lieu riche d'interactions, en révélant et réinterprétant ses qualités spatiales, dans l'objectif de palier aux manques de confort et à l'insalubrité actuels. Ce projet est une proposition et une alternative au logement social, mais n'a pas la prétention d'être la meilleure ou l’unique solution.






III. RÉINTERPRÉTER KUSTEPE, LIEU D'INTERSTICES RELATIONNELS. Des imbrications organiques et des dispositifs mesurés pour une variété d'usages.



< Kuştepe dans son contexte urbain, un challenge de densité. Vue depuis Camialtı Sokak, les Trumps Towers en arrière plan.

_ Des densités variées possibles et un programme adapté aux modes d'habiter.

Nous définissons la densité comme étant le nombre d'habitats sur une surface donnée. Selon sa concentration, la densité sera plus ou moins élevée. Pour un architecte, il s'agit d'une qualité positive et une réponse au développement des villes. Cette solution permet de palier à l'étalement urbain -et préserver le paysage-, en répondant à la demande de logements. Cette densité est donc quantitative (mesurée par le coefficient d'occupation des sols) mais elle est également qualitative, puisqu'à travers cette notion, de nouveaux modes de vies sont créés, générant des cadres de vie singuliers, la prise en compte du voisinage, une proximité avec le centre urbain, et une mixité sociale. Sur le site Kuştepe, il semble indispensable de créer une densité élevée du fait du contexte urbain environnant attractif, avec une forte spéculation foncière. Le nombre de logements est adapté au lieu, répondant aux besoins des habitants actuels et nécessaires à la qualité sociale du quartier. 191


Densité de Toki Densité de Toki Densité de Toki

Densité d’apartman Densité d’apartman Densité d’apartman

N 20 50 40: Comparaison 80 m de densités sur le site de Kuştepe. 0 > Fig. N 80 m 0 20 40

0

20

40

80 m

N


Pour comprendre l'attitude de projet et les intentions d'implantation sur un terrain convoité, différentes densités possibles sont testées sur le site de Kustepe. En premier lieu, l'implantation de TOKI permet l'emprise au sol de quatre tours de trente étages, ce qui représente 420 familles sur ce site. Cette solution n'est pas envisageable du fait de la perte de qualité, actuellement relevée sur ce site. Effectivement, la relation sociale entre les résidents se verrait réduite à de simples rencontres de palier, limitant l'interaction entre les habitants des différentes tours d'immeubles. Leurs besoins d'espaces extérieurs comme extension même du logement engendrant un espace indéniable pour la vie sociale du quartier seraient comblés par une simple terrasse. Celle-ci serait jouxtée à des espaces en rez-de-chaussée aseptisés par leur étendue sans appropriation possible, ni qualité esthétique ou sociale. Finalement, aucune appropriation extérieure, comme relevée sur le site, ne serait envisageable du fait du caractère hors échelle de ces tours d'habitations. En second lieu, la densité qu'offre l'implantation d'Apartman à Kustepe, correspondant à du logement collectif moyen, est illustrée par des immeubles de trois à huit étages, tels les immeubles observés autour du site à ce jour, et commençant à grignoter jours après jours le gecekondu. Cette implantation est la plus grande densité possible sur ce site, offrant 62 immeubles de cinq étages en moyenne, permettant d'héberger 620 familles. Cependant, cette solution est également écartée, puisque l'espace extérieur n'est pas pris en compte. De plus, le site est terrassé, or il semble indispensable de prendre en compte sa topographie afin de créer un bâti adapté au lieu, et issu de ses caractéristiques. Enfin, ces immeubles accolés les uns aux autres engendreraient une perte d'identité propre aux habitants actuels, ainsi que l'entraide indéniable issue de leur solidarité ethnique.

193


Densité de Toki Densité d’écoquartier

Densité d’écoquartier

Densité d’apartman Densité de logements modulables

Densité de logements modulables

> Fig. 50 : Comparaison de densités sur le site de Kuştepe.

0

20

40

80 m

N


Afin de conserver les espaces extérieurs nécessaires à la cohésion du quartier et l'envie de vivre ensemble, il est tout à fait envisageable d'implanter un écoquartier, à l'exemple du quartier Vauban de la ville de Fribourg -issu d'un renouvellement urbain en 1996. Ce quartier en Allemagne, à permis une relation de voisinage précédant la construction et conservée par la suite, une réduction des coûts de construction, et la mise en commun d'équipements. Il s'agit d'un bâti de faible hauteur, qui privilégie les surfaces d'espaces verts entre les différentes habitations. Cependant, cette proposition permettrait de loger 104 familles à Kustepe, ce qui correspond à la plus petite densité possible sur ce site, ne répondant pas à la volonté de densification, ni au relogement des 170 familles actuelles. Effectivement, vu l'emplacement du quartier et l’extension grandissante d'Istanbul, une densité réfléchie doit être appliqué pour créer des logements conséquents pour la ville, et éviter la destruction du site pour des bureaux économiquement plus rentables.

Finalement, l'implantation d'habitat évolutif sur ce site, à l'exemple d'Elemental, répondrait à la croissance, au développement, et à l'évolution des familles. Dans ce projet Quinta Monroy réalisé en 2004, l'agence Elemental propose une nouvelle forme de densité permettant un logement sur deux niveaux par famille. Sur le site de Kuştepe, cet habitat permet de loger 130 familles sur un hectare de terrain, ce qui reste une donnée faible malgré la conservation des modes d'habiter actuels, l'accession possible de ses logements par une population démunie, et le caractère évolutif qu'il propose. Ce projet est le plus intéressant en terme de valeurs issues de cet habitat adapté. Cette attitude est retenue en terme d'inspiration et de démarche à suivre, à laquelle une densité plus élevée est ajoutée, tout en conservant les qualités issues du site, et des modes d'habiter typiques des tziganes de Kuştepe. 195


Organisation de Kustepe avant l’intervention

Repère et point d’interaction

Espace couvert

Commerce

Stocks

Logements

> Fig. 51 : Organisation et services actuels de Kuştepe.


Ce site d’un hectare comprend aujourd'hui 170 familles, qui ne sont ni propriétaires de leurs maisons, ni du terrain. Ces habitants sont relogés en intégralité dans ce projet, tout en permettant une densification de 32%, ce qui correspond à 55 logements de plus. En effet, 225 logements sont créés, et répartis sur quatre îlots. Proposant des logements de 30m² à 75m², ce projet permet une réponse variée à l’importante demande actuelle, tout en restant adapté aux économies des familles actuelles et futures et pouvant attirer les travailleurs tertiaires aux alentours. La qualité du cadre bâti et de ces espaces extérieurs en fait un atout indéniable, où malgré la forte densité, chaque espace -qu'il soit intérieur ou extérieur- est pensé à l'échelle de l'homme, dont le besoin spatial est porteur de caractéristiques d'usages, et d'appropriations multiples, ainsi qu'un besoin social définissant les rencontres. Ainsi, 66% de la surface au sol est dédié au bâti, ce qui permet de consacrer 34% à l'espace extérieur. Le café déjà présent sur le site est conservé, auquel s'ajoute une épicerie, située sur l'îlot Le Belvédère. Sept espaces de stockages sont répartis sur l'ensemble du site, permettant à chaque habitant d'avoir un espace pour entreposer du matériel, auxquels sont annexés des cuves de 10 000 litres récupérant les eaux de pluies. Une salle polyvalente de 200m² -au Nord du site- devient support d’événements et offre un accès à la culture. Servant dans un premier temps de relogement temporaire pendant la phase de travaux, elle devient par la suite, après la livraison du projet, un espace polyvalent. Elle recevra des événements -tel les nombreuses festivités issues de leurs coutumes- et possédera un espace d'éducation, pour les personnes qui -dans une réalité de moyens- n’ont pas accès à l'enseignement. 197


Programme

Jardins

Salle polyvalente

Repère et point d’interaction

Stocks

Epicerie

Interstice relationnel

Logements

> Fig. 52 : Programme.


Chiffres clés du programme

Densification

Anciens habitants

170

225

Nouveaux habitants

Occupation au sol

Espace extérieur

34 % Bâti

66 %

Répartition des logements La scène

94 23 28

80

Le Belvedère

60 m²

50 m²

> Fig. 53 : Chiffres clés du projet.

30 m²

39

85

40 14

Le Balcon

Types de logements

75 m²

2

En Catimini

45 45 m²

40 m²


Plan Masse de Kustepe

<

Les îlots sont renommés en fonction des usages et qualités spatiales qu'ils présentent.

>

Fig. 54 : Coupe longitudinale Est/Ouest. (Page suivante)

L'ensemble du projet s'étend sur un terrain de 30m de dénivelé. Seuls 66% du sol sont bâtis, tout en permettant une densification de 32%.



Coupe longitudinale Ouest/Est

Hudut

Mandira

En Catimini

Le Balcon


Yildiz

Ayazma Yolu

La Scène

Le Belvédère

N

0

3

6

12m



III.1. UN CONTEXTE À RESPECTER POUR UNE RÉPONSE IN SITU

205


Deux accès individuels, deux logements, une maison

Deux accès individuels, deux logements, u

Implantation dans la pente, des vues depuis chaque logements Implantation dans la pente, des vues dep

0 1 2

5m

> Fig. 55 : Implantation dans la pente, des vues depuis chaque logement.

0 1 2

5m


_ Intégration du projet dans une topographie à préserver

La densité et le programme de ce projet donnent lieu à une logique de respect et de prise en compte du contexte existant. Il apparaît clairement que notre attitude concernant la topographie est un élément essentiel à prendre en compte, définissant le positionnement des espaces intérieurs et extérieurs. La circulation aux dilatations et épaisseurs variées serpente en ascension au travers les différents îlots, ponctuée par des escaliers, des chicanes, et des jeux de niveaux, qui permettent une déambulation dynamique et variée sur le site. Les quatre îlots de ce site ont chacun une relation particulière à la pente. L’îlot le plus à l’Ouest, En catimini se trouve en retrait par rapport aux autres îlots, du fait de son orientation. Discret et de petite taille, il possède une forte pente – 8 mètres montants au Sud Est- et est longé par la grande rue principale en contre bas. Le balcon semble découler du mur de soutènement -mur de 6 mètres de haut- et glisse jusqu'à la rue. Ainsi, depuis le haut de cet îlot, une vue imprenable sur l'ensemble de La Scène s'offre au curieux passant, et sur le paysage urbain environnant. La scène, située au centre du site, faisant face aux autres îlots est facilement accessible par les rues qui l’entourent, elle est propulsée au centre de la dynamique de quartier. Une pente allant jusqu'à 8 mètres de dénivelée, lui procure cette relation particulière en gradin, où les logements se superposent dans l'étroitesse du site. Enfin, le Belvédère, situé le plus à l’Est du site, surplombe l'ensemble du site, allant jusqu’à 30 mètres de dénivelé avec la rue principale en contre bas considérée à 0 mètre. Son envergure, de part son étendue, offre des points de vue remarquables sur le site et son contexte urbain. Il accueille en son sein le point de rencontre le plus haut du site, devenant alors point de repère du quartier. La pente permet d'apporter un ensoleillement agréable aux différentes maisons qui se déclinent en gradins successifs. Le premier étage de la maison en aval a le même accès que le rez de chaussée de la maison en amont. Ainsi, la pente permet des bâtis à deux niveaux minimums, sans compromettre l'ensoleillement des maisons en retraits. 207


Deux accès individuels, deux logements, une maison

> Fig. 56 : Deux accès individuels, deux logements, une maison.

Implantation dans la pente, des vues depuis chaque logements

0 1 2

5m

> Fig. 57 : Le muret, des appropriations différentes pour des usages spécifiques. Le muret délimite l'espace tout en permettant l'échange. La végétation apporte de l'intimité.

Implantation dans la pente, d

0 1 2

5m


Les logements sont majoritairement -dans la mesure du possible- orientés Est Ouest, ce qui procure une luminosité à tout moment de la journée. Si la lumière devient trop rasante ou la chaleur trop étouffante, des persiennes à battants relevables permettent d'apporter une protection contre l’ensoleillement tout en conservant une ventilation du logement. De plus, l'implantation du bâti en cascade, c’est à dire par imbrication des niveaux dans la pente, quelque fois semi enterrés, permet de respecter la morphologie du site, tout en offrant une entrée individuelle propre à chaque logement. Cette attitude permet un faible impact visuel du projet dans son contexte, malgré sa densité, et offre des vues depuis l’intérieur du logement sur le paysage urbain. Des murets sont positionnés aux points stratégiques des courbes de niveaux pour créer de petits terrassements. Finalement, en restant parallèle aux courbes de niveaux, le projet offre une circulation douce et à faible pente en cœur d'îlot. _ Conserver le vide existant La topographie permet des circulations ponctuées d'événements. Un jeu de regards, de cadrages et de filtres visuels, se décline sur les différents îlots permettant ou non, selon la position dans le site, une vue sur le paysage urbain aux alentours. Telles des respirations, ces vues sont générées par un cadrage entre deux maisons, tandis que d’autres, plongeantes, donnent à voir l'environnement paysagé et bâti, depuis des belvédères à la vue imprenable sur le quartier. A l'inverse, des cœurs d’îlots conservent leur intimité notamment par la mise en place de murets et de végétations qui séparent physiquement deux niveaux, tout en conservant des espaces continus et riches de qualités. Ce vide, définissant l'espace extérieur, résulte des dispositifs et de l'appropriation relevés sur le site actuel. Comme évoqué précédemment, cet interstice entre le bâti n'est pas seulement dédié aux circulations, mais devient plus particulièrement un espace approprié par l'habitant, telle une extension du logement, « la pièce en plus ». C'est ici que les habitants peuvent étendre leur linge et entreposer différents objets ; retrouver leurs voisins ; profiter des systèmes de protection et d'usages, tel des pergolas fleuries, ou des bancs longeant la maison ponctuant la circulation. L’appropriation par la disposition de mobiliers tels des tables, chaises, canapés et matelas montrent l'importance de ces « entre-deux ». C'est pourquoi, ces dispositifs d'usages ont une part importante dans ce projet et qu'ils sont le point de départ de notre réflexion. 209




> Istanbul sous un manteau de neige, un hiver hors norme en 2015 (Page précédente) Depuis les hauteurs de Kuştepe. © Sarah Morel Jean, février 2015.

DONNÉES CLIMATIQUES ET COURSE DU SOLEIL Istanbul a entre 3 et 10 heures d’ensoleillement par jour, selon les mois de l'année. Juin et Juillet sont les mois où l'ensoleillement est le plus important, avec 294 à 325 heures d'ensoleillement dans le mois. La température varie de 4 à 30°C, avec Juillet et Août, les mois les plus chauds, le record de chaleur étant de 40°C au mois de juillet. La pluviométrie est de 850 mm d'eau par an, avec des relevés les plus hauts du mois d’octobre à janvier, c’est à dire 100 à 124mm d’eau par mois. La quantité de neige est faible, avec une moyenne de 19 jours de chute de neige par an. La course du soleil décrit un schéma allant d'Est en Ouest. C'est entre 11h et 15h que le soleil est au zénith dont les dispositifs extérieurs permettent de se protéger.20 20. Cf : Course du soleil à Kustepe, Annexes, P.339


_Un processus de recherche vers une grille adaptée

L'imbrication dans la pente et la mise en valeur des espaces extérieurs sont issus de nombreux essais, qui ont permis de mettre en valeur des données croisées. Une trame posée sur l'ensemble du site, s'adapte au relief en épousant ses formes, et permet de mesurer chaque logement le plus concis possible.

213


Une trame de 1 mètre par 1 mètre adapter à l’espace extérieur

Courbes de niveaux

N

> Fig. 58 : Essai de grille individuelle de trame 1x1m sur l'îlot central. Courbes de niveaux.



sur calque par dessus les niveaux

Orientation Est Ouest

Orientation Est.Ouest



sur calque par dessus l’orientation du bati

Le vide dessine le bâti

A

Le vide dessine le bâti.

A’


Le premier essai est basé sur une trame de 1 mètre par 1 mètre. L'espace extérieur étant une donnée importante à intégrer dans le projet, cette mesure de 1 mètre semble la mieux adaptée pour dessiner ce vide. L’îlot est subdivisé par différents passages, impasse, cour et escalier. Aucune circulation large ne divise l'îlot . Des événements rythment ces passages, là TEXTE où il y SARH a des croisées de chemins. Ces TEXTE SARH différents accès desservent le cœur d’îlot, en respectant une hiérarchie de dimensionnement jusqu'au logement. Du fait de la pente existante, l'entrée aux logements peut être individuelle ou commune. C'est le cas notamment lors de logements en étages, ou un escalier dessert un palier commun. Lorsque les logements dessinent le front bâti de la rue, leurs accès se font par un passage débouchant sur un patio commun à quelques logements. Cet essai part d'un terrassement par niveau, permettant une entrée individuelle par niveau. En plaçant le bâti tout les 3 mètres -correspondant à la hauteur d'un étage- différents espaces extérieurs sont créées, plus ou moins larges. De plus, pour assurer une intégration au plus près de la pente, chaque logement s'adapte par emboîtement diversifié, se décalant pour laisser place à un passage ou créer une continuité de front bâti. Les murs porteurs sont pensés en lames parallèles et coulissantes sur la pente. En élévation, ils évoluent en différentes hauteurs, selon l’ensoleillement voulu. Ces murs sont mitoyens entre eux, libérant des murs secondaires orientés Est Ouest. Cette orientation favorise un éclairage idéale tout au long de la journée, puisque c'est dans ces murs que sont positionné les ouvertures. L'ensemble des logements s'emboîte dans un tout unitaire, rythmé par des escaliers, des petits passages, des cours, des pergolas... Le cœur d’îlot est à l'échelle de l'Homme, sans aucun accès possible à la voiture .Ainsi, selon les événements, le passage se dilate pour laisser place à un espace de rencontre. Une végétation ponctue l'espace. Coupe A A’ Coupe A A’

219


Une trame de 5 mètres par 5 mètres

Circulation à la croisée de la grille

N

> Fig. 59 : Essai de grille individuelle de trame 5x5m sur l'îlot central. Application de la grille sur la topographie.



Ilots et stockage

テ四ots et espaces de stockage.



Des logements imbriquĂŠs

A

Imbrication de logements.

A’


Ici, une trame de 5 par 5 mètres recouvre l'îlot. Elle s'aligne aux rues existantes, créant ainsi trois nappes à la superficie variable. Leurs croisement positionnent les circulations en cœur d’îlot. Des événements TEXTE SARH à la croisée des grilles, permettent de ponctuer l'espace extérieur. Les circulations principales placées, des passages desservent les différents groupe de bâtis. Des escaliers aux différentes courbes de niveaux permettent l'ascension à travers l'îlot, et des espaces de stockages sont penser conjointement. Les logements, de dimension similaire, se côtoient avec régularité, facilitant le positionnement TEXTE des Juliepassages. Ces accès se font rarement depuis la rue, une ruelle met à distance la rue passante de l'entrée du logement. Ceux ci s'imbriquent sur deux niveaux, parfois plus, et un recul à la rue au fur et à mesure de l’addition des logements, permet de dégager la rue d'un front bâti imposant. De même, en cœur d’îlot, ce recul par rapport aux passages permet une entrée de lumière en cœur d’îlot, sans que l'ombre portée des logements supérieurs n'empêche l’éclairage à tout les niveaux du bâti. Les logements donnant sur la rue, sont marqués d'un seuil de quelques marches, rattrapant ainsi la forte pente et permettant une mise à distance. Les logements sont pensés avec la pente, favorisant un accès différencié entre un logement en rez de chaussée et un logement à l'étage. Pensés en courbes de niveaux, ces logements engendre un jeu de hauteurs variables, permettant des accès entre les toitures, des passages, des passerelles pour relier le bâti. Au sud de l'îlot, du fait d'une topographie plus marquée, la densité est plus importante, et les logements s'imbriquent de manière contiguë. Ainsi, 54 logements composent cet îlot, de tailles similaires correspondant à 50 m². Coupe A A’ Coupe A A’

225


Une trame de 4 mètre par 5 mètre modulable

Grille

N

> Fig. 60 : Essai de grille individuelle de trame 5x6m sur l'ĂŽlot central. Application de la grille sur la topographie.



Circulation

Circulation



L’espace riche en appropriation

A

Un espace riche en appropriation

A’


La dernière trame résulte d'un quadrillage de 5 par 6 mètres, correspondant à la superficie de base d'un logement. Un mètre bordant de part et d'autre le module, permet une modularité et un ajustement entre TEXTE MARIA les logements, la topographie et les circulations. Ainsi, chaque module intègre sa circulation. En additionnant ce module sur l'ensemble de l'îlot -les rues servant d'alignement- les logements sont joints les uns aux autres, créant une nappe unie. De celle-ci est ensuite soustraite la trame de 1 mètre prévue à cet effet, pour effectuer les accès en cœur d’îlot. Les logements sont pensés deux par deux et relié par un patio, devenant une cour et un accès commun. Puis des escaliers situés en impasse au niveau du patio, donnent accès aux logements supérieurs. Depuis le haut de la rue, des passerelles offrent un accès aux logements par l'arrière. Ainsi, les circulations sont hiérarchisées, avec de large passage côté rue, pour aboutir sur une impasse au niveau du logement. Cela induit une ambiance de plus en plus intime, au fur et à mesure que l'habitant se rapproche de son habitation. Certains d'entre eux peuvent être agrandis au dessus des passages, créant des circulations couvertes. Les toits des logements supérieurs sont également pensés comme une extension possible du logement, ou comme un espace ouvert, profitant de ce privilège pour embrasser une vue sur le quartier. Lorsque la topographie est plus lâche et moins en pente, les logements ainsi alignés sur le même niveau ont une coursive longeant l'ensemble des habitations. Un front bâti marqué côté rue est engendré pas la superposition des modules en alignement à la rue, sans recul par rapport à celle ci. A contrario, des bâtis moins hauts en cœur d'îlot, laissent pénétrer la lumière dans chaque foyer. Finalement, sur cet îlot central, 72 modules permettent de loger 48 familles.

Coupe A A’

231


Une trame de 3.5 mètres par 7 mètres

Imbrication et densité

N

A

> Fig. 60 : Essai de grille individuelle de trame 5x6m sur l'îlot central. Application de la grille sur la topographie.

A’


Dans cet essai de trame, nous avons pensé un module dont sa largeur fait le double de sa longueur (3.5m X 7m) soit une surface de 24.5m². Cette dimension ne représente pas pour l’instant la surface d’un logement. Elle est inscrite dans un carré de 7 X 7. Ces blocs carrés sont également séparés par une marge de 1m. Ce décalage servira plus tard à créer une circulation horizontale (passage, venelle, …), ou à prolonger une seule largeur du module ; de 3.5 m à 4.5m, ce qui donne naissance à un second module (4.5m X 7m). La marge de 1m devient une venelle qui distribue les logements dans le sens transversal. Si non, l’accès se fait directement par le cœur d’ilot à travers des placettes, des rues ou des ruelles dans le sens longitudinal de la grille. Cette marge participe également à la subdivision Texte ghani de l’espace plein en unités d’habitations, ce qui crée un panel de surfaces de logements variées allant du 25m² au 73m² (3.5 x 7) (4.5 x 7) (7 x7) (7.5 x 7) (9 x 7),... Des habitations de tailles différentes correspondant à des profils de familles de composition distincte. La topographie de cette partie du site est assez important d’autant plus sur la partie Sud. Au départ, l’accès se faisait uniquement dans deux sens (longitudinal et transversal). Désormais, la différence de niveau nous permet également de rentrer par les principaux axes de circulation. La superposition des unités d’habitation par rapport à la topographie donne naissance aux terrasses. Des espaces extérieures orientés souvent vers le cœur d’ilot. Ces derniers ont aussi le rôle de créer un écart entre les deux faces de l’espace bâti. Un espace filtre permettant d’éviter les vis-à-vis entre logements et de créer un espace de respiration avec plus d’éclairage et plus de vie.

Coupe A A’

233 5



_La grille comme support au vide fédérateur de projet.

Comme il vient d'être démontré, ce vide est une donnée essentielle à mettre en avant dans le projet, puisqu’il est porteur de qualités spatiales, sociales et d'usages, propres aux habitants de Kuştepe. Il devient alors tisseur de liens entre les familles. Il est le lieu de rencontre entre les habitants, l'espace d'échanges et de relations sociales mais également un interstice appropriable, permettant une extension du logement. Cet espace extérieur est le support de dispositifs d'usages, apportant la fraîcheur et l'ombre d'une pergola dans la chaleur asphaltée de l'été ; une terrasse aux murets fleuris pour étendre son linge ou prendre un repas lors des saisons estivales ; un entre deux pour recevoir les voisins sans être au sein du logement. Pour révéler ces qualités spatiales, des relations sont esquissées entre différents nœuds d'interactions qui s'articulent dans un tout cohérent. Le vide engendre des circulations reliant les différents îlots entre eux, elles-même ponctuées de situations, c’est à dire de rencontres devenant des cœurs d'intérêts et d'interactions. Le croisement d'une rue offre d'autres passages et intersections, l'entre deux dessiné par une chicane insuffle une intimité, un isolement visuel et un ralentissement dans la déambulation ; la placette à la convergence de passages, venelles et ruelles est un lieu de rencontre, de proximité, où les habitants peuvent partager ou converser, un espace de pause et de respiration. Le belvédère est un point de repère et un lieu d'échappée visuelle; les venelles sont plus propices au mouvement et aux échanges plus succincts. La circulation rythme le mouvement en séquence par des espaces d'entre deux, des encorbellements, des dilatations... Elle relie l'ensemble du site, par différentes typologies de passage, allant de la rue à la venelle, accueillant ainsi des relations multiples. Ces interactions variées issus de différentes épaisseurs du vide, croisements, interstices, entre deux et ponctuations rythment l'espace. L'ensemble de ce vide tend alors à délimiter un bâti net engendré des usages extérieurs.

235


0

10

30 m

> Fig. 61 : La grille comme support du vide. Une grille qui ĂŠpouse la topographie.



Le vide Ă l'intersection des trames.



Le vide, lieu d'interactions sociales.



Le vide dessine le plein.



Une trame de murs porteurs induite de la grille.



Les murs secondaires, Murs Porteurs d'Usages, comme lien continu entre l'intĂŠrieur et l'extĂŠrieur.


Pour dessiner ce bâti, une trame régulière de 5 mètres par 6 mètres est appliquée sur l'ensemble du site. Cette grille s'organise selon l'alignement des rues et selon la topographie des quatre îlots. Elle épouse le terrain en respectant son contexte. Le vide apparaît à la rencontre des grilles. Cette nappe tramée permet de réguler et de dessiner le plein, dans une logique d'économie de moyens en rentabilisant la surface bâti, et permettre une densité par leur juxtaposition. Les logements s’articulent alors selon leur emplacement dans cette grille et la topographie correspondante. Apparaissent ainsi différentes appréhensions des logements selon leur emplacement dans le projet, qu’ils soient en cœur d’îlot ou alignés à la rue. Un logement en cœur d'îlot possède une intériorité et une ambiance de proximité avec les voisins. En effet, la famille habitant ce logement partage probablement une cour ou une terrasse avec une seconde famille voisine, le seuil d’entrée depuis un passage est marqué par un simple muret bas, tandis que pour les familles vivant dans un logement donnant sur la rue, profitent davantage des dispositifs de transition et de seuil pour permettre un recul avec le passant et le mouvement de la rue et bénéficier d’une qualité d’usage optimum. De plus, la trame permet de réguler les murs porteurs, qui se positionnent sur la trame des 6 mètres, perpendiculairement à la pente. Dans une pensée de rentabilisation de structure portante et d’espace intérieur, cette trame permet de limiter la quantité de murs porteurs et donc des coûts de matériaux utiles à sa mise en œuvre, tout en mettant à profit la surface intérieure du logement en comptant des murs moins épais pour la structure secondaire. Dans cette même logique, le même mur porteur devient également mur mitoyen entre deux logements. 247


0

10

30m


<

Fig. 62 : D'une trame régulière à une intervention organique. Représentation de l'étape d'esquisse.

> Fig. 62 : Perspective de l'îlot Belvédère. Des circulations et interstices aux qualités variées.


> Fig. 63 : Hiérarchie des circulations.

Un inventaires de circulations aux caractéristiques spécifiques.


Plein, vide et grilles issu d'une trame régulière permettent de produire un plan masse à l'apparence organique, bien qu'il est issu d'éléments mesurés. En cela, l'architecture produite est à la rencontre des usages des habitants et du relief caractéristique du site de Kuştepe. La relation à la ville est conservée grâce aux façades qui se font faces et l’alignement sur rue. Le bâti est orienté Est-Ouest, lui procurant une lumière agréable tout au long de la journée. Cette grille offre une diversité d'espaces, tout en donnant une dynamique au site par la richesse de ses détails, et générant un ensemble cohérent dans son hétérogénéité. Les espaces extérieurs sont mis en avant pour définir l'implantation du bâti, dessinant une imbrication de logements individuels suivant une topographie marquée et spécifique au lieu. Chaque logement s’articule avec l’espace extérieur, ce dernier est défini comme élément fédérateur du projet. Enfin, les circulations et les interstices aux qualités variées et l'appropriation diversifiée, sont issus du vide entre ce bâti. 251




> Recherche d'implantation adaptée pour la préservation d'une topographie singulière. (Page précédente) La période de recherche est une étape clé dans le processus de projet afin de parvenir à une hypothèse mesurée qui respecte la topographie existante et assure des espaces de qualité.

Afin de créer un projet adapté au lieu et respectant son contexte urbain et topographique, différentes contraintes ont été posées en amont. Cela a permis d'axer le travail sur ce qui semble primordial pour ancrer le projet dans sa réalité et assurer sa viabilité. Puisque ce projet est pensé tel une alternative aux actuelles constructions des grands ensembles de l’institution gouvernementale TOKI sur l’ensemble du territoire turc, la première contrainte posée est celle du respect de la topographie - rappelons alors notre critique de la mise en œuvre de TOKI, élevant des immeubles sur des terrassements défigurant le paysage urbain. Une deuxième contrainte de hauteur maximum du bâti apparaît alors dans la suite de notre critique des tours de logements. Ainsi le bâti sera érigé selon une hauteur constante pour conserver un ensoleillement dans chaque logement, et s'intégrer dans le contexte existant. Nous avons également posé le parti pris de conserver les rues et circulations existantes sont conservées,servant alors de support pour orienter le bâti. En cela, le projet conserve le découpage des îlots et du tissu urbain, préservant ainsi les traces historiques de la mise en place du quartier, avec notamment la rue principale à l'Ouest, qui a été la première rue du quartier, suivi de la rue secondaire entre l'îlot La Scène et La Belvédère, qui a dès le début contribué à irriguer le secteur. Par la suite, les qualités spatiales et les dispositifs relevés sur le site aujourd'hui, sont conservés dans leurs usages et adaptés au projet. Finalement, sachant que nous souhaitons permettre l’accession des familles actuelles à chacun de ces logements, la contrainte de l'économie de moyens est une valeur inéluctable. Pour ce faire, l’économie de la construction est atteinte par le processus participatif d’auto-finition, une simplicité de mise en œuvre, et des modules tramés correspondant à une systématisation des éléments de projet.


III.2. D E S O U T I L S S Y S T É M AT I Q U E S D E P R O J E T P O U R U N H A B I TAT SUR MESURE

255



_Les combinaisons du carré allongé pour différentes typologies.

La trame de 5mx6m régulant le plein à l'échelle du site, définit également un logement de base de 30 m². On retrouve donc cet outil de la grille à l’échelle du logement, pour créer une variété de typologies, allant de 30 m² à 75 m², issu d'un assemblage de cette même trame subdivisée en 2m par 2,5m. Ce carré allongé permet alors de composer un panel de logements aux tailles variées, pouvant accueillir 2 à 6 personnes, selon les besoins et la taille de la famille.

> Fig. 64 : Le carré allongé, une trame à l'échelle du logement.

257


> Figure 65 : Processus de composition du logement.

La conception du logement a lieu par étapes afin d'assurer la qualité optimum des espaces intérieurs aux mesures minimales. Ici, trois typologies, de 40m2, 50m2 et 60m2 sont présentées un 40m2, un 50m2.


_Le processus de composition du logement Les murs porteurs, positionnés tous les 6 mètres, permettent un système constructif régulier et une économie de la structure portante. Ces deux façades parallèles sont en briques Mono'mur de 37,5 centimètres d'épaisseur, avec une finition enduite couleur blanc perlé. La structure secondaire, quant à elle devient porteuse d’usages. Nous parlerons de Murs-Fils, comme lien entre l’intérieur et l’extérieur et porteurs des éléments appropriables, tel du mobilier ou une continuité du bâti créant un espace particulier, tel un seuil, ou un interstice ombragé. Ces murs sont en briques et font 23 centimètres d'épaisseur. Les murs comme premier élément positionné, permettent de placer les ouvertures. Ces fenêtres, composées d’un élément auto portant, sont structurellement autonomes permettant ainsi un dimensionnement adapté à l'usage de la pièce, mais également à son positionnement précis là où la lumière doit arriver, sans tenir compte des logements inférieurs ou supérieurs et de leurs ouvertures. Cela permet donc une plus grande flexibilité et une meilleure adaptation de la lumière selon l'usage. Les ouvertures sur les murs porteurs sont limitées au maximum, favorisant une lumière Est-Ouest, en façades secondaires. Cette entrée de lumière induit le positionnement de la cellule humide au sein du logement, et organise l'ensemble des pièces intérieures, par ses usages et ses circulations. Ce noyau technique comprend la cuisine et son point d'eau et la salle de bain. Il est placé de manière à optimiser l'espace et l'arrivée de lumière, et délimite l'espace jour de l'espace nuit. Pour ce fait, cet élément humide présente trois attitudes possibles. Soit il est en bande, le long d’un mur borgne ou semi enterré, permettant tout de même une ouverture en hauteur, pour un apport minimum de lumière et la ventilation. Cette situation a pour but de conserver le reste de l'espace lumineux pour les pièces de jours. La cellule humide peut également, être placée au centre du logement, séparant les pièces de nuits des pièces de jours, auquel cas, deux attitudes sont possibles : elle peut être traversée-traversante ou contournée.

259


> Figure 66 : Des logements pensés dans une économie d'espaces et de moyens. Les logements de Kustepe offrent des qualités spatiales optimisée par la systématisation de mesures minimales acceptables du mobilier intérieur


Dans le cas du noyau traversé, la cuisine et la salle de bains sont séparées par une circulation jouant le rôle de transition entre l’espace jour et l’espace nuit. Enfin, concernant le schéma de contournement du noyau, la cuisine et la salle de bains se juxtaposent et sont respectivement orientées vers l’espace jour et l’espace nuit. Le contournement ici aussi fait office de transition entre les pièces de vie et les pièces du couché. Dans une quatrième étape de la composition du logement, les fenêtres sont ajustées pour apporter la lumière nécessaire en fonction de la pièce et de son usage. Un ratio de 1/8 d'entrée de lumière par rapport à la superficie de la pièce est respecté pour chaque logement. Finalement, un Neufert intérieur du gecekondu organise le reste du logement, par des dimensions minimales acceptables du mobilier et des éléments constituant la séparation des pièces. Chaque logement est organisé de façon minimum dans un souci d'économie d'espaces et de moyens, tout en offrant une qualité spatiale optimisée.

_ Des mesures minimales, les Neuferts du Gecekondu. Pour chaque logement, meubles et circulations sont dimensionnés en vue d’une optimisation maximum de l’espace intérieur. Par exemple, des passages de 70 centimètres sont prévus pour une circulation fluide entre deux pièces, et de 60 centimètres entre les mobiliers situés dans une sphère de repos et où le mouvement n'est pas de mise. C'est le cas par exemple entre un lit et une armoire, où l'habitant, à l’heure du couché, passe par cet espace d’une marche lente et détendue. De même autour de la table de la cuisine ou du mobilier du salon, où l'habitant utilise cet espace lors de temps de pause. Ainsi, chaque pièce est dimensionnée par son mobilier, selon un inventaire précis. ( cf neufert intérieur)

261


Neufert du Gecekondu Porte intérieure:

Porte coulissante:

PASSAGE

Porte d’entrée:

CUISINE

90 Plan de travail:

Evier:

Placard:

200 - 300

90

60 - 180 60

60

Meuble étagère:

SEJOUR

50

Fauteuil:

40

Table basse:

60 40-250

80

40

Distance autour du lit:

200

270

300

160

SALLE DE BAIN

40

40 60

Lit double:

CHAMBRE

70

70

70

Lavabo:

Douche:

80

Toilette:

45

70 80

> Figure 67 : Neufert du mobilier intérieur.

50

Des dimensions minimums pour une optimisation maximum de l'espace intérieur.

65


Passage entre objets

Passage dans une pièce

60

Passage principale

90

70

Table 6 personnes:

Table 4 personnes:

160

120

80

Canapé 3 places:

Canapé 2 places:

200

140 80

Lit simple:

Placard/penderie:

60 200 60-250 90


45m2

30m2

40

50m2

0

45m2

> Fig. 68 : Un panel de logements multiples et variés.

Ici sont représentés une sélection du panel global (cf : Inventaire des logements, annexes, p.339)


75m2

60m2



< Fig. 69 : Neufert de

dispositifs extérieurs Les dispositifs de murets pour un accompagnement dans la déambulation et favoriser l'appropriation.

Les murs secondaires, Murs Porteurs d’Usages, relient l’espace intérieur et extérieur par les dispositifs qui en découlent. Tous suivent alors des mesures minimums et correspondantes. En effet, la banquette en bois du salon correspond au banc en extérieur, composé d’une planche en bois sur des supports en briques. La composition variée de ce Murs Porteurs d’Usages, permet d'organiser l'espace extérieur, en offrant différentes prises pour l'usager, tout en restant mesuré et adapté à celui-ci. L’ensemble de ces dispositifs extérieurs correspondent eux aussi à des dimensions systématiques, pensées dans leurs usages par un Neufert extérieur du Gecekondu. Les dispositifs de murets permettent de hiérarchiser l’espace partagé, d’accompagner la déambulation des habitants, et de favoriser l’appropriation de l’espace. Des dispositifs de murets particuliers sont mis en place en cœur d’îlot. Par un assemblage de briques, les hauteurs définissent les usages spécifiques de ces lieux de vies. Les murets de base, d’une hauteur de 50cm, accompagnent la circulation et servent de support pour les variantes des autres dispositifs. Le muret garde corps, de 1 mètre, permet de protéger les usagers entre les différences paliers, et délimite les espaces partagés. Le muret banc, de 60 centimètres, permet un double usage. Il sépare et organise les espaces tout en permettant aux usagers de stopper leur déambulation et s'y arrêter le temps d'une flânerie ou de discussion entre voisins. Le muret de seuil, quant à lui, ne suit pas le même assemblage au vue de ses dimensions plus restreintes : 60 centimètres de long par 30 centimètres de haut. Celui ci permet d'accompagner l’usager à l’entrée de son logement, et une évolution plus fluide depuis l’espace partagé à l’espace privé. On le retrouve aussi bien en cœur d’îlot que sur la rue. L’espace partagé en extérieur est propice à la rencontre, de par ses dispositifs d’assises. Des bancs de briques et de bois sont disposés de part et d’autres dans l’espace de déambulation entre les logements, sur des socles en briques à une hauteur de 60cm. 267



< Fig. 69 : Neufert de

dispositifs extérieurs Les dispositifs d'assises et dispositifs de seuils.

Un assemblage de briques en boutisses participe également à la hiérarchisation des espaces privées et partagés, créant un seuil d’entrée dans le logement par une marche de 25 centimètres de haut. Pour favoriser l’appropriation de l’espace, ou en raison du niveau du logement en rapport à la rue, ce seuil d’entrée peut s’étendre sur toute la longueur du logement, favorisant l’appropriation de l’habitant de cet espace jouxtant son logement. En dupliquant ce système de seuil apparaît alors quelques marches indispensables à l’accès au logement dans le cas d'une implantation dans la pente. L’accompagnement de l’espace partagé à l’espace privé peut également être généré par la mise en place de dispositifs de protections. Dans les venelles ou passages étroits, un auvent en bois de 65 centimètres de long est mis en place au dessus de la porte d'entrée permettant l’extension de son espace privé sur l’extérieur. Il permet également de protéger l’habitant de la pluie ou du soleil. Dans les espaces moins restreints, tels que les terrasses ou paliers de niveau, qu’ils soient privés ou publics, une pergola en bois délimite un espace de protection plus large propice à la rencontre et au partage. Cette structure bois, pouvant s’étendre jusqu’à 3 mètres, apporte un espace ombragé par des plantes grimpantes recouvrant la pergola. 269



< Fig. 69 : Neufert de

dispositifs extérieurs Les dispositifs de protection.

Ce mobilier dépend du statut de l’espace dans lequel il se situe. En effet, quatre circulations différentes peuvent être définies au sein du projet. La rue, entre 3 et 8 mètres de largeur, est une zone de mouvement intense et de passage, qui est à l'échelle du quartier. C'est ici que se retrouvent les murets qui accompagnent les seuils d'entrées, les auvents, et les seuils marqués de quelques marches. Un trottoir reconnaissable par son traitement au sol différent de la rue, longe celle ci de part et d'autres. La placette, quant à elle, plus étendue de 2 à 6m et entourée de bâti est un lieu d'action. En effet, c'est un nœud important pour la rencontre et l'échange, un interstice généreux et propice à une multitude d'appropriations. C'est là notamment que se trouve les bancs de brique et de bois, une végétation soit dans les murets-pots de fleurs soit à même la terre, ou encore une pergola selon l’étendue et la localisation de la place définissant son usage. La ruelle, de 1 à 2 mètres de large, est généralement bordée de bâti et de murs soutenant les niveaux, offrant ainsi un passage bordé d’élévations de 1,90 mètres minimum de haut -comprenant la courbe de niveau et le muret garde corps. Cet entre deux plus intime, apparaît comme une transition liant deux espaces distincts, plus propice au mouvement et au passage du piétons qu’à l’arrêt. La venelle, caractérisée par son étroitesse de 1 mètre, est bordée de logement. La vue depuis celle ci offre un cadrage précis entre les deux fronts bâtis. Elle apparaît exclusivement tel un lieu de passage. On ne retrouvera pas de mobiliers extérieurs dans ce type de circulation, si ce n’est uniquement, le jeu de persiennes, de superposition de débords de toitures et l'appropriation des parapets. 271


> Figure 70 : Neufert des circulations.



Un pannel aux couleurs tziganes

> Figure 71 : Un panel aux couleurs tziganes.

> Figure 72 : Des façades rythmée aux couleurs de Kuştepe.


Les dimensions variées des passages induisent une appropriation spécifique au lieu, par des dispositif adaptés à l'espace. Ainsi, dans la rue Yıldız Sokak -entre La Scène et le Belvédère- la fréquentation des passants induit une attitude de projet adaptée à ce flux quotidien. Les entrées sont rythmées de seuil s'adaptant à la topographie et créant une mise à distance avec les passants. Ils sont longés de muret, guidant l'habitant dans cet interstice entre le logement et la rue. Outre ces entrées particulières aux rues passantes, les façades sont rythmées de fenêtres colorées, à l'image de la culture singulière des habitants tziganes de ce quartier. Les ouvertures marquent des séquences animées dans la déambulation du quartier. Persiennes et volets deviennent aussi un repère temporel au fil de la journée, qui séquence d'avantage les façades, selon si ils sont ouverts, fermés, ou entre ouvert. Ces fenêtres aux dimensions variées, sont peintes de diverses couleurs pour créer une dynamique à la façade. En effet, elles sont inspirés des couleurs vives remarquable sur le site, reflet de l'origine tzigane des habitants. De même que pour les Neuferts intérieurs et extérieurs, l’ensemble de ces éléments permettent de composer la façade de façon aléatoire, tout en suivant un inventaire précis.

0

1

2

5m

275


> Figure 73 : Neufert des fenĂŞtres (Pages suivantes)


_ Un panel de fenêtres à quatre modules.

Quatre dimensions de fenêtres permettent d'organiser les ouvertures. De largeur similaire – 90 centimètres- elles sont différentes par leurs hauteurs. Celle-ci varie entre 50, 90 et 130 centimètres. La fenêtre de 50 centimètres de haut correspond à la fenêtre de salle de bain. En effet, lors que la pièce ne permet pas d'avoir une fenêtre de 90 centimètres de haut, cette petite ouverture concède une aération et ventilation minimum à la pièce. En combinant deux fenêtres de 90 par 90 centimètres, on obtient un assemblage de 180 centimètres de haut, correspondant à la plus grande fenêtre possible. Dans ce dernier cas, la fenêtre en haut – a 110 centimètres du sol- est à un battant, et celle inférieure est fixe. Pour les autres fenêtres, elles sont toutes ouvrables par un battant. Bien que le panel de fenêtres soit restreint à quatre dimensions, leurs assemblages donnent lieu à de nombreuses possibilités.

A ces fenêtres mesurées, correspondent un volet en bois de la même dimension que la fenêtre. Ainsi, tout les volets sont de 90 centimètres de larges, sauf pour la plus petite fenêtre, qui ne comprend pas de volet. Il est en effet inutile puisque cette ouverture est située en hauteur, sans vis a vis possible avec l'extérieur. Les volets constitués d'un battant, sont ouvrables également par un système de persiennes. Cela explique la double menuiserie visible. En position ouvertes, ces persiennes filtrent la lumière et permettent une ambiance tempérée au sein du logement. De plus, elles occasionnent un filtre visuelle, notamment pour les espaces situés en rez de chaussée -souhaitant d'une grande intimité. Lorsque le volet est fermé, il fait parti intégrante du panneau. De même couleurs, pour ne pas rompre le rythme vertical, ils dessinent un ensemble uni. Les fenêtres et volets s’intègrent dans la façade grâce à un système de panneau autoportant composé de deux chaînages verticaux. 277


Un panel de fenĂŞtres.


Un panel de volets correspondants.


Les ouvertures tel un seul et même système autoportant.


VariĂŠtĂŠs de positions des volets.


IntĂŠgration des panneaux auto portants dans le mur en briques.


Composition par assemblages de deux ouvertures.


Composition des différents éléments de façade.



_Un panneau autoportant Ce panneau autoportant permet de placer chaque fenêtre de manière adapté et sans contrainte, à la pièce qu'elle éclaire. En effet, ces ouvertures autonomes non pas besoin de respecter un alignement de linteau. Ainsi, les panneaux placées sur les murs secondaires en briques, sont espacés d'une largeur de fenêtre au minimum, pour permettre au volet de se rabattre sur la façade. Entre deux chaînages verticaux, ce panneau en ossature bois s'étend sur toute la façade du logement, entre les deux chaînages horizontaux de la dalle et du toit. Ainsi, en rez de chaussée, cet ensemble fait 2,60 mètres et sous le toit, il est de 2,10 mètres. Ces ouvertures sont limitées en nombres sur les murs porteurs, mais se déploie généreusement sur le mur porteur d'usage. Ce mur secondaire fait la relation entre l'intérieur et l'extérieur. Il est fait d'un assemblage de brique de 5x 11 x 22 centimètres. 286


_ Les détails constructifs L'appareillage se fait par des briques disposés en carreau -superposé dans l'épaisseur de 5 centimètres et la hauteur de 11 centimètres. La rangée en carreau est dupliquée pour créer un mur de 11 centimètres d'épaisseur, et après chaque rangée montées verticalement, l'assemblage s'alterne par des briques disposés en panneresse -c'est-àdire dans l'épaisseur du 11 centimètres et la hauteur du 5 centimètres, et servant d'assise par ces briques horizontales. L'ensemble est lié par un joint de 1 centimètre entre les briques, avec les joints horizontaux qui liaisonnent verticalement le mur, et les joints verticaux qui liaisonnent les briques d'une même assise. Les semelles de fondations sont filantes, situées sous les murs porteurs tout les six mètres, avec une semelle intermédiaire entre les deux, permettant de consolider l'ensemble. Le soubassement permet de rehausser les briques et évité que l'eau ne détériore la brique en sa base. Les toitures terrasse sont accessibles, et sont de 33 cm d'épaisseur, tandis qu'une dalle normale entre deux niveaux par exemple est de 23 cm. Une légère pente sur ces toitures permettent d'évacuer l'eau par un chéneau. La finition de la terrasse est en gravier. Le mur en brique est visible depuis l'extérieur, et en intérieur il est recouvert d'une isolation thermique de 10 centimètres et d'une finition. (cf mur brique détail). Au niveau de la toiture, ce mur non porteur se termine par un chaînage horizontale, permettant de maintenir le niveau et éviter qu'il ne sorte sur l'extérieur. Cela sert également de panne sablière. La toiture en tuile mécanique possède un débord d'une trentaine de centimètre, et un chéneau permet de récupéré et évacué les eaux de pluie dans les cuves de stockage (chaque cuve contenant 10 000L). La charpente est composée d'une succession de pannes espacées tout les 1,80 mètres, et les chevrons fixés dessus sont placés tout les 60 centimètres. 287


Localisation des détails sur la façade Localisation des détails sur la façade

Assemblage et coupe de la toiture Assemblage et coupe de la toiture

Panneau autoportant

Dalle entre deux niveaux

Fondation

1/50 1/50

0

1

> Fig. 74 : Détails techniques. Localisation des détails sur façade.

2m

Panneau autoportant

0

Dalle entre d

Toit terrasse accessible

1

2m


Coupe et assemblage dans un logement Exemple sur logement de 6m dans x 5m un logement Coupe etunassemblage Exemple sur un logement de 6m x 5m Tuile de rive Tuile de rive

Tuile plate (26 x 43.3) Tuile plate (26 x 43.3)

Panne (10x22) Panne (10x22)

180

Chevron (6x8) Chevron (6x8)

180

Chaînage horizontale Chaînage horizontale Mur double en brique (11 x 22 x 5.5) Mur double en brique (11 x 22 x 5.5) Mur porteur en brique Mono’mur Mur (27.5porteur x 37.5 xen 21.2) brique Mono’mur (27.5 x 37.5 x 21.2)

Coupe d'assemblage d'un logement de 30m2.

0

50

100 cm

0

50

100 cm

Liaison entre débord de toit et mur en brique Liaison entre débord de toit et mur en brique Couverture en tuile plate (26 x43.3 cm) Couverture en tuile plate (26 x43.3 cm) Lattes Lattes Contre-latte Tuile de pied à bord recourbé Contre-latte Chevron Tuile de pied à bord recourbé Chevron Planche de rive Planche de rive Chaînage Chaînage Pare pluie Pare Isolant thermique depluie 10 cm Isolant thermique devapeur 10 cm Pare Pare vapeur Finition Finition

Laison entre le débord de toit et le mur en briques.

0

10

20

50 cm

0

10

20

50 cm


Couvertine

Etanchéité (2 cm)

Acrotère

Gravillon ( 3 cm) Trop plein avec grille en amont

Isolation en plaque ( 8cm ) Chape (pente 2%)

Grillage avec finition crépis

Dalle avec entrevous en polystyrène

Chaînage

Pare vapeur

Pare vapeur Pare pluie

Finition

Brique 5x11x22

Finition carrelage

Dalle avec entrevous en polystyrène

Chaînage

Pare vapeur

Isolant thermique de 10 cm

0 Coupe détails d'une toiture terrasse accessible et de dalle entre deux niveaux.

10

20

50 cm


Panneau autoportant pour fenêtre et détails des fondations

Isolant thermique de 10 cm

Chaînage horizontal

Grillage avec finition crépis

Lisse haute

Isolant thermique Panneau contreventement OSB 20 mm

Pare vapeur

Panneau autoportant

Linteau

Traverse haute

Dormant Traverse haute de l’ouvrant

Double vitrage

Appui de fenêtre aluminium Traverse basse

Pare vapeur Lisse basse Soubassement (23 cm de largeur) Finition carrelage Isolant thermique Etanchéité

Dallage + chape

Gravier

Drain

Hérisson

Fondation Semelle filante béton 0 Coupe détails du panneau auto-portant des ouvertures et détails de fondation.

10

20

50 cm


Ces différents systèmes de mesures minimales, représentés par les différents Neuferts du gecekondu, fonctionnent dans une composition d'ensemble à l'échelle du site du Kustepe. Bien que ces nomenclatures définissent un inventaire précis, semblant presque rigide, des éléments du projet, c’est par leur composition aléatoire et variée que ressort une multitude d’espaces et d’usages possibles. Chaque espace est alors pensé et composé selon un lieu, son environnement bâti et sa circulation existante, ce qui lui confère une richesse d'appropriation. Partant alors d’une pensée de systématisation des éléments, le projet apparait organique mais pourtant suit une trame régulière à l’échelle du site jusqu’aux dimensions des détails.


III.3. UNE

HYPOTHÈSE DE MISE A P P L I C AT I O N A K U S T E P E

EN

293


294


< Fig. 75 : Plan de localisation des extraits.

Un extrait entre les différents îlots -allant du belvédère à en Catimini en passant par la Scène- permet d'illustrer les différents outils systématiques mis en place, et d'en comprendre les usages qui en ressortent. Puisque la topographie mais également le contexte urbain varient -rue principale, passante ou secondaire- chaque espace engendré est unique et différenciable des autres, avec ses caractéristiques, ses ambiances propres et sa variété d'usages.

_ Le Mur Porteur d’Usages, support d’un cadre de vie quotidien Dans le premier extrait, différentes appropriations sont possibles notamment grâce aux murets délimitant les paliers, et les seuils d'entrées sont peu marqués, du fait du caractère intime du cœur d'îlot. " Les percées visuelles entre les différents logements imbriqués, désenclavent ce cœur d'îlot, pour l'ouvrir sur son contexte environnant. L'animation de la rue en arrière-plan défile en séquence, pourtant, une ambiance d'intimité entre voisins de la Scène en émane. Des murets structurent le terrassement entre chaque courbe de niveaux, permettant de créer une limite entre certains logements, ou encore une appropriation généreuse adaptée aux besoins de chacun. Ces mêmes murets servent d'assise autour de la placette, par cet élément horizontal en bois jointé au muret de brique. Ce banc apprécié des flâneurs, offre un point de vue en retrait de la placette vivante. Ce muret se décline en composant un bac à fleur grâce à la dilatation en son extrémité haute, hébergeant ainsi un élément végétal. Cette haie basse, dont l'enracinement des plantes est faible - on prendra pour exemple les plantes grasses - , délimite un espace intime à l'échelle des quelques logements alentours. Ce filtre visuel, conserve l'intériorité du lieu. Finalement, un muret de maçonnerie simple -sans agrément- permet une limite physique servant de garde-corps aux plus hasardeux, tout en conservant la perméabilité du regard. Celui-ci peut filer sur le niveau inférieur, invitant à l'échange entre deux usagers de niveaux différents. L'un en surplomb est adossé au muret, tandis que le second lui rappelle quelques souvenirs passés. Leurs familles sont ici depuis plusieurs générations, alors des liens se sont tissés ! Ce simple appareillage devient créateur de lien social entre résidents. La placette, dessinée par les logements alentour, est une respiration, un endroit de rencontre à la croisée d'un passage, d'une ruelle ou d'une venelle. Il est un palier dans 295



< Fig. 76 : Plan masse

<

Appropriation des coeur d'îlots.

Fig. 77 : Coupe en coeur d'îlot La Scène.

l'interstice du vide, un lieu d’intensité d'usage variable. Les portes d'entrées longeant les ruelles les plus passantes, sont surmontées d'un auvent de bois et de tuile. Cet interstice rappelle la gradation d'intimité entre l'espace extérieur et intérieur. Parfois, lorsque l'espace de la ruelle est assez généreux, un muret bas accompagne l'entrée, souvent agrémentés d'un patchwork d'objets ! Les fenêtres des logements, protégées de la chaleur d'été par des persiennes en bois, rythment les façades de couleurs, participant à l'animation de l'espace. L'été, lorsqu'il fait très chaud, les volets sont fermés pour conserver la fraîcheur dans le logement, mais la lumière pénètre tout de même, par ces persiennes entre ouvertes. La brise courant dans les venelles, entre dans le logement par ces lattes ajourées. Derrière sa persienne, cet homme entrevoit l'ambiance extérieure des courageux venus se retrouver. Pourtant, personne ne semble voir ce guetteur ! Lorsque la température devient plus clémente, les volets s'ouvrent, rythmant les façades de tons colorés et variés. Elles ne sont points alignées les une au dessus des autres, conférant cette allure chaotique. Pourtant, de cette cacophonie colorée, émane un apaisement et une simplicité. Sur le parapet devant la fenêtre entre ouverte, se mêlent différentes babioles. Ce logement est occupé ! "







< < <

Fig. 78 : Plan d'un extrait de l'îlôt La Scène. (Page 298)

Fig. 79 : Atmosphère en coeur d'îlot La Scène. (Page 290) Fig. 80 : Plan Masse, rapport à la rue Ayazma Sokak.

_ Mise à distance et relation à la rue Le second extrait se situe entre l'îlot La Scène et Le Belvédère, et montre la relation adoptée avec la rue, entre le passant et l'habitant.

< Fig. 81 : Coupe

" Une mise à distance se profile naturellement entre la rue et les logements, le passant et l'habitant. Le seuil d'entrée devant le logement, de quelques marches en brique seulement, est accompagné d'un petit muret bas. Il indique l'entrée dans une sphère intime qu'est le logement. Ce muret de brique beige légèrement orangé, permet d’accueillir quelques objets marquant l'appropriation de cette maison. Sur celui-là sont posés quelques pots de fleur dépareillés, sur celui-ci quelques accessoires récupérés à droite à gauche, probablement d'un enfant stockant ses trésors découverts à travers les ruelles... Un auvent surplombant la porte, recouvert de tuiles orangées, permet de protéger lors d'une averse estivale, l'habitant trop pressé cherchant dans ses poches sa clé de porte, tout en participant au marquage du seuil. Depuis ce seuil quelque peu surélevé par rapport à la rue, c'est un espace particulier, un entre-deux entre la rue commune aux usagers et le logement intime de l'habitant. Cet interstice est la continuité de l'extérieur, accompagnant l'usager à l'intérieur de chez soi, dans une transition douce des espaces, tel un intervalle entre deux sphères déterminés. Le trottoir de la rue est au même niveau que celle-ci. Seul un revêtement plus granuleux indique la place du piéton et de la voiture."

sur la rue Ayazma Sokak

303







<

Fig. 82 : Plan d'un extrait de la rue Ayazma Sokak (Page 304)

<

Fig. 83 : Atmosphère dans la rue entre l'îlot Belvédère et l'îlot de la Scène. (Page 306)

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Fig. 84 : Plan Masse d'un extrait de l'îlot Belvédère.

_ Des vides propices au mouvement, à la respiration et à la rencontre. Dans le troisième extrait (cf îlot Belvédère, rue / placette et shop), la rue en contre bas donne accès aux différents passages, menant en cœur d’îlot, où se déclinent cour, place et commerce.

<

Fig. 85 : Coupe sur la placette de l'îlot Belvédère.

" Depuis la rue, en montant quelques marches, l'espace se dilate pour laisser entrevoir le site en amont. Un promontoire se dessine, marquant l'entrée d'une habitation. Dans cette cour, une pergola de bois est fleurie de glycines, à l'odeur envoûtante. Les propriétaires sont là, assis au coin d'une table aménagée, profitant de la fraîcheur ombragée. En s’engouffrant d'avantage en cœur d’îlot, une seconde volée de marches mène au palier supérieur. La ruelle se divise. D'un côté, une venelle entre couverte des débordantes toitures de tuiles, invite à profiter de sa fraîcheur. De l'autre côté, la ruelle se ressert pour former un passage de quelques mètres de large. En continuant cette ascension, les usages varient selon les habitants. Finalement, une place arborée offre un espace de divertissement et de rassemblement. Quelques bancs de brique et de bois longent les murets des paliers supérieurs. Un point d'eau créé la joie des plus jeunes, comme des plus grands, qui y trouvent en ce divertissement, un bonheur enfantin à s'arroser les uns les autres ! Ce point d'eau, issu de l'eau de pluie récoltée par de grandes cuves, permet à certains d'arroser leurs plantes, à d'autre le nettoyage d'un seuil ou d'un tapis et d'autre de s'y rafraîchir librement. Au bout d'un passage aux dilatations variées, un commerçant profite de l'espace devant sa vitrine pour y étaler ses marchandises. Cet espace extérieur permet une extension de sa boutique. Quelques mètres plus loin, se termine cette imbrication de maisons surplombées d'un belvédère. Ce point de vue embrassant l'ensemble du site, offre un panorama sur Kustepe. Les logements s'imbriquent en contre bas, la mosquée en face dessine la « skyline » du quartier, le café sur la rue principale fourmille d'habitués, en face duquel se situe une salle polyvalente, bassins d'eaux et jardins potagers. " 309







0


0

0,5 1

2m


<

Fig. 86 : Plan de la Placette de l'îlot Belvédère. (Page 310)

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Fig. 87 : Plan de point de repère de l'ïlot Belvédère (Page

312)

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Fig. 88 : Atmosphère sur la place de l'épicier de Kuştepe

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Fig. 89 : Coupe en coeur de l'îlot de la Scène.

Les différentes interstices de rencontres articulent l'espace et permettent de générer des liens sociaux variés. Les logements s'étendent sur l’extérieur, grâce aux pergolas, murets, seuil et autres dispositifs qui découlent des murs secondaires, dans une même matérialité de brique et de bois. Si l'ensemble paraît uniforme, l'assemblage reste spécifique selon la structure et la liaison entre les éléments.





CONCLUSION.

Dans la complexité urbaine stambouliote, l'étude du parc immobilier apparaît comme prétexte afin de requestionner le processus de penser la ville tentaculaire. Dans cette ville-territoire, le projet de reconstruction, à Kuştepe, d'un habitat populaire, économe et pensé avec les modes d'habiter de ses habitants se propose en alternative au Tabula Rasa actuel des quartiers spontanés d'Istanbul. Dans un premier temps, cette étude a eu pour objectif de révéler les potentiels d'usages présents dans les gecekondu et leurs impacts sur la conception architecturale. Le gecekondu se pose comme point central de ce projet et comme ressource, riche en qualités d'usages et révélatrice d'une culture d'habiter. La compréhension du fonctionnement de ces habitats est un point d'appui à de nombreuses réflexions, qu'elles soient, sociales, politiques ou architecturales. Les quartiers informels apparaissent comme des interstices, aujourd'hui problématiques de la ville d'Istanbul. Des morceaux de ville auxquels il est important de proposer des alternatives de renouvellement face aux politiques actuelles qui les rejettent. Par le développement d'une méthode singulière, le projet permet aussi de mener une réflexion à l'échelle du quartier pour repenser la ville. La contrainte de la préservation des traces présentes de la ville et du territoire a porté le projet dès le début. Elle a pour ambition d'atteindre à minima la topographie et les voiries existantes. L'hypothèse proposée se dessine selon sa valeur contextuelle et sa valeur de démarche. Plus qu'un projet, l'étude propose le développement d'une méthode pour penser la ville par ses délaissés et réinterroge le processus de projet. La démarche in-situ a nourri une lecture sociale et spatiale du contexte en convoquant des outils spécifiques et différents. Les rencontres et les échanges avec les habitants du quartier de Kuştepe ont constitué une première lecture du quartier en mettant en avant des modes de vie aux habitudes singulières, c'est à dire une culture d'habiter propre à cette

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communauté. L'analyse contextuelle alimentée par le relevé, le croquis ou la photographie a aidé à comprendre la traduction spatiale de cette culture d'habiter caractéristique, à l'échelle de l'habitat. Ces premières lectures de Kuştepe, en plus de dresser un état des lieux, ont permis d'enclencher une réflexion à l'échelle du logement. La topographie particulière du site a enclenché la réflexion sur l'imbrication des habitats entre eux, puisque l'essentiel de la vie du quartier et ses diverses qualités constituant Kuştepe se trouvent en dehors des habitats, à la lisère de l'espace partagé du quartier et l'intimité du logement. Dès le départ le projet avait la volonté de s'inscrire dans un tissu urbain dense, au sein d'un quartier informel au contexte socio-économique compliqué. Ces gecekondu n'ont, aujourd'hui, aucune légitimité à exister selon les autorités. Ce projet a pour ambition première de démontrer la qualités de vie qu'engendrent ces habitats informels. Pour inscrire ce questionnement dans son contexte immédiat, et proposer une densité mesurée et viable, le développement d'une boîte à outils singulière a été une étape essentielle dans l'avancement du projet. Le premier outil qu'a été la grille pensée avec la topographie particulière du site a permis d'organiser le vide fédérateur du bâti. En ce sens, la grille n'apparaît plus comme un instrument figeant le territoire mais permet une multitude d'articulations qui laissent place à des situations. La constitution de différents Neufert a été une étape supplémentaire déterminante dans l'évaluation des proportions du projet. A l'image de la poupée russe, ces valeur minimales définies ont permis, pas à pas, de dessiner le projet dans son ensemble. En parallèle, pour proposer une projet économe, simple à mettre en œuvre, le dessin de détails techniques et le choix des matérialités ont participé de la richesse du projet. Enfin, c'est la mise à profit de la base de donnée constituée lors de l'analyse in-situ, combinée à la mise en application des différents outils développés qui ont menés à la dernière étape du projet. Le choix de combiner le vide à une mise en application systématique mais particulière des éléments développés dans l'étude, a permis au projet d'exister dans sa volumétrie ainsi que dans ces usages. Cette démarche méthodique a facilité la mise en relation des différents principes constituant le projet et replace l'habitant au cœur de l'architecture et dans son futur cadre de vie.

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La boîte à outil développée tout au long de cette étude apparaît comme un véritable moteur pour penser le projet. En empruntant certains de ces outils, le processus de projet établi peut être décliné à l'échelle du territoire et s'appliquer à d'autres quartiers spontanés d'Istanbul. Cependant, les analyses contextuelles et sociales varient selon les sites. Selon l'origine des habitants les usages diffèrent également. Les mesures et les proportions des interventions varient donc selon la base de données constituée par les lectures complémentaires in-situ tout en suivant un même processus de développement du projet et une manière de penser la ville. Aujourd'hui, face au renouvellement du parc immobilier stambouliote, le paysage urbain est en constante déformation et la destruction de l'environnement aux périphéries d'Istanbul a atteint un point de nonretour. Ces nouveaux projets ignorant leurs contextes et les personnes pour qui ils sont construits n'apportent aucune qualité architecturale à la ville. Le rapport d'un projet à son contexte, son intégration aussi bien urbaine que sociale sont autant de gages d'une qualité architecturale perdue dans les nouveaux projet stambouliotes. Replacer l'homme au cœur de chaque projet, en accordant une attention à ces usages, à ces manières de vivre et en lui laissant la possibilité d'aménager soi-même certains espaces sont autant d'éléments à reconsidérer dans la pensée de l'architecture.

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REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier tout particulièrement Ayşegül Cankat pour son attention, ses nombreux temps d'échanges, ses conseils et ses connaissances. Merci aussi de nous avoir fait partager ce cadre unique de Pencere, si propice à la réflexion. Un grand merci à Partick Thépot et Luna d'Emilio pour leur pédagogie et leurs compétences tout au long de ce PFE. Merci à Françoise Véry et France-Laure Labeuuw pour leurs interventions ponctuelles et pertinentes. Merci à Sinan Logie, Yasemin Alkişer et JeanFrançois Pérouse de nous avoir accordé le temps de quelques discussions à Istanbul lors de notre voyage d'étude ; Erdoğan Solmaz, Mehmet Akin et Jesus Bergua pour leurs accueils des plus chaleureux sur place. Nous souhaitons remercier plus spécialement Hazem Hafez pour nous avoir accompagné lors de nos visites et ses moments précieux de traduction. Merci également à Sinem Boyacı pour son accompagnement tout au long du projet et ses retours critiques et enrichissants.

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COMPLÉMENTS AU PROJET.

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0

10

20

40m


_Ruissellement et récupération des eaux pluviales.

Sept cuves sont réparties dans l'ensemble du site, positionnées à des altitudes différentes. D'une capacité de 10 000 litres chacune, elles permettent de stocker les eaux de pluies récupérées des toitures. Ainsi, avec un pluviométrie de 652,8 millimètres par an, cela permet de stocker 70 000 litres d'eau, correspondant à un litre d'eau par famille par jour. Il s'agit donc d'un agrément pour ces habitants, pour arroser un pot de fleurs, ou se rafraîchir lors de temps chaud ! Un maillage à l'échelle du site, basé sur l'ensemble des chéneaux et gouttières, permet d'acheminer les eaux de pluies jusqu'au cuves. Ensuite, un système de trop plein entre les différentes citernes, sert à répartir et conserver au maximum l'eau récoltée. Ainsi, lorsqu'il pleut, les eaux des toitures en amont du site, se déversent dans la cuve en contrebas, qui elle même se déverse dans la suivante, et ce jusqu'au bas du site, où une noue paysagère récupère les eaux de surplus. Cette zone humide est un espace d'agrément, où la végétation orne le bas du site, à côté de la salle polyvalente.

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_Phasage du projet et processus de relogement temporaire.

Un phasage pensé en différents temps permet la mise en place du projet sur l'ensemble du site. En premier lieu, une salle est construite sur le bas du site, à côté de La Scène et du Belvédère. Des logements démontables et éphémères sont positionnés sur sa toiture, pouvant ainsi héberger seize familles. Cette structure préfabriquée est montée in situ. La salle en rez de chaussée accueil les pièces communes, telles les sanitaires ou les cuisines. Cette salle est positionnée sur la zone du gecekondu où le moins de logement est détruit. Dans un second temps l'îlot Nord de la Scène où seize familles habitent, est démolie. Vingt quatre logements sont placés sur ce terrain plat. Ainsi, il y a huit logements construits en suppléments, pour accueillir les famille de l'îlot Belvédère. En effet, dans un troisième temps, le Nord de l’îlot Belvédère – où les premières fondations seront construitescomprenant vingt deux familles, est remplacé par vingt trois logements. Dans chaque étape, ce principe de « reloger, loger » est appliqué. Il se résume à choisir la partie du site où il existe le moins de gecekondu pour construire un maximum d’habitations. L’ensemble de ses opérations se réparties sur six périodes. Enfin, une fois le chantier achevé, les logements éphémères surplombant le toit de la salle polyvalente sont démontés. La salle polyvalente devient alors un espace de rencontres et d’événements pour les habitants de kustepe, tel les nombreuses festivités issu de leurs coutumes. Elle offre également un accès à la culture,grâce a un programme monté en collaboration avec -par exemple- l'association Projects abroad. Divers bénévoles de différents pays, partagent leurs temps pour apporter de la culture en échangent d'un hébergement.

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Temps 1

Temps 2

Temps 3

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Temps 4

Temps 5

Temps 6

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335


* ISLAM, T. (pas de date). « Tarlabasi », Istanbul. * KANIPAK, o. (nov. 2009). « Déchiffrement Istanbul. », Istanbul. * KEES C., MICHAELI, M et RIENIETS, T. (Nov. 2009). « Spatial Dynamics d’Istanbul. » * KEYDER, C. (mars 2005). « Globalisation and social exclusion in Istanbul », Article apparu dans: International journal of urbain and regional research, Blackwell publishing, vol 29.1. USA. * MARCoU, J. (13 Juillet 2010). « Sixième Forum Social Europpéen à Istanbul : Baska bir dunya mumkun ! », Istanbul. * PéRoUSE, JF. (2004). « les tribulations du terme gecekondu (194720014) : une lente perte de substance. », European Journal of Turkish studies, Janvier 2004, online since 17 Juin 2009. * PéRoUSE, JF. « Destructing the gecekondu », European Journal of Turkish Studies, online since 17 juin 2009. * PéRoUSE, Jean-François. « Istanbul, dans la méditerranée à l’heure de la métropolisation », pp.113. Article tiré de l’ouvrage de : Nicolas Douay. (2009). La Méditerranée à l’heure de la métropolisation, éditeur oTM (observatoire des territoires et de la métropolisation dans l’espace méditerranéen), février 2009, 226 p. * PéRoUSE, JF. « Istanbul city of profit and city of fear… ». “Istanbul 2010 conference lecture” Berlin. 5p. * PéRoUSE, JF. (2005). « Les compétences des acteurs dans les microsmobilisations habitantes à Istanbul », pp.127-146p article paru en 2014 sur https://www.academia.edu/4783743/Les_comp%C3%A9tences_ des_acteurs_dans_les_micro-mobilisations_habitantes_%C3%A0_ Istanbul * PERoUSE JF, « Istanbul’s land wall or an impossible urban memory » publié sous “La muraille terrestre d’Istanbul ou l’impossible mémoire urbaine”, dans In rives nord-méditerranéennes. (2003). n°16, 2003, pp. 27-44.

336


* PERoUSE JF, Lettre d’Istanbul. (2001). « Au-dessous du stade olympique en construction, le quartier d’Ayazma chronique d’une mort évitable ». Article tiré de la revue : Mediterraneans-Méditerranéennes, Paris, n°12, octobre 2001, pp.320-323 * UNLU-YUCESoY, E et GUVENç, M. (Nov. 2009). Espace urbains dans et autour de Istanbul, Istanbul. * UzNUCARSILI BAYASAL Cihan, CABANNES Yves, « Politique nationales vs droit au logement. Leçon d’Istanbul » article tiré de Cités, territoires, gouvernance, pour une transition vers des territoires et des sociétés durables, La Collection Passerelle de la Coredem (Communauté des sites de REssources documentaire pour une Démocratie Mondiale) (2012). consulté sur http://www.citego.info/?Politique-nationales-vs-droit-au * YILDIRIM, AYLIN, B. (pas de date). “in_formal_Istanbul: potential of the Gecekondu and alternatives to redevelopment in the case of Karanfilkoy”, Harvard university, USA.

_ Revues * Les dossiers de l’IFEA, en collaboration avec S.Gangloff. (octobre 2001). « La présence roumaine à Istanbul. Une chronique de l’éphémère et de l’invisible » [en ligne], N°8, pp.47 paru sur : http://ifea-istanbul.net, consulté en janvier 2014. * Kit karlsruher institute de technologie. (2012). « anstitute entwerfen von Stadt und landschaft, pp.90. Urban Design Studio stba Chair for Urban Design and Planning KIT University Karlsruhe

_ Thèses et mémoires * CANKAT AyşegÜl. (2011), « Istanbul multiple: empreintes architecturales et urbaines des communautés, du XIXe au milieu du XXe siècle, thèse de doctorat en histoire de l’art, Sous la direction de Dominique Poulot, Paris.

337


* NAGY, K. (2013). « Istanbul: from humanity to urbanity » chapitre 2, site+ building morphologie. Thèse de recherche. * RoBIN, C. (2012/2013). « le relogement des habitants à BeşibÜyÜk : impact des politiques globales sur les situations locales. », Mémoire master séminaire Atlas des villes, ENSAPM. Dirigé par Attali, J. * THANG, M. (2010/2012). « La ville spontanée : la recherché sur les Gecekondu à Istanbul.» Mémoire pour DSA-Architecture et projet urbain, ENSA Paris-Belleville. Dirigé par Grillet-Aubert, A.

_Sites internet * Atelier solidaire (Dayanismaci atolye) : http://www.dayanismaciatolye. org, consulté en janvier 2015. * European Journal of Turkish Studies. http://ejts.revues.org, consulté en mars 2015. * http://www.ifea-istanbul.net/dossiers_ifea/Bulten_13.pdf, consulté en février 2015. * http://sehirrehberi.ibb.gov.tr/map.aspx beledeyesi). consulté en juin 2015.

(Istanbul

bÜyÜk

şehir

* http://megaprojeleristanbul.com/ (Mega Istanbul SMD). consulté en juin 2015. * http://www.superpool.org/ (Superpool) consulté en mai 2015. * http://reclaimistanbul.com/ (Crime against the city, méga projects, news, plans, urban transformation, vidéos,..). consulté en mai 2015. * http://www.iett.gov.tr/ (transport en commun à Istanbul). consulté en juin 2015.

338


_Entretiens * ALKISER Yasemin, professeur à l’université technique d’Istanbul, à la faculté d’architecture, à Istanbul en février 2015. * LoGIE Sinan, architecte et artiste belgo-turque installé à Istanbul, à Istanbul en février 2015. *PERoUSE Jean François, directeur de l'Institut Français d'Etudes Anatoliennes à Istanbul en février 2015. _ Vidéos *EKÜMENoPoLIS de Ucu olmayan Şehir (2012), consulté sur https://www. youtube.com/watch?v=maEcPKBXV0M en décembre 2014.

339



ANNEXES.

Aides à la réflexion et compléments d'analyse.

341


Le rapport intĂŠrieur/extĂŠrieur des gecekondu selon la topographie .

342


_Comparaison des qualitĂŠs spatiales et d'usages entre les tours de logements toKi et les geCeKondu.

343


Analyse des espaces 0

5

10m

Espace en plus (couvert, ouvert) Jardin Cour

Connection des espaces

Espace fermĂŠ

Statut des espaces.

344


_Comparaison des qualités spatiales et d'usages entre les tours de logements toKi et les geCeKondu. Analyse de deux gecekondu morphologie différentes aux caractéristiques similaires Accès par la rue

Accès par des escaliers

Logements

Accès Limite

Rapport à l’extérieur

Rapport à l’intérieur

Appropriation de la rue

Continuité avec la cour

Rue Cour Jardin

Comparaison des espaces extérieurs de deux gecekondu selon le contexte topographique.

345


Analyse d’un Toki

Plan d’un étage de Toki, avec quatre appartements Appartement type

Analyse de tours de logements TOKI, rapport à l'espace public et processus de multiplication d'un appartemetn type.

346


_Comparaison des qualités spatiales et d'usages entre les tours de logements toKi et les geCeKondu.

Plan d’un appartement de 206 m²

Plan d’un appartement de 115 m²

0

1

2

4m

Organisation intérieures d'appartement type.

347


Comparaison de gecekondu et de Toki

Toki

Tissu urbain

Gecekondu

Quadrillé Linéaire

Balcon à l’étage

La cour en continuité avec le jardin

Rez de chaussé vide d’appropriation

Elevation

Espace vert important

Espace extérieur

Cour et jardin

Informel Sans limite franche

Organisation spatiale autour de l’espace extérieur = qualité de vie Organisation organique

Dirigé par le gouvernement Logements accessibles par emprunts Uniformisation = perte d’identité Pas de relation avec l’environnement

Tableau comparatif des gecekondu et tours de logements Toki.

348

Notion clé

Origine rurale


_Comparaison des qualitĂŠs spatiales et d'usages entre les tours de logements toKi et les geCeKondu.

Gecekondu

T Toki

Comparaison d'emprise au sol.

349


Tertiaire 350

Culture et ĂŠducation

Indus


strie

_ConteXte urBain de Kustepe

Transport

Site de projet 351


352


_Croquis et releves du site de Kustepe

353


N

Analyse de Kuştepe

Plan masse d’un extrait

B’

B

A A’

Gradation de seuil

354


_analyse du geCeKondu de Kustepe apres visite in situ.

Analyse de Kuştepe

0

5

10m

N

Coupe AA’

Coupe BB’

355


356


_analyse du geCeKondu de sirintepe apres visite in situ.

Analyse de Ĺžirentepe

N

Plan masse d’un extrait

Gradation de seuil

Coupe

357


358


_analyse des dispositifs spatiauX et marqueurs d'usages a Kustepe

Porte

Accès et escalier

Marqueur d’usage Seuil Rangement et stockage Limite et protection ( auvent, muret...)

Poêle à bois

Végétation

359


5 360


361


362


_analyse des dispositifs spatiauX et marqueurs d'usages a sirintepe

Porte

Accès et escalier

Marqueur d’usage Seuil Rangement et stockage Limite et protection ( auvent, muret...)

Cheminée

Végétation

363


364


365


RelevĂŠ des courbes de niveaux

RelevĂŠs des courbes de niveaux.

366


Croquis d’étude sur la grille de l’îlot central _Croquis d'esquisse a partir de la trame 5x6m

Recherche d'implantation du bâti de l'îlot central.

367


Croquis d’étude sur la grille de l’îlot Ouest

Recherche d'implantation du bâti des îlots ouest.

368


Croquis d’étude sur la grille de l’îlot Est

_Croquis d'esquisse a partir de la trame 5x6m

Recherche d'implantation du bâti de l'îlot est.

369


40

0

30m2

40

35

50 0

30m

50m2

2

55

45m2

55m2 45

45m2

60m2

50m2

65 50

50m2

370

60m2


_panel de logements

60m2

60m2

60m2

60m2

65

60m

2

75

75m2

371


372


_Course du soleil a Kustepe

373


374


_etude de referenCe d'haBitat evolutif, prĂŠvi

375


LEXIQUES. _terminologies * Alévi : L'alévisme est une branche de l'islam chiite fortement implantée en Turquie. Cette minorité religieuse au mode de vie libéral, dans un pays majoritairement sunnite, a souvent été victime de massacres et d'exactions qui jalonnent l'histoire de la Turquie moderne et est encore persécutée aujourd'hui du fait du conflit entre les chiites les sunnites. Culture d'habiter : Des usages et des modes de vie spécifiques émanent selon les origines des personnes mais aussi de l'environnement, du cadre de vie dans lequel ces personnes habitent. Les différentes habitudes du quotidien génèrent également des espaces particuliers. Tous ces éléments combinés constituent une culture d'habiter. * Densité : La densité est un terme complexe, qui se définit de différentes manière selon les points de vues. En effet, l'architecte et l'urbaniste définissent la densité comme une qualité positive, synonyme de voisinage, de mixité et comme étant une solution pour le développement des villes, notamment pour palier à l'étalement urbain. Le maître d'ouvrage, entend par densité, une donnée objective informant de la capacité du foncier à accueillir un programme. L'élu perçoit ce terme comme un instrument de contrôle des fonctions urbaines ou indicateurs de saturation de l'espace. Dans ce mémoire, cette notion à une dimension quantitative avec un rapport entre la surface et le logement, définissable par le le Coefficient d'Occupation des Sols, ainsi qu'une dimension qualitative avec la création de nouveaux modes de vies générant des cadres de vie singuliers, avec des notions telles que le voisinage, la proximité, la mixité. * Élément : On définit un élément tout dispositif physique ou végétal marquant l’appropriation de l’habitant sur l’extérieur de son logement tel un banc, un pot de fleur, un auvent ou un espace de stockage * Événement/situation : On définit un événement ou une situation comme l'interaction de l'homme avec les éléments.

376


* Gecekondu : Emprunté au turc, ce mot est toujours utilisé au singulier dans ce mémoire. (pl. gecekonduler) * Kurde :Le peuple kurde appartient au rameau iranien de la grande famille des peuples indo-européens. En 1925, le pays des Kurdes, connu depuis le XIIème siècle sous le nom de "Kurdistan", s'est trouvé partagé entre 4 États: Turquie, Iran, Irak et Syrie. La minorité kurde représente une part importante de la société turque, près de 20% population du pays. Privés de leur autonomie culturelle, un conflit sévère s'est instauré entre les autorité turques, ne reconnaissant pas un Kurdistan libre, et les indépendantistes kurdes de Turquie. http://www.institutkurde.org/institut/qui_sont_les_kurdes.php * Kuştepe : Le nom du site de projet traduit du turc signifie « La colline aux oiseaux ». Dans cette étude le nom de Kuştepe s'applique au quartier informel. * Neufert : Le Neufert, établi par l'architecte allemand Ernst Neufert (1900-1986) dans son ouvrage Neufert - Les éléments des projets de construction répertorie des milliers d'éléments de base cotés et fournit des plans types utilisés par tous les concepteurs pour débuter un projet de construction, notamment sur l'architecture écologique, les économies d'énergie, les constructions parasismiques ou encore la prévention incendie. Dans cette mémoire, le Neufert, inspiré de l'ouvrage de Ernst Neufert se définit par les différents inventaires : intérieurs, extérieurs, de fenêtre, de volets établis par des mesures minimales en réponse à la question de l'économie de moyens. * Quartier spontané/informel :Ces quartiers se définissent comme des quartiers non-planifiés apparus dans les années 1945 à Istanbul suite au développement industriel de la ville et l'apparition de l'habitat informel, le gecekondu. * Tzigane : On définit le peuple Tzigane comme un peuple originaire de l'Inde, présent en Europe depuis le début des temps modernes et menant une existence nomade (http://www.cnrtl.fr/lexicographie/tzigane) L'origine des habitants du gecekondu de Kuştepe n'est cependant pas

377


précisément connue et souvent ces familles sont sédentarisées depuis plusieurs générations. Néanmoins, on définira dans cette étude, les habitants du quartier spontané de Kuştepe comme étant des Tziganes, descendants des familles des grandes migrations du Nord-Ouest de l'Inde jusqu'aux pays du Moyen-Orient. _sigles * AKP (Adalet ve Kalkınma Partisi) : L'AKP est le Parti de la Justice et du Développement, fondé dans les années 1970 par Recep Tayyip Erdoğan actuel président de la Turquie. *IBB (İstanbul Büyükşehir Belediyesi ) : trad.lit. Municipalité Métropolitaine d'Istanbul. * KİPTAŞ (İstanbul Konut İmar Plan Sanayi ve Ticaret) : KİPTAŞ est une société de développement de plans de logements, d'industrie et du commerce d4istanbul et fait partie de la Municipalité Métropolitaine d'Istanbul (IBB). * TOKİ (Toplu Konut Indaresi) : L'Administration turque du développement de l'habitat collectif de masse.

378



0

5

N

10m

e la rue dastrales

Sensation d’invitation et rejet en déambulant la rue

Le muret délimite les espaces et permet l’échange

Accès privés souvent en second plan de la rue

A

A’ 0

5

10m

KAGITHANE

SISLI

La végétation permet des espaces intimes

Des articulations rythmant l’espace, ponctuer de situation

132 m 73 m

0m

SUCCINCT

corridor humide zone industrielle

gecekondu

logements

Nurtepe

Entrée couverte en contre bas

logements

corridor financier commercial

Pleins

Gürsel

classe moyenne

classe moyenne

classe moyenne basse

Tumultueux / vie de quartier / confluence / animation / çay / commerce

Izzetpasa Küstepe

Mecidiyeköy Esentepe

Sisli

Zincir

Construction informelle

Entrée

Construction formelle

DISTANT

Choix de gecekondu

DÉAMBULATION

Point de repère / passage vie de quartier confluence

Conv n ersation nv Rencontre / convergence regroupement Mutation cour / pièce en plus / stockage Extension Articulation Interface Voisinage / proximité / musique Contigu Entredeux / passage jonction / cohésion Entre deux Passage couvert / entrée commune (linge étendu) appropriation

0

2

4

8km

Transition intersection Cour / intime Rassemblement entre voisin rue

ASCENSION

ENCHAINEMENT CONTIGU

Relation Abouchement / cohésion mise en relation / étroit

cour / rencontre / lieu de stockage escalier couvert lieu d’appropriation (linges) cour / rencontre Cour sans vis à vis accès / espace en plus l’été

IMBRICATION

Cour couverte / pièce en plus rencontre entre voisin de palier

ENCHEVÊTREMENT

Passage couvert Rencontre dans l’escalier zone ombragée Cour utilisée entre voisin salon extérieur

Seuil imposant

1- Vue sur la mo

Catalca

Eyup

Sile

Sariyer

Arnavutkoy

Beykoz

Silivri Cekmekoy Sultangazi Pendik

Basaksehir

Gebze

Sancaktepe

Buyukcekmece

Istanbul

Tuzla Dilovasi Cayirova district

0

5

10

20km

2- Vue depuis le

3- Vue depuis la


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