UN CAFÉ SOLO FrédÉric armspach
UN CAFÉ SOLO FrédÉric armspach
poèmes et dessins / Poemas y dibujos
Nous ne voyons pas le monde tel qu’il est mais tel que nous sommes. Emmanuel Kant
Un café solo Depuis mon adolescence, j’arpente les cafés. C’est mon refuge. J’y reste souvent des heures. Certaines fois, je vais dans plusieurs cafés dans la même journée. Autrefois je donnais les dessins. J’espérais ainsi rompre la solitude, recevoir un avis. Maintenant, je ne sors pas mon cahier tout de suite. J’observe beaucoup sans dessiner. Je fais même en sorte que l’on m’oublie. Je suis le plus discret possible. Je disparais peu à peu. J’aime beaucoup les cafés populaires où le temps semble s’être arrêté. Je vais aussi dans certains hôtels. J’observe des ambiances, des états, la solitude. Pendant quelques minutes, pendant plusieurs heures. Je me fonds dans l’atmosphère, puis en quelques traits, je dessine ces âmes dont je croise la route. Autrefois je voyais souvent des pauvres types, des alcooliques, des gens qui n’avaient pas de vie, des gens seuls et tristes.
Aujourd’hui je sais que ce regard-là est celui d’un prisonnier, enfermé dans son propre jugement. Quand je vois ainsi alors je respire profondément. Je repère les tensions dans mon corps et je me détends.* Peu à peu je me laisse attendrir : un autre moi-même est là devant moi. Alors seulement, la main prend le verre, le manteau se plisse. L’homme lève le pied, baisse la tête. Et il n’y a plus que des formes. Incroyablement savoureuses. Il semble même que de nouvelles formes plus essentielles encore apparaissent. C’est assez dur à décrire. C’est comme si de nouvelles formes contenues dans les premières surgissaient peu à peu, et se substituant au contour, laissaient apparaître l’essence des choses et des êtres. Et c’est jubilatoire. Ce projet est un aide-mémoire pour me souvenir de la magie de ces moments et pour profiter de la beauté des uns et des autres. La poésie a semblé être la forme la plus propice pour transcrire les états de paix et de tendresse qui m’ont traversés. Osons prendre le temps pour créer et partager…
UN CAFÉ SOLO
Je suis le voyageur
Qui, sans quitter sa place, Observe le serveur Sillonner les espaces.
Yo soy el viajero
Que, sin cambiar de lugar, Observa al camarero El espacio surcar.
Que d’allers et retours
De chemins parcourus De bien curieux détours Sans être secourus.
Tantas idas y vueltas
Por muy extrañas vías, Tantos giros y metas, Sin apenas una guía.
Parfaites ou difformes,
Moi je cherche à connaître Le secret de ces formes Qui me font disparaître.
Perfectas o deformes,
Lo que busco es conocer El secreto de las formas En que desaparecer.
Et les regards de peintre
Sont des regards sans mots, De doux états intenses Où le silence en roi Uni l’oeil à l’objet Comme deux vieux jumeaux. L’on peut même palper Le présent qui s’accroît.
La mirada del pintor,
Mirada sin palabras, Es un intenso viaje Donde el silencio en alza Une el ojo al objeto En una antigua alianza. Casi se puede palpar El instante llegar.
Dans chaque solitude
On lit la même histoire : La vilaine habitude Accoudée au comptoir.
En cada soledad
Siempre la misma historia: Una vieja costumbre Anclada en la memoria.
Lorsque je te regarde
J’écoute dans mon corps Les douleurs que tu gardes Dans un secret accord.
Si mis ojos te miran
Escucho en mi cuerpo Tus dolores que gritan En un acorde secreto.
Si du fond de mon cœur
J’observe l’émotion, Je deviens spectateur Des moindres sensations.
Si desde mi alma
Observo la emoción, Percibo con calma La menor sensación.
Quand je fais attention
A ce qui me traverse, Je vois que l’émotion Passe comme l’averse.
Si presto atención
A lo que me atraviesa, Veo que la emoción Como la lluvia cesa.